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Fictions Économiques

La fiction d’affaires, une source pour l’histoire du temps présent

Tania Régin

Résumé

Largement diffusé, le best-seller participe à la diffusion des stéréotypes sociaux et constitue à ce titre une source pour l’historien. En France, les années 1980 se caractérisent par la dérégulation du système bancaire et par la valorisation de l’argent. L’homme d’affaires Paul-Loup Sulitzer se lance dans l’écriture d’une saga qui connaît un immense succès populaire. Chacun de ses romans fait de la réussite financière une aventure, une quête, un idéal. Cependant, pour des raisons qui tiennent en partie au statut de l’écrivain dans la culture française, il se trouve exclu des réseaux littéraires classiques. À la charnière du 21e siècle, la médiatisation des « traders » relance l’intérêt des éditeurs pour une littérature didactique inspirée par la finance. De nouveaux auteurs capables de réinvestir une connaissance éprouvée dans le domaine économique, sont publiés et contribuent ainsi à la diffusion des idées libérales. En même temps, la crise et les scandales bancaires ouvrent la voie à des fictions critiques qui montrent combien la littérature reste une arme de combat.

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Texte intégral

  • 1 The American – The Journal of the American Entreprise Institute, « The ten best business novels », (...)
  • 2 C. Reyns-Chikuna, « La fiction d’affaires en France : de la fiction anti-affaires à l’anti-fiction (...)
  • 3 L. Van Ypersele, O. Klein, « Les stéréotypes », in L. Van Ypersele, Questions d’histoire contempora (...)

1Parler de fiction d’affaires en France peut rendre perplexe. De quelle fiction d’affaires s’agit-il ? Qui utilise cette terminologie ? Aucune collection littéraire en France ne l’emploie. Ce n’est ni un argument marketing, ni une classification universitaire ou journalistique comme aux États-Unis1. En revanche, si l’on retient la définition de Chris Reyns d’une fiction d’affaires entendue comme un récit « qui met en scène les institutions, mécanismes et/ou personnages liés au monde économique2 », alors cette fiction existe et se révèle même fort variée. Comment l’embrasser dans sa globalité ? Renonçant à l’exhaustivité, nous avons opéré une sélection sur la base de la réception des œuvres. Parce qu’il est largement diffusé, le best-seller participe à la diffusion des stéréotypes sociaux3 et constitue à ce titre une source valable pour l’historien. Mais les ventes ne sont qu’un aspect de la réception ; les critiques et les commentaires dans les medias au sens large sont des éléments à ne pas négliger. Notre sélection s’est aussi centrée sur les représentations d’entrepreneurs, de financiers et de banquiers. Dans un premier temps, nous aborderons le cas de Paul-Loup Sulitzer qui entre dans le champ littéraire avec fracas avec des romans d’aventure où l’argent est le graal. Puis, nous évoquerons des romans axés sur la bourse dont la visée est didactique et l’intérêt historique. Enfin, nous nous intéresserons à des œuvres qui démystifient la finance et dénoncent la toute-puissance du système bancaire.

L’héroïsation décomplexée des années fric

  • 4 Un livre écrit par des journalistes de Paris-Match

2En 1979, les éditions Denoël proposent à Paul-Loup Sulitzer, homme d’affaire présenté comme un modèle de réussite dans L’argent fait le bonheur4, de rédiger ses mémoires. Il n’a que 33 ans et a déjà fait fortune dans l’importation de porte-clés et autres gadgets. Le projet de témoignage se transforme finalement en une production romanesque inspirée de la vie et de la philosophie de l’entrepreneur. Les titres des trois premiers ouvrages annoncent la couleur : Money, Cash et Fortune. L’usage de l’anglais dans les intitulés témoigne de l’attrait de l’auteur pour le modèle américain, exprime l’inscription de la narration dans une globalisation sous domination anglo-saxonne et révèle l’ambition commerciale de l’auteur au-delà des frontières hexagonales. La thématique dominante est limpide : comment faire de l’argent dans un monde globalisé ?

3Le héros de cette première trilogie est Franz Cimballi. Orphelin victime d’une succession crapuleuse, il commence sa vie d’adulte ruiné. Il entame alors une lente remontée vers la richesse. Comme son créateur, il a le sens du commerce et c’est l’import-export qui lui permet de se remettre à flot, avant de se lancer dans des opérations de bourse plus complexes. Dans le premier opus, Cimballi se relève du traquenard dans lequel il est tombé et se venge. Dans le second opus, Cimballi, devenu riche, est de nouveau traqué par son ennemi. Alors qu’il investit dans le café, dans le pétrole et dans les loisirs, il rencontre une succession de difficultés : chute des cours, apparition de nouveaux concurrents, disparition d’un associé, kidnapping… De toutes ces aventures, Cimballi sort vainqueur et grandi. Dans le troisième opus, Cimballi se lance dans les casinos et fait face à de nouveaux concurrents. Près de trente ans plus tard paraît un quatrième épisode de la série Cimballi dans lequel cette fois, le héros s’est converti au microcrédit (inventé par Muhammad Yunus) et résiste à des cyber-attaques.

  • 5 Paul Loup Sultzer, Cash, p. 320-323.

4Homme de son temps, Cimballi n’est pas l’homme du sérail. Ni industriel, ni bourgeois, dépourvu de diplôme mais doté de grandes qualités intellectuelles (créativité, rapidité, esprit d’entreprise), il est l’archétype du self-made man. Gai et optimiste, il s’entoure de personnages hors norme, de nouveaux riches exubérants tels Li et Liu, deux Chinois qui investissent dans le cinéma, le dessin animé, les jouets et l’informatique. Il se définit lui-même comme « créé et mis au monde pour faire de l’argent5 » et avoue sans complexe qu’il aime faire ses comptes. En effet, Cimballi a l’obsession du calcul. Il veut croître, grossir, grandir, conquérir de nouveaux marchés. Acquis au célèbre adage anglo-saxon, Time is money, il se presse toujours pour être le premier. Professionnel, il sait quadriller un territoire pour le maîtriser commercialement. Cynique, il se lance dans le commerce équitable quand la morale devient à la mode. Autodidacte, il a pour ennemi les financiers : Philippe Vandenbergh, le juriste new-yorkais sorti de Harvard et spécialisé dans le « trading sur l’argent » ainsi que Martin Yahl le banquier suisse sans morale.

  • 6 Propos recueillis lors d’un entretien avec l’auteur le lundi 7 mars 2011 à Paris.
  • 7 Matthieu Letourneux, Le Roman d’aventures 1870-1930, PULIM, 2012.

5Dans les premiers romans, les États-Unis représentent l’eldorado, le pays où chacun est libre de faire fortune. Sulitzer se fait le chantre d’un capitalisme mondialisé, bienveillant à l’égard des individus, ouvert à leurs aspirations. Il s’inspire de plusieurs « success story » dont celle d’Helena Rubinstein, la papesse des cosmétiques (Hannah, 1985). Fort du succès de cette histoire, il annonce même avoir pour projet l’écriture d’une vingtaine d’histoires inspirées par les grandes réussites économiques. L’expression « western financier » que Paul-Loup Sulitzer forge pour qualifier son œuvre exprime bien l’intention de l’auteur : faire de la réussite financière une aventure. Ses références culturelles montrent son ancrage dans une littérature de voyage et d’aventures : Kipling, Stevenson, Dumas, Blaise Cendrars, Kessel, Zola, London, Hemingway. Ses références cinématographiques confirment l’ancrage dans cet univers : America America d’Elia Kazan, Citizen Kane et La Soif du mal d’Orson Welles, Sunset Boulevard de Billy Wilder, Le Faucon Maltais de John Huston, Le Troisième Homme de Carol Reed6. Après quarante ans de carrière et une quarantaine de romans publiés, on peut dire que Sulitzer contribue à une relecture du genre, offrant à ses lecteurs des romans d’aventures7 où le dépaysement (social, historique, géographique) participe au déploiement des actions. Tous ses héros se voient confrontés au danger et doivent faire preuve de courage et d’audace pour s’en sortir.

6Par la mobilité de ses personnages, par les lieux décrits et par les secteurs économiques inscrits au cœur des intrigues, Sulitzer participe aussi à l’écriture du roman de la mondialisation. Profitant des progrès techniques dans le domaine des transports et communications, ses personnages arpentent le monde avec aisance et rapidité. Quelles que soient leurs origines sociales, ils franchissent la barrière des langues et des cultures, transformant le globe en village. Ses personnages sont souvent associés à des points de vue surplombants qui offrent au lecteur des passages descriptifs stimulant le rêve, le désir de voyage (vue sur Copacabana, vue sur la baie de Capri) et révèlent en même temps le goût des héros pour tout ce qui est grand, tout ce qui est haut, tout ce qui domine.

  • 8 Le Roi rouge, p. 255.

7Conscient que les moyens de communication révolutionnent l’économie du monde, Paul-Loup Sulitzer dote ses personnages des techniques les plus modernes à leur époque. Hannah vit, en 1891, les débuts du téléphone. Elle en équipe même ses salons d’esthétique. Au fil des romans, les personnages exploitent le téléphone, le télex, les satellites, le portable, internet. Devenus riches, les conquérants voyagent en Porsche, en avion de tourisme, en hélicoptère, en jet ou en Falcon privé « avec toutes les commodités d’usage : salle de réunion, deux chambres, salle de bains8 ». La rapidité de communication et de déplacement constitue une arme décisive des batailles économiques en cours.

8Les secteurs économiques traités dans l’œuvre contribuent également à la peinture de la mondialisation : la presse, le luxe, les loisirs, le tennis, les casinos, les parcs d’attraction, le commerce international (de la vente de gadget en provenance de Chine à la vente d’armes en passant par le commerce des matières premières – pétrole, diamant, or – pour finir au commerce équitable), et enfin la finance, de la spéculation boursière à la micro-finance et la banque en ligne. Chaque activité est évoquée avec précision. Loin de n’être qu’un décor, les opérations économiques, financières ou juridiques constituent la trame narrative. OPA, franchise, option, affermage par bail… le vocabulaire spécialisé est omniprésent. Les calculs même sommaires des bénéfices attendus font l’objet de développements fastidieux, répétitifs, quasi-obsessionnels.

  • 9 L’Empire du dragon, en collaboration avec Vladimir Colling, Paris, éditions no1, 2006.

9La contextualisation géographique des intrigues témoignent enfin du basculement du monde à l’œuvre. Avec Popov (1984) puis Tantzor (1991) et Berlin (1992), l’intérêt de l’auteur se déplace vers l’Est-européen. La chute du communisme apparait comme une opportunité que le Roi rouge exploitera à son profit. Dans les années 2000, les pays émergents et particulièrement la Chine9, déjà présente dans la saga Cimballi à travers les personnages de Li et Liu, sont les nouveaux territoires à conquérir. Si l’émergence de l’Empire du Milieu est associée au déclin de l’industrie française, aux délocalisations et à l’espionnage industriel, l’expansion du capitalisme reste largement valorisée. La seule question qui vaille est : où peut-on se faire de l’argent ?

10Deux décennies durant (1980/1990), les livres de Sulitzer sont systématiquement classés dans les meilleures ventes du magazine Lire. En trente ans, il a vendu des millions de livres en France et a imposé sa présence dans les bibliothèques municipales de l’hexagone. Pourtant, l’auteur est honni du monde des Lettres.

  • 10 Christian Salmon, Le Storytelling : la machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits, (...)

11Par les thèmes qu’il développe, par les valeurs qu’il promeut et par les techniques de vente qu’il emploie, il agace. Sollicité à l’origine pour sa connaissance du monde des affaires, Sulitzer exploite le « storytelling10 » fondé sur sa réussite professionnelle.

12Il affiche les codes de l’entrepreneur des années 1980 : systématiquement en costume-cravate, cigare à l’occasion, sortie d’ouvrage sur la croisette en plein festival de Cannes (1983). Il s’affiche dans les mass media (télévision et revues grand public). Il exhibe sa réussite et s’inscrit dans l’air du temps. En effet, en 1981, la série américaine Dallas commence son tour du monde. En 1986, le médiatique homme d’affaires Bernard Tapie (qui deviendra en 1992 ministre de la Ville de François Mitterrand) publie Gagner. L’année suivante, Oliver Stone fait carton plein avec son film Wall Street.

  • 11 Repris par O. Bessard La Vie du livre contemporain, p. 182.
  • 12 Pierre Bourdieu, Les Règles de l’art – Genèse et structure du champ littéraire, Paris, Seuil, 1998, (...)
  • 13 Lire, no136, janvier 1987, p. 27.
  • 14 Lire, no 141, juin 1987, pp. 39-46.

13L’utilisation des techniques commerciales au service de la vente d’un roman est un tabou que Paul Loup Sulitzer transgresse allègrement. Il se met en scène dans des clips publicitaires réalisés à l’occasion de ses ouvrages. Il n’hésite pas à promouvoir, à l’intérieur de la version poche de Cartel, son service minitel « 3615 PLS Pour mieux placer votre argent ». Il multiplie les produits dérivés du livre. On l’accuse également de passer des contrats avec des marques citées dans ses livres (technique aujourd’hui utilisée dans la production cinématographique mais honnie à l’époque). Ainsi, il aurait signé un contrat avec Martini d’un montant de 80 000 francs afin que le héros du Roi-Vert boive du Martini11. En 1987, l’éditeur Robert Laffont, dont la maison est pourtant spécialisée dans des ouvrages à vente rapide avec des écrivains venus du journalisme et d’ailleurs12, déclare dans les colonnes de Lire, magazine prescripteur pour les bibliothèques qui compte 925 000 lecteurs à l’époque, que le phénomène Sulitzer est « insensé », basé sur le seul nom de Sulitzer qui exploiterait même un « nègre13 ». Ce dénigrement est d’abord l’expression de la compétition économique dans le champ car Robert Laffont admet que si Sulitzer avait été moins exigeant en termes de rémunération, il l’aurait bien publié. Quelques mois plus tard, le même magazine publie un dossier spécial intitulé « La Vérité sur le système Sulitzer14 ». La couverture montre l’auteur se baignant dans une piscine avec un cigare en bouche. Tous les articles sont à charge. Le rédacteur, Pierre Assouline, va jusqu’à dénier à Sulitzer le statut d’écrivain au motif que celui-ci se dit prêt à changer d’activité si ses livres ne se vendaient plus. « Un véritable écrivain, quand ses livres se vendent moins ou ne se vendent plus, ne fait pas « autre chose » : il fait encore des livres. »

  • 15 Pierre Bourdieu, Les Règles de l’art – Genèse et structure du champ littéraire, Paris, Seuil 1998, (...)

14Dans la mesure où Sulitzer incarne l’archétype du parvenu prêt à faire triompher les pouvoirs de l’argent, son profil est effectivement un facteur d’illégitimité dans le champ, le fonctionnement du monde littéraire reposant depuis le xixe siècle sur la dénégation de l’économie15.

  • 16 Tania Régin, « Paul-Loup Sulitzer ou l’argent roi », in O. Larizza (dir.), Les Écrivains et l’argen (...)
  • 17 Ainsi l’homme politique Arcadi Gaydamack, russe émigré en Israël et impliqué dans l’Angolagate, a i (...)

15Or, au lieu de s’en tenir à une reconnaissance symbolique, Sulitzer reconvertit sa notoriété littéraire en capital économique. D’ailleurs, l’écriture lui permet de tisser des réseaux dans le monde des affaires, comme en atteste la participation du romancier à la soirée de lancement de produit cosmétique du groupe Helena Rubinstein16. Il accroît aussi son capital politique lorsqu’il se voit confier en 1995 par le ministre de la Culture Philippe Douste-Blazy une mission de réflexion sur les moyens d’améliorer l’exportation des biens culturels français à l’étranger. Son inscription dans le champ politique est d’ailleurs tout à fait exceptionnelle puisqu’il devient conseiller et intermédiaire, comme dans la vente des images du procès Ceaucescu à la télévision (1989) ou encore dans l’affaire dite Angolagate (2000), affaire de vente d’armes à l’Angola qui éclabousse Pierre Falcone, Charles Pasqua (ancien ministre dans le gouvernement Balladur), Charles Marchiani, Jean-Christophe Mitterrand (le fils du président français), Arcadi Gaydamack, et dans laquelle Sulitzer est mis en examen pour recel d’abus de biens sociaux, recel d’abus de confiance et trafic d’influence. Si ses démêlés avec la justice ne contribuent pas à améliorer son image littéraire, sa connaissance des réseaux politiques, notamment dans l’Est-européen, lui inspire en retour quelques fictions17.

  • 18 Effet de la crise et de la mise au ban de la finance, son éditeur le présente désormais comme chef (...)
  • 19 Tamara Lazarev, « Sulitzer, Midas of letters », Women’s wear daily14 décembre 1988. Comme il l’expl (...)
  • 20 Pierre Bourdieu, Les Règles de l’art – Genèse et structure du champ littéraire, Paris, Seuil 1998, (...)
  • 21 «On nous Paul-Loup Sulitzer, on nous Claudia Schiffer » chante Alain Souchon dans Foule Sentimental (...)

16Sulitzer capitalise sur son expérience du monde économique pour vendre ses livres18 et sur sa notoriété littéraire pour s’inscrire dans des cercles de pouvoir. De ce fait, il se prive de l’aura de l’écrivain, homme libre des contingences matérielles. Hors des réseaux littéraires, il ne lui reste qu’à regretter, impuissant, les normes du champ19. Comme l’explique Pierre Bourdieu, « la seule accumulation légitime, pour l’auteur […] consiste à se faire un nom connu et reconnu, capital de consécration […]20 ». Mais, aussi connu soit-il, son nom reste à ce jour associé à l’invasion de la publicité21. Aucun écrivain français ne s’en réclame, même si certains auteurs s’en rapprochent par le parcours professionnel, par le thème ou par le style.

Le roman didactique de la bourse

  • 22 Le dictionnaire Larousse définit le trader en ces termes : « dans une banque ou une société boursiè (...)

17Avec la financiarisation de l’économie, de nouvelles figures littéraires émergent. Le métier de trader22 stimule la fiction. En 1987, Oliver Stone offre une représentation haute en couleur des hommes de Wall Street, incarnés à l’écran par Michael Douglas et Charlie Sheen. Le succès est international. En 1991, l’américain Bret Easton Ellis publie American Psycho qui parait en France aux Éditions du Seuil en 1998. L’année suivante, l’éditeur Michel Lafon publie Le Fric, un roman de Jean-Manuel Rozan qui surfe sur cette nouvelle vague. Ainsi, un siècle après L’argent de Zola, la spéculation est de retour dans le roman.

18Né en 1954 à Genève, Jean-Manuel Rozan a été élevé à Paris. Après l’obtention d’un MBA à l’université américaine Wharton, il a travaillé jusqu’au début des années 1990 comme opérateur de marchés dans plusieurs banques d’affaires à New York. Fin 2013, il est d’ailleurs présenté par le magazine Le nouvel économiste comme un « businessman » qui a investi dans les télécommunications et l’Internet23. À la sortie de son premier (et dernier) roman, Le Fric, il est décrit sur la quatrième de couverture comme « un homme de l’art dûment éprouvé sur les plus grandes places financières ». Cette information vise à attirer le lectorat soucieux de mieux comprendre le monde de la finance. Elle traduit donc la stratégie commerciale de l’éditeur qui, à l’image de la société Self Trade24, cherche à capter les particuliers attirés par l’investissement en bourse. Elle implique également une forme de réalisme et de pédagogie dans le récit.

  • 25 Jean Manuel Rozan, Le Fric, Paris, Albin Michel, 1999, p. 26.
  • 26 Idem, p. 64.

19L’histoire est celle d’un Français, Henri Falcoz, parti étudier et travailler aux États-Unis. Le jeune homme est le fils d’un entrepreneur aisé (et très joueur) qui entre à l’université de Wharton (comme l’auteur...). Dans cette école prestigieuse, une hiérarchie se dessine. À l’époque, les traders sont considérés comme « des culs-terreux ». « La finance américaine n’a encore aucune idée du pouvoir des marchés25. » À l’issue de ses études, le narrateur intègre Salomon Brothers laquelle « n’est pas une simple banque d’affaires » mais « un mythe26 ». Fondée en 1910, elle a connu son apogée dans les années 1980, décennie au cours de laquelle elle innove en inventant la titrisation de créances hypothécaires. Devenue le principal intervenant sur la dette de l'État américain, elle s’enrichit formidablement, et ses salariés avec. Salomon Brothers est sans conteste une banque incontournable dans l’histoire de Wall Street. Le lecteur suit donc l’ascension du Français dans cet établissement américain de renom et découvre l’organisation d’une banque d’affaires, le quotidien des opérateurs de marché, leurs us et coutumes (détente vestimentaire le vendredi, lieux de villégiature le week-end, relation au temps, obsession des cours…). Le récit est didactique, précis, quasi-documentaire.

  • 27 Idem, p. 293.

20L’intérêt historique du livre de Rozan est double : d’un côté, on y retrace la vie d’un opérateur de marché au début de l’explosion du secteur, de l’autre on peut confronter deux cultures nationales grâce à ce personnage transfuge qui, dans le dernier quart de l’ouvrage rentre au pays (suivant en cela le parcours de son auteur). Pour le trajet Paris-NewYork, le héros emprunte le Concorde. Il négocie un contrat exceptionnel avec le groupe Volkron et se voit promettre des stocks options : « De toute façon je n’y crois pas, ça ne vaut jamais rien ces trucs-là, il faut les garder cinq ans. Cinq ans c’est deux fois plus que l’éternité par les temps qui courent27… » Ce mode de rémunération dont l’objectif est de fidéliser les cadres par une participation à l’entreprise sous forme d’actions vendables à partir d’une date définie, a été introduit dans le droit français en 1970. En effet, ces nouveaux salariés payés à prix d’or inversent le rapport de force traditionnel dans le salariat. Ils ne ressentent aucun attachement à l’entreprise. Dans un langage managérial, ils sont les « chasseurs de prime », ceux qui se vendent au plus offrant, s’enrichissant en négociant leurs départs.

21Le retour à Paris de Falcoz se situe en 1987 et la contextualisation de l’intrigue est réaliste.

  • 28 Idem, p. 320.
  • 29 Idem, p. 322.

« Janvier 1987. Le reste du monde voit la vie en rose. Optimisme général, euphorie presque, frénésie bientôt. Les Bourses montent, les experts sont confiants, les dollars vont continuer à tomber du ciel, chic du fric, encore plus de fric, youplaboum28 ! »
« Paris, en 1987, c’est un mélange de Libreville et de Chicago29. »

  • 30 Idem, p. 323.

22Le narrateur qualifie la place de Paris de « jungle sur le plan légal ». Il précise qu’aux États-Unis, la Securities and Exchange Commission, la SEC, réglemente réellement les marchés financiers alors que son homologue français, la Commission des Opérations de Bourse, la COB, n’a encore « jamais poursuivi personne : pas la moindre inculpation, jusqu’ici, pour délit d’initié30 ». Le narrateur décrit alors les commissions abusives entre intermédiaires ainsi que les transactions occultes via la Suisse.

  • 31 André Icard, Françoise Drumetz, « Développement des marchés de titres et financement de l’économie (...)

23Pour comprendre l’intérêt documentaire du roman, il convient de rappeler l’origine de ces modifications sectorielles. C’est pour financer leurs déficits budgétaires croissants que les pays développés ont procédé à une profonde déréglementation de leur système financier31. L'abolition des réglementations avait pour but de faciliter la circulation internationale de capitaux afin de drainer l'épargne mondiale. En France, ce processus a été enclenché dans les années 1980. Le contrôle des changes a été complètement aboli en 1984. La titrisation a été introduite et réglementée par la loi en 1988. La France a donc découvert plus tardivement que les États-Unis la désintermédiation, le décloisonnement et la déréglementation du secteur bancaire. Le professionnalisme des Américains évoqué dans Le Fric parait donc probable, réaliste.

  • 32 Idem, p. 327.

24Selon le narrateur, le désert juridique qui entoure le développement des techniques financières a pour conséquence la naissance d’un groupe de « nouveaux riches arrogants de la manne boursière : les golden boys » avec lequel il rage d’être confondu, lui qui se définit comme un professionnel, « un besogneux qui surveille quatorze heures par jour ses écrans32 ».

  • 33 Jean Manuel Rozan, Le Fric, op. cit., p. 305.
  • 34 Le Monde, 21 octobre 1986.
  • 35 Gérard Courtois, « Les nouveaux métiers de la finance », Le Monde, 12 février 1987.

25Les passages consacrés aux « golden boys » constituent une contribution originale à l’histoire sociale et peuvent être envisagés comme le témoignage d’un acteur de la profession. L’auteur-narrateur décrit par exemple les golden boys comme « une caste particulièrement honnie33 » qui attire l’attention. Le phénomène d’attraction-répulsion que provoque ce nouveau groupe social est corroboré par d’autres sources. En effet, dès le milieu des années 1980, la presse française s’intéresse à cette nouvelle classe34. Les observateurs de la vie économique réalisent combien l’ouverture du MATIF, le Marché à Terme d'Instruments Financiers ouvert à Paris en 1986, est en train de constituer une révolution35.

26L’enrichissement rapide de jeunes gens intrigue et fait couler de l’encre. Les sommes évoquées sont exorbitantes. Par exemple, le 9 janvier 1991, Le Monde reprend une information parue la veille dans le Wall Street Journal selon laquelle Lawrence Hilibran, 31 ans, aurait touché, en 1990, 23 millions de dollars (primes et salaire) de son employeur, Salomon Brothers36.

27La presse a fait de cette question un marronnier mais les chiffres varient considérablement, laissant la porte ouverte aux fantasmes. « Des garçons qui gagnent des multi millions de dollars, en France, il n'y en a pas une cinquantaine. La majorité se situe entre 100 000 et 300 000 euros par an, fixe et bonus compris», note, en 2009, un chasseur de têtes au cabinet Korn Ferry37. En 2012, Le Parisien révèle qu’en moyenne, un trader gagne 297 000 euros. Auteur d’une thèse sur les rémunérations dans l’industrie financière, le sociologue Olivier Godechot montre combien ce marché, très cloisonné, rend opaque les rémunérations38.

28Dans Le Fric, l’ampleur des salaires est déjà évoquée avec scepticisme.

  • 39 Jean Manuel Rozan, op. cit., p. 311.

« Et pourquoi sommes-nous si bien payés ? Pour prendre des risques ! Des risques que nos employeurs ne comprennent pas toujours et ne contrôlent pas très bien, dans le meilleur des cas39. »

  • 40 Ainsi, l’histoire s’achève par le krach de 1987, au cours duquel l’indice Dow Jones de la Bourse de (...)

29Finalement, ce roman insiste sur la complexification des techniques bancaires et en fait même le cœur de l’intrigue40. Il témoigne avec véracité d’une période économique charnière et annonce des représentations sociales qui seront reprises dans la décennie suivante.

30Près de dix ans plus tard sort Un trader ne meurt jamais. Le seul titre rappelle un James Bond (Demain ne meurt jamais) et laisse présager un récit plein de rebondissements et d’obstacles. Comme Le Fric, ce roman a été écrit par un spécialiste des marchés financiers qui a dirigé une équipe de traders pendant vingt-cinq ans41, Marc Fiorentino. Fondateur d'une société de bourse et associé d'un site de conseil patrimonial, il est chroniqueur dans la presse économique, sur BFM et sur Canal+, ce qui en fait un auteur visible, susceptible de capter un lectorat de masse42. Ainsi, cet écrivain est-il en mesure d’investir son capital social43 pour se faire une place dans le champ littéraire.

  • 44 Pierre Bourdieu, Les Règles de l’art – Genèse et structure du champ littéraire, Paris, Seuil, 1998, (...)

31L’éditeur n’est autre que Robert Laffont, une grosse maison qui a l’habitude de publier des personnalités, des journalistes, de mobiliser les médias et d’investir en publicité pour finalement produire de nombreux best-sellers44.

  • 45 C’est le principal indice boursier de la place de Paris.

32Tandis que le Fric racontait le krach d’octobre 1987 vu par un trader, Un trader ne meurt jamais s’inspire de la bulle sur les matières premières en 2008, soit un fait d’actualité. Le héros, Sam Ventura, est un « ex trader vedette de la place de Paris » qui revient sur le marché après huit ans d’absence. Ruiné, il décide de se refaire. La situation initiale rappelle plusieurs romans de Sulitzer. La comparaison ne s’arrête pas là car le récit, structuré comme un journal intime, est ponctué par les chiffres, les chiffres qui rythment le temps, la richesse et l’obsession des cours de bourse. Chaque tête de chapitre est précédée d’un paragraphe rappelant le cours journalier des devises et des matières premières ainsi que le niveau du CAC 4045.

Vendredi 28 mars
Euro/$ : 1.5780. Or : 945 $. Pétrole : 106.90 $.
Le CAC ouvre à 4717.

  • 46 Lars Tvede, La Psychologie des marchés financiers, éditions SEFI, collection Finance, 1994, Montréa (...)

33Le prologue aussi donne le ton. « Huit ans sans la moindre dose. Huit ans sans adrénaline.» Le narrateur est présenté comme un joueur compulsif, obsessionnel. Le métier de trader est d’ailleurs essentiellement vu à travers le prisme de la psychologie, ce qui n’amenuise en rien l’intérêt documentaire dans la mesure où la psychologie est un facteur essentiel dans les marchés financiers comme l’ont montré plusieurs études techniques et scientifiques46.

34Alors que l’histoire est censée se dérouler en 2008, de nombreuses références culturelles renvoient aux années 1980 : l’épitaphe « Money never sleeps », citation du personnage imaginaire Gordon Gekko dans Wall Street, la chanson La fièvre dans le sang d’Alain Chamfort, les films Rambo, Le Grand Pardon et Marathon Man… Le narrateur a une expérience du métier et observe avec un certain recul son évolution. Ainsi, il expose les trois phases historiques du trading.

  • 47 Marc Fiorentino, Un trader ne meurt jamais, Paris, Robert Laffont, 2008, p. 69.

35Avant 1983, année définie comme l’époque charnière, « un trader typique était un autodidacte. Brut de décoffrage, rugueux, viril et physique47. » Ces hommes travaillent à la corbeille : ils passent leurs ordres en criant. « Les matières premières agricoles sont le territoire favori du trading et de la spéculation. »

36Après 1983 s’ouvre la période des golden boys. S’en suit une longue description de ses vêtements, des marques fétiches, des lieux qu’ils fréquentent, en semaine, en week-end, en vacances, de ses références culturelles et de sa formation initiale. « Le golden boy vient généralement, en France, d’une école de commerce, d’un MBA aux États-Unis. »

  • 48 Idem, p. 72.

37À partir des années 1990, le profil des traders change. La crise financière aux États-Unis aurait modifié le mode de recrutement. « Les banques ne veulent plus de flambe. Ils veulent trouver une ‘martingale’. […] On passe du « tout frime » au « tout mathématique ». Exit les golden boys, place aux ingénieurs. En France on ne recrute plus les traders à HEC mais à l’X ou à Centrale. Aux États-Unis et en Angleterre, on ne veut plus de MBA mais des Ph.D ou des docteurs en physique nucléaire48. »

  • 49 Michel Beaud, Gilles Dostaler, La Pensée économique depuis Keynes, Paris, Seuil, point économie, 19 (...)

38Cette évolution décrite avec justesse est intéressante. Elle s’inscrit dans un temps court marqué par l’évolution des techniques de communication (téléphone/fax/internet) et des techniques bancaires. Elle fait aussi écho à la mathématisation croissante des sciences économiques49.

  • 50 Marc Fiorentino, Un trader ne meurt jamais, op. cit., p. 44.

39Le narrateur livre son approche personnelle, plus macro-économique, plus proche en cela des golden boys. Il cite les journaux de référence : le Financial Times, le Herald Tribune, le Businessweek, The Economist, le Journal des finances, Investir, La Vie financière et le Revenu mais explique trouver ses bonnes idées dans la presse généraliste car : « En économie, comme dans la vie quotidienne et comme sur les marchés financiers, la clé, c’est la psychologie de masse50. »

40L’importance de la géopolitique est soulignée avec le rôle de l’OPEP et la dépendance des États-Unis à l’égard de l’Arabie Saoudite. L’intrigue est portée par les effets de levier et l’Etat apparaît comme un acteur déterminant sur les marchés. En effet, le dénouement a lieu quand les États-Unis suppriment la possibilité de jouer avec l’effet de levier ce qui coupe l’herbe sous le pied des spéculateurs.

41Reste que l’essentiel du récit tourne autour des obsessions du narrateur : le jeu, la chance. Derrière un langage professionnel abscons fait de « put », de « future » ou de « bids », Sam Ventura ne rêve que de risque, d’argent et de revanche. Seules expressions des limites déontologiques du narrateur : la condamnation de Kerviel et le rejet des spéculateurs jouant le jeu de dictateurs comme Chavez. Proche du récit de vie, ce roman assume l’attirance pour l’argent rapide et contribue pleinement au stéréotype du trader en joueur fou. Contrairement au discours communément admis dans les médias, l’Etat n’y est pas présenté comme un acteur impuissant.

42Grâce à la notoriété de l’auteur et au contexte de crise qui met la finance au centre des débats, les ventes explosent.

43« Imprimé à 10 000 exemplaires début janvier, le roman a bénéficié d'un retirage de 4 000 exemplaires, puis de cinq autres tirages à 5 000. […] Marc Fiorentino avait achevé son livre en mai dernier, mais son éditeur a préféré ne pas le publier au début de la tempête financière afin que l'auteur, très présent fin 2008 dans les médias sur le thème de la crise, puisse de nouveau être invité sur les plateaux de télévision, début 2009, pour parler de son livre51 ». Finalement, 50 000 exemplaires sont vendus et un nouvel opus des aventures de Sam Ventura sort en 201052.

  • 53 En 2009, 20% des ménages détenaient directement ou indirectement des actions en bourse. C’est moins (...)

44Contrairement à Jean-Manuel Rozan, Marc Fiorentino continue de publier, tantôt des romans, tantôt des ouvrages de vulgarisation économique. Le profil des auteurs (professionnels capitalisant sur leurs expériences pour susciter l’intérêt du lecteur) les inscrit dans la lignée de Sulitzer. Par sa philosophie libérale, par son exposition médiatique, par un récit flirtant avec le roman de genre (entre roman d’aventures et roman policier), Marc Fiorentino s’en rapproche encore davantage. Cependant, sa stature d’expert toujours en activité le place davantage du côté de la fiabilité et le protège des attaques dont Sulitzer avait fait l’objet. D’autre part, le climat général a lui-même beaucoup évolué. Désormais, la publicité a totalement envahi le champ culturel. La finance, bien que vilipendée avec la crise, fait l’objet d’un intérêt toujours croissant, ce dont témoignent le développement de l’investissement des ménages53 et la multiplication des publications (imprimées ou en ligne) à destination des novices. Dans cette perspective, ces romans répondent à une demande du lectorat : accéder à une connaissance pratique grâce à une forme divertissante.

La fiction au service de la démystification de la finance

45La crise des subprimes qui, après les États-Unis, submerge la France, devient une véritable source d’inspiration. Au-delà du trader, c’est tout le système bancaire qui s’impose dans la littérature. Deux fictions, différentes dans leur forme, traduisent un sentiment qui semble gagner de l’ampleur dans le pays : la crainte de voir les banques se jouer de la démocratie.

46La première fiction sort chez Fayard au printemps 2009 sous le titre Confessions d’un banquier pourri, signée Crésus. Aucune précision n’est donnée sur le statut du texte. S’agit-il d’une réelle confession ? S’agit-il d’un roman inspiré de l’actualité ? L’histoire commence comme un polar. Le narrateur, dirigeant d’une grande banque, se voit informé du danger encouru : deux traders ont falsifié leurs opérations pour jouer des montants plus importants que ceux autorisés. Il s’agit donc de défaire les positions de ces deux jeunes traders, inconscients, malhonnêtes mais très doués. Immédiatement, le lecteur est plongé dans un univers cynique où la lutte contre la corruption et le secret bancaire sont de petites contrariétés pour le vrai pouvoir dans l’ombre. Le style rappelle le roman de Stéphane Osmont54, Le Capital, paru en 2006 et depuis porté à l’écran par Costa Gavras (Le Capital, 2012). Le narrateur fait d’ailleurs référence à ce roman de manière explicite. Mais ce qui différencie nettement les deux ouvrages, c’est la prétention au réalisme. Crésus joue avec l’ambigüité, en se présentant comme un homme du sérail qui ne peut dire son nom, en collant fortement à l’actualité économique, et en introduisant des personnalités connues du secteur bancaire dans le récit. Ainsi, Patrick Artus, le directeur des études de la banque Natixis, est l’objet d’un portrait peu flatteur. Avec ironie, il est dépeint comme un homme incompétent, « suffisamment visionnaire pour s’émerveiller des performances du patron de Lehman Brothers quelques jours avant la chute de la banque américaine ». L’anecdote ne passe pas inaperçue. Elle est reprise immédiatement par la presse, de l’Expansion à Alternatives économiques. « Mais qui est "Crésus", le banquier anonyme ? », s’interroge Le Monde dans ses pages « économie » seulement deux jours après la sortie du livre55. Très vite, les hypothèses fleurissent sur la toile. Dans Rue 89, une liste d’auteurs possibles est soumise aux lecteurs. S’agit-il de Philippe Citerne, ex-numéro 2 de la Société Générale ? Vivien Lévy-Garboua, ex-membre du comité exécutif de BNP Paribas ? Jean-Pierre Mustier, ex-patron de la Banque d’investissement et de financement de la Société Générale ? Marc Litzler, ancien dirigeant de Calyon France (groupe Crédit Agricole) et ancien responsable de la banque d’investissement de la Société générale ? André Lévy-Lang, ex-patron de Paribas ? Anthony Orsatelli, ancien dirigeant de Natixis ? La discussion s’étend sur les forums dédiés à la bourse56.

  • 57 Le Parisien du 21 juin 2009.

47Deux mois plus tard, l’un des auteurs se dévoile. Claire Germouty, ex-rédactrice en chef à l'agence Capa se livre au quotidien grand public, Le Parisien57. Dans un « dîner parisien », elle aurait rencontré un banquier qui fustigeait les medias ignares face à la crise. Il dénonçait la corruption, les délits d’initiés mais ne souhaitait pas écrire sous son nom. Claire Germouty le convainc d’écrire ensemble, sous le pseudonyme de Crésus et sous une forme romanesque, le polar de la crise des subprimes. Pour étoffer ce que son éditeur (Claude Durand chez Fayard) et elle considèrent comme une enquête de terrain, elle rencontre deux autres sources dans la banque ainsi qu’une call-girl de luxe mise en scène dans le roman.

  • 58 Damien est le prénom du narrateur et le surnom du co-auteur.
  • 59 Le Parisien du 21 juin 2009.

48« Il ne nous a pas été possible, pour des raisons légales, de citer les noms des banques françaises au bord de la faillite. Entre autres celles qui se sont fait rouler en achetant à prix d'or des établissements dans les pays de l'Est. D'autre part, certains grands banquiers français ont profité à titre personnel des montages fiscaux offshore (NDLR : à l'étranger) mis en place pour leurs clients. Je peux vous assurer que des têtes vont tomber dans les mois qui viennent. Nous avons en France quelques « Madoff » suivis de près par Bercy et l'Autorité des marchés financiers, l'AMF. Damien58 m'a expliqué que, pour se protéger de perquisitions éventuelles de la brigade financière, et garder à l'abri des documents sensibles, certains banquiers ont caché des coffres dans des endroits incongrus de leur banque, là où les policiers n'iraient pas chercher. Il existe ainsi dans un grand établissement, un coffre secret situé derrière le placard des femmes de ménage et accessible à une poignée de dirigeants59. »

  • 60 Thème que Claire Germouty exploitera de nouveau dans La Maison, roman publié chez Albin Michel en 2 (...)
  • 61 Dominique Reynié, Les nouveaux populismes en France, Paris, Fayard, coll. « pluriel », 2013.

49Pour justifier sa démarche, Claire Germouty explique avoir été écœurée par cette haute finance qui se croit tout permis. Son roman se présente comme une arme pour dénoncer les affaires. Cette forme fictionnelle lui permet d’éviter des démêlés judiciaires. Hypothèses et rumeurs peuvent ainsi trouver leur place dans la narration. Mais est-ce un pavé dans la mare ? Quel est le pouvoir du roman pour changer le monde ? Les détournements d’argent cités dans l’ouvrage ne peuvent pas faire l’objet d’une information judiciaire si l’auteur ne livre pas ses sources. La fiction se limite alors à la diffusion des idées, des stéréotypes, à la construction d’une idéologie. La banque y apparaît comme au cœur du dérèglement du système. Tandis qu’Henri Falcoz, dans Le Fric, se demandait si la direction comprenait quelque chose aux actions des traders, Crésus tranche dans le vif : l’incompétence règne. La complexification des procédures permet de créer une opacité propice au plus « grand casse » du siècle. Les banquiers sont les nouveaux bandits, mais des bandits de haut vol qui se sont arrogé le pouvoir et l’impunité. Alors que le but semblait être de dénoncer les affaires, on peut se demander si cette représentation d’une collusion entre la haute finance et les élites politiques corrompues, auxquelles se mêleraient des prostituées de luxe60, n’est pas en train d’alimenter le courant populiste en progression en France61. Toujours est-il que cette représentation fait réellement débat dans le champ politique.

50La seconde fiction marquante inspirée de la crise des subprimes est la pièce de théâtre en alexandrins écrite par Frédéric Lordon, publiée par Seuil en 2011 et intitulée D’un retournement l’autre. L’histoire se déroule dans les palais présidentiels et bancaires. Acte 1, Scène 1 : Le fondé de pouvoir annonce au banquier le retournement du marché et la crise immobilière résultant des junk bond (titrisation/obligations pourries). Il met en cause le manque de rationalité et de maîtrise des marchés mais le banquier ne veut pas se remettre en cause. Dans la scène qui suit deux nouveaux personnages interviennent « un trader introduit l’air piteux, le grand journaliste à sa suite ».

La presse est sur les dents ; elle veut un coupable ; elle veut du sang.
La presse est intraitable, elle est incorruptible,
(regardant le trader)
Je sais de source sûre que je tiens mon fusible.

  • 62 Hugues Le Bret, La semaine où Jérôme Kerviel a failli faire sauter le système financier mondial – j (...)
  • 63 « Le procès de la finance folle » est le gros titre choisi par Libération le 28 janvier 2008.

51La crise est passée par là. Le trader n’est plus l’homme qui fait rêver mais le « serial loser ». Le trader va jouer le rôle du bouc émissaire permettant ainsi aux véritables dirigeants de s’exonérer de leurs responsabilités. Désigné comme un être inférieur, enfermé dans sa technique et affublé d’un sabir, il n’est plus la vedette mais le mouton que l’on sacrifie au peuple en colère, tel Jérôme Kerviel jeté en pâture par les dirigeants de la Société Générale lorsque des pertes astronomiques sont découvertes en janvier 2008. Rappelons en effet que cette banque qui se targuait d’attirer les ingénieurs les plus diplômés, d’avoir le système de sécurité le plus fiable, et qui s’était même doté de « déontologues » en charge des marchés financiers, se retrouve au bord du gouffre du jour au lendemain62. La presse s’empare de l’affaire. La crise financière qui éclate quelques mois plus tard amplifie encore le phénomène. Kerviel incarne alors la finance folle63, débridée, l’argent facile. Les condamnations morales pleuvent. Sur le moment, rares sont ceux qui s’interrogent sur la capacité d’un homme à fragiliser un tel système. Comment un trentenaire, issu d’une famille modeste (mère coiffeuse, père ouvrier-formateur en centre d’apprentissage) qui a intégré la banque par la petite porte (d’abord au « back office » c’est-à-dire dans la gestion post-négociation des opérations de marché) peut-il déstabiliser seul la banque sans que personne ne s’en aperçoive ? Au lieu d’entrer dans l’enchaînement des faits, Frédéric Lordon offre une interprétation des rapports de force à l’intérieur du système économique. Le trader est un fusible. Mais, derrière lui, la banque et l’État sont les coupables impunis.

52En adoptant le style du théâtre du Grand Siècle, Lordon s’inscrit dans la tradition française de théâtre satirique. Il se moque de la nouvelle cour française, avec à sa tête un président obsédé par son image et entouré de conseillers obséquieux. Les références à l’actualité sont claires. Ainsi peut-on entendre de la bouche du premier conseiller s’adressant au président :

  • 64 Frédéric Lordon, D’un retournement l’autre, Paris, Seuil, 2011, p. 64.

Au moment où semble que le monde chancelle,
Ça n’est pas du côté d’Obama ou Merkel
Que viendront la lumière et le jaillissement :
Ce sera de la France et de son président64.

53Le président y apparait comme un fat qui se croit capable de sauver le monde mais, les puissants qui dans l’ombre modèlent le système sont les banquiers. Ceux-là n’ont que faire des conséquences de la crise sur le peuple. Leur mépris pour ce peuple qui ne comprend rien à la concurrence est immense. À leurs yeux, les crises ne sont que des retournements de marché avec des gagnants, des perdants et de nouvelles opportunités à saisir.

54Originale par sa forme, cette pièce rencontre immédiatement un écho dans l’opinion. De plus, son auteur n’est pas tout à fait un inconnu. Frédéric Lordon est directeur de recherche au CNRS, chercheur au centre de sociologie européenne, auteur d’ouvrages à caractère économique dans la collection « Raison d’agir65 ». Collaborateur du Monde diplomatique, il bénéficie à la sortie de sa pièce d’articles dans ce journal, dans Marianne ou encore dans Tout est à nous (journal du NPA, proche du Front de gauche). Le 17 avril 2012, le séminaire Copernic, lieu de réflexion de la gauche marxienne en France, prend la forme d’une représentation théâtrale sur la crise, « pour la combattre et pour en rire66 ». Toujours en avril, une représentation a lieu à la Maison des métallos à Paris (lieu à la disposition des syndicats) ; en mai une lecture-débat est organisée rue d’Ulm, puis ce sera le théâtre de l’aquarium à la Cartoucherie à Vincennes… En janvier 2013, une adaptation cinématographique de Gérard Mordillat, auteur et réalisateur proche du PCF, sort dans les salles. Ainsi, cette fiction théâtrale de la crise est d’abord accueillie par les intellectuels de la gauche radicale puis par un public plus large. Le texte a d’ailleurs été réédité en poche en 2013.

55Malgré des différences notables dans la forme narrative choisie, il convient de remarquer des points de convergence importants. Confessions d’un banquier pourri et D’un retournement l’autre n’ont pas été produits par des auteurs de fiction mais d’un côté par une journaliste et un banquier, et de l’autre par un chercheur en sociologie. Cependant, ces deux œuvres ont trouvé des éditeurs de premier plan : Fayard et Seuil. Dans les deux cas, l’objectif est de délivrer un message politique en dénonçant un système non démocratique dans lequel les banquiers se sont arrogé un pouvoir sans limite. On peut donc s’interroger sur le rôle de la forme fictionnelle. S’agit-il de protéger des sources ? De toucher un public plus large qu’un essai ? D’exploiter la puissance évocatrice du beau verbe pour convaincre ? Du point de vue de l’éditeur, quel a été l’élément déclencheur du contrat ? Le thème en vogue ? La thèse ? Le statut des auteurs plus prompts à obtenir une couverture médiatique ? Le choix récurrent d’auteurs « experts » dans le domaine pour produire une fiction sur la question suscite quelques interrogations. S’agit-il d’un positionnement marketing, d’un choix de communication ? S’agit d’un présupposé selon lequel seule l’expérience concrète permet d’élaborer une représentation littéraire réaliste ? Faut-il y voir un lien avec le développement des docu-fictions et de la téléréalité ?

Réflexions conclusives

56Les écrivains cités ici (Sulitzer, Rozan, Fiorentino, Germouty et sa source, Lordon) ont pour point commun leur mode d’entrée dans le métier d’écrivain : professionnel de la banque reconnu ou journaliste, ils réinvestissent un savoir-faire ou une connaissance éprouvée dans un autre domaine dans le champ littéraire. La recherche de la reconnaissance symbolique par les pairs ne semble pas être leur stratégie principale (sauf peut-être, et de manière paradoxale, pour Sulitzer qui se plaint de ne pouvoir accéder à cette consécration). Tous mènent une autre activité professionnelle en parallèle (homme d’affaire/ financier/ journaliste/ économiste) et peuvent reconvertir leur notoriété littéraire en capital économique, social ou politique. Cette situation de dépendance à l’égard des champs économique et politique ne facilite pas la reconnaissance de la fiction d’affaires dans le champ littéraire. L’identité dans le recrutement des auteurs est à mettre au compte des éditeurs qui, dans le pôle commercial du champ, recherchent des personnalités susceptibles de mobiliser des réseaux et faciliter ainsi le marketing de l’ouvrage. La volonté de répondre à une demande du lectorat pour maximiser les ventes s’oppose à l’ascèse nécessaire dans le marché des biens symboliques. En revanche, pour le grand public, la référence à une expérience vécue fonctionne comme un label de réalisme.

  • 67 « Les employés de commerce dans la littérature française contemporaine », Intercâmbio, 2e série, vo (...)
  • 68 Le Prix du Roman d’Entreprise et du Travail a été créé, en 2009, à l’initiative de Place de la Médi (...)

57Du point de vue historique, un parallèle s’impose. Au xixe siècle, l’émergence de la question ouvrière dans le débat politique a nourri une littérature de fiction visant à témoigner, voire à agir sur le monde. Les grands noms du réalisme, Balzac et Zola en tête, ont offert des chefs d’œuvre qui façonnent encore l’image que nous avons de la période. Dès leur création, les organisations politiques et syndicales du mouvement ouvrier se sont investies dans la production d’un imaginaire capable de servir les intérêts de la lutte par la conscientisation des masses. Une littérature prolétarienne, par les ouvriers et pour les ouvriers, s’est ainsi développée. Aujourd’hui, la fiction d’affaires est principalement portée par des hommes d’affaires ou des financiers. Ceux-là sont plutôt enclins à promouvoir un système capitaliste mondialisé. On retrouve donc dans ces romans un outil de diffusion des idées libérales. Il ne s’agirait pas de conclure à une uniformité idéologique des écrivains de la fiction d’affaires. Les cas de Germouty et Lordon montrent bien que des points de vue critiques demeurent. Toute une littérature sur le travail67, dans laquelle le salariat apparait comme source de souffrance, d’aliénation et d’affrontements, confirme l’existence de ce pôle68. Il reste que par le succès des ventes, la fiction d’affaires libérale semble profiter des faveurs du plus grand nombre. Mais le fait sur lequel il nous appartient de conclure est l’imposition à la fin du xxe siècle, du monde de la finance dans l’univers romanesque.

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Notes

1 The American – The Journal of the American Entreprise Institute, « The ten best business novels », January/February 2007 Issue. On notera avec intérêt que le classement effectué par The American en 2007 comprenait un titre d’Honoré de Balzac, A Harlot High and Low , traduction de Splendeurs et misères des courtisanes (1847). Autre classement accessible en ligne : “The 25 best business novels to dig into this summer” sur http://www.onlinemba.com

2 C. Reyns-Chikuna, « La fiction d’affaires en France : de la fiction anti-affaires à l’anti-fiction d’affaires », Neophilologues, mars 2013, pp 61-76.

3 L. Van Ypersele, O. Klein, « Les stéréotypes », in L. Van Ypersele, Questions d’histoire contemporaine – Conflits, mémoires et identités, PUF, 2006, p. 65-75.

4 Un livre écrit par des journalistes de Paris-Match

5 Paul Loup Sultzer, Cash, p. 320-323.

6 Propos recueillis lors d’un entretien avec l’auteur le lundi 7 mars 2011 à Paris.

7 Matthieu Letourneux, Le Roman d’aventures 1870-1930, PULIM, 2012.

8 Le Roi rouge, p. 255.

9 L’Empire du dragon, en collaboration avec Vladimir Colling, Paris, éditions no1, 2006.

10 Christian Salmon, Le Storytelling : la machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits, Paris, La Découverte, 2008. Le storytelling consiste à utiliser un récit (personnel par exemple) à des fins de communication. Celui-ci permet de susciter l’émotion sans avoir à justifier des qualités du produit.

11 Repris par O. Bessard La Vie du livre contemporain, p. 182.

12 Pierre Bourdieu, Les Règles de l’art – Genèse et structure du champ littéraire, Paris, Seuil, 1998, p. 255

13 Lire, no136, janvier 1987, p. 27.

14 Lire, no 141, juin 1987, pp. 39-46.

15 Pierre Bourdieu, Les Règles de l’art – Genèse et structure du champ littéraire, Paris, Seuil 1998, p. 147.

16 Tania Régin, « Paul-Loup Sulitzer ou l’argent roi », in O. Larizza (dir.), Les Écrivains et l’argent, Orizons, 2012, p. 299.

17 Ainsi l’homme politique Arcadi Gaydamack, russe émigré en Israël et impliqué dans l’Angolagate, a inspiré Le Roi rouge.

18 Effet de la crise et de la mise au ban de la finance, son éditeur le présente désormais comme chef d’entreprise et non plus comme financier. www.editionsdurocher.fr_auteur-128-Sulitzer , décembre 2010.

19 Tamara Lazarev, « Sulitzer, Midas of letters », Women’s wear daily14 décembre 1988. Comme il l’explique dans le Women’s wear daily, « In this country, a writer must be poor, write a candlelight, win a literary prize and gain recognition of a special cast of people [sic]».

20 Pierre Bourdieu, Les Règles de l’art – Genèse et structure du champ littéraire, Paris, Seuil 1998, p. 246-247.

21 «On nous Paul-Loup Sulitzer, on nous Claudia Schiffer » chante Alain Souchon dans Foule Sentimentale (1993).

22 Le dictionnaire Larousse définit le trader en ces termes : « dans une banque ou une société boursière, opérateur spécialisé dans l'achat et la vente de valeurs mobilières, devises et produits dérivés. »

23 https://www.lenouveleconomiste.fr/jean-manuel-rozan-qwant-com-le-frein-principal-en-france-le-scepticisme-ambiant-20455/

24 Cette entreprise de courtage boursier sur internet a été créée en 1997 par Charles Beigbeider, le frère de l’écrivain Frédéric Beigbeider. Elle connaît un succès fulgurant et se démarque de ses concurrents en détournant des symboles communistes dans ses spots publicitaires. Elle entre en bourse au Nasdaq et au Nyse en 1999.

25 Jean Manuel Rozan, Le Fric, Paris, Albin Michel, 1999, p. 26.

26 Idem, p. 64.

27 Idem, p. 293.

28 Idem, p. 320.

29 Idem, p. 322.

30 Idem, p. 323.

31 André Icard, Françoise Drumetz, « Développement des marchés de titres et financement de l’économie française, Bulletin de la Banque de France , no 6 , Juin 1994, p. 83-106.

32 Idem, p. 327.

33 Jean Manuel Rozan, Le Fric, op. cit., p. 305.

34 Le Monde, 21 octobre 1986.

35 Gérard Courtois, « Les nouveaux métiers de la finance », Le Monde, 12 février 1987.

36 Le Monde, « Il reste des golden boys », 9 janvier 1991.

37 http://www.lefigaro.fr/economie/2009/09/04/04001-20090904ARTFIG00003-le-coup-de-blues-des-traders-francais-.php

38 Olivier Godechot, Les Traders : essai de sociologie des marchés financiers, Paris, La Découverte, 2005.

39 Jean Manuel Rozan, op. cit., p. 311.

40 Ainsi, l’histoire s’achève par le krach de 1987, au cours duquel l’indice Dow Jones de la Bourse de New York a connu la seconde plus importante baisse jamais enregistrée en un jour sur un marché d’actions (devancée par le krach de la bourse islandaise de 2008).

41 http://www.lefigaro.fr/livres/2009/02/26/03005-20090226ARTFIG00495-dans-la-peau-d-un-trader-.php

42 Il publiera ensuite Pour tout l'or du monde (2010), et des best-sellers comme Sauvez votre argent (2011) et Immobiliez-vous (2012).

43 Le capital social a été défini par Bourdieu comme « l’ensemble des ressources actuelles ou potentielles qui sont liées à la possession d’un réseau durable de relations plus ou moins institutionnalisées d’interconnaissance et d’interreconnaissance ». Pierre Bourdieu, « Le capital social – Notes provisoires », Actes de la recherche en sciences sociales, volume 31, janvier 1980, p. 2.

44 Pierre Bourdieu, Les Règles de l’art – Genèse et structure du champ littéraire, Paris, Seuil, 1998, pp. 243-246.

45 C’est le principal indice boursier de la place de Paris.

46 Lars Tvede, La Psychologie des marchés financiers, éditions SEFI, collection Finance, 1994, Montréal.

47 Marc Fiorentino, Un trader ne meurt jamais, Paris, Robert Laffont, 2008, p. 69.

48 Idem, p. 72.

49 Michel Beaud, Gilles Dostaler, La Pensée économique depuis Keynes, Paris, Seuil, point économie, 1996, 444 p.

50 Marc Fiorentino, Un trader ne meurt jamais, op. cit., p. 44.

51 http://www.lefigaro.fr/livres/2009/02/26/03005-20090226ARTFIG00495-dans-la-peau-d-un-trader-.php

52 Cette fois, l’histoire s’inspire de l’affaire Madoff.

53 En 2009, 20% des ménages détenaient directement ou indirectement des actions en bourse. C’est moins qu’aux États-Unis (50%) mais c’est plus qu’en Allemagne (17%), qu’en Italie (15%) ou en Espagne (14%). Bulletin de la Banque de France, no 184, 2e trimestre 2011, p.  46.

54 Stéphane Osmont est aussi un pseudonyme. Il est présenté sur le site de Grasset comme « Énarque, ayant longtemps travaillé dans de grandes entreprises et acquis une expertise financière qu'il met aujourd'hui à profit pour conseiller de grandes entreprises. »

55 Le Monde, le 17 avril 2009.

56 http://www.bulle-immobiliere.org/forum/viewtopic.php?f=204&t=55889

57 Le Parisien du 21 juin 2009.

58 Damien est le prénom du narrateur et le surnom du co-auteur.

59 Le Parisien du 21 juin 2009.

60 Thème que Claire Germouty exploitera de nouveau dans La Maison, roman publié chez Albin Michel en 2011.

61 Dominique Reynié, Les nouveaux populismes en France, Paris, Fayard, coll. « pluriel », 2013.

62 Hugues Le Bret, La semaine où Jérôme Kerviel a failli faire sauter le système financier mondial – journal intime d’un banquier, Paris, Les Arènes, 2010. Cet ouvrage est le témoignage de l’un des adjoints du PDG de la Société Générale à l’époque des faits.

63 « Le procès de la finance folle » est le gros titre choisi par Libération le 28 janvier 2008.

64 Frédéric Lordon, D’un retournement l’autre, Paris, Seuil, 2011, p. 64.

65 Sur l’histoire de la banqueroute des fonds de pension.

66 http://www.fondation-copernic.org/spip.php?article600

67 « Les employés de commerce dans la littérature française contemporaine », Intercâmbio, 2e série, vol.5, 2012, pp.167-180.

68 Le Prix du Roman d’Entreprise et du Travail a été créé, en 2009, à l’initiative de Place de la Médiation. Il est organisé chaque année par Place de la Médiation, Technologia et l’ANDRH. Ce prix concerne neuf romans édités ou réédités, au cours de l’année précédente (2013), qui ont pour toile de fond l’entreprise et le monde du travail. Il récompense un auteur pour la lucidité de son regard sur le monde professionnel et pour les qualités littéraires de son œuvre. Le jury est composé de quinze personnalités issues du monde de l’entreprise, des partenaires sociaux, des sciences humaines et de la littérature.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Tania Régin, « La fiction d’affaires, une source pour l’histoire du temps présent »Belphégor [En ligne], 13-1 | 2015, mis en ligne le 02 juin 2015, consulté le 23 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/belphegor/603 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/belphegor.603

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Auteur

Tania Régin

Chercheure associée au Centre d’études des correspondances et journaux intimes à l’UBO (Université de Bretagne Occidentale)

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Droits d’auteur

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Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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