Best-sellers pour adolescents et culture médiatique.
Une approche transversale du succès littéraire
Résumé
À partir d’un corpus issu de classements de meilleures ventes, cet article propose une approche des romans pour adolescents par le prisme des raisons de leur succès commercial, en comparant leurs textes et paratextes, ainsi que les architextes qui y sont liés. Par ce biais, il vise également à interroger l’influence qu’exerce la culture médiatique sur ce corpus.
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- 1 Ofra Lévy, « À la recherche d’une typologie des best-sellers dans la littérature de l’imaginaire po (...)
- 2 Si ces genres connaissent un pic de popularité autour des années 2010, Hunger Games est loin d’être (...)
- 3 Matthieu Letourneux, « Chapitre VI. Littérature de jeunesse et culture médiatique », dans Nathalie (...)
2L’histoire récente du roman pour adolescents montre d’importants jalons et succès, remarquables par l’impact qu’ils ont eu sur leur propre marché autant que sur la culture populaire contemporaine : A la croisée des mondes et Harry Potter auraient pavé un chemin poursuivi, quelques années plus tard et parallèlement, par Twilight, puis Hunger Games. Si l’on considère que ces premiers, par un effet qu’on a nommé « Pullman-Potter »1, ont largement contribué à la popularité contemporaine de la littérature de l’imaginaire, les seconds, par des approches plus spécifiques remettant sur le devant de la scène des genres et des thématiques relativement anciennes, ont donné naissance à un phénomène de suivisme, de la « bit-lit » ou fantasy urbaine d’un côté à la dystopie de l’autre2. Ces ensembles littéraires ont servi de source à un large nombre d’adaptations cinématographiques et paraissent avoir établi un précédent : les grands succès de romans pour adolescents semblent aujourd’hui bâtir leur réussite commerciale sur leurs liens avec la culture médiatique, soit « en amont, quand des livres ont tiré parti du succès d’autres médias », soit « en aval, quand des œuvres littéraires ont été déclinées sur d’autres médias »3.
- 4 Une vogue confirmée par les chiffres : selon une étude du CNL (Ipsos, Les jeunes et la lecture (étu (...)
- 5 Notre collecte de données a montré que parmi les vingt romans destinés à la jeunesse les plus vendu (...)
- 6 Si les dystopies continuent d’apparaître au sein des classements de meilleures ventes observés, c’e (...)
3Cet aperçu historique, bien que schématique, rend compte d’une réalité, celle de la vogue sans précédent des littératures de l’imaginaire dans le roman contemporain pour adolescent4, mais également d’une puissante influence des autres médias sur ce marché littéraire5. Il traduit cependant également un certain flou quant à la composition actuelle du marché, les émules de Twilight et autres dystopies inspirées du succès de Hunger Games apparaissant moins fréquemment dans les classements des meilleures ventes récents6 au profit d’une production qui s’avère, aujourd’hui, plus complexe à catégoriser et à cerner en dehors des filiations qui viennent d’être évoquées.
- 7 Le site OpenEdition, « portail de ressources électroniques en sciences humaines et sociales », qui (...)
4La littérature scientifique qui aborde les romans de l’imaginaire pour adolescents suit une tendance commune en se concentrant sur quelques objets saillants de ce corpus, remarquables par leur succès critique ou par leurs ventes particulièrement exceptionnelles7. Nous avons souhaité ici étudier les objets délaissés par ce mouvement routinier de canonisation, en observant les manifestations les plus commerciales du roman pour adolescent contemporain qui échappent à la critique, un foisonnement de best-sellers souvent discrets qui tiennent pourtant tête, quantitativement parlant, aux géants de l’histoire récente du marché et qui rendent de facto compte de ce que lisent les jeunes francophones aujourd’hui.
- 8 Pour les logiques sérielles, voir Anne Besson, D’Asimov à Tolkien : cycles et séries dans la littér (...)
5Ce corpus a été historiquement abordé par des approches générales8, l’analyse de celui-ci s’effaçant régulièrement derrière l’invocation des logiques sérielles ou de consommation dont il semble dépendre. Fort de ce constat, cet article propose une approche du roman contemporain pour adolescent fondé sur l’observation précise d’un corpus réduit issu d’un classement récent des meilleures ventes, pour y appliquer un regard transversal et comparatif.
- 9 Cette terminologie est empruntée aux travaux d’Anne Besson (Anne Besson, Ibid.)
- 10 Matthieu Letourneux, Ibid.
6Par l’observation directe de cet ensemble encore peu exploré dans ses manifestations individuelles, notre objectif est non seulement de comprendre ce marché contemporain et d’en questionner les liens avec la culture médiatique, mais aussi et surtout de proposer des éléments de réponse à la question des raisons des succès commerciaux de ces romans. Comment expliquer, en effet, la singularisation de quelques cycles et séries9 parmi d’autres, best ou long-sellers dans un champ a priori caractérisé par l’abondance de « produits de consommation, souvent mal écrits, répétitifs, et condamnés à disparaître rapidement »10 ? L’objectif est alors ici de proposer une tentative de grammaire synthétique des marqueurs de succès au sein d’un corpus, par l’observation de points communs signifiants.
Méthodes et corpus
7L’analyse d’objets entretenant des liens étroits avec la culture médiatique ne peut être effective sans être transversale. Pour cette raison, ce travail vise à combiner l’étude des textes eux-mêmes à celle des éléments périphériques qui participent tant à la promotion du corpus qu’à en influencer la réception. Le regard qui sera porté sur les textes est fondé principalement sur des outils narratologiques nourris de théories de la réception pour rendre compte des stratégies visant à séduire le lecteur ; à celles-ci s’additionne un ensemble de regards sur le paratexte, qu’il soit interne ou externe à l’objet-livre. Enfin, ont été pris en compte des éléments relatifs aux architextes en lien avec le corpus étudié, spécifiquement quant à la manière dont la perception de ces architextes par le lecteur pouvait influencer la réception des livres. Ont été abordées, dans cette approche du succès commercial, uniquement les stratégies mises en place par le pôle auctorial – principalement l’auteur et la maison d’édition.
- 11 Ont été observés, pour objectiver ce critère, les sites internet des maisons d’édition ayant publié (...)
8Notre progression sera linéaire, suivant le parcours du lecteur de ses premiers rapports avec le livre jusqu’à sa lecture du texte. Enfin, le corpus étudié visant à rendre compte de la réalité du marché commercial contemporain, il s’est basé sur une collecte de données au sein des classements intitulés « romans jeunesse » du magazine Livres Hebdo entre 2013 et 2021, collecte sur laquelle ont été appliqués différents critères successifs. Ont été retenus les ensembles littéraires publiés après 2012, appartenant aux littératures de l’imaginaire et s’adressant, selon le discours éditorial11, à un public adolescent.
9Les entrées sont ordonnées par le nombre total d’apparitions dans les classements de meilleures ventes entre 2013 et 2021.
10Ces caractéristiques sont partagées par quatre ensembles littéraires : Les Royaumes de Feu, L’Épreuve, Frigiel et Fluffy ainsi que Miss Peregrine et les enfants particuliers. Ce dernier cycle n’apparaissant qu’à vingt-cinq reprises dans le classement des meilleures ventes, il a été écarté dans le but de constituer un corpus le plus représentatif possible de la notion de best-seller.
Présentation du corpus
11L’Épreuve est le premier roman de l’auteur américain James Dashner ; la parution a débuté en 2009 aux États-Unis chez l’éditeur Delacorte Press, et en 2012 en France chez Pocket Jeunesse. Durant la période que couvre notre collecte de données sont parus six tomes, tous au même éditeur. Le succès du cycle fut intense et relativement bref, et est lié de près à son adaptation cinématographique : les romans sont apparus dans le classement en août 2014, trois mois avant la parution du premier film, et disparaissent du classement en mars 2016, quatre mois après la sortie du deuxième film. Le texte met en scène un groupe d’adolescents livrés à eux-mêmes au sein d’un labyrinthe hostile puis à travers un monde dévasté par un virus mortel, et aborde principalement des thèmes relatifs au passage à l’âge adulte, à l’identité et à la prise d’indépendance.
12Les Royaumes de Feu, deuxième objet du corpus, est un ensemble de cycles de l’autrice américaine Tui T. Sutherland, qui a notamment fait partie du collectif « Erin Hunter » à l’origine des cycles de fantasy animalière à succès La guerre des clans et La quête des ours. Douze tomes sont parus à partir de 2012 aux États-Unis chez l’éditeur Scholastic et à partir de 2015 en France chez Gallimard Jeunesse ; l’ensemble s’est vendu, tous tomes confondus, de manière régulière depuis le début des parutions jusqu’à la fin de notre période d’observation, mais toujours plus intensément au moment de la sortie d’un nouvel opus. L’action principale du texte s’articule autour d’un groupe de jeunes protagonistes dragons supposés être les seuls à pouvoir arrêter la guerre qui ravage leur royaume. Les thèmes principaux s’articulent également autour du passage à l’âge adulte, mais abordent en outre le rapport aux origines ainsi que la multiculturalité de manière métaphorique, tous les personnages principaux étant issus d’un « clan » de dragons différent.
- 12 Frigiel, Youtubers.me, https://fr.youtubers.me/frigiel/youtuber-stats/en [consulté le 08/03/2023]
13Frigiel et Fluffy est le nom de l’ensemble romanesque écrit par l’auteur et scénariste Nicolas Digard et le youtubeur Frigiel, connu principalement pour ses let’s play sur le jeu-vidéo Minecraft et qui avait un million et demi d’abonnés sur la plateforme en 201612, moment de la parution du premier roman chez l’éditeur Slalom. Durant la période que couvre notre collecte de données sont parus treize tomes, tous au même éditeur. Les différents opus se sont vendus de manière régulière au cours de notre collecte, en particulier quant au premier cycle, qui comprend les quatre premiers tomes. Le texte propose une histoire originale dans l’univers de Minecraft basée sur le personnage de Frigiel et de son chien issus des les let’s play susmentionnés, où le protagoniste se découvre des pouvoirs magiques tandis qu’un dragon attaque son village natal. À nouveau, le texte évoque principalement le fait de grandir et de trouver sa place dans le monde, tout en soulevant des questionnements éthiques quant à l’existence d’une magie destructrice dans un monde en paix.
Tous les chemins mènent au livre
- 13 Selon une étude du CNL (Ibid.), 29% des jeunes choisissent un livre après en avoir entendu parler s (...)
- 14 Les chiffres du CNL (Ibid.) montrent que 58% des jeunes ont « déjà eu envie de lire un livre après (...)
- 15 Seul ce réseau permettait une observation exhaustive de la promotion en ligne des trois ensembles d (...)
14Par l’action combinée d’internet13 (spécifiquement, de l’usage qu’en font à la fois le public et les maisons d’édition) et du caractère transmédiatique14 du corpus étudié, le premier contact du livre avec le lecteur se passe presque toujours sans le texte, et souvent sans le livre lui-même : les premiers mécanismes de séduction opèrent en l’absence de l’objet. L’ensemble de discours désigné par la dénomination d’« épitexte » est un de ces lieux extra-livresques où se déroule une partie des premiers contacts ; au sein du corpus étudié, il a principalement pour vocation de mener le lecteur vers l’objet-livre. Ont été observées, pour les trois ensembles littéraires, les stratégies de marketing mises en place sur les réseaux sociaux, spécifiquement sur le site Facebook15, où l’on peut observer une grande régularité dans le suivi promotionnel des livres publiés et à paraître.
- 16 Les chiffres du CNL (Ibid.) expliquent ce constat : 47% des jeunes « choisissent le plus souvent un (...)
- 17 De manière schématique, le roman est présenté une première fois simultanément à l’annonce de sa dat (...)
15Les stratégies développées par les trois maisons d’éditions ayant publié les ensembles littéraires étudiés se sont en effet avérées très similaires : au total, un peu plus d’un tiers des publications évoquent le contenu des œuvres, principalement en réemployant des extraits des premiers chapitres ou de la quatrième de couverture pour faire la promotion des livres. En outre, près de la moitié instrumentalisent des éléments issus du livre sans faire mention de son contenu – jeux-concours, annonces de séances de dédicaces, célébration des chiffres de vente. Autrement dit, une fraction non-négligeable des publications sur Facebook se fient à l’efficacité des éléments péritextuels pour présenter les romans (illustration, titre, résumé apéritif ou incipit « paratextualisé »)16, ou encore se réalisent de manière indépendante du contenu des romans promus : pas moins de la moitié des publications ne font qu’indirectement la publicité des livres concernés, par des stratégies plus propices à générer de l’engagement pour les pages Facebook respectives qu’à présenter le texte. On remarquera surtout que les ensembles étudiés n’ont fait l’objet d’aucun traitement de faveur quant aux autres livres au succès commercial moindre, mais ont suivi le même programme promotionnel extrêmement régulier17.
- 18 La dynamique change bien entendu du tout au tout lorsque paraît une adaptation cinématographique d’ (...)
16Ainsi, les campagnes de marketing des best-sellers du corpus sont loin des stratégies ambitieuses qu’on observe parfois dans le monde de la publicité, et se contentent, au mieux, de conserver une popularité déjà acquise une fois le livre lancé, au pire, de « faire voir » ce dernier au public au moyen de mécanismes routinisés18. D’autres phénomènes plus diffus sont cependant à l’œuvre avant que l’acheteur potentiel n’ait le livre dans les mains ou sous les yeux, mécanismes qui sont autant de manifestations directes des liens du corpus avec la culture médiatique contemporaine.
L’architexte : séduire, rassurer
- 19 Cette terminologie est empruntée à Matthieu Letourneux : Matthieu Letourneux, op. cit., p.337.
17L’Épreuve n’est apparu dans les classements de meilleures ventes qu’après l’annonce de l’adaptation cinématographique du roman, plus de deux ans après sa première parution en français. L’ensemble littéraire Frigiel et Fluffy, quant à lui, est une double novellisation, à la fois adaptation du jeu-vidéo Minecraft (le jeu servant d’univers et donc à la fois de décor et d’ensemble de règles) mais aussi celle de la série de let’s play du vidéaste Frigiel, qui, dans une logique entre celle du cross et du trans-média19, reprend sous forme de roman deux personnages issus des vidéos dans de nouvelles aventures.
- 20 Selon les termes d’Aidan Chambers repris par Daniel Delbrassine : Aidan Chambers, « The reader in t (...)
18Non content d’offrir au lecteur, comme nous le verrons, une forme sérielle propice au retour rassurant du même – mêmes personnages, mêmes mondes –, le corpus, notamment par le biais de ses liens avec la culture médiatique, anticipe ce mécanisme en laissant présager au lecteur un texte déjà familier : le rapport transmédial du livre avec le film ou le jeu vidéo participe ainsi à annuler la réticence du lecteur adolescent potentiellement « non complaisant »20, peu enclin à fournir l’effort nécessaire pour se plonger dans un univers inconnu.
19Il ne s’agit là en réalité que d’une manifestation plus explicite et effective d’un phénomène à l’œuvre pour tout livre, que celui-ci possède des caractères transmédiatiques ou non : dans tous ses contacts avec l’objet, y compris avant d’entrer pour la première fois dans le texte, le sujet relie le livre à un groupe diffus de textes, l’architexte, non seulement par le biais de sa perception du genre fictionnel et de la sérialité, mais aussi par un grand nombre d’autres éléments appartenant au paratexte et d’ailleurs.
20Spécifiquement quant au corpus étudié et au fil des contacts que le futur lecteur aura avec le livre, plusieurs « couches » architextuelles vont se décliner, plus ou moins restreintes dans la quantité d’éléments et de connotations que celles-ci englobent. Parmi celles-ci, citons ici le nom de l’auteur, qui relève d’une grande importance quant au troisième ensemble romanesque du corpus : Les Royaumes de Feu est l’œuvre de Tui T. Sutherland, dont on rappelle au lecteur qu’elle est l’une des auteures de La Guerre des Clans, long-seller de fantasy pour la jeunesse.
- 21 Pierre Bayard, Comment parler des livres que l’on n’a pas lus, Paris, Les Éditions de Minuit, 2007.
- 22 Ibid., p.61.
21Qu’il s’agisse du visionnage préalable d’un long-métrage ou de sa bande-annonce, d’une série de vidéos ou de la lecture de romans de la même auteure, les effets restent semblables : le lecteur, en reliant mentalement le livre à d’autres objets connus et aimés – à sa bibliothèque mentale, selon les termes de Pierre Bayard21 –, s’assure avant l’achat du bien-fondé de son choix. En d’autres termes, les fragments livrés par le paratexte ou inférés par la perception du lecteur d’un architexte entrent en contact et en résonance avec d’autres fragments de ses lectures précédentes, des fragments remaniés par ses fantasmes personnels, « bribes de livres falsifiés »22. Ces derniers contribuent alors à rendre le livre inconnu le plus familier possible, minimisant ainsi, aux yeux du lecteur, l’effort qu’il aura à fournir pour apprivoiser un nouvel ensemble romanesque. La perception de cet architexte diffus et multiple est selon nous, par son action rassurante, l’agent principal de la séduction du lecteur avant d’entrer dans le texte : nous allons observer les couches successives de cet architexte, qui sont construites par l’ensemble des éléments paratextuels.
Face à l’objet-livre : transformer l’essai
22La rencontre du lecteur avec le livre physique, qui n’est plus que rarement, pour le cas du corpus étudié, un premier contact, fait office de confirmation de ce que ce futur lecteur avait déjà pu percevoir de l’architexte. On peut distinguer quatre axes récurrents dans les méthodes déployées au sein du péritexte pour pousser un futur lecteur à l’achat.
23Le premier axe poursuit et valide le processus entamé auprès du public par les perceptions de l’« avant-livre », et le titre des œuvres, élément majeur d’identification et de séduction du lecteur, y est un acteur significatif. En effet, les titres, par leur présentation en deux parties, l’une désignant le cycle, l’autre l’opus individuel (par exemple, Les Royaumes de Feu : La prophétie), formulent déjà la promesse d’une suite, et donc l’existence d’un ensemble littéraire sériel.
24Cette sérialité caractérise un « sous-architexte » initial qui inclut également l’appartenance du corpus à la littérature de l’imaginaire, ce qui va permettre au public de mettre le livre en relation avec tous les autres objets de sa bibliothèque mentale qui présentent des caractéristiques similaires. La perception du caractère sériel du livre est capitale par la présence très largement majoritaire de cycles ou de séries au sein de notre collecte de données, présence qui n’est pas neuve dans la littérature pour adolescents et qui a pu, depuis une vingtaine d’années, être reconnue comme signifiante par les lecteurs. L’appréciation de ces objets perçus comme semblables rejaillit alors sur les romans du corpus, et formate les attentes du lecteur quant au texte à venir. La formulation stéréotypique de la plupart des titres, qui se présentent sous la forme [article défini] + [substantif] + [qualificatif] (La Terre brûlée, L’Île au secret, la Princesse disparue), renforce encore ce phénomène en se présentant dans un format familier et aisément intelligible.
- 23 Anne Besson, Marie-Lucie Bougon, « Carte », dans Dictionnaire de la Fantasy, Paris, Vendémiaire, 20 (...)
25Le deuxième niveau qu’il est possible de distinguer est plus restreint, car spécifique à la perception générique : pour le cas des romans observés, deux des titres font explicitement des références à des imaginaires issus de la fantasy. Cette perception d’éléments stéréotypiques a encore plus de poids au sein des illustrations de première de couverture (dragons, mondes post-apocalyptiques, cieux orageux, typographies évocatrices…). Elle agit néanmoins également en d’autres endroits, comme dans le résumé apéritif ou par la présence de cartes du monde en début de livre (des marqueurs aujourd’hui très reconnaissables de la fantasy jeunesse23), autant d’éléments qui permettent au lecteur, même novice, de percevoir personnellement et intuitivement l’appartenance de l’œuvre à un certain ensemble de textes, que ce dernier soit reçu ou non comme un genre.
- 24 Par exemple, la première phrase du résumé-apéritif des Royaumes de Feu : « « Une terrible guerre di (...)
- 25 Deux des trois ensembles de notre corpus proposent une couverture mettant face à face, de manière s (...)
26Un troisième axe majeur de séduction du futur lecteur repose sur la promesse de situations de tension au sein du texte, amenant ce dernier, pour reprendre les termes de Baroni, à formuler des pronostics et diagnostics qu’il ne pourra vérifier qu’en achetant le livre. La principale stratégie séductive à l’œuvre est ici l’évocation des futures situations de danger, dans les titres (« L’Épreuve : Le Labyrinthe », ou encore « Frigiel et Fluffy : Le Retour de l’Ender Dragon ») comme au sein, entre autres, du résumé-apéritif24, en mettant en valeur les futurs obstacles comme éléments centraux de l’illustration de première de couverture25, ou encore en visant à faire naître la curiosité grâce à la brièveté des textes du péritexte.
27Enfin, la dernière approche que nous dégageons vise à attirer le regard et l’attention du lecteur par différents moyens plus matériels : l’illustration en est l’agent principal, par l’usage de couleurs vives, une typographie originale ou de grande taille et une composition dynamique de l’image.

Fig 3. Frigiel, Nicolas Digard, Frigiel et Fluffy : le Retour de l’Ender Dragon, Paris, Slalom, 1ere de couverture.
28Les éléments de la quatrième de couverture ne manquent pas de s’inscrire dans ces divers axes : le résumé-apéritif, simultanément, achève le processus de perception générique mis en branle par la couverture, confirme la promesse de tension narrative annoncée par le titre et l’illustration, et attire l’attention du lecteur par des adresses phatiques à ce dernier. Il suit toujours une structure simple et intelligible, récurrente au sein du corpus : une première partie se charge d’une exposition brève qui vise à présenter simultanément l’univers romanesque et le nouement initial de l’intrigue ; cette brièveté – dans notre corpus, jamais plus de deux courtes phrases – suppose par définition une exposition incomplète, ce qui contribue à générer de la curiosité pour le lecteur. Suivent ensuite une ou deux phrases destinées à intéresser, en laissant présager un premier développement de cette intrigue par un énoncé s’achevant toujours par des points de suspension.

Fig. 4. Tui Sutherland, Les Royaumes de Feu : la Prophétie, Paris, Gallimard Jeunesse, 2015, 4e de couverture.
Le texte et le plaisir de lecture
- 26 Raphaël Baroni, La tension narrative : Suspense, curiosité et surprise, Paris, Seuil, « Poétique », (...)
- 27 Spécifiquement, Vincent Jouve, L’effet-personnage dans le roman, Paris, Presses Universitaires de F (...)
- 28 Le corpus ne comprenant que des ouvrages de littérature de l’imaginaire, cette immersion ne peut re (...)
- 29 Jean-Marie Schaeffer, Pourquoi la fiction ?, Paris, Seuils, « Poétique », 1999, p. 184. La notion d (...)
- 30 Ibid., p. 186.
29Nous proposons, pour rendre compte des éléments qui participent au plaisir de lecture, concept pris comme un des fondements des liens qui unissent texte et succès commercial, trois approches distinctes. La première, qui traite des usages de la tension narrative au sein des textes, est également la plus traditionnellement associée à l’étude des littératures de masse ; nous avons souhaité ici proposer un regard comparatif des usages qui en sont faits dans cet échantillon issu des meilleures ventes, notamment par le biais d’outils d’analyse narratologiques. Nous observerons par la suite les personnages de ces cycles, un élément « additif » à la tension narrative selon Baroni26, en mobilisant les concepts de Vincent Jouve27 ; enfin, en troisième lieu sera interrogée la place de l’illusion référentielle28 dans notre corpus. Est entendu par cette désignation l’ensemble des procédés qui participent à donner l’illusion d’un monde, de personnages, d’une action vraisemblables, et participent donc à l’immersion fictionnelle : plus le lecteur est investi dans le texte, autrement dit plus sont efficaces les « représentation[s] mimétique[s] » mises en place dans dernier, plus le lecteur est alors affecté par ces mécanismes d’immersion fictionnelle, cela malgré la « feintise ludique partagée » à laquelle il consent à participer. Jean-Michel Schaffer, dans Pourquoi la fiction, souligne en effet l’importance d’une impression de « complétude de l’univers fictionnel »29, qui relance toujours la boucle de l’immersion fictionnelle par la nature forcément incomplète de la réception imaginative de ce « monde » perçu comme entier, abouti. Il avance en outre que l’intensité de la réaction émotionnelle au texte dépend de l’efficacité de cette même immersion, ainsi que des « dynamique[s] d’empathie affective » envers les personnages30. Nous proposons ainsi un modèle du plaisir du texte fondé sur trois piliers : tension narrative, effet-personnage, illusion de monde, où schématiquement, intrigue, personnages et univers s’entre-alimentent.
Tension narrative
- 31 Pour l’intensification du suspense, exemple avec l’arrivée d’une créature mortelle : « Puis une omb (...)
- 32 Ces retournements de situation se retrouvent dans toutes les œuvres de notre corpus à des degrés di (...)
30La tension narrative a un effet structurant au sein du corpus, en régissant le découpage du texte en unités distinctes, à l’échelle du chapitre comme à l’échelle du tome. Si certains cycles proposent en majorité de très courtes séquences de suspense qui miment l’expérience de gameplay de Minecraft, la source architextuelle, tandis que d’autres mettent en scène des tomes parcourus d’une seule longue séquence tensive, c’est bien les zones limitrophes de ces unités – fins de tomes, fins de chapitres – qui ont subi le traitement le plus régulier. Cette apparente diversité dans les stratégies tensives laisse en réalité rapidement apparaître le souci minutieux du rythme qui caractérise le corpus : ainsi, la majorité de ces unités s’achève sur une intensification du suspense, un rappel de ce dernier ou une révélation liée à la curiosité31 (spécifiquement, la surprise est très présente en fin de tome, menant à la récognition des événements décrits au long du récit et donnant ainsi l’envie d’acheter le tome suivant32). Au sein du corpus, les quelques chapitres exempts de toute situation de tension étaient particulièrement rares et représentaient des lieux privilégiés d’accès à l’intimité des personnages.
- 33 Cette notion est issue de l’ouvrage de Raphaël Baroni (Ibid.) : il s’agit de l’état émotionnel du l (...)
31Ces zones limitrophes sont primordiales pour opérer des retards au dénouement des situations de tension et maintenir la « dysphorie passionnante33 » induite par la curiosité et le suspense ; il ne s’agit cependant pas des seules stratégies mises en place au sein des textes dans ce but. Au niveau genettien, deux données principales interviennent dans l’intensification de cette tension : la focalisation et le temps.
- 34 Plus les antagonistes sont perçus comme dangereux ou cruels, plus le succès des protagonistes est p (...)
- 35 Voir Gérard Genette, Discours du récit, Paris, Éditions du Seuil, « Poétique », 1983.
32Si tous les ouvrages du corpus se présentent en focalisation interne, nous avons observé que certains des ensembles littéraires proposent une focalisation interne flexible, qui permet d’opérer des retards au dénouement en changeant de personnage focalisateur à un moment de tension ou de divulguer des informations quant aux antagonistes34. D’autres sont fondés sur une focalisation interne fixe, qui profite de l’opacité des pensées des autres personnages et des situations où un des protagonistes se trouve séparé des autres pour ne pas résoudre des séquences de curiosité. Cependant, la caractéristique la plus significative de l’usage que fait notre corpus de la focalisation repose dans les différentes entorses à celles-ci, des paralipses et paralepses35 fréquemment employées dans le but de maximiser la tension narrative, mais rendues licites et intelligibles au lecteur non-expert par des éléments paratextuels ou textuels : changements de point de vue au sein de prologues ou d’épilogues, rêves, prémonitions induites par des magies ou des drogues, etc.
33La gestion du temps du récit suit un schéma similaire, en visant à maximiser la tension narrative sans jamais quitter une certaine distance (au sens genettien) : à l’image des différentes atteintes à la fixité de la focalisation du texte, les multiples entorses au déroulement chronologique linéaire du récit servent principalement la tension narrative, et sont rendues plus accessibles par différentes stratégies. La principale d’entre elles qui est déployée ici repose sur l’ellipse, qui se voit autorisée par sa présence en fin de chapitre, juste avant que les personnages n’aient pu laisser découvrir au lecteur l’entièreté de leur plan. Cette stratégie récurrente vise à stimuler la curiosité et la formulation de diagnostics, puis de faire naître la surprise ou le plaisir d’avoir efficacement anticipé les événements. D’autres stratégies ponctuelles viennent renforcer ces phénomènes, la plus commune reposant sur l’irruption soudaine d’un danger empêchant les personnages de livrer une information essentielle ou chargée émotionnellement.
Personnages
- 36 Vincent Jouve, Poétique du roman, Paris, Armand Colin, « Cursus », 2014, p.100.
- 37 Selon les termes de Greimas : Algirdas Julien, Greimas, Sémantique structurale, Paris, Presses Univ (...)
34Notre deuxième approche du texte consiste en un regard sur les personnages, qui mobilise les théories de Jouve sur l’ « effet-personnage ». Parmi les éléments qui composent cette notion, l’auteur distingue l’effet-personne, qui est une notion primordiale à l’analyse déployée dans notre démarche puisqu’il est le personnage « à étudier à travers les procédures qui suscitent l’illusion référentielle »36. Spécifiquement, il s’illustre par la présence, chez les personnages, d’un « être »37 développé, c’est-à-dire d’une vie intérieure, un vécu, mais aussi d’une différence entre l’« être » et le « faire » de ces personnages, une contradiction entre identité et fonction qui donne naissance à des objectifs déterminés.
35A cet effet-personne s’ajoute ce que Jouve nomme le « système de sympathie », basé sur deux codes ; le code affectif suppose que plus le lecteur a accès à l’intimité d’un personnage, et spécifiquement à certains thèmes chargés émotionnellement, plus il sera enclin à s’attacher à ce personnage ; le code narratif suppose, quant à lui, une identification plus mécanique qui survient lorsque lecteur et personnage sont dans des situations similaires en termes de connaissances, de statut social, d’opinion – situations que Jouve nomme homologie des situations informationnelles.
- 38 Vincent Jouve, L’effet-personnage dans le roman, Paris, Presses Universitaires de France, « Écritur (...)
- 39 Dans les Royaumes de Feu, les noms propres reprennent des noms communs qui ont un rapport avec le c (...)
36Au sein du corpus étudié, l’effet-personne tire son efficacité d’une variété de procédés « destinés à souligner la cohésion et la lisibilité des personnages »38 au détriment de la constitution réaliste de parcours de vie complexes. Parmi ces procédés, relevons l’usage d’une onomastique évocatrice39 ou l’omission récurrente, au sein du récit, du passé des personnages, qui est régulièrement tenu sous silence pour être instrumentalisé à des fins de tension narrative par la suite. Cependant, si l’ « être » de ces personnages est très peu développé, il apparaît toujours très clairement en décalage avec leur « faire », car une perception claire des objectifs des personnages est nécessaire non seulement au bon fonctionnement de la mise en intrigue, mais également à la lisibilité et au potentiel d’identification de ces derniers. Adolescents au passé apparemment sans histoire mais plongés au sein d’une situation de danger ou de grand mystère, les héros du corpus gagneront en substance au fil du temps long du cycle, mais restent des figures relativement « vierges » et intelligibles auxquelles le lecteur peut s’identifier au moment crucial de l’incipit.
37Certains éléments viennent contribuer à cette volonté affirmée de lisibilité des personnages ; parmi ceux-ci, citons une stratégie récurrente, qui repose sur la caractérisation de l’individu par le groupe. Chacun des cycles étudiés inclut en effet des catégories sociales, culturelles ou ethniques clairement définies qui interviennent largement dans la constitution des identités des personnages – clans de dragons pour les Royaumes de Feu, de guerriers pour Frigiel et Fluffy, corps de métiers largement singularisés au sein du Labyrinthe.
- 40 Les contenus interactifs permettent en effet le choix d’une « maison », et donc d’une expérience as (...)
38Ces groupes proposent non seulement au lecteur non-expert des ensembles aisément identifiables lui permettant d’appréhender chaque personnage par la simple connaissance de son appartenance à un groupe, mais tendent également à devenir autant de marques d’appartenance au sein de communautés de fans, à la manière des « maisons » d’Harry Potter qui se déclinent aujourd’hui en affirmations d’identité renforcées par des batteries de produits dérivés et autres manifestations transmédiatiques interactives de la franchise40. Chaque lecteur est amené, comme les personnages, à « choisir son camp », renforçant alors au sein du texte l’identification aux personnages et menant éventuellement à des continuations extra-livresques.
39Ces caractéristiques aident le lecteur à déterminer les personnages les uns par rapport aux autres de façon quasi-structurelle, mais favorisent aussi l’identification, et rendent le monde intelligible en l’organisant. Elles sont, en outre, instrumentalisées au sein du corpus, cela à des fins narratives, aussi bien au fil du récit, par des sentiments de non-adéquation à ces groupes que les personnages tentent de combattre, que dans sa conclusion, par des messages en faveur du multiculturalisme qui mènent au mélange ou à l’éclatement de ces groupes.
40Plus généralement, les objectifs des personnages observent tous un schéma similaire : un groupe de jeunes privés de figures parentales possède une caractéristique ou un objet unique le rendant désirable aux yeux de plusieurs ensembles d’antagonistes placés dans des positions d’autorité ; ces différents groupes vont tenter d’exercer sur les protagonistes une plus grande influence que les groupes rivaux. Le nœud principal du récit est alors la prise d’indépendance des personnages face à ces figures d’autorité, tandis qu’au fil des aventures vécues, les héros, en gagnant confiance en eux et en leurs capacités, choisissent une voie qui leur est propre. À la fois quêtes initiatique et d’identité, tous les romans du corpus étudié mènent nos héros à retrouver leurs parents d’une façon ou d’une autre : l’absence initiale, qui autorisait l’aventure et l’autonomie, se résorbe à la fin du récit pour un accès privilégié à l’intimité des personnages dans un moment de réflexion sur la famille et la filiation.
- 41 Anne Besson, Marie-Lucie Bougon, « Apprentissage », dans Dictionnaire de la Fantasy, Paris, Vendémi (...)
- 42 Une caractéristique déjà repérée par Daniel Delbrassine : Daniel Delbrassine, « Le roman pour la je (...)
41Ce parcours commun est celui du roman d’apprentissage, récurrent, selon Anne Besson, au sein du corpus de la fantasy41, mais aussi au sein du genre dystopique : les fréquentes révolutions contre l’état totalitaire de ces romans symbolisent généralement une évolution significative du personnage adolescent qui devient adulte, joignant le bouleversement politique au personnel. Ce développement d’un héros ou d’un groupe qui trouve peu à peu sa place dans le monde, cela dans un temps long autorisé par la sérialité du corpus qui permet au lecteur de suivre l’évolution du personnage42, mime le parcours de l’adolescent en étant du même coup un agent très efficace en faveur de l’effet-personne.
42Cette homologie entre lecteur et personnages, qui repose ici sur la longue tradition des protagonistes adolescents au sein de la littérature destinée à la jeunesse, s’illustre dans de nombreuses autres circonstances pour deux raisons. En plus de largement favoriser l’identification au personnage, l’homologie des situations informationnelles permet à la narration de ne pas briser le rythme du récit basé sur l’enchaînement de situations de tension par des scènes d’exposition trop longues, puisque le lecteur découvre en général l’univers en même temps que ses personnages. La construction de ces derniers sert consciemment ces ambitions, en proposant des personnages soit amnésiques (L’épreuve), soit ayant grandi coupés du monde (Les Royaumes de Feu, Frigiel et Fluffy) : le motif du voyage est alors une évidence qui s’insère parfaitement dans la narration et permet de délivrer au compte-goutte les informations nécessaires au lecteur sans l’intervention trop évidente d’un narrateur, la description étant justifiée par la découverte simultanée du héros.
- 43 Gérard Genette, op. cit.
43Enfin, nous avons observé, dans le cadre de l’étude du code affectif nécessaire au bon fonctionnement du système de sympathie, l’accès privilégié à la vie intérieure des personnages qui était proposé aux lecteurs. Selon la terminologie de Dorrit Cohn reprise par Gérard Genette43, on observe l’usage majoritaire du psycho-récit consonnant, le plus à même, selon Jouve, de provoquer la sympathie. Cette reformulation totale des pensées des personnages par le narrateur permet en effet d’exprimer avec beaucoup de clarté la complexité d’une intériorité, et par conséquent d’évoquer explicitement à la fois les dissonances entre l’être et le faire des personnages, mais aussi les thèmes désignés par Jouve comme propices à activer le système de sympathie : l’amour, la souffrance, ou d’autres éléments insistant sur le pathos, un accès encore facilité dans le corpus étudié par le choix récurrent de dire plutôt que de montrer l’émotion. En parallèle, quelques incursions minoritaires en monologue narrativisé participent à dynamiser certains récits de pensée.
Illusion référentielle
- 44 En 2022, selon la même étude du CNL (Ibid.), 43% des lecteurs qui lisent par loisir le font pour « (...)
44Notre corpus propose une approche relativement paradoxale de l’illusion référentielle, qui est une caractéristique essentielle de l’évasion, une notion très régulièrement associée aux littératures de l’imaginaire44 qui est nécessaire, selon nous, au plaisir du texte, paradoxale puisque cette approche repose avant tout sur une certaine superficialité. Si, en effet, le respect d’une chronologie linéaire et d’une unique focalisation contribue à effacer tout signe de l’artificialité du récit et à renforcer l’immersion fictionnelle, nous avons observé la récurrence du choix du psycho-récit qui laisse apparaître le narrateur, et renforce donc la distance, au sens genettien, qui lie le lecteur au texte.
45Cette illusion référentielle, dans le corpus étudié, repose en réalité davantage sur le respect de normes établies au début du texte que sur un ensemble d’éléments qui limiterait la distance de celui-ci, un pacte passé avec le lecteur qui concerne tant la focalisation que le temps du récit et que les auteurs, par respect envers le lecteur non-expert, ne rompront que dans des circonstances autorisées par des éléments spécifiques, textuels ou paratextuels. Des schémas identiques au service de l’intelligibilité se retrouvent dans la constitution d’une « illusion de monde » pourtant nécessaire à l’évasion du lecteur : si des éléments contribuent à celle-ci, comme la présence d’une carte en début de livre ou d’un jargon spécifique, il apparaît que l’usage de tels procédés est rentabilisé d’autres façons (humour, évocations d’un architexte) et ne servent qu’en surface l’illusion référentielle. La superficialité de ces fragments de worldbuilding rend à nouveau compte de ce constant balancier entre accessibilité et profondeur que l’on retrouve tout au long du corpus.
46Cet élément apparaît comme transversal et d’une très grande importance au sein des ensembles étudiés : parmi ces romans les mieux vendus des années 2013-2021, les trois cycles observés proposent ce parcours d’équilibriste, où des éléments initialement dégagés comme participatifs au plaisir de lecture (comme une faible distance avec le texte, ou une focalisation et une gestion du temps très libre) s’effaçaient au service d’une plus grande intelligibilité ; plus encore, on peut émettre l’hypothèse que le corpus étudié doit au moins une partie son succès à la manière dont cette intelligibilité sert ce même plaisir, symbiotiquement, comme en proposant des personnages dont l’être peu développé permet à la fois une lisibilité accrue et un démarrage plus dynamique au récit.
Conclusions
47Ces stratégies textuelles ne sont que des moteurs d’un plus large ensemble, livresque et extra-livresque. Il est ici particulièrement intéressant de constater, au niveau de l’épitexte, la similitude des campagnes promotionnelles en ligne entre les best-sellers du corpus et le reste des publications. La perception architextuelle que le public a pu avoir de ces romans dépasse largement en importance l’épitexte quant à l’influence sur les ventes des cycles du corpus ; il est difficile de le nier lorsque l’on sait que L’Épreuve n’entre dans le classement des meilleures ventes que lors de la sortie du film ; difficile également de ne pas songer au succès planétaire du jeu-vidéo Minecraft et des 300.000 vues de la vidéo de présentation et de promotion du roman Frigiel et Fluffy sur YouTube, ou encore au succès si durable des cycles La Guerre des Clans de Tui T. Sutherland, directement évoqué sur la couverture des Royaumes de Feu, autant de manifestations concrètes des rapports étroits que notre corpus entretient avec la culture médiatique. Spécifiquement, nous pensons que la séduction repose ici sur la proposition au lecteur d’un contenu déjà familier qui minimise sa perception d’un futur effort à fournir à la lecture.
48Il convient cependant de nuancer ce constat par deux remarques. Premièrement, ces éléments architextuels, bien que capitaux, n’ont une influence significative que sur les ventes des premiers tomes : ils servent avant tout à attirer le lecteur pour lui faire faire le premier pas – l’achat. Par la nature hautement sérielle du corpus étudié, c’est bien le texte qui, par la suite, va déterminer si le succès va se poursuivre dans les tomes suivants. Et si notre étude du texte a en effet rendu compte d’éléments attendus dans le cadre d’une étude de littérature dite « de masse », comme la grande place de la tension narrative au sein des romans évoqués, nous avons constaté des éléments qui rendaient compte d’une grande compétence des auteurs à jongler entre accessibilité et séduction du lecteur, par le biais d’éléments liés au temps, à la focalisation, mais aussi à la construction même des personnages et du monde fictionnel.
- 45 Il est important de signaler en outre que le marketing littéraire est, de nos jours, très largement (...)
- 46 On peut citer, par exemple, le très populaire ennemies to lovers, qu’on peut retrouver sous forme d (...)
49Deuxièmement, notre approche du marketing des ensembles littéraires de notre corpus s’est vue fortement limitée par notre accès aux données significatives, et il est très probable que nous avons ainsi manqué de nombreux éléments de ces stratégies péritextuelles45, notamment au niveau du marketing push, celui visant non le public, mais d’autres instances de la chaîne du livre – ce qui inclut, notamment, la place dans les bibliothèques, les publicités sur le lieu de vente, etc. Plus largement encore, il nous paraîtrait primordial, pour évoquer la littérature pour adolescents d’aujourd’hui par le prisme de son succès, d’étudier des formes plus contemporaines de promotion et de prescription en ligne – bookstagram, booktok, booktube et autres réseaux sociaux du livre, pour questionner leur influence sur les résultats commerciaux des best-sellers. Il conviendrait également de s’intéresser à l’impact de certaines pratiques culturelles issues du web, spécifiquement de la fanfiction, en observant par exemple la contamination, sur la littérature imprimée, des tropes (clichés) comme éléments architextuels identificatoires46.
50Enfin, si nous avons pu observer la manifestation des liens qu’entretient la littérature pour adolescents de l’imaginaire avec la culture médiatique, d’autres filiations sont apparues comme significatives au cours de notre recherche. La récurrence de la structure du roman de formation qui est au cœur de du corpus gagne à être observée en prenant en compte la réactualisation que propose les romans étudiés d’un architexte de fantasy, de dystopie, mais également en considérant les liens qu’entretient ce dernier avec les littératures sérielles populaires du XIXe et du XXe siècle, dont on peut distinguer de nombreuses manifestations : récurrence, en fin d’ouvrage, d’extraits du tome suivant et de cliffhangers, présence d’un certain manichéisme, topos de l’outsider dans la non-adéquation des personnages aux ensembles sociaux déterminés, brièveté des biographies des personnages qui permet une rapide mise en intrigue, etc.
51Ainsi, si les bouleversements du marché de l’imaginaire contemporain pour la jeunesse sont bien visibles, spécifiquement dans une certaine contamination par d’autres médias qui participe à une première séduction du lecteur, ceux-ci doivent être nuancés par le constat de la longue tradition livresque reprise et réinterprétée au sein du contenu narratif des romans. Cet architexte transmédiatique, malgré son apparente omniprésence, se contente généralement, par son action rassurante, de mener à l’objet-livre, où l’efficacité du péritexte prend le relais et mène à l’achat et au texte. Alors, c’est spécifiquement en sachant faire la synthèse d’un large héritage littéraire et en rendant ce dernier actuel, attractif et intelligible que les best-sellers pour la jeunesse parviennent à de tels succès : car si l’adaptation en film amène le lecteur au premier tome, c’est toujours le texte qui l’emmène au deuxième.
Notes
1 Ofra Lévy, « À la recherche d’une typologie des best-sellers dans la littérature de l’imaginaire pour jeunes-adultes », dans Olivier Bessard-Banquy (dir.), Best-Sellers : L’industrie du succès, Malakoff, Armand Colin, 2021, pp.19-20.
2 Si ces genres connaissent un pic de popularité autour des années 2010, Hunger Games est loin d’être le premier succès de la dystopie pour adolescent (citons Lois Lowry, Le passeur, Paris, L’école des Loisirs, 1994, ou encore Malorie Blackman, Entre chiens et loups, Toulouse, Milan, 2005.), et Twilight le premier texte pour la jeunesse mêlant vampires et romance (citons Lisa James Smith, Journal d’un vampire. La naissance, Paris, J’ai lu, 2000).
3 Matthieu Letourneux, « Chapitre VI. Littérature de jeunesse et culture médiatique », dans Nathalie Prince, La littérature de jeunesse en question(s), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2009.
4 Une vogue confirmée par les chiffres : selon une étude du CNL (Ipsos, Les jeunes et la lecture (étude du CNL confiée à Ipsos du 27 janvier au 6 février 2022)), parmi les romans, le genre de l’imaginaire est le plus lu par les 7-19 ans (50%) comme par les 20-25 ans (51%).
5 Notre collecte de données a montré que parmi les vingt romans destinés à la jeunesse les plus vendus en moyenne sur une période allant de 2013 à 2021, treize avaient donné lieu à une adaptation cinématographique, étaient issus d’un jeu-vidéo ou d’une série, ou encore avaient été écrits par une figure médiatique. Quatre de ces romans, dans une logique transmédiatique, proposaient des déclinaisons de ces romans sous la forme de bandes dessinées.
6 Si les dystopies continuent d’apparaître au sein des classements de meilleures ventes observés, c’est par le succès à long terme de séries entamées peu après la parution de Hunger games en français (Hunger Games : 2009, Divergente : 2011, L’épreuve : 2012). Ces trois cycles sont les seules dystopies figurant dans les vingt ensembles littéraires les plus présents dans les classements des meilleures ventes de 2013 à 2021. Pour la fantasy urbaine, seul le cycle The Mortal Instruments est à relever, en dix-neuvième position en terme de fréquence d’apparition dans ces classements.
7 Le site OpenEdition, « portail de ressources électroniques en sciences humaines et sociales », qui permet une recherche avancée, est utile pour offrir des éléments de quantification. La mention exacte de « Harry Potter » apparaît dans le texte de 1324 documents ; 194 occurrences pour « Hunger Games » ; 110 pour « Philipp Pullman » ; 43 pour « Stephenie Meyer » (autrice du cycle Twilight). A l’inverse, on recense 8 mentions seulement de « Veronica Roth » (autrice du cycle Divergente), 5 pour « Anne Robillard » (autirce des Chevaliers d’Émeraude), 5 pour « James Dashner » (auteur de L’Épreuve), et aucun résultat pour « Tui Sutherland » (autrice des Royaumes de Feu et La guerre des clans) ou pour « Frigiel », (co-auteur de Frigiel et Fluffy).
8 Pour les logiques sérielles, voir Anne Besson, D’Asimov à Tolkien : cycles et séries dans la littérature de genre, Paris, CNRS éditions, « CNRS Littérature », 2004 ; pour les rapports avec la culture médiatique, citons Matthieu Letourneux, Fictions à la chaîne : littératures sérielles et culture médiatique, Paris, Seuil, « Poétique », 2017. Ces deux derniers ouvrages portent cependant sur des corpus plus larges que la seule littérature pour adolescents : pour une approche qui soit davantage centrée sur ce seul objet, voir Daniel Delbrassine, Le roman pour adolescents aujourd’hui : écriture, thématiques et réception, Créteil, CRDP Académie de Créteil, « Argos références », 2006.
9 Cette terminologie est empruntée aux travaux d’Anne Besson (Anne Besson, Ibid.)
10 Matthieu Letourneux, Ibid.
11 Ont été observés, pour objectiver ce critère, les sites internet des maisons d’édition ayant publié les ensembles romanesques de notre corpus, respectivement Gallimard Jeunesse, Pocket jeunesse et Nathan.
12 Frigiel, Youtubers.me, https://fr.youtubers.me/frigiel/youtuber-stats/en [consulté le 08/03/2023]
13 Selon une étude du CNL (Ibid.), 29% des jeunes choisissent un livre après en avoir entendu parler sur internet : c’est le cas pour 35% des lycéens et 46% des étudiants.
14 Les chiffres du CNL (Ibid.) montrent que 58% des jeunes ont « déjà eu envie de lire un livre après avoir vu une série ou un film », ce qui correspond à nos observations quant aux meilleures ventes des romans destinés à la jeunesse des huit dernières années.
15 Seul ce réseau permettait une observation exhaustive de la promotion en ligne des trois ensembles de notre corpus.
16 Les chiffres du CNL (Ibid.) expliquent ce constat : 47% des jeunes « choisissent le plus souvent un livre » sur la base du résumé apéritif ; 42% se basent sur la couverture (à noter que plusieurs choix étaient possibles lors du sondage).
17 De manière schématique, le roman est présenté une première fois simultanément à l’annonce de sa date de sortie ; une deuxième publication annonce la sortie du livre aux côtés d’un extrait ; enfin, quelques rappels, notamment à la venue des fêtes, viennent présenter à nouveau les livres tandis qu’en parallèle, jeux-concours et autres relances élargissent la visibilité du produit.
18 La dynamique change bien entendu du tout au tout lorsque paraît une adaptation cinématographique d’un livre : la promotion du roman se greffe alors sur celle du film, et il paraît généralement une nouvelle édition reprenant les visuels du film, qui n’hésite pas à rappeler textuellement sa filiation avec ce dernier.
19 Cette terminologie est empruntée à Matthieu Letourneux : Matthieu Letourneux, op. cit., p.337.
20 Selon les termes d’Aidan Chambers repris par Daniel Delbrassine : Aidan Chambers, « The reader in the Book : notes from Work in Progress », Signal, 23, 1977.
21 Pierre Bayard, Comment parler des livres que l’on n’a pas lus, Paris, Les Éditions de Minuit, 2007.
22 Ibid., p.61.
23 Anne Besson, Marie-Lucie Bougon, « Carte », dans Dictionnaire de la Fantasy, Paris, Vendémiaire, 2018, p.43.
24 Par exemple, la première phrase du résumé-apéritif des Royaumes de Feu : « « Une terrible guerre divise les royaumes du monde de Pyrrhia. » (Tui Sutherland, Les Royaumes de Feu : la Prophétie, Paris, Gallimard Jeunesse, 2015, 4e de couverture.), ou encore celle de Frigiel et Fluffy : « La fête bat son plein au village de Laniel quand un immense dragon noir apparaît au-dessus des toits. » (Frigiel, Nicolas Digard, Frigiel et Fluffy : le Retour de l’Ender Dragon, Paris, Slalom, 2016, 4e de couverture.) : toutes deux mettent en avant le nœud de l’intrigue, source principale de tension narrative, dès la première phrase.
25 Deux des trois ensembles de notre corpus proposent une couverture mettant face à face, de manière stéréotypique, protagonistes et antagonistes : héros à l’épée contre dragon (fig. 1), ou adolescents seuls face à un menaçant labyrinthe (fig. 2). Le troisième ensemble romanesque est davantage une promesse de dynamisme et d’aventure, mis en exergue par une grande fluidité dans la composition et l’usage de couleurs douces.
26 Raphaël Baroni, La tension narrative : Suspense, curiosité et surprise, Paris, Seuil, « Poétique », 2007, p.285.
27 Spécifiquement, Vincent Jouve, L’effet-personnage dans le roman, Paris, Presses Universitaires de France, « Écriture », 1992.
28 Le corpus ne comprenant que des ouvrages de littérature de l’imaginaire, cette immersion ne peut reposer sur une simple mimèsis de notre réalité : celle-ci s’appuie donc avant tout sur un respect récurrent des règles fictionnelles établies. Un autre élément est cependant envisagé comme participant à cette immersion : plus la distance du texte, au sens de Genette, est faible (autrement dit, plus le texte vise la mimèsis et plus le narrateur est camouflé), plus l’illusion est forte.
29 Jean-Marie Schaeffer, Pourquoi la fiction ?, Paris, Seuils, « Poétique », 1999, p. 184. La notion de « feintise ludique partagée » ainsi que celle de « représentation mimétique » sont issues du même ouvrage.
30 Ibid., p. 186.
31 Pour l’intensification du suspense, exemple avec l’arrivée d’une créature mortelle : « Puis une ombre s’avança dans leur direction. Une chose indescriptible qu’il avait déjà vue, mais derrière la protection d’une vitre épaisse. Un Griffeur. » James Dashner, op. cit, p.107.
Pour la textualisation des enjeux, qui rendent le suspense plus intelligible, donc plus efficace, un exemple : « Elle pensait qu’il était capable de réussir. Il allait lui sauver la vie. Il allait tous les sauver. À condition qu’il ressorte vivant de la rivière. » Tui Sutherland, op cit., p.79.
Pour un exemple de révélation : « Teresa marqua une pause, puis ajouta quelque chose qui n’avait aucun sens. "Le Labyrinthe est un code, Thomas. Le Labyrinthe est un code." » James Dashner, op. cit., p.196.
32 Ces retournements de situation se retrouvent dans toutes les œuvres de notre corpus à des degrés divers : à la fin du premier tome, Le Labyrinthe laisse croire au lecteur et aux personnages que ces derniers sont tirés d’affaire alors qu’on apprend lors de l’épilogue qu’ils sont encore sous le joug du Wicked, l’organisation qui a créé le Labyrinthe qui les maintient prisonniers ; on peut également citer l’exemple de Frigiel qui découvre que son grand-père est encore en vie lors des dernières lignes du second tome du cycle, alors qu’il le croyait mort.
33 Cette notion est issue de l’ouvrage de Raphaël Baroni (Ibid.) : il s’agit de l’état émotionnel du lecteur « pris » dans une situation tensive (due au suspense ou à la curiosité) qui souhaite tout à la fois et paradoxalement sa clôture, pour accéder à l’ « euphorie conclusive » (Ibid.), et sa prolongation, pour continuer à jouir de la « passion » de cette tension. Cette ambivalence peut s’expliquer dans l’attitude ludique partagée par la plupart des lecteurs de fiction, une fiction dont ils ont accepté les conditions et pour laquelle ils choisissent de « jouer le jeu » de ces situations tensives (sans, par exemple, lire prématurément la fin du texte pour mettre fin à la tension).
34 Plus les antagonistes sont perçus comme dangereux ou cruels, plus le succès des protagonistes est perçu comme incertain et plus la tension s’intensifie.
35 Voir Gérard Genette, Discours du récit, Paris, Éditions du Seuil, « Poétique », 1983.
36 Vincent Jouve, Poétique du roman, Paris, Armand Colin, « Cursus », 2014, p.100.
37 Selon les termes de Greimas : Algirdas Julien, Greimas, Sémantique structurale, Paris, Presses Universitaires de France, « Formes Sémiotiques », 1986.
38 Vincent Jouve, L’effet-personnage dans le roman, Paris, Presses Universitaires de France, « Écriture », 1992, p.115.
39 Dans les Royaumes de Feu, les noms propres reprennent des noms communs qui ont un rapport avec le clan d’origine du dragon (Argil pour les Ailes de boue, Tsunami pour les Ailes de mer, etc.) et qualifient simultanément l’individu qu’ils désignent, par connotation (Tsunami évoquant par exemple le caractère impétueux de la dragonne). On apprend à la fin du premier tome du Labyrinthe que les personnages ont tous des noms inspirés de scientifiques célèbres pour évoquer la grande intelligence des protagonistes.
40 Les contenus interactifs permettent en effet le choix d’une « maison », et donc d’une expérience asymétrique et personnalisée pour chaque individu, comme sur le site Wizarding world (https://www.wizardingworld.com/, anciennement Pottermore) ou dans le jeu vidéo Hogwarts Legacy (Avalanche Software, Hogwarts Legacy, Warner Bros Interactive, 2023.) Ces éléments participent à renforcer le sentiment d’appartenance susmentionné.
41 Anne Besson, Marie-Lucie Bougon, « Apprentissage », dans Dictionnaire de la Fantasy, Paris, Vendémiaire, 2018, p. 28.
42 Une caractéristique déjà repérée par Daniel Delbrassine : Daniel Delbrassine, « Le roman pour la jeunesse : un roman éducatif qui ne dit jamais son nom », dans Littérature, langue et didactique. Hommages à Jean-Louis Dumortier, Namur, Presses Universitaires de Namur, 2014.
43 Gérard Genette, op. cit.
44 En 2022, selon la même étude du CNL (Ibid.), 43% des lecteurs qui lisent par loisir le font pour « s’évader, rêver », tandis que les littératures de l’imaginaire restent le genre de romans le plus populaire auprès des jeunes.
45 Il est important de signaler en outre que le marketing littéraire est, de nos jours, très largement lié aux usages d’internet, des usages qui évoluent extrêmement rapidement. Nous avons déjà pu observer que les différentes maisons d’édition que nous avons étudiées ont étendu leurs activités sur d’autres réseaux au fil du temps pour s’adapter à leurs publics, d’Instagram au milieu des années 2010 à TikTok en 2021. Ainsi, notre approche de l’épitexte, bien qu’elle permette de constater, à un point temporel donné, la faible importance du marketing dans les ventes des best-sellers, s’avère difficilement généralisable au marché actuel de la littérature destinée à la jeunesse.
46 On peut citer, par exemple, le très populaire ennemies to lovers, qu’on peut retrouver sous forme de liste sur des réseaux sociaux littéraires comme Booknode : Booknode, « Ennemies to lovers », https://booknode.com/liste/ennemies-to-lovers
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Légende | Fig 1. Tableau d’établissement du corpus |
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Légende | Fig 2. James Dashner, L’Épreuve : le Labyrinthe, Paris, Pocket jeunesse, 2012, 1ere de couverture. |
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Légende | Fig 3. Frigiel, Nicolas Digard, Frigiel et Fluffy : le Retour de l’Ender Dragon, Paris, Slalom, 1ere de couverture. |
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Légende | Fig. 4. Tui Sutherland, Les Royaumes de Feu : la Prophétie, Paris, Gallimard Jeunesse, 2015, 4e de couverture. |
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Pour citer cet article
Référence électronique
Victor Krywicki, « Best-sellers pour adolescents et culture médiatique.
Une approche transversale du succès littéraire », Belphégor [En ligne], 21-2 | 2023, mis en ligne le 20 décembre 2023, consulté le 19 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/belphegor/5676 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/belphegor.5676
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