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Dossier - Balkans connectés

Rencontre avec Elif Becan, Fabio Giomi et Pierre Sintès, membres de l’Association française d’études sur les Balkans

Meeting with Elif Becan, Fabio Giomi and Pierre Sintès, members of the French Association for Balkan Studies
Morgane Dujmovic et Sarah Sajn

Résumés

L’Association française d’études sur les Balkans (AFEBalk) a organisé les Rencontres d’études balkaniques du 30 juin au 2 juillet 2022 à Marseille. Cette quatrième édition portait sur le thème des « Balkans connectés ». À cette occasion, nous avons souhaité revenir sur la structuration du champ des études balkaniques francophones avec trois chercheurs membres du bureau de l’AFEBalk jusqu’en 2023. Cet entretien a été réalisé de façon semi-hybride, entre Paris et Marseille, en juin 2023, par deux jeunes chercheuses ayant elles-mêmes pris part à la relance de l’association à partir de 2016. À la manière d’un bilan réflexif, il propose une rétrospective d’une décennie d’animation scientifique collective et dresse les principales tendances et perspectives scientifiques des études balkaniques francophones, en France et à l’international.

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Texte intégral

Morgane Dujmovic et Sarah Sajn : Cet entretien a d’abord été motivé par l’actualité des 4e Rencontres d’études balkaniques, qui se sont déroulées à Marseille à l’été 2022 sur le thème des « Balkans connectés ». Les deux Rencontres précédentes avaient pour titre « À la recherche des Balkans : entre Europe et Méditerranée » (2016) et « Villes des Balkans » (2019). Pouvez-vous revenir sur les discussions qui ont motivé cette manière de marquer le champ : comment s’est fait le choix d’aborder la question des connexions ? Vous a-t-il paru important d’affirmer que les Balkans sont connectés avec d’autres régions, voire avec le reste du monde ?

  • 1 Politiste, attachée temporaire d’enseignement et de recherche à l’Université Paris Nanterre, membre (...)

Elif Becan1 : Il faut sans doute commencer par mentionner les continuités existantes entre les différentes Rencontres balkaniques tenues entre 2016 et 2022. Au regard des appels à participation lancés, on s’aperçoit que l’idée était avant tout de valoriser les Balkans en tant qu’espace. Les Rencontres reposent sur l’idée de valoriser les aires culturelles et les études aréales qui se font sur les Balkans, dans l’espace francophone mais également dans d’autres institutions balkaniques ou anglophones. Nous avons donc toujours cherché à garder une approche spatiale. Pierre [Sintès], président de l’association jusqu’à la dernière assemblée générale [juin 2023], a préparé les premières trames de ces appels depuis sa discipline d’origine, la géographie, ce qui a déterminé cette approche par l’espace. Nous avons souhaité valoriser et décloisonner les travaux réalisés dans l’espace francophone, et les relier avec les autres espaces. En parallèle, notre démarche a visé à dé-particulariser les Balkans en tant qu’espace en mettant en lumière son rapport avec l’Europe, avec la Méditerranée, à travers les thèmes des villes et des connexions – en référence aux tournants transnationaux et globaux des recherches actuelles. Les Rencontres et les appels ont toujours été reliés aux tournants et aux études faites ailleurs ainsi qu’aux grandes questions des sciences sociales, que l’on a cherché à appliquer aux Balkans. C’est le principe même des études aréales.

  • 2 Historien, chargé de recherche au CNRS, rattaché au Centre d’études turques, ottomanes, balkaniques (...)
  • 3 Sajn Sarah, Samary Catherine, « Pour une approche socio-historique de l’action collective dans les (...)

Fabio Giomi2 : De mon côté, je pense à deux réponses complémentaires. D’abord, insister sur la nature connectée des Balkans vient de notre expérience quotidienne de cette région via les médias et nos contacts avec la région. Je pense par exemple aux moments où les Balkans ont percé dans les médias généralistes ces dernières années : il y a eu la Balkan route ; il y a maintenant l’agression russe contre l’Ukraine ; il y a aussi la pandémie, avec cette destruction/reconfiguration des systèmes de welfare et des global care chains, avec des femmes des Balkans venues aider ailleurs en Europe en tant que personnel de soins notamment. Les mouvements sociaux de la région constituent un autre exemple de connexion, car les transformations récentes de ces mouvements sont incompréhensibles en dehors du cadre des transformations de l’action collective à l’échelle européenne et globale – comme le montre par exemple le dossier thématique de Balkanologie dirigé par Catherine Samary et Sarah Sajn3. Notre expérience et nos observations nous rappellent, sans surprise, que cette région est infiniment connectée avec le reste du continent et du monde.

  • 4 Todorova Maria, Imaginaire des Balkans, traduit de l’anglais par Rachel Bouyssou, Paris, Éditions E (...)
  • 5 Chevrier Yves, « La traversée des sciences de l’Homme : aires culturelles, humanités et sciences so (...)

La deuxième réponse possible est d’ordre épistémologique. Nous sommes une société savante qui se donne pour objectif de fédérer des chercheur·e·s travaillant sur les Balkans. En même temps, nous sommes dans une époque où les sciences sociales ont de plus en plus de recul critique, parfois une véritable méfiance, envers ce qu’on appelle fréquemment en français une « pensée aréale ». Si dans les années 2000 et 2010, sous l’impulsion du travail capital de Maria Todorova (1997 en anglais, 2011 pour la traduction française4), l’idée qu’il fallait déconstruire le balkanisme, et donc faire une généalogie à la fois savante et politique de l’idée de Balkans, a caractérisé une bonne partie des travaux sur la région, il me semble que la critique s’est déplacée depuis. Cela vient peut-être de mon positionnement à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), mais j’ai l’impression que l’on soumet à critique non seulement les « contenus » (c’est-à-dire les caractéristiques que l’on assigne à chaque aire culturelle supposée) mais aussi la « forme », c’est-à-dire l’aire culturelle en tant que catégorie d’organisation et de pratique des sciences sociales. Autrement dit, on affirme avec force qu’organiser les régions non européennes ou non occidentales en tant qu’unités discrètes (« Balkans », « Europe de l’Est », mais aussi « Moyen Orient », etc.) sur la base de spécificités historiques, linguistiques, religieuses supposées n’est pas une opération neutre. Comme le dit de façon convaincante Yves Chevrier5, quand on parle d’aire culturelle, on entend essentiellement trois choses : des « espaces-objets », c’est-à-dire des régions dont les mondes sociaux font l’objet du travail de spécialistes ; des « secteurs de la connaissance », c’est-à-dire des champs et sous-champs d’études qui traversent les sciences sociales ; des « dispositifs de formation et de recherche ». Si le risque d’essentialiser l’autre non-ouest européen est toujours présent, l’existence des aires culturelles offre aussi un espace de possibilité et de solidarité pour celles et ceux qui veulent s’intéresser à tout ce qui dépasse l’Europe occidentale. Mettre les connexions au cœur du travail d’une association spécialisée sur une aire culturelle est donc un moyen de « ne pas jeter l’enfant avec l’eau du bain », d’utiliser l’aire culturelle comme dispositif fédérateur tout en restant vigilant·e·s et réflexif·ve·s quant aux implications et risques d’une telle démarche.

  • 6 Géographe, maître de conférences-HDR en géographie rattaché à l’UMR Temps, espaces, langages, Europ (...)

Pierre Sintès6 : C’est effectivement cette dimension épistémologique qui me semble importante à souligner, même si l’actualité des Balkans donne de la visibilité à la région et à nos questions de recherche auprès du grand public et fait résonner nos centres d’intérêt auprès de nos interlocuteur·trice·s. C’est le cas sur la question migratoire, ou sur des questions plus géopolitiques de minorités ou de frontières, ou encore de mémoire, de commémoration. Mais d’un autre côté, avec la thématique « Balkans connectés » que nous avons choisie pour nos dernières Rencontres, il y avait, pour ne pas dire un « retour aux sources », au moins une volonté de renouer avec les principes sur lesquels on s’était entendus, au moment de relancer l’association : il s’agissait d’aller au-delà d’une vision caricaturée ou caricaturale des Balkans. Et pour ce faire, nous voulions envisager les travaux sur cette région à un niveau plus méthodologique : comment travaille-t-on sur un espace identifié et bordé par un ensemble de représentations, et comment l’utilise-t-on pour penser des processus plus globaux, des processus qui le dépassent ? Cette question de la connexion était justement un moyen de montrer que notre but était celui-là. Tout l’enjeu de l’association que l’on anime est de soutenir que travailler sur les Balkans permet aussi d’aborder des choses qui nous concernent tous et toutes, quels que soient les lieux où l’on se trouve, quels que soient les interlocuteur·trice·s, parce qu’ils et elles peuvent être concerné·e·s par des dynamiques qui sont peut-être plus visibles dans les Balkans, mais qui sont aussi présentes ailleurs.

  • 7 Mestrovic Stjepan, The Balkanization of the West. The Confluence of Postmodernism and Postcommunism(...)

Je vois ici une parenté avec les études méditerranéennes : il s’agit d’envisager que ces espaces, qui semblent parfois positionnés de manière marginale ou périphérique, sont des lieux d’expression plus clairs de processus qui concernent aussi d’autres espaces plus centraux. On peut ici s’appuyer sur le beau titre d’un ouvrage que j’aime bien citer à ce propos, The Balkanisation of the West7, pour illustrer l’idée que l’étude des Balkans et des périphéries plus généralement permet de comprendre ce qu’il se passe dans le centre. Cela rejoint les hypothèses de base des Subaltern Studies, que de dire que c’est par les marges et par les subalternités que l’on comprend mieux les processus concernant l’ensemble du dispositif et de la société. C’était bien cela, l’idée de « Balkans connectés » : montrer que ces Balkans, en général renvoyés à des représentations de la marginalité, de la périphérie, parfois de l’isolat – à l’image de ces groupes restés clos, dont l’isolement expliquerait d’ailleurs le comportement un peu singulier –, sont en fait également des lieux où l’on peut faire, par le biais de nos terrains d’étude et dans nos recherches, l’expérience que l’on vit dans un monde connecté, dont les Balkans font partie.

Puis, le deuxième élément que je voulais aborder à propos des Area Studies et de leur implication dans le champ académique, c’est que nous voulons favoriser par l’AFEBalk une connexion entre les chercheur·e·s, celles et ceux d’ici, mais aussi des Balkans. Connecter les Balkans et nous connecter, nous qui travaillons sur les Balkans en France, est aussi l’un des objectifs de notre association. C’est pourquoi ce titre était peut-être encore plus évocateur que ceux des Rencontres précédentes, car il permet de tenir l’ensemble des objectifs de notre association : il est représentatif à la fois de l’actualité, de l’épistémologie et des objectifs de mise en connexion de notre association.

Elif Becan : Il faut peut-être ajouter un point sur la manière dont nous envisageons cette connexion au sein de l’AFEBalk. Nous considérons en effet les Balkans comme un espace assez large, qui commence en Hongrie et finit en Turquie. Dans les déclinaisons aréales que nous voyons par ailleurs, y compris au sein de nos institutions respectives, nous avons l’habitude que ni la Hongrie, ni la Turquie, ni la Roumanie, ni la Grèce ne soient considérées comme faisant partie des Balkans.

Pierre Sintès : Oui, on a dépassé ce type de questionnement, même s’il reste toujours important. Cela pourrait d’ailleurs être le titre des prochaines Rencontres : « Dimension des Balkans », « Géométrie des Balkans », « (No) Limites des Balkans »…

Morgane Dujmovic et Sarah Sajn : Merci de nous livrer en avant-première le thème des prochaines Rencontres ! Plus sérieusement, pour approfondir cette manière de marquer le champ en lien avec la question de la connexion, le choix d’ancrer les Rencontres à Marseille, à trois reprises, était-il une manière d’affirmer le positionnement des Balkans au sein de l’espace méditerranéen ? Ce choix renvoie-t-il également à une volonté de dépasser, de dé-particulariser leur rattachement à ce qui est appelé l’Europe médiane, orientale voire l’espace post-socialiste ? Bref, quelle « connexion » entre la Méditerranée, Marseille et les Rencontres ?

  • 8 Temps, espaces, langages, Europe méridionale, Méditerranée.
  • 9 Institut de recherches et d’études sur les mondes arabes et musulmans.
  • 10 Institut d’ethnologie méditerranéenne européenne et comparative.
  • 11 Centre méditerranéen de sociologie, de science politique et d’histoire.
  • 12 Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée.

Elif Becan : Il y a peut-être trois aspects à prendre en considération. Tout d’abord, Marseille, parce que c’est beau ! C’est subjectif bien entendu, mais durant ces cinq années de travail ensemble, il y avait, et c’est le deuxième aspect, l’idée de sortir de Paris, de s’en décentrer et d’organiser un événement dans une ville ayant une autre culture institutionnelle. Et, dans cette optique-là, et c’est le troisième aspect, je dirais que la présence d’institutions universitaires d’Aix-Marseille Université comme TELEMMe8, l’IREMAM9, l’IDEMEC10, MESOPOLHIS11 ou le MuCEM12 ancre les recherches qui sont faites sur les Balkans dans l’espace méditerranéen. Il ne s’agit donc pas d’affirmer une appartenance à la Méditerranée en soi, mais de collaborer avec les institutions qui sont déjà sur place à Marseille.

Fabio Giomi : C’est peut-être l’historien du fait associatif que je suis qui parle, mais il faut dire que Marseille – et plus précisément le MuCEM, qui chaque fois nous accueille avec grand enthousiasme – nous a semblé le lieu idéal pour bâtir un espace de convivialité, de rencontre entre étudiant·e·s, chercheur·e·s et enseignant·e·s, entre spécialistes basé·e·s en France, dans les Balkans ou ailleurs. La nature associative de l’AFEBalk nous pousse d’ailleurs à assigner la plus grande importance à la sociabilité scientifique. L’expérience nous apprend qu’il est plus facile pour les étudiant·e·s et les doctorant·e·s d’entamer un dialogue avec une personne rencontrée en chair et en os. Nos Rencontres – les panels, mais aussi les repas, les visites d’institutions culturelles de la ville, les moments informels – deviennent ainsi essentielles pour renforcer la « scène balkanologique francophone ».

Elif Becan : Oui, et j’ajouterai que notre volonté est avant tout de rendre accessible non seulement les travaux, mais aussi les chercheur·e·s, que ce soit des jeunes masterant·e·s, dont on a accepté des propositions dans les éditions précédentes, des doctorant·e·s ou bien des enseignant·e·s-chercheur·e·s. L’idée est vraiment de créer un espace de sociabilité pour ensuite générer des projets collectifs.

  • 13 Anthropologue, directeur de recherche au CNRS et directeur des études modernes et contemporaines à (...)
  • 14 Le LabexMed est le laboratoire d’excellence de la fondation A*MIDEX qui a regroupé seize unités mix (...)
  • 15 Géographe, professeure à l’École normale supérieure de Lyon (ENSL), rattachée à l’UMR 5600 Environn (...)

Pierre Sintès : L’AFEBalk comme incubateur, cela renvoie encore à la question de la mise en relation, de la mise en connexion qu’évoque le titre des dernières Rencontres. Cette organisation relève d’une démarche assez pragmatique : quand on regarde la géographie de la balkanologie en France, il y a un pôle parisien très important autour duquel gravitent le plus de personnes ; c’est la géographie de la France qui le commande. Et puis à Marseille, depuis quelques années, on a développé avec Gilles de Rapper13 un travail sur les Balkans grâce aux différents supports qui nous étaient donnés à l’Université d’Aix-Marseille, dans un premier temps autour du LabexMed14. Compte tenu de l’attractivité de notre université, on a aussi pu développer un vrai petit pool d’étudiant·e·s et de doctorant·e·s sur la région. Lors des Rencontres de 2016, Emmanuelle Boulineau15 avait d’ailleurs fait une présentation sur le champ de la recherche balkanique en France, où elle avait mis en avant le fait qu’un pôle était en train de se constituer à Marseille, en particulier autour de l’encadrement doctoral. C’est un peu sur cette vague-là que l’on a pu « surfer » pour organiser les Rencontres à Marseille et intéresser nos structures aux questions balkaniques. C’est donc quelque chose de tout à fait pragmatique, qui naît de nos relations avec nos institutions de rattachement.

Ensuite, il y a cette autre question : l’organisation des Rencontres à Marseille, est-ce seulement une question franco-française ? Est-ce juste pour dire qu’on ne fait pas les choses à Paris ? D’un côté, effectivement, quand on dit qu’on veut travailler sur la remise en question des hiérarchies territoriales et des rapports centre-périphérie, il s’agit de mettre en adéquation nos intentions avec nos actes, ce qui n’aurait pas vraiment été le cas si on avait organisé les Rencontres à la Sorbonne ou boulevard Raspail : c’est à Marseille également parce qu’on propose d’aborder les choses par le bord, par la périphérie. Et puis, d’un autre côté, il y a la question des rapports entre études balkaniques et études méditerranéennes, qu’on a d’emblée cherché à mettre en avant au moment des Rencontres de 2016, intitulées « À la recherche des Balkans : entre Europe et Méditerranée ». Notre objectif n’était pas d’affirmer une parenté structurelle entre Méditerranée et Balkans, avec le risque de retomber dans le piège des études aréales et d’une certaine forme de primordialisme. En revanche, il s’agissait de soutenir que la même question fondamentale se pose quand on aborde la Méditerranée et les Balkans : celle du rapport centre-périphérie, des relations coloniales-décoloniales, des transitions politiques. Pas forcément parce que les Balkans font partie de la Méditerranée – car je pense, justement, qu’on n’a pas à se poser des questions de ce type –, mais plutôt parce qu’on peut rencontrer des interlocuteur·rice·s sur place, à Marseille et en Méditerranée, qui comprennent les questions que l’on se pose sur les Balkans. L’objectif, c’est aussi de permettre à des gens qui posent les questions de la même manière de se rencontrer, parce qu’ils·elles sont confronté·e·s à ce défi de savoir comment ils·elles étudient une aire régionale, comment on justifie ou tire parti de l’étude d’une aire régionale pour travailler en SHS sur des processus plus généraux. La Méditerranée, ce n’est plus la Mare Nostrum des Romains comme chacun sait... Alors comment travailler sur une aire régionale qui a également une dimension périphérique ? Comment cela peut-il permettre de comprendre différemment les centres ou même, de manière plus globale, le système-monde ?

Morgane Dujmovic et Sarah Sajn : Pour comprendre encore mieux l’évolution de cette « scène balkanologique francophone » et ce qu’il s’est produit entre les participant·e·s des Rencontres, pourriez-vous nous parler des propositions reçues en 2022 ? Avez-vous pu dégager de grandes tendances dans les réponses à l’appel ? Finalement, quels débats vous ont le plus marqué·e·s dans la préparation des Rencontres et dans leur déroulement in situ ?

Elif Becan : En 2019, le nombre de propositions reçues était de 63 ; en 2022, il y en a eu 107. Pierre [Sintès] avait humblement expliqué cette augmentation par la fin des restrictions liées à la pandémie, en disant que les gens voulaient se retrouver après les expériences du confinement. Certes, ces espaces de travail, de dialogue et de sociabilité sont nécessaires. Mais l’édition 2022 avait quelque chose de différent que l’on peut voir comme une plus grande ouverture ou internationalisation. Nous avons constaté qu’il y avait de plus en plus de propositions de communications en anglais, qui était la langue majoritaire, même quand la proposition était faite par un·e francophone. En termes d’organisation, c’est la raison pour laquelle nous avons eu beaucoup plus de mal à préparer des panels unilingues. Les propositions d’ateliers collectifs en français étaient elles aussi relativement minoritaires par rapport aux propositions en anglais. Reste à voir si cette dynamique d’ouverture se poursuivra pour l’édition 2025. En tout cas, on peut penser qu’on en est de plus en plus légitimes puisqu’il n’est pas dit que Maria Todorova ou Paul Stubbs seraient venu·e·s présenter leurs recherches en 2016.

Pour l’édition 2022, je trouve aussi remarquable le fait que nous avons reçu beaucoup de propositions de panels collectifs. Et nous avons ensuite observé une réelle mobilisation pour mettre en place des numéros spéciaux à partir des panels et des ateliers des Rencontres. Sur le long terme, nous cherchons toujours à aller dans un sens qui permette à des intervenant·e·s de se rencontrer pour ensuite travailler ensemble autour d’un projet collectif, qu’il soit financé ou non. L’AFEBalk encourage ces efforts collectifs à travers des opportunités de publication des travaux dans la revue Balkanologie. De plus, nous avons décidé, il y a deux ou trois ans déjà, avant la pandémie, de mettre en place des « chantiers de recherche » entre les Rencontres : l’idée est de réunir les personnes ayant l’intention de mener des projets collectifs autour desquels pourront se nouer des discussions et des débats collectifs. Nous parlions de convivialité et de sociabilité tout à l’heure, mais bien entendu le but n’est pas seulement d’échanger des cartes de visite, cela va bien au-delà. Ces chantiers se dérouleront à Paris cependant, par souci d’équilibre, car il faut également prendre en considération le fait qu’organiser des évènements scientifiques nécessite un budget et l’appui des institutions.

Morgane Dujmovic et Sarah Sajn : Pour prendre la mesure du chemin parcouru, il faut peut-être revenir sur la relance de l’AFEBalk dans les années 2010. L’association avait déjà organisé un premier colloque en 2002, puis a progressivement ralenti son activité avant de faire peau neuve et d’organiser les Rencontres de 2016, 2019 et 2022. On aimerait en savoir un peu plus sur l’histoire de l’association : quels ont été les enjeux et les motivations pour relancer un tel chantier ? Sur quelles énergies a-t-il reposé ?

  • 16 Géographe, professeur des universités à l’Institut français de géopolitique (Université Paris 8).
  • 17 Politiste, directrice de recherche au CNRS rattachée au Centre de recherches internationales (CERI) (...)
  • 18 Politiste, chargée de recherche au CNRS rattachée au CERI, Sciences Po Paris.
  • 19 Historienne, directrice d’études à l’EHESS rattachée au CETOBaC.

Pierre Sintès : C’est une association qui s’était donné des missions très disparates : aussi bien la fédération de la recherche que la prise en charge de nombreuses autres activités dépassant la seule recherche, comme des activités d’expertise, de réponse à des appels à rapports pour les ministères, ce qui en faisait en quelque sorte un bureau d’expertise sur les Balkans. C’est autour de ces différentes tâches que des personnes très différentes se sont rencontrées dans un premier temps. Mais la variété des objectifs a peut-être nui à la pérennité de l’association et beaucoup ont fini par la quitter. Ce qu’il s’est passé autour des années 2010, c’est que nous avons été plusieurs à nous mobiliser, en priorisant clairement la volonté de fédérer les énergies dans le domaine de la recherche. Au départ, c’est l’ancien président de l’association, Amaël Catarruzza16, qui nous a sollicités, Gilles de Rapper, moi, mais aussi Nadège Ragaru17, Antonella Capelle-Pogacean18 et Nathalie Clayer19, qui a été la « courroie de transmission » avec le CETOBaC. Donc, la relance de l’association s’est faite autour de cet objectif. Le premier colloque de 2016 a fonctionné comme une rampe de lancement : c’est ce colloque qui a marqué la relance, la reconnexion entre des personnes qui s’étaient jusqu’à présent désinvesties de l’AFEBalk et les nouvelles générations.

  • 20 Historienne, maîtresse de conférences en histoire rattachée au Centre de recherche Europes-Eurasie (...)
  • 21 Politiste, chercheuse associée au centre méditerranéen de sociologie, de science politique et d’his (...)
  • 22 Anthropologue, chargée de recherche au CNRS, membre du Groupe Sociétés, Religions, Laïcités (GSRL, (...)

Il est également essentiel de noter l’articulation qui s’est mise en place dès 2016 entre les Rencontres et la revue Balkanologie, qui est devenue le principal instrument de valorisation des travaux qui ont lieu lors des Rencontres. Cette remise en route de la revue, qui avait périclité depuis 2012, s’est faite sous l’impulsion, entre autres, de Gilles de Rapper, Anne Madelain20, Sarah Sajn21 et Detelina Tocheva22, qui ont assumé les rôles de direction de publication de la revue. Le travail autour de cette revue constitue d’ailleurs l’essentiel de notre activité pendant les trois ans qui séparent les différentes éditions des Rencontres et il s’agit sans doute, avec ces dernières, du second point d’aboutissement le plus tangible de la relance de l’association. C’est donc davantage sur la dimension scientifique et académique que l’accent a été mis, plutôt que sur la dimension d’expertise, qui s’est estompée – sachant que d’autres acteurs sont positionnés sur ce volet dans le champ francophone.

  • 23 Doctorante en études slaves et cinéma rattachée à l’UMR 8224 EUR’ORBEM, Sorbonne Université, membre (...)
  • 24 Anthropologue, chercheuse associée à l’Institut d’anthropologie culturelle de l’Université Johannes (...)
  • 25 Historien, chercheur à l’École française d’Athènes et chercheur associé au CETOBaC (EHESS), membre (...)
  • 26 Géographe et politiste, chargée de recherche au CNRS rattachée à l’UMR Pacte (Univ. Grenoble Alpes, (...)
  • 27 Géographe, chercheur associé au Centre de recherche en géographie LOTERR, membre du comité d’organi (...)
  • 28 Doctorante en histoire à l’EHESS rattachée au CETOBaC, membre de la commission « communication » de (...)
  • 29 Docteure en anthropologie du laboratoire d’ethnologie et de sociologie comparative (Université Pari (...)
  • 30 Docteure en géographie de l’UMR TELEMMe (AMU-CNRS, Aix-en-Provence) et de l’Université Harokopio (G (...)
  • 31 Doctorante en histoire, rattachée à l’Institut d’histoire moderne et contemporaine (ENS-PSL), membr (...)

Elif Becan : De mon côté, je me rappelle de la première assemblée générale, en 2017, après les Rencontres ; Fabio [Giomi] avait dit : « l’idée, c’est de créer un champ ». L’idée était en effet de redonner du sens à l’association pour être vu·e·s ; de faire un effort collectif et institutionnel pour peser au sein de l’université française. Cela passait par la création de cet espace de rencontres / des Rencontres, pour mettre en contact les chercheur·e·s qui travaillent au sein de l’espace francophone et valoriser, dans un premier temps, les recherches sur les Balkans écrites en français – même si les Rencontres sont bien entendu ouvertes aux propositions en anglais. L’un des objectifs était également d’avoir un espace de soutien pour les jeunes docteur·e·s, les doctorant·e·s ou même les masterant·e·s inscrit·e·s dans ce champ, afin qu’ils·elles puissent s’intégrer dans le paysage scientifique français à travers l’association. J’ai l’impression que ces idées nous ont bousculé·e·s et motivé·e·s. Nous avons décidé de faire partie de l’équipe qui souhaitait relancer le projet et on s’est dit : « Tiens, il y a un espace pour les jeunes chercheur·e·s, on nous laisse prendre des initiatives, on peut se lancer ! ». Les enjeux et les motivations de la relance de l’AFEBalk se sont posés à ce niveau-là. Quant aux énergies sur lesquelles cette relance a reposé, je dirais précisément sur des personnes motivées, stimulées par l’idée, sachant que c’est un travail bénévole que l’on a fait – nous, mais aussi, au fil des années, des personnes comme Naima Berkane23, Milana Cergic24, Agustin Cosovschi25, Morgane Dujmovic26, Guillaume Javourez27, Jovana Papovic28, Milena Pavlovic29, Laurence Pillant30, Juliette Ronsin31, Sarah Sajn et bien d’autres, qui se sont impliqué·e·s à différents niveaux. Dans la mesure où nous n’étions pas rémunéré·e·s pour le travail administratif, scientifique ou événementiel que l’on accomplissait, toute la motivation reposait sur cette envie de faire quelque chose ensemble, de contribuer au collectif et au champ français des études balkaniques. De ce point de vue-là, ce travail collectif a lui-même rendu ces années très stimulantes, puisque nous pouvions avoir confiance en l’autre et travailler ensemble, ce qui s’apprend aussi sur le tas.

Fabio Giomi : Je suis tout à fait d’accord. La différence principale aujourd’hui, c’est qu’il existe un champ de la balkanologie, avec toutes les fragilités, tous les aléas que suppose un champ. Mais il existe un champ : les gens se connaissent, travaillent ensemble, disposent de temps de rencontre réguliers. La revue Balkanologie est en effet un moteur et une fenêtre de la transformation du champ. On peut la voir comme un miroir, une caisse de résonance, un thermomètre des évolutions du champ et de son institutionnalisation. Elle a ainsi publié des numéros sur les acteurs économiques, sur « les routes des Balkans » et sur les mouvements sociaux ; et prochainement un numéro va sortir sur le genre.

Pierre Sintès : Plus encore qu’un prisme, Balkanologie est un instrument pour la structuration du champ : c’est parce qu’on collabore au sein de la revue qu’on structure le champ, qu’on débat entre nous, qu’on va vers des auteur·trice·s s, qu’on échange, qu’on cherche (et qu’on trouve) des évaluateur·trice·s pour les articles, etc. C’est vraiment une manière de se faire connaître, ne serait-ce que dans l’activité que l’on déploie pour mettre en œuvre les numéros. C’est donc important ; déterminant, même.

Morgane Dujmovic et Sarah Sajn : Pour comprendre comment ces intentions, ces attentes, cette envie autour de l’AFEBalk se sont concrétisées scientifiquement ces dix dernières années, pouvez-vous nous dire quelles tendances de la recherche balkanologique se dégagent en termes disciplinaires, dans l’espace des sciences sociales francophones ? Au-delà de l’approche spatiale des géographes déjà soulignée, d’autres disciplines ont pesé dans la relance de l’AFEBalk, avec l’implication d’historien·ne·s, de politistes, d’anthropologues. Ces apports disciplinaires ne sont pas neutres en termes d’objets et de concepts mobilisés…

Elif Becan : Si l’on regarde les panels et les propositions acceptées des trois dernières Rencontres, nous pouvons constater qu’il y a deux prismes disciplinaires privilégiés : le premier est historique et permet de cerner les transformations sociales, économiques et géopolitiques sur le temps long ; le second est plus ancré dans la sociologie et les sciences politiques, représenté plutôt par la jeune génération, qui permet d’analyser la région ou les acteurs dans la globalisation, dans les mutations que l’on observe surtout depuis les années 2000. En scrutant les propositions acceptées pour l’édition 2022, nous pouvons observer une évolution marquée par la différence générationnelle, tant pour les panels collectifs que pour les propositions individuelles. La génération d’historien·ne·s qui travaillaient déjà sur les Balkans dans les années 1990 ont plutôt proposé des papiers sur des structures, sur des transformations économiques ou institutionnelles plus « macro », alors que la jeune génération, représentée par les doctorant·e·s et les jeunes titulaires, a proposé de regarder les acteurs à travers une approche davantage « micro ». Les jeunes chercheur·e·s se sont surtout intéressé·e·s aux acteurs, aux traversées, aux échappatoires, aux connexions, etc. Par exemple, chez les jeunes chercheur·e·s, même historien·ne·s, il y a une réflexion qui est totalement ancrée dans l’anthropologie. Cette transdisciplinarité était déjà assez marquante dans l’édition sur les « Villes des Balkans » (2019), où les travaux d’historien·ne·s mobilisaient des outils d’anthropologues.

Je pense que c’est une tendance que l’on peut distinguer plus généralement sur ces dix dernières années : il y a ce nouvel intérêt pour les trajectoires et une manière de les appréhender qui devient de plus en plus transdisciplinaire dans la recherche universitaire, avec davantage de rencontres et de discussions entre les disciplines. J’imagine que ce n’est pas propre à nos aires culturelles : il s’agit bien sûr d’une tendance générale dans les recherches récentes qui sont menées, y compris sur la France ou sur ce qu’on appelle l’Europe occidentale.

Pierre Sintès : En effet, on voit l’introduction d’une méthodologie et d’objets plus centrés sur les trajectoires des acteurs, sur des échelles qui sont un peu plus celles des ethnographies. Cela fait partie de nos méthodologies et explique l’empreinte de l’anthropologie sur quasiment l’ensemble des Rencontres. Mais cette empreinte dépasse la seule intervention des collègues qui sont des anthropologues patentés ; elle est liée à l’empreinte de la discipline sur les études des Balkans, une empreinte qui dépasse le seul cas français et qu’on retrouve vraiment à l’international. Effectivement, cela donne des sources d’inspiration.

Fabio Giomi : Je le dirais de façon plus lyrique : pour moi, les anthropologues sont les aristocrates des sciences sociales et je trouve que, dans la dynamique de nos Rencontres, c’est probablement l’une des disciplines qui a le plus contribué au renouvellement du champ, aux nouvelles thématiques, qui a effectivement introduit la sensorialité, la corporalité, la matérialité, etc. Qui a proposé des approches micro et comment, dans le micro, il y a le macro... Donc je suis entièrement d’accord, l’anthropologie a un rôle moteur.

Comme Elif [Becan], j’avais moi aussi noté un changement d’échelles dans les travaux proposés, pour contrer le fameux nationalisme méthodologique mais aussi un certain régionalisme méthodologique, et pour dénaturaliser les grandes catégories qui ont longtemps structuré le travail de la balkanologie. D’où cet accent sur les subjectivités, cet individualisme méthodologique prêtant attention aux acteurs en circulation, à l’agency, etc. Mais ce que j’ai remarqué aussi en regardant les titres des communications reçues, et en essayant de réfléchir en termes de catégories d’analyse mobilisées par rapport à l’époque où j’étais doctorant, c’est un déclin assez net des catégories telles que le national, l’ethno-national et le religieux, qui étaient très importantes et structurantes du champ. Quinze ans plus tard, on peut dire qu’elles contribuaient probablement à son essentialisation : on pensait que c’était une région dont les populations se mobilisent au nom des identités nationales et religieuses. Ça, je pense qu’on a vraiment réussi à s’en défaire ; on a osé s’en défaire. C’est quelque chose de formidable.

  • 32 Vrinat-Nikolov Marie (dir.), « Générations de la rupture dans les Balkans et en Turquie au xxe sièc (...)

Je trouve qu’en même temps, on a vu une montée graduelle des questions de « genre », qui font de plus en plus partie de nos boîtes à outils méthodologiques. Il y a aussi le grand retour de la « classe », depuis la dernière crise économique de 2008 je pense ; cela est encore une fois lié à l’actualité, mais aussi à d’autres catégories – je pense aux travaux de Marie Vrinat-Nikolov ou d’Andreas Guidi autour de la catégorie de génération32. Il s’agit d’essayer de complexifier le modèle Gender/Race/Class qui nous vient des campus américains et de le moduler pour l’appliquer à un autre contexte. Par exemple, je trouve qu’on travaille très peu sur la « race » dans le contexte francophone d’études sur les Balkans. On a essayé de s’interroger sur la pertinence de la catégorie des classes en milieu anglophone pour interpréter certaines situations sud-est européennes, par exemple le mouvement des non-alignés, où il me semble qu’il y a eu un espace pour cela. Parfois, autour des Roma Studies, des chercheurs ont mobilisé des questions de race. Mis à part ces exemples, il me semble que c’est encore plutôt marginal à l’heure actuelle, mais il faut aussi reconnaître que la race n’était probablement pas aussi structurante dans l’espace européen qu’aux États-Unis, où cette réflexion a mûri pendant une cinquantaine d’années.

Elif Becan : Je suis tout à fait d’accord. J’ajouterais néanmoins que les propositions reçues en 2022 privilégiaient souvent des approches intersectionnelles. On y trouvait une forte présence des études mobilisant des concepts comme identity, identification, categorization ou memory, utilisés dans des communications qui portaient, par exemple, sur les kin relationships, c’est-à-dire sur les appartenances, leurs négociations, leur poids sur les relations construites et interrompues, les ressemblances et les contrastes, que ce soit au niveau individuel ou institutionnel, au niveau micro, méso et macro. Avec le genre et la classe, même si la question de la race n’apparaît pas en tant que telle, ce que l’on appelle communément l’ethnicité reste tout de même présent dans les recherches qui sont menées. Allons-nous arrêter de travailler sur les processus d’identification et d’auto-identification dans les Balkans ? Seront-ils dissociés des violences ? Il serait pertinent d’observer la mobilisation de ces objets d’études au cours des prochaines années, au sein des différentes institutions et générations de chercheur·e·s.

Pierre Sintès : Il faut le voir comme une sorte de prolongement d’une thématique très classique des études balkaniques sur les questions d’ethnicité et d’identité : certains ont poursuivi leurs recherches sur cette question-là et l’ont modernisée ou mise en lien avec les questionnements plus contemporains, comme ceux de la mondialisation ou de la pensée décoloniale.

  • 33 Judson Pieter M. (dir.), Making minorities and majorities: National indifference and national self- (...)
  • 34 Brubaker Rogers, Nationalist politics and everyday ethnicity in a Transylvanian town, Princeton, Pr (...)

Fabio Giomi : Je suis entièrement d’accord et ça me permet aussi de modérer mon premier propos parce qu’effectivement, ce n’est pas comme si ces mondes-là avaient disparu. Même en histoire, il y a toute une vague de National Indifference, avec par exemple Pieter Hudson33, la nouvelle histoire impériale, qui a effectivement essayé de dépasser Brubaker34 et, tout en travaillant avec les mêmes objets, les mêmes catégories, de les penser autrement, de les complexifier.

Pierre Sintès : Je voudrais simplement évoquer quelques points à ce propos. Tout à l’heure, j’ai parlé de la recherche collective et c’est vrai qu’on a eu de nombreuses propositions de panels en réponse à notre appel à communications. Il faut le prendre de manière positive en faisant l’hypothèse que le champ des études balkaniques s’est structuré entre 2016 et 2022 et que l’on voit à présent émerger des personnes en capacité de proposer des panels à partir de programmes, d’équipes existantes, au moins de manière informelle, pour communiquer leurs réflexions sur des thématiques qu’elles·ils travaillent en commun. C’est une première dimension, un premier (bon) signe qui apparaît sur le résultat de notre activité.

Le deuxième point – et cela a été une véritable surprise quand on a évalué les réponses à l’appel à communications –, c’est le nombre important de papiers dans le champ de l’art et de la culture. Cela est sans doute lié à la manière dont on prend aujourd’hui au sérieux ces questions-là dans le domaine des sciences humaines et sociales, mais aussi à l’injonction de plus en plus forte qui vient des différentes tutelles universitaires et académiques de travailler avec les artistes et avec le monde de l’art pour aller vers de « nouvelles écritures » en SHS. Cela vient également de la prise de conscience des apports positifs que ce type de démarches peut avoir sur nos pratiques de recherche et sur leur valorisation. C’est une tendance que l’on a vu émerger de manière d’autant plus surprenante qu’il y a eu un grand absent lors de ces « Balkans connectés » : on s’attendait à avoir une tonne de papiers en science politique sur le rapport entre Balkans et Europe / Union européenne, sur cette connexion liée à l’européanisation. On n’a eu que très peu de choses en définitive. Comme si cette question était passée, alors que les liens entre l’UE et les Balkans perdurent, se prolongent, se transforment… Donc il y a, là encore, un sujet pour la recherche qui, à mon avis, reste aussi important pour les sociétés du Sud-Est européen et pour l’ensemble de l’Europe, mais que nous n’avons pas réussi à aborder dans notre dernière édition des Rencontres.

Elif Becan : À propos des Rencontres 2022, je voudrais finalement dire que les panels que nous avons construits étaient très transdisciplinaires. Cette édition 2022 avait un programme assez riche et nous avons mis en place des panels qui portaient, par exemple, sur des réseaux culturels et des médiateurs au xixᵉ et au xxiᵉ siècle. Nous avons toujours eu l’idée de « faire la paix » entre les disciplines ancestrales. Ce n’est peut-être pas très habituel pour d’autres, mais pour nous, c’est assumé.

Morgane Dujmovic et Sarah Sajn : Après trois colloques et huit ans après la relance de l’association en 2016, l’heure est au bilan. Où en est-on aujourd’hui ? Que reste-t-il à faire en termes d’appui à la recherche sur les Balkans ? Quelle est la place de la balkanologie francophone à l’international, par rapport à des pays où les recherches sur les Balkans sont plus développées – avec, comme vous le disiez, un champ structuré, une discipline aréale incluant des institutions, des laboratoires, des financements ? Enfin, quels sont, selon vous, les grands défis, les grands chantiers qui s’ouvrent pour l’association et pour les Rencontres ces prochaines années ?

Elif Becan : Nous sommes dans une phase d’ouverture, d’institutionnalisation, il faut le souligner. Mon impression est que l’AFEBalk n’est plus un cadre isolé. Nous avons maintenant une place légitime pour les recherches sur les Balkans, mais également dans le champ universitaire français. Une chose à laquelle je tiens depuis des années et que je répète avec insistance, c’est qu’il nous faut proposer des prix, de mémoire, de thèse ou des prix d’articles, justement pour légitimer la place de l’AFEBalk dans le champ académique. Les nouveaux et nouvelles adhérent·e·s sont majoritairement des jeunes docteur·e·s ou des doctorant·e·s ; de plus, un prix de thèse et/ou de mémoire nécessite un comité de sélection et un comité scientifique, c’est-à-dire des rencontres, des discussions, etc. Un prix nous permettrait aussi de voir les objets d’études ou les approches privilégiés, de saisir les tendances et les intérêts scientifiques des jeunes chercheur·e·s, mais également d’observer les traditions et cultures institutionnelles existantes au sein des universités francophones ou non francophones. Pour nos collègues des associations françaises d’études sur l’Afrique ou sur l’UE, c’est l’une des manières de construire un champ, et je pense qu’il faut suivre leur exemple. À mon avis, c’est une des missions du prochain bureau.

Fabio Giomi : Sur la question des choses à faire à l’avenir, d’un point de vue vraiment institutionnel, je dirais : nouer plus de liens avec des ressources qui nous sont accessibles, par exemple les centres de recherche français à l’étranger. Je pense notamment à l’Institut français d’études anatoliennes (IFEA), à l’École française d’Athènes, mais aussi au Centre français de recherche en sciences sociales (CEFRES) à Prague et à l’École française de Rome. Nous avons là des réseaux francophones à investir.

Pierre Sintès : C’est vrai que l’AFEBalk n’a pas véritablement de lien structurel avec des institutions hors de France et c’est peut-être à cela que l’on pourrait réfléchir. Ce que nous avons mûri ces dernières années, c’est la possibilité d’organiser un événement intermédiaire à Paris, puisque l’un des objectifs de l’association est bien sûr la visibilité en France, ce qui passe sans aucun doute par Paris. Mais une mise en visibilité de nos activités en tant qu’association dans les Balkans serait aussi très importante. De ce point de vue-là, il y a peut-être des pistes à suivre du côté des unités mixtes des instituts français de recherche à l’étranger (UMIFRE), des écoles françaises à l’étranger (EFE) ou d’autres structures, comme l’Université Galatasaray, qui pourraient être des partenaires pour organiser des événements communs dans les Balkans. Il s’agit donc à présent de penser non seulement une présence plus régulière à Paris, mais aussi dans les Balkans. Pour l’instant, c’est une dimension qui nous manque : je pense que les collègues des Balkans viennent volontiers à Marseille, mais qu’ils·elles nous voient toujours comme une présence extérieure, un peu lointaine. Un événement sur place nous permettrait de partager notre positionnement sur les sociétés balkaniques en tant que chercheur·e·s ou en tant qu’association à partir de l’ancrage dont nos différentes recherches se prévalent.

Fabio Giomi : Oui, pour moi, il y a eu un processus. À mon avis ce qu’il importe de faire, c’est d’essayer de passer d’une logique de micro-réseaux, faite d’individus qui, pour une raison ou une autre, s’intéressent à l’espace balkanologique francophone, à une logique de champ. Peut-être devrait-on imaginer dans les prochaines Rencontres un moment de dialogue avec une autre balkanologie, hispanique ou japonaise – cette dernière étant bien représentée dans les études ottomanes. Bien entendu, the elephant in the room, ce sont les Allemand·e·s, qui se posent exactement la même question que nous, à un degré de sophistication plus poussé puisqu’ils·elles disposent d’un champ beaucoup plus riche, pour des raisons historiques.

Je vois une autre dimension. Il faudra probablement réfléchir à une sorte d’alliance des balkanologies du continent européen, notamment avec les collègues allemand·e·s et l’espace germanophone. Il y a vraiment quelque chose à penser et à imaginer pour se faire une place dans la balkanologie globale, qui est de plus en plus anglophone. Les Américain·e·s en particulier font beaucoup de post-colonial, de queer, de gender, défendant l’idée qu’il faut être inclusif·ve, ne pas être extractif·ve, etc. Mais ils·elles continuent de penser en termes « Us and the Region » : c’est un mariage à deux, il n’y a rien autour. On est vraiment dans l’impérialité et tout ce qui est à l’extérieur n’existe pas. Ils·elles ne voient pas du tout qu’il existe des champs organisés ailleurs, avec des institutions, etc. Derrière mon idée d’alliance continentale, il est un peu question de faire masse critique, de trouver des instruments de visibilité. Une idée serait de faire une lettre annuelle avec les résumés de nos publications et de nos projets collectifs en anglais, afin d’être véritablement visible en tant que champ – et pas uniquement en tant que résultat de moteur de recherche. Ces alliances entre balkanologies continentales permettraient de nous rendre mutuellement visibles.

Elif Becan : Et cela permettrait de « Make Area Studies Relevant Again » !

Morgane Dujmovic et Sarah Sajn : Pour conclure sur une dimension tout à fait pragmatique, parmi les défis qui s’ouvrent pour l’association, que dire des questions budgétaires ? Comment affectent-elles le développement de l’AFEBalk ?

Pierre Sintès : C’est sans doute la limite de notre démarche associative, de ne pas avoir de fonds structurels pour pouvoir fonctionner. On a longtemps bénéficié d’un « trésor de guerre », qui arrive aujourd’hui à épuisement. Il nous faut trouver un moyen, au-delà des seules cotisations, d’abonder notre budget de manière récurrente, faute de quoi les activités risquent de décroître. On ne pourra pas mettre en œuvre ces beaux projets et continuer à monter en puissance sans cela. Tous les projets que nous proposons pour développer l’association nous paraissent aujourd’hui très naturels : ils correspondent au stade de développement de nos activités. Mais cela n’est pas corrélé avec l’évolution des moyens de l’association. Pour les mener à bien, la question des ressources (financières ou humaines) va donc se poser de manière assez cruciale. Je pense qu’on entre dans une phase de recomposition interne, sorte de crise d’adolescence de l’entreprise qui a démarré avec le colloque de 2016, au cours de laquelle il nous faudra trouver des solutions pour pérenniser ce beau travail. Tout en sachant conserver notre dynamique et nos activités car les énergies sont maintenant bien présentes.

Elif Becan : Oui, et précisons que la précarité des jeunes chercheur·e·s est un problème important pour l’association, qui cherche à faire de son mieux pour soutenir leurs efforts. Par exemple, il n’y a pas de frais d’inscription pour les Rencontres, ce qui a été reconduit par les membres lors de la dernière assemblée générale de l’AFEBalk. Par ailleurs, on essaie de financer toutes les demandes reçues des jeunes chercheur·e·s qui n’ont pas de postes et d’institutions de rattachement. Malheureusement, c’est en fait cela qui a nui au budget de l’association, sachant que nos cotisations sont très basses (15 euros par an pour les doctorant·e·s ou personnes sans poste et 30 euros pour les titulaires). Lors de l’assemblée générale 2023, nous avons voté le principe d’augmenter ces frais, mais une nouvelle commission chargée de la « levée de fonds » devrait, on l’espère, permettre de financer les prix de mémoire, de thèse ou d’articles que l’on souhaite mettre en place, ainsi qu’une partie des Rencontres balkaniques. Comme Pierre [Sintès] le disait, nous sommes arrivé·e·s à un stade d’institutionnalisation et, pour cela, il nous faudra travailler plus sérieusement sur la question budgétaire, car nos priorités étaient jusque-là plus humaines qu’économiques. Et tant que l’État français financera les laboratoires, via le ministère des Affaires étrangères et le ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche, nous continuerons de les solliciter également pour pouvoir organiser des Rencontres et des chantiers de recherche gratuits pour les participant·e·s. C’est en tout cas notre souhait.

Pierre Sintès : Nous sommes en effet attaché·e·s au principe de service public de la recherche.

Fabio Giomi : Pour relier ces questions organisationnelles aux questions scientifiques, à mon avis, l’enjeu est de montrer aux non-balkanologues, ou à celles·ceux qui sont plutôt attaché·e·s à une organisation disciplinaire de la recherche et de l’enseignement, tout l’intérêt heuristique des Balkans. Nous ne sommes pas dans une mosaïque de mondes sociaux où il s’agirait juste de couvrir une périphérie : on ne comprend pas l’UE si on n’observe pas ce qu’il se passe en Serbie ; on ne comprend pas la transformation néolibérale des services publics si on ne s’occupe pas de la Bulgarie. À mon avis, le but est de mettre les Balkans au centre, comme site moteur de transformations théoriques et conceptuelles pour les sciences sociales, en envisageant la circulation dans les deux sens.

Elif Becan : Voilà, c’est le principe même des aires culturelles : articuler les savoirs situés avec les outils provenant des sciences sociales pour répondre à une question, une problématique qui concerne toutes et tous.

Pierre Sintès : En conclusion, voilà deux mots-clés : décloisonner et dé-particulariser.

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Notes

1 Politiste, attachée temporaire d’enseignement et de recherche à l’Université Paris Nanterre, membre de la commission « communication » (2017-2020), secrétaire générale (2018-2023) et membre de la commission « levée de fonds » de l’AFEBalk.

2 Historien, chargé de recherche au CNRS, rattaché au Centre d’études turques, ottomanes, balkaniques et centrasiatiques (CETOBaC) ; trésorier (2017-2023) puis secrétaire général de l’AFEBalk (depuis 2023).

3 Sajn Sarah, Samary Catherine, « Pour une approche socio-historique de l’action collective dans les Balkans », Balkanologie, vol. 15, no 2, en ligne : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/balkanologie.2567.

4 Todorova Maria, Imaginaire des Balkans, traduit de l’anglais par Rachel Bouyssou, Paris, Éditions EHESS, coll. « En temps & lieux », 2011 [Imagining the Balkans, Oxford University Press, 1997].

5 Chevrier Yves, « La traversée des sciences de l’Homme : aires culturelles, humanités et sciences sociales », dans Thierry Sanjuan (dir.), Carnets de terrain. Pratique géographique et aires culturelles, Paris, L’Harmattan, 2008, p. 43-94 : 46.

6 Géographe, maître de conférences-HDR en géographie rattaché à l’UMR Temps, espaces, langages, Europe méridionale, Méditerranée (TELEMMe) à l’Université Aix-Marseille ; secrétaire général (2016-2018), président (2018-2023), puis trésorier (depuis 2023) de l’AFEBalk.

7 Mestrovic Stjepan, The Balkanization of the West. The Confluence of Postmodernism and Postcommunism, Londres, Routledge, 1994.

8 Temps, espaces, langages, Europe méridionale, Méditerranée.

9 Institut de recherches et d’études sur les mondes arabes et musulmans.

10 Institut d’ethnologie méditerranéenne européenne et comparative.

11 Centre méditerranéen de sociologie, de science politique et d’histoire.

12 Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée.

13 Anthropologue, directeur de recherche au CNRS et directeur des études modernes et contemporaines à l’École française d’Athènes (EFA), président de l’AFEBalk (2016-2018), rédacteur-en-chef de Balkanologie (2017-2019).

14 Le LabexMed est le laboratoire d’excellence de la fondation A*MIDEX qui a regroupé seize unités mixtes de recherche d’Aix-Marseille Université entre 2011 et 2019, sous la coordination scientifique de la Maison méditerranéenne des sciences de l’homme.

15 Géographe, professeure à l’École normale supérieure de Lyon (ENSL), rattachée à l’UMR 5600 Environnement Ville Société.

16 Géographe, professeur des universités à l’Institut français de géopolitique (Université Paris 8).

17 Politiste, directrice de recherche au CNRS rattachée au Centre de recherches internationales (CERI), Sciences Po Paris.

18 Politiste, chargée de recherche au CNRS rattachée au CERI, Sciences Po Paris.

19 Historienne, directrice d’études à l’EHESS rattachée au CETOBaC.

20 Historienne, maîtresse de conférences en histoire rattachée au Centre de recherche Europes-Eurasie (CREE) à l’Institut national des langues et civilisations orientales (INALCO), vice-présidente de l’AFEBalk et co-rédactrice-en-chef de Balkanologie (depuis 2020), membre du comité d’organisation des Rencontres 2022.

21 Politiste, chercheuse associée au centre méditerranéen de sociologie, de science politique et d’histoire (MESOPOLHIS, UMR 7064), membre du comité de rédaction de Balkanologie (2017-2023) et co-rédactrice en chef par intérim en 2020, membre du comité d’organisation des Rencontres 2016, 2019 et 2022, de la commission « communication » de l’AFEBalk et vice-présidente de l’AFEBalk (2020-2023).

22 Anthropologue, chargée de recherche au CNRS, membre du Groupe Sociétés, Religions, Laïcités (GSRL, CNRS-EPHE/PSL), vice-présidente de l’AFEBalk et co-rédactrice-en-chef de Balkanologie (depuis 2020).

23 Doctorante en études slaves et cinéma rattachée à l’UMR 8224 EUR’ORBEM, Sorbonne Université, membre du comité d’organisation des Rencontres 2022.

24 Anthropologue, chercheuse associée à l’Institut d’anthropologie culturelle de l’Université Johannes Gutenberg, Mainz, membre des commissions « finances » puis « communication » (2018-2022).

25 Historien, chercheur à l’École française d’Athènes et chercheur associé au CETOBaC (EHESS), membre de la commission « communication » de l’AFEBalk et du comité de rédaction de Balkanologie (2020-2023).

26 Géographe et politiste, chargée de recherche au CNRS rattachée à l’UMR Pacte (Univ. Grenoble Alpes, CNRS, Sciences Po Grenoble / School of Political Studies Univ. Grenoble Alpes), membre associée à l’UMR TELEMMe (AMU-CNRS, Aix-en-Provence), membre du comité d’organisation des Rencontres 2016 et membre du comité de rédaction de Balkanologie.

27 Géographe, chercheur associé au Centre de recherche en géographie LOTERR, membre du comité d’organisation des Rencontres 2019 et 2022.

28 Doctorante en histoire à l’EHESS rattachée au CETOBaC, membre de la commission « communication » de l’AFEBalk (2018-2023).

29 Docteure en anthropologie du laboratoire d’ethnologie et de sociologie comparative (Université Paris 10), membre de la commission « communication » de l’AFEBalk (2017-2020).

30 Docteure en géographie de l’UMR TELEMMe (AMU-CNRS, Aix-en-Provence) et de l’Université Harokopio (Grèce), membre du comité d’organisation des Rencontres 2016.

31 Doctorante en histoire, rattachée à l’Institut d’histoire moderne et contemporaine (ENS-PSL), membre de la commission « communication » (2022-2023) et vice-présidente de l’AFEBalk (depuis 2023).

32 Vrinat-Nikolov Marie (dir.), « Générations de la rupture dans les Balkans et en Turquie au xxe siècle », Slavica Occitania, no 52, 2021 ; Guidi Andreas, Generations of Empire: Youth from Ottoman to Italian Rule in the Mediterranean, Toronto, Toronto University Press, 2022.

33 Judson Pieter M. (dir.), Making minorities and majorities: National indifference and national self-determination in Habsburg central Europe, Londres, Bloomsbury Academic, 2023.

34 Brubaker Rogers, Nationalist politics and everyday ethnicity in a Transylvanian town, Princeton, Princeton University Press, 2006 ; Brubaker Rogers, Grounds for difference, Cambridge (Ma.), Harvard University Press, 2015.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Morgane Dujmovic et Sarah Sajn, « Rencontre avec Elif Becan, Fabio Giomi et Pierre Sintès, membres de l’Association française d’études sur les Balkans »Balkanologie [En ligne], Vol. 18 n° 1 | 2023, mis en ligne le 15 décembre 2023, consulté le 06 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/balkanologie/4811 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/balkanologie.4811

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Auteurs

Morgane Dujmovic

Géographe et politiste, chargée de recherche au CNRS rattachée à l’UMR Pacte (Univ. Grenoble Alpes, CNRS, Sciences Po Grenoble / School of Political Studies Univ. Grenoble Alpes), membre associée à l’UMR TELEMMe (AMU-CNRS, Aix-en-Provence)
morgane.dujmovic[at]cnrs.fr

Sarah Sajn

Politiste, chercheuse associée au centre méditerranéen de sociologie, de science politique et d’histoire (MESOPOLHIS, UMR 7064), Sciences Po Aix/AMU/CNRS, Aix-en-Provence
sarahsajn[at]hotmail.com

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