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II. Varia

Se mettre à l’œuvre: Trois incipit de fantasy française

Adrien Rosescu

Résumé

Le propos de cet article est d’étudier trois incipit de fantasy francophone issus des œuvres de Justine Niogret, Stefan Platteau et Jean-Philippe Jaworski en les envisageant plus spécifiquement dans une modalité de mouvement. Nous verrons que les univers de ces trois auteurs se dévoilent toutefois au lecteur en suivant des types de déplacement bien distincts, qu’il s’agisse d’une émergence progressive concernant Les Sentiers des astres de Platteau, d’une immersion tant géographique que psychologique dans « Mauvaise donne » de Jaworski, ou encore d’un brusque demi-tour savamment orchestré par Niogret dans Chien du heaume. Durant notre analyse, nous tâcherons aussi de porter une attention toute particulière à l’emploi des topoï dans ces incipit, tels que ceux du seuil, de l’éveil, du regard et de la violence dès l’orée du texte.

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Mots-clés :

fantasy, incipit, mondes
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Texte intégral

  • 1 Stefan Platteau, Les Sentiers des astres, tome 1 : Manesh, Bordeaux, Les Moutons électriques, « La (...)

1Cet article se propose de mener l’étude de trois incipit des romans de trois auteurs francophones, Stefan Platteau, Jean-Philippe Jaworski, Justine Niogret1. A chaque fois un premier pas est posé en terre doublement inconnue pour le lecteur : d’abord parce que les trois extraits ici choisis proviennent systématiquement du premier ouvrage de fiction publié par ces écrivains ; ensuite parce qu’il s’agit de fantasy, et donc que les univers où ils nous invitent diffèrent du nôtre.

2Deux objectifs seront visés par ce bref panorama des incipit de fantasy francophone. Premièrement, tâcher de mettre en lumière les enjeux littéraires propres à chacun de ces textes, mais aussi, dans une perspective plus comparatiste, poser une question d’ensemble : l’incipit de fantasy est-il mouvement ? Il s’agira ici de montrer que le commencement d’une œuvre peut aussi s’envisager en tant que déplacement.

  • 2 Andrea Del Lungo, L’Incipit romanesque, Paris, Seuil, 2003, p. 33.

3Une définition de référence, celle d’Andrea Del Lungo dans L’incipit romanesque, nous servira d’appui : « L’incipit constitue ainsi le point d’entrée dans l’univers romanesque, un seuil ouvert sur un territoire imaginaire et ignoré du lecteur, qui ne peut que chercher dans le début les repères nécessaires à sa propre exploration.2 »

4

5Franchissons désormais les portes de papier.

Analyses

Stefan Platteau, Manesh

Le dit de Fintan Calathynn – 1

Le vieux Framar s’échappe de ses songes.

Serpent languide, il s’étire dans son lit de terre froide. Peu à peu se réchauffent ses entrailles engourdies ; son échine fourmille de craquements.

Au-dessus de lui, le ciel a basculé, évacuant les étoiles, alors le vieux Framar sait que le temps est venu. Il inspire, bande son souffle, brise le sortilège et lance ses bras argentés à travers le Vyanthryr, sur des milles et des milles de forêt boréale.

Dans un silence immuable s’écoulent ses eaux ; on pourrait entendre respirer les arbres.

Ainsi débute mon chant : par l’éveil du fleuve à la fissure de l’hiver. Des morceaux de glace se détachent de ses berges, ses flots se gonflent du produit de la fonte, sa panse s’arrondit et devient navigable. Et, tandis qu’il chevauche le Nord, la forêt tout entière reprend vie. Des ombres muettes se préparent à ranimer leurs vieilles chasses, les esprits prisonniers de la terre gelée s’en échappent en sifflant pour sinuer le long des racines.

Puis un certain jour de printemps, le Vieux fleuve s’avise de nous offrir un présent.

Aux premières brumes matinales, il charrie dans ses doigts glacés un homme aux jambes brisées qui dérive, fiévreux, sur un entrelacs de branches au milieu du courant.

Bien que le ciel soit clair, il est encore très tôt. Dans ce pays, en cette saison, la nuit ne fait qu’effleurer vos paupières, à peine un battement d’heures. Sur la grande gabarre amarrée à la rive, tout le monde est encore endormi, à l’exception de Varagwynn le batelier qui, comme toujours, promène ses insomnies sur le pont.

C’est donc lui qui le voit venir en premier.

C’est un spectacle étrange, un présent très incongru. Vautré sur une fourche de bois blanc, le blessé est sans connaissance. Ses vêtements flottent autour de lui, en lambeaux ; son visage est couvert de sang séché, au point que, de loin, il apparait noirci et craquelé comme le trognon d’un brûlé.

Lorsqu’il est certain de ce que ses yeux voient venir, Varagwynn hulule ce cri qui nous tire du sommeil, un long appel vibrant de marinier. Puis, sans attendre, il se noue une corde autour de la taille et il saute par-dessus bord.

  • 3 Stefan Plateau, Les Sentiers des astres, tome 1 : Manesh, Paris, J’ai Lu, 2016, pp. 9-10.

Je me hâte d’endosser ma longue cape rapiécée et d’émerger de la tente de fortune qui nous sert de dortoir, à l’arrière du bateau. […]3

Et au début coulait un fleuve

6Le Framar est un personnage à part entière et majeur dans l’œuvre, comme le prouvent les nombreuses personnifications évoquant par exemple ses « entrailles », son « échine », « ses doigts glacés ». Mais ce cours d’eau est aussi métaphore du cours du récit à venir : en cela, il possède une indéniable fonction programmatique. D’autant que Les Sentiers des astres est un récit-fleuve justement, qui comporte pour l’heure quatre tomes durant lesquels les protagonistes remontent ce cours d’eau.

7Il prend sans doute sa source dans celles des influences majeures de Stefan Platteau, mêlant entre autres les mythologies hindoue et celte, comme il l’évoque dans une interview pour Elbakin en 20144. Concernant la première, il existe sept cours d’eau sacrés dans l’hindouisme : citons le Gange, l’Indus, ou encore la Sarasvati, cours d’eau mythique décrit comme le plus beau de tous par le Rig-Véda. Si le Gange est tenu pour avoir des vertus purificatrices, le lecteur est en droit de se demander si ce blessé charrié par le Framar en sortira aussi pur que le croyant hindou. Du moins le lien entre lui et la divinité est-il prégnant dès l’orée du texte : l’homme s’inscrit dans le sillage d’un Moïse sauvé des eaux du Nil par la fille de Pharaon, son futur ennemi, tout comme lui recueilli par la gabarre du roi Rana. Or la suite nous apprendra que celui que l’on nommera le Bâtard provient justement du camp ennemi.

  • 5 Les citations de Stefan Platteau que nous reproduisons ici sont issues d’un entretien donné à ActuS (...)

8Quant à l’influence celtique, l’on peut penser à Sequana, la déesse gauloise de la Seine, vénérée notamment par les Lingons, et à qui l’on prêtait des vertus de guérison. Là aussi le Bâtard hérite de ce topos de l’eau qui soigne puisque ses blessures, pourtant graves, se refermeront durant la suite du récit. Plus prosaïquement, c’est en étudiant « la navigation fluviale traditionnelle, en particulier la marine de Loire5 » que Stefan Platteau a pu concevoir cette longue remontée du Framar.

L’inconnu du Framar

  • 6 Dan Simmons, Le Styx coule à l'envers, Paris, Denoël, coll. « Présences », 1997.

9Progressivement se déploie l’image du fleuve enceint, prêt à perdre les eaux et à accoucher des péripéties à venir : « ses flots se gonflent du produit de sa fonte, sa panse s’arrondit ». Le Framar semble alors un Styx de fantasy qui, pour paraphraser Dan Simmons, coule à l’envers6 et ramène un homme à moitié mort au reste des vivants.

  • 7 Caroline Lepage, « Les débuts hors la norme : étude de 5 cas », Crisol, série numérique – 14, p. 2 (...)

10Celui-ci est évidemment nommé par périphrases : « un présent », « un homme aux jambes brisées », puis « le blessé ». L’article indéfini est donc abandonné lorsque la vision se précise, de même qu’il sera ensuite nommé « Le Bâtard » dès lors que son récit se déploiera, avant de prendre pleinement son nom, pour mieux le donner à l’œuvre éponyme : « Manesh ». L’homme est un mystère qui se dévoile petit à petit, caractéristique de ce type d’incipit progressif7.

  • 8 Andrea Del Lungo, L’incipit romanesque, op. cit., pp. 80-102.
  • 9 « [En parlant d'un végétal, de la nature, etc.] Qui a retrouvé sa verdure, sa verdeur. », https://w (...)

11Topos évoqué par Del Lungo dans L’Incipit romanesque : celui du réveil8. Et celui-ci est l’un des plus à même de porter la dimension progressive à l’œuvre dans l’incipit des Sentiers des astres. Si son isotopie irrigue tout le passage – « s’échappe de ses songes », « ranimer », « tire du sommeil » –, c’est à la succession de réveils distincts qu’il convient d’être le plus attentif. C’est d’abord le fleuve qui s’éveille, puis « la forêt tout entière » au printemps, pleine d’une reverdie9 qui n’apporte pas l’amour mais la presque mort.

12Quant au personnage évoqué ensuite, Varagwynn, celui qui justement « promène ses insomnies », il présente un autre topos de l’incipit selon Del Lungo : celui du regard. Il n’est donc pas étonnant que le lecteur voie d’abord par les yeux du batelier, qui n’est certes pas grand guerrier mais possède la meilleure vue de tout l’équipage. Il est le premier homme qui « voit venir » le blessé, donc le récit. Puis apparaît enfin le « je » du narrateur homodiégétique, Fintan, suivi de près dans son réveil par ses « compagnons […] hébétés » que l’on découvrira lors des lignes qui suivent.

13L’éveil à l’œuvre suit donc ce schéma : fleuve, nature entière, Varagwynn, Fintan narrateur, puis l’ensemble de la compagnie, que l’on devine déjà ici par le pronom « nous ». Evidemment, ce « nous » convie aussi le lecteur, qu’une adresse à un narrataire fictif englobait déjà : « la nuit ne fait qu’effleurer vos paupières ». C’est donc toute une communauté du récit qui émerge autour de cet élément perturbateur, l’inconnu du Framar. Et la « corde » que le courageux batelier utilise pour le ramener apparaît alors comme métaphore de ce qui nous relie au récit à venir.

Ça va barder !

14Ce premier chapitre se présente comme « Le dit de Fintan Calathynn ». Or un « dit » est, selon le CNRTL, un « récit à caractère narratif », et plus spécifiquement un « synonyme de poème » durant le Moyen Âge10. Il convient donc de porter une attention toute particulière à la poéticité et la musicalité de cet incipit. Sans compter que Stefan Platteau est lui-même musicien, et aime mettre en voix des textes qui sont donc taillés pour l’oralité. Le premier narrateur, Fintan, est justement un barde, comme une projection de l’auteur au sein de son récit. Platteau s’inspire de « l’art des skaldes [poètes scandinaves traditionnels] et des aèdes », et notamment du « Kalevala finnois, dont les vers sont d’une incroyable richesse lexicale et d’une très grande musicalité.11 »

  • 12 Ibid.

Il poursuit à ce sujet : « Je me relis régulièrement à voix haute ; autant que possible, j’aime que mon texte tombe bien en bouche, qu’il puisse passer pour de la poésie orale. […] cette musicalité est essentielle dans la poésie épique !12 ». C’est ainsi que l’on découvre que la toute première phrase des Sentiers des astres est un décasyllabe dont la césure vient se placer assez traditionnellement après la quatrième syllabe : « Le vieux Framar / s’échappe de ses songes. » Notons d’ailleurs que, suivant la prononciation ou non des e muets en fin de mot, la fin de ce paragraphe-prologue peut aussi se lire comme un dodécasyllabe suivi d’un décasyllabe, permettant une épanadiplose rythmique : « Dans un silence immuable s’écoulent ses eaux ; on pourrait entendre respirer les arbres. » L’allitération en [s], topique pour ce fleuve métaphorisé en serpent et que nous soulignons, peut s’entendre au début comme à la fin de ce prologue proche de la prose poétique : « Le vieux Framar s’échappe de ses songes. Serpent languide, il s’étire dans son lit […]. »

15L’éveil évoqué supra se fait jour jusque dans le rythme de la prosodie elle-même, qui suit un mouvement de cadence majeure durant ce prologue. Le nombre de syllabes peut varier sensiblement selon la prononciation ou non des e finaux, mais l’on peut compter ainsi les syllabes contenues par les phrases successives : 10, 15, 25, 30, 44. On assiste bel et bien à l’esthétique du « peu à peu » qui caractérise cet incipit progressif.

16Ce prologue dédié à « l’éveil du fleuve » se clôt avec l’évocation du « silence », dans lequel la présence humaine peut enfin émerger. D’abord par un pronom indéfini, « on pourrait entendre respirer les arbres », comme si Platteau nous conviait nous aussi, lecteurs, à écouter battre le cœur du Vyanthryr. Puis par le « chant » du barde Fintan qui vient briser ce silence qui était aussi celui d’avant l’œuvre, d’avant la fiction. Enfin, personnages et lecteurs sont délivrés de leur torpeur par une assonance en [i] : « Varagwynn hulule ce cri qui nous tire du sommeil, un long appel vibrant de marinier ».

Jean-Philippe Jaworski, Janua Vera

« Mauvaise donne »

Quelque chose de rouge entre les dalles fume ;

Mais, si tiède que soit cette douteuse écume,

Assez de barils sont éventrés et crevés

Pour que ce soit du vin qui court sur les pavés.

VICTOR HUGO,

La confiance du marquis Fabrice

Je m’appelle Benvenuto Gesufal. J’ai longtemps habité dans la via Mala, dans le quartier des abattoirs. Même si je n’y vis plus, j’y ai gardé des habitudes. Chaque matin, je retourne rôder dans les venelles, en descendant de la colline de Torrescella. Au petit jour, j’aime voir les toits de tuiles se réchauffer dans les sourires du soleil et la mer se couvrir de brumes légères. Puis je dégringole les ruelles en escaliers, et je m’enfonce dans la via Mala. C’est le moment de la journée que je préfère. Les ivrognes cuvent, les camelots ne sont pas encore là pour vous casser les oreilles. Des valets lavent à grande eau le seuil des tavernes qui ferment et celui des boutiques qui ouvrent. Des filles descendent au lavoir, les yeux pudiques mais le déhanchement lascif, avec la corbeille à linge appuyée contre le flanc. Les patriarches sortent et s’assoient sur le pas de leur porte. Ils n’en bougeront plus jusqu’au soir. Quand ils me voient passer, ils lèvent la main avec respect.

« Comment va, don Benvenuto ?

— Une journée de plus, Padre.

— La Déesse te bénisse, don Benvenuto !

— La Déesse te bénisse, Padre. »

La Déesse me bénit au moins quinze fois tous les matins. Peut-être est-ce pour cela que je suis toujours en vie. Plus bas, en arrivant près du port, non loin de l’arsenal, la via Mala devient plus animée. Elle sent le sang ; des filets noirâtres ruissellent sur la chaussée en pente depuis les abattoirs. Des nuées de mouches obscurcissent l’air, des colonies de rats grouillent au bas des façades. On entend parfois, derrière le mur d’un boucher, le meuglement d’une bête qui sent la mort. Arrivé là, je m’arrête. Je hume à pleins poumons l’odeur de viande, de crasse, de merde. Je me ressource. Je suis chez moi.

Je m’appelle Benvenuto. C’est un prénom qui me va mal. Je suis tueur à gages.

  • 13 Jean-Philippe Jaworski, Janua Vera, Paris, Gallimard, coll. « Folio SF », 2015, pp. 47-48.

[…]13

Janua Vera

17Jean-Philippe Jaworski s’est expliqué au sujet du titre de son recueil de nouvelles : « “Janua Vera” est une expression latine qui signifie “la vraie porte”. […] En outre, la nouvelle [« Janua Vera », la première du recueil] elle-même est l’histoire de la recherche d’un seuil, et elle est le seuil que le lecteur franchit pour découvrir le Vieux Royaume.14 » Certes la nouvelle qui nous occupe ici est en fait la deuxième du recueil. Mais parmi les trois incipit que nous regroupons, c’est sans doute celui qui a la plus conscience de sa nature de seuil, et qui n’a de cesse de s’en targuer de manière fort métalittéraire.

  • 15 Gagner la guerre (Lyon, Les Moutons électriques, 2009) reprend Benvenuto comme personnage principal (...)

18Rappelons d’abord que Janus était considéré comme le dieu des seuils chez les Romains, et qu’une « mauvaise donne » est la première mauvaise impression que nous donne une main qui vient d’être distribuée en jouant aux cartes. En outre, la nouvelle elle-même est un seuil au roman Gagner la guerre15. Quant à l’incipit qui nous occupe, il est séparé du reste de la nouvelle par un blanc typographique, et présente d’ailleurs une temporalité différente de la suite : il est narré au présent, tandis que la nouvelle est au passé.

  • 16 Patrick Sultan, « Fiat fabula : l'amour des commencements », Fabula, Automne 2003, volume 4, n° 2, (...)

19On retrouve dans l’incipit de « Mauvaise donne » le topos du « matin ». Nouveau seuil donc, entre la nuit et le jour, symbole du passage entre le réel et la fiction. Comme Patrick Sultan le résume à ce sujet à partir de la lecture d’Andrea Del Lungo : « l'incipit thématise sa nature de seuil et duplique dans le texte même son rôle de transition.16 » Jaworski paraît jouer de cet effet quand il décrit « le seuil des tavernes qui ferment et celui des boutiques qui ouvrent », de même qu’avec ces « patriarches [qui] sortent et s’assoient sur le pas de leur porte ». Ces vieillards qui « n’en bougeront plus jusqu’au soir » pourraient d’ailleurs être assimilés aux lecteurs, postés pour l’heure au seuil du récit.

20C’est aussi le personnage de Benvenuto qui porte en lui la symbolique du seuil. Par son nom, d’abord, comme le précise Jaworski lors d’une autre interview pour ActuSF : « C’est un emprunt au Jour des Rois, de Victor Hugo, où Gesufal est un massacreur médiéval. […] “Benvenuto Gesufal” est donc un oxymore, qui expose les contradictions du personnage, à la fois enjôleur, criminel et condamné aux ténèbres.17 » En cela, l’épigraphe issue de La Légende des siècles peut donc être considérée comme une clef de lecture pour le protagoniste principal. Sans compter que Benvenuto est, de son propre aveu, « tueur à gages », donc payé pour faire passer ses cibles de vie à trépas.

21En outre, et la suite de l’œuvre nous le montrera, Benvenuto se situe à cheval entre les classes sociales. Sans être un transfuge de classe pour autant, il s’est hissé des quartiers malfamés jusqu’aux portes du pouvoir, puisqu’il servira le Podestat Leonide Ducatore. Enfin Ciudalia, la ville qu’il traverse, est un élément supplémentaire démontrant le statut de seuil de cet incipit. Car Benvenuto nous promène d’un quartier à un autre durant sa descente progressive, qui nous mènera des hauteurs ensoleillées aux bas-fonds de la cité.

Son métier : vous descendre

22Nous suivons donc Benvenuto – dont le prénom force la sympathie – dans sa routine quotidienne, d’où l’usage d’un présent itératif. Cela crée un sentiment d’intimité avec ce personnage, une connivence renforcée par l’usage de la deuxième personne : « vous casser les oreilles ». Et c’est un paysage pittoresque qui se dévoile sous ses pas, celui d’une ville portuaire encore faiblement animée à cette heure de la journée, où les toits brillent sous les « sourires du soleil » et les vieillards sont affables. Charmante cité de prime abord, dont l’un des toponymes connote la verticalité : « la colline de Torrescella », « torre » signifiant « tour » en italien.

23Or cette visite guidée suit un mouvement descendant, donc une catabase aussi bien topographique que symbolique : on s’enfonce dans la ville comme on descend vers les origines et la vérité de Benvenuto. Etymologiquement, la catabase est le fait de marcher vers le bas, de descendre, et cette isotopie se retrouve tout au long de notre extrait, ne serait-ce que dans les verbes employés : « en descendant » ; « je dégringole », « ruissellent ». Graduellement, nous passons aussi de la vie à la mort : les lieux de commerce, les chassés-croisés des « filles » et des « valets » sont peu à peu remplacés par des évocations plus mortifères. Par le même mouvement de dégradation, à la présence humaine va se substituer un bestiaire tout aussi mortifère : « des nuées de mouches […] des colonies de rats » ; « le meuglement d’une bête qui sent la mort »

24Car nous ne descendons pas n’importe quelle rue, mais la « via Mala », la « voie funeste » : sous ses pavés, le « sang ». Ce qui restait à l’état de périphrase dans l’épigraphe hugolienne – « Quelque chose de rouge », « cette douteuse écume » – trouve sa réalité dans les « filets noirâtres » qui s’écoulent des abattoirs, indices des mares de sang que les pages suivantes feront couler. C’est toute une synesthésie qui accueille d’ailleurs le lecteur dans ces quartiers. L’aspect visuel du sang est renforcé par l’olfaction dans le jeu homophonique « elle sent le sang », l’on entend des « meuglements », et cette symphonie sensorielle trouve son paroxysme dans la gradation, forcément descendante : « Je hume à pleins poumons l’odeur de viande, de crasse, de merde ». Cette ambiance a tout de celle du roman noir, filiation que revendique d’ailleurs l’auteur quand il évoque l’écriture de cette première page.18

25Revient enfin, en épanadiplose, la phrase liminaire : « Je m’appelle Benvenuto ». Un prénom qui prend alors tout son sens dégradé et antiphrastique, et un incipit qui comme dans Chien du heaume fonctionne à la manière d’une petite nouvelle dans la nouvelle. Or quoi de plus normal qu’une chute – « Je suis tueur à gages » – pour clore le mouvement descendant que n’a cessé de suivre tout l’incipit ?

Justine Niogret, Chien du heaume

Prologue

L’archer se nommait Manfred, et aujourd’hui il allait tuer une vieille femme. Une nourrice, plus exactement.

Elle était assise sur l’herbe du pré et jouait avec une enfant. Manfred les regardait toutes deux ; la nourrice, grasse, des cheveux bruns lui tombant devant les yeux, et la gamine, lisse comme une châtaigne, sa robe tâchée du pollen des fleurs et les joues rougies par ses galipettes. Elle courait dans les herbes hautes, le nez au vent, riant de tout son cœur, pendant que sa nourrice restait assise, sans doute fatiguée de ne pouvoir la rattraper.

C’était la fille d’un château qui lui avait fourré des pièces dans la main jusqu’à ce qu’il dise oui. Une petite femme grandie avant l’heure, qui lui avait ensuite ordonné : « Tue-la. Trouve-la et mets-lui une flèche dans le cœur. » C’était la dernière mode chez les pucelles, de faire assassiner leurs gens ; une nourrice, comme ici, ou un lettré, une dame de toilette. Les parents n’en savaient rien en général, regardaient leurs filles d’un bon œil, sans comprendre que les rages et les haines brûlaient tout aussi fortement dans les tripes de ces gamines que dans celles des guerriers au visage mangé par la barbe. Manfred faillit ricaner en songeant que ces petites traînées payaient ces meurtres sans même compter les pièces qui leur tombaient des doigts.

Manfred était caché dans le bois qui surplombait le pré et n’y avait pas bougé de la nuit. Il suivait sa cible des yeux depuis le matin, depuis que la nourrice était sortie avec les premiers rayons du soleil. L’enfant avait accouru à sa suite, déjà décoiffée, son bonnet blanc lui battant les épaules se gonflant derrière elle comme une toute petite voile de navire. L’archer était couché sur deux planches qu’il avait fixées à un tronc assez fort pour le soutenir, lui, sa plate-forme et son arc. De flèches, il n’en avait qu’une, une seule, pâle et fine comme un oiseau. Elle était plus longue que son bras, et Manfred l’avait faite lui-même, comme toutes les flèches qu’il emportait lorsqu’il fallait tuer quelqu’un avec un nom. Les autres, les morts des champs de bataille, n’étaient guère que de la viande sans famille et sans appuis ; ses flèches de guerre, Manfred les achetait et prenait toujours les moins chères, les plus barbues, les moins bien forgées. Les guerriers se battaient comme des porcs et les blesser était déjà assez bon. Manfred préférait toujours qu’on l’envoie à la tuerie d’un seul parce qu’il était le meilleur, qu’on l’envoie lui, tuer quelqu’un. C’était là qu’il se servait de son don, qu’il transcendait son arc de forge et de bois en instrument de mort. Manfred touchait toujours juste. Manfred faisait d’un tir de flèche une œuvre d’art. Manfred en était fier. Quand l’archer partait en guerre, sa guerre secrète et furtive, sa guerre solitaire, il n’y avait pas de cris, de sang ; aucune violence et pas de chocs fer contre fer. Une seule flèche, douce et nette, le bruit d’un baiser contre la chair, toujours à l’endroit choisi, et un corps qui tombe. C’était tout. Manfred connaissait son art. Il n’avait jamais besoin de deux flèches. Une seule, et la nourrice mourrait.

[…]

Il y pensait encore lorsque la femme le rattrapa, se jeta sur son dos et lui enfonça sa propre flèche sous la mâchoire. Le fer fendit en deux la langue de l’archer, creva son palais et les os de son crâne. La dernière chose qu’entendit Manfred avant que la femme commence à remuer la pointe de flèche à l’intérieur de sa tête pour changer sa fierté et son art en bouillie grise, ce fut :

— Je suis Chien du heaume, fils à putain, et de l’autre côté tu sauras qu’il faut un dard plus puissant que le tien pour me percer le cuir.

  • 19 Justine Niogret, Chien du heaume, Paris, J’ai Lu, 2011, pp. 9-12.

Et c’est ainsi que je commencerai mon histoire. 19

Ego trique

26L’une des épigraphes annonçait déjà le fantasme de toute-puissance, puisqu’on y trouve citée la chanson « Male supremacy » du groupe Carnivore. Mais il s’agit certainement d’un jeu ironique de la part de Niogret, d’autant que l’on peut lire dans cette même chanson les paroles suivantes : « Woman will never know or understand / The power men feel to kill with their hands ». Difficile pour le lecteur de ne pas sourire à ces lignes, sachant ce qu’il advient de Manfred l’assassin, et de qui il recevra la mort.

27« L’archer se nommait Manfred, et aujourd’hui il allait tuer une vieille femme. » Ainsi débute Chien du heaume. Par une entrée in medias res que renforce l’article défini et l’adverbe déictique. Mais surtout, la phrase pose en liminaire ce qui sera l’une des thématiques essentielles de l’œuvre : le nom. Justine Niogret le confirme dans Fantasy et Moyen Âge : « Mon premier roman, Chien du heaume, parlait de l’importance du nom. […] Un nom en explication de qui l’on est.20 » Une quête identitaire que mènera Chien du heaume, héroïne éponyme autant qu’anonyme. Assez ironiquement, Manfred se targue ici d’avoir été envoyé tuer « quelqu’un avec un nom », tandis que la recherche de ce nom sous-tendra l’œuvre jusqu’à la fin. L’on pourrait à ce sujet s’amuser du fait que l’incipit est, selon l’écrivain russe Kavérine, « le pied d’un arc qui se déploie jusqu’à l’autre pied, la phrase terminale21». Une image ici prise au pied de la lettre avec l’archer Manfred, en sus de l’arc narratif au sujet du nom de Chien.

28Et l’on peut noter à cette fin le contraste entre « L’archer » défini et l’anonymat de l’indéfini, qui subsiste malgré l’épanorthose : « une vieille femme. Une nourrice, plus exactement. » Tandis que lui, Manfred, possède un nom. Un nom d’ailleurs fort antiphrastique, puisque son étymologie germanique signifie « homme de paix ». Difficile alors de ne pas songer à un certain Benvenuto, au prénom tout aussi ironique et dont la profession n’est pas si éloignée… Mais l’affirmation de soi de l’héroïne sera toutefois clamée à la fin, dans l’unique discours direct de tout le prologue : « Je suis Chien du heaume ».

29La toute-puissance supposée de Manfred passe par le pronom tonique « lui » mis en italique, le superlatif « il était le meilleur », des adverbes comme « il n’avait jamais besoin de deux flèches », la parataxe et l’anaphore « Manfred touchait toujours juste. Manfred faisait d’un tir de flèche une œuvre d’art. Manfred en était fier. » Même ce nom propre, qui contient allégoriquement l’homme, tend à en faire une caricature viriliste, lui qui méprise les « petites trainées ».

30Cette puissance masculine affichée par Manfred se dévoile aussi par le long développement à propos de cette flèche si spéciale, si phallique, comme une émanation de son propre corps : « Elle était plus longue que son bras, et Manfred l’avait faite lui-même ». Il faut d’ailleurs noter à ce sujet que cela marque dès l’incipit une attention à la matérialité réelle de l’arme, que l’on retrouve ensuite : « les moins bien forgées ». Or Justine Niogret pratique cet artisanat, et l’un des personnages les plus importants de l’œuvre, Regehir, est justement forgeron. Mais si Manfred affirme n’avoir besoin que d’une seule flèche à son arc, Justine Niogret a quant à elle plus d’une corde à son art.

Le mauvais œil

31En effet, malgré le panégyrique que Manfred fait de lui-même et de sa flèche phallique, en sublimant sa violence en « art », avec son « instrument » et la métaphore sensuelle du « baiser », c’est bien lui qui sera pénétré. Et ce fort violemment, par sa propre flèche, changeant « sa fierté et son art en bouillie grise », d’autant que la métaphore sexuelle se retourne contre lui puisque Chien ponctue ainsi son geste : « tu sauras qu’il faut un dard plus puissant que le tien pour me percer le cuir. »

32L’ensemble de la scène est proche de la pulsion scopique, pulsion qui est à la fois celle du lecteur observant Manfred, et de Manfred observant ses cibles, le texte usant évidemment de l’isotopie du regard : « regardait », « suivait sa cible des yeux », sa position qui « surplombait le pré », ou encore « Les parents n’en savaient rien en général, regardaient leurs filles d’un bon œil ». Ce dernier exemple a ceci d’intéressant que Manfred, par ironie tragique, tombe dans le même travers que ces parents-là : il regarde la nourrice du mauvais œil.

33Ce type d’incipit, présentant un personnage en avisant un autre qu’il projette de tuer, est parfaitement topique : on songe à celui de La Condition humaine de Malraux. Premier détournement toutefois, il ne s’agit ici pas de tuer pour une idéologie, tout au contraire, mais bien contre espèces sonnantes et trébuchantes. Surtout, c’est l’horizon d’attente du lecteur qui sera complètement déjoué à l’issue de cet incipit, qui fonctionne alors à la manière d’une chute, comme si ce prologue était là encore une petite nouvelle close sur elle-même. Il peut effectivement fonctionner indépendamment du reste de l’œuvre, tout comme l’incipit de « Mauvaise donne ».

  • 22 Patrick Sultan, « Fiat fabula : l'amour des commencements », Fabula, Automne 2003, volume 4, n° 2, (...)

34Patrick Sultan, reprenant Del Lungo, expliquait que « l’incipit “attrape” le lecteur et se referme sur lui comme un piège22 ». Là encore et au-delà de la fonction première de captatio benevolentiae, Justine Niogret paraît prendre au mot la définition : c’est bien un « piège » qu’elle met en place autour de Manfred, et donc du lecteur. Manfred apparaît d’abord comme le fauve épiant sa proie, alors que le vrai danger résidait en fait chez « la vieille femme ». Donc sous la plume de Niogret, qui donnait déjà des signes ironiques de ce retournement de situation. Un premier signe d’ironie auctoriale se situe dans le modalisateur « sans doute fatiguée de ne pouvoir la rattraper ». Un autre indice peut se lire aussi dans l’assurance trop évidente dont fait preuve Manfred, et son usage du futur proche et du conditionnel à valeur de futur dans le passé : « il allait tuer », « la nourrice mourrait ».

  • 23 Louis-Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit, Paris, Gallimard, « Folio », 1972, p. 333 [1932]

35Cette dangereuse croyance en son omniscience et son omnipotence est renforcée par sa position de surplomb, mais qui n’est qu’une supériorité de surface. Il ne connait pas vraiment sa cible : c’est elle la véritable tueuse. Car les personnages ne sont pas ce qu’ils paraissent : on pouvait le deviner par les réflexions de Manfred, payé par « une petite femme grandie avant l’heure » qui brûle au fond de « haines » invisibles. Une antithèse brutale pouvant évoquer au lecteur les « petites filles trop éveillées » du Voyage célinien23, mais dont le destin pécuniaire est inverse puisque ces dernières se prostituent.

36Le retournement de situation final est aussi annoncé par une esthétique du contraste durant tout le prologue. La première phrase joue évidemment sur le malaise provoqué par son projet de « tuer une vieille femme ». Cela se poursuit par le contraste entre la douceur de la scène ensoleillée, son bucolisme, le bonnet évidemment « blanc » de l’enfant, et les réflexions bestiales de Manfred : « Les guerriers se battaient comme des porcs ». On peut aussi songer au cynisme du personnage dans ses réflexions, qui font « ricaner » celui qui considère parfois ses ennemis comme de « la viande ». Mais l’animalisation la plus prégnante en ce début d’œuvre est en réalité celle du titre, Chien du heaume, surnom de la véritable héroïne du roman qui s’imposera avec force en fin de prologue.

37Car cet incipit cherche à leurrer son lecteur : il lui présente en fait le mauvais personnage, la mauvaise temporalité, le mauvais point focal. En somme, il le place au mauvais endroit, et s’ingénie ensuite à le déplacer pour le projeter dans l’analepse du premier chapitre : « C’était une dizaine d’hivers auparavant, et Chien du heaume avait vingt-quatre ans. »

Conclusions

Les sentiers des autres

38Nous n’avons traité que partiellement la question des topoï, ceux du matin ou du regard par exemple. Le topos de la violence dès l’incipit mérite l’intérêt, d’autant qu’il remplit aussi une fonction de captatio benevolentiae. Chez Platteau, l’homme émerge à moitié mort. La violence préexiste donc au récit, et l’un des enjeux de l’œuvre à venir sera de découvrir l’origine de cette violence. Avec Jaworski, la violence se diffuse au fur et à mesure de notre descente dans la cité : celle appliquée aux bêtes dans les abattoirs préfigure celle que provoque la révélation du métier de Benvenuto. Enfin, Justine Niogret nous met dans une posture d’attente de la violence, qui ne viendra pourtant pas du personnage attendu.

39Autre point commun privilégié, celui de la fonction informative de l’incipit, qui dans le genre de la fantasy prend une épaisseur supplémentaire, puisqu’il doit aussi situer l’univers de l’œuvre sur un spectre allant du monde réel connu par le lecteur à un monde entièrement imaginaire, sans aucun lien avec le premier. Chien du heaume propose un univers relativement ordinaire pour le lecteur, si ce n’est que son cadre spatio-temporel paraît celui d’un médiéval occidental : « un château », le prénom « Manfred ». « Mauvaise donne » quant à lui connote certes la Renaissance, mais un léger décalage avec le réel se fait rapidement sentir : les toponymes évoqués n’existent pas dans notre réalité, pas plus que la cité de Ciudalia. En revanche, Les Sentiers des astres nous transporte d’emblée hors de toute référence géographique connue, et commande donc une suspension de l’incrédulité plus prononcée.

40Enfin, il convient de noter que ces trois incipit seront systématiquement suivis d’analepses. Le récit-fleuve proposé par Les Sentiers des astres jouera d’ailleurs tout particulièrement sur cette richesse narrative des récits enchâssés : cet incipit n’est alors que le récit-cadre des Mille et un dits de Stefan Platteau.

Movere

41Ainsi, loin de certains incipit balzaciens fréquemment qualifiés de statiques, les trois textes que nous venons d’étudier se découvrent au lecteur par leur modalité de déplacement. Dans Les Sentiers des astres, le récit – en la personne de l’homme blessé – émerge peu à peu du fleuve, puis sera charrié sur la gabarre : c’est un incipit anadyomène. La nouvelle « Mauvaise donne », au contraire, nous immerge progressivement, car Benvenuto plonge vers les bas-fonds de la ville et de lui-même : c’est donc un incipit catabase. Le déplacement que propose le prologue de Chien du heaume est moins évident, puisqu’il paraît de prime abord particulièrement statique au sens premier du terme étant donné que Manfred est immobile, à l’affût. Et pourtant, la fin de ce prologue oblige le lecteur à un déplacement encore plus marqué peut-être que les deux précédents, le forçant à un changement brutal de lieu, d’époque, et surtout de personnage principal : c’est un incipit labyrinthe, qui nous mène à l’impasse avant le demi-tour. En outre, si chez Stefan Platteau c’est le récit qui vient à nous, chez Jaworski c’est Benvenuto qui se propose de nous emmener vers le récit. Tandis qu’avec Niogret le récit proposé à première vue, celui de l’archer Manfred, se dérobe en fait au dernier moment.

42L’incipit peut donc bien se traduire sous la forme d’un mouvement, compris autant dans sa dimension de déplacement, comme nous venons de le montrer, que dans son sens figuré de vecteur d’émotion, de mouvement d’âme. Le lecteur est embarqué dans ces récits grâce à l’émotion qui nait de ces incipit : le plaisir de la prose poétique des Sentiers des astres, celui de s’encanailler avec Benvenuto, celui de la scène d’action brutale et inattendue pour Chien du heaume, et évidemment, pour ces deux derniers, le plaisir un peu coupable de s’être laissé berner.

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Bibliographie

Corpus

Jaworski, Jean-Philippe, Janua Vera, « Mauvaise donne », Lyon, Les Moutons électriques, « Nouvelles et romans », 2007.

Niogret, Justine, Chien du heaume, Lyon, Mnémos, « Icares », 2009.

Platteau, Stefan, Les Sentiers des astres, tome 1 : Manesh, Bordeaux, Les Moutons électriques, « La Bibliothèque voltaïque », 2014.

Entretiens

« Interview de Jean-Philippe Jaworski », ActuSF [En ligne], mis en ligne le 31/10/2017, https://www.actusf.com/detail-d-un-article/interview-de-jean-philippe (consulté le 23/06/2024).

« Interview de Jean-Philippe Jaworski », ActuSF [En ligne], mis en ligne le 27/09/2018, https://www.actusf.com/detail-d-un-article/interview-jean-philippe-jaworski (consulté le 23/06/2024).

« Interview de Jean-Philippe Jaworski (juin 2017) », Le Biblioscope [En ligne], mis en ligne le 8 juin 2017, https://lebibliocosme.fr/2017/06/08/interview-de-jean-philippe-jaworski-juin-2017/ (consulté le 25/06/2024).

« Un entretien avec Stefan Platteau, l’auteur de Manesh », Elbakin [En ligne], mis en ligne le 24/04/2014, http://www.elbakin.net/fantasy/news/Un-entretien-avec-Stefan-Platteau-l-auteur-de-Manesh (consulté le 17/07/2024).

« Interview Stefan Platteau sur Manesh », ActuSF [En ligne], mis en ligne le 31/10/2017, https://www.actusf.com/detail-d-un-article/Interview-Stefan-Platteau-sur (consulté le 15/07/2024).

Bibliographie critique

Battaggion, Victor, et Besson, Anne (dir.), Fantasy et Moyen Age, Chambéry, ActuSF, 2023.

Del Lungo, Andrea, L’Incipit romanesque, Paris, Seuil, 2003.

Del Lungo, Andrea, « Incipit », Item [En ligne], http://www.item.ens.fr/dictionnaire/incipit/ (consulté 21/06/24).

Lepage, Caroline, « Les débuts hors la norme : étude de 5 cas », Crisol, série numérique – 14, p. 2 (consulté le 25/11/2024).

Sultan, Patrick, « Fiat fabula : l’amour des commencements », Fabula, Automne 2003, volume 4, n° 2, https://www.fabula.org/acta/document11833.php (consulté le 23/11/2024).

Sources secondaires

Céline, Louis-Ferdinand, Voyage au bout de la nuit, Paris, Gallimard, « Folio », 1972, [1932].

Jaworski, Jean-Philippe, Gagner la guerre, Lyon, Les Moutons électriques, 2009.

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Notes

1 Stefan Platteau, Les Sentiers des astres, tome 1 : Manesh, Bordeaux, Les Moutons électriques, « La Bibliothèque voltaïque », 2014 ; Jean-Philippe Jaworski, « Mauvaise donne », Janua Vera, Lyon, Les Moutons électriques, « Nouvelles et romans », 2007 ; Justine Niogret, Chien du heaume, Lyon, Mnémos, « Icares », 2009.

2 Andrea Del Lungo, L’Incipit romanesque, Paris, Seuil, 2003, p. 33.

3 Stefan Plateau, Les Sentiers des astres, tome 1 : Manesh, Paris, J’ai Lu, 2016, pp. 9-10.

4 http://www.elbakin.net/fantasy/news/Un-entretien-avec-Stefan-Platteau-l-auteur-de-Manesh (consulté le 17/07/2024).

5 Les citations de Stefan Platteau que nous reproduisons ici sont issues d’un entretien donné à ActuSF le 31/10/2017 : https://www.actusf.com/detail-d-un-article/Interview-Stefan-Platteau-sur (consulté le 15/07/2024).

6 Dan Simmons, Le Styx coule à l'envers, Paris, Denoël, coll. « Présences », 1997.

7 Caroline Lepage, « Les débuts hors la norme : étude de 5 cas », Crisol, série numérique – 14, p. 2 (consulté le 25/11/2024).

8 Andrea Del Lungo, L’incipit romanesque, op. cit., pp. 80-102.

9 « [En parlant d'un végétal, de la nature, etc.] Qui a retrouvé sa verdure, sa verdeur. », https://www.cnrtl.fr/definition/reverdie, (consulté le 24/11/2024).

10 https://www.cnrtl.fr/definition/dit (consulté le 24/11/2024).

11 Interview de Stefan Platteau, op. cit.

12 Ibid.

13 Jean-Philippe Jaworski, Janua Vera, Paris, Gallimard, coll. « Folio SF », 2015, pp. 47-48.

14 https://www.actusf.com/detail-d-un-article/interview-jean-philippe-jaworski (consulté le 23/06/2024).

15 Gagner la guerre (Lyon, Les Moutons électriques, 2009) reprend Benvenuto comme personnage principal, pour narrer des événements se déroulant après la nouvelle « Mauvaise donne ».

16 Patrick Sultan, « Fiat fabula : l'amour des commencements », Fabula, Automne 2003, volume 4, n° 2, https://www.fabula.org/acta/document11833.php (consulté le 23/11/2024).

17 https://www.actusf.com/detail-d-un-article/interview-de-jean-philippe (consulté le 23/06/2024).

18 https://lebibliocosme.fr/2017/06/08/interview-de-jean-philippe-jaworski-juin-2017/ (consulté le 25/06/2024).

19 Justine Niogret, Chien du heaume, Paris, J’ai Lu, 2011, pp. 9-12.

20 Victor Battaggion et Anne Besson (dir.), Fantasy et Moyen Age, Chambéry, ActuSF, 2023, p. 471

21 Andrea Del Lungo, « Incipit », Item [En ligne], http://www.item.ens.fr/dictionnaire/incipit/ (consulté 21/06/24).

22 Patrick Sultan, « Fiat fabula : l'amour des commencements », Fabula, Automne 2003, volume 4, n° 2, https://www.fabula.org/acta/document11833.php (consulté le 23/11/2024).

23 Louis-Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit, Paris, Gallimard, « Folio », 1972, p. 333 [1932].

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Pour citer cet article

Référence électronique

Adrien Rosescu, « Se mettre à l’œuvre: Trois incipit de fantasy française »Belphégor [En ligne], 22-2 | 2024, mis en ligne le 11 décembre 2024, consulté le 19 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/belphegor/6591 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/130vq

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Auteur

Adrien Rosescu

Professeur agrégé de Lettres Modernes à Reims

adrien.rosescu@orange.fr  

 

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