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Notes de lecture

Sonnini (Charles-Sigisbert), Voyage en Grèce et en Turquie, fait par ordre de Louis XVI et avec l’autorisation de la cour ottomane

présenté et annoté par Patrice Brun, Paris & Montréal : L’Harmattan, 1997, 253 p.
Bernard Lory
Référence(s) :

Sonnini (Charles-Sigisbert), Voyage en Grèce et en Turquie, fait par ordre de Louis XVI et avec l’autorisation de la cour ottomane, présenté et annoté par Patrice Brun, Paris & Montréal : L’Harmattan, 1997, 253 p.

Texte intégral

1Les récits de voyageurs occidentaux restent aujourd’hui encore une source majeure pour l’histoire des Balkans, depuis l’époque des croisades jusqu'à la fin du XIXème siècle. Certes, nous sommes de nos jours plus attentifs aux distorsions qu’induit le regard extérieur sur une réalité imparfaitement appréhendée, nous savons combien ces voyageurs se nourrissaient des écrits de leurs prédécesseurs et combien d’idées reçues et de préjugés ils pouvaient véhiculer.

2Certains voyageurs furent pourtant de vrais chercheurs sur le terrain, dotés souvent d’une grande érudition ; on peut citer les noms de Leake, Boué, Wahn, Kanitz, etc. Ces véritables explorateurs des Balkans du XIXème siècle ont été précédés, au XVIIIème siècle, par des voyageurs érudits qui ont surtout reconnu la périphérie de la péninsule, dans son aspect danubien, comme Marsigli, ou maritime, comme Fortis en Adriatique, ou Tournefort et Choiseul-Gouffier en mer Égée. Charles-Sigisbert Sonnini s’inscrit dans cette lignée. Moins connu que les deux précédents, il mérite pleinement d’être redécouvert.

3Sonnini parcourt Chypre, le Dodécanèse, la Crète et les Cyclades en 1778-1780. À la différence de Choiseul-Gouffier, il n’a guère d’intérêt envers les vestiges antiques. En revanche, il s’attache à l’inventaire des ressources naturelles, à la faune et la flore (comme Tournefort) et surtout aux coutumes des populations insulaires. Son séjour prolongé sur l’île de Kimolos (l’Argentière) lui permet de pénétrer dans les mentalités (usages, superstitions) et même d’assister à un accouchement.

  • 1  La même critique peut-être adressée à la réédition de Tournefort (Voyage d’un botaniste. I- L’arch (...)

4La réédition proposée par Patrice Brun souffre cependant quelques critiques. Le texte de Sonnini est considérablement tronqué : les coupures sont très honnêtement indiquées et les titres des chapitres (qui font répertoire) ont été maintenus. Le lecteur n’en a pas moins l’impression désagréable que l’économie générale de l’ouvrage a été profondément modifiée1. La table des matières a été inutilement réduite. Mais le plus regrettable, c’est l’absence de tout index : cela suppose que cette réédition est destinée à la lecture discursive d’un public d’amateurs, et non pas à servir d’outil de travail aux chercheurs.

5Les notes critiques de Patrice Brun sont très précieuses, lorsqu’elles rectifient des erreurs de Sonnini ou indiquent les sources de ses emprunts. Nous nous permettons pourtant d’en contester certaines :

  • page 136, note 1 identifiant la Sphachie, le canton montagneux de Sfakia, avec l’antique Phaistos, site minoen, en bordure de la plaine de la Messara ;

  • page 143, note 1 identifiant les Esclavons aux habitants de la Slavonie : au XVIIIème siècle, le terme est synonyme de Croate (au sens actuel du terme) et le capitaine esclavon est très vraisemblablement un Croate de Dalmatie, région réputée à travers les siècles pour sa piraterie ;

  • page 195, note 1, rectifiant à tort Sonnini : le toponyme Liniko (dérivé d’Elliniko) a bien, au XVIIIème siècle, le sens qu’il lui donne d’idolâtre, païen. Ce n’est qu’à partir du réveil national que les Grecs (Romioi) ont commencé à s’auto-définir comme Hellènes. L’indication de Sonnini est précieuse en ce qu’elle montre bien qu’en 1780, dans les Cyclades, la terminologie traditionnelle était toujours en vigueur.

6En conclusion, saluons cette réédition utile. La mode des récits de voyage a encore peu touché la zone balkanique. Quand rééditera-t-on Pouqueville ? Quand traduira-t-on Edith Durham ? Toutefois, sans un appareil critique rigoureux, ces rééditions ne nous rendront pas le service principal : éviter de nous ruiner chez les bouquinistes, si d’aventure l’occasion s’en présente !

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Notes

1  La même critique peut-être adressée à la réédition de Tournefort (Voyage d’un botaniste. I- L’archipel grec, Paris : Maspero, 1982) assurée par Stéphane Yerasimos.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Bernard Lory, « Sonnini (Charles-Sigisbert), Voyage en Grèce et en Turquie, fait par ordre de Louis XVI et avec l’autorisation de la cour ottomane »Balkanologie [En ligne], Vol. I, n° 2 | 1997, mis en ligne le 02 juin 2008, consulté le 20 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/balkanologie/231 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/balkanologie.231

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Auteur

Bernard Lory

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