Navigation – Plan du site

AccueilNuméros21-2III. VariaM Le maudit de Fritz Lang : un fi...

Résumés

Cet article se propose de discuter la thèse, couramment admise depuis les travaux de Siegfried Kracauer en 1947, faisant de M le maudit (Fritz Lang 1931) un film « politique » dans le sens où il avertirait de la montée du danger nazi, ou au contraire selon d’autres auteurs soutiendrait les nazis dans l’Allemagne de 1930. A partir d’une étude détaillée du film et des déclarations du réalisateur, je soutiens qu’il faut au contraire tenir M pour un film à vocation documentaire et « prophilactique » concernant les tueurs en série, et particulièrement les pédophiles.

Haut de page

Texte intégral

1Fritz Lang a déclaré pendant et après le tournage de son premier long métrage parlant, M (1931), qu’il souhaitait proposer un film réaliste montrant les effets sociaux et psychologiques de la présence d’un meurtrier psychopathe dans une grande ville. Il s’agissait pour lui d’adresser un avertissement à la population : un tueur d’enfant peut être un homme à l’apparence banale dont les méfaits auront des conséquences atroces pour les familles (Lang, 1931). Pourtant, les interprétations politiques n’ont pas manqué depuis l’ouvrage de référence de Siegfried Kracauer (From Caligari to Hitler : a psychological history of the german film, 1947) sur le cinéma de Weimar. Une partie de la critique internationale a ainsi voulu voir dans M un film anticipant le contrôle violent de la société par les nazis ou, au contraire, vantant leur efficacité. Un film réalisé dans les années 1930 en Allemagne ne pourrait ainsi manquer de se référer à la situation politique de l’époque. Ces interprétations politiques sont-elles assez solidement fondées pour s’opposer aux déclarations du réalisateur lui-même ? Les principales analyses du film ne confirment-elles pas les propos de Lang ? Pour répondre à ces questions, je propose d’examiner le détail de la préparation du film en 1930, puis certaines analyses proposées par la critique entre 1931 et aujourd’hui, et enfin les éléments principaux du récit tel que le film lui-même les présente.

La genèse de M et la menace des tueurs en série

2En 1930, Lang a obtenu la reconnaissance du public et de ses pairs, notamment après les Niebelungen (Die Nibelungen) en 1923-1924 et Metropolis en 1927. Il prépare son douzième long métrage, et premier film parlant, en profitant d’une grande liberté créative. Son intention est de réaliser une oeuvre réaliste qui trancherait avec ses fictions précédentes, comme La femme sur la lune (Frau im mond, 1929). Le titre auquel il pense est Mörder unter uns (Un meurtrier parmi nous) pour un récit quasi-documentaire consacré à un tueur en série, comme il l’explique très clairement à l’époque :

« Il m’a semblé juste de me mettre au diapason actuel de la vie, de la réalité de l’époque que nous traversons en ce moment, et de construire un film uniquement sur des rapports de faits-divers. Si l’on se donne la peine de lire avec soin, après coup, les rapports des journaux sur une grande affaire criminelle des dernières années […] on trouvera dans la plupart des cas une étrange correspondance des évènements, un phénomène de répétition des circonstances secondaires, telle que l’horrible psychose de peur de la population, l’auto-accusation de débiles mentaux, les dénonciations dans lesquelles semblent se décharger toute la haine et toute la jalousie qui se sont accumulées au fil d’une cohabitation de longues années. » (Lang, 2007 [1931] : 68)

3Il répète ces indications l’année suivante au journal français Le Matin, en insistant sur le caractère d’avertissement :

« Il y a longtemps que le sujet du Maudit me sollicitait. Dans chaque pays apparaissent ces monstres qui sont la terreur des mères. (…) D’autres avant lui et après. J’ai voulu dénoncer le danger que font courir ces êtres aux enfants. Sont-ce des malades, ou de vulgaires criminels ? Doit-on les châtier ou les soigner ? Cela m’est égal. C’est une autre question. A tel point que la version allemande finit ainsi par les paroles d’une mère ; elle confirme cette pensée que couper la tête au misérable n’est rien. Ce qu’il faut c’est, à l’avenir, surveiller ces enfants. Ce film est donc un signe d’alarme. On l’a fort bien compris ainsi en Allemagne. Notre censure, qui est très sévère, a admis le Maudit intégralement. La police elle-même n’y a rien trouvé à redire. Tous ont jugé cette œuvre socialement utile ». (Frantel 1932).

  • 1 Voir Angelini (2014). Une source de Lang a sans doute été la revue de Leipzig, Kriminal Magazine, q (...)
  • 2 Bien que le film ait été tourné entièrement en studio (Albera et allii 2013) et que le nom de la vi (...)

4La première idée de Lang et de son épouse Théa Von Harbou, qui écrit ses scénarios depuis 1922, était de mettre en scène un corbeau adressant des lettres empoisonnées. Le thème du tueur d’enfants leur a finalement paru plus effrayant. L’actualité s’y prêtait puisqu’une vague de meurtres accablait l’Allemagne depuis une dizaine d’années. Friedrich Schumann avait été arrêté en 1920 à Berlin après 7 assassinats et 11 viols et Carl Grossman en 1921 après une cinquantaine d’assassinats. Fritz Haarmann « le boucher de Hanovre » fut reconnu coupable en 1924 de 27 meurtres. Et surtout, Peter Kürten, le « vampire de Dusseldorf » était recherché frénétiquement par la police au moment où les époux Lang mettaient au point leur scénario. Après plusieurs dizaines de meurtres et d’agressions sexuelles, l’inquiétude générale avait conduit les autorités à demander l’aide de la population1. Lang et sa femme, avides lecteurs de journaux, rassemblèrent donc une documentation substantielle sur ces meurtriers, complétée par des visites et des entretiens auprès de psychiatres, de détenus en prison et d’enquêteurs (Eisner 1976). Lang se rendit régulièrement au commissariat de l’Alexanderplatz à Berlin pour étudier les méthodes de la police. Il affirma également avoir fréquenté plusieurs fois par semaine les quartiers mal famés du nord de Berlin pour y côtoyer la pègre (Bréchignac 1932). Sur cette base factuelle, le scénario fut achevé en novembre et le tournage débuta en décembre 1930 (Albera et allii 2013). Lang déclarera ensuite à plusieurs reprises que l’affaire Kürten n’avait été qu’une inspiration parmi d’autres (Vidal 1932, Lang 2007, 1975). Mais la petite Elsie qui est enlevée au début du film ressemble à la jeune Gertrud Albermann tuée en 1929 par Kürten, et, plus important sans doute, la psychose qui s’installe en ville est similaire à celle qui accabla Düsseldorf (Albera et allii 2013). Il est probable que Hans Beckert, le tueur du film, ait représenté une sorte d’archétype du meurtrier psychopathe. Lang a retenu ses motivations sexuelles, son apparente insertion dans la société et son goût de la provocation vis-à-vis de la police. Pour preuve, Beckert écrit des lettres comme Kürten. Mais le cinéaste a relativisé l’atrocité des assassinats : le Maudit n’est l’auteur que de 8 viols suivis de meurtres avec un couteau alors que l’homme de Düsseldorf avait avoué 80 agressions à l’aide de différents instruments (dont un marteau ou des ciseaux) ainsi que des actes de cannibalisme. Pour Lang, qui n’aimait pas montrer la violence, il suffisait de suggérer ce que Beckert pouvait avoir fait. Quoi qu’il en soit, l’affaire Kürten était dans tous les esprits à la sortie du film et lui servit d’argument publicitaire. Certains critiques ont d’ailleurs dénoncé ce qui pouvait passer pour une sorte d’indécence : proposer une fiction liée à des crimes encore récents (Herzog 2009, Kapczynski & Richardson 2012). Mais l’intention de Lang n’était pas d’organiser un récit focalisé sur les souffrances des victimes. Son propos avait une dimension nettement plus sociologique : le film débute avec la disparition d’une fillette et examine les conséquences sociales de la psychose qui s’installe en ville (sans aucun doute Berlin2). Les familles sont terrorisées, les voisins se soupçonnent mutuellement, les forces de police remuent ciel et terre, le ministre s’inquiète. La pègre locale voit ses opérations paralysées par la suractivité policière et décide de se mêler à la traque. Il s’agit d’un détail exact - d’après Lang (McGillian 2013) - de l’affaire Kürten, qu’il traite en s’inspirant de l’Opéra de quat’sous de Bertolt Brecht : l’association secrète des mendiants quadrille la ville pour observer tous les enfants accompagnés d’hommes seuls. A la fin du film, la pègre finit par capturer le tueur et le juge dans une usine désaffectée. La police le sauve in extremis du lynchage par une foule d’hommes et de femmes venus des quartiers populaires.

M : un film « prophylactique »

5Lang a donc voulu décrire avec précision les phénomènes complexes que peuvent produire les exactions d’un tueur issu des classes moyennes, au physique banal, et qui passe pour ses voisins comme un homme ordinaire. Le réalisateur a régulièrement déclaré après la sortie du film et au cours des années suivantes que son but était prophylactique (Mc Gillian 2013, Solovieva 2015) :

« [c'est-à-dire] rendre visibles dans leur début, dans le quotidien et la banalité de leur première apparition, les dangers qui, en raison d’un accroissement constant de la criminalité deviennent une menace et malheureusement trop souvent une catastrophe pour la collectivité et plus particulièrement pour les enfants et les jeunes, analyser ces dangers et, ce qui est essentiel, les prévenir. » (Lang 2007[1931] : 69).

« Je crois qu’il faut sentir vraiment la nécessité d’exprimer quelque chose pour faire un film. En réalisant Le Maudit, j’ai voulu mettre en garde les parents contre les dangers que courent leurs enfants et étudier en même temps un cas de perversion morale.  […] J’estimais aussi qu’il était intéressant de dévoiler au public les procédés employés par la police pour dépister les criminels. J’eus d’ailleurs quelques difficultés à faire partager ce point de vue aux autorités, qui craignaient cette divulgation ». (Cambier 1932 : 19).

6Et bien plus tard à William Friedkin (Lang 1975) :

  • 3 Ma traduction. L’original est : « I wanted a film that deals with human beings and social evils [.. (...)

« Je voulais un film qui parle des êtres humains et des maux sociaux. [...] J’ai essayé de pointer du doigt certains de ces maux. Je ne suis pas un politicien. Je ne peux pas vous dire comment résoudre ces maux, mais je peux vous montrer qu’ils existent3 ».

  • 4 Lombroso (1895, p. 304) décrit ainsi l’un des criminels étudiés : « La tête est brachycéphale, couv (...)

7L’une des sources d’inspiration de Lang était le criminologue italien Cesare Lombroso pour qui le  tueur typique était un homme au physique bestial et aux sourcils broussailleux (Lang, 19754). M le maudit voulait montrer, entre autres, qu’il n’en était rien (Mc Gillian 2013, Lang 1975). Ainsi Hans Beckert, incarné par Peter Lorre, a un visage rond, un air las et une mine innocente ; il semble inoffensif. Dans une scène restée mémorable, il grimace devant un miroir, affichant tour à tour une expression enfantine et un air lugubre, au moment même où un graphologue de la police dicte son analyse psychologique. Les époux Lang avaient compris que le besoin de tuer, comme celui de jouir, possède par moment ces hommes qui, le reste du temps, mènent une vie terne et rangée. La scène pathétique du jugement par les malfrats donne à Thea Von Harbou l’occasion de formuler en phrases chargées d’émotion et de terreur l’incapacité qu’éprouve l’homme – que tout le monde redoute – à se contrôler :

« Mais je n’y suis pour rien ! Ce n’est pas de ma faute. […] Je porte en moi cette malédiction. Cette brûlure, cette voix… Ce supplice ! Quelque chose me pousse à errer par les rues, je sens que quelqu’un me suit sans arrêt. C’est l’autre qui me poursuit ! Sans bruit, mais je l’entends quand même. Et parfois j’ai l’impression de me poursuivre moi-même. Je voudrais m’enfuir, mais je ne peux pas m’échapper. Cette force qui me pousse… Je cours, je cours, par des rues sans fin, je veux résister – et je cours, entouré des fantômes, des mères, des enfants. Ils se collent contre moi, toujours, toujours, toujours ! »

8L’aspect prophylactique du film peut également être cherché dans la description des réactions affolées et absurdes des populations : dénonciations, soupçons infondés, disputes, accusations contribuent à gêner le travail de la police. Lang montre à quel point une menace inconnue et invisible qui touche la société dans ce qu’elle a de plus précieux peut désorganiser l’ordre établi. Il glisse au passage quelques touches d’humour qui allègent le climat extrêmement pesant du film : bourgeois qui se disputent sottement, témoins qui se contredisent et qui veulent avoir raison, etc.

9Parallèlement à ces « avertissements » qui relèvent d’une sorte d’analyse de sciences sociales, Lang s’est attaché à décrire avec précision le travail de la police, constituant ainsi une nouveauté dans le cinéma mondial. On voit l’utilisation de méthodes rationnelles et modernes : l’examen des empreintes, la récolte méticuleuse de tous les indices matériels, l’établissement de listes de malades mentaux, la visite systématique des logements des suspects. Le commissaire Lohmann qui dirige l’enquête est directement inspiré du commissaire berlinois Gennath qui avait travaillé sur l’affaire Kürten (Mc Gillian 2013), et son nom même est emprunté à un enquêteur de l’affaire Schumann (Angelini 2014). Seule l’arrestation par la pègre relève en partie de l’invention. Le film montre ainsi un leader (Schränker, interprété par Gustaf Gründgens) qui est capable de donner des ordres à l’organisation des mendiants en raison de sa hargne à se débarrasser de l’assassin. L’idée est que même les malfaiteurs les plus chevronnés sont révoltés par les viols et les meurtres de fillettes. Lang insiste d’ailleurs sur l’humanité de ces marginaux qui lui apparaissaient, a-t-il dit, comme des gens au fond assez ordinaires (Cambier 1932). Dans le film, ils sont donc prêts à fouiller de fond en comble un immeuble entier à la recherche de Beckert pour le capturer avant la police. Ils craignent que le procès ne condamnent pas l’assassin haï à la peine de mort.

M : un film pro-nazi ?

10Les intentions des époux Lang telles que je les ai résumées sont globalement acceptées par les principaux analystes du film (Simsolo 1982, Guislain 1990, Herzog 2009, Mc Gillian 2013, Albera et allii, 2013). Il ne fait aucun doute que le film se voulait descriptif et chargé d’enjeux sociologiques et psychologiques. C’est d’ailleurs ainsi qu’il a été interprété à sa sortie en Allemagne (Höltgen 2010, Solovieva 2015). L’interprétation réaliste a cependant été battue en brèche à partir de la publication du livre de Siegfried Kracauer (1947) sur le cinéma allemand de Weimar. Dans De Caligari à Hitler, cet auteur soutient en effet que l’arrière-plan politique dramatique de l’époque avait imprégné les principales œuvres cinématographiques allemandes, qui auraient alors exprimé de façon latente ou explicite un désarroi vis-à-vis de la liberté politique puis un désir de se soumettre à un chef politique autoritaire. Le schéma de lecture de Kracauer, qui concerne en fait la production cinématographique de Weimar dans son ensemble et pas spécifiquement M, a été largement critiqué pour la fragilité de ses fondements dès sa sortie et depuis lors (Quaresima 2009, Elsaesser 2000). Le principe « psychosociologique » selon lequel une psyché collective nationale pourrait être trouvée dans des contenus culturels est parfaitement contestable. Il en va de même de l’idée d’anticipation qui repose sur l’anachronisme, puisque le sens des œuvres est cherché dans des évènements qui surviendront dix ou quinze ans après la sortie des films. Enfin, l’analyse que propose Kracauer ne parvient jamais à montrer quel rapport exact s’établit entre le contexte politique et le travail de réalisation pour chaque film. Ainsi, au sujet de Fritz Lang, il soutient que M Le Maudit « anticipe ce qui allait se produire sur une large échelle jusqu’à ce que les populations puissent se libérer des spectres qui les poursuivent » (Kracauer 2004 : 122, ma traduction). Le film serait donc le reflet de la situation politique violente et de ses conséquences psychologiques. Il témoignerait aussi du fait que « dans ce mouvement rétrograde, de terribles explosions de sadisme sont inévitables » (Ibid : 220). Que veut dire exactement Kracauer ? L’univocité et le caractère idéologique de l’analyse nous privent de toute réponse précise.

11Malgré sa fragilité, la thèse de l’homologie entre les contenus culturels des années 1920 et le régime politique à venir a fait école (voir par exemple : Sontag 1975). Elle a orienté l’analyse de M et d’autres films dans le sens de l’avertissement (Albera 2008). Ainsi, pour certains auteurs, Lang aurait voulu peindre le portrait d’une société malade (Laberge 1994), qu’il déteste (Ebert 2002), traversée par des courants cachés de violence (Chang 1979), « irrésistiblement attirée par le meurtre » et donc prête à se jeter dans la barbarie nazie (Guislain 1990 : 138). De là, il n’y a qu’un pas à franchir pour faire de M une mise en garde contre le pouvoir croissant des nazis, idée que Lang lui-même aurait laissé se diffuser (Tratner 2006, Herzberg 2016). Le groupe des bandits symboliserait ainsi l’emprise croissante des groupes paramilitaires sur la justice (Mesnil 1996) ou la démocratie (Kaes 2000). Sur quelles bases factuelles se fondent ces points de vues ? Essentiellement le langage, le comportement et l’habillement du leader de la pègre qui rappelleraient les chefs nazis (Kuntzel 1973, Gunning 2000, Leclerc 2003, Cadieux 2014). Il s’est ainsi constitué progressivement une sorte de vulgate critique tenant pour acquise l’existence d’un lien entre le nazisme et le film, même si les détails n’en sont pas très clairs et varient d’un auteur à l’autre (voir par exemple : Bourgoin 1997, Dubois 2007, Bedjaoui 2017, Buisson 2022).

12Dans une veine plus radicale, d’autres analystes ont soutenu que Lang n’aurait pas voulu avertir des dangers que représente l’organisation nazie mais en faire l’éloge. Ainsi pour Jensen (1969), Ferro (1977) et plus récemment Lange (2009), M oppose la lenteur policière et l’efficacité de l’organisation des mendiants, la justice et la revanche, et donc évidemment aussi la démocratie et le fascisme. Le meurtrier Beckert ne serait que l’instrument d’une thèse politique qui se dessinerait, si l’on est attentif à l’apparence du chef des malfrats et à la façon dont Lang présente sa concurrence avec la police. Un argument biographique viendrait en renfort : Théa Von Harbou demeura en Allemagne après 1933 et soutint activement le régime hitlérien. Elle aurait exprimé ses opinions personnelles par l’entremise du procès final de Beckert : nécessité de la violence d’Etat et de l’écrasement des déviants. Mais pourquoi devrait-on privilégier les préférences politiques de la scénariste après 1933 par rapport à celles du réalisateur en 1930 ? Rappelons ainsi qu’en 1932, Lang, qui est juif par sa mère, tourne Le Testament du Docteur Mabuse, film assez nettement anti-nazi, puis se sépare de sa compagne et quitte l’Allemagne l’année suivante. S’il avait voulu soutenir le nazisme, il lui aurait suffi de rester à Berlin et d’accepter les propositions de Goebbels qui était prêt à lui confier des charges importantes (Lang 1975).

  • 5 Sur ce point, je renvoie entre autres à Allen (2021) qui montre bien à quel point la nomination de (...)
  • 6 « You always think there is a secret behind a film ».

13Les différentes interprétations politiques que l’on vient d’examiner prêtent le flanc à la critique en ce qu’elles reposent sur une lecture partielle et faussée du film. Au lieu de saisir l’oeuvre dans sa totalité en prenant en compte les choix techniques et artistiques de l’auteur, elles isolent les passages qu’elles peuvent interpréter sur la base de l’anachronisme et de l’exagération. Elles se fondent ainsi toutes sur le fait que le troisième Reich s’est installé quelques années après l’écriture du scénario. Si un coup d’Etat militaire ou communiste avait mis fin à la République de Weimar en 1933 ou plus tard, d’autres interprètes auraient à coup sûr proposé une lecture politique au contenu différent, mais tout aussi biaisée du point de vue de la causalité, puisque on suppose à chaque fois une sorte de préscience de la part du réalisateur. Il est pourtant évident que Lang ne savait alors pas ce qu’allait devenir son pays, pas plus en tout cas que les autres Allemands5. La perspective anachronisante projette sur les gens du passé une compréhension des choses qui n’est venue que bien après. Par ailleurs, son contrat avec la société de production Nero lui offrait une grande liberté de décision. S’il avait voulu parler de l’avenir politique incertain, il aurait pu concevoir une œuvre proche de Metropolis présentant dans un futur avancé le possible devenir de la société. De cette façon, son message eut été compréhensible pour ses contemporains. Or, il n’y a rien de tel dans M, qui se présente comme un film policier dramatique et proche du réel. On ne peut attribuer un sens politique à ce film qu’en supposant plusieurs niveaux d’interprétations plus ou moins cachés, comme l’a par exemple théorisé Freddy Buache (1984). Ce courant dans les études cinématographique a d’ailleurs été fustigé par Lang lui-même : « Vous pensez toujours qu’il y a un secret derrière un film6 ». M est bien un film à thèse, qui interroge la société, mais les débats qu’il était censé susciter ont été clairement posés par l’auteur :

« S’il y a une couche inférieure dans le public – cela n’existe pas, mais admettons seulement qu’il y en ait une – M n’est qu’une histoire de gendarmes et de voleurs. Pour une couche un peu supérieure, ce serait : ‘‘Qu’est-ce que la brigade criminelle fait pour arrêter les assassins ?’’ Pour une autre encore ce sera (et c’est en fait pour cela que j’ai réalisé ce film) : ‘‘Quels dangers un enfant affronte-t-il dans la société contemporaine ? Qu’est-ce qu’on fait des criminels sadiques (si cela existe – si ce ne sont pas simplement des malades) ?’’ Et pour la couche supérieure (si l’on veut bien l’appeler comme cela), c’est une discussion pour ou contre la peine capitale. Dans ce cas, heureusement – cela n’arrive pas souvent (je ne suis pas très humble, j’en conviens) – on a un film qui plaît à toutes les couches à la fois (Bogdanovich 1990 : 105).

14Plutôt que de plaquer sur l’œuvre de Lang des intentions et des significations qui lui sont étrangères et qui ne sont justifiées que par une perspective anachronique, la thèse que je développe dans cet article est donc qu’il faut revenir au film lui-même pour saisir ce que ses auteurs ont voulu faire et dire.

Une interprétation réaliste de M le maudit

15Pour comprendre le film, il n’y a pas de meilleur moyen que de l’examiner attentivement et sans parti pris, scène par scène. Il faut alors noter qu’il commence et s’achève avec la souffrance des familles. Les premières scènes montrent la peur que le tueur a instillé dans tous les foyers : les enfants chantent la « ballade de Haarman », en référence à l’assassin de Hanovre. La mère d’Elsie, la future victime, commente : « Au moins quand ils chantent, on sait qu’ils sont là ». Les crimes de Hans Beckert sont donc vécus comme des actes qui privent les foyers de leurs enfants. Lang filme alors les escaliers, la table et le grenier vides qui attendent le retour d’Elsie. Or, la fillette ne reviendra pas et seul un policier osera évoquer à mots couverts la façon dont elle a été tuée. Si Beckert n’occupe l’écran que de façon intermittente, ce sont bien ses méfaits criminels et leurs conséquences sur la population qui restent le sujet du film. La dernière scène montre donc le désespoir des mères qui ont perdu leurs enfants.

16Un deuxième point est tout aussi essentiel : Lang accorde peu d’importance à l’organisation des malfrats qui n’interviennent qu’après le premier tiers du film. Il ne donne d’ailleurs aucune indication faisant de Schränker le chef de la pègre locale. On sait simplement que l’homme est recherché pour avoir tué des policiers. Trois de ses comparses semblent chacun incarner un certain type d’activité : le premier est un pickpocket, un autre est un tricheur en costume de soirée qui opère sans doute dans les casinos, le dernier un cambrioleur d’origine populaire. Schränker se présente en manteau de cuir, avec une canne, des gants, un costume de tweed et un chapeau melon. Il incarne le bandit établi en bourgeois. Il n’y a pas d’organisation centralisée de la pègre dans le film. La seule organisation existante est celle des mendiants, sur laquelle Schränker peut exercer son contrôle. Il veut la mobiliser pour se substituer à la police et neutraliser le tueur. Cette idée est formulée à la toute fin de la discussion entre les bandits, au moment où ils ont dressé un constat général et épuisé toutes les solutions. La suractivité policière les empêche d’effectuer leurs manœuvres. Il est à noter que Schränker parle de « métier ». Selon lui, les règles du jeu (opposition aux forces de l’ordre et dissimulation face aux autorités) sont bouleversées par le kindermörder. Mais, surtout, Schränker tient à sa réputation : il refuse d’être confondu avec un pervers qui n’a pas de limite morale. L’un des ses collègues propose d’ailleurs d’écrire à la presse pour rétablir la dignité des bandits ordinaires. Cette idée est essentielle pour comprendre le film et rejoint une opinion que Lang a clairement exprimé : les bandits qu’il a connus se conforment globalement à des règles de décence. L’un des personnages du film affirme d’ailleurs avoir « vu des durs à cuir s’effondrer en larme en voyant des enfants jouer ». On se trompe ainsi à vouloir faire des bandits unis contre Beckert une société parallèle menaçant la société, puisque tout le film, pratiquement à chaque scène, affirme l’inverse. S’ils s’unissent, c’est parce que la police est en train d’abolir toutes les libertés. L’un des chefs de la sécurité publique annonce d’ailleurs qu’il faut multiplier sans fin les rafles et perquisitionner toutes les maisons et établissements privés.

  • 7 Au point que certains critiques comme Dana Stevens (1993) ont voulu voir dans M un avertissement co (...)
  • 8 Tatar (1995) est l’un des rares critiques à avoir noté le fait.

17À ce propos, la scène de la descente au club Le Crocodile est saisissante : elle montre de quoi les autorités sont capables si elles décident d’éradiquer la criminalité7. Les bandits veulent donc un retour à l’ordre social traditionnel, à savoir des maisons closes fonctionnant normalement et un jeu de cache-cache avec la police qui d’habitude oppose une gêne mesurée et acceptable aux activités illégales. On notera au passage que lors de la perquisition du club, les marginaux, habitués des commissariats, sifflent joyeusement l’arrivée du commissaire Lohmann, d’ordinaire débonnaire et presque paternaliste. Une scène le montre plus tard, à son bureau, muni de sa vieille bouilloire, comme le véritable commissaire Gennath qui, disait-on, prenait des bains de pieds et discutait amicalement avec les prévenus (Mc Gillian 2013). La police et les bandits n’incarnent donc pas deux pôles opposés de la société : ils sont complémentaires8. Lang l’indique sans aucune ambiguïté dans la fameuse série de plans juxtaposant les délibérations des deux groupes. Contrairement à ce qui a souvent été écrit, ces plans ne montrent pas deux institutions en compétition, mais deux groupes en quasi-interaction puisque chaque plan est une réaction au précédent. Quand les policiers envisagent de multiplier les rafles, les bandits donnent l’impression de réagir (alors qu’ils sont réunis à l’autre bout de la ville) en proposant de mobiliser leurs mouchards (par exemple « les filles »). Quand les policiers veulent ouvrir les portes de tous les domiciles, les bandits « réagissent » en proposant d’écrire à la presse. Puis « face » au constat de l’impossibilité de repérer l’assassin s’il est un bourgeois ordinaire, un bandit propose de recourir à un voyant, et un policier d’augmenter la prime. Tout se passe donc comme si les deux groupes ennemis en venaient à se rapprocher à cause de Beckert (Chang, 1979). C’est Schränker, le plus décidé (car il risque d’être repris) et le plus révolté (car il tient à son apparence de notable), qui propose donc une solution qui étonne ses camarades : « il faut l’attraper nous même ». Le ton véhément qu’il adopte n’est pas celui des nazis comme l’ont un peu trop vite conclu les analystes politiques : c’est celui d’un notable indigné. Il faut ici d’ailleurs rappeler que l’acteur prévu par Lang pour ce rôle (Hans Peppler, un cinquantenaire à la calvitie avancée) est mort juste avant le tournage. Gustaf Grüdgens, plus jeune, plus sophistiqué et plus charismatique a été appelé au dernier moment. Les dialogues ont donc dû être révisés pour s’adapter à ce profil plus marquant et plus dur.

  • 9 L’air est sifflé (faux) par Lang lui-même. On remarquera que les paroles (que l’on n’entend pas) de (...)

18Pour que la participation de la pègre soit rendue convaincante, Lang a mis en scène avec maestria la présence du tueur. Au début n’apparaît que son ombre inquiétante, puis on le voit de dos avec la petite Elsie, achetant des ballons. Son ton est mielleux, mais on sait quelles sont ses intentions puisque son ombre se superpose au mot mörder de l’affiche. Quand Beckert est prêt à tuer, il siffle un air du Peer Gynt de Grieg9, puis le sifflotement cesse quand le personnage n’est plus habité par ses pulsions morbides. Le meurtre, quant à lui, est symbolisé par deux plans particulièrement atroces : dans le parc où il a emmené la fillette, le ballon avec lequel elle jouait roule seul, signifiant l’agression. La baudruche qu’il lui avait offerte s’envole, symbolisant la mort de l’enfant. Pourtant après ce huitième assassinat, Beckert n’est pas rassasié : dans une autre scène, on le voit suivre une nouvelle fillette qu’il découvre dans le reflet d’une vitrine. Sa bouche se met à saliver. Il pâlit, alors même que les couteaux exposés laissent deviner la suite. Mais l’enfant lui échappe : frustré, bouleversé, il commande deux cognacs à la terrasse d’un café, et la musique qui accompagne ses meurtres s’impose à ses oreilles. On le voit enfin se promener avec une troisième enfant qu’il tient par l’épaule. Dans la vitrine d’un marchand de jouets qu’ils contemplent ensemble, un pantin ouvre et ferme ses jambes… Un symbole qui ne nécessite pas d’explication pour le public. Lang présente donc Hans Beckert comme un danger permanent : tout enfant seul qui le croise est en danger de mort. L’homme est terrifiant malgré son visage poupon. Alors que certains critiques ont été attendris par la scène du jugement final qui le montre au bord de la crise de nerfs, Lang prend soin de montrer l’homme comme sournois, libidineux et impitoyable. Une fois pourchassé, il est consternant de lâcheté, réalisant soudainement qu’il ne pourra feindre la respectabilité tout en continuant à violer des fillettes. Il va lui falloir affronter la responsabilité de ses actes, ce qu’il refuse de toutes ses forces. Il s’enfuit donc, affolé, les yeux exorbités, ne pouvant supporter l’idée d’être transformé en une proie et de ne plus pouvoir jouir d’un pouvoir absolu sur ses victimes.

19Ce sont les bandits qui vont l’obliger à se confronter à cette réalité. Il est inutile de recourir ici à une interprétation philosophique pour comprendre ce choix de scénario. Si Beckert avait été arrêté par les policiers qui l’attendent chez lui, le film aurait perdu une grande partie de son intérêt dramatique. Avec un meurtrier marqué d’un M à la craie et poursuivi par des hommes anonymes dans la rue, le récit devient fidèle à l’une des obsessions de Lang : l’homme traqué par le destin (Noames 1964). Il n’y a donc pas de « supériorité » des bandits comme l’ont affirmé trop rapidement certains critiques (par exemple : Youngkin 2005) : ils ont démasqué Beckert par hasard, grâce à un aveugle (encore un symbole) qui a reconnu le sifflement. Sans ce coup de chance, c’est l’habile Lohmann avec ses méthodes systématiques qui l’aurait intercepté. Les méthodes policières et celles de la pègre sont différentes mais les résultats équivalents. La recherche de l’effet dramatique justifie également le long épisode de la traque dans l’immeuble qui fait sortir le film des bornes du réalisme. Lang veut faire durer le calvaire de Beckert, tapi dans un grenier comme un animal, ce qui donne à Franck Arno Wagner, le chef cameraman l’occasion de filmer d’inoubliables scènes en clair-obscur. Ce choix permet également à Schränker d’affirmer son ethos : les bandits sont des gens respectables à leur manière qui se distinguent par leur rapport à la loi mais gardent des sentiments humains : ils vont aider la société dont ils font partie en la débarrassant d’un être malfaisant.

20Ces différents aspects du film infirment la thèse politique et confirment celle de l’avertissement prophylactique annoncé par le réalisateur. Lang a d’ailleurs pris soin de montrer une société ordonnée, presque traditionnelle, bousculée seulement par la présence du tueur. La ville dans laquelle se situe l’action n’est pas nommée, on ne voit aucun nom de rue, aucune affiche politique, pas de manifestants : elle est une sorte d’archétype standardisé de la grande métropole. Il aurait presque pu s’agir de Paris ou de New York. Les conséquences des meurtres sur la population auraient été les mêmes : dénonciations, perquisitions, accusations arbitraires, policiers épuisés, préfet dépassé, ministre désespéré. Un film tourné en 2020 dégagerait sans aucun doute les mêmes mécanismes sociaux et psychologiques. Seuls les malfrats de M sont spécifiques, mais ils correspondent à l’idée que Lang avait des milieux interlopes du nord de Berlin à la fin des années 1920.

  • 10 Voir Guislain (1990) à ce sujet. Remarquons ainsi qu’en 1948 encore, le personnage central de Secre (...)

21Reste donc la scène du jugement par la pègre dans l’usine désaffectée. Ici encore le réalisateur a recouru à une invraisemblance pour augmenter l’intérêt dramatique, mais également pour développer la présentation sociologique et psychologique du cas. On ne sait rien du passé de Beckert qui va servir de psychopathe type. Il faut donc qu’il s’exprime pour que l’on comprenne comment tant de monstruosité peut se tapir au fond d’un homme qui semble ordinaire. C’est une idée qui a toujours fasciné Lang10, et Thea Von Harbou donne longuement la parole à l’accusé. Mais, invraisemblance supplémentaire, l’un des malfrats, plus cultivé que les autres, va lui servir d’avocat. Pourquoi cette option scénaristique très peu crédible ? D’abord pour montrer que les marginaux respectent les conventions sociales à leur manière. Ensuite pour présenter le dilemme de la peine à appliquer aux meurtriers psychopathes débattu au moment de l’affaire Kürten, tout en faisant l’économie d’une scène de procès qui aurait affaibli le film. En orchestrant l’intervention de la police juste avant la sentence, Lang laisse la question ouverte (Drexler 2001, Herzog 2009). Les bandits sont bien évidemment favorables à l’exécution de Beckert, et ils sont soutenus par les femmes et les mères. Leur point de vue est celui du peuple ordinaire. L’avocat, s’appuyant sur une pile de livres, représente les milieux érudits et les juristes. Chaque camp a des arguments convaincants à faire valoir. On ne peut donc voir dans cette scène une apologie de la peine de mort (contrairement à ce qu’ont clamé Goebbels et quelques critiques) qu’au prix d’une distorsion évidente du récit. Ainsi, on ne sait pas ce que va devenir Beckert, pas plus que les bandits et en particulier Schränker qui a été arrêté comme les autres. La police a gagné car son pouvoir d’action est supérieur et parce que les méthodes de Lohmann sont rodées. Le bouleversement de la société prend-t-il fin pour autant ? La dernière scène, on l’a vu, montre la mère d’Elsie en pleurs. Lang veut donc avertir du retour prévisible de la menace : un autre tueur viendra et il faut que chacun s’en convainque.

Conclusion

22Le film de Fritz Lang, filmé en 1930 à Berlin, traite d’une manière subtile un sujet de société particulièrement préoccupant : les psychopathes tueurs d’enfants. On y voit la foule inquiète, la police avide de perquisitions, des bandits furieux de la surveillance généralisée. Il n’est pas surprenant que cette œuvre ait suscité les tentatives d’interprétation les plus diverses. Ainsi Eisner (1976) a cru y discerner une critique sociale (la mère d’Elsie est une lavandière qui manque de temps pour s’occuper de sa fille), Gunning (2000) a voulu faire de M un film sur la ville moderne, Kellen (2015) une critique de la construction de l’identité personnelle dans la société moderne, et Vendrell (2017) une apologie de l’homophobie (car Beckert attaque des filles et nuit donc à la logique reproductive : il fallait y penser !). La plus contestable des interprétations biaisées est sans aucun doute celle prêtant au film des intentions politiques contre ou pour les nazis. Elle repose sur l’idée fausse qu’un film de l’époque de Weimar discute forcément ce que nous avons retenu de Weimar. Dans tous les cas, cette cacophonie interprétative nuit à la compréhension des objectifs des concepteurs. Elle illustre également la tendance déjà ancienne des critiques à projeter sur les œuvres les idées qui leur conviennent en fonction d’enjeux sociétaux souvent étrangers au contexte de l’époque. Pour y remédier, et tenir à distance certaines formes de surinterprétation, il faut employer une méthode simple et fondée sur les faits : revenir au projet de l’auteur qui apparaît quand on examine avec attention et neutralité le récit pour lui-même.

Haut de page

Bibliographie

François Albera, « De Caligari à Hitler et quelques autres… », dans Jacques Aumont (dir.), Le Cinéma expressionniste, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2008. 

François Albera, Claire Angelini et Martin Barnier« M / Le Maudit, ses doubles et son doublage », Décadrages, 23-24, 2013, pp. 80-113.

William Allen, Une petite ville nazie, Paris Tallandier, 2021.

Claire Angelini, « M le maudit dans son temps et dans le notre », Les Temps modernes, n° 679, 2014, pp.185-213.

Ahmed Bedjaoui, Le Cinéma à son âge d'or – Cinquante ans d'écriture au service du septième Art, Alger, Chihab éditions, 2017.

Peter Bogdanovich, Fritz Lang en Amérique, Paris, Les Cahiers du cinéma, 1990.

Stéphane Bourgoin, Le Vampire de Dusseldörf, Paris, Méréal, 1997.

Jean Vincent Bréchignac, « Avec Fritz Lang et Peter Lorre, ‘Le  maudit’ », Pour vous, 21/4 1932, p. 4.

Alain Brossat, « La nuit transfigurée », Vertigo, 3, 2004, pp. 31-36.

Freddy Buache, Le Cinéma Allemand (1918-1933), Bibliothèque du Cinéma, 5 continents Hatier, 1984.

Jean-Christophe Buisson, Le Noir et le brun – Une histoire illustrée du fascisme et du nazisme 1918-1946, Paris, Perrin, 2022.

Axel Cadieux, Une série de tueurs : les serial killers qui ont inspiré le cinéma, Nantes, Capricci, 2014.

Odile Cambier, « De passage à Paris Fritz Lang nous confie », Cinemagazine, 5, 1932, pp. 19-20.

Joseph Chang, « Fritz Lang’s M : a reconsideration », Literature Film Quarterly, 7,4, 1979, pp. 300-309.

Regis Dubois, Une histoire politique du cinéma, La Rochelle, Sulliver, 2007.

Peter Drexler, « The german courtroom film during the nazi period Ideology, aesthetics, historical context », Journal of Law and Society, 28, 1, 2001, pp. 64-78.

Roger Ebert, The Great Movies, London, Crown, 2002.

Lotte Eisner, Fritz Lang, London, Secker and Warburg, 1976.

Thomas Elsaesser, Weimar Cinema, Abingdon, Routledge, 2000.

Marc Ferro, Cinéma et Histoire, Paris, Denoël, 1977.

Max Frantel, « Quelques confidences de Fritz Lang ‘l’écran a un rôle d’éducation sociale’ », Le Matin, 15/4/1932, p. 5.

Joseph Garncarz, « Fritz Lang's "M": A Case of Significant Film Variation », Film History, 4,3, 1990, pp. 219-226.

Kata Gellen, « Indexing Identity: Fritz Lang’s M », Modenité/Modernity, 22, 3, 2015, p. 425-448.

Pierre Guislain, M le Maudit, Paris, Hatier, 1990.

Tom Gunning, The Film of Fritz Lang: allegories of vision and modernity, London, British Film Institute, 2000.

Bob Herzberg 2016, The Third Reich on screen, 1929-2015, New York, McFarland, 2016.

Todd Herzog, « Fritz Lang’s M: an open case » dans Noah Isenberg (dir.), Weimar cinema, New York, Columbia University Press, 2009, pp. 291-310.

Stefan Höltgen, Schnittstelle, die konstruktion von authentizität im serienmörderfilm, Marburg, Schüren, 2010.

Paul Jensen, The Films of Fritz Lang, New York, Barnes & Co, 1969.

Anton Kaes, M, London, British Film institute, 2000.

Jennifer Kapczynski & Michael Richardson, A new History of German Cinema, Londres, Camden house, 2012.

Siegfried Kracauer, From Caligari to Hitler: a psychological history of the german film, Princeton University Press, 2004 [1947].

Thierry Kuntzel, « The treatment of ideology in the textual analysis of film », Screen, 14, 3, 1973, pp. 44-54.

Yves Laberge, « Trois études sur un film de Fritz Lang, M le maudit », Communication. Information Médias Théories, 15, 1, 1994, pp. 113-122.

Fritz Lang, « Mon film M. Un récit documentaire » [1931] dans Trois lumières – Ecrits sur le cinéma, Paris, Ramsay, 2007, pp. 67-70.

Fritz Lang, Interview with william Friedkin, DVD house by the river wild side video, 1975- https://www.youtube.com/watch?v=or0j1mY_rug

Horst Lange, « Nazis vs. the rule of law: allegory and narrative structure in Fritz Lang's "M"», Monatshefte, 101, 2, 2009, pp. 170-185.

Emmanuel Leclerc, « Berlin au cinéma : la ville miroir de l’histoire », Les Temps Modernes, n° 625, 2003, pp. 241-257.

Cesare Lombroso, L’homme criminel, étude anthropologique et psychologique, Paris, Alcan, 1895.

Michel Marie, M le Maudit, Paris, Armand Colin, 2005.

Patrick McGillian, Fritz Lang: the nature of the beast, Minneapolis, University of Minesota Press, 2013.

Mesnil Michel, Fritz Lang, Paris, Michalon, 1996.

Jean-Louis Noames, « Nouvel entretien avec Fritz Lang », Les Cahiers du cinéma 156, 1964, pp. 1-8.

Leonardo Quaresima, « Relire From Caligari to Hitler de Siegfried Kracauer », 1895, 57, 1, 2009, pp. 31-73.

Noël Simsolo, Fritz Lang, Paris, Edilio, 1982.

Olga Solovieva, « Identifying the suspect: Lang’s M and the trajectories of film criticism », in Joe McElhaney (dir.), A companion to Fritz Lang, Oxford, Wiley, 2015, pp. 94-113.

Dana Stevens, « Writing, scratching, and politics from M to Mabuse », Qui Parle, 7,1, 1993, pp. 57-80.

Maria Tatar, Lustmord Sexual murder in Weimar Germany, Princeton University Press, 1995.

Michael Tratner, « Lovers, filmmakers, and nazis: Fritz Lang's last two movies as autobiography », Biography, 29, 1, 2006, pp. 86-100.

Javier Semper Vendrell, « The queer threat to civilization in Fritz Lang’s M », Germanic Review, 92, 3, 2017, pp. 264-79.

Jean Vidal, « De passage à paris Fritz Lang nous a dit, L’Intransigeant, 16/04/ 1932, p. 6.

Susan Sontag, « Fascinating Fascism », New York Review of Books, 6/02/ 1975.

Stephen Youngkin, The Lost One: a life of Peter Lorre, Lexington, University Press of Kentucky, 2005.

Haut de page

Notes

1 Voir Angelini (2014). Une source de Lang a sans doute été la revue de Leipzig, Kriminal Magazine, qui détaillait les circonstances des crimes et insistait sur l’idée que « nous sommes tous concernés ».

2 Bien que le film ait été tourné entièrement en studio (Albera et allii 2013) et que le nom de la ville ne soit pas cité, Lang a disséminé les indices qui permettent d’identifier Berlin. D’abord le journal distribué dans la rue après le meurtre est le Morgenpost (qui renvoie probablement au Berliner Morgenpost) ; ensuite la carte qu’utilisent les policiers pour tracer des cercles autour du lieu du crime indique le quartier de Friedrichfeld, dans l’arrondissement de Lichtenberg à Berlin ; puis le journal que lit le ministre est daté du 17 novembre 1930 à Berlin, ajoutons que ce même ministre parle de « terroriser quatre millions d’hommes », ce qui renvoie encore à Berlin ; un peu plus tard, dans le local des mendiants un exemplaire du journal Neue Berliner Zeitung. Das 12 Uhr Blatt est accroché au mur ; la mention de la ville de Berlin se trouve également sur les rapports psychiatriques consultés par les enquêteurs et sur le côté d’une carriole en bois à côté de laquelle passe le meurtrier avec la deuxième petite fille. Enfin, les hommes et les femmes arrêtés dans le club du crocodile sont envoyés à « Alex », c'est-à-dire à l’Alexanderplatz.

3 Ma traduction. L’original est : « I wanted a film that deals with human beings and social evils [...] I try to point my fingers on certain social evils. I’m not a politician. I can’t tell you how to change those evils, but I can point to you that these evils exist ».

4 Lombroso (1895, p. 304) décrit ainsi l’un des criminels étudiés : « La tête est brachycéphale, couverte de cheveux noirs, longs, frisés à l’extrémité ; le front est bas, saillant dans la moitié supérieure ; la face petite, riche de barbe ; les zygomas saillants ; nez camus, yeux ronds, bruns, sourcils abondants, lèvres épaisses, ouvertes à un léger sourire ».

5 Sur ce point, je renvoie entre autres à Allen (2021) qui montre bien à quel point la nomination de Hitler au poste de chancelier en 1933 fut une surprise, y compris au sein des rangs nazis.

6 « You always think there is a secret behind a film ».

7 Au point que certains critiques comme Dana Stevens (1993) ont voulu voir dans M un avertissement contre la menace de la loi.

8 Tatar (1995) est l’un des rares critiques à avoir noté le fait.

9 L’air est sifflé (faux) par Lang lui-même. On remarquera que les paroles (que l’on n’entend pas) de Dans l’antre du roi de la montagne commencent par : « Tuez-le ! Le fils du chrétien a tenté la plus belle fille de notre roi ! Tuez-le ! Tuez-le ! »

10 Voir Guislain (1990) à ce sujet. Remarquons ainsi qu’en 1948 encore, le personnage central de Secret beyond door, en proie à ses démons déclare : « There are dark forces in us ».

Haut de page

Pour citer cet article

Référence électronique

Christophe Brochier, « M Le maudit de Fritz Lang : un film politique ? »Belphégor [En ligne], 21-2 | 2023, mis en ligne le 20 décembre 2023, consulté le 18 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/belphegor/5683 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/belphegor.5683

Haut de page

Auteur

Christophe Brochier

Né en 1970, Christophe Brochier est sociologue. Ses premières recherches ont concerné l’ethnographie du travail ouvrier en France et au Brésil (Les ouvriers du bâtiment au Brésil, thèse 1998), puis la sociologie de l’école et des quartiers populaires (Les collégiens des favelas, 2009). Dans les années 2010, il travaille essentiellement à l’étude de la culture érudite latino américaine (La naissance de la sociologie au Brésil, 2016) et aux problèmes de méthode en sciences sociales (Comprendre et pratiquer la sociologie, 2015). Enfin, plus récemment, il s’est occupé de la représentation de la réalité sociale en littérature et au cinéma.

 

Haut de page

Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search