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Approches géographiques de la transition : transition énergétique, transition écologique

Approches géographiques de la transition : transition énergétique, transition écologique

Geographic approaches to transition : energy transition, ecological transition
Bernadette Mérenne-Schoumaker
p. 584-587

Texte intégral

1Consacrer deux journées à la transition, dont une aux approches géographiques de la notion de transition et une seconde plus spécifiquement focalisée sur les aspects des transitions énergétique et écologique était certainement un pari d’autant plus que l’organisation fut très largement bouleversée par la pandémie qui obligea d’abord le report des journées de mars à septembre-octobre, puis l’obligation d’organiser cette deuxième journée à la fois en présentiel et en distanciel, certains participants et certains intervenants ne pouvant pas se rendre à Paris. Ce fut notamment notre cas de telle sorte que cette synthèse repose à la fois sur les exposés suivis jusqu’à 14h30 par visioconférence, sur les présentations qui nous ont été envoyées par les conférenciers de la fin de l’après-midi et sur les textes publiés dans ce numéro.

2De telles circonstances ne peuvent toutefois pas nous empêcher de remercier tous les initiateurs de cette journée et en particulier la Professeure Édith Fagnoni d’avoir choisi un tel sujet et, malgré toutes les difficultés rencontrées, d’avoir tout mis en œuvre pour que ces journées puissent avoir lieu.

3Je voudrais aussi remercier mon co-équipier Michel Deshaies qui a organisé avec moi cette journée et a cherché dans le contexte bien difficile de la Covid-19 à jongler entre le présentiel et les exposés à distance.

4Que retenir de toutes les interventions ? Sans doute beaucoup plus que les quelques lignes qui suivent, écrites le jour même de la réunion puis revues un peu après à la lumière des présentations et des textes reçus. Comme j’ai pris l’habitude lors de colloques précédents de l’AGF, j’ai tenté de cerner l’essentiel en dix points.

  1. Je voudrais d’abord dire toute ma satisfaction face à la richesse des exposés, car je craignais des propos beaucoup plus banaux face à un sujet largement traité par les médias et assez nouveau pour la géographie, contrairement à d’autres disciplines comme la sociologie ou les sciences politiques qui ont intégré cette problématique depuis quelques années.

  2. Même si le titre de la journée visait tout autant la transition énergétique que la transition écologique, la plupart des exposés se sont focalisés sur la première qui bien sûr s’inscrit dans la transition écologique, mais n’en est qu’une partie (voir la présentation de Marianne Cohen).

  3. Bien que la thématique de la transition soit interdisciplinaire, les différents exposés montrent bien l’apport de la géographie : de nouveaux regards, de nouvelles problématiques en y convoquant deux concepts clés de la discipline : le territoire (espace approprié par un groupe social et dès lors différent de région ou d’espace) et le changement d’échelle (raisonnement multiscalaire). L’approche géographique de la transition est donc ou doit être territorialisée et multiscalaire.

  4. Développer une approche territorialisée implique une analyse très fine des contextes spatiaux en se posant notamment les questions suivantes : quelles ressources et quelles potentialités, quelles sensibilités et quelles visions des acteurs (population, responsables publics, opérateurs énergétiques…), quels choix opérés ? En outre, l’analyse doit être diachronique et donc porter sur l’analyse du processus pour percevoir les trajectoires via leurs lignes de force et aussi leurs ruptures. Le cas de Sarrebruck analysé par Carole Wernert a été de ce point de vue assez exemplaire, montrant bien le caractère non linéaire et même hétérogène de l’évolution et l’importance des interactions multiscalaires dans un contexte très marqué par les ressources initiales de la ville et du Land de la Sarre. L’exposé de Mark Bailoni traduit bien aussi cette vision territorialisée, mais à une échelle nationale cette fois, celle du Royaume-Uni, avec un accent plus spécifique encore sur les motivations, les enjeux et la question de la faisabilité économique et géopolitique.

  5. Changer d’échelle est tout aussi important. Cela implique, non seulement de confronter des travaux portant sur des territoires à différentes échelles situés dans des contextes géographiques et de niveau de développement différents (comme ce fut le cas aujourd’hui puisque l’on est passé de l’Europe à de petites îles du Pacifique), mais encore de replacer toutes les analyses dans leurs enveloppes successives (ville, région, pays, continent) en raison des interactions possibles. Deux exemples présentés par Robin Degron (l’impact de l’accident de Fukushima en Europe et celui des manifestations des gilets jaunes en France) illustrent bien les impacts de phénomènes particuliers sur les évolutions globales.

  6. Bien entendu, l’analyse du processus doit porter sur les choix opérés en matière de mix énergétique et sur le passage de l’ancien modèle vers le nouveau. Si la réduction ou la suppression du charbon et le développement des énergies renouvelables semblent se retrouver partout, ce n’est pas le cas de la place du nucléaire (acteur ou non de la transition), de la biomasse et même de celle du vent. Jimmy Grimault a ainsi tenté de cerner très finement les réticences locales au développement de certains projets en raison de leur taille, de leur impact sur le foncier et surtout de leur impact paysager. Et là, on redécouvre l’importance de la distorsion entre l’échelle globale (favorable à l’éolien) et l’échelle locale qui s’y oppose parfois, car c’est à ce niveau que les impacts se produisent.

  7. En fait, à la faveur des exposés, quatre questions mériteraient de retenir davantage l’attention de futurs travaux géographiques.

  • Comment s’opèrent les choix pendant la période de transition notamment après le décollage, mais avant les dernières options adoptées ? L’expérience anglaise analysée par M. Baïloni est-elle une voie classique ?

  • Quelle place pour la réduction de la demande dans la transition, le plus souvent axée sur les actions en matière d’offre énergétique ?

  • Comment intégrer dans la transition les échanges entre régions ou pays proches ? Ou au contraire (exposé de Jessy Rosilette), quelle voie choisir pour tendre vers l’autonomie notamment quand l’interconnexion avec les pays voisins n’est pas possible ?

  • Comment ne pas réduire la transition à la production d’électricité et notamment mieux prendre en compte le secteur des transports ? Il est ainsi assez étonnant de ne pas avoir entendu de travaux s’attachant aux mesures touchant le secteur pétrolier ou gazier.

  1. L’étude très fine des trajectoires implique de dépasser les analyses statistiques sans doute utiles pour cerner des grandes tendances de l’évolution et de se pencher sur le rôle des acteurs : décideurs politiques à différentes échelles, opérateurs énergétiques (firmes et investisseurs) et surtout la population, clé de voûte du changement. Il faut notamment chercher à cerner les perceptions des différents acteurs (comme l’a par exemple fait François Ory pour la Martinique), analyser le système de gouvernance et aussi travailler sur les contradictions inhérentes aux choix : vise-t-on la réduction des GES, un développement économique le plus durable possible ou la justice sociale et/ou spatiale ? Il faut encore se pencher sur la difficile question de la sensibilité, voire la mobilisation des acteurs face à la transition qui semble liée d’après Scott Fontaine au niveau socioéconomique des populations. Mais tous ces travaux nécessitent des démarches méthodologiques particulières (enquêtes, entretiens semi-directifs, observations participantes…) souvent difficiles à mener. Des échanges entre chercheurs géographes et chercheurs en sciences sociales seraient en ce domaine particulièrement utiles.

  2. Comme l’a rappelé Teva Meyer, la transition des systèmes énergétiques non seulement reconfigure les territoires, mais aussi la circulation des matières qui sous-tendent leur fonctionnement. C’est sans doute un autre volet des études. Remplacer des centrales au charbon par des parcs éoliens implique par exemple de disposer d’éoliennes qu’il faut fabriquer ou acheter ailleurs, qu’il faut installer et dont il faut assurer la maintenance et demain le recyclage en fin de vie. Cela suppose aussi de démanteler les centrales et de traiter les déchets non seulement nucléaires, mais aussi tous les autres. De telles contraintes risquent de freiner la transition dans certaines régions.

  3. La transition énergétique est sans conteste une thématique pleine de promesses. Elle peut certainement contribuer à renouveler la géographie de l’énergie, domaine de la discipline un peu abandonné par les géographes francophones depuis les années 1980.

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Pour citer cet article

Référence papier

Bernadette Mérenne-Schoumaker, « Approches géographiques de la transition : transition énergétique, transition écologique »Bulletin de l’association de géographes français, 97-4 | 2021, 584-587.

Référence électronique

Bernadette Mérenne-Schoumaker, « Approches géographiques de la transition : transition énergétique, transition écologique »Bulletin de l’association de géographes français [En ligne], 97-4 | 2020, mis en ligne le 31 décembre 2021, consulté le 13 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/bagf/7675 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/bagf.7675

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Auteur

Bernadette Mérenne-Schoumaker

Professeur honoraire à l’Université de Liège, bâtiment B11, Département de Géographie, Quartier Village 4, Clos Mercator 3, 4000 Liège 1, Belgique – Courriel : b.merenne[at]uliege.be

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