Iveković (Ivan), Ethnic and regional conflicts in Yugoslavia and Transcaucasia. A political economy of contemporary ethnonational mobilization,
Iveković (Ivan), Ethnic and regional conflicts in Yugoslavia and Transcaucasia. A political economy of contemporary ethnonational mobilization, Ravenna : A. Longo Editore, 2001, 223 p. [Bibliogr., Index]
Texte intégral
1Directeur de Naše Terne (1980-1981), diplomate, professeur de science politique à l’Université américaine du Caire, correspondant du Cahier d’études sur la Méditerranée orientale et le monde turco-iranien, I. Iveković, tout en continuant ses recherches sur les pays africains et leurs mouvements indépendantistes, s’est penché ces dernières années sur l’ancienne Yougoslavie et le Caucase dans une approche comparative et pluridisciplinaire. Son étude est impressionnante : dix ans d’histoire décortiquée, analysée, critiquée. Son interrogation est simple : « Je voulais déchiffrer ce qui s’est mal passé, pourquoi cela s’est déroulé de cette façon, et où vont nos nouveaux Etats-nations » (p. 9).
2Son étude est centrée sur l’économique et le politique. Il rappelle, et c’est la base de son étude, que les racines de l’éclatement yougoslave, et russe, se trouvent dans l’économie, et plus précisément, dans l’économie étatique. « La surproduction sans innovation devint un boulet » et « les principes du marché affaiblissaient l’économie centralisée », « l’ancien système de redistribution étatique s’effondra, générant une nouvelle différentiation sociale et de nouveaux conflits d’intérêts » (p. 29). Même si l’économie politique est sous-représentée dans la « transitologie » (p. 9), il ne faut pas pour autant en dénier la pertinence. Il montre les enchaînements que la crise économique a suscités. La comparaison avec l’URSS est intéressante et instructive : si le développement titiste est supérieur à celui des satellites soviétiques et à l’URSS elle-même (p. 37), la Yougoslavie a moins bien réussi à réduire les écarts régionaux que l’URSS, notamment au Caucase (p. 42). Le problème principal était l’absence de capital yougoslave et de marché du travail unifiés (p. 85), alors que tout le monde blâmait l’Etat.
3Les membres de la « petite » bureaucratie (spécialistes, professions libérales, petits entrepreneurs) étaient mécontents, tiraillés entre leurs origines paysannes et la cité, cherchant à recréer les liens de la solidarité de groupe : leurs aspirations matérielles et sociales ne pouvaient en fait être comblées par le système existant ; les paysans percevaient l’Etat comme un envahisseur, principal obstacle à la prospérité ; la classe ouvrière était éclatée en branches et en unités de production territorialement définies (p. 80). La modernisation communiste a empêché l’émergence d’une large classe moyenne consolidée et satisfaite (p. 89). Les frustrations sociales ont été transformées en peurs et en haines nationales (p. 85), par le fruit du travail d’intellectuels hybrides, d’idéologues nationalistes et de médias (p. 118). L’auteur donne deux exemples de ces intellectuels hybrides, produits mi-paysans : Dobrica Ćosić et Franjo Tudjman (p. 87), dont la comparaison est intéressante.
4I. Iveković produit quelques rappels sur l’économie souterraine (corollaire de l’industrialisation ?), qui n’existe pas que dans les pays de l’Est, mais aussi dans les pays dits « développés » (p. 61). Il insiste sur les conditions sociales et économiques. Il analyse le jeu des élites, et leurs perceptions de leurs propres intérêts et rappelle que les Balkans et le Caucase vivent toujours dans la temporalité de la transition de la société agraire à la société industrielle (p. 150). Il revient sur quelques « pompiers pyromanes » quand il affirme que la reconnaissance internationale a, en fait, légitimé l’autorité ethnocratique, les pratiques de développement et de la violence nationalitaires étatiques (p. 169) ; et pose la question de qui a le droit à l’autodétermination et quelles en sont les conséquences pour les autres groupes ou les droits individuels (p. 17g) ? En fait, conclue-t-il, les Etats occidentaux ne se sont pas préoccupé des critères utiles à la construction des Etats post-communistes.
5On trouve, forcément, quelques erreurs : Stepinec (p. 136), Karadžić au lieu de Milošević (p. 138). Le seul point faible est l’effet « boule neige » évoqué, les régimes communistes s’écroulant les uns après les autres (p. 167), raccourci analytique certainement dû au fait que cette problématique dépassait le cadre de son étude. Ces deux « laboratoires régionaux » présentent des traits similaires, des évolutions parallèles, des perspectives qui se ressemblent. I. Iveković démontre brillamment que la modernisation communiste a atteint ses limites quantitatives et qualitatives, cédant la place à la stagnation économique et à la crise, vecteur de troubles sociaux et crises identitaires qui ont initié une nouvelle dynamique sociale et politique qui a conduit à l’homogénéisation et à la polarisation nationales aboutissant à la fragmentation de la Yougoslavie et de la fédération soviétique en de multiples Etats nationaux (p. 31).
Pour citer cet article
Référence papier
Patrick Michels, « Iveković (Ivan), Ethnic and regional conflicts in Yugoslavia and Transcaucasia. A political economy of contemporary ethnonational mobilization, », Balkanologie, Vol. VI, n° 1-2 | 2002, 272-273.
Référence électronique
Patrick Michels, « Iveković (Ivan), Ethnic and regional conflicts in Yugoslavia and Transcaucasia. A political economy of contemporary ethnonational mobilization, », Balkanologie [En ligne], Vol. VI, n° 1-2 | 2002, mis en ligne le 04 février 2009, consulté le 21 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/balkanologie/1752 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/balkanologie.1752
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