Texte intégral
- i Dans une démocratie, les lecteurs « aiment les livres qu’on se procure sans peine, qui se lisent vi (...)
- ii « De la littérature industrielle », 1er septembre 1839, p. 675-691.
1La critique littéraire française n’a jamais éprouvé le besoin de conceptualiser ce qu’on pourrait appeler, sur le modèle anglo-saxon, la littérature moyenne. Si le couple littérature/non littérature lui a semblé suffisant, c’est sans doute parce que cette opposition recoupait le clivage socio-politique aristocratie/démocratie adopté par Tocqueville dans De la démocratie en Amériquei et par Sainte-Beuve dans son célèbre article de la Revue des Deux Mondesii. Convaincu que « le bas fond remonte sans cesse, et devient vite le niveau commun, le reste s’écroulant ou s’abaissant », ce dernier oppose à une littérature mue par « des idées de libéralité et de désintéressement », obéissant aux « vrais principes de l’indépendance et du goût », « l’invasion de la démocratie littéraire » qu’il nomme « littérature industrielle ». Dès cette époque, le couple antinomique de l’artiste et du bourgeois, figuré sous des avatars divers durant tout le xixe siècle, est en place. Dans ses dernières décennies, les influences convergentes de Flaubert et de Baudelaire ont aggravé le divorce qui aboutit aux Poètes maudits de Verlaine ou aux Assis de Rimbaud
2Ce binarisme, qui a pour avantage sa simplicité, ne permet cependant pas de situer un écrivain comme Georges Ohnet (1848-1918) qui s’est fait un nom en littérature au plus chaud de la bataille naturaliste – Serge Panine paraît en 1880, un an après Nana, Le Maître de forges en 1882, La Comtesse Sarah en 1883, Lise Fleuron, en 1884, La Grande Marnière, en 1885, Les Dames de Croix-Mort, en 1886 – et a traversé la « crise du roman » avec ses phases décadente et symboliste en atteignant à chacun de ses romans des tirages inégalés par les Zola les mieux vendus. Simultanément, il a rempli les salles de théâtre des mois, voire des années durant en adaptant ses pièces avec un succès que n’a affecté ni la création du théâtre Antoine, ni la vogue de Maeterlinck et des scandinaves. Or Ohnet présente la particularité d’avoir été rejeté à la fois par la “grande” littérature et épargné par les détracteurs du feuilletonisme industriel. Il a donc publié dans une sorte de zone littéraire frontalière susceptible de représenter ce que la critique française n’appelle pas, à tort ou à raison, littérature moyenne
3Si grande que soit la tentation de vérifier si Ohnet a bien occupé cette catégorie fantôme, il est malaisé de le faire pour plusieurs raisons. D’abord parce qu’il a connu de son vivant un sort critique qu’on peut dire unique ; ensuite parce que l’histoire littéraire l’a jeté aux oubliettes et se contente aujourd’hui de hausser les épaules quand on cite son nom ; enfin parce que la critique moderne n’a consacré aucune étude à la poétique de cette éventuelle catégorie médiane. Le seul moyen d’approcher le sujet est donc de s’interroger sur la façon dont les contemporains ont reçu son œuvre. Encore faut-il distinguer la réception que lui ont réservée les écrivains alors reconnus comme tels (mais reconnus par qui ? par eux-mêmes ? par le cercle de leurs admirateurs ? par la grande presse ? par les hiérarchies académiques d’alors ? par le canon universitaire moderne ?), celle des critiques contemporains en fonction des feuilles où ils publiaient et de leurs lecteurs, celle desdits lecteurs qui n’est guère accessible que par le canal, presque toujours polémique, des deux sources précédentes. Faute de mieux, nous nous proposons donc de relire les recensions dont ses romans ont fait l’objet, d’étudier l’accueil que les chroniqueurs de théâtre ont réservé à ses pièces.
- iii Dans Épilogues. Réflexions sur la vie, 1895-98, Paris, Société du Mercure de France, 1903, p. 190-1 (...)
- iv Dans Splendeurs et misères du roman populaire, Lyon, Presses universitaires de Lyon, 1991.
- v Le Roman, Colette Becker dir., Rosny, Bréal, 1996.
4On a tendance aujourd’hui à classer Georges Ohnet parmi les tâcherons de la littérature industrielle. C’est déjà ce que faisait Remy de Gourmont en dressant de façon provocante la liste des « négociants qui pataugent dans l’industrie du feuilleton, les Richebourg, Ohnet, Bouvier, Clarétie, Montépin, Zolaiii ». Aujourd’hui, Michel Nathan le range aux côtés de Jules Mary, en raison de leur choix commun de héros bourgeoisiv et le manuel Le Roman insère son nom entre ceux de Xavier de Montépin et de Jules Maryv. Mais cette catégorisation résiste mal à l’examen tant il est difficile de le confondre avec les affabulateurs de métier qui alimentaient le rez-de-chaussée de la presse quotidienne
- vi Histoire du roman populaire en France, Paris, Albin Michel, 1980, p. 192.
5Ohnet ne vise pas les lecteurs populaires au sens sociologique du mot. Il n’écrit pas pour Le Petit Journal comme Richebourg, Mary ou Montépin, ne travaille pas pour l’édition en livraisons à vingt centimes ; son éditeur n’est ni Fayard ni Tallandier mais, comme le note justement Yves Olivier-Martin, Ollendorff, un des « éditeurs moyennement chersvi », dans le catalogue de qui il voisine avec les derniers romans de Maupassant. On ne peut pas davantage voir en lui un mercenaire de l’écriture. Le peu que l’on sait de cet écrivain discret prouve qu’il n’a pas le profil des feuilletonistes caricaturés par Louis Reybaud dans le célèbre chapitre « Paturot feuilletoniste » de Jérôme Paturot à la recherche d’un position sociale (1842), ou par Villiers de l’Isle-Adam dans la nouvelle « Deux augures », parue dans Contes cruels (1883). On ne le reconnaît pas non plus dans le portrait-type proposé par Michel Nathan :
- vii Splendeurs et misères du roman populaire, op. cit., p. 11.
Ils ne travaillent ni pour la postérité, ni pour exprimer ce qu’ils ont de plus intime ou ce que personne n’a jamais dit. Ils honorent leur contrat. Tant de lignes, tant d’argent. Si le texte déplaît, il est abrégé, voire interrompu. Dans le cas contraire, on le prolonge jusqu’aux premier signes de lassitudevii.
- viii Lire Marie-Ève Thérenty, « Le long et le quotidien. De la dilatation médiatique des romans au xixe (...)
- ix Après la mort de Ponson du Terrail, Constant Guéroult a pris la suite dans Le Retour et la Fin de R (...)
- x Lire Yves Olivier-Martin, op. cit., p. 52-55. L’auteur reconnaît qu’Ohnet appartient à un courant i (...)
- xi Paru dans la Petite Presse en juillet-août 1867, repris dans Ponson du Terrail, dossier no 1, par R (...)
6Par de nombreux aspects Ohnet se différencie de ces tâcherons de l’écriture. Sans doute publie-t-il beaucoup, mais sa productivité (un ou deux romans par an) n’a rien de commun avec celle d’un Ponson du Terrail et se rapproche plutôt de celle de Zola ou de Bourget. Narrateur, il résiste au phénomène de la « dilatation médiatique » caractéristique des romans de son époqueviii ; il garde une certaine concision, ne tire pas à la ligne en fabriquant d’interminables dialogues en forme de stichomythie. Il n’a produit aucune série de romans à personnage récurrent et nul n’a jugé possible, après sa mort, de leur donner une suite, comme ce fut le cas pour la postérité de Lagardère, de Rocamboleix et de nombreux autres héros célèbres de romans feuilletons. Il ne bâtit pas ses intrigues sur la constitution et la résolution d’un mystère à la façon d’un Paul de Kock ou de Maurice Leblancx. Il ne recourt pas à ces figures secondaires farcesques, à ces serviteurs de fantaisie qui jouent un rôle dilatoire dans les épisodes divertissants des romans d’aventures. Les titres de ses romans se différencient d’ailleurs de ceux des feuilletonistes : il n’écrit ni Perdues dans Paris comme Jules Mary, ni Les deux Orphelines comme Adolphe d’Ennery. C’est un écrivain sérieux qui ne joue pas avec la mimèsis et ne se livre pas à l’auto-parodie ; il ne se permettrait pas de présenter ses personnages comme des inventions d’encre et de papier, à la façon de Ponson du Terrail dans La Vérité sur Rocambolexi. C’est pourquoi on ne peut pas, malgré la proximité de leurs surtitres, confondre sa série des Batailles de la vie avec Les Drames de la vie d’Émile Richebourg. Car c’est dans la lignée de La Comédie humaine, dont il s’inspire parfois ouvertement, qu’il inscrit son projet littéraire : il conçoit le roman, selon la tradition réaliste, comme un instrument d’analyse sociale.
7Au reste, les romans d’Ohnet, à la différence des productions journalistiques, font l’objet de recensions dans la grande presse. Les premiers d’entre eux ont été accueillis avec faveur par certains critiques littéraires qui refusaient de voir en lui un feuilletoniste. Dans Le Livre, on lit à propos de Serge Panine, son premier roman paru en 1880 :
- xii Le Livre, bibliographie moderne pour l’année 1880, p. 376.
Après l’écœurante et fastidieuse lecture des romans-feuilletons, il y a comme un repos, une intense sensation de bien-être, une joie profonde pour le critique à se trouver en présence d’une œuvre sérieuse, d’un livre écrit et pensé, reflétant la vie et s’éloignant de l’invraisemblable pour peindre crânement le vrai en bonne langue pure et bien rythmée. […] Tous ceux qui veulent trouver dans le roman une étude de mœurs soigneusement faite, une analyse exacte de caractères et d’individus, lui doivent et lui donneront leurs élogesxii
- xiii Le Livre, « Critique littéraire du mois », 1884, p. 419, signé G. T.
- xiv Revue des Deux Mondes, 1er février 1882, p. 693-694.
- xv Revue des Deux Mondes, « Revue dramatique », 15 avril 1888, p. 944.
8Et le recenseur de conclure, voilà un livre qui « dénote immédiatement le lettré et l’artiste ». Peu après, la même revue Le Livre persiste à propos de Lise Fleuron : « on ne jalouse, on ne tente de salir, on ne calomnie que ceux qui s’élèvent au-dessus des autres ; les médiocres n’ont pas d’ennemisxiii. » Le 1er février 1882, le critique Louis Ganderax, normalien et agrégé de l’université, félicite le « jeune auteur » pour l’adaptation de Serge Panine au théâtre du Gymnase : son succès, assure-t-il, « c’est un coup d’éclat dont la jeunesse lettrée doit être reconnaissante à ce vainqueur », malgré « les guetteurs d’insuccèsxiv ». En 1886 encore, le même Ganderax accueille avec bienveillance l’adaptation par Ohnet lui-même de La Grande Marnière au théâtre de la Porte-Saint-Martin au point d’oser voir dans cette pièce « solidement bâtie [qui] avance posément et sans effort », rien de moins que l’alliance heureuse de Balzac et de Shakespearexv. Ohnet, premier constat, n’a donc pas été tenu à ses débuts comme un pestiféré.
- xvi Le Figaro, 18 décembre 1866, à propos de son roman Victimes d’amour.
- xvii La Cloche, 23 mai 1872.
- xviii Le Figaro, 22 décembre 1878. Nous empruntons ces trois références à F. W. J. Hemmings, « La Critiqu (...)
- xix Journal, éd. Robert Ricatte [1956], rééd. Paris, Laffont, coll. Bouquins, 3 janvier 1884, t. II, p. (...)
9C’est pourtant ce qui va lui arriver. Il est vrai que, à première vue, son cas ne constitue pas une exception, un premier adoubement n’étant jamais un visa d’entrée définitif dans la littérature. Témoin Hector Malot dont Zola, à la suite de Taine, a soutenu les débuts en reconnaissant en lui un « fils indépendant de Balzac ». Malot, écrivait-il, « passe le tablier blanc de l’anatomiste et dissèque fibre par fibre la bête humaine étendue toute nue sur la dalle de l’amphithéâtre. […] Le romancier analyste, débout et attentif, note les plus minces détails » et produit ainsi « le procès verbal d’une leçon d’anatomie moralexvi ». Cinq ans plus tard, il poursuivait à propos de Souvenirs d’un blessé, un roman sur la guerre de 1870 : « M. Malot est un romancier de grand talent. Il y a du Stendhal et du Balzac dans son casxvii ». Mais en 1878, voilà Malot rejeté par Zola en dehors de la littérature dans Les Romanciers contemporains : « M. Malot a peu à peu glissé à la production facile. Depuis quelques années il s’est mis à bâcler des feuilletons pour le journal Le Siècle, produisant des romans interminables où tout se délaie, le style, l’observation, la charpente. C’est un écrivain qui se noiexviii. » Par malchance pour Zola, c’est à ce moment-là qu’Hector Malot publie chez Dentu Sans famille, le roman qui a assuré sa survie littéraire. Au demeurant, il n’existe pas pour un écrivain de cloison étanche entre ce qui relève de la littérature et ce qui n’en relève pas. La main droite peut fort bien ignorer ce qu’écrit la main gauche, en particulier pour des raisons pécuniaires. Zola lui-même rédigeait en 1867 Les Mystères de Marseille, un feuilleton alimentaire publié dans le Messager de Provence, en même temps que son roman manifeste, Thérèse Raquin. Et Edmond de Goncourt accuse Albert Delpit, morphinomane en quête perpétuelle d’argent, d’écrire « par an trois romans, deux mauvais qu’il ne réuni[t] pas en volume, et un bonxix ».
- xx Adolphe Brisson, Pointes sèches : physionomies littéraires, Paris, A. Colin, 1898, p. 14.
- xxi Chronique dramatique signée Louis Ganderax à propos de l’adaptation de La Grande Marnière au théâtr (...)
10Il reste que le cas d’Ohnet se distingue de ceux de Malot ou de Delpit par sa nature et son degré. Sur Georges Ohnet a pesé un véritable interdit littéraire. On a avoué d’abord qu’on lisait Ohnet, puis on l’a lu sans l’avouer, après quoi on l’a lu pour le désavouer, avant d’avouer qu’on l’avait injustement désavoué et finalement d’oublier son existence. Ses contemporains l’ont traité comme un immigré clandestin sommé de produire, à l’entrée du domaine protégé de la littérature, les papiers qu’il ne possédait pas, comme un intrus qu’il fallait débusquer et débarquer. L’intimidation intellectuelle fut telle, à en croire Adolphe Brisson, qu’« il vint un moment où les femmes du monde n’osèrent plus acheter ouvertement les romans de M. Ohnet ; elles s’en excusaient si elles étaient surprises chez le marchandxx ». On ne le nommait, disait Ganderax, qu’en baissant la voix ; pour le lire, on dissimulait ses livres sous la couverture des Diaboliques ou d’À rebours ; on n’allait voir ses pièces qu’en louant une loge grilléexxi. Surtout, la règle était de nier son statut d’écrivain – voire d’ajouter qu’il était bossu.
- xxii Thèse développée par Adolphe Brisson : « Jules Lemaître, […] en composant son cruel article, avait (...)
- xxiii Texte repris dans Les Contemporains. Études et portraits littéraires, 1ère série, Lecène et Oudin, (...)
- xxiv Repris dans La Vie littéraire, II, Paris, Calmann-Lévy, 1921. Il y affirmait : « Je ne connais pas (...)
- xxv Dans Notes sur le théâtre contemporain, 1888, Paris, Lecêne et Houdin, 1889, p. 56.
Faguet poursuit (...)
- xxvi Figures contemporaines, Paris, Perrin, 1895, p. 119-123.
11C’est Jules Lemaitre qui avait lancé ce qui allait devenir un tir groupé – pour répandre son nom, disait-onxxii. On connaît l’ouverture de l’article qui l’a fait connaître : « J’ai coutume d’entretenir mes lecteurs de sujets littéraires : qu’ils veuillent bien m’excuser si je parle aujourd’hui des romans de M. Georges Ohnet. […] si ces romans sont en dehors de la littérature, ils ne sont peut-être pas en dehors de l’histoire littérairexxiii. » La formule cruelle de Lemaitre fit florès. En 1888, Anatole France lui emboîta le pas en intitulant « Hors de la littérature » un éreintement féroce de Volontéxxiv. De peur d’être en reste, les critiques de théâtre s’essayèrent aussi à la méchanceté : « Je […] vais vous parler de La Grande Marnière, ce qui est une manière de parler de rienxxv », écrivait Émile Faguet au sortir du théâtre de la Porte-Saint-Martin, tandis que Bernard Lazare proclamait que « ce n’est pas disserter sur l’art que de disserter de M. Ohnetxxvi ». Une fois la formule banalisée, une réaction contraire se manifesta. Conscients de leurs propres excès et peut-être de l’image vindicative qu’ils donnaient de leur métier, certains critiques tentèrent de faire amende honorable. Le 9 avril 1888, Faguet finit par écrire au sortir d’une représentation de La Grande Marnière :
- xxvii Notes sur le théâtre contemporain, Paris, Lecêne et Houdin, 1889, t. 1, p. 57-58.
Il y avait un sentiment général de complaisance, par réactions contre les crises de mépris trop violentes, trop répétées surtout, dont M. Ohnet a été l’objet, sinon la victime, en ces derniers temps. Autant la première attaque, si vigoureuse, si brillante et si juste, si juste à fond, contre M. Ohnet, avait été un soulagement pour tous les hommes soucieux de littérature, autant les récidives plates et grosses des esprits à la suite avaient fait souhaiter que M. Ohnet obtint un vrai et franc succèsxxvii.
12L’embarras est que Faguet évalue ici la valeur intrinsèque de ses pièces alors que le grief principal réside ailleurs. Car les confrères et les critiques n’évoquaient jamais Ohnet sans citer le tirage de ses livres et le montant exorbitant de ses revenus.
- xxviii Balzac, Pierre Grassou, éd. Marcel Bouteron, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1950, t. (...)
13Depuis le succès du peintre Pierre Grassou dont le « nom est un terme de mépris dans les ateliersxxviii », on sait que la réussite commerciale d’un artiste peut constituer un motif d’éviction par ses pairs. A fortiori dans la seconde moitié du xixe siècle où les hiérarchies esthétiques fonctionnent au rebours du système commercial. La bêtise du bourgeois, son incurable inaptitude artistique étant une vérité établie, ce que le bourgeois apprécie et achète se range naturellement dans la catégorie de l’illisible et de l’inepte aux yeux des artistes ; inversement, l’art qu’il ignore ou rejette par incompréhension tire de ce mépris un brevet de supériorité, voire de génie. L’insuccès devenant ainsi la garantie du génie, des écrivains voient dans la mévente de leurs livres la preuve de leur excellence. Écrire pour un nombre infime de lecteurs d’élite, voire ne pas publier du tout dès lors que l’on tient la mise en vente pour un acte de prostitution, c’est ce dont témoignent une série de plaidoyers en faveur des génies méconnus et des écrivains sans lecteurs comme Les Poètes maudits de Verlaine, Un brelan d’excommuniés de Léon Bloy, ou encore l’article « Du dilettantisme » publié par Huysmans dans La Revue indépendante en 1887 et repris en 1889 dans Certains.
- xxix « Du dilettantisme », Certains, Paris, Stock, 1889, p. 9.
- xxx Interview publiée par Le Journal du 6 septembre 1893.
14De fait, un écrivain de l’avant-garde esthétique comme Huysmans, fort de la notoriété acquise par son dernier roman, écrit en 1884 au critique Émile Hennequin : « À rebours est […] un bouquin, singulièrement abstrus pour le bon public épris des eaux de M. Ohnet. Il est écrit pour quelques raffinés et délicats ». La cohabitation de la littérature d’élite et de la littérature commerciale est si scandaleuse à ses yeux qu’il s’élève dans Certains contre « le côte à côte indécent d’un Ohnet et d’un Flaubert, d’un Goncourt et d’un Delpitxxix » sur les rayons d’une même bibliothèque. Pire, on le voit se féliciter devant un reporter en 1893 d’avoir reçu la légion d’honneur à titre de fonctionnaire du ministère de l’Intérieur plutôt qu’à titre d’écrivain : « Songez donc, être décoré avec Ohnet ! ! ! Non, je parie que vous n’y avez point songé !… Ah ! ce que j’aime mieux être décoré comme rond-de-cuirxxx ! »
- xxxi Enquête sur le roman romanesque (Le Gaulois, 1891), éd. Jean-Marie Seillan, Romanesque 2, Centre d’ (...)
15Comme on le voit, Ohnet a acquis un statut particulier. Il sert de repoussoir aux yeux des avant-gardistes qui le soupçonnent de vouloir s’introduire dans leur coterie. Les douaniers veillent. Témoin Robert de Bonnières qui déclare à propos du roman romanesque pratiqué par Fortuné du Boisgobey et relancé par Marcel Prévost : « Marcel Prévost voudrait rendre le genre plus littéraire ; je l’en crois capable, mais M. Ohnet l’avait déjà tenté et y avait presque réussi, car le goût du public a été sur le point de se méprendrexxxi ». C’est bien pourquoi Ohnet fait partie des écrivains qu’on prend la peine d’exclure. On fait de son nom une frontière invisible, une sorte de mur de verre qu’il est interdit de franchir. Il tient lieu de démarcateur si l’on s’en rapporte à un chroniqueur de la Revue illustrée qui commence ainsi un portrait de l’écrivain :
Il existe, dans la littérature actuelle, une école nouvelle dont les disciples professent qu’il ne faut estimer la valeur d’une œuvre qu’au degré d’obscurité où elle reste. Si l’ouvrage réunit les suffrages d’une douzaine d’initiés, il est passable ; lorsque ceux qui le comprennent ne sont que six, il est meilleur ; et si l’auteur reste seul à ne pas s’y ennuyer, il faut déclarer la chose hors pair
- xxxii Revue illustrée, juin 1887, IIe semestre, p. 332.
C’est Georges Ohnet qui, sans le vouloir, mais en raison même de ses immenses succès, dans le livre et au théâtre, a aidé à l’éclosion de cette nouvelle doctrine. […] Il est si simple de trouver laide la femme qui s’obstine à vous ignorerxxxii.
16Est-ce à dire alors qu’il soit traité comme un feuilletoniste ? Nullement. Les écrivains qui l’ostracisent ignorent les feuilletonistes professionnels, parce qu’ils ne perçoivent pas en eux une concurrence contre laquelle il leur faudrait se défendre. Flaubert n’a rien à redouter de Ponson du Terrail, ni Zola de Xavier de Montépin. Adolphe Brisson se garde ainsi de confondre Ohnet avec ceux qu’il tient pour des spécialistes, avant la lettre, de l’entertainment :
- xxxiii Pointes sèches, op. cit., p. 13.
Nous voyons d’autres romanciers populaires que les journaux couvrent d’or et que la critique ne tourmente point. A-t-elle eu jamais l’idée de s’acharner sur les feuilletons de l’excellent Richebourg ou de M. Xavier de Montépin ? Elle considère que ces ouvrages, uniquement affectés à l’amusement du public, sont à côté de son domaine, et qu’ils sont dénués de prétention, et qu’ils échappent, par cela même, à ses rigueursxxxiii
17En fait, les “vrais” écrivains redoutent une sorte de contagion de la part d’Ohnet. Ils l’excluent avec d’autant plus de rigueur que les lecteurs risquent de confondre ses livres avec la “vraie” littérature – c’est-à-dire la leur. Jules Lemaitre a décrit l’inquiétude fébrile qu’ils mettent à la défense de leur territoire :
- xxxiv Jules Lemaître, Impressions de théâtre, 2e série, Paris, Société française d’Imprimerie et de Libra (...)
[Ses] livres ont, aux yeux des simples et des demi-lettrés, l’apparence d’œuvres littéraires. Mais ce n’est pas de la littérature […] jamais, jamais, les trois ou quatre romanciers originaux que nous avons aujourd’hui, et même les plus obscurs de leurs disciples, ne le considéreront, je ne dis pas comme un égal, mais comme un compagnon occupé des mêmes besognesxxxiv
18Au total, Georges Ohnet n’appartient ni à l’élite de la littérature qui refuse de l’accueillir, ni à la troupe des feuilletonistes qui jouit dans le système éditorial d’une place reconnue qui n’est pas la sienne. Trop peu artiste pour les premiers, trop artiste pour les seconds, il se retrouve ainsi logé dans une sorte de zone intermédiaire du roman. Pour autant, sa relégation ne s’explique pas par la nullité intrinsèque de ses romans, puisqu’il est accompagné dans ce no man’s land littéraire par d’autres écrivains dont les œuvres ne sont ni meilleurs ni pires que les siennes. Rare exception parmi les critiques contemporains, Bernard Lazare a l’équité de l’admettre :
- xxxv Figures contemporaines, Paris, Perrin, 1895, p. 119-123.
Entre tant de romanciers vulgaires et de poètes inférieurs, il a été choisi comme bouc émissaire. Il a supporté le poids de toutes les rancunes, il a été l’instrument de toutes les ambitions, et on a vécu des anathèmes qu’on lui lançait. On a affiché le dédain de ses œuvres, pour pouvoir louer M. Rabusson ou feu Delpit avec plus d’autorité, et, pour les bourgeois de notre temps, le mépris d’Ohnet est devenu le commencement de la sagesse esthétiquexxxv
19Le traitement critique d’Ohnet est donc à la fois ordinaire, du fait qu’il a des homologues, et exceptionnel puisqu’il sauvegarde la réputation de ceux-ci en leur servant de bouc émissaire. Mais avant de se demander si la zone grise où ils sont détenus ne désigne pas la littérature moyenne, il faut expliquer pourquoi il a sur les autres le douteux avantage de servir de cible, et donc interroger les raisons de son exclusion personnelle
20Les faits, ici, sont connus : ce qui est en cause, c’est le tirage des romans de Georges Ohnet qui atteint des chiffres inégalés. Impossible de lire un article qui évalue Ohnet sans sortir une machine à calculer. Parmi bien d’autres, Jules Lemaitre fait l’addition :
En quelques années, Le Maître de forges a eu deux cent cinquante éditions ; Serge Panine, couronné par l’Académie française, en a eu cent cinquante ; La Comtesse Sarah, tout autant ; Lise Fleuron, une centaine, et La Grande Marnière en a déjà quatre-vingts. C’est là, comme on dit, le plus grand “succès de librairie” du siècle
- xxxvi Journal, éd. cit., 7 juillet 1885, t. II, p. 1169.
- xxxvii Ibid., 18 juin 1896, t. III, p. 1300.
- xxxviii Dans Grands hommes en robe de chambre, Paris, Société d’Édition des Gens de Lettres, 1897, p. 290-2 (...)
21Or ces chiffres mettent hors d’elle-même la République des lettres, et tout particulièrement ceux de ses membres qui prétendent mépriser leurs lecteurs. Dans le Petit Bottin des lettres et des arts, le nom d’Ohnet est suivi de la mention laconique : « N. C. », c’est-à-dire « Notable Commerçant », mais on constate qu’il partage ce titre infamant avec Maupassant, rangé par la postérité sur les rayons de la grande Littérature. Edmond de Goncourt note avec amertume qu’il doit se contenter, lui, d’une maigre rétribution symbolique : « Il ne reste plus qu’à mourir à un lettré au moment où Clarétie et Ohnet menacent de devenir de grands hommesxxxvi » – Ohnet que Goncourt, une semaine avant sa mort, accuse encore de bénéficier chez l’éditeur Ollendorff d’« un merveilleux monteur de réclamexxxvii ». Mais, réplique non sans raison Charles Buet, « M. Alphonse Daudet, M. Edmond de Goncourt […] ne furent point pour se désintéresser de ces questions de tirage et de vente et […] il leur arriva de mesurer – par mégarde – le talent d’un écrivain à la quantité de tonnes de papier que son libraire consommexxxviii. »
- xxxix Le Désespéré, éd. Pierre Glaudes, Paris, GF Flammarion, 2010, p. 320.
22Chez Léon Bloy, qui fait allusion à Ohnet dans Le Désespéré comme à « ce Crotoniate, à cet Hercule Farnèse, à ce Colosse Rhodien de l’imbécillité françaisexxxix », le rejet est plus mesquin. Il est pécuniaire et physique :
- xl Le Désespéré, ibid., p. 69.
On ne voit guère – écrit-il – qu’un seul homme de lettres qui se puisse flatter d’avoir joui, en ces derniers temps, d’une aussi insolente fortune. C’est Georges Ohnet, l’ineffable bossu millionnaire et avare, l’imbécile auteur du Maître de Forges, qu’une stricte justice devrait contraindre à pensionner les gens de talent dont il vole le salaire et idiotifie le publicxl.
- xli Paris, Flammarion, 1895, p. 26.
- xlii A. de Pontmartin, Souvenirs d’un vieux critique, 7e série, Paris, Calmann Lévy, 1886, p. 316.
- xliii Impressions de théâtre, 2e série, op. cit., p. 166.
23Si tous les critiques ne sont pas mus par le dépit du « mendiant ingrat », tous font le même constat. « Les acheteurs punissent aujourd’hui M. Ohnet d’avoir mis son idéal dans la vente », constate Antoine Albalat dans Le Mal d’écrire et le roman contemporainxli. Armand de Pontmartin, critique catholique et monarchiste, ajoute : « Le grand tort de M. Georges Ohnet, ce sont les trois cents représentations du Maître de forges, le chiffre colossal de ses droits d’auteur, le succès démesuré de ses romans et de ses pièces, cette qualité d’homme heureux, constamment heureux depuis ses débuts, le plus énorme des défauts aux yeux de ceux qui n’ont pas réussi ou qui ne réussissent pasxlii ». Bref, c’est le succès inégalé des romans et des pièces de théâtre qui ont fait d’Ohnet une cible favorite. Jules Lemaitre, toujours perfide, l’admet le 17 janvier 1887 en rendant compte de La Comtesse Sarah au théâtre : « Si les romans de M. Ohnet n’avaient eu qu’une trentaine d’éditions et si Le Maître de forges n’avait été joué qu’une centaine de fois, tout aurait été pour le mieux, personne n’en aurait parlé et M. Ohnet serait mort avec cette conviction qu’il est un artistexliii ». Le moins inéquitable de tous est sans doute Adolphe Brisson qui a décrit après coup la campagne journalistique menée contre Ohnet :
- xliv Pointes sèches, op. cit., p. 11.
M. Ohnet a eu contre lui, pendant quinze ans, tous les écrivains qui ont mission de juger les productions de l’esprit. Et s’il n’y avait eu que ceux-là ! Les chroniqueurs, les échotiers, les reporters, les tirailleurs du petit journalisme vinrent à la rescousse. Une sorte de consigne s’établit sans que l’on sût précisément de qui elle émanait. Elle n’émanait de personne. […] Il fut convenu, du haut en bas de la presse, que l’auteur du Maître de Forges devait être vilipendéxliv
24De fait, à la jalousie, indice de la réussite commerciale d’Ohnet, s’est ajoutée la satire à laquelle il a servi de tête de Turc. Lorsqu’un consensus se forme sur les prétentions littéraires abusives de l’écrivain, celui-ci devient, non pas pastichable – car il lui faudrait, Proust l’a montré, le style personnel qu’il est accusé de ne pas posséder –, mais parodiable. La presse satirique s’en donne à cœur joie avec lui parce que ses romans sont connus de tous et que les avanies que la critique lui inflige se popularisent à proportion des chiffres de ses ventes. Dès lors que le panurgisme intellectuel tient lieu d’esprit critique et que la signature d’Ohnet signifie nullité littéraire, le moindre mot d’éloge prononcé en sa faveur bascule dans l’ironie. Dans une saynète intitulée Le Maître de forges, Georges Courteline s’amuse ainsi de la réception de son roman en faisant dialoguer, dans une chambre à coucher, un couple de bourgeois admiratifs, le mari, nommé Monsieur, le lisant et le commentant à Madame :
- xlv Le Miroir concave, Paris, Société littéraire de France, 1919, p. 79-81.
Monsieur
Je commence. Nous étions arrivés au moment où Philippe Derblay se dispose à quitter la chambre nuptiale.
Il lit.
« Vous venez en un instant de détruire tout mon bonheur, dit Philippe d’une voix émue, et je pleure madame, je pleure !... »
S’interrompant.
Mon Dieu ! que c’est joli, ce Maître de Forges ! et comme c’est humain ! Voilà soixante et onze fois que je le relis toujours avec la même admiration.
Il lit.
« Mais c’est assez de faiblesse, continua Derblay qui se leva et essuya du revers de la main une larme, restée au bord de sa paupière. Vous parliez tout à l’heure de me payer votre liberté. Hé bien ! je vous la donne pour rien !... »
S’interrompant.
Ce qui me plaît là-dedans, c’est que c’est bien écrit. Ah ! la forme ! la forme ! il n’y a que ça ! Tu le comprendras quand tu seras plus familiarisée avec la littérature. […] Et quand on songe qu’il y a des gens qui n’apprécient pas Georges Ohnet !... Faut-y être bêtexlv ! »
25La Vie parisienne parodie ses thématiques romanesques en ouvrant le 19 septembre 1891 une enquête auprès des écrivains, imitée de celle de Jules Huret sur l’évolution littéraire, sur La Crise de l’amour. La réponse apocryphe prêtée à Ohnet prouve que les lecteurs de la revue ont lu ses romans antérieurs, connaissent ses personnages types et la stéréotypie idéaliste et sont capables de situer Jules Claretie dans le champ littéraire :
Justement, dit-il, c’est le sujet de mon prochain roman : Amour mortel. Vous y verrez un jeune duc qui, malgré la disproportion des situations sociales, s’éprend de la fille d’un gros commerçant ruiné. Ses parents, entichés de leur titre, refusent avec dédain de discuter une telle mésalliance. Le jeune homme, désespéré, se souvient qu’il est chrétien et s’enrôle sous la bannière civilisatrice d’un explorateur ; il va chercher la mort sur le continent noir, et sa dernière parole est pour sa bien-aimée (l’avant-dernière pour sa mère). La jeune fille, longtemps malade de chagrin, est soignée par un ami de son frère, un jeune chimiste qui l’aime en silence. Après quinze ans de fidélité au souvenir de celui qui est tombé sous la zagaie du sauvage, elle se décide à récompenser la constance dans l’amour. Tous mes personnages sont observés directement de la réalité, ou, au moins, inspirés par les romans si naturalistes de M. Claretie.
- xlvi La Caricature, 26 juin 1884, p. 213.
26On pourrait joindre à ces deux exemples la transposition graphique de son roman Lise Fleuron (1884), publiée dans La Caricature sous le titre de « Vie de Sainte Lise Fleuron, racontée par Georges Ohnet et illustrée par Robida ». En neuf vignettes assorties d’une légende, le roman, qui narre les malheurs d’une actrice vertueuse – oxymore inconcevable selon le code romanesque de l’époque – est transféré de façon burlesque dans le genre édifiant de l’hagiographie. Intitulée « Lise Fleuron chez elle », l’une des huit vignettes a ainsi pour légende : « À d’autres les soupers en cabinet particulier ; Lise ne fait plus la fête, elle lit le Maître de forges à sa vieille mère aveugle. Ses ailes commencent à pousserxlvi. » La même année, une feuille satirique de quatre pages intitulée Journal des Assassins (« Feu Troppmann, fondateur ») publie une « protestation » prêtée à Georges Ohnet :
- xlvii Le 25 mai 1884, no 9, p. 3.
Monsieur le rédacteur,
Le Gil Blas m’accuse d’avoir pillé le volume d’un auteur féminin de la Suède pour écrire mon roman Le Maître des Forges. Je ne puis, pour répondre, m’adresser mieux qu’à votre feuille spéciale et compétente.
Je ne me suis pas borné à voler l’auteur, j’ai assassiné cette pauvre femme, dont j’ignorais le nom, l’âge et la naissance, espérant jouir en paix du fruit de mon crime.
Il est important que cette rectification soit faite.
Je vous prie d’agréer, etc.,
GEORGES OHNETxlvii.
- xlviii Teodor de Wyzewa, Écrivains étrangers, 2e série, Paris, Perrin, 1897, p. 138.
27Ohnet inspire même des blagues aux plus sérieux lorsque Teodor de Wyzewa, champion du symbolisme, s’amuse à raconter : « M. Ollendorff, toujours avisé, fit annoncer dans un journal que M. Ohnet avait humecté son manuscrit, en racontant les mésaventures du Maître de Forges et le Maître de Forges fut acheté à trois cent mille exemplairesxlviii. »
28À notre connaissance, aucun romancier à succès, feuilletoniste ou non, n’a réuni contre lui une aussi nombreuse et tenace coalition de confrères et de critiques. Pour en comprendre les raisons, il reste, au-delà des oukases de la critique et des parodies, bonnes ou mauvaises, qu’il inspirait, à définir ce que l’on condamnait précisément dans ses romans et ses pièces.
29Les trois griefs qui lui sont faits reposent sur l’idée de platitude conventionnelle, de banalité, de médiocrité au sens de moyenne, qu’ils touchent la question de la langue, de la narration ou de l’idéologie.
- xlix « Les Jeudis d’Alphonse Daudet », Souvenirs de la vie littéraire, Paris, Fayard, 1921, p. 31.
30Alphonse Daudet, raconte Antoine Albalat, « définissait Ohnet “le sujet, le verbe et l’attribut”xlix ». On n’accusait donc pas Ohnet de violenter la langue française, procès intenté à nombre des feuilletonistes, mais de se satisfaire d’une simplicité syntaxique confinant à la platitude. Adolphe Brisson corrobore ce jugement en insistant pour sa part sur l’extrême pauvreté de son lexique :
- l Pointes sèches, op. cit., p. 15-16.
La langue de M. Ohnet est médiocre et moyenne, grossoyée et dépourvue de délicatesse ; elle est de pâte commune, ce qui ne veut pas dire qu’elle soit dénuée de prétention. Il s’en exhale une impression de vulgarité qui est due, je pense, à deux causes : 1° M. Ohnet fait un abus considérable des locutions éculées par l’usage, de ce qu’on nomme familièrement, les clichés ; 2° il est attiré par une inconcevable prédilection vers le mot banal et inexpressifl
31De cette littérature de la langue commune, Brisson analyse ensuite un exemple :
- li Ibid. Souligné par l’auteur.
Supposons qu’il [Georges Ohnet] ait le dessein de rendre l’atmosphère d’une réunion mondaine, d’un « bal aristocratique », et écoutons-le : « La fête du comte Worézeff avait tenu ses promesses. Dans le hall de l’hôtel des Champs-Élysées féeriquement éclairé, une foule animée et joyeuse circulait dans une atmosphère enivrante, faite du parfum des fleurs et de la capiteuse odeur des femmes... Des couples dansaient au son d’une musique entraînante, qu’un orchestre laissait tomber en ondes sonores... Des éclats de rire perlés résonnaient, fanfare joyeuse de cette nuit de plaisir... Tout était ouvert dans l’hôtel, merveille d’installation artistique... » etc.li
- lii En rade, Paris, Stock, 1887, p. 60.
- liii Le Maître de forges, Paris, Ollendorff, 1883, p. 68.
- liv Enquête sur le roman romanesque, éd. cit., p. 198.
- lv Lettre à Arnold Goffin, 20 décembre 1899.
32Or cette neutralisation linguistique et stylistique maximale s’oppose au marqueur de littérarité dominant des années 1880 : la poursuite du mot rare, de l’adjectif inattendu, allant jusqu’à l’opacité préméditée. Une comparaison suffira. Placé devant la façade d’un château ruiné par la Révolution, Huysmans écrit : « l’expuition catarrhale des eaux, les couperoses du plâtre, la chassie des fenêtres, les fistules de la pierre, la lèpre des briques, toute une hémorragie d’ordures, s’étaient rués sur ce galetas qui crevait seul à l’abandonlii ». La profusion métaphorique et la rareté des mots sont telles que les protes, incapables de relever ce défi lexical, résolvaient la difficulté, dit-on, en remplaçant expuition par expulsion et la chassie par le châssis. Face à cet élitisme lexical qui dresse devant le lecteur un insolent barrage de mots, il se trouve qu’Ohnet décrit dans Le Maître de forges un château délabré où survit une famille d’aristocrates ruinés : « Le château est posé sur un massif en grès brun, qui l’élève et lui donne de l’élégance. Mais il est noir et triste. Ses grands toits d’ardoise se découpent lugubrement sur le ciel. Philippe ayant pris le parti de se confiner dans une aile de la vaste et froide demeure, le reste est fermé. Et sans les soins de Brigitte […] qui […] remplit avec autorité les fonctions de gouvernante, le château serait complètement abandonnéliii. » Infirmité linguistique ? Non pas, proteste Georges Ohnet dans une interview donnée au Gaulois : « nos symbolistes d’aujourd’hui […] torturent notre belle langue, la plus pure, la plus exacte. Si on les laissait faire, dans dix ans la langue française n’existerait plusliv. » À cette défense de la santé de la langue française, le même Huysmans aurait pu répliquer ce qu’il écrivait à un confrère : « J’égrote et valétudine – mais si nous n’étions pas ainsi, aurions-nous des nerfs ? / Ça vaut peut-être mieux encore que d’être des Theuriet et autres lavasses en chairs pleines et molles – des poulpes littéraires comme Ohnetlv. »
- lvi Albert Camus, La Peste, Paris, Gallimard, 1947, rééd. coll. Folio, p. 107.
- lvii La Grande Marnière, Paris, Ollendorff, 1885, 40e éd., p. 1.
33La postérité, il faut bien le reconnaître, a désavoué le conformisme stylistique d’Ohnet et perpétué de lui l’image de l’écrivain médiocre aspirant sans y parvenir à entrer dans la littérature. Voulant représenter dans La Peste l’impuissance d’un écrivain incapable de « trouver le mot juste », Albert Camus prête au personnage de Joseph Grand la phrase suivante censée servir d’incipit au roman qu’il n’écrira jamais : « Par une belle matinée du mois de mai, une élégante amazone parcourait, sur une superbe jument alezane, les allées fleuries du Bois de Boulognelvi. » Or c’est au début de La Grande Marnière, roman d’Ohnet paru en 1885, qu’il en a emprunté le modèle : « Dans un de ces charmants chemins creux de Normandie […], par une belle matinée d’été, une amazone […] s’avançait au pas, les rênes abandonnées, rêveuse […]lvii ». Où l’on voit que Georges Ohnet résumait encore en 1947 l’impuissance d’une certaine littérature idéaliste à dire la violence du monde.
- lviii Georges Ohnet, préface des Soirées de la Baronne, de E. Guyon, Paris, Ollendorff, 1885, p. VII-VIII (...)
34Un reproche similaire, qui a constitué un second motif d’exclusion, a visé sa pratique de la narration. Au début des années 1880, Ohnet s’est heurté à la double volonté de la modernité naturaliste d’écrire des romans peuplés de personnages ordinaires et dépourvus d’intrigue, à la façon du Pot-Bouille de Zola ou d’Une belle journée d’Henry Céard. Or Ohnet refuse le premier principe, convaincu que, pour bâtir une intrigue, « les types d’exception présentent seuls de l’intérêt. […] Le type sorti du moule commun, le “modèle courant”, comme on dit dans le commerce, Monsieur Machin ou Madame Chose, ne méritent pas un trait de plumelviii. » Du même coup, il récuse le second principe et se plaît à nouer et à dénouer des aventures dramatiques. Qu’il fût un bon affabulateur, Adolphe Brisson le lui accordait volontiers : « M. Georges Ohnet a eu du mérite, et, certainement, il continue d’en avoir. Ç’a été un constructeur très solide, un narrateur agréable et fécond en ressources. » C’est même le seul mérite que les critiques lui reconnaissaient après qu’ils l’avaient copieusement éreinté. Témoin le critique de théâtre Camille Le Senne :
35L’auteur du Maître de forges n’est pas un styliste : à peine se préoccupe-t-il d’être un écrivain. […] Mais son mépris du style, de la vraisemblance, de la description, des raffinements psychologiques et de quelques autres accessoires qui, ailleurs, semblent le principal, lui permet de ne s’occuper que du drame, de ne soigner que les situations à effet.
- lix Le Théâtre à Paris, 1ère série, Paris, H. Le Soudier, 1883-1884, p. 26.
36C’est un art inférieur, peut-être, mais c’est un art spéciallix
37Francisque Sarcey, critique influent mais décrié par les auteurs d’avant-garde parce qu’il épousait, disait-on, les goûts du grand public, a analysé ce phénomène dans son feuilleton dramatique du 24 décembre 1883 dédié à l’adaptation du Maître de forges à la scène :
- lx Texte repris dans Quarante ans de théâtre : feuilletons dramatiques, vol. 7, Paris, Bibliothèque de (...)
l’étude des passions y est superficielle ; les caractères tiennent plus de la convention que de la réalité ; le style, encore qu’il ait le mouvement dramatique, est de conversation courante, entre gens qui parlent une langue ordinaire. Non, à coup sûr, je ne regarde pas le Maître de forges comme un chef-d’œuvre. Voyez pourtant, ô jeunes gens, ce que peuvent au théâtre les qualités dont vous faites orgueilleusement fi : la science des combinaisons, la dextérité et la sûreté de main, l’art de conduire logiquement une seule et même idée, sous forme dramatique, de l’exposition au dénouement, puisque, avec ces seuls mérites, M. Ohnet a conquis le public tout entier. Regardez ce que deviennent à côté des ouvrages à prétentions plus hauteslx.
38Seulement, en dépit des efforts de Sarcey pour offrir les drames d’Ohnet en modèle à la jeune génération, le marché du roman et du théâtre ne recherchait plus cette denrée. Ohnet, qui adaptait ses romans à la scène sans l’aide d’un carcassier, avait beau passer pour un agenceur d’intrigues efficace, la seule qualité que les critiques lui reconnaissent avait alors le tort d’être banalisée par les feuilletons et les mélodrames : elle était versée à son débit et jouait contre lui
- lxi Dans Le Théâtre à Paris, 2e série, Paris, H. Le Soudier, 1885, p. 437.
- lxii Émile Michelet, « Un trio de romans », 9 avril 1888.
- lxiii Figures contemporaines, Paris, Perrin, 1895, p. 122.
39Finalement, ce qu’on reprochait à Ohnet sous couvert de littérature, c’était moins l’immensité de son public que la nature de ce public. Faiblesse et courage mêlés, Ohnet a été un écrivain en accord avec les valeurs de la bourgeoisie à une époque où, plus qu’à aucune autre, la provocation anti-bourgeoise était devenue la règle. Au fil de sa quarantaine de romans, il a illustré avec conformisme les principes issus de 1789 : le travail et l’effort, le mérite et la réussite personnelle, la cohésion de la famille, de la société et de la nation. En plaçant ainsi le curseur axiologique dans ces zones médianes et consensuelles, il satisfaisait ceux qu’effarouchaient les outrances des modernistes mais passait à leurs yeux pour l’anti-artiste absolu et donc le parangon du bourgeois. Mot que ses contemporains ont répété à l’envi. D’accord avec Camille Le Senne qui définissait son théâtre comme « l’idéalisme bourgeoilxi », un chroniqueur du Gaulois trouvait dans ses romans « la dose de sentimentalisme que réclame la moyenne du public français actuellxii ». Plus précis, Bernard Lazare écrivait : « Il est l’historiographe de la bourgeoisie contemporaine, il a fait revivre ses modèles avec la plus effrayante exactitude, il les a décorés des vertus et des vices, des pensées et des passions qui leur étaient propres, et, comme il avait leur âme, il fut leur parfait psychologuelxiii. » Jugement corroboré par Émile Faguet :
- lxiv Émile Faguet, Notes sur le théâtre contemporain, t. 3, 1889-1891, p. 349 à propos de Le Dernier Amo (...)
Le fond du système dramatique de M. Ohnet consiste à arranger les événements de telle sorte que les idées chères à la foule, ses sentiments universels, ses préjugés mêmes, quand ils sont comme unanimes, soient franchement, énergiquement, hardiment et audacieusement satisfaits. […] C’est en même temps qu’une belle vocation artistique une haute mission moralisatrice que poursuivait ainsi M. Ohnetlxiv.
- lxv Ibid., p. 355.
- lxvi La Revue des Livres et des Estampes, rubrique « Belles-Lettres », 1er octobre 1884.
40Et Faguet d’ajouter qu’Ohnet obéissait ainsi à « une sorte de fatalité des idées saineslxv » : formule assassine expliquant qu’il ait fait l’objet d’une éviction radicale de la part de ceux qui se piquaient, à une époque où la Décadence, cultivant les idées malsaines, rêvait d’inventer des crimes inouïs et des péchés neufs, de figurer l’élite littéraire post-naturaliste. Témoin Joséphin Péladan qui, à vingt-six ans, ne s’était pas encore autoproclamé Sar. Fort de la seule publication du Vice suprême, il rendait compte dans une revue éphémère qu’il rédigeait seul de Lise Fleuron, ce roman où Ohnet tressait une couronne de martyre à une actrice de théâtre vertueuse : « Jamais il [Ohnet] n’aura un témoin, un parrain ou pair parmi les d’Aurevilly, les de Banville, les de Goncourt, jamais il ne pourra dire : “Je suis dans la bibliothèque de tel lettré”. […] avec son demi-million de lecteurs il gardera l’excommunication littéraire que je formule sans raison de haine aucune “pour seulement esthétique maintenir” M. Ohnet est un bourgeoislxvi ». Péché irrémissible
- lxvii Enquête sur le roman romanesque, éd. cit., p. 226-227.
41Finalement, doit-on penser que les romans d’Ohnet constituent un étage intermédiaire dans la hiérarchie littéraire qui définirait quelque chose comme une littérature moyenne ? On hésitera à l’affirmer, mais le romancier Paul Bonnetain le laisse à penser lorsqu’il présente dans l’« Enquête sur le roman romanesque » parue dans Le Gauloislxvii, une sociologie tripartite des lecteurs, Ohnet et quelques autres romanciers ne se confondant ni avec les véritables artistes (parmi lesquels Bonnetain se range) ni avec les pourvoyeurs de la presse populaire :
- lxviii Revue des Deux Mondes. Dans cette liste, seuls Delpit et Theuriet, avec respectivement douze et tre (...)
Lorsqu’on nous lit, dans le monde et dans la bourgeoisie, c’est par mode, pour se tenir au courant, pour se donner l’air dilettante ; mais on nous préfère MM. Ohnet, de Tinseau, Malot, Delpit, Theuriet, et les fournisseurs de la Revuelxviii.
- lxix Apparu en 1880, ce bi-hebdomadaire littéraire du groupe du Petit Parisien reproduit dans ses seize (...)
42Quant au peuple, il nous ignore et cherche dans les feuilletons du journal à un sou des sous-Ohnet qui le ravissent. La Vie populairelxix et autres feuilles de reproduction ont bien répandu un peu notre littérature, mais dans une clientèle intermédiaire, dans le monde des employés.
43Sur un plan au moins, celui de l’axiologie, Ohnet semble adhérer lui-même à cette tripartition. Interviewé par un journaliste du Gaulois, il déclare occuper un espace médian, une sorte de zone grise qui lui permet de répudier les extrêmes et de s’appliquer, à coups de gros bon sens et de clichés, à les équilibrer :
Je ne connais que deux sortes d’écrivains : les pessimistes et les optimistes. Les premiers voient tout en bleu ; les seconds voient tout en noir. Ceux-ci sont attristants, décourageants.
- lxx Enquête sur le roman romanesque, éd. cit., p. 198.
44Dans ces deux genres, les extrêmes ont tort. S’il est vrai qu’il y ait des gredins sur la terre, il est vrai aussi qu’il y a d’honnêtes gens. Si la vie a des heures mauvaises, elle a aussi du bon. Le romancier qui ne montre qu’un côté de la vie ou qui ne s’occupe que d’une certaine catégorie d’individus a tort. Il faut qu’il montre les deux faces de l’existence. Cette dernière est pleine d’antithèses, de contrastes, qui doivent continuellement se heurter dans une œuvre pour que cette œuvre soit impartialelxx
45En un mot, Ohnet se perçoit comme un écrivain du juste milieu, et dans cette formule honnie réside peut-être le motif principal de l’ostracisme dont il a été l’objet. On se rappelle en effet que Balzac, décrivant dans César Birotteau les mœurs des « gens qui montent d’un étage social à l’autre », racontait en 1837 que le parfumeur recevait en cadeau de sa fille de la littérature achetée au mètre :
- lxxi La Comédie humaine, éd. Marcel Bouteron, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1952, t. V, (...)
Césarine avait jeté toutes ses économies de jeune fille dans le comptoir d’un libraire, pour offrir à son père : Bossuet, Racine, Voltaire, Jean-Jacques Rousseau, Montesquieu, Molière, Buffon, Fénelon, Delille, Bernardin de Saint-Pierre, La Fontaine, Corneille, Pascal, La Harpe, enfin cette bibliothèque vulgaire qui se trouve partout et que son père ne lirait jamaislxxi.
- lxxii Jules Lemaître, Les Contemporains, 1ère série, op. cit., p. 340.
- lxxiii Charles de Larivière, « Chronique littéraire », La Revue générale : littéraire, politique et artist (...)
46Deux générations plus tard, il semble bien que le dualisme de Tocqueville et de Sainte-Beuve ne rende plus compte de la nouvelle stratification sociale. Entre l’aristocratie culturelle et la littérature dite industrielle, une production s’est introduite qui n’a ni les exigences de l’une ni la (supposée) vulgarité de l’autre. En un mot, Birotteau ne lisait pas mais ses petits-fils s’arrachent Le Maître de forges. Car Georges Ohnet, certains l’ont compris, a su proposer des romans « merveilleusement adaptés au goût, à l’éducation, à l’esprit de son public spécial composé d’illettrés qui aspirent à la littératurelxxii », il a eu « la bonne fortune de se vouer à un genre de roman ni trop haut ni trop bas, à la portée de touslxxiii ».
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Note de fin
i Dans une démocratie, les lecteurs « aiment les livres qu’on se procure sans peine, qui se lisent vite, qui n’exigent point de recherches savantes pour être compris. Ils demandent des beautés faciles qui se livrent d’elles-mêmes […] » (Paris, GF Flammarion, 1981, t. II, p. 73).
ii « De la littérature industrielle », 1er septembre 1839, p. 675-691.
iii Dans Épilogues. Réflexions sur la vie, 1895-98, Paris, Société du Mercure de France, 1903, p. 190-191.
iv Dans Splendeurs et misères du roman populaire, Lyon, Presses universitaires de Lyon, 1991.
v Le Roman, Colette Becker dir., Rosny, Bréal, 1996.
vi Histoire du roman populaire en France, Paris, Albin Michel, 1980, p. 192.
vii Splendeurs et misères du roman populaire, op. cit., p. 11.
viii Lire Marie-Ève Thérenty, « Le long et le quotidien. De la dilatation médiatique des romans au xixe siècle », La Taille des romans, éd. Alexandre Jefen et Tiphaine Samoyault, Paris, Classiques Garnier, 2013, p. 131-148.
ix Après la mort de Ponson du Terrail, Constant Guéroult a pris la suite dans Le Retour et la Fin de Rocambole en 1875 et Les Nouveaux Exploits de Rocambole en 1880. Il a été lui-même suivi par Jules Cardoze en 1886 avec Les Bâtards de Rocambole et par Frédéric Valade.
x Lire Yves Olivier-Martin, op. cit., p. 52-55. L’auteur reconnaît qu’Ohnet appartient à un courant idéaliste proche de la technique narrative et des thèmes apportés par Octave Feuillet (p. 21).
xi Paru dans la Petite Presse en juillet-août 1867, repris dans Ponson du Terrail, dossier no 1, par René Guise, Université de Nancy II, 1986.
xii Le Livre, bibliographie moderne pour l’année 1880, p. 376.
xiii Le Livre, « Critique littéraire du mois », 1884, p. 419, signé G. T.
xiv Revue des Deux Mondes, 1er février 1882, p. 693-694.
xv Revue des Deux Mondes, « Revue dramatique », 15 avril 1888, p. 944.
xvi Le Figaro, 18 décembre 1866, à propos de son roman Victimes d’amour.
xvii La Cloche, 23 mai 1872.
xviii Le Figaro, 22 décembre 1878. Nous empruntons ces trois références à F. W. J. Hemmings, « La Critique d’un créateur : Zola et Malot », Revue d’Histoire littéraire de la France, janvier-mars 1967, p. 55-67.
xix Journal, éd. Robert Ricatte [1956], rééd. Paris, Laffont, coll. Bouquins, 3 janvier 1884, t. II, p. 1039.
xx Adolphe Brisson, Pointes sèches : physionomies littéraires, Paris, A. Colin, 1898, p. 14.
xxi Chronique dramatique signée Louis Ganderax à propos de l’adaptation de La Grande Marnière au théâtre de la Porte-Saint-Martin, Revue des Deux Mondes, avril 1888, p. 941-942.
xxii Thèse développée par Adolphe Brisson : « Jules Lemaître, […] en composant son cruel article, avait obéi à divers mobiles, d’où la malignité n’était pas exclue. Il était jeune ; il aspirait à être célèbre : il pensa qu’un bel éreintement ne serait pas inutile à sa renommée, et il choisit comme victime M. Georges Ohnet. » (Pointes sèches, op. cit., p. 11).
xxiii Texte repris dans Les Contemporains. Études et portraits littéraires, 1ère série, Lecène et Oudin, 1886, p. 337 à 355. Lemaitre achevait son étude (p. 355) sur cette définition : « C’est du Feuillet sans grâce ni délicatesse, du Cherbuliez sans esprit ni philosophie, du Theuriet sans poésie ni franchise », éloges indirects qui situent ses goûts littéraires du côté idéaliste et prouvent qu’il s’en prenait moins à une école qu’à l’un de ses représentants. – Ayant commencé dans l’outrance, Jules Lemaitre s’interdit ensuite d’écrire sur Ohnet et s’en amuse devant ses lecteurs à propos de La Grande Marnière : « […] si j’en disais du mal, je rabâcherais. Si j’en disais du bien, vous ne me croiriez pas » (Impressions de théâtre, 3e série, Paris, Société française d’Imprimerie et de Librairie, 1899 ; 9 avril 1888).
xxiv Repris dans La Vie littéraire, II, Paris, Calmann-Lévy, 1921. Il y affirmait : « Je ne connais pas de livres qui me déplaisent plus que les siens. Je ne sais rien de plus désobligeant que ses conceptions, ni de plus disgracieux que son style. […] M. Ohnet est détestable avec égalité et plénitude » (p. 59).
xxv Dans Notes sur le théâtre contemporain, 1888, Paris, Lecêne et Houdin, 1889, p. 56. Faguet poursuit son éreintement avec un embarras manifeste : « Ce n’est pas qu’on fût mal disposé pour le nouvel ouvrage de M. Ohnet. Je jure que non. Bien au contraire. Il y avait un sentiment général de complaisance, par réactions contre les crises de mépris trop violentes, trop répétées surtout, dont M. Ohnet a été l’objet, sinon la victime, en ces derniers temps. Autant la première attaque, si vigoureuse, si brillante et si juste à fond, contre M. Ohnet, avait été un soulagement pour tous les hommes soucieux de littérature, autant les récidives plates et grosses des esprits à la suite avaient fait souhaiter que M. Ohnet obtînt un vrai et franc succès. » (ibid.)
xxvi Figures contemporaines, Paris, Perrin, 1895, p. 119-123.
xxvii Notes sur le théâtre contemporain, Paris, Lecêne et Houdin, 1889, t. 1, p. 57-58.
xxviii Balzac, Pierre Grassou, éd. Marcel Bouteron, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1950, t. VI, p. 132.
xxix « Du dilettantisme », Certains, Paris, Stock, 1889, p. 9.
xxx Interview publiée par Le Journal du 6 septembre 1893.
xxxi Enquête sur le roman romanesque (Le Gaulois, 1891), éd. Jean-Marie Seillan, Romanesque 2, Centre d’Étude du Roman et du Romanesque de l’Université de Picardie, 2005, p. 199.
xxxii Revue illustrée, juin 1887, IIe semestre, p. 332.
xxxiii Pointes sèches, op. cit., p. 13.
xxxiv Jules Lemaître, Impressions de théâtre, 2e série, Paris, Société française d’Imprimerie et de Librairie, sur La Comtesse Sarah au théâtre, 17 janvier 1887, p. 167-168.
xxxv Figures contemporaines, Paris, Perrin, 1895, p. 119-123.
xxxvi Journal, éd. cit., 7 juillet 1885, t. II, p. 1169.
xxxvii Ibid., 18 juin 1896, t. III, p. 1300.
xxxviii Dans Grands hommes en robe de chambre, Paris, Société d’Édition des Gens de Lettres, 1897, p. 290-291.
xxxix Le Désespéré, éd. Pierre Glaudes, Paris, GF Flammarion, 2010, p. 320.
xl Le Désespéré, ibid., p. 69.
xli Paris, Flammarion, 1895, p. 26.
xlii A. de Pontmartin, Souvenirs d’un vieux critique, 7e série, Paris, Calmann Lévy, 1886, p. 316.
xliii Impressions de théâtre, 2e série, op. cit., p. 166.
xliv Pointes sèches, op. cit., p. 11.
xlv Le Miroir concave, Paris, Société littéraire de France, 1919, p. 79-81.
xlvi La Caricature, 26 juin 1884, p. 213.
xlvii Le 25 mai 1884, no 9, p. 3.
xlviii Teodor de Wyzewa, Écrivains étrangers, 2e série, Paris, Perrin, 1897, p. 138.
xlix « Les Jeudis d’Alphonse Daudet », Souvenirs de la vie littéraire, Paris, Fayard, 1921, p. 31.
l Pointes sèches, op. cit., p. 15-16.
li Ibid. Souligné par l’auteur.
lii En rade, Paris, Stock, 1887, p. 60.
liii Le Maître de forges, Paris, Ollendorff, 1883, p. 68.
liv Enquête sur le roman romanesque, éd. cit., p. 198.
lv Lettre à Arnold Goffin, 20 décembre 1899.
lvi Albert Camus, La Peste, Paris, Gallimard, 1947, rééd. coll. Folio, p. 107.
lvii La Grande Marnière, Paris, Ollendorff, 1885, 40e éd., p. 1.
lviii Georges Ohnet, préface des Soirées de la Baronne, de E. Guyon, Paris, Ollendorff, 1885, p. VII-VIII.
lix Le Théâtre à Paris, 1ère série, Paris, H. Le Soudier, 1883-1884, p. 26.
lx Texte repris dans Quarante ans de théâtre : feuilletons dramatiques, vol. 7, Paris, Bibliothèque des Annales politiques et littéraires, 1902, p. 201-202.
lxi Dans Le Théâtre à Paris, 2e série, Paris, H. Le Soudier, 1885, p. 437.
lxii Émile Michelet, « Un trio de romans », 9 avril 1888.
lxiii Figures contemporaines, Paris, Perrin, 1895, p. 122.
lxiv Émile Faguet, Notes sur le théâtre contemporain, t. 3, 1889-1891, p. 349 à propos de Le Dernier Amour (au Gymnase).
lxv Ibid., p. 355.
lxvi La Revue des Livres et des Estampes, rubrique « Belles-Lettres », 1er octobre 1884.
lxvii Enquête sur le roman romanesque, éd. cit., p. 226-227.
lxviii Revue des Deux Mondes. Dans cette liste, seuls Delpit et Theuriet, avec respectivement douze et trente et un romans publiés, méritent ce titre. Feuillet, qui n’est pas nommé, en a publié dix-sept à la date de cette enquête.
lxix Apparu en 1880, ce bi-hebdomadaire littéraire du groupe du Petit Parisien reproduit dans ses seize pages, outre une « histoire de la semaine complète » (Maupassant, Goncourt, Cladel, A. Daudet en mai 1891), des romans récents d’auteurs reconnus, mais son tirage ne dépasse pas 10 000 exemplaires. Dans la même année, il reprend L’Argent de Zola (46 livraisons) et La Confession d’un amant de Prévost (16 livraisons), à côté de romans de Rabusson, de Clarétie, de Lavedan, etc.
lxx Enquête sur le roman romanesque, éd. cit., p. 198.
lxxi La Comédie humaine, éd. Marcel Bouteron, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1952, t. V, p. 450. Nous soulignons.
lxxii Jules Lemaître, Les Contemporains, 1ère série, op. cit., p. 340.
lxxiii Charles de Larivière, « Chronique littéraire », La Revue générale : littéraire, politique et artistique, 1886, p. 126, à propos des Dames de Croix-Mort. Nous soulignons.
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