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Mutations des légitimités dans les productions culturelles contemporaines

Construire la légitimité culturelle du Neuvième Art

Le musée de la bande dessinée d’Angoulême
Florian Moine

Résumé

Le festival d’Angoulême joue un rôle déclencheur dans la patrimonialisation de la bande dessinée, puisque c’est dans son sillage que se construit la première collection publique de planches originales. Le succès de la manifestation incite les acteurs locaux et nationaux à construire un Centre national afin d’institutionnaliser la bande dessinée à Angoulême, sans exclure les ambiguïtés sur les missions de cette institution. En dépit d’un rayonnement limité, le musée participe à l’artification de la bande dessinée à travers sa politique de conservation et son discours militant.

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Texte intégral

1 Inauguré en 1990, le musée de la bande dessinée d’Angoulême constitue le principal symbole français de l’institutionnalisation du neuvième art. L’établissement prolonge à Angoulême le festival international de la bande dessinée, dont la première édition s’est tenue seize ans plus tôt. Le musée est la pierre angulaire du Centre national de la bande dessinée et de l’image (CNBDI) devenu en 2008 la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image (la Cité). L’institution organise la mise en patrimoine de la bande dessinée à travers une politique de conservation centrée sur la planche originale.

  • 1 Luc Boltanski, « La constitution du champ de la bande dessinée », Actes de la Recherche en Scienc (...)
  • 2 Pascal Ory, « Neuvième art », dans Laurent Martin, Jean-Pierre Mercier, Pascal Ory et Sylvain Ven (...)
  • 3 Benjamin Caraco, Renouvellement et montée en légitimité de la bande dessinée en France de 1990 à (...)

2 Les chercheurs en bande dessinée se sont arrêtés à plusieurs reprises sur la question problématique de la légitimité depuis l’article fondateur de Luc Boltanski1. Pour Pascal Ory, la naissance parallèle de la maison d’édition l’Association et du CNBDI en 1990 ouvre un nouveau chapitre dans l’histoire de la légitimité culturelle de la bande dessinée2. Benjamin Caraco démontre dans sa thèse que l’Association joue un rôle important dans la montée en légitimité de la bande dessinée en France à travers une production alternative et un discours de rupture sur le medium3. De son côté, le musée constitue à la fois une conséquence et un acteur de la légitimité culturelle de la bande dessinée. La naissance de l’établissement est en effet un résultat de la politique volontariste du « tout culturel » prônée par le ministre Jack Lang. La dynamique locale autour de la bande dessinée générée par le festival permet au ministère de mettre en pratique ses ambitions de décentralisation culturelle. L’institution muséale contribue en retour à l’artification du medium à travers un discours exigeant. La réception de ce discours est toutefois limitée par le rayonnement insuffisant du musée.

1. Du festival au musée. L’institutionnalisation de la bande dessinée à Angoulême

1.1 L’impulsion du Salon de la bande dessinée d’Angoulême

  • 4 L’historique et l’institutionnalisation du festival d’Angoulême ont été retracés par Sylvain Lesa (...)
  • 5 Sur le mouvement bédéphilique, voir la thèse en cours de Julie Demange, Émergence et construction (...)

3 Le processus de légitimation culturelle de la bande dessinée est en France étroitement lié à la ville d’Angoulême4. Pourtant, rien ne prédestine la cité des Valois à accueillir un festival de bande dessinée. Angoulême n’est le siège d’aucun éditeur ou auteur de renom, et ne dispose d’aucune librairie spécialisée en bande dessinée. La genèse du festival est à chercher du côté des réseaux bédéphiliques, actifs depuis le milieu des années 1960 autour d’associations comme le Centre d’études des littératures d’expression graphique (CELEG), tournée vers le patrimoine et « l’âge d’or » américain, ou la Société civile d’études et de recherche de la littérature dessinée (Socerlid), davantage ouverte sur la création contemporaine. Ces associations bédéphiliques éditent les premières revues critiques sur la bande dessinée : Giff-Wiff pour le CELEG, Phénix pour la Socerlid5. Les bédéphiles se rendent également au premier festival européen d’importance dédié à la bande dessinée, établi en Italie, à Bordighera en 1965 puis à Lucca l’année suivante. Ils organisent aussi des manifestations (rencontres, conférences, projections) autour de la bande dessinée. L’événement le plus célèbre est sans conteste l’exposition « Bande dessinée et Figuration narrative » qui se tient à l’initiative de la Socerlid et de son chef de file Claude Moliterni au musée des Arts décoratifs de Paris en 1967.

  • 6 Francis Groux, Au coin de ma mémoire, Paris, PLG, 2011, p. 21-22.
  • 7 Philippe Poirrier (dir.), Les Collectivités locales et la culture : les formes de l’institutionna (...)
  • 8 Seul étranger à la Charente parmi les co-fondateurs, Claude Moliterni souligne le rôle essentiel (...)

4 Dans ce contexte, le bédéphile Francis Groux organise à partir de 1969 une « Semaine de la bande dessinée » dans la Maison de la Jeunesse et de la Culture (MJC) d’Angoulême, avec expositions et débats6, puis une « Quinzaine de la bande dessinée » en 1972 dans laquelle il convie notamment Claude Moliterni ainsi que plusieurs auteurs de renom, parmi lesquels Fred, Gotlib et Franquin. La question de la démocratisation culturelle figure alors à l’agenda du gouvernement et des municipalités, qui se dotent progressivement d’un adjoint à la culture7. À Angoulême, c’est Jean Mardikian qui endosse cette responsabilité sous le mandat du maire centriste Roland Chiron (1971-1977). C’est au conseil municipal qu’il rencontre Francis Groux, lui-même maire-adjoint aux affaires sociales. Le succès de la « Quinzaine de la bande dessinée » engage Francis Groux, Jean Mardikian et Claude Moliterni à lancer fin janvier 1974 la première édition du salon international de la bande dessinée d’Angoulême, sur le modèle du festival de Lucca. L’impulsion locale à l’origine du festival8 explique sa pérennité : menacée par l’élection à la mairie du socialiste Jean-Michel Boucheron (1977-1989), la manifestation est soutenue par les deux anciens adjoints passés dans l’opposition au conseil municipal. Après en avoir réduit les subventions comme il l’avait promis lors de sa campagne, le nouveau maire s’approprie l’événement, qu’il perçoit comme un tremplin potentiel pour ses ambitions nationales.

5 Le festival connaît immédiatement un vif succès : la presse locale parle de 10 000 visiteurs pour la première édition, un chiffre impossible à vérifier. L’événement suscite la curiosité des médias locaux et nationaux. Dans Le Monde, Bruno Frappat constate :

  • 9 Bruno Frappat, « Le “Neuvième Art”. La bande dessinée a tenu à Angoulême son premier Salon », Le (...)

Oui, la bande dessinée est devenue une institution. Et le fait que le maire d’Angoulême ait tenu à présider – même si quelque malice se lisait dans son regard – la séance inaugurale montre que l’intérêt pour la bande dessinée n’est plus considéré comme une maladie honteuse, un signe de perversion culturelle ou de débilité.9

  • 10 « Et Tintin est arrivé... », La Charente Libre, 24 janvier 1977.
  • 11 Voir par exemple Jacques Goimard, « La bande dessinée fait culturel », Le Monde, 25 janvier 1977. (...)

6 Outre l’hôtel de ville, la manifestation investit les espaces culturels symboliques d’Angoulême, à savoir le théâtre, le musée municipal, la MJC et l’école des beaux-arts. Elle devient un rendez-vous incontournable des professionnels de la bande dessinée, tout en parvenant à attirer un public d’amateurs et de bédéphiles. Par ailleurs, le festival attire chaque année des auteurs majeurs de l’espace européen. La présence d’Hergé en 1977 constitue un premier temps fort dans l’histoire du Salon : son arrivée créé une véritable effervescence10. La délivrance des prix lors de chaque édition permet à la manifestation de bénéficier d’une certaine visibilité en concentrant l’attention des médias11. Ces prix ont eux-mêmes une valeur légitimante, puisqu’ils visent à ériger un panthéon d’auteurs et d’œuvres qui en retour légitiment la pratique culturelle qu’ils ont investie.

  • 12 Bruno Frappat, « Le sacre de la BD », Le Monde, 28 janvier 1985.

7 Le festival bénéficie d’une reconnaissance de la part du ministère après l’arrivée de la gauche au pouvoir. Jack Lang se rend au festival en janvier 1981, quelques mois avant sa nomination au ministère de la Culture. Ministre, il promeut une définition inclusive de la culture, ouverte sur les arts alors considérés comme « mineurs ». Ce virage dans la politique culturelle renforce la position du festival. La visite du président Mitterrand en 1985 apparaît comme une consécration, comme le souligne Le Monde : « la visite du président de la République au royaume des bulles est un véritable sacre, le couronnement d’une série de reconnaissances officielles, voire académiques, qui n’exclut pas l’ambiguïté12. » La manifestation devient à partir des années Lang un passage obligé pour tout ministre de la Culture. La municipalité angoumoisine voit dans cette nouvelle politique culturelle une opportunité de prolonger la dynamique du festival, en pérennisant la place de la bande dessinée dans la ville.

1.2. Prolonger la dynamique du festival

  • 13 « La BD c’est pas sérieux ? Un stage national à l’école des Beaux-Arts et une exposition du Centr (...)
  • 14 Archives municipales, délibération n°21 du conseil municipal d’Angoulême du 13 mai 1985, rapporté (...)

8 Les initiatives locales, bientôt relayées par le ministère, font d’Angoulême la vitrine de la politique culturelle en faveur du neuvième art. L’école des beaux-arts de la ville organise en 1977 un stage en partenariat avec le festival, parrainé par le secrétariat d’État à la Culture. Venus de toute la France, les étudiants sont encadrés par le conservateur du musée national d’art moderne Jean-Hubert Martin13. Les étudiants de l’école municipale des beaux-arts participent ensuite chaque année à la manifestation tandis qu’un enseignement spécifiquement consacré à la bande dessinée se met progressivement en place. La création d’une section bande dessinée au sein de l’école d’art municipal figure parmi les « 15 mesures pour la bande dessinée » annoncée par Jack Lang lors de l’édition 1983 du festival. Une convention entre le ministère et l’école est signée deux ans plus tard pour la création d’un diplôme d’art dans le domaine de la bande dessinée14.

  • 15 Entretien avec Monique Bussac, 22 mars 2012. La transcription de cet entretien est disponible en (...)
  • 16 Archives du musée d’Angoulême, registre d’inventaire du musée.

9 De la même manière, la création d’un centre national consacré à la bande dessinée s’appuie sur la politique de conservation menée successivement par Robert Guichard puis Monique Bussac au sein du musée municipal. Les auteurs présents lors du festival sont sollicités par le conservateur pour qu’ils fassent don d’une ou de plusieurs planches originales au musée, à une époque où celles-ci n’ont guère de valeur sur le marché de l’art. Hergé cède une planche au musée en 1977. Le conservateur sollicite systématiquement les auteurs qui ont remporté un prix lors de la manifestation15. Certains bédéphiles comme Pierre Pascal offrent également au musée des planches de leur collection personnelle16. Cette collection construite au gré des rencontres et des prix fait ensuite l’objet d’une politique d’acquisition concertée mise en place au début des années 1980 par Monique Bussac, avec l’aval de la Direction des musées de France (DMF) et les subventions du Fonds régional pour l’acquisition des musées (FRAM).

  • 17 Entretien avec Jean-Michel Barreau et Gérard Chauvin, plasticiens d’Art Edbus, 22 mars 2012.

10 Cette collection d’environ 500 planches permet l’ouverture en mai 1983 de la galerie Saint-Ogan, première salle d’exposition permanente française spécifiquement dédiée à la bande dessinée. Les pratiques d’exposition évoluent rapidement au contact des conservateurs : agrafées sur des panneaux en bois lors des toutes premières éditions du Salon, les planches originales sont ensuite mises en vitrine. Le musée reçoit la visite de Maurice Serullaz, conservateur en chef du cabinet des dessins du musée du Louvre, pour définir les conditions d’exposition de la planche originale. La scénographie de la galerie Saint-Ogan est confiée aux plasticiens charentais Art Edbus, qui conçoivent un jeu de miroirs pour mettre en évidence sous différents angles la planche originale. Les miroirs rappellent également la banquise d’Alfred, le pingouin de Zig et Puce et mascotte du festival. Laboratoire du futur musée, la galerie Saint-Ogan lance le modèle de l’hyperscénographie pour les expositions de bande dessinée, poursuivi dans les années 1990 par l’atelier Lucie Lom17.

11 La galerie Saint-Ogan est la prémisse du futur centre de la bande dessinée annoncé par Jack Lang, de concert avec Jean-Michel Boucheron. La présence de socialistes à tous les échelons décisionnels facilite grandement la communication. Le projet du centre est essentiellement porté par David Caméo qui assure la liaison entre la municipalité et le gouvernement en tant qu’adjoint à la culture du maire et chef du département des relations extérieures à la Délégation aux arts plastiques au sein du ministère de la Culture (1982-1991). Le CNBDI est officiellement inauguré en 1990, après sept années de gestation.

1.3. Une institution hybride pour la bande dessinée : le CNBDI

12 Le CNBDI est rattaché aux « Grands Projets en régions » pensés par le gouvernement socialiste pour décentraliser l’accès à la culture. Contrairement aux projets nationaux franciliens, les « Grands Projets en régions » associent l’État et les collectivités, ces dernières participant au financement. Le Centre est érigé en association loi 1901 pour permettre le regroupement de l’ensemble des partenaires publics, à savoir l’État, la Région Poitou-Charentes, le département de la Charente et la ville d’Angoulême. Ce choix inclusif traduit la volonté du ministère de la Culture de pérenniser des initiatives locales plutôt que de bâtir une politique culturelle de la bande dessinée ex nihilo. Le regroupement dans une association d’acteurs publics aux objectifs différents apparaît toutefois comme la principale source des difficultés ultérieures du CNBDI.

  • 18 Thierry Groensteen est revenu sur le flou qui a longtemps entouré les missions du CNBDI avec une (...)
  • 19 Archives municipales, délibération n°28 du 26 février 1989 sur le bilan financier actualisé du co (...)
  • 20 Le centre de documentation de la Cité dispose d’un « fonds Jean Mardikian » relatif à la constitu (...)

13 En effet, deux visions s’affrontent dès les années de gestation du centre. Le ministère de la Culture défend la mission patrimoniale de l’institution bâtie autour d’un musée et d’une bibliothèque chargée d’accueillir un exemplaire du dépôt légal en bande dessinée. Le musée reçoit les collections en provenance de la galerie Saint-Ogan avec la mission de développer une politique d’acquisition, de conservation et d’exposition ambitieuse. Or, la municipalité souhaite faire du CNBDI le point de départ d’une « vallée de l’image » et défend l’ouverture de l’établissement vers la création audiovisuelle, jugée génératrice d’emplois. Sous l’impulsion de Jean-Michel Boucheron, un Département d’Imagerie Numérique (DIN) est finalement adossé au musée et à la bibliothèque18. L’investissement dans les technologies de l’image apparaît aux yeux du maire comme un relais de croissance après deux décennies de désindustrialisation à Angoulême, qui a perdu l’usine papetière du Nil. C’est également un moyen de justifier auprès des habitants les sommes dépensées par la ville pour la construction du centre. La municipalité injecte en effet 23 millions de francs (environ 5,4 millions d’euros), soit près d’un tiers du budget total d’une construction chiffrée à 82 millions de francs (environ 19,4 millions d’euros). L’État prend en charge 56 % du coût total, soit 46,5 millions de francs (environ 11 millions d’euros)19. La construction du CNBDI s’effectue en réhabilitant la friche industrielle laissée par l’ancienne brasserie Champigneulles, fermée en 1973. Sous l’impulsion du département et à partir du Centre, Angoulême poursuit sa reconversion en développant le secteur économique lié à l’image autour du « Pôle Magelis », situé sur les chais du même nom, face au bâtiment Castro20.

  • 21 La délibération n°36 du conseil municipal d’Angoulême du 18 novembre 1991 décrit le partenariat t (...)

14 Le CNBDI est une institution hybride qui se trouve immédiatement fragilisée par son statut juridique et le flou de ses missions. L’ambiguïté de ses objectifs se lit jusque dans l’architecture de son bâtiment originel, l’actuel « vaisseau Moebius ». Le bâtiment n’est pas construit autour d’un objectif de conservation. Bien que la photosensibilité des planches originales soit connue, l’architecte Roland Castro établit une grande verrière chargée d’ouvrir le bâtiment sur l’extérieur. La direction du musée est donc contrainte de recouvrir les vitres du bâtiment avant de monter les premières expositions. L’institution est par ailleurs confrontée à d’importantes difficultés financières dans le contexte de « l’affaire Boucheron ». Élu maire en 1989, Georges Chavannes découvre la gestion frauduleuse de son prédécesseur et met la ville en cessation de paiement. Les coupes drastiques dans les subventions se répercutent sur les finances du CNBDI et menacent la pérennité du festival, qui se maintient grâce au soutien financier du groupe Leclerc21. L’État renfloue finalement le Centre, dont les finances ne parviennent toutefois jamais à l’équilibre. La refondation juridique de l’institution en 2008 avec la création d’un Établissement Public de Coopération Culturelle (EPCC) clarifie les missions de ce qu’il est convenu d’appeler la Cité autour de trois axes : la conservation, la formation, le soutien à la création. En dépit des difficultés de son établissement de rattachement, le musée construit un discours ambitieux sur la bande dessinée et participe activement à son entreprise de légitimation.

2. Le musée, acteur de la légitimation culturelle de la bande dessinée

2.1. Comment exposer la bande dessinée ? Une réflexion muséographique en mouvement

  • 22 Walter Benjamin, L’Œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique, Paris, Payot, 2013 [1 (...)
  • 23 Thierry Groensteen, Musée de la bande dessinée : projet scientifique et culturel, 1999, conservé (...)
  • 24 Laurent Mélikian, « Dix ans de ventes à Drouot », Neuvième Art, n°5, p. 49. Mélikian évoque notam (...)

15 Les premières expositions consacrées à la bande dessinée réalisées par les bédéphiles se sont construites autour de l’agrandissement de cases. C’est sur ce modèle qu’est montée l’exposition « Bande dessinée et Figuration narrative » en 1967. Or, l’entrée au musée de la bande dessinée implique la mise en patrimoine d’objets jugés représentatifs ainsi qu’une réflexion sur la manière de les exposer. Du choix de ces objets dépend le discours tenu sur le medium. Héritier de la galerie Saint-Ogan, le musée de la bande dessinée concentre immédiatement sa politique de conservation et d’exposition sur la planche originale. Cette dernière est censée représenter « l’aura » du dessinateur en raison de son unicité, alors même que la bande dessinée fait partie des arts reproductibles22. Le directeur du musée Thierry Groensteen (1993-2001) défend ardemment ce choix qui insère la bande dessinée dans le champ de l’art contemporain. En conséquence, l’établissement acquiert 4 075 planches (dont 3 279 achats) entre 1989 et 199823. Mise en valeur sur les cimaises du musée, la planche originale bénéficie d’une reconnaissance symbolique qui contribue à son essor sur le marché de l’art24.

  • 25 Les planches originales réalisées au crayon, au feutre ou à l’encre de Chine ne supportent pas un (...)
  • 26 Direction des musées de France, Rapport d’inspection du musée de la bande dessinée à Angoulême, l (...)

16 La nature de la planche originale pose pourtant d’importantes difficultés d’exposition. Il s’agit d’abord d’un objet imparfait, qui conserve la trace des repentirs de l’auteur (gommage, blanc, etc.). De même, la planche originale n’est généralement qu’un fragment extrait d’une séquence plus longue : détachée du récit, elle est détournée de sa vocation narrative initiale. La fragilité de l’objet constitue par ailleurs une forte contrainte pour le musée : après trois mois d’exposition, les planches doivent rejoindre le noir des réserves pour trois ans25. En conséquence, le musée doit disposer de neuf planches d’un même auteur pour lui assurer une présence en continu, ce qui pose problème pour les auteurs qui ont acquis une cote importante sur le marché de l’art. Pour assurer la présence d’auteurs attendus du public, le musée a recours au fac-similé, qui fait disparaître la présence symbolique de l’auteur. La DMF remet en question la politique d’exposition du musée essentiellement centré sur la planche originale dans un rapport daté de 199626. Celui-ci invite le musée à comprendre la bande dessinée comme un phénomène sociologique en mettant notamment en valeur les produits dérivés, mais aussi à expliciter les techniques de création d’un album.

17 Ces contraintes et questionnements contribuent à faire du musée un laboratoire de réflexion sur les manières d’exposer la bande dessinée. Ainsi trois expositions permanentes se succèdent en seulement vingt ans. Le « premier musée » (1990-1999), situé dans le bâtiment conçu par Roland Castro, est centré sur la planche originale. Les dessins sont encadrés par une hyperscénographie qui cherche à compenser la modestie des objets exposés en reconstituant l’univers de l’auteur ou de la série. Le parcours chronologique, centré sur l’espace franco-belge, présente l’histoire du medium à travers les œuvres de ses auteurs marquants. Dans son rapport, la DMF qualifie le « premier musée » de « cabinet d’art graphique spécialisé dans le domaine de la planche originale de bande dessinée. » L’évolution des collections, le manque de place dans le bâtiment Castro ainsi que l’avancement rapide de la recherche rendent rapidement obsolète ce « premier musée ».

  • 27 L’exposition a fait l’objet d’un catalogue : Thierry Groensteen, Gaby Scaon, Les Musées imaginair (...)

18 L’établissement profite de l’opportunité du déménagement de ses collections sur les chais Magelis pour interroger ses pratiques d’exposition. La réflexion muséographique est mise en pratique dans l’exposition semi-permanente « Les musées imaginaires de la bande dessinée » (2002-2007). Les six sections de l’exposition pastichent des modèles de musées et présentent différentes manières d’exposer la bande dessinée. Le visiteur sillonne successivement le musée des Beaux-Arts, la galerie d’art contemporain, le musée d’histoire, le musée d’ethnologie, le muséum d’histoire naturelle et le musée des sciences et techniques. À la planche originale se substituent les produits dérivés dans le musée d’ethnologie, qui présente la bande dessinée comme un phénomène culturel contemporain, ou la vidéo dans le musée des sciences et techniques, qui explore les techniques de fabrication de la planche27. Cette mise à plat de la réflexion sur les pratiques d’exposition de la bande dessinée constitue la prémisse du « second musée » inauguré en 2009 sur d’anciens chais réhabilités. La scénographie est un compromis qui combine dans un parcours thématique l’approche artistique, historique, sociologique et technique de la bande dessinée. L’exposition décentre davantage le regard du visiteur en offrant une place plus importante à la bande dessinée nord-américaine et japonaise. Albums, périodiques, figurines, storyboard sont désormais exposés aux côtés des planches originales. Le musée développe également un espace bibliothèque au centre du parcours, une manière de revenir à l’expérience de lecture qui caractérise la bande dessinée.

19 La réflexion muséographique passe enfin par la question des frontières de la bande dessinée. La politique de conservation du musée se fonde sur une définition élargie de la bande dessinée, qui inclut les caricaturistes du XIXe siècle et l’imagerie d’Épinal. Le musée élabore une réflexion sur la définition et l’historicité du medium à travers la revue Neuvième Art et de manière parallèle par Thierry Groensteen, qui publie Systèmes de la bande dessinée en 1999. Contre la thèse longtemps défendue par les bédéphiles d’une naissance américaine de la bande dessinée à la fin du XIXe siècle, le musée rétablit le suisse Rodolphe Töpffer comme l’inventeur du medium. Le musée élabore à partir de Töpffer une histoire de l’art de la bande dessinée au prisme de ses principaux auteurs.

2.2. Légitimer l’auteur de bande dessinée

20 La mise en évidence de la figure de l’auteur se lit à travers le choix des expositions temporaires organisées par le musée. De 1990 à 2010, sur 81 expositions temporaires proposées par l’institution muséale, 39 sont consacrées à un auteur ou à un collectif d’auteurs, soit près de la moitié du total, quand seulement 11 d’entre elles (13%) se concentrent sur un personnage ou une série (Léonart, Ariol, Astérix). En conséquence, 65 % des expositions temporaires du musée de la bande dessinée établies entre 1990 et 2010 s’adressent en premier lieu à un public adulte. L’établissement s’inscrit ainsi à rebours de l’image traditionnelle de la bande dessinée, généralement associée à l’enfance.

  • 28 Selon la formule de Thierry Groensteen (dir.), Maîtres de la bande dessinée européenne, Paris, Bi (...)
  • 29 Sylvain Lesage, L’Effet codex. Quand la bande dessinée gagne le livre : l’album de bande dessinée (...)

21 Il s’agit d’un véritable renversement par rapport à une tradition, notamment éditoriale, qui consistait à mettre en évidence les personnages plutôt que leurs créateurs. Le musée entérine le passage de « l’ère des héros » à « l’ère des auteurs »28 et participe à la sédimentation d’un canon de figures jugées emblématiques de l’art de la bande dessinée à travers ses choix de conservation et d’exposition. Ce canon établi à partir des premiers travaux bédéphiliques oriente encore aujourd’hui la majorité des recherches sur la bande dessinée, comme le souligne Sylvain Lesage qui appelle à sa déconstruction29. Quatre grands types se dégagent de l’étude des expositions temporaires du musée de la bande dessinée :

  • 30 Succédant à l’exposition permanente, ces deux expositions assurent la jonction entre le « premier (...)

22 1) Les expositions dites « de maîtres » sont les plus rares et les plus ambitieuses. Le musée en organise deux : Maîtres de la bande dessinée européenne (2001) en partenariat avec la Bibliothèque nationale de France et Maîtres de la bande dessinée américaine (2002), suivie de Comics : génération indépendants qui se tient la même année30. Ces expositions dressent une histoire de l’art de la bande dessinée par aire culturelle à travers une sélection d’auteurs choisis pour leurs qualités artistiques et leur influence sur le medium. Les auteurs sont répartis selon des écoles graphiques (« L’avènement de la ligne claire ») ou des thèmes récurrents (« Animaux en crises », « Mondes intérieurs ») dans un discours qui emprunte à la critique d’art. Les expositions La Bande dessinée argentine vue par Muñoz (2008) et Le Musée privé d’Art Spiegelman (2012) s’inscrivent dans une tendance comparable : l’institution muséale sollicite un auteur afin qu’il dresse sa propre histoire de la bande dessinée.

23 2) Les expositions-rétrospectives, centrées sur l’œuvre d’un auteur chevronné, sont les plus courantes. Nombre d’entre elles suivent l’agenda du festival. Le musée dédie régulièrement une exposition au dernier lauréat du Grand Prix, qui assume traditionnellement la présidence de l’édition suivante, et participe ainsi à sa panthéonisation. L’inauguration de ces expositions s’effectue au moment du festival. C’est ainsi que le musée consacre une rétrospective de l’œuvre d’André Juillard (1997), Robert Crumb (2000), Florence Cestac (2001), Martin Veyron (2002), Régis Loisel (2004), Zep (2005), Georges Wolinski (2006) ainsi qu’au duo Philippe Dupuis - Charles Berberian (2009). Le musée organise d’autres rétrospectives sans lien avec le palmarès du festival : la plus ambitieuse est consacrée à Jean Giraud-Moebius en 2000.

  • 31 Thierry Groensteen, Un objet culturel non identifié : la bande dessinée, op.cit., p. 67-68.
  • 32 Le musée réédite également des albums sans lien avec une exposition : la « bibliothèque du 9e art (...)

243) Les expositions-redécouvertes insistent sur des figures anciennes, souvent méconnues, de la bande dessinée du XIXe siècle et du début du XXe siècle. Porté par la « querelle des origines » qui agite le cercle de spécialistes, le musée se lance à la fin des années 1990 dans un cycle d’expositions-redécouvertes dédiées à Alain de Saint-Ogan (1995), Rodolphe Töpffer (1996), Georges Herriman (1997), René Giffey (1997) et Caran d’Ache (1998). Ces expositions doivent remédier au constat pessimiste dressé par Thierry Groensteen, qui regrette que la bande dessinée soit un « art sans mémoire »31. Elles s’accompagnent généralement d’un catalogue, d’un dossier critique dans Neuvième Art, mais aussi de rééditions patrimoniales d’albums dans la collection « bibliothèque du 9e art ». La réédition de Cinq-Mars accompagne ainsi l’exposition dédiée à Giffey. Le musée propose autour de l’exposition Caran d’Ache la publication de Maestro ainsi que les Histoires sans paroles du Chat noir, revue dont il a été un animateur. La réédition au Seuil des « histoires en estampes » de Töpffer s’effectue en parallèle de l’exposition angoumoisine avec une préface de Thierry Groensteen32. À partir des années 2000, la numérisation prend le relais des rééditions patrimoniales.

25 4) Les expositions consacrées à la création la plus contemporaine doivent rendre compte de la vitalité de la bande dessinée. Elles rapprochent le musée de la bande dessinée d’un centre d’art contemporain. L’établissement consacre des expositions à des auteurs en activité comme Ludovic Debeurme (2004), au duo Ruppert et Mulot (2009) ou à Jochen Gerner (2010) ainsi qu’à des collectifs d’auteurs regroupés en une structure éditoriale comme l’Association (2000), Ego comme x (2004) ou Bittercomix (2009). Le musée organise également à intervalles réguliers des expositions de dessinateurs « en résidence » dans la maison des auteurs. La volonté du musée de se situer au plus près de la création contemporaine a motivé l’ambitieuse exposition Cent pour Cent bande dessinée (2010) dans laquelle 100 dessinateurs sont invités à réinterpréter 100 planches tirées des collections muséales. Les auteurs créent une planche spécialement dédiée à l’exposition, en dehors de tout lien avec l’imprimé. L’exposition se veut représentative du rôle médiateur du musée entre la création ancienne et récente, non seulement pour le public, mais également pour les auteurs eux-mêmes.

26 L’immense majorité des auteurs mis en évidence par les expositions du musée de la bande dessinée sont des dessinateurs. Les scénaristes sont les grands oubliés de la politique d’exposition du musée : seul René Goscinny fait l’objet d’une exposition en 1993. Cette absence s’explique en partie par le palmarès du festival, qui n’a couronné qu’un seul scénariste, Jacques Lob, en 1986. Par ailleurs, la représentation dans un musée de l’activité du scénariste pose la question difficilement soluble des objets exposés pour rendre compte de sa pratique. Au musée, la légitimation de l’auteur passe d’abord par la mise en relief de l’expression graphique du dessinateur. En dépit de ses ambitions, le discours d’artification du musée de la bande dessinée se heurte à une réception incertaine.

2.3 La réception incertaine du discours muséographique

27 Unique établissement public dédié à la bande dessinée en France, le musée souffre pourtant d’une faible fréquentation, qui contraste avec sa vocation internationale et l’ambition de son discours (cf. histogramme).

La fréquentation du musée de la bande dessinée d’Angoulême (1996-2015) d’après les bilans d’activités du CNBDI/Cité33

  • 33 Les bilans d’activités ne distinguent pas toujours la fréquentation pendant et hors du festival d (...)

28 Le musée est confronté à un sérieux problème de fréquentation : entre 2000 et 2010, il accueille environ 30 000 visiteurs par an en dehors de la période du festival. La manifestation attire en 4 jours de 10 000 à 15 000 personnes dans les années 2000, soit plus d’un quart de la fréquentation annuelle de l’établissement. Cette dépendance conduit le musée à aligner son calendrier sur celui du festival. À titre de comparaison, le Centre belge de la bande dessinée accueille à Bruxelles plus de 150 000 visiteurs par an, soit près de trois fois plus que l’institution angoumoisine.

29 Le musée de la bande dessinée est desservi par sa localisation périphérique. Angoulême est une modeste préfecture de province de 45 000 habitants intra-muros qui ne jouit d’aucun attrait touristique particulier en dehors de ses festivals. L’opération de décentralistion culturelle qui donne naissance au CNBDI s’effectue alors qu’il n’existe aucun établissement « central » dédié à la bande dessinée en région parisienne. La localisation angoumoisine coupe également le musée des principaux éditeurs francophones, essentiellement franciliens. Ce choix s’effectue donc au détriment du rayonnement de l’institution. Thierry Groensteen estime que

  • 34 Thierry Groensteen, Un objet culturel non identifié : la bande dessinée, op.cit., p. 139.

créer un établissement culturel à vocation nationale, qui doit rester sans équivalent ni rival sur le territoire, un établissement dont on attend qu’il rayonne en France et au-delà, et l’implanter dans une ville comme Angoulême, c’est, la chose est claire, le priver de toute possibilité d’autofinancer son développement.34

30 De fait, le CNBDI est freiné dans son développement par sa dépendance à l’égard des subventions de ses partenaires publics.

  • 35 Centre de documentation de la Cité, dossier de Thierry Groensteen « En route pour le XXIe siècle (...)
  • 36 Ivan Drapeau, « La Charente renonce à faire décoller la fusée de Tintin », Le Monde, 11 juillet 2 (...)

31 Les collectivités territoriales ont tenté de remédier au problème de fréquentation en promouvant la « fusée Tintin », véritable serpent de mer de la politique culturelle angoumoisine à la fin des années 1990. Il s’agit de reconstituer à taille réelle (52m) la fusée du célèbre diptyque des Aventures de Tintin, accompagné de sa tour de montage. Le public pourrait déambuler dans un poste de pilotage et visiter une exposition centrée sur la comparaison entre le voyage imaginé par Hergé et la mission Apollo. L’objectif est de doper l’attractivité touristique d’Angoulême en attirant un nouveau public, tout en créant une alternative régionale au Futuroscope35. Le projet s’enlise toutefois avant d’être définitivement abandonné en 200336. À l’opposé de l’aspect solennel renvoyé par l’institution muséale, le projet de la « fusée Tintin » témoigne en creux du manque d’attractivité du musée de la bande dessinée.

  • 37 Voir l’entretien que nous avons effectué auprès de Jean-Pierre Mercier, retranscrit dans Florian (...)

32 L’intellectualisation de la bande dessinée priverait-t-elle le musée d’un certain public en quête de divertissement ? Rien ne permet de le démontrer. Pourtant, la scénographie épurée du « second musée » et le choix de débuter le parcours par Rodolphe Töpffer, une figure largement inconnue du grand public, déroutent régulièrement les visiteurs37. Le Centre belge de la bande dessinée a choisi une optique très différente, avec un discours essentiellement sociologique qui s’adapte aux attendus supposés du grand public, parfois au détriment de la rigueur scientifique : le passage sur « l’invention de la bande dessinée » commence par les fresques de Lascaux. Au contraire, le musée de la bande dessinée a acquis une véritable expertise ; l’établissement est par ailleurs devenu un centre de ressources précieux pour les chercheurs en bande dessinée.

Conclusion

33 Le festival a permis dès la fin des années 1970 l’émergence à Angoulême d’une politique patrimoniale autour de la bande dessinée. L’État socialiste incarne dans la cité des Valois sa politique culturelle en faveur de la bande dessinée. Les divergences d’intérêts entre les acteurs publics font naître un centre hybride et d’abord fragile autour d’un musée spécifiquement dédié à la bande dessinée. L’établissement participe néanmoins au processus d’artification du neuvième art à travers une politique de conservation et d’exposition centrée sur la planche originale.

34Le musée devient un laboratoire de réflexion sur la bande dessinée et ses modalités d’exposition, ainsi qu’un important centre de ressources documentaires. Derrière son directeur, l’institution muséale bâtit un discours légitimant fondé sur la valorisation de l’auteur, afin d’établir une histoire de l’art de la bande dessinée.

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Notes

1 Luc Boltanski, « La constitution du champ de la bande dessinée », Actes de la Recherche en Sciences Sociales, 1, 1, 1975, p. 3759. Sur ce thème, voir également les travaux d’Éric Maigret, « La reconnaissance en demi-teinte de la bande dessinée », Réseaux, 12, 67, 1994, p. 113-140 et Éric Maigret, « Bande dessinée et postlégitimité », dans Éric Maigret et Matteo Stefanelli (dir.), La Bande dessinée : une médiaculture, Paris, Armand Colin, 2012, p. 130-148.

2 Pascal Ory, « Neuvième art », dans Laurent Martin, Jean-Pierre Mercier, Pascal Ory et Sylvain Venayre (dir.), L’Art de la bande dessinée, Paris, Citadelles & Mazenod, 2012, p. 321-383.

3 Benjamin Caraco, Renouvellement et montée en légitimité de la bande dessinée en France de 1990 à 2011 : histoire de l’Association et de ses auteurs, thèse de doctorat en Histoire sous la direction de Pascal Ory, Université Paris-1, 2017.

4 L’historique et l’institutionnalisation du festival d’Angoulême ont été retracés par Sylvain Lesage, « Angoulême, “la ville qui vit en ses images” ? Politisation de la culture et institutionnalisation du festival », dans Anaïs Fléchet, Pascale Goetschel, Patricia Hidiroglou, Sophie Jacotot, Caroline Moine, Julie Verlaine (dir.), Une histoire des festivals, XXe-XXIe siècles, Paris, Publications de la Sorbonne, 2013, p.252-264. En étudiant plus particulièrement le musée de la bande dessinée, notre démarche s’inscrit dans le prolongement de cet article. Sur l’histoire du festival, voir également Guillaume Deschamps, La Bande dessinée à Angoulême de 1977 à 1990 : culturisation de la politique ou politisation de la culture, maîtrise d’histoire sous la direction de Paul Lévy, 2003.

5 Sur le mouvement bédéphilique, voir la thèse en cours de Julie Demange, Émergence et construction du mouvement bédéphilique en France dans les années 1960-1970, thèse de doctorat en Histoire sous la direction de Pascal Ory, Université Paris-1. Du même auteur, voir l’article « Bédéphilie » dans Dictionnaire esthétique et thématique de la bande dessinée [En ligne] <http://neuviemeart.citebd.org/spip.php?article1169>.

6 Francis Groux, Au coin de ma mémoire, Paris, PLG, 2011, p. 21-22.

7 Philippe Poirrier (dir.), Les Collectivités locales et la culture : les formes de l’institutionnalisation, XIXe-XXe siècles, Paris, Comité d’histoire du ministère de la Culture, 2002.

8 Seul étranger à la Charente parmi les co-fondateurs, Claude Moliterni souligne le rôle essentiel de Francis Groux dans un entretien donné à l’occasion de la première édition du Salon : « Claude Moliterni : vers un jumelage Angoulême-Lucca ? », La Charente Libre, 29 janvier 1974.

9 Bruno Frappat, « Le “Neuvième Art”. La bande dessinée a tenu à Angoulême son premier Salon », Le Monde, 4 février 1974.

10 « Et Tintin est arrivé... », La Charente Libre, 24 janvier 1977.

11 Voir par exemple Jacques Goimard, « La bande dessinée fait culturel », Le Monde, 25 janvier 1977. Le journaliste et critique consacre près de la moitié de l’article à discuter de la pertinence des prix remis à cette occasion.

12 Bruno Frappat, « Le sacre de la BD », Le Monde, 28 janvier 1985.

13 « La BD c’est pas sérieux ? Un stage national à l’école des Beaux-Arts et une exposition du Centre Beaubourg prouveront le contraire », La Charente libre, 20 janvier 1977.

14 Archives municipales, délibération n°21 du conseil municipal d’Angoulême du 13 mai 1985, rapportée par David Caméo. L’adjoint à la Culture stipule que le ministère subventionne cette section à hauteur de 1,28 millions de francs (341 000 € de 2017) par l’intermédiaire d’une dotation d’aide à l’innovation.

15 Entretien avec Monique Bussac, 22 mars 2012. La transcription de cet entretien est disponible en annexe de notre mémoire de Master. Voir Florian Moine, Bande dessinée et patrimoine. Histoire du musée de la bande dessinée d’Angoulême (1983-2010), mémoire de Master en Histoire sous la direction de Pascal Ory, 2013.

16 Archives du musée d’Angoulême, registre d’inventaire du musée.

17 Entretien avec Jean-Michel Barreau et Gérard Chauvin, plasticiens d’Art Edbus, 22 mars 2012.

18 Thierry Groensteen est revenu sur le flou qui a longtemps entouré les missions du CNBDI avec une certaine amertume. Voir Thierry Groensteen, Un objet culturel non identifié, Angoulême, Éditions de l’An 2, collection « Essais », 2006, p. 128-147.

19 Archives municipales, délibération n°28 du 26 février 1989 sur le bilan financier actualisé du coût de construction du centre. Le coût du CNBDI s’avère ainsi sensiblement plus élevé que les prévisions de départ, estimées à 75 millions de francs. Le surcoût est essentiellement supporté par la municipalité, précipitant ses difficultés budgétaires.

20 Le centre de documentation de la Cité dispose d’un « fonds Jean Mardikian » relatif à la constitution du pôle Magelis.

21 La délibération n°36 du conseil municipal d’Angoulême du 18 novembre 1991 décrit le partenariat tripartite entre le groupe Leclerc, la ville d’Angoulême et le Salon international de la bande dessinée. L’accord stipule que Leclerc doit verser 3,5 millions de francs au Salon, en échange du droit de faire figurer ce partenariat dans sa stratégie de communication et la possibilité d’accéder aux comptes de l’association.

22 Walter Benjamin, L’Œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique, Paris, Payot, 2013 [1939].

23 Thierry Groensteen, Musée de la bande dessinée : projet scientifique et culturel, 1999, conservé au Centre de documentation de la Cité.

24 Laurent Mélikian, « Dix ans de ventes à Drouot », Neuvième Art, n°5, p. 49. Mélikian évoque notamment le rôle du CNBDI dans la reconnaissance symbolique de la planche originale.

25 Les planches originales réalisées au crayon, au feutre ou à l’encre de Chine ne supportent pas un éclairage supérieur à 55 lux.

26 Direction des musées de France, Rapport d’inspection du musée de la bande dessinée à Angoulême, le 26 janvier et les 13/14 février 1996, conservé au Centre de documentation de la Cité.

27 L’exposition a fait l’objet d’un catalogue : Thierry Groensteen, Gaby Scaon, Les Musées imaginaires de la bande dessinée, Angoulême, CNBDI/Éditions de l’An 2, 2004.

28 Selon la formule de Thierry Groensteen (dir.), Maîtres de la bande dessinée européenne, Paris, Bibliothèque nationale de France/Seuil, 2000, p. 12.

29 Sylvain Lesage, L’Effet codex. Quand la bande dessinée gagne le livre : l’album de bande dessinée en France de 1950 à 1990, thèse d’histoire sous la direction de Jean-Yves Mollier, Université Versailles Saint-Quentin en Yvelines, 2014, p. 34-39.

30 Succédant à l’exposition permanente, ces deux expositions assurent la jonction entre le « premier musée » et « Les musées imaginaires de la bande dessinée ».

31 Thierry Groensteen, Un objet culturel non identifié : la bande dessinée, op.cit., p. 67-68.

32 Le musée réédite également des albums sans lien avec une exposition : la « bibliothèque du 9e art » comprend également Yves et le Loup de René Bastard et Jean Ollivier, Le Mariage de M. Lakonik de Jean Bruller (Vercors) et Le Rayon mystérieux d’Alain de Saint-Ogan (paru 6 ans après l’exposition).

33 Les bilans d’activités ne distinguent pas toujours la fréquentation pendant et hors du festival d’Angoulême. Pour les années 2004-2007, le nombre de festivaliers ayant visité le Musée est inconnu.

34 Thierry Groensteen, Un objet culturel non identifié : la bande dessinée, op.cit., p. 139.

35 Centre de documentation de la Cité, dossier de Thierry Groensteen « En route pour le XXIe siècle à bord de la fusée de Tintin. Un projet pour le Pôle Image », juin 1996.

36 Ivan Drapeau, « La Charente renonce à faire décoller la fusée de Tintin », Le Monde, 11 juillet 2003.

37 Voir l’entretien que nous avons effectué auprès de Jean-Pierre Mercier, retranscrit dans Florian Moine, Bande dessinée et patrimoine. Histoire du musée de la bande dessinée d’Angoulême (1983-2010), mémoire de Master en Histoire sous la direction de Pascal Ory, 2013, p. 318-329.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Florian Moine, « Construire la légitimité culturelle du Neuvième Art  »Belphégor [En ligne], 17 | 2019, mis en ligne le 25 mars 2019, consulté le 25 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/belphegor/1593 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/belphegor.1593

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Auteur

Florian Moine

Doctorant contractuel à l’université Paris-1 (Centre d’histoire sociale du XXe siècle).

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Droits d’auteur

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Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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