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Sur les traces du « vivre-ensemble »

Siegfried Landshut : portrait d’un intellectuel juif allemand
Elena Fiorletta
Traduction(s) :
Pursuing the significance of “living together” [en]

Texte intégral

  • 1 Lettre de Siegfried Landshut à Fritz Warburg, 29.2.1936, dans Rainer Nicolaysen, Die Wiederentdecku (...)

« Je suis profondément impressionné par tout ce que j’y ai vu. Tout en n’ignorant d’aucune façon les difficultés, et souvent les préoccupations de nombreux aspects de la vie collective, cette terre donne cependant dans son ensemble une image de volonté et de transformation si vive, persuasive. D’un point de vue professionnel, c’est un champ si extraordinairement attrayant pour mettre à l’œuvre de nouvelles forces, que je ne nourris plus que d’autres désirs que de pouvoir y travailler1 ».

1L’auteur s’abandonne dans ces lignes à quelques moments d’optimisme depuis le début de son exil forcé, trois ans après son départ du port de Hambourg. C’est ainsi que Siegfried Landshut, un jeune intellectuel juif allemand fut jeté hors de l’université de la ville hanséatique alors que la loi sur la restauration de la fonction publique entrait en vigueur le 7 avril 1933. La terre pour laquelle il se déclare profondément impressionné est la Palestine, devenue la destination privilégiée des communautés juives en fuite devant les persécutions antisémites en Europe et séduites par le projet sioniste initié cinquante ans plus tôt. Les « difficultés » et les « préoccupations » qu’il évoque renvoient à la complexité du contexte historique et politique du lieu, marqué par une guerre civile nourrie par l’aspiration nationale de l’immigration juive et le désir d’indépendance de la population arabe. Le seul désir qui l’anime est de continuer son travail de recherche, précisément à l’université Hébraïque de Jérusalem. C’est là que plusieurs fondations juives se portent mécènes pour lui permettre de reprendre enfin, même de façon précaire, son activité intellectuelle dans un cadre universitaire.

2Il y a encore un dernier point sur lequel il convient de s’arrêter dans ces lignes chargées d’espoir et d’attente. Ce dernier point constitue une voie d’accès privilégiée au profil intellectuel de notre auteur : « Je n’ignore pas – écrit-il – les difficultés et les préoccupations de nombreux aspects de la vie collective » avec lesquelles il se prépare à être confronté. On remarque qu’il n’est pas seulement question de la perplexité de l’exilé devant la perspective de se retrouver dans une condition inédite de précarité existentielle. Il la distingue de l’adjectif qu’il utilise pour qualifier la « vie » qui l’attend en Palestine. Cet adjectif, « collectif », illustre tout à fait sa réflexion sur le politique [das Politische], dès ses premiers travaux de recherche jusqu’à ses dernières œuvres.

  • 2 La définition est de l’historien Dan Diner. Ibidem (ed.), Zivilisationsbruch: Denken nach Auschwitz (...)

3Cette lettre est un témoignage unique sur cette époque marquée par ce que l’on a appelé une « rupture de civilisation2 » [Zivilisationsbruch] sans égale dans l’ère de la modernité. Néanmoins, la combinaison des références aux faits historiques, aux impressions personnelles, à l’ouverture vers de nouvelles possibilités de la vie, et enfin au thème principal de son travail de recherches, ce dernier étant suggéré de manière plus implicite, en fait également un document d’époque et un panorama synthétique de son profil intellectuel, sur lequel la communauté scientifique ne s’est jusqu’ici pas attardée.

4Les pages suivantes offrent ainsi l’opportunité d’explorer quelques éléments de la biographie de l’auteur – actuellement disponible seulement en langue allemande grâce au travail pilote de l’historien hambourgeois Rainer Nicolaysen – en portant une attention toute particulière aux années de l’exil en Palestine. Ces notes préliminaires permettent d’accéder à un premier aperçu des concepts de « vivre-ensemble » l’un-avec-l’autre [Miteinander-Zusammenleben] et de l’homme en tant qu’individu vivant en communauté [Gemeinwesen], qui jouent tout deux un rôle central dans l’œuvre de Landshut et qui subiront lors de son séjour à Jérusalem une distorsion sémantique significative.

Première partie

5Devant la biographie de Siegfried Landshut, on ne peut rester insensible à l’abondance de références qui lient son parcours au panorama intellectuel de la République de Weimar. Né à Strasbourg dans une famille de juifs assimilés, Landshut avait fréquenté le gymnasium protestant local, alors qu’il n’était qu’un enfant. Il y acquit une éducation humaniste qui l’orienta ensuite vers des études de lettres classiques. En plus du latin et du grec, il apprit l’anglais et le français. Il l’utilisa alors plus tard cette dernière dans ses recherches portant sur Rousseau, Montesquieu, Tocqueville, ainsi que pendant l’exil en Egypte. Alors qu’il avait dix-sept ans, Landshut fut enrôlé dans les forces terrestres allemandes qui l’envoya au front comme sous-officier au Moyen-Orient. Il revint en Allemagne, blessé, après un an et demi de guerre, et puis cinq ans plus tard, à la fin des hostilités. La guerre l’avait mené en Turquie, puis à Alep, Damas, Beyrouth, Jaffa, Jérusalem, Be’er Sheva, nombre de villes où il retourna vingt ans plus tard, cette fois en tant qu’exilé. L’expérience du conflit marque profondément sa vie et ses choix futurs, comme le dévoilent ses lettres empreintes de doute et d’inquiétude pour l’avenir.

  • 3 Pour plus d’informations, voir son curriculum vitae qu’il a lui-même écrit en 1928. Voir Nicolaysen (...)
  • 4 Ibid.

6Cette incertitude vis-à-vis de sa « nouvelle situation existentielle3 » l’amène à abandonner ses études de droit pour s’inscrire plutôt à des études d’économie politique à Fribourg avec Robert Liefmann et à Francfort avec Franz Oppenheimer. En 1921, il finit son doctorat qu’il accompagne d’une thèse consacrée au concept « de l’homo oeconomicus » dans le cadre du débat théorique concernant l’autonomie des sciences sociales et historiques qui recherchaient alors un nouveau statut méthodologique. Alors qu’il cherchait une réponse « à la nature problématique de la vie4 », caractéristique de l’équilibre précaire de l’Allemagne de Weimar, Landshut en vint aux disciplines philosophiques. Il poursuivit ses études d’abord avec Edmund Husserl et Martin Heidegger à Fribourg et puis à Marbourg, et successivement avec Max Scheler à Cologne et Alfred Weber et Karl Jaspers à Heidelberg. Il connut alors Karl Löwith, Hannah Arendt, Günther Anders, Hans Jonas, Herbert Marcuse, pour ne nommer que quelques jeunes intellectuels juifs allemands qui ont formé le « laboratoire Weimar ».

  • 5 Siegfried Landshut, Über einige Grundbegriffe der Politik, in Ibidem, Politik. Grundbegriffe und An (...)
  • 6 Wilhelm Hennis, « Zu Siegfried Landshuts wissenschaftlichem Werk », in Zeitschrift für Politik, 17 (...)
  • 7 Cette question est très débattue par les historiens, voir Nicolaysen, p. 65.

7À cette période de son travail intellectuel, Landshut mit au point le thème central de son activité de recherche : la politique comme ensemble vivant de connaissances orienté vers le bien commun, mais aussi comme une dimension constitutive de la communauté humaine. C’est en 1925 que son premier travail d’analyse fut publié sous le titre de Quelques concepts fondamentaux de la politique5, consacré à la définition de quelques notions « fondamentales » de la politique moderne à la lumière du changement sémantique induit par la modernité. Bien que son article publié dans les pages de l’Archiv für Sozialwissenschaft und Sozialpolitik, éditées par les frères Weber, fut salué par Wilhelm Hennis6 comme l’acte de naissance de la science politique allemande, il ne pouvait lui assurer une position stable à l’université d’Heidelberg. La vague d’antisémitisme qui, avant le reste du pays, faisait en effet rage dans le Baden-Württemberg, l’empêchait de facto d’obtenir sa titularisation, qui n’était accordée chaque année qu’à une seule personne parmi les candidats n’étant pas d’origine aryenne7.

  • 8 Ibid., p. 81.
  • 9 Ibid., p. 77.
  • 10 Landshut, « Eine Frage europäischer Politik », Die Gesellschaft, 3 (1926), vol. II.

8Landshut déménagea alors à Hambourg, où il obtint un poste comme chercheur à l’Institute for Foreign Politics, dirigé par le juriste pacifiste et démocrate libéral Albrecht Mendelssohn Bartholdy. Il s’agissait d’un des premiers instituts de recherche dans le domaine des relations internationales et des Traités de paix dans le monde. Landshut rédigea alors une étude sur le système des mandats et le travail servile, qui ne fut jamais publiée8, mais il put tout de même aborder plus précisément les problèmes relatifs à la situation politique de son temps9. Sur le système des mandats, il publia un article en 1926 par Die Gesellschaft10, le magazine international de la social-démocratie allemande. En 1927, il commença sa collaboration avec Eduard Heimann, professeur d’économie politique à l’université d’Hambourg et social-démocrate activement engagé contre la vague antidémocratique et inconstitutionnelle qui minait déjà les bases de la fragile République de Weimar.

  • 11 Landshut, Kritik der Soziologie. Freiheit und Gleichheit als Usprungsproblem der Soziologie, Münche (...)
  • 12 Landshut, « Marx redivivus », Neue Blatter für den Sozialismus, 2 (1931), pp. 611-617.
  • 13 Karl Marx, Der historische Materialismus. Die Frühschriften, 2 vol. Ed. par Siegfried Landshut et J (...)

9Les cinq années qui suivirent furent marquées par un intense travail de recherche et de publication. Il définit alors les grandes lignes de son travail théorique : l’analyse historique-idéale [Geistesgeschichtliche] des concepts du politique, la nature de la démocratie moderne, les conditions dans lesquelles on pourrait penser l’avenir d’une Europe des peuples, et, également, la question méthodologique que Landshut aborda à partir de la critique de la sociologie et de la méthode de l’idéal-type de Max Weber. C’est au sociologue Heidelberg que Landshut consacra un de ses essais les plus importants écrits à cette époque11. Il écrivit en outre une biographie intellectuelle et historique de Karl Marx12, et commença à rentrer en contact avec le SPD en vue de publier des écrits de jeunesse de Karl Marx, ce qu’il fit effectivement quelques années plus tard13.

  • 14 Landshut, Der Begriff des Ökonomischen. Einige Kapitel aus einer historisch-analytischen Untersuchu (...)

10En 1928, il présenta sa candidature pour obtenir une titularisation en « politique », une discipline qui n’était pas enseignée dans les universités allemandes. Le sujet de sa thèse, une « critique de la sociologie » ainsi que sa réputation de social-démocrate et l’hostilité de la corporation académique le poussèrent à retirer sa candidature et à écrire une autre thèse, cette fois-ci dédiée à l’analyse historico-systématique du concept « d’économique » [das Ökonomischen]14. Mais cela ne fut pas suffisant pour lui assurer son but : l’entrée en vigueur, le 7 avril 1933, de la loi sur la restauration de la fonction publique l’a forcé, ainsi que des milliers d’autres intellectuels juifs, à quitter l’université, et peu après, le pays. Près d’un cinquième du corps enseignant fut contraint de quitter l’université de Hambourg, parmi eux Ernst Cassirer, Albrecht Mendelssohn Bartholdy, Eduard Heimann et Erwin Panofsky. L’expulsion de l’université représenta une interruption brutale d’une trajectoire intellectuelle pleine de promesse : en 1929, il avait publié sa très controversée « critique de la sociologie », qui avait provoqué un vif débat à l’intérieur et à l’extérieur du cercle académique.

  • 15 Landshut, « La crise et la politique monétaire de Président Roosevelt », dans L’Egypte Contemporain (...)
  • 16 Nicolaysen, cit., p. 498.

11Il s’exila d’abord en Egypte, où il était prévu qu’il tienne une série de conférences à l’université d’Alexandrie en été 1933. Alors qu’il espérait obtenir un poste à l’université du Caire, ses attentes furent rapidement déçues. La désillusion et l’amertume profonde le gagnèrent et il dut supporter une situation économique de plus en plus difficile. L’année suivante il écrivit et publia deux essais en français consacrés à l’analyse des transformations du « vivre-ensemble », au développement de la société moderne, et au rôle du capitalisme dans la formation de la société occidentale15. Dans le même temps, il travailla pendant une courte période à la bibliothèque du Borchardt-Institut. À Alexandrie, il enseigna dans une école, traduisit plusieurs textes en français pour une société d’import-export, tout en continuant son travail de recherche, qui se concentra sur l’histoire de l’Egypte contemporaine et l’histoire constitutionnelle égyptienne. Au Caire, Landshut rencontra alors Alexandre Koyré, qu’il avait peut-être rencontré à l’université lors des cours dispensés par Husserl, ou à Cologne chez Scheler, Koyré qui était maintenant engagé à l’université avant d’être rappelé à Paris, en 193416.

  • 17 Dans une lettre à Bernhard Kahn, à l’époque directeur de l’European Office de l’American Joint Dist (...)

12Cette même année, Landshut commence à chercher une destination alternative à l’Egypte. Heimann le mit en contact avec le directeur de la League of Nation’s Commission for Jewish Refugees from Germany, Norman Bentwich. Il caressa alors l’espoir d’une opportunité de travail dans la toute jeune université hébraïque de Jérusalem. Alors que la perspective d’intégrer l’université de Jérusalem se rapprochait, Landshut décida de reprendre son projet débuté deux ans auparavant et auquel il avait consacré quelques conférences, c’est-à-dire : l’étude du « Le judaïsme européen par l’émancipation », une recherche établie sur deux niveaux : d’une part l’importance de l’émancipation pour l’« être-juif » et la tradition juive, et d’autre part l’influence du judaïsme émancipé sur le développement du 19e siècle17.

  • 18 Ibid., p. 220.
  • 19 Ibid., p. 503.

13Le projet n’a jamais vu le jour, même si les efforts faits en direction d’un appel de la part de l’université hébraïque de Jérusalem commencèrent à porter leurs fruits. Le banquier d’Hambourg Fritz Warburg mit Landshut en contact avec l’intellectuel Ernst Simon, qui prit quelques initiatives pour lui assurer une bourse à l’université de Jérusalem. Parmi les diverses lettres soumises à la Fondation Rockefeller pour favoriser la candidature de Landshut, il faut ici mentionner celle d’Alexander Rüstow, qui jugea sa « critique de la sociologie comme une des plus significatives et prometteuses contributions à la sociologie allemande ces dernières décennies18 » et celle de Richard Koebner, alors professeur d’histoire contemporaine à l’université hébraïque de Jérusalem, qui qualifia son intégration comme « très souhaitable19 ».

14À l’été 1936, il partit finalement pour la Palestine, où il commença en octobre son travail de recherche à l’université de Jérusalem. Pour la première fois depuis le début de son exil, Landshut pouvait se concentrer sur ses projets de recherche dans un véritable cadre universitaire. Malheureusement, la réalité déçoit de nouveau ses attentes : l’université hébraïque n’avait été créée qu’onze ans plus tôt et en 1936 il n’y avait toujours pas de département consacré aux sciences sociales, ni aux sciences politiques ou à l’économie politique, où Landshut aurait pu mettre à profit ses capacités intellectuelles et son professionnalisme.

15Les thèmes qui avaient nourri son travail jusqu’alors – en particulier l’histoire des relations entre État et société, le conflit méthodologique dans les sciences historico-sociales, Marx et Weber en tant que philosophes sociaux – se sont peu à peu effacés devant l’actualité brûlante du contexte socio-politique. Alors qu’il fut chercheur pendant deux ans à l’université hébraïque, l’objet d’étude de Landshut devint alors « la question des établissements communautaires » en Palestine. Non seulement Landshut devait travailler sur un nouveau thème et une nouvelle méthode mais il devait aussi étudier l’hébreu, essentiel pour tout enseignant de la jeune université de Jérusalem. À cela s’ajouta une situation familiale difficile, avec une épouse atteinte de la tuberculose et trois enfants à charge. La conscience d’avoir seulement deux ans pour s’assurer une position stable, à cause de l’arrêt du financement de la part de la Fondation Rockefeller, fit des années 1936-1938 une expérience loin d’être facile. Cependant, à l’été 1938, Landshut pouvait déjà enseigner en hébreu des leçons consacrées à la philosophie sociale de Max Weber.

16Cependant, ni les échos positifs de son enseignement parmi les étudiants, ni les pressions exercées par ses collègues ne purent lui assurer une stabilité de son emploi : le recteur de l’université hébraïque, Salman Schocken, refusa de prolonger son contrat. Même les prises de position personnelles de Martin Buber, tout juste arrivé à Jérusalem, Hugo Bergmann, Richard Koebner, Georg Landauer, Arthur Ruppin et Ernst Simon ne réussirent à persuader la direction de l’université de conserver la position de Landshut, au moins jusqu’à la fin de son étude sur les établissements communautaires en Palestine. Finalement, d’un point de vue professionnel, les deux années passées à l’université hébraïque ne représentèrent pas un réel retour au travail universitaire, mais d’un point de vue culturel et humain, elles lui ouvrirent les portes de la petite communauté d’intellectuels juifs allemands de l’école universaliste, engagée au sein de l’organisation Brit Shalom, défendant l’idée d’une solution binationale pour mettre fin au conflit entre la nouvelle immigration juive et la population arabe.

  • 20 Landshut, La révolution sociale dans la conception de Landauer, Centre culturel du Histadrut (ed.) (...)
  • 21 Landshut, À la fin d’un siècle (1840-1940), dans Berl Katznelson (Ed.), Ba-kur, 1. Edition, Tel Avi (...)

17Landshut ne rentra jamais officiellement à Brit Shalom, mais ses travaux publiés ces années-là témoignent d’une convergence sur le plan de la culture et des idées avec le programme du groupe. En 1939, il écrivit ainsi l’essai La révolution sociale dans la conception de Landauer20, constituant un des chapitres d’un volume collectif du centre culturel du Histadrut qui rassemblait également des essais écrits par Hugo Bergmann, Max Brod et Martin Buber, consacrés à la figure de l’intellectuel anarchiste tué vingt ans auparavant à Munich par le Freikorps. Deux ans plus tard, il publia À la fin d’un siècle (1840-1940)21, un autre essai consacré à l’analyse des mutations opérées au sein de la société contemporaine, à l’idée même du changement d’époque, au rôle de l’autorité politique et à la fonction des masses.

  • 22 Landshut, Kibboutz (Bibliothèque Sioniste 4), Jerusalem 1944 (en hébreu), 2. Edition par Ya Tabenki (...)

18Son œuvre la plus importante fut publiée en 1944, après quatre années de recherche, alors que Landshut ne faisait plus partie du corps enseignant de l’université hébraïque et faisait à nouveau face à des difficultés financières particulièrement précaires qui le forcèrent à quitter Jérusalem. C’est alors que ses collègues chercheurs, et tout particulièrement Martin Buber, lui proposèrent de poursuivre son travail de recherche sur les institutions communautaires en observant le terrain et en expérimentant en Palestine l’organisation sociale d’un kibboutz. En 1940, Landshut déménagea alors avec toute sa famille dans le kibboutz Givat Brenner, où il analysa en direct les différents aspects de l’expérience communautaire des « unités de production », mise en place par la nouvelle immigration juive en Palestine. Le rapport fut rédigé en allemand et il ne put le publier que grâce à la remise du prix « Ruppin-science » qu’il lui permit de financer la traduction en hébreu. Cependant, le scepticisme de l’auteur pour la forme collectiviste et la rigidité de l’organisation centralisée des rythmes de vie, pour l’isolement des kibboutz par rapport à son environnement, pour les conséquences de la pression croissante imposée par le processus de l’industrialisation, condamnèrent ce premier travail scientifique, Kibboutz22 à un accueil froid et suspicieux.

  • 23 Landshut, « Réflexions sur l’Alija », Beajot [Problèmes], année 1, cahier I (avril 1944), pp. 152-1 (...)
  • 24 Landshut, « L’essence de la société moderne selon Karl Marx et Max Weber », in Iyyun [Réflexions], (...)

19Un autre article, publié en 1944 sous le titre Réflexions sur l’Alija23, témoignant de ses doutes sur la réelle capacité d’attraction du projet « d’un foyer national » en Palestine pour les Juifs restés en Europe, ne l’aida pas à lui assurer la confiance de la communauté universitaire de Jérusalem. Depuis 1942, Landshut avait en effet commencé à collaborer avec le département allemand de la British Mediterranean Station, la section du Political Warfare Executive spécialisée sur le Moyen-Orient basée à Londres, alors que rien ne laissait croire à son possible retour à l’université hébraïque. Il était toujours en contact avec le groupe d’intellectuels juifs allemands : il continua à collaborer avec Buber, Simon, Landauer et Koebner en tant qu’enseignant à la School for Adult Education à Jérusalem et donna une conférence sur le « Romantisme dans l’État et dans la société ». Le dernier acte de sa collaboration avec la communauté juive allemande de Jérusalem fut un essai consacré à Karl Marx et à Max Weber ainsi que sur les concepts d’aliénation et de rationalisation en tant que clés interprétatives de la modernité24.

  • 25 Landshut, Jewish communities in the Muslim Countries of the Middle East. A survey, pour The America (...)

20Ce fut aussi l’ultime témoignage de la présence de Landshut en Palestine, qu’il décida de quitter pour le Caire, où il dirigea l’« Educational section » du British Foreign Office, dont le but était la rééducation des prisonniers de guerre allemands aux valeurs de la démocratie. Il y resta jusqu’en 1948, quand il partit pour Londres à la fin de son exil. Il travailla comme directeur de recherche de l’Anglo-Jewish Association, en se consacrant notamment à une enquête sur les communautés juives dans les pays musulmans du Moyen-Orient, publiée en 194925. La même année, il reprit contact avec l’université de Hambourg, qui lui offrit en 1951 la chaire de science politique, discipline sur laquelle il se concentra jusqu’au terme de sa carrière universitaire.

  • 26 Cf. Claus-Dieter Krohn, Intellectuals in Exile, Refugee Scholars and the New School for Social Rese (...)

21Siegfried Landshut et Eduard Heimann firent partie de ces quelques juifs allemands qui retournèrent en Allemagne « pour y rester26 ». Alors que l’université de Hambourg lui avaient refusé dix-huit années plus tôt sa titularisation en « politique » et l’avait contraint à interrompre son travail de chercheur, ce même établissement appela Landshut pour s’adonner à la difficile tâche de rétablir une « science politique » qui avant la guerre était absente du programme d’études universitaires. De 1952 à 1958, il joignit l’Association Allemande pour la Science Politique [Deutsche Vereinigung für Politische Wissenschaft] pour favoriser la reprise de contact au sein de la communauté scientifique internationale. D’un point de vue théorique, le thème de ses recherches tournait alors autour de la clarification des tâches de la politique et de la science politique dans la société contemporaine.

  • 27 Alexis de Tocqueville, Das Zeitalter der Gleichheit. Eine Auswahl aus dem Gesamtwerk, ed. par Siegf (...)
  • 28 Nicolaysen, cit., p. 366.
  • 29 Herman Finer, Der moderne Staat. Theorie und Praxis, ed. et traduit par Siegfried Landshut, vol. I (...)
  • 30 Maurice Duverger, Die politische Parteien, ed. et traduit par Siegfried Landshut (Veröffentlichunge (...)
  • 31 Selon Nicolaysen au début des années 60, Landshut demanda à son ami Daniel Dishon, à Jérusalem, de (...)

22Son activité scientifique continua entre l’université, l’activité d’enseignement à l’Académie pour l’économie sociale de Hambourg [Akademie für Gemeinwirtschaft Hamburg] et le développement de nouvelles initiatives éditoriales. En 1953, il publia à nouveau les écrits de jeunesse de Marx. Un an plus tard, il commença à traduire Tocqueville et dirigea la publication d’un choix de plusieurs de ses textes27, favorisant un renouveau du penseur français en Allemagne28, l’analyse de l’état moderne par Herman Finer29 et, en 1959, les Partis politiques de Maurice Duverger30. En 1967, il donna une seule conférence consacrée à l’État d’Israël vingt ans après sa naissance : fil conducteur de son travail de recherche, le lien idéal entre le projet de fondation de l’État national juif en Palestine et les mouvements d’émancipation des peuples européens inspirés par la Révolution Française et la bataille pour les droits de l’Homme. C’était la toute première fois depuis son retour en Allemagne que Landshut abordait explicitement la question Israël, alors qu’il avait toujours émis sur ce point la plus grande réserve31.

23Un an plus tard, Landshut décida de visiter la terre où il n’avait plus mis le pied depuis 1945 et y resta plusieurs mois. On ne saurait affirmer si ce voyage était motivé par des seules raisons personnelles ou s’il le voyait comme l’opportunité de reprendre contact avec la communauté intellectuelle juive allemande restée là-bas. Landshut décéda quelques mois plus tard à Hambourg, en 1968, tandis que la donne politique avait changé dans presque tous les pays du monde, réclamant une transformation radicale de la société.

Deuxième partie

  • 32 Jürgen Habermas, « Grossherzige Remigranten. Über jüdische Philosophen in der frühen Bundesrepublik (...)

24Dans un article écrit récemment pour le Neue Zürcher Zeitung, Jürgen Habermas32 peint une fresque détaillée sur l’intelligentsia juive allemande qui, après la deuxième guerre mondiale, contribua à former une génération entière de jeunes intellectuels allemands : curieux d’obtenir une réponse sur les interrogations posées par cette fracture historique qui venait juste d’être consommée au sein la civilisation européenne, des milliers d’étudiants se sont tournés vers les travaux de beaucoup d’intellectuels juifs allemands pour trouver une réponse aux questions face auxquelles la culture allemande se trouvait paralysée.

25Avec la précision et l’abondance des détails qui en caractérisent le style, le philosophe et sociologue allemand passe en revue la contribution apportée par ceux qu’il appelle « les généreux qui revinrent » à la reconstruction d’un tissu intellectuel déchiré par le Zivilisationsbruch alors que l’« élément spécifiquement allemand de la culture et de la tradition germanique » se trouvait incapable de reconstituer. Parmi les représentants de la culture juive-allemande, qui lui semblent constituer plus une mésalliance qu’une symbiose, l’auteur de la Théorie de l’agir communicationnel rend hommage à Ernst Cassirer, le défenseur dévoué des principes, enracinés dans l’esprit des lumières, de la démocratie de Weimar et fervent adversaire de l’anti-humanisme de Heidegger ; il fait référence à Edmund Husserl, père de la phénoménologie, brillant et impitoyable interprète de la crise des sciences européennes ; il mentionne la skèpsis de Karl Löwith, critique de chaque philosophie de l’histoire qui prétend être une science ; et enfin il se souvient de Gershom Scholem, dont les études sur la mystique ont révélé l’essence authentiquement juive cachée dans le destin et la culture juive allemande.

26Il cite encore la contribution théorique de l’école de Francfort – de l’exil revint Adorno, tout comme Horkheimer –, Helmuth Plessner, qui apporta une pierre essentielle à la fondation d’une nouvelle anthropologie philosophique, Ernst Bloch, dont le « marxisme expressionniste » nourrit les espoirs du premier mouvement étudiants de la République fédérale d’Allemagne. Habermas n’oublie pas l’apport théorique fourni par les intellectuels juifs allemands à la philosophie analytique, ni le rôle primordial joué par la communauté intellectuelle qui s’est attachée à repenser la nature du politique après la crise européenne. Parmi eux, Hannah Arendt, Leo Strauss, Hans Jonas et Gunther Anders.

27On aurait pu s’attendre à ce qu’il mentionne les efforts faits par Siegfried Landshut en direction d’une refondation de la science politique en Allemagne et de la diffusion d’une culture politique qui réconciliait l’individu et la sphère publique après le traumatisme de la guerre. Il n’y a cependant aucune trace d’un hommage d’Habermas à Landshut parmi les « généreux qui revinrent ». Absent de la mémoire collective de l’intelligentsia allemande contemporaine, cet oubli s’avère être, particulièrement après la publication de sa biographie, une triste poursuite de son exil existentiel. C’est d’autant plus surprenant, compte tenu de l’abondance d’informations et de détails sur son parcours intellectuel et humain emblématique de cette époque-là.

  • 33 Cf. E. Fiorletta, « Siegfried Landshut tra passato e futuro. Intervista ad Angelo Bolaffi », in htt (...)
  • 34 Marita Krauss, « Jewish Remigration: an Overview of an Emerging Discipline », dans LBI Year Book, v (...)

28Il existe naturellement plusieurs raisons à l’oubli de Landshut. La première est évidemment l’abandon de son activité scientifique et l’impossibilité de la reprendre plusieurs années plus tard. Nous avons déjà souligné33 que l’histoire personnelle de Landshut est au carrefour de l’histoire culturelle et philosophique allemande, qui est elle-même étroitement liée à celle de d’émigration juive-allemande vers l’Amérique. Tandis que le principal courant de l’intelligentsia juive trouvait refuge aux États-Unis et y renouait des contacts avec la communauté scientifique d’Europe, Landshut se réfugia d’abord en Egypte, puis en Palestine, où il continua à écrire, mais d’une façon discontinue, en allemand et en hébreu. On pourrait aussi attribuer son manque de reconnaissance à son retour en Allemagne après avoir vécu en Palestine, considéré comme un véritable tabou pour la communauté juive d’Israël34.

29La redécouverte de Landshut et de sa biographie tourmentée a permis au public allemand de se confronter pour la première fois au profil singulier d’un intellectuel disparu de la mémoire collective. Son nom dépassait ainsi le cadre étroit des disciplines de la science politique et de la sociologie – alors que ses œuvres étaient souvent citées – pour devenir protagoniste d’une histoire culturelle et humaine importante en soi. La biographie a permis ainsi de relier les différents chapitres de sa production théorique à un fil unitaire connectant les différentes phases de l’activité scientifique de Landshut sous l’ordre de la « nouvelle fondation de la science politique » en Allemagne.

30Cette clé de lecture, tout à fait marquée par la réflexion ininterrompue de Landshut sur le metatema de la politique, risque cependant d’éclipser les nombreuses nuances d’une pensée irréductiblement plurielle au profit de la réhabilitation d’un Landshut qui se serait consacré entièrement à rétablir le corpus de la science politique traitant du régime démocratique après le Zivilisationsbruch. Nul doute que sa réflexion ait constamment tourné autour du politique, de ses déclinaisons et de ses dérives aporétiques, de la pensée politique de l’âge classique à la modernité, mais il est également vrai qu’il y a des différences significatives entre ses écrits des années 1920 et ceux de l’après-guerre, concernant à la fois l’objet de ses études, la méthode employée et la langue utilisée.

  • 35 Cf. E. Fiorletta, « Er war ein Perspektivenöffner auf die Moderne. Interview mit Martin Sattler », (...)

31Si Landshut et quelques-uns de ses collègues de Hambourg, ville des banquiers et des armateurs35, ont travaillé et contribué dès les années 1950 au renouveau de la science politique à une époque où l’on se méfiait du projet « d’éducation politique », il est également vrai que pour la première fois Landshut a pu se consacrer à l’enseignement de la « politique » avec une grande indépendance et dans un cadre universitaire institutionnel. L’engagement politique avait une signification bien différente dans les années 1920, alors que l’intelligentsia de Weimar se trouvait paralysée face à la crise du siècle qui révélait les lacunes de la pensée politique pour répondre aux besoins urgents dictés par l’actualité.

  • 36 Max Weber, Wissenschaft als Beruf, W. J. Mommsen (ed.), Max Weber Gesamtausgabe, vol. 17, Tübigen 1 (...)

32L’apolitisme est le trait dominant de l’époque, qui paya le prix de l’incapacité des intellectuels de l’Allemagne wilhelmienne à penser politiquement la crise qui balayait l’Europe. L’intelligentsia allemande considéra toujours avec suspicion la première expérience libérale et démocratique du pays, un soupçon auquel s’ajouta une indifférence générale pour le destin de la collectivité. Cette attitude était tout à fait répandue parmi les jeunes intellectuels de l’époque, peu intéressés par les événements politiques du siècle et enclins à trouver dans d’autres disciplines, notamment la philosophie, la littérature et la poésie, une réponse à la « tâche quotidienne » à laquelle Max Weber faisait mention pendant la conférence de Munich à propos de la science comme profession36.

  • 37 Cf. D. Sternberger, Gang zwischen Meistern, Frankfurt am Main 1987.
  • 38 Cf. Karl Löwith, Ma vie en Allemagne avant et après 1933 : récit, Paris 1988.

33Cette méfiance vis à vis du politique exerça un effet de polarisation : d’une part elle vit la majeure partie des intellectuels se réfugier dans la sphère privée, d’autre part elle favorisa l’ascension irrésistible du mythe politique et de l’irrationnel. « La sortie hors de la sphère publique, c’est à dire, de la politique, se produisit seulement plus tard – sous le joug de la domination totale, de la dictature et de la persécution […]. La politique nous ne l’avons pas apprise grâce à Jaspers, mais, plus tard, grâce à Hitler37 », déclara Dolf Steinberger, un autre témoin de cette époque tourmentée et membre fondateur, comme Landshut, de la science politique en RFA. Karl Löwith tenait des propos semblables, alors qu’il décidait d’aller étudier à Fribourg pour s’éloigner du chaos de la République des Conseils de Munich. Son autobiographie fut pour lui l’occasion d’exprimer son apolitisme38.

34Le profil spirituel de l’époque aide à comprendre l’itinéraire intellectuel de Landshut, qui à la différence de ses compagnons de recherche, s’attarda pendant l’époque des « années folles » à étudier les concepts fondateurs du politique et la nature de ses contradictions. Landshut se concentra sur les origines de la crise allemande, une crise qui menaça l’esprit même de la conscience européenne, tout en essayant de réfléchir aux connexions entre politique et puissance, pour éviter d’en faire deux synonymes. Tandis que la philosophie semblait emprisonnée dans son égotisme, confirmé par le cogito ergo sum au début de la modernité, Landshut fut l’un des rares intellectuels de Weimar à mettre en œuvre un dispositif critique concernant les relations parmi les hommes, dans la Mitmenschlichkeit, afin de s’interroger sur des solutions à la crise de son temps.

  • 39 Martin Buber, Ich und Du (1923), Gerlingen 1974.
  • 40 Karl Löwith, Das Individuum in der Rolle des Mitmenschen (1928), Stuttgart 1981-1988.

35Le thème de l’altérité s’impose dans le débat philosophique allemand ces années-là : Martin Buber place la relation « moi-toi » au centre de la sphère intersubjective au sein du messianisme communautaire de la tradition juive39 ; Karl Löwith élabore une anthropologie de « l’homme-personne » à l’aide des instruments théoriques de la phénoménologie40 ; Landshut redécouvre la nature proprement politique du vivre-ensemble, inaugurant une tradition de pensée puisant ses racines chez Aristote pour ne pas abandonner la politique moderne à l’alternative technicité-décisionisme. Alors que Buber et Löwith avaient élaboré leur concept de Mitmenschlichkeit, l’un au sein de la pensée théologique, l’autre du domaine éthique, Landshut privilégie la dimension véritablement politique, où l’homme abandonne la res intima pour devenir pleinement animal politique, un homme en tant que « politique ».

  • 41 Du CV de Landshut, cf. Nicolaysen, pp. 64-65.

36« Plus j’avançais dans mon travail, plus j’entrevoyais clairement ce cadre que je ressentais vraiment comme mien : la découverte des raisons fonctionnant réellement, qui dominent les ordres du Miteinanderleben et de leurs conditions historiques, afin de vérifier si, à partir d’ici, il était possible de s’assurer une voie d’accès aux problèmes d’aujourd’hui en quelque sorte suffisamment large41 ». Les ordres du Miteinanderleben, ses principes historiques et ses apories sont le fil rouge de l’œuvre de Landshut et caractéristiques de sa critique adressée au politique. Cependant, son concept du politique n’est pas considéré comme un. Landshut n’a jamais été tenté par l’idée de l’existence d’une « vérité » du politique, d’une substance ou d’une dimension transcendante à la base d’un logos authentiquement politique. La politique agit plutôt dans le vivre-ensemble car l’homme est un zoon politikon. La même articulation conceptuelle du politique est appuyée dans le travail de Landshut par la définition du Miteinanderleben, qui en éclaire la signification.

37Que veut dire alors le Miteinanderleben dans le paradigme herméneutique de Landshut ? Peut-on en offrir une unique interprétation ? Du fait de l’a-systematicité et, dans une certaine mesure, de l’éclectisme de son travail, il est difficile de répondre par l’affirmative à la deuxième question, alors que les multiples significations que notre auteur prête au « vivre-ensemble » conduit à se demander si tout avait été dit jusqu’ici sur son profil intellectuel. Ce même concept du « vivre-ensemble » subit plus qu’une distorsion sémantique dans le développement de la pensée de l’auteur. Il vaut mieux, alors, brièvement et en guise de première approche, considérer quelques passages de la première analyse de Landshut consacrée aux concepts fondamentaux de la politique et jugée par Hennis comme l’acte de naissance de la science politique en Allemagne.

  • 42 Landshut, Über einige Grundbegriffe der Politik, cit., p. 327.

38« Le simul vivere – écrit Landshut en citant Thomas d’Aquin – est le thème principal de toutes les discussions sur la nature du politique, celles qui concernent toujours le regimen. Il est propre aux hommes « vivant ensemble » [« zusammenlebenden » Menschen] de s’orienter premièrement sur ce qui constitue vraiment la coexistence [das Zusammenleben] […], c’est-à-dire à un finis qui correspond exactement à l’« ensemble » […] Ce finis, vrai bonum moltitudinis, constitue son unité. Cette unitas est l’essence propre de la coexistence, de sorte qu’elle soit un « vivre les uns avec les autres » [Miteinanderleben]. Cet « avec d’autres » [Miteinander] – précise-t-il – n’indique pas « un lien social » ou autre chose [ein dinghaftes Etwas], mais la manière et la forme de la coexistence-ensemble-avec les autres [mit-anderen-Zusammenlebens]42 ».

  • 43 Aristote, Politica, 1253a 29. Remarquable est le rappel de Landshut à l’Aristotélisme politique, qu (...)

39Dans cette citation, qui synthétise rapidement et efficacement l’objectif théorique de ses recherches, Landshut assigne à la politique un objet bien spécifique : non la puissance, la force, la technique, mais le simul vivere, le vivre ensemble, la coexistence, le « vivre-les-uns-avec-les-autres ». L’homme est naturaliter politique, alors que l’individu isolé, qui vit hors de la polis, de la communauté humaine, de la sphère de la coexistence, comme l’entend Aristote, est une bête ou un dieu43. La nature du vivre-ensemble réside dans son unité, qui est en même temps son finis.

  • 44 Landshut, Über einige Grundbegriffe der Politik, cit., p. 328.

40Tandis qu’il examine quelques « concepts fondamentaux du politique », dont la Nation, l’État, l’opinion publique, Landshut explique plus précisément la signification de cette recherche : « Le principal intérêt qui guide ce travail n’est pas l’État ni un concept semblable, mais ce sont les hommes qui vivent ensemble, l’un avec l’autre, et pour lesquelles l’État existe en ce qu’il se rapporte à la coexistence des uns avec les autres44 ». L’État est ainsi construit à condition qu’il préserve la référence au vivre ensemble, mais ce n’est pas le moment fondateur de la coexistence. L’unité entre les hommes pour Landshut n’est pas en effet un lien imposé de l’extérieur, ni un contrat « social » entre individu ou entre des individus et un Léviathan. Il ne considère pas le politique comme un rapport instrumental basé sur le calcul moyen-buts, ni comme un dispositif technique par lequel est assuré un équilibre des forces représentées par les intérêts sociaux en concurrence.

  • 45 En plus des philosophes déjà mentionnés, Buber et Löwith, on se rappelle aussi de Hermann Cohen, Di (...)

41Le politique, c’est plutôt le champ des relations humaines, qui ne sont jamais définies une fois pour toutes, et exigent toujours une nouvelle définition : la recherche continue du bien commun de la part de l’individu engagé dans un contexte collectif est ce qui fait de l’homme un zoon politikon. Même s’il parle d’une introduction aux concepts fondamentaux de la politique, il explique déjà son but final : essayer de recomposer le binôme logos-demos que la crise de la conscience européenne avait dissout en ouvrant à la politique la porte de l’irrationalité. Dans le même temps, il s’attache aussi à essayer de définir la nature du « demos » à propos duquel il existe une pensée politique : dans les premiers écrits de Landshut, suivant l’expérience philosophique vécue à Fribourg avec Husserl et Heidegger, où le monde de l’homme se déclinait fondamentalement en tant que « monde commun » [Mit-welt] et alors comme Mitmenschlichkeit45, le politique se comprend seulement à la lumière de la rencontre avec l’autre.

  • 46 Landshut, « Politik », dans Evangeliche Kirchenlexikon. Kirchlichtheologisches Handwörterbuch, Hein (...)

42La tonalité avec laquelle il peint la politique est bien différente dans la période de l’après-guerre. L’accent mis sur la dimension intersubjective par Landshut dans ses écrits de jeunesse, change avec la maturité, sur la « forme » de la coexistence paisible. La définition du politique donnée par Landshut dans l’Evangelisches Kirchenlexikon est en ce sens très parlante : « La communauté politique, l’objet du politique, correspond à la communauté de la vie, c’est-à-dire une appartenance réciproque qui réunit l’existence entière de ses associés […]. L’unité de la communauté trouve sa base dans le lien universel d’une idée concrète de conduite de la vie, d’un éthos qui gouverne la communauté […] qui voue le respect à chaque membre – quel qu’il soit – l’idée qui correspond à l’unité de l’entité collective [Gemeinwesen] est transcendante »46. L’idée de Gemeinwesen précède donc logiquement l’existence historique et concrète de la communauté politique, qui obtient son unité de cet éthos qui semble ici être un acquis. Alors que dans ses écrits des années 1920, les concepts fondamentaux du politique dérivent du Miteinanderleben, le rapport est inversé trente ans plus tard, alors que la communauté devient fonction de cet éthos qu’il régit et qui le transcende.

  • 47 Landshut, Über einige Grundbegriffe der Politik, cit., p. 328.
  • 48 Landshut, « Verfassung », Première publication du Wörterbuch der Soziologie, Wilhelm Bernsdorf (ed. (...)

43Dans le cadre limité de cet article, il est difficile de développer davantage la réflexion concernant sa conception de l’ethos unique par rapport à la pluralité du « vivre avec les autres », dont les composantes sont « changeantes et dynamiques47 ». On retrouve la portée de ce glissement sémantique de façon plus évidente dans son essai de 1969 : « La constitution est l’ordre [Status] déterminé d’une entité collective [Gemeinwesen] politique. Il n’y a aucun Gemeinwesen sans constitution politique, c’est-à-dire, sans institutions, règles et sans relations spécifiques qui favorisent l’unité et la consistance continue de l’existence collective. […] La constitution et le Gemeinwesen politique, définissent la même et identique chose48 ». Ce n’est plus ainsi le Miteinander-Zusammenleben qui détermine la sphère du politique, mais la loi fondamentale de l’État, qui coïncide presque totalement avec cette entité collective qui constitue la coexistence.

44Après l’omniprésence de la sphère relationnelle dans ses écrits de jeunesse, on retrouve donc ensuite dans la réflexion de Landshut la puissance transcendante de la Constitution, c’est-à-dire du lien qui mène de nouveau à l’unité de la pluralité du vivre-ensemble. On trouve probablement les raisons de ce tournant théorique dans le contexte politique de la RFA, où toutes les disciplines, et la science politique en premier lieu, étaient imprégnées par la nécessité d’établir un nouvel ordre démocratique. Cependant, il ne peut pas s’empêcher de réfléchir et de s’interroger sur le rôle joué par la dimension intersubjective dans sa pensée.

  • 49 Wolfgang Kessel a compris parfaitement le rôle central de l’idée de la communauté politique dans la (...)

45Si on envisage l’œuvre de Landshut à travers sa contribution à la fondation de la science politique, le Miteinander-Zusammenleben, notion fondatrice et fil rouge des premières écrits de Landshut, se réduit à un concept en devenir et gravé par la langue de l’analytique existentielle. En suivant, au contraire, le fil conducteur de son œuvre, sa contribution théorique sur le « vivre-ensemble » politique et ses contradictions, on donne une égale dignité aux différentes étapes de son travail et il est possible de s’employer à aborder de façon critique certains passages de sa réflexion pour mettre à l’épreuve sa potentialité herméneutique49. Cette possibilité d’interprétation semble être confirmée par les essais et les articles – rares, discontinus, disparates – écrits par Landshut pendant son exil. En observant l’essai sur la révolution de Landauer, l’enquête philosophique et sociologique sur le kibboutz, ou encore l’article sur les perspectives d’une nouvelle Aliya en Palestine à partir de la considération rétrospective de Landshut en tant que fondateur de la science politique, la période de l’exil – d’un point de vue uniquement scientifique – semble être une interruption prolongée de son travail. Ce n’est pas le cas si on comprend le Miteinander-Zusammenleben comme une clé pour interpréter le politique et ses apories historiques et conceptuelles. L’essai sur Landauer apparaît alors comme une réflexion critique sur les formes qui lient la personne et la communauté et sur le concept de la révolution en tant que processus historique continu.

46L’enquête sur des kibboutz se révèle ainsi être une étude sur les risques représentés pour le Miteinanderleben des kibbouzim par l’isolement croissant au monde environnant et par la disparition de l’idée d’ethos au profit des règles et les règlements complexes auxquels toute la communauté est tenue de se conformer. L’article sur Aliya porte des conclusions pessimistes sur l’efficacité de la part de facteurs externes (dans ce cas, la vague croissante de l’antisémitisme en Europe) sur la fondation d’un Miteinander et de son noyau idéal. Ce qui importe à Landshut, ici comme dans ses précédents et prochains écrits, est de placer fermement au centre de la discussion la question fondamentale des conditions de coexistence, du monde commun, de la vie-ensemble, du « vivre l’un avec l’autre » : en bref, la question des hommes et des femmes impliqués dans la coexistence au sein d’un espace public, qui selon Landshut était de plus en plus abandonnés aux contradictions de la modernité alors qu’aucune pensée politique n’était forgée pour faire face à ces temps extraordinaires et combattre ses contradictions.

47De ce point de vue, on peut affirmer que les écrits rédigés lors de son étape en Palestine ont eu un rôle central : la réflexion critique sur les concepts du politique répond ici théoriquement aux besoins dictés par la réalité d’une communauté en formation. Landshut observe directement sur le terrain les différentes étapes de ce processus, comme ses collègues Martin Buber, Ernst Simon, Georg Landauer. À la différence de ces derniers, la production intellectuelle de Landshut pendant cette période tomba dans une sorte d’oubli : lorsqu’il reprit l’enseignement après son retour en Allemagne, il n’en fit jamais mention, indirectement ou directement. Néanmoins, c’est précisément ce silence qui nous invite à réfléchir sur la portée des considérations développées alors, et à revisiter la critique de sa pensée mise au point pendant cette période-là. En partant de la réflexion de Landshut sur les conditions du Miteinander-Zusammenleben, il est alors intéressant d’étudier s’il ne se cache pas dans cette pensée discontinue et parfois même contradictoire quelques éléments décisifs pour construire aujourd’hui une véritable théorie de la démocratie, quand l’appel au « bien commun » et au « vivre ensemble » dans la sphère politique se fait de plus en plus entendre.

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Notes

1 Lettre de Siegfried Landshut à Fritz Warburg, 29.2.1936, dans Rainer Nicolaysen, Die Wiederentdeckung der Politik. Eine Biographie, Frankfurt a.M. 1997, p. 218. Toutes les informations sur la vie de Landshut sont issues de cette monographie.

2 La définition est de l’historien Dan Diner. Ibidem (ed.), Zivilisationsbruch: Denken nach Auschwitz, Frankfurt/M. 1988.

3 Pour plus d’informations, voir son curriculum vitae qu’il a lui-même écrit en 1928. Voir Nicolaysen, cit., p. 31.

4 Ibid.

5 Siegfried Landshut, Über einige Grundbegriffe der Politik, in Ibidem, Politik. Grundbegriffe und Analyse, ed. par R. Nicolaysen, Berlin-Brandeburg 2004, pp. 327-386.

6 Wilhelm Hennis, « Zu Siegfried Landshuts wissenschaftlichem Werk », in Zeitschrift für Politik, 17 (1970), c. I, pp. 1-14, ici p. 4 ; maintenant aussi dans Wilhelm Hennis, Politik und praktische Philosophie. Schriften zur politischen Theorie, Stuttgart 1977, pp. 275-293, ici p. 279.

7 Cette question est très débattue par les historiens, voir Nicolaysen, p. 65.

8 Ibid., p. 81.

9 Ibid., p. 77.

10 Landshut, « Eine Frage europäischer Politik », Die Gesellschaft, 3 (1926), vol. II.

11 Landshut, Kritik der Soziologie. Freiheit und Gleichheit als Usprungsproblem der Soziologie, München-Leipzig 1929, maintenant dans Ibidem, Politik, cit., pp. 43-188. Voir aussi Ibidem, « Max Webers geistgeschichtliche Bedeutung », Neue Jahrbücher für Wissenschaft und Jugendbildung, 7 (1931), pp. 507-516, maintenant aussi dans Ibidem, Politik, cit., vol. II, pp. 539-555.

12 Landshut, « Marx redivivus », Neue Blatter für den Sozialismus, 2 (1931), pp. 611-617.

13 Karl Marx, Der historische Materialismus. Die Frühschriften, 2 vol. Ed. par Siegfried Landshut et Jacob Peter Meyer, avec la collaboration de Friedrich Salomon (Kröners Éditions de poche 91 et 92), Leipzig 1932.

14 Landshut, Der Begriff des Ökonomischen. Einige Kapitel aus einer historisch-analytischen Untersuchung über den Bedeutungswandel des Begriffs des Ökonomischen, maintenant aussi dans Ibidem, Politik, cit., vol. I, pp. 189-290.

15 Landshut, « La crise et la politique monétaire de Président Roosevelt », dans L’Egypte Contemporaine. Revue de la Société Royale d’Economie Politique de Statistique et de Législation [Le Caire], 25. N. 148-149 (Mars-Avril 1934), pp. 501-517. Ibidem, « Les grands problèmes sociaux de notre époque », dans L’Egypte Contemporaine. Revue de la Société Royale d’Economie Politique de Statistique et de Législation [Le Caire], 25. N. 150 (Mai 1934), pp. 501-517.

16 Nicolaysen, cit., p. 498.

17 Dans une lettre à Bernhard Kahn, à l’époque directeur de l’European Office de l’American Joint Distribution Committee, Landshut explique les raisons qui inspirèrent sa recherche : « Je trouve que si une réflexion scientifique peut quand même être encore engagée, la tâche d’une clarification du point de vue historique-sociologique sur le destin juif dans le monde moderne c’est ce qu’un sociologue juif aujourd’hui doit faire ». Nicolaysen, p. 208.

18 Ibid., p. 220.

19 Ibid., p. 503.

20 Landshut, La révolution sociale dans la conception de Landauer, Centre culturel du Histadrut (ed.) Gustav Landauer. Au vingtième anniversaire de son assassinat, Tel Aviv 1939, pp. 44-57 (en hébreu).

21 Landshut, À la fin d’un siècle (1840-1940), dans Berl Katznelson (Ed.), Ba-kur, 1. Edition, Tel Aviv 1941, pp. 58-67 (en hébreu).

22 Landshut, Kibboutz (Bibliothèque Sioniste 4), Jerusalem 1944 (en hébreu), 2. Edition par Ya Tabenkin, Research and Documentation Center of the United Kibbutz Movement, avec une introduction de Gideon M. Kressel, Ramat Efal 2000. Maintenant aussi en Ibidem, Politik, cit., 2 vol., pp. 770-977.

23 Landshut, « Réflexions sur l’Alija », Beajot [Problèmes], année 1, cahier I (avril 1944), pp. 152-157.

24 Landshut, « L’essence de la société moderne selon Karl Marx et Max Weber », in Iyyun [Réflexions], vol. I, cahier I (Octobre 1945), pp. 102-125 [en hébreu]. Maintenant aussi dans Ibidem, Politik, cit., pp. 608-653.

25 Landshut, Jewish communities in the Muslim Countries of the Middle East. A survey, pour The American-Jewish Committee and the Anglo Jewish Association, édité par le Jewish Chronicle, London 1950.

26 Cf. Claus-Dieter Krohn, Intellectuals in Exile, Refugee Scholars and the New School for Social Research, University of Massachusetts Press, 1993, p. 199.

27 Alexis de Tocqueville, Das Zeitalter der Gleichheit. Eine Auswahl aus dem Gesamtwerk, ed. par Siegfried Landshut (Kröners Éditions de poche 221), Stuttgart 1954. 2. Édition 1967.

28 Nicolaysen, cit., p. 366.

29 Herman Finer, Der moderne Staat. Theorie und Praxis, ed. et traduit par Siegfried Landshut, vol. I Grundlage (Internationale Sozialwissenschaftliche Bibliothek) Stuttgart-Düsseldorf 1957, voll. II et III (Veröffentlichungen der Akademie für Gemeinwirtschaft Hamburg), Stuttgart-Düsseldorf 1958.

30 Maurice Duverger, Die politische Parteien, ed. et traduit par Siegfried Landshut (Veröffentlichungen der Akademie für Gemeinwirtschaft Hamburg), Tübingen 1959.

31 Selon Nicolaysen au début des années 60, Landshut demanda à son ami Daniel Dishon, à Jérusalem, de lui envoyer de la littérature sur le kibboutz, afin de reprendre son étude sur les « établissements communautaires », mais on ne sait pas s’il suivait le développement des nouvelles recherches. Cf. Nicolaysen, op. cit., p. 427 et 559.

32 Jürgen Habermas, « Grossherzige Remigranten. Über jüdische Philosophen in der frühen Bundesrepublik. Eine persönliche Erinnerung », in Neue Zürcher Zeitung, 2.7.2011.

33 Cf. E. Fiorletta, « Siegfried Landshut tra passato e futuro. Intervista ad Angelo Bolaffi », in http://www.giornaledifilosofia.net/public/scheda.php?id=33, dernier accès le 10.12.2012.

34 Marita Krauss, « Jewish Remigration: an Overview of an Emerging Discipline », dans LBI Year Book, vol. 49 (2004), p. 111.

35 Cf. E. Fiorletta, « Er war ein Perspektivenöffner auf die Moderne. Interview mit Martin Sattler », dans http://www.giornaledifilosofia.net/public/scheda.php?id=32, dernier accès le 10.12.2012.

36 Max Weber, Wissenschaft als Beruf, W. J. Mommsen (ed.), Max Weber Gesamtausgabe, vol. 17, Tübigen 1992, p. 46.

37 Cf. D. Sternberger, Gang zwischen Meistern, Frankfurt am Main 1987.

38 Cf. Karl Löwith, Ma vie en Allemagne avant et après 1933 : récit, Paris 1988.

39 Martin Buber, Ich und Du (1923), Gerlingen 1974.

40 Karl Löwith, Das Individuum in der Rolle des Mitmenschen (1928), Stuttgart 1981-1988.

41 Du CV de Landshut, cf. Nicolaysen, pp. 64-65.

42 Landshut, Über einige Grundbegriffe der Politik, cit., p. 327.

43 Aristote, Politica, 1253a 29. Remarquable est le rappel de Landshut à l’Aristotélisme politique, qui aurait aussi alimenté les réflexions de Hannah Arendt et ensuite toute la tradition d’études allemandes sous le nom de la réhabilitation de la philosophie pratique que l’on a nommé. Cf. Manfred Riedel, Die Rehabilitierung der praktischen Philosophie, Freiburg 1972.

44 Landshut, Über einige Grundbegriffe der Politik, cit., p. 328.

45 En plus des philosophes déjà mentionnés, Buber et Löwith, on se rappelle aussi de Hermann Cohen, Die Religion der Vernunft aus den Quellen des Judentums (1919) ; Franz Rosenzweig, Der Stern der Erlösung (1921) ; Max Scheler, Wesen und Formen der Sympathie (1923).

46 Landshut, « Politik », dans Evangeliche Kirchenlexikon. Kirchlichtheologisches Handwörterbuch, Heinz Brunotte et Otto Weber (eds.), vol. 3 (P-Z), Göttingen 1959, pp. 248-250. Maintenant Ibidem, Politik, cit., pp. 294-295.

47 Landshut, Über einige Grundbegriffe der Politik, cit., p. 328.

48 Landshut, « Verfassung », Première publication du Wörterbuch der Soziologie, Wilhelm Bernsdorf (ed.), deuxième édition, Stuttgart 1969, pp. 1230-1233, maintenant Landshut, Politik, cit., p. 397.

49 Wolfgang Kessel a compris parfaitement le rôle central de l’idée de la communauté politique dans la pensée de Landshut. Cf. Kessel, Das politische Gemeinwesen, in R. Nicolaysen (ed.), Polis und Moderne. Siegfried Landshut in Heutiger Sicht, Berlin-Hamburg 2000, pp. 81-93.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Elena Fiorletta, « Sur les traces du « vivre-ensemble » »Bulletin du Centre de recherche français à Jérusalem [En ligne], 23 | 2012, mis en ligne le 20 février 2013, consulté le 19 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/bcrfj/6917

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Auteur

Elena Fiorletta

Elena Fiorletta a obtenu sa licence en Philosophie (magna cum laude) à l’université de Rome La Sapienza. En 2009, elle a reçu son doctorat (PhD) en Philosophies et Théories sociales contemporaines de l’université de Bari. Sa thèse, intitulée « Economia, politica, società. Il contributo di Siegfried Landshut a un’analisi del moderno », vise à reconstruire trois moments clé de la première phase de la pensée philosophique de cet auteur Juif-Allemand encore inconnu. Elle a conduit ses recherches en Allemagne, à l’université de Heidelberg, de Francfort et de Hambourg. En 2012 elle a fait un post-doctorat au Franz Rosenzweig Research Center de l’université Hébraïque de Jérusalem. Elle est actuellement en post-doc au CFRJ dans le cadre de la bourse Bettencourt Schueller, pour une recherche centrée sur le concept de Gemeinwesen dans la pensée de Landshut. Elle contribue à l’axe de recherche du CRFJ sur les identités religieuses en Israël aujourd’hui.

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