Navigation – Plan du site

AccueilNuméros98-1Asie du Sud-Est : Emergence d'une...Régionalisation des espaces marit...

Asie du Sud-Est : Emergence d'une région, mutations des territoires

Régionalisation des espaces maritimes en Asie du Sud-Est

Maritime regionalization in Southeast Asia
Nathalie Fau
p. 81-100

Résumés

L’objectif de cet article est de questionner les processus de régionalisation en Asie du Sud-Est à partir des mers. L’analyse questionne 3 points : 1) les relations entre les activités portuaires, l’intégration régionale et la connectivité maritime. 2) les constructions culturels et géopolitiques des mers. 3) La nouvelle prise en compte des écosystèmes marins pour définir et délimiter des régions marines vouées à la protection de l’environnement.

Haut de page

Texte intégral

1Si les études sur la régionalisation du monde sont de plus en plus nombreuses, elles se concentrent cependant sur les recompositions territoriales terrestres tandis que les espaces maritimes sont négligés et même ignorés. Analyser les processus d’intégration spatiale à partir des espaces maritimes peut même apparaître comme un non-sens. Peut-on ainsi évoquer des « territoires marins » tant le substantif que son épithète semblent contradictoires jusque dans leur origine étymologique ? Le territoire, « territorium », est d’abord une étendue de terre qui dépend d’un pouvoir et d’une juridiction alors que la mer a longtemps été perçue comme « res nullius », c’est-à-dire ce qui n’appartient à personne et pour lequel il aurait été inconcevable d’exercer une quelconque revendication. S’interroger sur la régionalisation signifie également établir des limites. Vue depuis la terre, la mer paraît éternellement semblable à elle-même, et constituer un milieu homogène ; or « lorsque rien n’arrête notre regard, notre regard porte loin. Mais s’il ne rencontre rien, il ne voit rien ; il ne voit que ce qu’il rencontre : l’espace c’est ce qui arrête le regard, ce sur quoi la vue butte : l’obstacle » [Pérec 1974 p. 109].

2Région à dominante maritime, l’Asie du Sud-est dispose d’une situation exceptionnelle entre deux océans, Pacifique et Indien, et deux continents, Asie et Australie. Dans ce carrefour mondial de la circulation maritime, les mers et les détroits ont historiquement eu un rôle majeur dans l’organisation et l’intégration spatiale de cet ensemble. La mer et le commerce maritime jouent un rôle unificateur et loin d’être un obstacle ou une barrière naturelle, elle est souvent un lien. Certes en raison des litiges frontaliers, notamment dans l’espace conflictuel de la Mer de Chine Méridionale, toute possibilité de coopération et de régionalisation des espaces maritimes peut apparaître comme impossible. Cette perception est récurrente aussi bien aux États-Unis qu’en France. Elle n’est cependant pas partagée en Asie du Sud-Est où les projets de coopération et d’intégration régionale par la mer se multiplient. Des menaces et des intérêts communs, une intégration économique croissante et le droit maritime international, les poussent à élaborer de nouveaux canaux de dialogue.

3Aborder la question de l’intégration régionale de l’Asie du Sud-Est , en plaçant les espaces maritimes au centre, et non à la marge, permet par ailleurs de changer complètement les perspectives d’étude de cet ensemble régional. Comment cependant aborder la régionalisation des espaces maritimes ? Appliquer les grilles de lecture et d’analyse utilisées pour les macro-régions terrestres même si elles ne sont que partiellement opérantes, est un bon point de départ permettant d’affiner ensuite les comparaisons. Ces grilles de lecture questionnent le plus souvent les critères de délimitation : institutionnels, économiques ou encore culturels, les limites n’étant pas nécessairement les mêmes [Fau 2020]. Une première approche consiste à questionner la délimitation d’une région intégrée fonctionnellement depuis la mer en analysant les flux maritimes et les systèmes portuaires (I). Une seconde approche est d’interroger les représentations et les discours géopolitiques découpant et nommant des espaces en plaçant les mers au centre (II). Une dernière approche est d’interroger la régionalisation des mers par la délimitation d’écosystèmes marins cohérents (III).

1. Région maritime ou région portuaire ?

4Dans les travaux de géographie maritime et portuaire, « la région portuaire reste méconnue et rarement mentionnée comme objet d’étude central » [Ducruet 2008]. Une carence conceptuelle qui s’explique, selon César Ducruet du fait que « pour la géographie française et américaine, les régions fonctionnelles sont avant tout polarisées par des centres urbains » tandis que le rôle des ports maritimes demeure sous-estimé. L’autre difficulté à envisager une région portuaire est de dépasser une approche uniquement descriptive, celle qui définirait un groupement de ports alignés et situés en proximité au sein d’une aire géographique donnée, pour mettre en valeur un système de ports interdépendants. Nora Marei utilise ainsi le terme de « région portuaire » pour désigner le simple groupement de ports proches mais de région maritime, « une aire géographique organisée par les interactions réciproques et les liens entre territoires, acteurs, échelles autour d’un bassin maritime » [Marei 2008]. En Asie du Sud-Est, une régionalisation des espaces maritimes se focalisant sur flux maritimes souligne ainsi le rôle des ports comme nœud structurant et dessine un axe méridien longeant le littoral pacifique de l’Asie du Sud-Est. S’agit-il pour autant d’une région maritime ou d’une simple région portuaire ?

1.1. Des ports structurant un corridor maritime intra-asiatique

5Dans les années 1970, le centre de gravité du trafic mondial conteneurisé s’est déplacé vers l’Asie aux dépens des ports de l’Amérique du Nord et de l’Europe du Nord-Ouest.

6L’émergence économique des pays asiatiques s’est traduite par une concentration de plus en plus forte du trafic de conteneurs dans cette zone : 25 % des conteneurs manutentionnés dans le monde en 1982, 43 % en 1994 et 64 % en 2017. En 2017, dans le « Top 20 » des ports qui manutentionnent 45 % du trafic conteneurisé mondial, 15 sont asiatiques (Asie orientale) dont 9 chinois, 1 moyen-oriental (Dubaï), 3 européens et 1 américain (Los Angeles). L’Asie du Sud-Est n’est pas à l’écart de cette croissance. On y a manutentionné plus de 87 millions d’evps en 2017 contre 34,5 millions en 2000. Parallèlement, le poids de cette région à l’échelle mondiale a considérablement augmenté : dans ses ports transite en 2017, 14 % du trafic mondial conteneurisé contre 4,8 % en 1980. Les ports d’Asie du Sud-est sont entrés progressivement dans le groupe des plus grands ports mondiaux conteneurisés : absents du classement des vingt premiers ports à conteneurs du monde de 1970, ils font leur apparition dans celui de 1980 avec Singapour, rejoint par Manille en 1990 qui sort finalement du classement au profit de Port Klang et de Tanjung Pelepas dans les années 2000. Dans le classement de 2017, 4 sont des ports d’Asie du Sud-est (Singapour, Port Klang, Tanjung Pelepas et Laem Chabang). Et dans le « top 30 », ils sont 7 (avec Ho Chi Minh Ville, Tanjung Priok et Manille) .

7Tous ces ports sont les points nodaux d’un axe maritime méridien longeant le littoral pacifique et intégrant dans un même ensemble régional l’Asie du Sud-Est et l’Asie du Nord-Est. Ce tronçon de la route maritime circumterrestre, simple relais lors de sa formation dans les années 1970 entre l’Europe et l’Amérique du Nord, a acquis au fil du temps une dynamique propre [Fau & Franck 2019]. Ces routes maritimes conteneurisées intra-asiatiques se sont continuellement reconfigurées afin de s’adapter aux évolutions de la distribution géographique des échanges intra-asiatiques. L’ouverture de nouvelles escales, la rotation des navires et la détermination des routes maritimes sont dictées par les évolutions de deux marchés distincts. Le premier est lié à l’insertion de l’Asie dans la mondialisation et à son rôle dans la production manufacturière mondiale : les échanges sont intra-asiatiques du fait de la fragmentation de la production mais les destinations des exportations finales sont l’Union Européenne et l’Amérique du Nord. L’essor du trafic intra-asiatique a suivi la croissance économique par vagues successives des pays d’Asie Orientale. Le second marché est alimenté par la croissance de flux de produits finis au sein même de l’Asie Orientale du fait de la forte hausse de la consommation intérieure et du niveau de vie, de l’émergence d’une classe moyenne et d’une forte croissance de l’urbanisation. En 2018, les trois-quarts des porte-conteneurs transportant des produits de consommation destinés aux marchés asiatiques sont partis d’Asie. Ainsi, si la moitié des flux de conteneurs intra-asiatiques se concentrent en Asie du Nord –Est, c’est-à-dire entre la Chine, le Japon, la Corée du Sud, Hong Kong et Taiwan, les segments les plus dynamiques sont d’orientation Nord-Sud entre l’Asie du Nord-Est et l’Asie du Sud-Est et intra-ASEAN. Les routes les plus dynamiques en termes de croissance sont ainsi aussi bien celle du Nord-Sud, en particulier entre la Thaïlande et la Chine, l’Indonésie et la Chine et le Vietnam et la Chine que celle intra-ASEAN, notamment entre la Thaïlande et les Philippines, l’Indonésie et la Malaisie, le Vietnam et l’Indonésie et les pays de l’ASEAN vers la Birmanie [Banomyong 2018]. Ce corridor maritime a également pris de l’épaisseur avec une complexification des hiérarchies portuaires : l’organisation réticulaire du XXe siècle centrée, au nord sur les ports japonais, au sud sur Singapour et au centre sur Hong Kong s’est densifiée avec l’émergence en Asie orientale des ports coréens et taïwanais, puis chinois et en Asie du Sud-est de ceux de la Malaisie (Port Klang et Tanjung Pelapas) mais aussi, dans une moindre mesure, du Viet Nam.

1.2. Une scission entre le littoral et l’arrière- pays ?

8Dans son livre de 2009 intitulé La Méditerranée asiatique, Villes portuaires et réseaux marchands en Chine, au Japon et en Asie du Sud-est, XVIe-XXIe siècle, François Gipouloux propose ainsi une régionalisation de l’Asie Orientale en prenant pour critère principal l’organisation spatiale des réseaux économiques insérés dans la mondialisation. Sa définition de la « Méditerranée asiatique » s’étend de « Vladivostok à Singapour », bien au-delà donc des limites de l’Asie du Sud-Est, et englobe aussi bien la mer des Célèbes que la mer du Japon, tout en étant restreinte à un « corridor maritime », centré non sur les « États-nations mais sur les régions transnationales » structuré par un « chapelet des métropoles portuaires qui en définissent à la fois le pourtour et l’armature » [Gipouloux 2009]. Cette région, centrée sur les mers et les littoraux, s’articule autour de plusieurs bassins maritimes interconnectés par des détroits stratégiques (Malacca, Taiwan) et elle est structurée par des ports et des plates formes logistiques multimodales. Cette délimitation fait écho à l’« axe de croissance » de l’Asie-Pacifique identifié par Hughes Tertrais : « À la diagonale de la pauvreté, courant au Sud du continent, succède un axe de croissance tracé le long de sa façade pacifique, entre Singapour et la Corée : c’est autour de cet axe, sur plus de 5 000 kilomètres, que se concentre aujourd’hui tout le dynamisme économique du continent. Même les espaces littoraux des anciennes nations communistes, Chine et Vietnam, paraissent happés par lui comme par un aimant » [Tertrais 1996, p. 69].

9Cette approche, proposant une régionalisation dissociant la côte et la mer du reste des territoires nationaux est aussi celle adoptée par Ellen Frost, chercheuse américaine en relations internationales. Du fait de son approche essentiellement en science politique et en géopolitique et de sa focale, sur l’Asie du Sud-Est et non l’Asie du Nord-Est, à la différence de F. Gipouloux, elle propose une toute autre délimitation, plaçant les mers d’Asie du Sud-Est au centre d’un espace beaucoup plus vaste. Cet espace, qu’elle nomme Maritime Asia, rassemble les côtes et les mers de l’Inde du centre et du sud, de l’Asie du Sud-Est, de la Chine, la péninsule coréenne, le Japon mais aussi l’Australie et la Nouvelle-Zélande [Frost 2008]. Concernant l’Asie du Sud-Est, à l’opposition classique entre l’Asie du Sud-Est maritime et l’Asie du Sud-Est continentale, elle préfère distinguer l’Asie littorale, où vivent entre 60 et 70 % de la population asiatique, du reste du territoire asiatique. Ce découpage ne s’appuie plus sur les limites étatiques mais sur le rapport des territoires à la mer. Elle le justifie en partant du postulat que les populations des littoraux situés dans deux pays différents ont davantage de liens et de points communs qu’avec les populations de l’intérieur, notamment des zones de montagnes, vivant pourtant dans le même espace national. Placer les océans au centre serait valoriser une approche asiatique de l’espace et non plus exclusivement occidentale. Ellen Frost cite ainsi abondamment les travaux de l’historien japonais Takeshi Hamashita qui décrit l’Asie comme « une série de mers reliées par des détroits » et pour qui étudier l’histoire de la région asiatique, c’est avant tout étudier l’histoire des mers asiatiques [Frost 2008, p. 23]. L’Asie du Sud-Est se prête ainsi à un découpage transnational des espaces.

10Cette coupure entre le littoral et l’intérieur est cependant à nuancer du fait du développement de l’intermodalisme, de l’amélioration des chaînes logistiques de transport et de la construction d’axes routiers transnationaux, notamment dans le cadre de la Région du Grand Mékong. Non seulement les liaisons entre les ports et leurs arrières pays s’améliorent et s’étendent, le plus souvent au-delà des frontières nationales, mais les projets de ponts terrestres, de corridors d’infrastructures terrestres (route ou rail) assurant le lien entre deux segments d’une route maritime, sont en plein essor [Fau 2020]. Le maillage de l’Asie du Sud-Est continentale par des corridors économiques transnationaux pourrait ainsi reconfigurer l’organisation portuaire de la région. En effet, deux des corridors de la Région du Grand Mékong permettent de relier les deux façades maritimes de la péninsule : le premier, le corridor Est-Ouest relie en 1450 km le port birman de Moulmein au port vietnamien de Da Nang après avoir traversé le Myanmar, la Thaïlande, le Vietnam et le Laos ; le second, plus au sud, qui passe par les trois capitales méridionales de la péninsule (Bangkok, Phnom Penh et Hô Chi Min-Ville) doit être prolongé dans un second temps vers l’ouest jusqu’à la mer d’Andaman et Dawei (Tavoy) dans le Sud birman.

1.3. Les limites de l’intégration régionale par les flux portuaires

11Peut-on pour autant en déduire l’existence d’une région maritime reposant sur un réel maillage des mers d’Asie du Sud-Est ?

12Afin de faciliter le commerce maritime, la circulation des marchandises et le bon fonctionnement des chaînes logistiques, l’ASEAN a élaboré plusieurs plans successifs. Le principal plan directeur est le “Roadmap Towards an Integrated and Competitive Maritime Transport in ASEAN" dont l’objectif est de renforcer les capacités, les compétences et la compétitivité du secteur maritime dans la région. Il doit permettre de tirer pleinement parti d’une bonne intégration maritime au système de transport maritime global [ASEAN 2011] mais aussi de favoriser les échanges intra régionaux. Cependant, si au sein de l’ASEAN, les ports jouent un rôle essentiel dans le processus d’intégration régionale, c’est sûrement dans le secteur des transports maritimes que les inégalités sont les plus fortes : inégalités qui se traduisent aussi bien par une complémentarité que par une forte concurrence entre les infrastructures portuaires. En dépit des initiatives régionales, comme la création d’un marché unique dans le secteur maritime, les programmes institutionnalisés de connectivité maritime entre les pays d’Asie du Sud-Est se mettent très lentement en place. Les projets de politique commune se heurtent fréquemment à des stratégies nationales ne poursuivant pas les mêmes objectifs. L’échec du programme de l’ASEAN pour soutenir financièrement des « ports prioritaires » afin de rationaliser et de centraliser les flux intra-Asean est à cet égard très révélateur. Chaque État désirant que ses propres ports nationaux soient sur la liste, l’accord a finalement retenu 47 ports, rendant la mesure totalement inapplicable [Banomyong 2018]. La création d’un marché unique dans le secteur maritime est également rendu impossible par la multiplication des barrières non-tarifaires et par le refus de nombreux pays d’y intégrer les flux de cabotage. Fragilisées par la concurrence internationale très vive dans le domaine maritime, de nombreuses compagnies maritimes d’Asie du Sud-Est se sont repliées sur le cabotage qui est le seul secteur à ne pas être inclus dans le projet ASEAN d’un marché unique des transports maritimes. Ainsi, en Indonésie, les mesures prises dans la loi maritime de 2008 (article 8) ont pour but de réduire la dépendance du pays vis-à-vis des navires étrangers en leur refusant l’accès au marché du cabotage. L’objectif est qu’à terme l’ensemble des flux interinsulaires soit assuré exclusivement par des compagnies indonésiennes. Les marchés intérieurs vietnamien et philippin sont tout aussi fermés.

13Ces difficultés tiennent à de fortes inégalités de développement des infrastructures portuaires au sein de l’ASEAN, à une concurrence exacerbée entre les ports [Fau 2014] et au désir d’un bon nombre de gouvernements de privilégier l’amélioration d’une connectivité nationale mais aussi extrarégionale, c’est-à-dire au-delà de l’ASEAN, à celle d’une connectivité intrarégionale. La compétition croissante entre les ports d’Asie du Sud-Est pour capter les flux de conteneurs entraîne une multiplication des investissements, souvent redondants, et freine les possibilités de complémentarités entre les ports. La politique portuaire du gouvernement vietnamien, un échec relatif, en est un exemple [Fau 2015]. Le Vietnam, qui a longtemps pâti de l’absence de ports en eaux profondes pour ses exportations, souffre désormais d’une surcapacité de ses infrastructures. Les terminaux en eaux profondes de Cai Pei, construits à 80 km de la capitale pour favoriser les échanges transocéaniques directs, sont ainsi pénalisés par leur surdimensionnement et par la multiplication des autorisations de construction (7 terminaux construits entre 2009 et 2014) : ils fonctionnent en moyenne à 15-20 % de leur capacité et la concurrence interne est tellement vive que les prix de manutention demandés sont désormais en dessous du seuil de rentabilité. Cette surcapacité et la fragmentation des offres des terminaux pour conteneurs rendent les ports vietnamiens de moins en moins attractifs auprès des armateurs dont la profitabilité dépend des économies d’échelles.

14Les faiblesses de l’intégration régionale de l’ASEAN dans le secteur maritime tiennent ainsi aux difficultés de concilier une insertion sur les marchés mondiaux avec une réorganisation du système portuaire favorisant les flux intra-ASEAN. Le fonctionnement en « hub & feeder », c’est-à-dire en pôles de transbordement reliés à des ports secondaires par des navires collecteurs, pourrait pénaliser l’amélioration de la connectivité entre les ports de l’ASEAN. En effet, la nécessité économique de développer une connectivité extrarégionale, notamment avec les ports d’Asie du Nord-Est et de s’insérer dans les routes maritimes mondiales marginalise certains ports dont le trafic est trop faible pour être intégré aux couloirs maritimes régionaux. Elle ne favorise pas non plus les liens entre les différents ports collecteurs et entre les petits ports. Ces difficultés reflètent en fait les contradictions même de l’institutionnalisation de l’intégration régionale : l’ASEAN continue de fonctionner sur les bases d’un régionalisme ouvert, comme l’attestent la prolifération et la superposition complexe d’accords commerciaux bilatéraux et plurilatéraux ratifiés avec des partenaires extérieurs à la région (participant ainsi au syndrome dit du « bol de nouille ») et non sur la recherche d’un développement des échanges intrarégionaux.

15Les seules réelles avancées d’un maillage des espaces maritimes structurés par des ports secondaires concernent les flux de barter trade (commerce de compensation ou troc), très actifs dans le détroit de Malacca et en mer de Sulu-Sulawesi [Fau 2014] et ceux des navires rouliers ou Ro-Ro (Roll-on/ Roll-off) transportant voitures ou camions d’une rive à l’autre. Ainsi, dans le détroit de Malacca, si la construction des États-Nations a induit une fermeture relative des frontières et le recentrage des mobilités à l’intérieur des territoires nationaux, les sociétés riveraines continuent de fonctionner en réseau. Dans le cadre du « barter trade », les populations riveraines continuent à vivre le détroit au quotidien, à le traverser fréquemment en faisant des allers-retours car leur espace vécu se poursuit au-delà de la ligne frontière : mal reliées aux grandes villes de l’intérieur, elles s’approvisionnent en produits de base et en outils agricoles de l’autre côté du détroit. Les politiques des gouvernements indonésien et malaisien favorisent même ces flux en finançant le développement de petits ports spécialisés où les populations côtières peuvent effectuer, sans frais de douane ni autorisation administrative, des transactions commerciales jusqu’à hauteur d’un montant défini par chacun des gouvernements.

2. Nommer des régions centrées sur les espaces maritimes : une régionalisation culturelle et géopolitique

16Une analyse des représentations et des discours, des visions géopolitiques et géostratégiques du monde, souligne la géométrie variable et les successions au cours du temps des découpages du monde. Ces découpages questionnent également l’émergence ou non d’identités régionales qui dépasseraient les limites des États et reposeraient sur le partage d’une culture commune. En Asie, le terme omniprésent dans les années 1990 « d’Asie Pacifique » décliné par Hughes Tertrais en « axe de croissance » ou plus tard en « Méditerranée asiatique » par François Gipouloux est désormais concurrencé par une multitude de termes : « routes maritimes de la Soie », puis « Indo-pacifique ». Les questions géostratégiques se transforment en une bataille de nouvelles dénominations souvent davantage performatives que réelles et qui ont de quoi décontenancer les géographes pourtant habitués à découper, renommer et penser de nouveaux espaces. Même si une analyse critique des discours est nécessaire, ces changements sémantiques reflètent bien les nouveaux enjeux de pouvoirs et de domination. Dans tous les cas, l’intérêt de ces dénominations, que ce soit « mer malaise », « Asie Pacifique » ou « Indo-pacifique » est de rompre avec un découpage de l’espace focalisé sur les États et leurs territoires terrestres. Ces termes incitent à désoccidentaliser les regards en privilégiant une approche centrée sur les régions maritimes.

2.1 De la mer au centre à sa marginalisation au sein du monde malais

17Pour des historiens comme Anthony Reid, Leonard Andaya et Denys Lombard, l’unité de l’Asie du Sud-Est repose sur un fond culturel commun et une histoire partagée forgés par la circulation des biens mais aussi des idées et surtout par le déplacement des hommes. Cette unité s’appuie aussi bien sur les relations commerciales que les liens culturels entre les populations riveraines. Quelques que soit la désignation de cet espace, « mer méditerranéenne d’Asie du Sud-est » [Reid 1988, Lombard 1998] ou « mer malaise » [Andaya 2008], et des délimitations différentes à la marge, ces auteurs envisagent l’Asie du Sud-Est à partir d’un espace maritime unifié par des flux maritimes rythmés par les vents de mousson, par les liens intenses entre les villes portuaires et par l’usage commun du malais dans les affaires commerciales. Cet ensemble est envisagé comme un espace intégré, cohérent et bien distinct de la Chine et de l’Inde. Les Chinois distinguent d’ailleurs cet espace en le nommant Nanyang, l’océan du sud, et les Indiens, les Perses et les Arabes par les termes de « terres sous les vents » c’est-à-dire une zone de retournement des flux de moussons. Dans ses travaux, Leonard Andaya souligne l’importance d’une identité culturelle commune forgée par la circulation des biens mais aussi des idées et surtout par le déplacement des hommes. En partant des travaux de Braudel, Denys Lombard présente l’Asie du Sud-est et la Chine méridionale comme les deux rives d’une méditerranée unies non seulement par des caractéristiques géologiques, climatiques, zoologiques et botaniques communes mais surtout par un fond culturel commun et une histoire partagée forgés par des « routes de navigation côtière qui, de port en port, ont fini par réunir tous les littoraux entre eux ».

18Ce rôle de la mer dans la construction identitaire des populations est particulièrement tangible dans le monde malais, un espace que l’on identifie de nos jours comme l’aire d’extension de l’Islam en Asie du Sud-Est : Indonésie, Malaisie, Brunei, le Sud des Philippines et de la Thaïlande et la minorité musulmane de Singapour. Ainsi à la question « qu’est-ce qu’« être malais » ? , Charles Robequain, qui a introduit en 1946 le terme de « monde malais » dans la géographie française, proposait cette réponse [Robequain 1946, p. 15] : « le Malais (…) : c’est l’individu affiné par le contact séculaire de l’Inde et de la Chine, et devenu enfin musulman ; c’est aussi le marin, ou au moins le membre de communautés auxquelles la mer est familière. L’unité malaise se traduit surtout par l’extension de la langue du même nom, devenu la langue d’échange. ». Être malais, d’après cette définition, c’est donc à la fois être musulman, attaché à la mer et parler la langue malaise. L’espace malais, centré sur les mers, est un espace réticulé, tel que le définissent Muriel Charras et Manuelle Franck dans leur analyse des grands espaces historiques englobants que sont Srivijaya, puis Melaka et Johore [Charras & Franck 2000, p. 71] : « Les échanges sont multidirectionnels et traversent en tous sens les détroits et les mers, créant un véritable maillage. (…) Le système insulaire est ouvert, polycentré et multidirectionnel. » La perception malaise de l’espace est donc très ouverte, tournée vers le reste du monde et centrée sur les mers.

19La réalité contemporaine véhicule cependant une autre image. Elle oppose à la représentation de cet espace englobant un espace fragmenté par la constitution des États-nations post-coloniaux. La perception et le vécu de la mer par les populations riveraines ont été modifiés par la création des frontières politiques. Durant la période des luttes anticoloniales, des projets pan-malais avaient ainsi émergé. Cet héritage commun aurait pu être le ciment de la construction régionale de l’Asie du Sud-Est. Il n’en a rien été. Bien loin de favoriser l’émergence d’une conscience régionale, la colonisation puis la création de frontières et le découpage de cadres territoriaux étatiques ont été à l’origine de « l’éclipse de toute une région », pour reprendre le sous-titre d’un article de Muriel Charras et de Manuelle Franck de 2000 sur le rôle de l’Indonésie dans l’organisation régionale de l’Asie du Sud-Est insulaire : « Qu’est devenu le rêve pan-malais de l’Indonésie ? Installée au centre géographie de l’Asie du Sud-Est insulaire, sa tendance à l’introversion, voulue par un gouvernement javanais soucieux de la domination du centre et jaloux de sa souveraineté, l’Indonésie est responsable de la dissolution de l’Asie du Sud-Est insulaire en tant qu’entité régionale ».

20Au lendemain des indépendances, les héritages malais sont réinterprétés de façon différente par les gouvernements de l’Asie du Sud-Est insulaire. La divergence de définition de l’identité malaise entre l’Indonésie, la Malaisie et Singapour résulte directement des choix opérés par les nouveaux États-nations pour résoudre les difficultés liées à l’hétérogénéité ethnique de leur territoire. En Indonésie, la conscience d’appartenir à un monde malais s’étiole au profit de la construction d’une nouvelle identité nationale supprimant toute référence communautaire. Même si la devise de l’Indonésie est « l’unité dans la diversité » (Bhinneka Tunggal Ika), le gouvernement œuvre davantage à la création et à la promotion d’une culture et d’un espace indonésien unifiés qu’au maintien des diversités régionales. Dans ce contexte, le substantif « Melayu » ne désigne plus qu’une minorité ethnique dont les revendications identitaires ne sont aux yeux du gouvernement central que des manifestations du folklore local. En Malaisie, le gouvernement opte pour un nationalisme ethnique où les « Malais », appartenant à une « race » distincte des Chinois et des Indiens par leur statut de premiers occupants du territoire, celui de bumiputra (fils du sol), bénéficient de ce fait d’une politique de « discrimination positive ». Contrairement à l’Indonésie, le terme « Malais » y est englobant et intègre aussi bien les Javanais que les Bugis ou les Melayu. Cependant l’affirmation de l’identité malaise passe aussi par une reconstruction qui se détourne des héritages du monde malais et de sa diversité pour privilégier uniquement sa composante musulmane en puisant ses références non dans l’Asie du Sud-Est insulaire mais au Moyen-Orient. L’identité malaise est réinventée par une substitution de la culture malaise traditionnelle par la culture islamique. Quant à Singapour, la construction d’un État souverain après la séparation – « l’expulsion » selon les dirigeants singapouriens – avec la fédération de la Malaysia, passe par un rejet puis un oubli de de l’héritage malais. Dans les discours du gouvernement singapourien mais aussi dans les manuels scolaires ou même les brochures touristiques, l’histoire de la Cité-État ne débute qu’avec la fondation par Stamford Raffles d’un comptoir britannique au début du XIXe siècle [Rahim 2009]. Contrairement aux autres pays d’Asie du Sud-Est, la colonisation est présentée en des termes toujours très positifs : S. Raffles a ainsi droit à une statue érigée en plein cœur du quartier des affaires et donne son nom à l’hôtel le plus luxueux de Singapour ou encore à la classe affaire de Singapore Airlines [Fau 2020]. Cet oubli de l’héritage malais, même si le malais demeure une langue nationale, participe à la mythologie nationale de lutte pour la survie : Singapour est présentée comme un îlot entouré d’une mer malaise et musulmane hostile. Cette réécriture de l’histoire passe aussi par la valorisation d’une identité cosmopolite et de valeurs nationales promouvant non les origines ethniques mais une éthique de la méritocratie reposant sur l’enrichissement financier personnel. Le terme de « mer malaise » unifiant l’Asie du Sud-Est n’est ainsi plus guère usité depuis les indépendances.

2.2. L’ « Asie Pacifique » et l’émergence d’un « bassin Pacifique », nouveau centre économique du monde

21À la fin des années 1980, un autre terme centré sur les mers s’est en revanche imposé, celui « d’Asie Pacifique ». Dans un article de 2004, Guy Faure retrace la généalogie de la terminologie alors encore hégémonique de « Asie Pacifique » : « Malgré son cachet suranné, le terme d’Extrême-Orient n’est pas devenu obsolète en français. Il garde ses partisans qui continuent à l’utiliser par habitude ou commodité. Il paraît cependant évident qu’il suivra le même destin que le terme Orient glissant dans le domaine littéraire et historique, tant il semble difficile de lutter contre l’hégémonie du concept Asie-Pacifique » [Faure 2004]. À la différence du terme de « mer malaise » valorisant une unité culturelle, celui d’Asie Pacifique renvoie essentiellement à une réalité économique. Depuis les indépendances, les pays d’Asie du Sud-Est sont davantage orientés vers le Pacifique que vers l’Océan Indien. Il ne s’agissait nullement d’une constante historique mais d’un revirement après la Seconde Guerre mondiale, lié au rôle économique et politique des Américains dans la reconstruction des pays non communistes. Le repli de l’Inde sur son territoire national, la construction de l’ASEAN puis l’essor de l’intégration régionale économique entre les pays d’Asie du Sud-Est et du Nord-Est avaient encore davantage éloigné l’Océan Indien des préoccupations des pays de « l’Asie Pacifique ».

22Cette dénomination, apparue dans les années 1960 sous la plume d’universitaires japonais désireux de faire oublier l’appellation de « Sphère de Coprospérité de la grande Asie Orientale », était utilisée dans le cadre du projet japonais de nouvelles coopérations économiques regroupant les pays non communistes de la région [Faure 2004] ; l’objectif était de contrer la présence des Occidentaux et en particulier des Américains dans la région. Ce projet japonais a suscité cependant un profond rejet en Asie du Sud-Est tant était encore présent le contentieux historique. Ce terme d’« Asie Pacifique », repris dans un premier temps par les Australiens, s’est ensuite imposé en étant détourné et popularisé au milieu des années 1970 par le président Ford qui, dans sa « nouvelle doctrine du Pacifique », annonçait l’émergence du bassin Pacifique (Pacific Rim) comme nouveau centre du monde après la Méditerranée et l’Océan Atlantique. Le projet américain, plus vaste que « l’Asie Pacifique » initiale, définit une nouvelle région comprise entre les deux rives du Pacifique comportant une façade asiatique et une façade américaine. Cette terminologie prend une consistance institutionnelle avec la création en 1992, sur l’initiative de l’Australie, de la Coopération économique de l’Asie-Pacifique (APEC). L’APEC qui compte désormais 21 membres riverains du Pacific Rim devait aboutir à un accord régional de libre-échange entre les partenaires à l’horizon 2020. Du fait de son gigantisme et de la très forte hétérogénéité des partenaires, le forum parvient cependant difficilement à impulser de nouveaux accords. Et surtout, depuis les années 2000, le terme de « bassin pacifique » est progressivement évincé par celui « d’Indo-pacifique ». Révélateur à cet égard de cette nouvelle représentation du monde, est le discours en 2017 du président Donald Trump au sommet de l’APEC où est délibérément omis le terme de « Asie Pacifique », désormais obsolète, pour lui substituer celui « d’Indo-pacifique ». Avec la monté de la Chine, la vision géostratégique supplante l’approche économique de l’espace.

2.3. L’« Indo-pacifique » où la géostratégie au cœur d’un nouveau découpage de l’espace

23Le concept « d’Indopacifique », à la « confluence des deux mers » pour reprendre les termes utilisés en 2007 par le Premier ministre japonais Shinzo Abe, se diffuse dans les années 2000. Il n’est en soi pas nouveau. Il est en effet utilisé dans les années 1940 pour désigner une région biogéographique océanique, le bassin indopacifique, regroupant dans un même ensemble les zones tropicales et subtropicales de l’Océan Indien et de la partie occidentale de l’Océan Pacifique. Sa première occurrence officielle date de 1948, lorsque l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO) a créé à Baguio (Philippines) le Conseil Indopacifique des pêches. Ce qui est nouveau en revanche est l’apparition du terme en géopolitique. La réinvention de ce terme permet de souligner les liens de dépendances croissant entre les pays de l’Océan Indien et de l’Asie Pacifique. Les discours stratégiques indiens et chinois, mais aussi américain, japonais et australien se focalisent de plus en plus sur cette interconnexion croissante entre la partie asiatique du Pacifique et l’Océan Indien [Fau & De Tréglodé 2018].

24Notons également que dans le terme d’« Indo-pacifique », les questions de sécurité et de stratégie prédominent sur celles économiques qui avaient prévalu à la constitution et à l’usage de la notion d’ « Asie Pacifique ». Les États-Unis, le Japon, l’Australie et l’Inde défendent ainsi le concept d’une région « indo-pacifique libre et ouverte » soulignant leur statut commun de « grandes démocraties engagées », implicitement face à une Chine autoritaire. Ils envisagent l’Asie « indo-pacifique » comme un espace d’insécurité maritime et d’instabilité grandissante du fait d’une présence chinoise perçue comme agressive. La réorientation, depuis 2010, des priorités de l’armée américaine vers la région Asie Pacifique englobe ainsi les deux océans de part et d’autre du détroit de Malacca ; significatif est ainsi la substitution, depuis mai 2018, du commandement militaire pour le Pacifique (US Pacific Command) par celui de l’Indopacifique (US Indo-Pacific Command). Cette stratégie indopacifique prend ainsi dans les faits la forme d’un rapprochement entre le Japon, l’Inde, l’Australie et les États-Unis visant à freiner les ambitions de la Chine et à protéger la libre circulation sur les mers [Fau & Franck 2019].

25Dans ce nouvel espace de « l’Indopacifique », les mers d’Asie du Sud-Est devraient (re)jouer un rôle d’interface entre les deux Océans. Rôle d’autant plus important que les pays de l’ASEAN s’intéressent à leur tour aux questions de sécurité dans l’Océan Indien. Outre le Vietnam, partenaire privilégié de l’Inde, l’Indonésie se tourne également de plus en plus vers l’Océan Indien. Le président Jokowi présente ainsi l’Indonésie comme un pont « entre deux continents et deux océans » et souhaite l’ancrer davantage à l’Océan Indien et non plus uniquement aux pays de l’ASEAN. De même, le gouvernement singapourien a toujours affirmé la nécessité de traiter ensemble les questions stratégiques relatives à l’Océan Indien et à la Mer de Chine méridionale et justifié ainsi son rapprochement précoce avec l’Inde. La dénomination « Indo-pacifique » supplante-t-elle pour autant celle d’ « Asie Pacifique » et parvient-elle à imposer une nouvelle vision de cette région ? S’il est trop tôt pour répondre, il faut néanmoins noter que l’approche antichinoise contenue explicitement dans le terme « d’Indo-pacifique » ne rencontre pas l’assentiment des pays d’Asie du Sud-Est. En juin 2019, l’ASEAN s’est ainsi doté de sa propre « vision indo-pacifique » (ASEAN Outlook on the Indo-Pacific) qui est davantage inclusive et à visée régionale. Son objectif est de favoriser les coopérations politiques et stratégiques dans la région tout en préservant de bonnes relations aussi bien avec les États-Unis qu’avec la Chine.

3. L’approche par écosystème : une réponse aux vulnérabilités du développement économique

26Les écosystèmes marins forment des entités qui dépassent les frontières d’un État et des interdépendances écologiques existent entre les territoires nationaux indépendamment des relations politiques [Alexander 1982]. Scientifiquement, cette approche a émergé avec la remise en cause de deux idées bien ancrées encore durant le XXème siècle : l’une est la perception que les problèmes côtiers et marins n’ont qu’une portée purement locale ou nationale, l’autre est la croyance en des ressources halieutiques et marines inépuisables et en l’impossibilité que les seules activités humaines puissent affecter un espace aussi vaste et inhabité. La prise de conscience de l’impact des activités humaines sur les milieux marins s’est cependant longtemps uniquement focalisée sur la surexploitation des ressources halieutiques et à amener à réfléchir aux modalités de préservation des stocks, des pollutions liées aux activités maritimes et de la seule protection des espèces dites utiles à l’homme. Ce n’est que depuis les années 1970 que de sectorielle et centrée sur la seule gestion d’une ressource (pêche ou pétrole), la régionalisation des espaces marins est envisagée à partir d’un espace délimité par les spécificités de son écosystème. Peut-être plus que sur terre, les questions environnementales sont au cœur de la régionalisation des espaces marins dont les enjeux sont pourtant à la fois nationaux, régionaux mais aussi globaux. Cette approche par écosystème fait écho au concept de « bassin maritime » utilisé par les géographes, notamment à la suite des « initiatives provenant des Area Studies américaines » qui « proposent de focaliser les approches régionales sur des bassins maritimes plutôt que sur les continents » : « une analyse pluri-thématique de ces bassins (politiques, historiques, culturels etc.) permet alors de travailler sur les processus, les acteurs, les liens entre riverains et de proposer une géographie régionale relationnelle sortant du champ des travaux régionaux à tendances monographiques » [Marei 2018]. Dans les deux cas, l’idée est donc de placer les espaces maritimes aux centres et non à la périphérie des espaces nationaux et d’analyser les interactions entre les éléments et les acteurs.

3.1. La vulnérabilité des mers d’Asie du Sud-Est

27Cette régionalisation des espaces marins s’est accélérée en Asie du Sud-Est du fait de l’extrême vulnérabilité des mers. Les pressions anthropiques (urbanisation, aquaculture, pollutions d’origine continentale ou liées aux activités en mer, surpêche) auxquelles s’ajoutent les effets du changement climatique (augmentation de la température, acidification des océans) modifient les écosystèmes et ont des conséquences en chaînes non seulement sur les biocénoses marines mais aussi sur la vie humaine. Pour souligner les risques liés à la dégradation de l’environnement, la notion de « service écologique », c’est-à-dire les bénéfices que les humains retirent des écosystèmes, a vu le jour à la fin des années 1990 dans les milieux scientifiques avant d’être repris par les instances internationales. En Asie du Sud-Est, les mangroves et récifs coralliens assurent ainsi la survie des populations côtières, l’épuration de l’eau et l’absorption du C02 tout en constituant une protection non négligeable contre les tsunamis. Le programme des Nations Unies pour l’environnement a même évalué la somme que devrait dépenser l’humanité pour obtenir les services équivalents fournis par ces écosystèmes : les mangroves assurent entre 200 000 $ et 900 000 $ d’économie par km² et par an et les récifs coralliens entre 1000 et 600 000 $ [Fau & De Tréglodé 2018] .

28Or, si les mers d’Asie du Sud-Est sont les plus riches au monde en récifs coralliens, tant en biodiversité qu’en valeur absolue (23 % des ressources mondiales), plus de la moitié sont déjà classés dans les catégories fortement et très fortement menacés du dernier rapport du World Ressource Institute [Burke & al. 2011]. Leur disparition ferait chuter de 80 % les ressources alimentaires de la région et affecterait entre 100 et 150 millions de personnes. Par ailleurs, comme le souligne le dernier rapport de la Banque mondiale sur le changement climatique, l’Asie du Sud-Est et la Chine devraient être particulièrement affectées par le réchauffement climatique et la montée des eaux : salinisation des terres empêchant la riziculture, inondation de régions deltaïques densément peuplées (Mékong, Irrawady et Chao Phraya), érosions côtières, accélération de la destruction des écosystèmes marins et diminution des ressources halieutiques. C’est dans ce contexte, que la notion de « sécurité environnementale » a émergé : les menaces ne sont plus seulement militaires car la pénurie de ressources naturelles et les dégradations environnementales risquent de déclencher de nouveaux conflits liés non seulement à l’appropriation et au contrôle des ressources mais aussi au déplacement forcé des populations. En Asie du Sud-Est, des dizaines de millions d’habitants devraient migrer des côtes vers les régions urbaines ou émigrer vers les autres pays d’Asie du Sud-Est ainsi que vers l’Australie et la Nouvelle Zélande.

3.2. Des limites de l’approche sectorielle à l’image de celles de l’ASEAN

29Pour faciliter cette mise en œuvre de la régionalisation des océans, les institutions internationales ont lancé de nombreux projets de coopération régionale. Dans le domaine de la pêche, l’article 119 de la CNUDM incite les États exploitant des ressources identiques à développer des coopérations régionales afin de « maintenir un rendement constant maximum ». Le Code de conduite pour une pêche responsable adopté en 1995, et ratifié par 170 membres de l’Organisation des Nations Unies, préconise également de « créer de nouvelles organisations régionales d’aménagement des pêches ou de renforcer celles qui existent » lorsque des pays pêchent les mêmes stocks de poissons. L’objectif est de préserver les stocks, de réduire les possibilités de différends interétatiques à propos de la pêche mais aussi de gérer en commun les ressources halieutiques. L’organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (Food and Agriculture Organisation : FAO) a découpé régionalement les Océans en zones de pêche. Dans ces zones, les organisations régionales de gestion de la pêche (ORGP) ont pour but la conservation et l’utilisation optimale des stocks et le développement durable de leur exploitation. Les mers d’Asie du Sud-Est sont divisées entre la zone Pacifique nord-ouest (71) qui englobe dans un même ensemble la Chine avec le centre et le nord du Vietnam, la zone Pacifique centre ouest (71) comprenant le sud du Vietnam, les pays d’Asie du Sud-Est s’ouvrant sur le Pacifique et le nord de l’Australie et enfin la zone de l’Océan indien (57) associant à l’Inde, les côtes malaisienne, indonésienne et thaïlandaise tournées vers l’Océan indien ainsi que la Birmanie.

30Les rapprochements institutionnels dans le domaine de la pêche ont débuté relativement tôt en Asie mais face à la situation critique des ressources halieutiques, les projets de coopération multilatéraux se sont renforcés. Néanmoins, comme le souligne Florence Galetti, ces nombreux réseaux institutionnels « n’ont pas été une forme de renoncement d’un État maritime d’Asie à ses prérogatives sur ses eaux souveraines et ses eaux sous juridiction nationale si âprement posées » [Galetti 2016]. Il existe toujours des conflits liés à l’incursion de pêcheurs étrangers dans les eaux nationales, à la ratification d’accords de pêche uniquement bilatéraux, notamment dans le cadre de zone d’exploitation conjointe de pêche, ou encore à l’adhésion des États, à titre uniquement individuel à l’une des nombreuses conventions par espèces halieutiques. De même, en dépit d’une multiplication des projets de coopération lancés par l’ASEAN afin de mieux gérer les ressources halieutiques et de lutter contre les pêches illégales, il est difficile d’élaborer une stratégie commune dans le secteur de la pêche si chaque pays ratifie uniquement les accords internationaux qui l’arrangent. En Asie du Sud-Est, les compétences institutionnelles et les pratiques sont ainsi extrêmement fragmentées. Comme le souligne Sébastien Colin, aucun accord, aucune convention régionale n’est juridiquement contraignante et n’impose aux gouvernements une politique de mise en œuvre [Colin 2018]. Ce mode de coopération, reposant uniquement sur la bonne volonté des États membres, se rapproche ainsi du fonctionnement ordinaire de l’ASEAN. En dépit de ces insuffisances, ces accords permettent une prise de conscience collective sur la nécessité de gérer en commun les ressources marines et de créer un espace de dialogue et une plate-forme d’action potentielle.

3.3. La prise en compte des écosystèmes : vers une nouvelle gouvernance des régions marines ?

31De sectorielle, focalisée généralement uniquement sur la gestion d’une ressource (pêche ou pétrole), la régionalisation des espaces marins est désormais intégrée et centrée sur un espace délimité par les spécificités de son écosystème. Le droit maritime, le droit de l’environnement et les organisations internationales ont été les initiateurs de cette régionalisation des océans. L’article 123 de la Convention de Montego Bay de 1982 fait ainsi obligation aux États riverains des mers fermées ou semi-fermées, comme la mer de Chine méridionale, de coopérer dans l’exercice de leurs droits et obligations afin de coordonner la gestion, la conservation, l’exploration et l’exploitation des ressources biologiques en mer. Ce changement d’approche est également appuyé par les institutions internationales. Ainsi, en 1974, le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) a lancé le programme des mers régionales. L’objectif est de palier aux insuffisances des politiques maritimes sectorielles ou uniquement nationales en privilégiant une approche régionale et globale prenant en compte les spécificités géographiques, économiques et politiques propres à chaque bassin. Sous l’égide du PNUE, 18 plans d’action régionaux ont été mis en place dont 3 dans la zone Asie Pacifique : les mers d’Asie Orientale, l’Océan Pacifique Sud et l’Océan Pacifique Nord-Ouest [Alexander 1982] . L’idée sous-jacente est que des problèmes communs ne peuvent être traités et abordés séparément par chaque État riverain.

32En Asie du Sud-Est, les projets de coopération dépassant les frontières étatiques afin de protéger des écosystèmes transnationaux se multiplient. A côté des institutions internationales, de nouveaux acteurs, notamment des ONG, soutiennent la formation d’espaces marins transnationaux. Les « Grands Paysages Marins » (Seascapes) introduits à l’initiative de l’ONG Conservation International (CI), sont « des espaces où les objectifs de conservation et de bien-être humain peuvent être basés sur des partenariats entre autorités publiques, population locales, et organisations du secteur privé et non gouvernementales (ONG) ». L’initiative pour le Triangle de Corail (ITC) est ainsi une véritable approche régionale des menaces environnementales [Kaur 2018]. Au carrefour du Pacifique et de l’Océan Indien, le Triangle de Corail est une zone s’étendant sur près de 5,7 millions de kilomètres carrés, soit la moitié des États-Unis, peuplée de 363 millions d’habitants. Avec seulement 1,6 % des océans du monde, il concentre la plus grande biodiversité marine au monde avec plus de 500 espèces de coraux, soit les ¾ des espèces existantes et 3000 espèces de poissons et abrite 1/3 des récifs coralliens du monde. Près d’un tiers de ses habitants, soit 120 millions de personnes, dépendent directement de ses ressources marines pour subvenir à leurs besoins (nourriture et revenus liés à la pêche, industrie du thon et tourisme). Cependant, cette région est gravement menacée. Pour préserver cet environnement fragile, six pays – l’Indonésie, la Malaisie, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, les Philippines, les Iles Salomon et le Timor oriental – se sont réunis à Manado (Indonésie) le 15 mai 2009 lors du sommet du Triangle de Corail afin de ratifier leur adhésion à cette initiative. Les États membres se sont engagés à mettre en place un plan d’action visant à préserver les océans, à gérer de façon durable les ressources marines notamment halieutiques, à sauvegarder les espèces menacées, à protéger les petites iles et zones côtières et à anticiper les changements climatiques.

33La spécificité de cette zone tient au nombre d’acteurs impliqués et la nécessité d’inventer un système de gouvernance favorisant la mise en œuvre de coopération non seulement entre les gouvernements mais aussi avec les communautés locales, les agences multilatérales, les organismes donateurs bilatéraux tels que USAID, des ONG (Nature Conservancy, WWF) ou encore des partenaires privés. À cette diversité et multiplicité d’acteurs s’ajoutent les fortes différences entre les États membres (taille mais aussi niveau de développement économique) et la variété et l’hétérogénéité des législations. La mise en œuvre d’un réseau Aires Marines Protégées (AMP) se heurte par exemple à la grande variété des modes de fonctionnement des zones concernées. Ainsi si certaines AMP sont implantées depuis plus de 30 ans, comme aux Philippines, en Malaise et en Indonésie, d’autres sont très récentes, notamment dans les Iles Salomon, en Papouasie-Nouvelle-Guinée, la première AMP du Timor oriental datant même seulement de 2008. Par ailleurs, leurs tailles, leurs modes de fonctionnement et leurs objectifs sont très variables d’un pays à l’autre. Ainsi, si en Indonésie la taille moyenne des AMP est de 1 461 km², elle n’est que de 17 km² aux Philippines et 1,3 km² dans les iles Salomon. De même, alors qu’en Indonésie et en Malaisie, les AMP sont gérées directement par des autorités gouvernementales et régies par des lois nationales, étatiques ou provinciales, en revanche dans les îles Salomon et en Papouasie Nouvelle-Guinée, leur gestion est attribuée aux communautés locales qui y appliquent un droit marin coutumier. Même si le programme d’Initiative du Triangle de Corail est un projet à long terme, indispensable à la population mais difficile à mettre en œuvre, il contribue à pacifier des relations internationales.

Conclusion

34Étudier les processus d’intégration régionale de l’Asie du Sud-Est en plaçant les mers au centre de l’analyse et non plus uniquement les flux permet de de valoriser l’importance des espaces maritimes dans cette région du monde tout en envisageant les spécificités de cette régionalisation. Effectuer ce changement de focale est indispensable sauf à nier les spécificités, voire l’existence même de l’espace maritime. L’un des modèles de l’intégration territoriale proposés par Roger Brunet pour l’Europe porte ainsi le titre significatif de « l’intégration sous vide » : « On a vu des essais d’intégration territoriale se faire autour d’un espace vide, parcouru intensément ou non. Tel est le cas d’États ou de confédérations en forme d’archipels dont la mer est le lieu d’intégration. Telles furent les Méditerranées, dans l’ensemble ou partagées entre l’Est et l’Ouest, quand des empires assurèrent leur intégration ; ou plus généralement ce que l’on nomma les thalassocraties » [Brunet 1997, p . 19]. Il ne s’agit pas tant de se demander si un vide peut être un centre que d’envisager la mer autrement que comme le simple support de flux, et de définir des régions maritimes qui soient davantage que des régions portuaires [Ducruet 2008]. Avec l’évolution, la multiplication et la complexification des enjeux maritimes, la mer ne peut plus être appréhendée comme un vide mais doit l’être au contraire comme un espace en soi, disposant de ressources limitées, impliquant des organisations spatiales et des modalités de gouvernances spécifiques. La mer n’est pas réductible aux manières de penser l’espace terrestre et nécessite de changer de grille d’analyse.

Haut de page

Bibliographie

Alexander, L. M. (1982) – Marine regionalism in the Southeast Asian seas, Honolulu, East-West Environment and Policy Institute, Research report n° 11, 85 p..

Asean (2011) – Master Plan on ASEAN Connectivity. Jakarta : ASEAN Secretariat, https://www.gica.global/resources/master-plan-asean-connectivity-2025

Andaya, L.Y. (2008) – Leaves of the same tree, trade and ethnicity in the Straits of Malacca, Singapore, NUS Press Singapore, 320 p.

Banomyong, R. (2018) « Connectivité et marché unique au sein de l’ASEAN : le nouveau défi du transport maritime », in N. Fau & B. de Tréglodé (dir.), Mers d’Asie du sud-est. Coopérations, intégrations et sécurités, CNRS édition, pp. 229-251.

Brunet, R. (1997) – Territoires de France et d’Europe. Raisons de géographe, Paris, Belin, 319 p.

Burke, L., Reytar, K., Spalding, M. & Perry, A. (2011) – Reefs at Risk Revisited, Washington D.C., World Ressource Institute, 114 p., https://www.wri.org/research/reefs-risk-revisited

Charra,s M. & Franck, M. (2000) – « Quarante ans d’introversion de l’Indonésie ; l’éclipse de toute une région. L’ASE insulaire dans les recompositions spatiales », in F. Cayrac Blanchard, G. Defert and F. Durand (dir.), Indonésie contemporaine, Hommage à Jacques Leclerc, Paris, L’Harmattan, pp. 69-106.

Colin, S. (2016) – « La Chine, les États-Unis et le droit de la mer », Perspectives chinoises n° 2, pp. 59-64.

Ducruet, C. (2008) – « Régions portuaires et mondialisation », Méditerranée [En ligne],URL :https://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/mediterranee/2667  ;DOI :https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/mediterranee.2667

Fau, N. (2014) – « Maritime corridors, port system and the transnational spatial organization in the Malacca straits », in N. Fau, Ch. Taillard et Sirivanh Khonthapana (dir.), Transnational Dynamics and Territorial Redefinitions in Southeast Asia : the Greater Mekong Subregion and Malacca Strait economic corridors, Singapore, Iseas, pp. 53-84

Fau, N. (2015) - « La maritimisation de l’économie vietnamienne : un facteur exacerbant les conflits entre le Vietnam et la Chine en mer de Chine méridionale ? », Hérodote , n° 157, pp. 39-56.

Fau, N. (2020) – Territoires, processus et acteurs de l’intégration régionale en Asie du Sud-Est, HDR volume 2, Université de Paris, 233 p.

Fau, N. & De Tréglodé, B. (dir.) (2018) – Mers d’Asie du sud-est. Coopérations, intégrations et sécurités, Paris, CNRS édition, 394 p.

Fau, N. & Franck, M. (dir.) (2019) – L’Asie du Sud-Est : émergence d’une région, mutation des territoires, Paris, Armand Colin, 434 p.

Faure, G. (2004) – « Les dessous des mots de l’Asie : analyse de la terminologie des nouveaux espaces géo économiques et géopolitiques d’après 1945 » in Ph. Pelletier (dir.), Nouvelles organisations régionales en Asie Orientale, Paris, Les Indes Savantes, pp. 29-46

Frost, E. (2008) – Asia’s New Regionalism, Singapore, NUS Press, 292 p.

Galetti, F. (2016) – « Mers semi-fermée d’Asie de l’Est et du Sud-Est : des emprises maritimes sous influence du droit de la mer ? », in N. Ros N & F. Galetti, Le droit de la mer face aux « Méditerranées ». Quelle contribution de la Méditerranée et des mers semi-fermée au droit de la mer ? », Naples, Editoriale Scientifica, pp. 295-352

Gipouloux, F. (2009) – La Méditerranée asiatique, Villes portuaires et réseaux marchands en Chine, au Japon et en Asie du Sud-Est, XVIe XXIe siècles, Paris, CNRS éditions, 480 p.

Kaur, C.R. (2018) – « L’Initiative du Triangle de Corail (ITC) : coopération transnationale et difficultés d’implantation nationale » in N. Fau & B. de Trégoldé (eds.), 2018, Mers d’Asie du sud-est. Coopérations, intégrations et sécurités, CNRS édition, p. 285-304.

Lombard, D. (1998) « Une autre “Méditerranée” dans le Sud-Est asiatique », Hérodote, n° 88, pp. 184-193

Marei, N. (2018) – « Région maritime : la mer peut-elle être un lien régional ? » in N. Mareï et Y. Richard (dir.), Dictionnaire de la régionalisation du Monde, Atlande, pp. 192-193.

Perec, G. (1974) – Espèces d’espaces, Paris, Galilée, 200 p.

Rahim, L. Z. (2009) – Singapore in the Malay World : Building and Breaching Regional Bridge, London, Routledge, 230 p.

Reid, A. (1998) – Southeast Asia in the Age of Commerce, 1450-1680, I :The Lands below the Winds, Yale University Press, 275 p..

Robequain, Ch. (1946) – Le monde malais, Paris, Payot, 510 p.

Tertrais, H. (1996) – Asie du Sud-Est, le décollage, Paris, Le Monde-Edition, 208 p.

Haut de page

Pour citer cet article

Référence papier

Nathalie Fau, « Régionalisation des espaces maritimes en Asie du Sud-Est »Bulletin de l’association de géographes français, 98-1 | 2021, 81-100.

Référence électronique

Nathalie Fau, « Régionalisation des espaces maritimes en Asie du Sud-Est »Bulletin de l’association de géographes français [En ligne], 98-1 | 2021, mis en ligne le 01 juillet 2022, consulté le 11 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/bagf/8000 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/bagf.8000

Haut de page

Auteur

Nathalie Fau

Maître de conférences en Géographie, Université Paris-Diderot, Laboratoire CESSMA (Centre d’études en sciences sociales sur les mondes africains, américains et asiatiques) – Courriel : fau.nathalie[at]gmail.com

Articles du même auteur

Haut de page

Droits d’auteur

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés), sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search