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I. Le Moyen Âge fait-il vendre?

Imaginaires et vocation commerciale de quelques marques littéraires médiévalistes

Filippo Fonio

Résumé

L’existence d’une « marque médiévale » et les aspects commerciaux du médiévalisme sont centraux dans toute approche de la conception, de la fabrication, de la distribution et de la vente d’objets inspirés du Moyen Âge. Mon propos est de considérer ce phénomène à l’aune des contenus de l’imaginaire véhiculés par les objets médiévalistes. Le sujet spécifique de cette contribution porte sur les produits dérivés et d’autres phénomènes qui attestent d’une volonté et d’une stratégie de marchandisation de la littérature médiévale. Trois cas d’étude, « médiévaux » en un sens large, sont développés : Beowulf, Dante et Cervantes, qui sont emblématiques de trois modalités d’approches marchandes de la littérature médiévale qui ne sont que partiellement superposables, en ce qu’ils produisent des imaginaires déclinés de manière différente au sein même d’une mouvance médiévaliste présentant un certain nombre de caractéristiques d’unitarité.

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Texte intégral

Marque « médiévale », marques médiévalistes

  • 1 Umberto Eco, « Dieci modi di sognare il Medioevo », dans Sugli specchi e altri saggi, Milan, Bompia (...)

1Si l’on considère le médiévalisme contemporain en tant que réservoir d’images et de suggestions capables de donner vie à un imaginaire, ou à des imaginaires spécifiques, on se rend bien compte qu’il est possible de « rêver » plusieurs Moyen Âges : dix, selon Umberto Eco, quinze, selon Tommaso di Carpegna Falconieri1. Non seulement, pour paraphraser Eco, chacun, ou presque, peut rêver son propre Moyen Âge – même si certaines formes de « rêve médiéval » sont pourvues d’une puissance d’agrégation plus forte que d’autres –, mais de nouveaux rêves médiévalistes peuvent surgir, qui rendent compte de problématiques émergentes ou de nouvelles visions du monde qu’il est possible de relire à travers un filtre médiévalisant. Que l’on pense, au cours des dernières décennies, aux médiévalismes « new age », aux ecomedievalisms ou encore, plus récemment, aux médiévalismes médiatiques qui se sont ajoutés à d’autres formes de médiévalisme de plus longue durée, tel le « rêve » d’évasion ou nostalgique ou le « rêve » identitaire par exemple.

  • 2 Richard Utz, « Medieval : The Movie, the Brand », 2022, Medievalists.net [En ligne],
  • 3 Le titre Medieval a d’ailleurs été adopté également par des productions dans le domaine des jeux vi (...)

2Tout en considérant le prisme articulé par ces différents médiévalismes, qui paraissent parfois fonctionner en vase clos – une certaine approche du médiévalisme en excluant souvent d’autres –, il n’est pas illégitime à mon sens de considérer les médiévalismes contemporains selon une perspective holistique, en cherchant à y reconnaître une sorte de matrice, un ur-médiévalisme qui a récemment donné lieu, selon Richard Utz, à l’avènement d’une « marque médiévale » qui a vocation à regrouper les différentes articulations du phénomène sous une même étiquette globale et globalisée. Utz se demande : « Have we reached a point where "medieval" has become a brand in itself2 ? » Sa réflexion prend pour point de départ la sortie en salle du film Medieval de Petr Jákl (2022), ainsi que le choix de son titre, qu’il juge à la fois « minimaliste » et visant à rassembler tous les principaux stéréotypes sur le Moyen Âge dans le but de percer sur le marché global du médiévalisme. Ceci est rendu possible par le fait que : « We have reached a point when […] simply calling a movie Medieval will be enough to conjure up the usual […] features » qui rendent le Moyen Âge reconnaissable. Désormais « Medieval » serait, selon Utz, un « brand name » comme Google ou Kleenex, un « simulacrum » du Moyen Âge3.

  • 4 Tommaso di Carpegna Falconieri, « Cinque altri modi di sognare il medioevo », art. cit., p. 423 sqq

3Or il me semble que cette « marque médiévale » existe dans la culture occidentale depuis le XIXe siècle au moins – que l’on pense aux usages qu’un écrivain aussi médiévaliste que Flaubert fait des adjectifs (neutre) « médiéval » et (péjoratif) « moyenâgeux ». La nouveauté récente est pourtant la déclinaison du mot – et de la chose – dans une optique éminemment commerciale : le Moyen Âge fait vendre. Et c’est à partir de l’un des « cinq médiévalismes supplémentaires » reconnus par Tommaso di Carpegna Falconieri, à savoir le « Moyen Âge du marché »4, que je compte explorer les aspects marchands liés à la « consommation » de la littérature médiévale, surtout en ce qui concerne ses produits dérivés. Di Carpegna reconnaît dans cette déclinaison contemporaine du « rêve médiéval » une caractéristique qui l’apparente à d’autres formes de médiévalisme relevant de « clins d’œil au présent » (il donne l’exemple du succès des « régimes des templiers » dans le secteur du healthy food).

  • 5 Voir William Blanc, « Donjons & Moutons. Une réflexion sur les objets médiévalistes », dans Martin (...)

4J’ai donc décidé de poser cette question du point de vue de la vente des produits culturels, des biens de consommation et spécialement des objets dérivés de la littérature médiévale. Je m’intéresserai moins aux livres, médiévaux ou médiévalistes, donc, qu’aux gadgets et aux produits qui s’inspirent, de manière plus ou moins éloignée, du livre ou de l’écrivain médiéval, en cherchant à questionner ces objets dans leur valeur de « réplicateurs5 » et de vecteurs d’un imaginaire composite, qui combine des aspects « littéraires », « identitaires » (au sens d’appartenance politique, mais aussi au-delà) et plus proprement commerciaux. La question : « La littérature médiévale fait-elle vendre ? » doit en effet, à mon sens, être considérée selon les paramètres complémentaires de l’offre – conception, fabrication, distribution, commercialisation – et de la demande – achat, consommation, cycle de vie des produits, mais aussi selon les contenus implicites qui émergent, du point de vue du consommateur surtout, dans l’achat et les usages d’un produit médiévaliste (littéraire).

Tour d’horizon du marché du produit dérivé littéraire non-médiéval (les écrivains pré- et postmédiévaux, de « maîtres à penser » à « influenceurs »)

  • 6 C’est un domaine encore peu exploré par les chercheurs, à la différence de celui des usages publici (...)

5Des secteurs (péri-)marchands de première importance, comme celui des noms donnés à des exercices commerciaux (cafés, restaurants, etc.) et celui de la publicité, pourraient nous induire à surdimensionner la portée de la littérature, et même de tout ce qui peut renvoyer à un imaginaire du « classique », en tant qu’appel du pied en vue de l’achat de biens de consommation. L’impact d’un imaginaire littéraire dans les sphères marchande et commerciale constitue une tendance somme toute assez rare dans le monde francophone, alors que, dans les domaines anglo-saxon et italophone, l’usage d’images d’écrivains, de slogans ou d’autres formes de suggestions littéraires en tant que stimuli à l’achat de produits ou à la fréquentation de locaux se pratique depuis très longtemps6. Tout comme l’image de George Clooney ou de Jean Dujardin sont exploitées par une marque de machines à café, celle de Dante a été utilisée tour à tour pour la commercialisation de produits « proches » de son métier d’écrivain – des machines à écrire –, mais aussi pour les produits les plus divers, entre autres de l’huile d’olive, des baskets, des forfaits d’une compagnie de téléphones, des produits de beauté et même du papier toilette ou des laxatifs. De la même manière, on trouve partout dans le monde des locaux baptisés « Shakespeare’s Inn », « Pizzeria Dante », « Restaurante Cervantes », « Goethe Stube ».

  • 7 Pour Homère, on trouvera un exemple de « tote bag » sur le site Sciencesource.com, https://prints.s (...)

6Ceci est beaucoup plus rare lorsqu’on passe du (péri-)marchand au « directement commercial », si on se penche donc sur la présence de la littérature « ancienne » ou « classique » dans la fabrication de produits de consommation et d’objets. À la différence de quelques cas sporadiques appartenant aux deux catégories principales de produits littéraires dérivés, qui sont les « tote bags » et les mugs7, en effet, même les grands pères de la littérature universellement reconnus et appréciés, Homère et Virgile par exemple, servent difficilement de prétexte à la conception de produits dérivés.

7Cependant, ce constat s’estompe quelque peu lorsqu’on considère la littérature moderne. Les écrivains contemporains du XVIIIe siècle ou postérieurs à lui donnent en effet plus souvent vie à des produits qui s’en inspirent – tout comme, déjà à leur époque, ils ont pu faire l’objet de modes plus ou moins éphémères, du « werthérisme » à la « Austen mania » ou à l’engouement pour René de Chateaubriand par exemple. Contrairement à ce dernier, Goethe et Jane Austen sont probablement parmi les écrivains les plus « anciens » à avoir donné vie à la fabrication contemporaine de produits et d’objets de loisir et de consommation. Des produits emblématiques de ce phénomène sont le savon à la devise « Suds and Sensibility » inspiré de Sense and Sensibility de Jane Austen (intéressant aussi par la vocation de réappropriation parodique qui caractérise très souvent la commercialisation de produits littéraires), ou la bière de fabrication brésilienne dont le nom renvoie à Goethe, et qui est « parlante » par rapport à un autre des aspects cruciaux de la question, à savoir la tendance à reconnaître dans des écrivains pourtant « mondialisés » un lien qui demeure étroit avec les produits de consommation typiques de leurs pays d’origine8.

8Cette impression d’un impact plus conséquent de la littérature dans la production d’objets se renforce ultérieurement si nous considérons des écrivains qui ont vécu à partir de la fin du XIXe siècle jusqu’à l’époque contemporaine. Nous pouvons en effet rencontrer des figures d’écrivains dont sont exploités par les créateurs d’objets tant des éléments iconographiques que de nombreuses citations. Que l’on pense à la présence d’Oscar Wilde, d’Hermann Hesse (notamment de son Siddharta), d’Antoine de Saint-Exupéry et du Petit Prince, ou de Paulo Coelho, au sein de la production de gadgets littéraires. Wilde est exploité aussi bien pour son image que pour ses citations, Hesse surtout pour ses phrases célèbres.

9Par rapport à ces dernières, il est important de souligner que tant pour Wilde que pour Hesse les citations peuvent tour à tour avoir été conçues en tant qu’aphorismes, ou alors avoir été transformées en aphorismes par des procédés de décontextualisation. Nous pouvons déjà voir dans ces deux cas combien les contenus de l’imaginaire véhiculés par l’objet peuvent être spécifiques : le wit, le paradoxe, l’ironie cinglante, l’anticonformisme et l’européisme émergent des remplois de Wilde, alors qu’Hesse se situe décidément dans une mouvance « new age » et orientalisante9. La fortune commerciale de Saint-Exupéry et de Coelho est encore plus intéressante puisqu’on peut voir à l’œuvre, dans le premier cas, l’une des entreprises pionnières dans la gadgétisation littéraire, celle de la « Planète Le Petit Prince », avec des boutiques physiques partout dans le monde et un site qui commercialise un nombre impressionnant de produits, et qui prône une série de stratégies commerciales de fidélisation comme par exemple des listes de cadeaux d’anniversaire, des listes de mariage, etc.10 ; dans le deuxième cas, celui de Coelho, l’écrivain lui-même, secondé en cela par ses fans « irréductibles » mais aussi par un fandom élargi, n’est pas étranger à sa propre gadgétisation.

10Souvent, les citations extrapolées de Coelho se déclinent en plusieurs langues afin de mieux s’adapter aux marchés des différentes aires. De plus, l’écrivain se prête lui-même au jeu de l’aphorisation de ses œuvres, en publiant en librairie tout comme sur son blogue des sélections de « phrases à retenir »11. En 2011, l’image d’un rickshaw dédié à Coelho, vu par un fan en Inde, a été diffusée par l’écrivain qui se l’est en quelque sorte appropriée12. Tout comme n’importe quelle autre marque, Coelho semble avoir intériorisé les principes de la consécration et de la réputation qui font la fortune et la durée d’un « brand », et qui sont des facteurs primordiaux de son succès globalisé.

11Les grandes sagas « pop » (Hunger Games), médiévalistes ou para-médiévalistes (Lord of the Rings, Harry Potter, Game of Thrones), d’origine – désormais vaguement – littéraire, s’inscrivent pleinement à leur tour dans ces pratiques de marchandisation par le biais d’une production pléthorique d’objets dérivés, et sont à considérer parmi les exemples typiques d’« industries culturelles ».

  • 13 Même si des productions dérivées de la littérature médiévale peuvent donner vie à des franchises. U (...)

12Il en va différemment pour la littérature médiévale au sens strict, qui ne se prête que très sporadiquement à des productions consistantes d’objets, et qui, en raison de son appartenance au domaine public, donne difficilement vie à des marques au sens propre13. L’étude des objets dérivés de la littérature médiévale s'avère en revanche très parlante en termes de contenus des imaginaires dont les produits eux-mêmes sont porteurs, comme on le verra par la suite.

  • 14 Martina Corona, Giulia Panzanelli, « Medioevo e marketing : una nuova prospettiva per lo studio del (...)

13Deux dernières précisions sont nécessaires : du fait de la difficulté à repérer des données quantitatives – bien connue de tous les chercheurs qui se sont penchés sur les problématiques du marketing médiévalisant14 –, je serai obligé de privilégier une approche qualitative, en lien d’ailleurs avec mon entrée par l’imaginaire. Mes cas d’étude vont par ailleurs prendre en compte une périodisation large du Moyen Âge, qui va du IXe-Xe siècle (Beowulf), au XIVe (Dante et La Divine Comédie), jusqu’au début de l’époque moderne (Don Quichotte, et Shakespeare pour mes conclusions).

L’objet et le produit inspirés de la littérature médiévale

14Le constat qu’il me semble important de mettre en avant est que le Moyen Âge, via le médiévalisme en particulier, vend beaucoup aujourd’hui – et ceci est sans doute vrai à partir du début du XIXe siècle, période à laquelle se situent les débuts de la « consommation médiévaliste » –, et qu’un nombre impressionnant de productions d’inspiration médiévale a vu le jour à partir de l’époque troubadour. Même sans prendre en compte l’objet-livre, la production de meubles, d’éléments de décor d’intérieur, de bijoux, mais aussi d’architectures néogothiques a été florissante dès le romantisme. Cependant, ce sont surtout d’autres pans de l’imaginaire postmédiéval qui sont réellement porteurs sur le plan commercial, au détriment de la littérature médiévale (livres et productions culturelles exceptés). Si on se concentre en effet sur la production d’objets et de biens de consommation, le constat d’une présence peu significative de la littérature comme source et prétexte est frappant. Cette « pauvreté » et cette force de frappe commerciale moindre s’accompagnent cependant d’une richesse sur le plan des contenus de l’imaginaire caractérisant les produits de dérivation littéraire, ce qui en rend l’étude stimulante.

15Les produits et les autres formes de « présence d’une marque », quantitativement peu significatifs, dérivés de Beowulf, tout comme ceux, plus nombreux, qui s’inspirent de Dante et de Cervantes, ou encore le succès de masse et mondialisé de la « marque Shakespeare » nous permettent d’observer un certain nombre de caractéristiques et de paramètres de diversification des objets :

  • l’hétérogénéité des typologies ;

  • des conditions d’utilisation diversifiées, et qui couvrent toute la gamme d’usages envisageable du produit de dérivation littéraire (vie quotidienne, décor d’intérieur, objet de bureau, accessoire de mode, etc.) ;

  • des durées de vies différentes (du consommable éphémère à l’objet artisanal ou artistique) ;

  • des gammes de qualité et de prix tout aussi variés ;

  • des lieux de production qui vont de l’objet touristique espagnol (Cervantes), à la fabrication industrielle asiatique, à l’objet d’artisanat local, à la production moyen-de-gamme américaine, ce qui montre qu’une composante foncièrement transnationale émerge dans la production d’objets ;

  • une diachronie non négligeable, qui va de la première moitié du XXe siècle (mais on pourrait sans doute remonter encore plus loin) jusqu’aux productions contemporaines ;

  • un canon souvent modulable, au sein duquel il s’avère que des modèles s’imposent au cours de la tradition (c’est le cas du « style Picasso » pour Cervantes, ou de l’impact du jeu vidéo Dante’s Inferno et de ses stylèmes graphiques pour Dante) ;

    • 15 J’adapte quelque peu au corpus présenté ici les protocoles de description d’objets que nous avons u (...)

    des formes différentes de modulation entre l’auteur, l’œuvre et les personnages : si, dans le cas de Cervantes, c’est Don Quichotte (et dans une moindre mesure Sancho) qui prime, les produits dérivés dantesques montrent un plus grand équilibre entre l’écrivain, son œuvre (notamment La Divine Comédie) et ses personnages célèbres (Paolo et Francesca, Ulysse, Ugolin)15 ;

    • 16 Sur ce point spécifiquement voir Tommaso di Carpegna Falconieri, « Cinque altri modi di sognare il (...)

    la tendance à l’« icônisation », au repérage et à la décontextualisation de traits caractérisant les écrivains et leurs personnages (le nez aquilin de Dante, les longues jambes et le cheval de Quichotte, etc.)16.

16Ces caractéristiques, qu’on retrouve dans les différents « corpus d’auteurs » examinés ici, font émerger des contenus de l’imaginaire en partie différents, mais dont le repérage permet sans doute de mieux comprendre quelques-unes des caractéristiques spécifiques d’un médiévalisme « de niche » sur le plan commercial comme l’est celui dérivé de la littérature.

  • 17 Même si la « Wife of Bath » a elle aussi son savon, produit aux États-Unis – voir la page dédiée su (...)
  • 18 Pour quelques exemples des diverses typologies d’objets, voir les pages suivantes de divers sites m (...)

17L’hypothèse que je propose face à certaines « absences » étonnantes de grands écrivains médiévaux dans la production d’objets – comme celle, particulièrement frappante, de Chaucer17 –, est que la gadgétisation de la littérature médiévale advient de manière plus abondante selon la capacité de production d’images qu’offrent une certaine œuvre ou un certain auteur. C’est notamment le cas de Beowulf, source d’inspiration pour plusieurs objets qui vont des coques pour téléphones portables aux mugs, t-shirts, baumes de barbe, jeux de cartes ou encore armes (couteaux, mitraillettes, projectiles, etc.)18. Ces différentes typologies d’objets ont en commun des incitations à l’achat et des modes d’usage qui se caractérisent par une volonté d’afficher l’appartenance à une « communauté Beowulf » dans la vie de tous les jours, par exemple en se montrant en public avec un t-shirt ou en se servant d’un « office mug ».

18Cependant, elles montrent en même temps des composantes de l’imaginaire non univoques, qui dérivent de modalités différentes d’appropriation et de réception de l’hypotexte. D’un côté, en effet, les objets inspirés de Beowulf, en particulier ceux d’usage quotidien et typiquement « d’affichage » tels mugs et t-shirts, sont conçus pour le public cible constitué par les médiévistes ou les médiévalistes qui se reconnaissent dans la la culture « geek », caractérisée dans le cas de Beowulf par un mode d’appropriation ironique ou parodique au Moyen Âge. Ainsi certains mugs affichent-ils des devises comme : « Grendel is alright but I hate his mother », ou « What did Grendel eat for breakfast ? A Danish », et sur les sites de vente on en suggère l’achat-cadeau pour des professeurs d’anglais.

  • 19 Ainsi un avion nazi Messerschmidt de la période de la Deuxième Guerre mondiale, pourvu d’équipement (...)

19D’un autre côté, et aux antipodes de ce médiévalisme comique, se situe une réception « sérieuse » et plus idéologisée de la culture médiévale, mobilisée par le biais d’autres objets inspirés du même texte-source qui veulent le décliner sur le mode d’une appropriation virile, guerrière ou plus proche de la culture métal. Un rapport profondément différent à l’hypotexte est évidemment véhiculé via l’objet, qui n’en fait pas un texte d’étude qu’on s’approprie au point d’en rire, mais une source d’inspiration épique et belliqueuse, une saga qui donne vie à des productions paramilitaires19.

20Loin d’atteindre les proportions colossales de certaines industries médiévalistes, la « marque Dante » est bien attestée dans la production de toutes les principales typologies d’objets d’usage et de loisir. Si on compare les productions dantesques avec celles qui s’inspirent de Beowulf, on observe d’emblée un élargissement évident des publics cibles (aussi en termes de gamme), ainsi qu’une dynamique d’internationalisation et de « globalisation » des produits. En ce qui concerne le premier aspect, les produits dantesques visent à faire appel à toutes les tranches d’âge, à partir des enfants en bas âge – des Divines Comédies avec stickers, sans texte, ou à colorier, ou encore des « marottes dantesques » – jusqu’aux consommateurs adultes, et vont de la production sérielle bas-de-gamme aux produits de créateurs (haute couture, bijoux). Et si les produits dérivés de Beowulf, qui se situent pour la quasi-totalité dans une tranche moyen-de-gamme, sont tous de fabrication anglo-saxonne (surtout états-unienne), les objets dantesques sont produits certes majoritairement aux États-Unis, en Asie et en Italie, mais se retrouvent un peu partout, et certains sont destinés à des marchés plutôt nationaux.

  • 20 Sur cette question précise, voir Filippo Fonio, « Dante nella globosfera : meme danteschi e letture (...)

21Même au-delà de l’objet au sens strict, le constat est frappant : on retrouve la référence dantesque du restaurant au Chili à la discothèque en Nouvelle-Zélande, du street art newyorkais aux épices indiennes, aux créations pâtissières et aux mugs américains ou aux personnages fantasy fabriqués en Suisse, et dans des dizaines de romans de littérature de genre ou de jeux vidéo, des livres éducatifs pour enfants et jeunes lecteurs ou encore des centaines de mèmes internet et de fanfictions20 témoignant d’un usage intensif de la part des publicitaires, des formes de branding à travers des noms de produits… l’univers marchand de Dante est ainsi illimité et en expansion constante.

22De la sorte, comme il arrive souvent au sein de la culture pop d’inspiration littéraire, certains produits ont connu un succès que l’arrière-garde universitaire a jugé inquiétant et qu’elle a tendu à stigmatiser : le jeu vidéo Dante’s Inferno, ou le roman Inferno de Dan Brown, deux productions inspirées par la Divine Comédie qui ont à leur tour conduit à l’essor d’un marché florissant de produits dérivés, ont été âprement critiquées par un certain nombre de dantologues, qui les ont étiquetées comme des formes de profanation du classique médiéval du fait de leur vocation commerciale – illégitime à leur sens. À leur tour, les critiques de ces productions dantesques se servent d’un argument qui est avant tout un argument marketing : le charme sournois de telles productions dérive de leur capacité à agir sur l’imaginaire et sur les émotions du consommateur, soit via des formes revendiquées – ou imposées par les producteurs – d’appartenance à une communauté, soit à travers des dynamiques d’émulation ou d’identification avec un Dante-héros.

  • 21 Les statues et monuments officiels sont évidemment une forme seulement en partie différente d’appro (...)

23Cette dissémination et cette prolifération de produits dantesques amènent à formuler plusieurs constats. Ici, la figure de l’écrivain est mise sur le même plan que l’œuvre, ce qui témoigne de la complexification du statut de l’auteur dans le cadre de stratégies commerciales ; si, sur le plan interprétatif, l’objet ou le produit commercial représentent systématiquement un « saucissonnage » draconien et brutal de l’auteur et de ses textes, ces différentes composantes sont dans ce cas jugées de la même importance – à la différence de Cervantes, chez qui, on le verra, les personnages prennent le pas de manière évidente sur l’écrivain. Il convient de ne pas ignorer non plus un certain type d’exploitation dantesque de nature non marchande, telle l’occupation de l’espace public par des formes de street art ou de tags21, ou des formes d’appropriation particulièrement intimes tels les tatouages (qui sortent cependant quelque peu de mon propos sur le commerce de la littérature médiévale).

24Ces autres témoignages de présence dantesque contribuent en effet, et de manière conséquente, aussi bien à la diffusion de l’image et des imaginaires dantesques qu’à l’icônisation de l’écrivain. Il faut également considérer le fait que ces formes de présence « urbaine » ou « personnalisée » de Dante influencent sans doute la fabrication d’objets et d’autres formes d’exploitation dantesque à vocation commerciale, encore une fois sur la base de contenus de l’imaginaire qui sont en grande partie communs. L’on trouve également des cas où les deux plans, commercial et imaginaire, paraissent particulièrement proches, par exemple dans les trois cabarets dantesques de Montmartre ouverts à la fin du XIXe siècle (Cabaret de l’Enfer, Cabaret du Ciel et Cabaret du Néant), qui ont été de puissants moyens de diffusion de l’imaginaire de la Divine Comédie dans le Paris des artistes et des avant-gardes, ou dans celui d’autres lieux à thème dantesque présents dans d’autres pays, qui sont à la fois des formes de présence de Dante dans l’espace public et d’exploitation commerciale de l’imaginaire dantesque.

25Au-delà d’une matrice génériquement médiévaliste au fond peu marquée, les deux composantes de base de l’imaginaire véhiculé par les produits dantesques sont celles de l’italianité et de l’imaginaire infernal. En ce qui concerne la première, il est intéressant de remarquer qu’elle se présente de manière pour ainsi dire transversale : elle concerne en effet tant les produits fabriqués et/ou commercialisés en Italie – elle se décline donc en termes d’appartenance nationale, mais aussi plus spécifiquement régionale, florentine ou toscane –, que ceux d’origine étrangère, et pour lesquels la matrice de l’italianité se fait plus stéréotypée. Les restaurants sont l’exemple le plus emblématique à cet égard, notamment lorsqu’ils deviennent de puissants vecteurs de diffusion d’un imaginaire dantesque qui combine des traits d’italianité et une composante infernale spécifiquement liée à la consommation alimentaire et au péché de la gourmandise.

26C’est le cas pour l’ambiance créée pour la « birreria » du restaurant Eataly de la Fifth Avenue à New York, à laquelle on accède par un escalier où sont reproduits des vers célèbres de la Divine Comédie. Un autre cas intéressant de coexistence de ces deux contenus de l’imaginaire dantesque – même si cela concerne plutôt les produits dérivés culturels – est celui de la série de romans roses écrits par Day Leclaire, qui ont comme protagoniste un descendant de Dante Alighieri, archétype du latin lover, se servant des charmes de son ancêtre pour séduire de belles américaines (sans oublier évidemment sa Béatrice). L’imaginaire spécifiquement infernal (qui, en termes de potentiel de production d’images, prime évidemment sur les deux autres royaumes de l’au-delà décrits par Dante) a un impact étonnant sur l’influence que peut exercer la figure de Dante, et va de la diffusion extraordinaire de la structure en « neuf cercles » ascendants ou descendants dans la culture web (pensons aux neuf cercles des amateurs de vin, à ceux du bonheur de couple, des relations publiques, des mauvaises expériences de voyage, ou encore aux prisons disposées en neuf cercles qu’on retrouve dans la littérature de genre, du steampunk de Johan Heliot aux romans de Francesco Gungui pour jeunes adultes...) à l’utilisation de l’adjectif « dantesque » pour indiquer un caractère antonomastique selon plusieurs acceptions différentes (épique, infernale, horrifique, etc.). Ces formes de présence imaginaire de Dante ont vraisemblablement une importance, au moins indirecte, dans le succès commercial des productions marchandes qui s’inspirent de l’écrivain et de son œuvre.

27Il est enfin également intéressant de remarquer que la modulation du canon dantesque contribue à complexifier ces contenus de l’imaginaire. Ainsi Dante’s Inferno confère-t-il une dimension guerrière à l’image de Dante et au médiévalisme qui en dérive. C’est une connotation qui n’est pas très dissemblable de certaines déclinaisons de Beowulf décrites ci-dessus – à la nuance près que Dante combat pour la foi, il est croisé et templier, sa « virilité » revêtant alors un caractère « sacré ». Pensons aussi au succès mondial du roman Inferno de Dan Brown, qui a proposé une vision teintée d’hermétisme et d’ésotérisme du personnage de Dante – ou, pour mieux dire, l’a récupérée, puisque les œuvres de Dante ont été lues selon des modes de lecture initiatiques dès le XIXe siècle. En troisième lieu, l’imaginaire du livre maudit dont la lecture serait de nature à inspirer les serial killers s’est également emparé de la Divine Comédie grâce à la fortune d’autres produits para-dantesques, tel le film Seven ou le polar littéraire The Dante Club de Matthew Pearl.

28Je vais traiter assez rapidement notre troisième exemple, celui de Cervantes, à propos de qui se retrouvent plusieurs des images médiévalistes déjà évoquées avec Beowulf et Dante. La fortune commerciale de Don Quichotte couvre une gamme de produits semblable à celle de Dante, des aimants pour réfrigérateurs aux jeux de tarots, des serre-livres aux mugs, verres et t-shirts, des cravates aux bijoux, des bougies parfumées aux horloges, des plateaux et assiettes, bouchons, planches à découper, aux tapis et aux boules de sapin de Noël22.

29Tout comme pour Dante, on peut reconnaître chez Cervantes un cheminement diachronique qui commence au moins au début du XXe siècle, avec par exemple les figurines de collection contenues dans les sachets de bouillon produits par Liebig. Encore plus que pour l’italianité de Dante, des questions d’identité espagnole entrent ici en compte, comme en témoigne la quantité d’objets d’artisanat local ou conçus pour des circuits de vente touristiques. Si dans les objets cervantesques la représentation des personnages tend à être privilégiée par rapport à celle de l’écrivain, on observe aussi dans le cas de Quichotte la même modulation du canon qu’on a déjà rencontrée chez Dante. Pour Cervantes, cependant, il faut noter l’importance qu’ont prise les illustrations de Pablo Picasso, que la production marchande ainsi que les perceptions sur le plan de l’imaginaire associent désormais intrinsèquement à Don Quichotte, à la manière des illustrations de Doré et du rôle qu’elles ont joué pour Dante. Mais à la différence des autres cas d’étude, on peut noter que la figure de Don Quichotte, grâce à son « hispanicité » antonomastique, a même servi de thème pour des parcs d’attraction, ce qui est fondamental en termes d’imaginaire, puisque cela constitue le pendant « pop » de la monumentalisation. Toujours au Japon, au sein du Parque España de Shima, on peut trouver en effet le « Don Quixote’s Magical Flight »23, un roller coaster cartoonesque qui propose un voyage en Espagne très stéréotypé (taureaux, moulins à vent, personnages cervantins, barbiers, conquistadores, caravelles, etc.) en compagnie du chevalier de Cervantes.

Entre « marketing émotionnel » et « marketing tribal » (la « marque Shakespeare »)

  • 24 Voir en particulier Richard Burt (dir.), Shakespeare after Mass Media, New York, Palgrave, 2002 ; j (...)

30Les cas d’étude que j’ai présentés ici ont été choisis car ils sont représentatifs des principales déclinaisons de l’imaginaire médiévaliste contemporain dans sa composante liée à la commercialisation du Moyen Âge. J’ai délibérément laissé de côté le phénomène de la « marque Shakespeare », l’écrivain sans aucun doute le plus vendeur de toute l’histoire de la littérature, puisqu’il a déjà été amplement étudié par ailleurs24, mais aussi parce que ses innombrables ramifications en termes de réception populaire vont bien au-delà du plan du médiévalisme. Sans doute, cependant, le développement de la « marque Shakespeare » a-t-il eu une importance fondamentale en tant que modèle dont, je suppose, se sont servies les autres « industries littéraires », surtout celles inspirées du Moyen Âge, et en particulier la « marque Dante ».

  • 25 Martina Corona, Giulia Panzanelli, « Medioevo e marketing », art. cit., p. 451.

31Le circuit de fabrication et de vente de l’objet médiéval de matrice littéraire, tout comme celui de l’objet médiévaliste au sens plus large, s’inscrit clairement dans le domaine du « marketing expérientiel »25, une perspective considérée comme « consumer-oriented » et en accord avec laquelle le potentiel commercial de produits résiderait dans leur charge émotionnelle – ce qui, dans une perspective médiévaliste, met en avant une série de valeurs spécifiques comme celles du dépaysement ou de l’authenticité. Évidemment, la valeur de l’expérience en elle-même, en quelque sorte « anticipée » ou prévue par les concepteurs des produits, gagne en efficacité et en puissance lorsque les consommateurs s’emparent des contenus imaginaires des produits en devenant ainsi presque des coconcepteurs.

  • 26 Voir notamment Bernard Cova, « Jamais sans ma tribu ! Modulations de la relation de service en mark (...)

32On peut difficilement considérer les phénomènes contemporains de marchandisation des objets littéraires sans prendre aussi en compte la dimension participative de ces dynamiques, en combinant notamment une approche par le « marketing expérientiel » avec les paradigmes du « marketing tribal »26. Ce dernier permet de rendre compte de manière congrue de certains phénomènes du médiévalisme qui se prêtent à des formes de consommation communautaire – que l’on pense aux jeux de rôle. Forme postmoderne d’une diffusion par le « bouche-à-oreille » mais qui se caractérise tout aussi bien par sa verticalité – les consommateurs experts sont pourvus d’une autorité qui en fait des influenceurs à même de conseiller des produits aux usagers moins expérimentés –, le « marketing tribal » fonctionne bien sur le plan commercial si le produit et son imaginaire donnent vie à des « communautés émotionnelles ». Il est fondamental en ce sens de considérer ses principes de base, qu’on peut caractériser par les traits suivants :

  • la différenciation des produits sur la base des acquéreurs potentiels, considérés en tant que groupe(s) et non en tant qu’individus ;

  • la fidélisation des clients corroborée par la constitution d’une communauté ;

    • 27 Ibid., et Martina Corona, Giulia Panzanelli, « Medioevo e marketing », art. cit., en part. p. 452.

    la productions d’images et de contenus imaginaires liés à certains produits27.

  • 28 Bernard Cova, Véronique Cova, « Tribal Marketing », art.cit., p. 599-600.

33Ces principes se prêtent tout particulièrement à l’étude de l’objet médiévaliste de matrice littéraire. Selon cette optique, en effet, le produit fonctionne en tant que coadjuteur et « vector of the tribal link », son succès et sa popularité étant assurés par son « linking value »28, par sa puissance de création et de consolidation d’une communauté qui naît autour d’une passion et qui se nourrit des contenus imaginaires du monde médiéval.

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Notes

1 Umberto Eco, « Dieci modi di sognare il Medioevo », dans Sugli specchi e altri saggi, Milan, Bompiani, 1985, p. 105-121 ; Tommaso di Carpegna Falconieri, « Cinque altri modi di sognare il medioevo. Addenda a un testo celebre », Bullettino dell’Istituto Storico Italiano per il Medio Evo, n°122, 2020, p. 407-433.

2 Richard Utz, « Medieval : The Movie, the Brand », 2022, Medievalists.net [En ligne],

https://www.medievalists.net/2022/09/medieval-movie-brand/ (consulté le 20/04/2024).

3 Le titre Medieval a d’ailleurs été adopté également par des productions dans le domaine des jeux vidéo.

4 Tommaso di Carpegna Falconieri, « Cinque altri modi di sognare il medioevo », art. cit., p. 423 sqq.

5 Voir William Blanc, « Donjons & Moutons. Une réflexion sur les objets médiévalistes », dans Martin Aurell, Florian Besson, Justine Breton, Lucie Malbos (dir.), Les Médiévistes face aux médiévalismes, Rennes, PUR, 2023, p. 25-36. Pour une enquête de terrain sur le marché de l’objet médiévaliste, sans attention spécifique pour la littérature, je renvoie également à Estelle Doudet, Filippo Fonio, « Un Moyen Âge à consommer », IRIS [En ligne], n°44, 2024, https://publications-prairial.fr/iris/index.php?id=3706 (consulté le 20/04/2024).

6 C’est un domaine encore peu exploré par les chercheurs, à la différence de celui des usages publicitaires de l’histoire - voir en particulier Christian Amalvi (dir.), L’Histoire de France racontée par la publicité. Catalogue de l’exposition à la Bibliothèque Fourney à Paris (29 janvier-27 avril 2013), Arles, Actes Sud, 2013 - ou de la question de l’emploi de techniques littéraires (ainsi de la « fonction poétique » de Jakobson) en publicité (voir par exemple Barbara B. Stern, « Medieval Allegory : Roots of Advertising Strategy for the Mass Market » Journal of Marketing, 52/3, juillet 1988, p. 84-94). La seule étude portant spécifiquement sur les relations entre littérature et publicité est, à ma connaissance, la thèse de Delio De Martino, Letterature antiche e moderne nella pubblicità, sous la direction de Susan Petrilli, Università di Bari, 2013. Voir aussi sa monographie Letteratura italiana e pubblicità, Bari, Levante, 2016. Un parallèle intéressant entre littérature médiévale et techniques du marketing a également été tenté par Déborah Scheidt, « Marketing Medieval : a contemporaneidade de Geoffrey Chaucer », Scripta Uniandrade, n°4, 2006, p. 261-274.

7 Pour Homère, on trouvera un exemple de « tote bag » sur le site Sciencesource.com, https://prints.sciencesource.com/featured/papyrus-fragment-of-homers-odyssey-getty-research-institute.html?product=weekender-totebag , ou encore sur Fineartamerica.com, https://fineartamerica.com/featured/3-homer-the-odyssey-granger.html?product=tote-bag. Pour des mugs consacrées à Virgile ou d’autres écrivains anciens, on peut se rendre sur Store.911memorial.com, https://store.911memorial.org/products/virgil-quote-mug  ou sur Etsy.com https://www.etsy.com/fr/listing/1334996433/la-fortune-se-range-du-cote-de-celui-qui (sites consultés le 28/04/2024).

8 Voir respectivement le site Theliterarygiftcompany, https://www.theliterarygiftcompany.com/products/jane-austen-soap, et Botecoecerveja, https://www.botecoecerveja.com.br/2021/06/o-que-karl-marx-e-cerveja-tem-em-comum/ (consulté 28/04/2024). La brésilienne Tito Bier propose d’ailleurs une gamme de produits qui s’inspirent de figures d’écrivains ou de philosophes – Thoreau, Marx, etc.

9 Parmi les nombreux exemples, voir cette page du site Etsy, https://www.etsy.com/listing/1115141415/oscar-wilde-mug-british-writer-and-poet?click_key=903f85d73fd0800a77740444247f6535c54ebf35%3A1115141415&click_sum=2de189f2&external=1&rec_type=cs&ref=landingpage_similar_listing_top-6&sts=1 ; https://www.etsy.com/fr/listing/803823535/mug-oscar-wilde-cadeau-drole-damateur-de, qui présente un phénomène intéressant de lexicalisation que nous pouvons aussi retrouver dans d’autres gadgets littéraires, comme en témoigne la formule « Keep calm and Dante on » également présente sur des mugs (voir Filippo Fonio, « La marque Dante et son évolution : de la vente des produits au management », Italianistica, 49/2, 2020, p. 103-130) ; voir ici cet exemple de mug avec une formule reprise de Siddharta sur le site Pixels, https://pixels.com/featured/siddhartha-by-hermann-hesse-greatest-books-ever-art-print-series-261-design-turnpike.html?product=iphone-case-cover&phoneCaseType=iphone13 (sites consultés le 28/04/2024).

10 Voir le site Lepetitprince, https://www.lepetitprince.com (consulté le 28/04/2024).

11 Voir le blog de Paulo Coelho, https://paulocoelhoblog.com/2023/04/29/40-inspirational-paulo-coelho-quotes-on-success/ (consulté le 28/04/2024).

12 Voir le site NDTV, https://www.ndtv.com/offbeat/paulo-coelho-tweets-photo-of-kerala-autorickshaw-that-has-his-name-on-it-2531128 (consulté le 28/04/2024).

13 Même si des productions dérivées de la littérature médiévale peuvent donner vie à des franchises. Un exemple emblématique est celui du jeu vidéo Dante’s Inferno d’Electronic Arts, qui a été à l’origine d’un film d’animation, d’un roman graphique, de gadgets comme des coques de téléphone portable, ou encore de figurines des personnages principaux du jeu.

14 Martina Corona, Giulia Panzanelli, « Medioevo e marketing : una nuova prospettiva per lo studio del Medioevo e del medievalismo », dans Roberta Capelli (dir.), Fortune del Medioevo. Studi di medievalismo, Alessandrie, Dell’Orso, 2023, p. 445-463 ; et Estelle Doudet, Filippo Fonio, « Un Moyen Âge à consommer », art. cit.

15 J’adapte quelque peu au corpus présenté ici les protocoles de description d’objets que nous avons utilisés dans le cadre du projet franco-suisse ARAROEM (ibid.).

16 Sur ce point spécifiquement voir Tommaso di Carpegna Falconieri, « Cinque altri modi di sognare il medioevo », art. cit., p. 421 ; sur le lien de type icônique qui s’est créé entre l’image du trône et la saga de Game of Thrones, voir également Dan Solomon, « From Dildos to Golf Clubs: See All the Different Ways People Have Played Their Own, Weird, Game of Thrones », 4 octobre 2015, Fast Company [En ligne] https://www.fastcompany.com/3044660/watch-the-throne-from-dildos-to-golf-clubs-see-all-the-things-people-have-used-to-re-make-th (consulté le 20/04/2024). Pour une comparaison audacieuse entre les techniques d’emblématisation de la littérature allégorique médiévale et les stratégies commerciales et publicitaires contemporaines, notamment le storytelling, voir Barbara B. Stern, « Medieval Allegory : Roots of Advertising Strategy for the Mass Market », Journal of Marketing, 52/3, juillet 1988, p. 84-94.

17 Même si la « Wife of Bath » a elle aussi son savon, produit aux États-Unis – voir la page dédiée sur le site Philosophersguild, https://philosophersguild.com/products/wife-of-bath-soap-1 (consulté le 29/04/2024).

18 Pour quelques exemples des diverses typologies d’objets, voir les pages suivantes de divers sites marchands, https://www.etsy.com/fr/listing/753470251/distressed-beowulf-mug-english-teacher ; https://www.etsy.com/fr/listing/739600076/beowulf-mug-cadeau-denseignant-danglais?click_key=5735bbb9978ef461a2d2f838fec1004abdc88aee%3A739600076&click_sum=6e7377cb&external=1&rec_type=ss&ref=landingpage_similar_listing_top-1&sts=1 ; https://fr.aliexpress.com/item/1005005573213038.html ; https://www.ebay.fr/itm/166292717849 ; https://www.redbubble.com/fr/i/coque-iphone/Citation-de-Beowulf-Ripper-Tearer-Slasher-Couger-par-GaffaMondo/97509497.WH2EV ; https://www.etsy.com/fr/listing/1289252291/kit-barbe-beowulf-o-cedre-pin ; https://www.arizonacustomknives.com/products/1046690/ (29/04/2024).

19 Ainsi un avion nazi Messerschmidt de la période de la Deuxième Guerre mondiale, pourvu d’équipements spéciaux pour le combat nocturne, avait-il été baptisé « Beowulf ».

20 Sur cette question précise, voir Filippo Fonio, « Dante nella globosfera : meme danteschi e letture possibili della Commedia », dans Joseph Cadeddu, Giuseppe Sangirardi et Antonella Braida (dir.), La mondializzazione di Dante, Ravenne, Longo, 2022, p. 159-177.

21 Les statues et monuments officiels sont évidemment une forme seulement en partie différente d’appropriation de la littérature, même s’ils relèvent le plus souvent d’une dynamique « top-down » moins pertinente pour mon propos ici.

22 Voir par exemple les pages des sites marchands https://www.ebay.it/itm/274341551474 ; https://www.amazon.fr/Don-Quixote-Tarot-Major-Arcana/dp/B0BW7P3JSH ; https://www.passion-estampes.com/porcelaines-ceramiques/tasse-picasso-02.html ; https://www.teepublic.com/t-shirt/28237825-don-quixote-quote ; https://www.zazzle.fr/cravate_don_don_quichotte_et_sancho_panza_par_honore-151788926718072185 ; https://www.zings.es/fr/souvenirs-don-quichotte-de-la-manche/2460-bola-de-navidad-don-quijote.html (consultés le 29/04/2024).

23 Voir par exemple sur le site Parkz, https://www.parkz.com.au/search/photos/location/don-quixotes-magical-flight (consulté le 29/04/2024).

24 Voir en particulier Richard Burt (dir.), Shakespeare after Mass Media, New York, Palgrave, 2002 ; j’avais rapidement abordé la question de la marchandisation de Shakespeare, surtout dans la perspective de la paralittérature, dans Filippo Fonio, « Les livres perdus de Dante et de Shakespeare. Les classiques à l’épreuve de la littérature de genre », dans Isabelle Battesti, Pascale Drouet (dir.), Dante et Shakespeare. Cosmologie, politique, poétique, Paris, Classiques Garnier, 2020, p. 239-267.

25 Martina Corona, Giulia Panzanelli, « Medioevo e marketing », art. cit., p. 451.

26 Voir notamment Bernard Cova, « Jamais sans ma tribu ! Modulations de la relation de service en marketing global », Décisions marketing, 93/3, 2019, p. 15-32 ; et Bernard Cova, Véronique Cova, « Tribal Marketing. The Tribalisation of Society and Its Impact on the Conduct of Marketing », European Journal of Marketing, 36/5-6, 2002, p. 595-620.

27 Ibid., et Martina Corona, Giulia Panzanelli, « Medioevo e marketing », art. cit., en part. p. 452.

28 Bernard Cova, Véronique Cova, « Tribal Marketing », art.cit., p. 599-600.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Filippo Fonio, « Imaginaires et vocation commerciale de quelques marques littéraires médiévalistes »Belphégor [En ligne], 22-2 | 2024, mis en ligne le 19 décembre 2024, consulté le 20 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/belphegor/6585 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/130vp

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Auteur

Filippo Fonio

ISA-UMR Litt&Arts, Université Grenoble Alpes

Filippo Fonio, médiéviste, comparatiste et médiévaliste, enseigne à l’Université Grenoble Alpes, où il est également membre titulaire de l’UMR Litt&Arts et co-responsable du centre ISA-Imaginaire et Socio-Anthropologie. Il est porteur de l’axe « culture pop » dans le cadre de l’ANR DHAF-Dante d’Hier à Aujourd’hui en France. Il s’est occupé à plusieurs reprises du rapport que la littérature dite classique (Dante, Shakespeare) entretient avec la culture populaire, ainsi que de la diffusion de la littérature dans différents domaines du pop et de la société contemporaine : la publicité, la culture web, la fanfiction, les mèmes internet, la littérature de genre (le polar en particulier), les formes du discours politique.       

 

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