Abderrahmane Khelifa, Fouilles de Honaïne. Contribution à l’étude des villes du Maghreb central
Abderrahmane Khelifa, Fouilles de Honaïne. Contribution à l’étude des villes du Maghreb central, Alger, Centre national de la recherche en archéologie (supplément au Bulletin d’archéologie algérienne, 9) 2022, 2 vol. (1 texte, 306 p. ; 2 illustrations, 338 p.) ISSN : 1111-8202
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Mots-clés :
Algérie, Moyen Âge, urbanisme, archéologie, histoire, céramique, architecture, architecture domestique, fortificationKeywords:
Algeria, Middle Ages, Urbanism, Archaeology, History, Ceramics, Architecture, Domestic Architecture, FortificationTexte intégral
1Le Centre national de la recherche en archéologie [CNRA] d’Alger nous offre, avec ces deux volumes, la publication de la thèse que M. Abderrahame Khelifa, alors membre des Services des Antiquité algériennes, a soutenue en 1993 à Aix en Provence sous la direction de M. Jean-Claude Garcin. La présentation des fouilles de Hunayn (Honaïne), qu’il a dirigées durant huit ans dans les années quatre-vingt, constitue une partie importante et novatrice de cet ouvrage. Un résumé en arabe est disponible après la partie en français.
2M. A. Khelifa n’oublie pas le cadre géographique et historique dans lequel s’est développée cette petite ville portuaire des rivages nord-ouest de l’Algérie actuelle. Les huit premiers chapitres (p. 53-178) reviennent longuement et de façon très précise sur l’histoire de Hunayn de la préhistoire à la « principauté ziyyanide » des xiii-xvie siècles et sur sa place dans le commerce méditerranéen. Des cartes, plans et photos illustrent de manière très lisible et très didactique ces différentes périodes. M. A. Khelifa relie à chaque fois l’histoire de Hunayn à celle de la région dans laquelle elle s’insère : le massif montagneux des Traras difficile d’accès mais qu’il faut traverser pour relier l’arrière-pays – Nedroma ou Tlemcen – à la mer. Les deux premiers chapitres (Aspects physique et géographique, p. 17-52 ; La Préhistoire et l’Antiquité, p. 53-74) dressent le cadre géographique et social de cette région jusqu’à la conquête arabo-musulmane. L’étude du paysage, des ressources naturelles, du climat et des premières populations est ainsi menée à la lumière de la géographie, de l’archéologie et des sources antiques ou médiévales. Pour les périodes historiques, l’auteur s’appuie sur les sources médiévales et analyse le rôle de la région des Traras, des populations et des villes qui s’y trouvent pour les différents moments que sont le xe siècle et les luttes entre Umayyades et Fatimides, le moment des empires berbères ou celui de la dynastie abdelwadide. Ainsi les liens entre Hunayn et Nedroma ou Tlemcen sont-ils bien analysés.
3Le rôle portuaire et donc commercial de la ville de Hunayn n’est, bien sûr, pas négligé. Les routes commerciales, les réseaux de communications sont analysés et, parfois, cartographiés à chacun des chapitres. Une description des liaisons avec l’intérieur est même particulièrement détaillée p. 49. Toutes ces mentions montrent l’importance du port de Hunayn dans le commerce méditerranéen et, surtout, pour Tlemcen, ce que corrobore les archives des maisons de commerces italienne et aragonaise dès longtemps étudiées.
4Pour la période almohade (p. 124-135), particulièrement importante pour la ville de Hunayn – ʿAbd al‑Muʾmīn, fondateur du mouvement, est né à proximité de Hunayn – l’auteur décrit en détail le rôle majeur qu’eut, pour la ville, ses liens avec à la tribu du fondateur, les Kumiya, en « la propulsant sur le devant de la scène maghrébine alors que rien ne la prédisposait à jouer un rôle aussi important » (p. 134).
- 1 La lettre où Antonio Malfante relate son expédition vers le Touat a été récemment éditée par Ingri (...)
5Le chapitre suivant, Honaïne dans la principauté zayyanide (p. 137-159), s’attache à analyser le devenir de la ville après le moment almohade. Les relations intellectuelles, politiques et commerciales entre al‑Andalus et Tlemcen, la capitale du nouvel émirat dont dépendait Hunayn, sont décrites avec minutie. Là encore, l’étude des populations et des ressources naturelles n’est pas négligée et l’auteur souligne l’installation de nouvelles populations sur le littoral modifiant ainsi le peuplement ancien. M. A. Khelifa s’intéresse aussi à la place de Hunayn dans le réseau commercial abdelwadide. En effet, la ville était l’un des principaux ports de commerce de Tlemcen et l’auteur rappelle, entre autres, qu’A. Malfante débarqua à Tlemcen pour se rendre au Touat1, illustrant ainsi la place de la ville dans le grand commerce.
6L’ouvrage se termine par un chapitre intitulé La fin de Honaïne (p. 257-264) qui montre comment la ville, au xvie siècle, perd son importance commerciale et devient un lieu de refuge pour les corsaires. La prise par les Espagnols en 1531, son abandon et sa destruction en 1535 sonnent le glas de cette ville portuaire si florissante au Moyen Âge. L’histoire de la région « sera personnalisée par l’élément tribal : la région des Traras » (p. 264).
7Une bibliographie (p. 275-290) et des annexes portant sur le commerce (p. 291-295) et les correspondances espagnoles concernant la ville (p. 297-301) clôturent ce volume de texte.
- 2 A. Khelifa, Honaïne : Ancien port du royaume de Tlemcen, Alger, Dalimen, 2008.
8Si la partie spécifiquement historique est importante et d’un grand intérêt, elle ne constitue pas tout à fait une nouveauté puisqu’elle a fait l’objet, en 2008, d’une publication spécifique2 ; les renvois aux sources n’étaient, cependant, pas signalés, ce qui valorise cette édition. L’apport majeur de cette publication est sans conteste la partie sur La ville et ses monuments : les données architecturales (p. 179-256), celle sur Les fouilles archéologiques (p. 209-247) – ces deux chapitres sont moins détaillés dans la publication de 2008 – et surtout le volume 2 d’illustrations, ce qui permet de suivre, presque pas à pas, les fouilles dirigées par M. A. Khelifa. Chacun des monuments est localisé dans la ville et analysé archéologiquement. Le renvoi aux plans et aux figures disponibles dans le volume 2 n’est pas toujours très clair et le lecteur doit s’employer à retrouver les illustrations correspondantes ; certains plans disposés recto-verso, rendent impossible une bonne lecture et une analyse du document. Il faut, aussi, regretter l’absence d’un plan global permettant de localiser les espaces fouillés et les zones mentionnées pour la qaṣaba, par exemple. L’auteur présente ensuite les résultats des sondages et fouilles réalisées sur un quartier de maisons à proximité du rempart nord. On peut ainsi suivre carré par carré et couche par couche l’avancée des fouilles et la nature des structures mises au jour. Cette présentation est précieuse pour tout chercheur voulant comprendre les architectures et trouver des comparaisons pour d’autres sites. Les maisons sont décrites et leurs plans analysés. Il en va de même pour les ruelles puis les matériaux de construction, et le mobilier archéologique mis au jour (céramique, monnaie et objets). Si le lien avec les illustrations du volume 2 ne va pas toujours de soi, la publication, dans ce dernier volume, des planches de céramiques décrites brièvement dans le volume 1 (p. 232-235) est d’un intérêt majeur pour l’étude de la céramique médiévale au Maghreb central et constitue une base pour une étude plus complète de la céramique de cette zone au Moyen Âge.
9L’auteur conclut cette partie en signalant que de nombreuses zones d’ombre existent encore quant à l’organisation de la ville, ses structures commerciales (funduq, douane, entrepôts…), navales (accastillage, chantier de construction navale…) et quant à l’emplacement des quartiers de minoritaires (juifs). Il appelle de ses vœux des « sondages sur l’ensemble de la ville » qui, malheureusement, aujourd’hui sont impossibles à réaliser à cause de l’urbanisation croissante de la ville.
10C’est pour cette raison que ce livre, même s’il nous donne à lire une thèse soutenue il y près de trente ans, est un ouvrage indispensable pour tout chercheur, historien ou archéologue, s’intéressant à la région de Tlemcen et aux Traras dans l’histoire. Sa consultation est également indispensable pour toute étude portant sur l’architecture domestique ou la vie matérielle entre le xiiie et le xve siècle au Maghreb. On ne peut que remercier le Bulletin d’archéologie algérienne d’avoir bien voulu publier ces deux volumes.
Notes
1 La lettre où Antonio Malfante relate son expédition vers le Touat a été récemment éditée par Ingrid Houssaye Michienzi François-Xavier Fauvelle, Benoît Grévin, Malfante l’Africain. Relire la « Lettre du Touat » (1447), Turnhout, Brepols, Global perspectives on medieval and early modern historiography, vol.2, 2023. https://www.brepols.net/products/IS-9782503602660-1
2 A. Khelifa, Honaïne : Ancien port du royaume de Tlemcen, Alger, Dalimen, 2008.
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Référence électronique
Agnès Charpentier, « Abderrahmane Khelifa, Fouilles de Honaïne. Contribution à l’étude des villes du Maghreb central », Bulletin critique des Annales islamologiques [En ligne], 38 | 2024, mis en ligne le 14 avril 2024, consulté le 13 octobre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/bcai/7167 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/bcai.7167
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