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Mutations des légitimités dans les productions culturelles contemporaines

Reconfigurations d’expertises privées autour de Game of Thrones : de la chambre1 à l’école

Xavier Lorenzo et Sylvie Périneau-Lorenzo

Résumé

Les travaux de Henry Jenkins, de Patrice Flichy ou de Mélanie Bourdaa ont amplement œuvré pour que les productions des amateurs soient reconnues en tant que pratiques culturelles à part entière. Un symptôme probant : le terme de « knowledge », voire celui d’expertise s’associent désormais à ces productions. Pour autant, c’est souvent moins le processus d’expertise lui-même qui est traité que les incarnations de cette même expertise, déclinées du savant au profane. Or, ce qui se joue est d’envergure. Avec les activités d’éditorialisation facilitées par le paradigme numérique, c’est du devenir des citoyens aux prises avec les médias qu’il s’agit. Aussi, si nous nous intéressons aux usages privés et aux loisirs, c’est bien pour nous saisir à nouveaux frais de ce que l’école et l’université mettaient auparavant au cœur des apprentissages.
Notre propos s’efforce donc de montrer que nous assistons à une véritable reconfiguration du processus d’expertise par la praxis amatrice dans la sphère privée. Et puisque loin s’en faut que soient analysées les compétences expertes ni même la manière dont elles se forgent progressivement dans la production et dans l’interaction, nous nous intéressons à la nature de cette expertise, à son processus ou à ses aspects peu traités par la sphère institutionnelle. Pour ce faire, nous prenons appui sur des fanvidéos postées sur YouTube à propos de la série d’HBO Game of Thrones, de l’opus de George R.R. Martin (A song of Ice and Fire ou Le Trône de fer, en traduction française) ou plus largement à partir de l’univers fandomistique déployé. Le défi épistémologique est lui aussi de taille : il s’agit de penser ce savoir non pas comme ancillaire des productions culturelles à partir desquelles il se développe mais de le penser comme un autre savoir, d’identifier cette expertise comme telle et d’opérer la mutation vers une autre expertise, un faire d’expertise, scolarisable qui plus est.

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Texte intégral

  • 1 Ce terme renvoie à la « culture de la chambre », titre d’un travail d’enquête d’Hervé Glevarec en 2 (...)
  • 2 Patrice Flichy, op. cit., p. 11.
  • 3 Ibid., p.7.
  • 4 Dans Fans, Bloggers and Gamers, Henry Jenkins ne parle pas d’expertise en un sens général et absolu (...)

1Même si Patrice Flichy énonce voilà presque une décennie déjà que l’expertise de l’amateur « est acquise peu à peu, jour après jour, par la pratique et par l’expérience »⁠2, et qu’il affirme que « nous entrons dans une nouvelle ère de démocratisation, celle des compétences »3, il n’entre pas dans le détail de ces compétences expertes4 ni dans la manière dont elles se forgent progressivement dans la production et dans l’interaction, déplaçant simplement dans le contexte des usages privés et de loisir ce que l’école mettait auparavant au cœur des apprentissages.

  • 5 Nous entendons par « sphère privée » le fait que les publications sur YouTube s’élaborent dans un c (...)
  • 6 Charles Leadbeater et Paul Miller, op. cit. ; Patrice Flichy, op. cit.
  • 7 Henry Jenkins, op. cit., p. 20.

2Or, notre propos s’efforce de montrer que nous assistons à une reconfiguration du processus d’expertise par la praxis amatrice dans la sphère privée5 et que, pour autant, la nature de cette expertise, son processus ou ses aspects sont peu traités par la sphère institutionnelle. Quelles en seraient les raisons ? Si la légitimation des productions amatrices demeure incomplète, nous pourrions l’expliquer par une réticence à envisager que s’élargisse le fait d’expertise, ce privilège des institutions savantes. Mais nous supposons surtout que le principal obstacle est plutôt de savoir appréhender au plus juste ce type de productions, y compris dans le processus de leur légitimation, sans chercher à reproduire le savoir et ses productions tels qu’ils s’élaborent dans le champ institutionnel. Ainsi, à envisager l’expertise comme ce savoir que les institutions valident ou finalisent, nous nous privons de le penser comme cet autre savoir tel qu’il se conçoit ou se labellise dans les cercles d’amateurs. En outre, c’est souvent moins l’expertise elle-même qui est traitée que ses incarnations, déclinées du savant au profane en passant par les catégories métissées du « pro-am »6 ( l’amateur expert) ou de l’« academic-fan »7.

  • 8 Serge Proulx, « Les communautés virtuelles construisent-elles du lien social ? », Université Jean-M (...)
  • 9 Le mode de validation est d’ordre quantitatif. Citons à titre d’exemple la vidéo de TheGaroStudios  (...)

3Notre propos décale donc la perspective en s’attachant au processus d’expertise, à ses objets de savoir, à leurs modalités et aux spécificités apportées par le contexte des loisirs amateurs dans la mesure où nous devons tenir compte des « règles, normes, codes de conduite implicites et explicites, sanctions, etc. »8 que se donnent les usagers entre eux, en plus des modes de validation liés au contexte de publication9.

  • 10 David Benioff et Daniel Brett Weiss, Game of Thrones, 2011- en cours, HBO, diffusion sur la chaîne (...)
  • 11 Nous renvoyons ici à l’une de ces traductions : Le Trône de fer, J’ai lu, 2013-2016.

4Pour commencer notre démonstration, nous avons besoin de définir ce qu’est cette expertise amatrice en précisant d’emblée que nous nous intéressons à la dimension critique et interprétative qu’elle revêt. Pour ancrer nos propositions de définitions, nous prendrons appui sur des fanvidéos postées sur YouTube à propos de la série d’HBO Game of Thrones10, à propos de l’opus de George R.R. Martin (A Song of Ice and Fire ou Le Trône de fer, en traduction française11) ou plus largement à partir de l’univers fandomistique déployé.

1. Production par des fans d’une expertise critique amatrice

  • 12 Sébastien Dubois, Najoua Mohib, David Oget, Eric Schenk, Michel Sonntag, « Connaissances et reconna (...)

5L’expertise critique amatrice est de notre point de vue une capacité intellectuelle et un savoir-faire tous deux démontrés par la pratique. En cela, elle se distingue de l’érudition pure, qui n’a pas vocation à accomplir des gestes créatifs, qu’ils témoignent d’une activité de production de connaissances ou de production interprétative. En nous appuyant sur le travail de Dubois et alii12, nous opposons le spécialiste ou le savant à l’expert : « Tandis que le savant maîtrise des savoirs formalisés, car son objectif est la connaissance du monde conformément aux savoirs reconnus par la communauté scientifique, l’expert se situe dans la décision et l’action, toujours singulière et contextualisée où les savoirs empiriques peuvent servir de repères pertinents pour agir ou proposer des actions adaptées ».

  • 13 « Guide de Westeros Episode 0 : De l’Aube aux Andals », Ludwig LoreKhan, (passage : 6:07 - 6:40), <(...)
  • 14 « Game of Thrones saison 7 : où en sont les principaux personnages avant l'épisode 1 », Huffington (...)

6Opérer cette séparation ne suffit pas pour autant à penser efficacement l’expertise amatrice et ne permet en tous cas pas de discriminer une expertise amatrice et une expertise de spécialiste à partir de leurs seules productions. Chacun peut l’expérimenter lui-même en visionnant d’un côté le « Guide de Westeros Episode 0 : De l’Aube aux Andals »13 qui fait office d’éclairage exégétique et de l’autre, « Game of Thrones saison 7 : où en sont les principaux personnages avant l’épisode 1 »14, qui dresse un bilan des avancées narratives. En effet, si nous regardons ces deux vidéos sans leur contexte, leur étiquetage devient un défi : nous plongeons directement dans la difficulté de départager formellement ce qui est amateur, professionnel ou expert. Aucun des deux propos ne l'emporte en précision, les arbitrages sont d'égale pertinence et les internautes peuvent avec profit s'en remettre à chacun d'eux comme guide pour Game of Thrones. Leur commensurabilité s'impose donc en substance comme dans l'exécution formelle. Pour discriminer malgré tout ces deux vidéos, il faudrait faire dépendre indûment la validité de l'expertise d'un critère d'incarnation. Or, de manière patente, le grain de voix de la première vidéo en trahit la jeunesse tandis que le phrasé laisse déduire une moindre habitude oratoire. Autant dire qu'aucune de ces caractéristiques d'incarnation n'entame le propre de l'expertise, à moins de vouloir céder à un gauchissement de la notion.

1.1. L’exercice de l’expertise à travers le savoir computationnel

7Notre expert amateur n’est donc pas nécessairement un savant ou un érudit même si, comme nous allons le voir, il met en œuvre un certain savoir15. Il exerce plus précisément son expertise en contexte d’interaction située16, celle de la participation à YouTube, plate-forme numérique de partage de vidéos.

8Nous observons tout d’abord comment l’expertise se traduit par un savoir computationnel. Ainsi, le « Game of Thrones “Jon Snow“ Killcount (Season 1-7) »17 livre le calcul minutieux et factuel des 106 personnages tués par Jon Snow. L’internaute se définit comme spécialisé18 dans les « Killcounts and stuff... » et actualise son décompte macabre au fur et à mesure de la série. Cette vidéo donne lieu à des discussions sur la validité ou l’inanité de compter comme de vrais « tués » ceux qui sont déjà morts (les « marcheurs blancs », qui sont des morts-vivants dans la série). D’autres internautes se perdent en conjectures sur les personnages que Jon Snow aurait pu tuer en fonction de versions narratives alternatives. Quoiqu’il en soit, cette exploration quantitative pourrait être comparée à certaines pratiques universitaires consistant à faire du recensement pour ensuite l’interpréter. Le savoir computationnel est bien une forme d’expertise puisqu’il construit une accumulation de données spécialisées. Cette pratique du kill count témoigne en outre de ce que nous établissons comme un premier stade de la réception critique : une distanciation par rapport à l’adhésion diégétique.

1.2. Déploiement d’expertise à travers le savoir interprétatif

  • 19 Précisons également qu’une interprétation peut être erronée, sans que cela n’invalide sa dimension (...)

9Cet autre savoir critique, le savoir interprétatif, est particulièrement présent et nous intéresse parce qu’il manifeste, dans le faire interprétatif même, un engagement variable du sujet qui interprète son objet. Il est soumis à deux critères de recevabilité : la lecture proposée de l’œuvre est-elle pertinente ou non? Le parcours interprétatif est-il possible vs impossible ?19

  • 20 Sylvie Périneau-Lorenzo et Bertrand De Possel-Deydier, « Autour de Game Of Thrones sur YouTube : de (...)
  • 21 AerisVideos. <https://www.youtube.com/watch?v=RAP1yC6LYh8>. Consulté le 10.11.2017.
  • 22 Dans l’ensemble de l’article, les citations respectent l’orthographe employée par les internautes, (...)
  • 23 Pour s’identifier comme fan, AerisVideos clôt sa longue présentation de la vidéo par cette déclarat (...)

10Parmi les cas fréquents d’interprétation critique, les vidéos de format résumé20 proposent, sur un mode thématique ou narratif, de faire un état des lieux des actions passées dans la diégèse ou, plus fréquemment encore, de se concentrer sur un personnage. Le résumé participe d’une demande – explicite ou non – de la communauté qui consiste à accumuler les types de contenus (d’où les similarités fréquentes de titres) mais aussi à y introduire une plus-value. Ainsi, « Jon Snow & Daenerys Targaryen Kings and Queens of Promise »21 fait la comparaison précise et continue (et pas simplement une analogie) entre les parcours et les profils de Jon Snow et de Daenerys Targaryen. L’internaute exprime dans le péritexte immédiat la certitude de se trouver face à un point de singularité quant à la convergence des deux personnages (« you can tell that there is a connection between them like between no other characters in the show »), énumère les preuves dont elle s’est servie (« many times it’s only the camera angle, or a word, or just a similar theme ») et indique à quel point la production a été menée comme une démonstration intentionnelle (« it was a real challenge to bring them all together »)22. Le parallèle entre ces personnages est donc rendu évident par la sélection récurrente d’actions, de situations ou de propos congruents et la cohérence globale est assurée par la figure de construction du montage parallèle. L’expertise de cette fan23 prend donc la forme d’une démonstration interprétative et elle est rendue probante par un savoir-faire, par un geste qui soude dans un même mouvement critique réception, interprétation et production.

  • 24 EJ160E. <https://www.youtube.com/watch?v=z-K7LfV29ts>. Consulté le 10.11.2017.
  • 25 Vérification faite, le sous-titrage officiel de cet épisode ne mentionne pas ce bruit-là. Mais l’as (...)
  • 26 « Hint » signifie « indice » dans ce contexte.
  • 27 Selon Dziga Vertov (1919), « Les intervalles (passages d’un mouvement à un autre), et nullement les (...)

11Dans les cas précédents, l’expertise s’applique à la production complète d’une vidéo d’un format spécifique. Mais elle peut également s’exercer dans la manipulation d’un extrait, à l’instar d’un exercice de décryptage académique. La particularité de nos expertises critiques est cependant qu’elles ne se contentent pas d’une action critique qui consisterait à projeter la séquence puis à la commenter : elles mettent directement en œuvre l’exercice critique en énonçant les transformations interprétatives à même l’extrait. Et toutes ces opérations d’analyse sont un faire critique. Ainsi, pour « LOST JON SNOW HINT - Season 1, Episode 2 »24, l’internaute matérialise son interprétation en ajoutant un sous-titre, « wind whispering »25. En vis-à-vis de l’extrait modifié, une simple phrase, « Dragon eggs, Fire, and an INTERESTING segue.... », sert de péritexte complétant le titre26. Dans cet extrait l’image de Jon Snow assis devant un feu succède à une séquence montrant Daenerys Targaryen qui subit les assauts sexuels de son nouveau mari et qui tourne son attention vers trois œufs de dragon, installés à proximité de bougies allumées. Les alternances narratives (changement de lieu, de personnage et même d’unité d’action), récurrentes dans la série comme d’ailleurs dans les romans, contraignent d’ordinaire à ne pas considérer automatiquement que les plans qui se suivent sont sémantiquement liés. Mais en pointant un son, ce chuchotement du vent, l’internaute permet de livrer une toute autre interprétation. D’abord, l’alternance des plans redevient une succession pertinente et crée des significations afférentes, telles que le lien intime entre Daenerys, Jon Snow et les dragons. De surcroît, l’inscription linguistique indexe ce que nous entendons et, tout en nommant ce son « wind whispering », lui attribue non pas un statut iconique (la forme du son ressemble à un son dont la signification dénotée serait …) mais un statut symbolique (ce son est le signe mis pour…). Par ce métadiscours, preuve est faite que nous devons bien interpréter a minima le lien entre ces trois éléments actanciels. Bien plus, il nous est signifié que nous devons nous attendre à une convergence des trajectoires narratives. L’attention extrême du commentateur mérite d’être soulignée et il n’est pas sûr que tout autre qu’un fan ait une telle qualité d’attention – plus encore pour un bruit –, hormis dans un contexte de recherche savante. En outre, cette lecture témoigne d’une connaissance – sinon d’une intuition particulièrement aiguë – des potentialités expressives du montage. En effet, parmi les théoriciens et praticiens qui se sont intéressés au montage, que ce soit Vertov27 ou Eisenstein, s’impose le constat selon lequel l’intervalle est tout aussi important que le plan.

  • 28 Christian Metz, L’Énonciation impersonnelle ou le site du film, Paris, Méridiens Klincksieck, 1991, (...)

12Les exemples analysés ont comme point commun de proposer ce que nous nommerons une interprétation instanciée par opposition avec une interprétation distanciée. L’interprétation instanciée s’incarne dans la matière textuelle même : elle est une praxis énonciative qui participe du texte, qui le co-énonce, dans un mouvement d’adhésion ou d’opposition par rapport au contenu critiqué. Ici, l’interprétation est donc non seulement produite en vidéo mais elle se réalise véritablement à travers les opérations audiovisuelles qu’elle conduit sur les matériaux originels de la série (sélection, assemblage, transformations, etc.). Ces opérations laissent des traces, dont le sens est plus ou moins explicite, mais qui manifestent en retour l’existence d’une interprétation instanciée. Ainsi pratiquée, l’expertise critique partage avec l’énonciation audiovisuelle une particularité : elle est « coextensive à […] l’énoncé »28.

13À présent, nous nous intéressons à un autre métalangage critique : celui qui, toujours sous une forme vidéo, fait primer comme dispositif d’énonciation un métadiscours linguistique. D’autres vidéos proposent une interprétation prospective de la série en cours de développement. Bien souvent, ces vidéos s’intitulent « prédiction », « théorie » mais toutes ne se valent pas, que ce soit dans les résultats ou dans leurs méthodes. Ainsi, la vidéo intitulée « R+L=J: who are Jon Snow’s parents? »29 révèle une expertise à bien des égards. Même si l’auteur ne se désigne pas comme un fan académique, la précision du paratexte qui décrit la vidéo et son processus créatif ainsi que la manipulation des normes rédactionnelles se rapprochent du canon des exercices universitaires par l’exhaustivité et par les méthodes. Ainsi, nous avons ici l’évocation des outils de production, la mention du droit d’auteur, la liste des sources utilisées et des contributeurs⁠30, etc. En outre, ce qui est mobilisé pour mener à bien l’exercice critique témoigne également d’un faire d’expert : la capacité de l’internaute à recouper les divers textes médiatiques, à se servir de citations et à placer son travail d’analyse dans une perspective de révision permanente avec la mention des « errata ». Se conjuguent donc ici un savoir spécialisé, une maîtrise des normes rédactionnelles ou même une conformité à l’éthique de la pratique collaborative qui intègre la contrainte des sources (d’où la longue liste des collaborateurs pour les sous-titres). Mais au-delà de ces aspects qui pourraient très bien correspondre à des compétences académiques classiques, nous soutenons que cet internaute présente les caractéristiques d’un expert dans la mesure où il est capable de mobiliser un savoir pour l’action. Son action est celle d’une interprétation prédictive et elle passe par une capacité à mettre en perspective un faisceau de faits au service d’un processus interprétatif. La stature d’expert critique est dès lors déterminée par la qualité et la pertinence de l’interprétation que cet expert est capable de proposer, en accord avec la théorie herméneutique de Michael Riffaterre selon lequel le texte est un « code prescriptif et limitatif »31. Pour parachever la distinction de cette vidéo, il se trouve en outre que la prédiction émise est vérifiée par la suite de la fiction et qu’elle s’avère donc éclairante pour la communauté interprétative.

14Ces parcours d’expertise critique, qu’ils soient traduits par des formats ou par des extraits, qu’ils soient visibles à même la vidéo – laissant encore reconnaître le récit sériel –, ou qu’ils s’en détachent, manifestent tous une expertise composite, donc particulière. Dans le contexte de notre corpus, il faut prendre en compte que notre expertise amatrice face à l’exercice critique, parce qu’elle se réalise en contexte numérique, combine trois compétences énonciatives, liées à trois strates différentes : (i) l’énonciation machinique, liée à la production vidéo ; (ii) l’énonciation critique proprement dite et (iii) l’énonciation numérique, qui implique notamment YouTube et ses contraintes éditoriales.

15Même si ces pratiques témoignent d’un faire critique (computationnel, interprétatif) dont l’expertise nous semble largement établie au travers de ces productions, il n’en demeure pas moins que leur légitimation ne saurait se limiter au nombre de vues et surtout, que le processus même de légitimation nous en apprend beaucoup sur les arbitrages qui pèsent sur le savoir culturel, et notamment sur le savoir critique.

2. Processus de légitimation de l’expertise amatrice

  • 32 Sébastien Dubois et alii, op. cit., p. 10.

16Si nous prenons appui sur Dubois et alii, « la légitimité peut être considérée comme la caractéristique d’un savoir, d’un jugement, d’une action ou d’un usage reconnu et admiré par un groupe, c’est-à-dire une valeur qui répond à un certain nombre de règles établies (formelles ou tacites) et qui obtient de ce fait la reconnaissance du groupe »32. Pour être recevable, cette définition suppose que nous ayons constaté, grâce à ces auteurs, qu’il existe dans le champ de l’expertise deux catégories, l’« expert institutionnel », désigné, qui tire justement sa légitimité sociétale de sa désignation par l’institution et l’« expert émergent », qui tire lui sa légitimité de la reconnaissance d’un groupe social (en général, une communauté de pratiques). Il est bien évident que l’expertise amatrice que nous cherchons à mettre en valeur possède les caractéristiques définitoires de l’expert émergent.

2.1. Délégitimations et légitimations dans la communauté de pratiques

17De même que les internautes s’essaient aux contenus critiques les plus divers, certains médias (Le Monde, le Huffington Post, L’Obs) s’y sont mis à leur tour et ont à cette occasion rencontré une réception parfois inattendue. Ainsi, la vidéo du Monde qui consiste, comme l’indique le titre (« Game of Thrones : les six premières saisons résumées en 7 minutes ») à faire un résumé express, a essuyé le feu des critiques du point de vue de la précision de l’exégèse ou de l’exhaustivité. En voici quelques exemples significatifs : « Non le mur a 7300 ans et quelques pas 1000 ans » (Vicomte du Vivarais) ; « Je sais que c'est dur en 7 minutes mais vous avez oubliez des éléments essentiels à l’intrigue ; Vaaris, Bran et les sans banière » (Romain GRASSER) ; « résumé ultra bâclé. Il manque: - Arya qui est parti pour Braavos et est devenu une sans visage, puis a tué walder frey. - Daenerys qui a rassemblé les Dothrakis - l'Alliance des Tyrell et des Martell avec Daenerys - la prise de pouvoir des aspics des sables - Euron qui est devenu le nouveau roi des îles de fer Et j'en passe... » (Lord Stark).

  • 33 <https://www.youtube.com/watch?v=ODTc3W197pg>. Consulté le 10.11.2017.
  • 34 Tel est le propos de La Géopolitique des séries, ou le triomphe de la peur de Dominique Moïsi (Stoc (...)

18Ainsi, de cette rencontre entre sphère amatrice et sphère professionnelle, Le Monde ressort délégitimé par la communauté des fans. En effet, sa légitimité initiale, quoique s’appuyant sur le capital symbolique lié à son statut de journal de référence, ne lui permet pas pour autant faire l’économie d’une démonstration. Et dans le contexte de YouTube, les fans veillent… Mais les critiques ont été d’une virulence plus forte encore à propos de « Game of Thrones saison 7 : où en sont les principaux personnages avant l’épisode 1? », produit par le Huffington Post33. Sont notamment signalées des erreurs de géographie (« Brann est au nord du mur et pas au sud » Mat Gil) » ; ou « vraiment dommage que les personnages ne soient pas correctement placés sur la carte » Younes Fouchane), ce qui est très gênant si l’on a une lecture de GoT comme une série à enjeux géo-stratégiques34. En définitive, la délégitimation culmine dans cette dénégation sans appel : « faut laisser les vrais fans qui s'y connaissent vraiment faire des vidéos parce que là franchement... Ça frôle le ridicule » (Bast Maug). L’enthymène est simple à reconstituer : Les vrais fans font de bonnes vidéos. Or le Huffington Post n’a pas fait une bonne vidéo. Donc le Huffington Post

19Même si l’expertise critique amatrice peut apparaître comme une catégorie aux contours flous, elle ne nous semble pas nécessairement différer de ce que nous pourrions observer dans une sphère d’expertise professionnelle, tout autant capable de surinterprétations et d’erreurs.

20Un fan peut vouloir s’auto-légitimer35 comme expert critique. Mais la légitimité des productions critiques amatrices a ceci de nécessaire qu’elle est établie par les jugements de la communauté de pratiques, c’est-à-dire par les commentaires et les like. Par exemple, la vidéo « (GoT) Jon Snow - Tribute - From the Boy to the Man »36 s’est vue reprendre par un commentateur qui en souligne les manques : « Nice video. Missed some key scenes: Jon and Ygritte, the Wall climb, Ygritte dying and of course... the King in the North! » (Tom). Tel autre internaute qui commente « R+L=J: who are Jon Snow’s parents? » en s’appropriant la théorie de la naissance de Jon Snow comme la sienne se voit immédiatement reprendre par les fans et rappeler l’ancienneté de la théorie dans les discussions forumistiques.

21De son côté, « Game of Thrones saison 7 épisode 7 : analyse et avis »37 se présente comme un décryptage classique. La densité du propos, la scénographie qui entoure le discours, le ton sérieux, le débit, la sérialité des émissions (très vite mises en ligne après la diffusion de la série) installent potentiellement TheGrandTest en la personne de Sylvain Moriame, comme un analyste expert incontournable. Le format du décryptage ainsi que la FAQ proposée vont dans le sens de l’expertise. Et c’est bien ce que valident les fans :

« C'est marrant comment c'est devenu limite nécessaire de regarder l’avis de TheGrandTest après chaque épisode XD » (Mirmidion). À quoi répondent : « Carrement, on attend l’avis de TheGrandTest avec impatience après chaque episode, histoire de le faire durer un peu plus longtemps » (lamb pasca) et « Perso j’ai toujours le même rituel après un épisode je vais voir the grandtest puis tontonbenz pour un avis plus humoristique...et bien-sûr après une bande annonce je retourne voir thegrandtest » (Pauline GAUTHIER).

22Nous touchons ici à une particularité sérielle du mécanisme d’attentes. Mais c’est encore plus spécifique pour GoT : l’inachèvement de l’œuvre de référence installe un manque et crée les conditions pour que cette expertise essaime au sein des fans.

  • 38 Cf. analyse supra.
  • 39 Ces différences de statut entre les fans sont déjà relevées par Mélanie Bourdaa puisque les fans pe (...)

23Nous terminons ce tour de la légitimation des critiques amateurs en revenant sur « LOST JON SNOW HINT »38. Un véritable calcul interprétatif est requis par la mise en œuvre du sous-titrage et pour la réception de cette vidéo. L’implicite demeure et nous y voyons la manifestation d’une gradualité de l’expertise à la mesure de la finesse de l’écoute. Cette vidéo réintroduit de la distinction entre fans ordinaires et fans plus subtils, les happy few du cercle39.

2.2. De la légitimité de l’expert à la légitimité de la pratique

24C’est bien le glissement de la légitimité de l’expert à celle de la pratique amatrice qu’il nous semble intéressant de mettre en évidence.

  • 40 Nous renvoyons ici à l’édition numérique réservée aux abonnés, <https://www.lemonde.fr/culture/article/2014/04/03/anne-besson-game-of-thrones-un-besoin-de-fuir-le-malaise-contemporain_4395539_3246.html>. Consulté le 10.11.2017. Ces vidéos</https> (...)

25En effet, un pas est franchi dès lors que la légitimation ne touche plus quelques fans élus par leurs pairs. C’est ici que s’invite l’interview qu’Anne Besson a opportunément donnée au Monde le 3 avril 2014 sous le titre « Game of Thrones, un “besoin de fuir le malaise contemporain” »40. Y apparaît une bande annonce HBO. Jusque-là, rien d’étonnant : c’est l’occasion pour le discours promotionnel de se contextualiser naturellement. Mais un peu plus loin (et seulement dans la version abonnés), est reproduit un bloc de vidéos enchaînées et en tout premier un décryptage de bande annonce, marqué désormais du sceau typique de l’exercice amateur. Or, il est signé par le Huffington Post. La boucle est donc bouclée… Les pratiques prototypiques des amateurs envahissent les médias légitimes. Qui plus est, les mécanismes de légitimation réciproque sont ici engendrés par le phénomène de co-présence, entre l’interview d’Anne Besson d’un côté et la vidéo « typée » amatrice.

26Mais ces pratiques néo-expertes, légitimées médiatiquement comme nous venons de le voir, doivent-elles faire pour autant l’objet d’apprentissages institutionnels ? Tout d’abord, s’intéresser à la place de l’école dans le processus de légitimation des pratiques susceptibles d’aboutir à une expertise socialement validée, nous paraît essentiel dans la mesure où la question des rapports entre les pratiques scolaires et la légitimité se pose à trois niveaux différents :

27(i) La pratique scolaire peut être considérée comme un indice de légitimité. En effet, telle pratique extrascolaire possède une légitimité sociale puisqu’elle a été scolarisée. L’apparition explicite de la littérature de jeunesse dans les programmes officiels est à cet égard particulièrement révélatrice.

28(ii) L’école s’intéresse par ailleurs aux valeurs à deux titres. Le premier est celui des valeurs reconnues socialement pour telle pratique et le second est celui des valeurs éventuelles de l’apprentissage de cette même pratique. En d’autres termes, même si la légitimité sociale est acquise, est-elle pertinente dans le cadre d’une transmission, d’un apprentissage scolaire au sens large ?

29(iii) Enfin, l’institution scolaire est partie prenante du processus de légitimation. Cette pratique extrascolaire, maintenant scolarisée, en acquiert de ce fait une forme de légitimité : la scolarisation est une légitimation.

  • 41 Il ne s’agit pas ici de situer ces pratiques sur un plan historique mais bien dans le processus de (...)

30Force est de constater que la reconnaissance scolaire des pratiques instanciées existe déjà de fait. Elles font partie des pratiques scolaires les plus courantes qui soient. Il est d’ailleurs étonnant qu’alors même que l’on identifie assez facilement, dans les fanfictions, la prégnance de l’univers enfantin (l’exemple d’Harry Potter est à ce sujet particulièrement édifiant), on en oublie que ces pratiques d’écriture ont été scolaires avant d’être privées, qu’elles sont pratiquées à l’école à des fins d’amélioration non seulement des compétences d’écriture mais aussi des compétences de lecture. Il y a ainsi de fortes chances que pour la majorité des rédacteurs de fanfictions, écrire dans les blancs du texte, transformer, prolonger etc. ait été une pratique scolaire, de niveau primaire en France, avant d’être une pratique privée extrascolaire41. Pour mémoire, c’est l’affirmation de ce lien entre compétences des pratiques instanciées (participatives) et pratiques distanciées (analytiques) qui a amené le législateur à intégrer l’écriture d’invention au programme de Lycée dans les années 2000 et à en faire un exercice du baccalauréat.

31La légitimité institutionnelle de ces pratiques instanciées ne fait donc aucun doute dès lors qu’elles concernent le texte écrit.

32Pour autant, pouvons-nous envisager une scolarisation des compétences expertes acquises dans le cadre privé de la praxis numérique amatrice ?

33Si l’on pense que la réception des fictions littéraires ou audiovisuelles s’insère aujourd’hui dans un espace profondément modifié et qu’elle mobilise de ce fait des compétences générales relevant de la littératie médiatique multimodale, nous pouvons considérer que l’apprentissage scolaire doit tenir compte de ces nouvelles pratiques et des reconfigurations qu’elles imposent.

  • 42 Nathalie Lacelle, Monique Lebrun et Jean-François Boutin, « Présentation du Groupe de recherche en (...)
  • 43 Nathalie Lacelle, Monique Lebrun, Jean-François Boutin, Moniques Richard et Virginie Martel, « Gril (...)

34En prenant appui sur les travaux du groupe de recherches en littératie médiatique multimodale, nous pouvons définir cette dernière comme suit : « La littératie est la capacité d'une personne à mobiliser adéquatement, en contexte communicationnel synchrone ou asynchrone, les ressources et les compétences sémiotiques modales (ex : mode linguistique seul) et multimodales (ex : combinaison des modes linguistique, visuel et sonore) les plus appropriées à la situation et au support de communication (traditionnel et/ou numérique), à l’occasion de la réception (décryptage, compréhension, interprétation et évaluation) et/ou de la production (élaboration, création, diffusion) de tout type de message »42. Ainsi, nous pouvons examiner ces compétences expertes amatrices que nous espérons avoir mises en évidence à l’aune des grilles de compétences élaborées par ce même groupe de recherche43. Il est donc particulièrement intéressant de constater que non seulement ces compétences mises en évidence par ces chercheurs correspondent à celles dont font preuve, parfois de façon experte, nos amateurs dans leurs productions mais que ces mêmes compétences correspondent à des degrés divers à des éléments identifiables dans les programmes d’enseignement.

35Il n’y a donc sur ce plan-là aucun obstacle réel à la scolarisation de ces pratiques si elles sont identifiées comme pratiques sociales de référence. Il est d’ailleurs significatif qu’un numéro récent de la revue Le Français aujourd’hui soit justement consacré à « L’Ecriture numérique : des usages sociaux aux formations » (2017).

  • 44 Anne-Marie Petitjean, La littérature sur le métier : Etude comparée des pratiques créatives d’écrit (...)

36Pour aller plus loin, nous devons nous demander si cette scolarisation devrait être réservée au second degré ou si elle pourrait être envisagée à l’université. Même si les pratiques instanciées sont moins fréquentes dans l’enseignement supérieur, nous constatons qu’elles ne sont pas absentes comme le révèle, en France, l’existence d’ateliers d’écriture ou les travaux de didacticiennes, comme par exemple Anne-Marie Petitjean44. Ces pratiques sont par contre parfaitement légitimes dans les universités américaines et ce, jusqu’au niveau doctoral.

  • 45 Vivien Bessières, « Pour une stylistique participative », Université Aix-Marseille, Aix-en-Provence (...)

37Par ailleurs, les limites de la seule pratique analytique, strictement distanciée, sont évoquées au sein même de disciplines pourtant qualifiées de techniques comme la stylistique. En effet, Vivien Bessières dans « Pour une stylistique participative » déclare : « Par l’expression « stylistique participative », j’aimerais désigner une des stratégies possibles de sortie de crise, qui consisteraient à faire de la stylistique, comprendre, manier des styles, sans en passer par l’interprétation. Voici quelques idées de pratiques participatives liées à la stylistique du récit, qui sont autant de pas de côtés par rapport à la stylistique traditionnelle »45. Parmi les propositions, nous trouvons par exemple l’idée de « participation empathique », de pratiques « polémiques » ou – et c’est ce qui nous intéresse particulièrement –, « imitatives » avec un renvoi explicite aux pratiques amatrices fanfictionnelles.

Conclusion

38Nous avons essayé de nous demander quels processus d’expertise et quelles expertises pourraient se reconnaître et, qui sait, pour répondre au vœu de Henry Jenkins, pourraient s’échanger entre le cercle privé et le cercle institutionnel ou académique. Nous pensons avoir démontré que l’expertise amatrice critique en contexte numérique à laquelle nous nous sommes intéressés repose, en tant que pratique située, sur la tension entre pratique instanciée et pratique distanciée et que les compétences mobilisées sont non seulement compatibles avec une scolarisation mais souhaitables. Cela est d’autant plus vrai que les discours institutionnels valorisent fortement la prise en compte du numérique et que la dimension participative, collaborative, voire coopérative, correspond à certaines valeurs revendiquées pour l’école.

39Pourquoi alors voir si peu ces activités de fans instituées en pratiques sociales de référence par les enseignants ? Ne serait-ce pas justement à cause de leur caractère amateur et paradoxalement de leur dimension numérique ? D’un autre côté, sur le versant universitaire, peut-être pourrions-nous avancer en montrant qu’il existe un véritable métalangage amateur, gage d’un savoir qui s’élabore et qui crée les normes de sa propre expertise, en parallèle de l’expertise institutionnelle.

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Notes

1 Ce terme renvoie à la « culture de la chambre », titre d’un travail d’enquête d’Hervé Glevarec en 2009 sur les pratiques culturelles adolescentes : La culture de la chambre. Préadolescence et culture contemporaine dans l'espace familial, Paris, La Documentation Française, « Questions de culture », 2009.

2 Patrice Flichy, op. cit., p. 11.

3 Ibid., p.7.

4 Dans Fans, Bloggers and Gamers, Henry Jenkins ne parle pas d’expertise en un sens général et absolu mais évoque, sans les spécifier, « some degree of expertise over popular culture », (op. cit., p.9). De même, lorsque Mélanie Bourdaa (op. cit., p.101) qualifie les fans de « public expert et actif », c’est en général en rapport avec une forme de réception spécialisée et une logique participative.

5 Nous entendons par « sphère privée » le fait que les publications sur YouTube s’élaborent dans un cadre non institutionnel, même si leur diffusion est bien évidemment publique.

6 Charles Leadbeater et Paul Miller, op. cit. ; Patrice Flichy, op. cit.

7 Henry Jenkins, op. cit., p. 20.

8 Serge Proulx, « Les communautés virtuelles construisent-elles du lien social ? », Université Jean-Moulin, Lyon, communication au Colloque international « L’organisation média. Dispositifs médiatiques, sémiotiques et de médiations de l’organisation », 19-20 novembre, document pdf <http://www.lcp.cnrs.fr/IMG/pdf/pro-04a.pdf>, 2004, p.3. Consulté le 15.03.2018.

9 Le mode de validation est d’ordre quantitatif. Citons à titre d’exemple la vidéo de TheGaroStudios : postée le 29 juin 2016, soit trois jours après la fin de la saison 6, elle totalise à ce jour 2 971 001 vues, ce qui la place à un excellent niveau de visibilité. <https://www.youtube.com/watch?v=11TZzy-T_GY>. Consulté le 19.03.2017.

10 David Benioff et Daniel Brett Weiss, Game of Thrones, 2011- en cours, HBO, diffusion sur la chaîne OCS. Nous abrègerons le titre de la série en GoT.

11 Nous renvoyons ici à l’une de ces traductions : Le Trône de fer, J’ai lu, 2013-2016.

12 Sébastien Dubois, Najoua Mohib, David Oget, Eric Schenk, Michel Sonntag, « Connaissances et reconnaissance de l’expert », archive HAL, <https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00439662/document>, 2006, p. 7. Consulté le 15.03.2018.

13 « Guide de Westeros Episode 0 : De l’Aube aux Andals », Ludwig LoreKhan, (passage : 6:07 - 6:40), <https://www.youtube.com/watch?v=v5PHvu-2bAQ>. Consulté le 15.03.2018.

14 « Game of Thrones saison 7 : où en sont les principaux personnages avant l'épisode 1 », Huffington Post, (passage : 2:28-2:40), <https://www.youtube.com/watch?v=ODTc3W197pg>. Consulté le 15.03.2018.

15 Par exemple, <https://www.youtube.com/watch?v=8srKINjDATM. Consulté le 10.11.2017. Inversement, un érudit rompu à l’œuvre de George R.R. Martin ou un fin connaisseur de la série n’en devient pas non plus pour autant expert.

16 Cette situation est notamment travaillée par Lucy Suchman que cite Marc Relieu et selon laquelle l’interaction vaut comme « nom donné à la coproduction continue et contingente d’un monde socio-matériel partagé » (Marc Relieu, « Action et interaction située. L’ethnométhodologie et l’analyse conversationnelle à la française », Réseaux, 2, 184-185, 2014, p.107). L’ajout du terme « situé » implique selon Marc Relieu que le « lien entre l’action et ses circonstances est essentiellement dynamique et basée sur une relation de codétermination », ibid.

17 Jawsunleashed 974. <https://www.youtube.com/watch?v=MTm4fV1ji3U>. Consulté le 10.11.2017.

18 De fait, un autre youtubeur pratique le kill count mais sans que, dans son cas, cela soit une production exclusive.

19 Précisons également qu’une interprétation peut être erronée, sans que cela n’invalide sa dimension experte. Par contre, une grande habileté dans le maniement des propositions interprétatives comme dans l’investissement créatif et dans la manipulation numérique ne suffisent pas à faire office d’expertise critique.

20 Sylvie Périneau-Lorenzo et Bertrand De Possel-Deydier, « Autour de Game Of Thrones sur YouTube : des médiations amatrices aux éditorialisations de contenus », dans Sémir Badir & François Provenzano (dir.) Pratiques émergentes et pensée du médium, Louvain, Academia, collection « Extensions sémiotiques », 2017.

21 AerisVideos. <https://www.youtube.com/watch?v=RAP1yC6LYh8>. Consulté le 10.11.2017.

22 Dans l’ensemble de l’article, les citations respectent l’orthographe employée par les internautes, y compris fautive.

23 Pour s’identifier comme fan, AerisVideos clôt sa longue présentation de la vidéo par cette déclaration explicite : « Fandom : Game of Thrones, A Song of Ice and Fire / Characters : Jon Snow, Daenerys Targaryen Song ». Op. cit. De même, dans sa rubrique « A propos », cet internaute cite GoT parmi ses séries favorites.

24 EJ160E. <https://www.youtube.com/watch?v=z-K7LfV29ts>. Consulté le 10.11.2017.

25 Vérification faite, le sous-titrage officiel de cet épisode ne mentionne pas ce bruit-là. Mais l’assimilation est parfaite dans la mesure où le sous-titrage ajouté est rédigé sous la forme même employée pour indiquer les bruits : entre majuscules, en italiques et avec un verbe en -ing.

26 « Hint » signifie « indice » dans ce contexte.

27 Selon Dziga Vertov (1919), « Les intervalles (passages d’un mouvement à un autre), et nullement les mouvements eux‐mêmes, constituent le matériau (éléments de l’art du mouvement). Ce sont eux (les intervalles) qui entraînent l’action vers le dénouement cinétique ». Dziga Vertov, « Nous. Variante du Manifeste », Kino-Fot, n°1, [1919] 25-31 août 1922, Articles, Journaux, Projets, Paris, UGE, 10/17, 1972.

28 Christian Metz, L’Énonciation impersonnelle ou le site du film, Paris, Méridiens Klincksieck, 1991, p. 210.

29 Alt Shift X. <https://www.youtube.com/watch?v=kHqzFwodZqQ>. Consulté le 10.11.2017.

30 « Created with Toon Boom Studio 8.1 and a Wacom Intuos Pen Tablet. Images and video from Game of Thrones are the property of their creators, used here under fair use. Westeros map based on "Westeros-with borders-30pcnt.png" by Arbor / Happy End http://awoiaf.westeros.org/index.php/.... Essos map based on "Free Cities.png" by Mordin999 http://awoiaf.westeros.org/index.php/.... Thanks to +Maximiliano Blitzkrieg for the Spanish subtitles, and Agnés de Castellane for the French subtitles. Errata: 1:24 It's probably not fair to say King Robert had Rhaenys, Aegon and Elia killed - Tywin gave that order independently. That said, Robert approved of the killings after they occurred ». Op. cit.

31 Michael Riffaterre, La Production du texte, Paris, Seuil, « Poétique », 1979, p. 11.

32 Sébastien Dubois et alii, op. cit., p. 10.

33 <https://www.youtube.com/watch?v=ODTc3W197pg>. Consulté le 10.11.2017.

34 Tel est le propos de La Géopolitique des séries, ou le triomphe de la peur de Dominique Moïsi (Stock 2016) qui convoque notamment GoT aux côtés de séries à l’univers plus contemporain comme House of Cards ou Homeland.

35 C’est le cas d’Altshift qui présente ainsi ses contenus : « Quick, clear explanations and analysis, on Game of Thrones TV show and books – theories, character analyses, episode reviews – and some stuff on other series ». Ce faisant, il accepte le cas échéant de s’exposer à une sanction immédiate des autres fans en position de pairs.

36 Ghost3221. <https://www.youtube.com/watch?v=ybBTjTMpEgg>. Consulté le 10.11.2017.

37 TheGrandTest. <https://www.youtube.com/watch?v=z5qQH8aEaiw>. Consulté le 10.11.2017.

38 Cf. analyse supra.

39 Ces différences de statut entre les fans sont déjà relevées par Mélanie Bourdaa puisque les fans peuvent adopter un « rôle de médiateurs, voire de prescripteurs dans leur propre fandom », op. cit., p. 109.

40 Nous renvoyons ici à l’édition numérique réservée aux abonnés, <https://www.lemonde.fr/culture/article/2014/04/03/anne-besson-game-of-thrones-un-besoin-de-fuir-le-malaise-contemporain_4395539_3246.html>. Consulté le 10.11.2017. Ces vidéos, à la diffusion événementielle, ne sont plus conservées dans la version d’archive de l’article.

41 Il ne s’agit pas ici de situer ces pratiques sur un plan historique mais bien dans le processus de développement du scripteur.

42 Nathalie Lacelle, Monique Lebrun et Jean-François Boutin, « Présentation du Groupe de recherche en Littératie Médiatique Multimodale », <http://www.litmedmod.ca, 2015>. Consulté le 15.03.2018.

43 Nathalie Lacelle, Monique Lebrun, Jean-François Boutin, Moniques Richard et Virginie Martel, « Grille des compétences en Littératie médiatique multimodale », document pdf <http://www.litmedmod.ca/sites/default/files/outils/Grille_competences_LMM.pdf>, [2010, 2011, 2012, 2013, 2014], 2015. Consulté le 15.03.2018.

44 Anne-Marie Petitjean, La littérature sur le métier : Etude comparée des pratiques créatives d’écriture littéraire dans les universités, en France, aux Etats-Unis et au Québec, Université de Cergy-Pontoise, thèse de doctorat, 2013.

45 Vivien Bessières, « Pour une stylistique participative », Université Aix-Marseille, Aix-en-Provence, communication au Congrès de la Société d’Etude de la Littérature française du XXe et XXIe siècles, 2017, tapuscrit, à paraître.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Xavier Lorenzo et Sylvie Périneau-Lorenzo, « Reconfigurations d’expertises privées autour de Game of Thrones : de la chambre à l’école »Belphégor [En ligne], 17 | 2019, mis en ligne le 29 avril 2019, consulté le 25 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/belphegor/1814 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/belphegor.1814

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Auteurs

Xavier Lorenzo

Xavier Lorenzo est enseignant de Lettres Modernes à l’Université de Limoges (Ecole Supérieure du Professorat et de l’Education) où il forme des enseignants du premier et du second degré depuis près de vingt ans. Sa recherche action et ses centres d’intérêt portent en particulier sur les littératies médiatiques multimodales et sur la construction du sujet scripteur en contexte numérique.

Sylvie Périneau-Lorenzo

Sylvie Périneau-Lorenzo est Maîtresse de Conférences en Sciences de l’Information et de la Communication à l’Université de Limoges (EHIC) et membre du réseau LPCM. Sa recherche porte sur une sémiotique de l’audiovisuel et des médias (stratégies énonciatives, temporalités, médiagénie, etc.). Après des travaux sur les film-annonces de fiction, elle dirige en 2013 Les Formes brèves audiovisuelles. Des interludes aux productions web (CNRS Éditions) et se concentre sur les formats courts (programmes courts ; mini-séries). Dans l’ANR Cemes (2013-2017), sa recherche s’est consacrée à la remédiation médiatique et aux pratiques numériques amateurs (fanfictions ; forums experts).

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