Anzulović (Branimir), Heavenly Serbia : from Myth to Genocide
Anzulović (Branimir), Heavenly Serbia: from Myth to Genocide, London: Hurst & Company, 1999, 233 p.
Texte intégral
1« La Serbie céleste : du mythe au génocide », le titre apparaît au premier abord intéressant pour toute personne s’intéressant à l’histoire de la Serbie et plus particulièrement au nationalisme ou à l’idéologie nationale serbes. Le titre ambitieux n’est malheureusement pas suivi d’un développement sérieux. En effet, l’auteur n’a pas suffisamment pris de distance avec l’objet étudié. Tentant de mettre en évidence certains mythes de l’idéologie nationale serbe (Serbie céleste, etc.), l’auteur ne parvient pas à se libérer de mythes concernant l’histoire de la Yougoslavie. Par exemple, dans le chapitre « Les dilemmes nationaux serbes modernes », il ressort que la Yougoslavie communiste ou titiste était dominée par les Serbes, que ces derniers préféraient des dirigeants à poigne plutôt que libéraux, contrairement aux Slovènes et Croates. Il existait donc une différence entre les communistes serbes, par nature autoritaires, et les communistes croates et slovènes, enclins au libéralisme, le tout « reflétant une division culturelle dans l’ancienne Yougoslavie » entre régions de tradition byzantine et celles de tradition occidentale catholique (p. 97). Ces passages révèlent une méconnaissance de l’histoire de la Yougoslavie communiste : l’auteur oublie que la Serbie a été dirigée par des dirigeants communistes « libéraux » entre 1968 et 1972 (Latinka Perović, Marko Nikezić) avant que Tito ne décide de les écarter et d’opérer des purges importantes dans l’appareil administratif et dans les entreprises en Serbie. Une simple lecture des travaux de chercheurs américains, tels que Dennison Rusinow, Sabrina Ramet ou Steve L. Burg lui aurait permis d’échapper à une lecture aussi simpliste de l’histoire.
2Branimir Anzulović est mis dans l’erreur par une perception culturaliste et essentialiste de l’histoire des Balkans. Tout le long de l’ouvrage, l’auteur sous-entend des différences fondamentales entre les cultures chrétiennes orientale et occidentale, la culture orthodoxe étant perçue comme autoritaire, violente et tribale. La « renaissance de l’État serbe » n’est perçue qu’à travers le prisme de la violence (« The Bloody Rebirth of the Serbian State », p. 85-98). Opposant les Serbes de Voïvodine, pacifiques, à ceux de l’Empire ottoman, l’auteur écrit : « However the liberation from Turkish rule, which started with the First Serbian Uprising in 1804 and ended with the achievement of full sovereignty in 1878, did not mean a liberation from violence. On the contrary, prolonged warfare nourished violence and resulted in the first “ethnic cleansings” » (p. 85). Il est facile de présenter et d’attribuer un caractère violent à une population en ne retenant d’un siècle d’histoire que les épisodes violents (assassinats de dirigeants, guerres, etc.) et en oubliant les périodes de paix plus longues. Quel État de l’Europe continentale n’a pas connu d’épisodes violents (révolutions, guerres, etc.) au xixe siècle ? Le chapitre 3 sur les « montagnards dinariques » et leur violence endémique témoigne également de l’approche culturaliste et déterministe de l’auteur. Cet ouvrage n’est pas sans en rappeler d’autres s’inscrivant dans la même ligne : Greater Serbia from ideology to agression (Zagreb : Croatian Information Centre, 1993). L’ouvrage d’Ivan Čolović, Political symbolism in Serbia, à paraître chez le même éditeur en 2001, apportera des réponses plus sérieuses et approfondies à propos de la thématique des mythes et des symboles nationaux.
Pour citer cet article
Référence électronique
Yves Tomić, « Anzulović (Branimir), Heavenly Serbia : from Myth to Genocide », Balkanologie [En ligne], Vol. IV, n° 2 | 2000, mis en ligne le 26 février 2008, consulté le 17 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/balkanologie/352 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/balkanologie.352
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