1Les controverses sont aujourd’hui l’objet de travaux stimulants en sciences sociales [Gingras 2014]. Elles sont le signe d’une science vivante et rendent visibles les enjeux scientifiques au sein d’un champ de la connaissance. Elles nous disent aussi que la vie savante est affaire de femmes et d’hommes, de sensibilités, de proximités ou d’inimitiés, de chapelles, de rapports de pouvoir, bref elles nous disent qu’une science ne se réduit pas à des idées, qu’au-delà – pour ce qui nous intéresse ici – d’une « pensée géographique », l’épistémologie disciplinaire intègre les relations humaines, le politique ou les positions (géographiques et institutionnelles) des acteurs. Tout autant que les arguments, ce sont les chercheurs et leurs trajectoires qui nous intéressent ici.
2En 1962, Thomas S. Kuhn publiait The structure of scientific revolutions, ouvrage traduit en français dix ans plus tard. Cet ouvrage a été abondamment commenté, utilisé et critiqué par nombre d’historiens et d’épistémologues des sciences. Je ne reviendrai pas ici sur l’intérêt ni sur les limites de ce modèle diachronique – mais non cumulatif – d’interprétation des (r)évolutions scientifiques. Je souhaite seulement mobiliser la proposition théorique que T.S. Kuhn fait de l’évolution des paradigmes au sein d’un champ scientifique, plus précisément le moment du passage d’un paradigme à un autre. Ce moment, précédé par des anomalies en période de « science normale », est qualifié par T.S. Kuhn de crise. Cette phase de transition voit apparaître des contestations et des propositions alternatives. Pour ce qui concerne la géographie, le modèle kuhnien s’avère pertinent pour éclairer la transition entre le paradigme classique (dit aussi vidalien ou encore de l’École française de géographie) et celui de la « nouvelle géographie ». En effet, c’est une période de controverses majeures en particulier autour du statut des approches théoriques en géographie, de la place de la « nature » au sein d’une discipline recentrée sur le social ou encore du rôle de la description et des analyses paysagères. Plus avant, on peut aussi penser le passage d’une géographie « pré-paradigmatique » au paradigme vidalien (vers le tournant du XXe siècle) comme un autre moment de frictions majeures au sein de la communauté des géographes. En ce sens le modèle kuhnien peut permettre d’identifier, de contextualiser, d’interpréter des controverses et de comprendre pourquoi elles se développent à un moment plutôt qu’un autre. Il y aurait sans doute une ligne de recherche à développer mais je m’en tiendrai ici à cette ébauche de réflexion pour analyser deux domaines de controverses qui s’exacerbent d’abord au moment de la structuration de la géographie vidalienne ensuite au moment de la crise des années 1970-1980. Le premier domaine concerne l’ancrage physique et/ou humain de la géographie ; le deuxième ses finalités et ses usages.
3La géographie est-elle une science physique/naturelle/de la Terre ou une science humaine/sociale/du Monde ? Remémorons-nous d’abord des mots de Rémy Knafou en 1997 : « Pour simplifier beaucoup, on dira qu’en un demi-siècle, la géographie est passée du champ des sciences de la nature à celui des sciences sociales en une migration unique dans l’histoire des sciences et dont les géographes eux-mêmes n’ont pas fini de mesurer les conséquences. » [Knafou 1997]. Simplification ? Peut-être. En effet, la géographie d’avant la Seconde Guerre mondiale n’était pas seulement une science de la nature et celle de la fin du XXe siècle n’était pas seulement une science sociale. Mais « migration unique » très probablement. Il est difficile d’imaginer une autre science ayant connu le même type de déplacement ou au moins d’interrogation sur son objet avec une alternative aussi radicale.
4Le premier temps de la controverse commence au moment où, autour du milieu du XIXe siècle, des savants s’essayent à mettre de l’ordre dans le monde des connaissances. Ce projet est formalisé autour de la distinction entre nature et culture, ce que l’anthropologue Philippe Descola notamment appelle le naturalisme [Descola 2005], qui s’organise dès le XVIIe siècle en Europe. Dans ce contexte, le classement de la géographie pose un problème car on ne sait pas trop de quel champ elle relève. Est-ce que cette écriture de la terre concerne les sciences physiques ou les sciences humaines ? Si certains, comme Auguste Comte en 1838, choisissent d’« oublier » la géographie dans leurs tentatives de classification, d’autres la placent des deux côtés de la ligne de partage des savoirs. C’est le cas d’André-Marie Ampère. En 1834, il propose une Classification des connaissances humaines avec des « tableaux synoptiques des sciences et des arts ». Il divise les sciences en deux « règnes » et distingue ainsi les sciences cosmologiques, « c’est-à-dire, relatives à tous les êtres matériels dont l’univers est composé » des sciences noologiques « les sciences relatives à l’étude de la pensée et des sociétés humaines » [Ampère 1834]. La géographie prend place à la foisdu côté des sciences cosmologiques comme science de 3ème rang (« 3ème sous-règne ») au sein de la géologie : c’est la « géographie physique », et du côté des sciences noologiques au sein de l’ethnologie : c’est la « géographie comparée ». Au-delà de la position subalterne, parfois ancillaire, de cette science, c’est la double appartenance qui fait son originalité.
5On retrouve cette même logique avec la proposition classificatoire du géographe Eugène Cortambert en 1852. Mais celui-ci, soucieux de donner plus d’importance à sa discipline de prédilection, crée une classe spéciale pour la géographie : « la géographie, mélange de descriptions physiques, politiques et morales, vient donc, suivant nous, se placer à la tête des sciences physico-morales, entre les sciences naturelles d’un côté et les sciences économiques et historiques de l’autre. Nous créons une section spéciale pour les sciences géographiques, car la description de la terre et de ses habitants (…) ne peut être comprise dans les sciences historiques ; on ne doit pas la renfermer non plus dans les sciences sociales car elle n’a pas pour but que la classification des peuples et des États ; ce n’est pas davantage une des sciences naturelles, puisqu’elle n’a point pour objet unique de décrire l’état naturel de la surface du globe, quoique ce soit un de ses plus importants travaux. » [Cortambert 1852] La géographie déborde du cadre, embrassant large au risque de mal étreindre ; elle se veut partout, plus que composite selon E. Cortambert, au-delà des bornes traditionnelles des sciences de la nature et des sciences humaines, bref une science particulière que l’on qualifiera plus tard de science de synthèse et qui sera dénoncée comme telle par les « nouveaux géographes » des années 1970 et suivantes qui voient derrière cette dénomination le flou d’une science sans objet clairement identifié.
6En 1872, dans L’étude et l’enseignement de la géographie, le savant Émile Levasseur tente une récapitulation des « domaines » de cette discipline. La géographie physique rassemble quatre thèmes d’étude (étude des climats, géologie, orographie et hydrologie) ; elle constitue le « théâtre ». La géographie politique et la géographie économique permettent « d’introduire en scène les acteurs ». La première se borne à placer ces acteurs « en présence » de la nature tandis que la géographie économique (c’est-à-dire agricole, minérale, industrielle, commerciale, administrative, démographique) permet « d’étudier les œuvres que celui-ci [l’homme] accomplit à l’aide des forces et des matériaux que celle-là [la nature] fournit. » [Levasseur 1872]
7La proposition d’É. Levasseur est une des trois orientations que peut prendre la géographie en cours d’institutionnalisation de la fin du XIXe siècle : associer, juxtaposer ou combiner, géographie physique et géographie humaine. Il en est deux autres : privilégier voire choisir de manière exclusive un des deux champs. C’est autour de ces possibles [Robic 1992], que prend forme une controverse – plus précisément des divergences – mises en parallèle par l’épistémologie contemporaine.
8Le géologue Albert de Lapparent veut subordonner la géographie humaine à l’influence de la nature. Il critique les orientations littéraires et historiennes de la géographie et tente, en 1905 et sans succès, de réorganiser la géographie scolaire de manière plus « scientifique ». À l’inverse, Marcel Dubois définit la géographie comme « la connaissance de l’homme dans son rapport avec le sol » [Dubois 1898] ; pour lui, parler de géographie humaine est un pléonasme : à ses yeux, toute la géographie est tournée vers la connaissance de l’homme. Le géographe et anarchiste Élisée Reclus pense l’harmonie et la solidarité de la nature et de l’homme (ce qui serait une sorte de tournant, ou de possibilité, environnementale). La géographie pour lui doit être globale. Il y a du commun avec la dernière proposition, celle de Paul Vidal de la Blache qui articule la nature et les activités humaines à travers des relations plurielles autour de la notion de genre de vie.
9La place de ces acteurs dans l’institution, leur parcours, leur positionnement politique expliquent la réussite de l’un et l’échec des autres. Cela conduit à la structuration d’une école française de géographie autour des propositions de P. Vidal de la Blache. Les origines scientifiques d’A. de Lapparent, les choix politiques de M. Dubois, la marginalité d’É. Reclus affaiblissent leurs propositions. A l’inverse, P. Vidal de la Blache construit solidement la sienne, une « épistémologie du mixte » [Robic 1992]. Il le fait par l’intermédiaire sur son contrôle des lieux stratégiques (l’École Normale Supérieure puis la Sorbonne), de ses positions politiques modérées, des chantiers qu’il met en œuvre qui, associés au relais transmis à ses élèves, lui assurent une influence durable.
10Pour autant, après sa mort en 1918 et sans controverses majeures cette fois, la géographie française va lentement dériver vers son pôle physique et plus particulièrement vers la géomorphologie sous l’influence d’Emmanuel de Martonne en particulier. On peut y voir une forme de trahison idéologique : le paradigme composite élaboré par P. Vidal de la Blache est dénaturé. On en a deux illustrations symboliques avec l’organisation de l’Institut de géographie à partir de 1926 où l’on trouve une bibliothèque de géographie physique et une de géographie humaine ou encore avec la structure de la Géographie Universelle, publiée entre 1927 et 1948, avec des textes qui séparent nettement les deux champs, voire, comme ce fut le cas pour le tome sur la France, des volumes différents, des auteurs différents et des dates de publication différentes.
11Dès avant le milieu du siècle, certains géographes comme Max Sorre, André Cholley ou Pierre George critiquent cette évolution et anticipent les ruptures ultérieures en privilégiant des approches systémiques (M. Sorre et A. Cholley) ou en excluant du champ disciplinaire les approches biophysiques qui ne seraient pas construites d’un point de vue humain (P. George). Dans les années 1970, la controverse se développe. Le géographe tropicaliste Gilles Sautter note qu’ « Entre une géographie physique qui s’éloigne en se dissociant, et une géographie humaine qui adhère de plus en plus à la problématique des sciences sociales, un hiatus est apparu. » [Sautter 1975] Dans le même texte, il voit la géographie « comme un hall de gare où tout le monde se croise », signifiant ainsi l’image brouillée de la discipline. Il prend acte du fossé qui s’est peu à peu induré au sein de la géographie entre sa dimension physique et sa dimension humaine. C’est le début d’une période riche en controverses, avec un rôle majeur joué par George Bertrand. Comme son collègue G. Sautter, il critique cette division. Surtout, il va proposer de réinventer la géographie physique (sa formation initiale) au sein d’une science sociale. Dans le deuxième numéro de L’Espace Géographique en 1972, il livre ce qu’il appelle une étude intégrée des milieux géographiques. Il tente de tenir les deux bouts : celui d’une géographie clairement définie comme une science sociale, celui d’une science sociale qui ne peut ignorer la dimension biophysique des espaces. En 1982, il écrira que « la géographie physique doit se mettre en position de répondre à la demande sociale et non pas d’imposer sa propre démarche » [Bertrand 1982] mais aussi qu’on ne peut pas faire de géographie en excluant les questions physiques.
12Aujourd’hui, les débats se sont apaisés et la géographie française est majoritairement organisée comme une science sociale. La géographie scolaire a pris ce tournant depuis le début des années 2000 au moment même où l’agrégation, jamais réformée en profondeur depuis sa création, voyait disparaître la dissertation de géographie physique. En 2018, sur les 55 thèses de géographie soutenues en France, 18 avaient une dimension environnementale et 5 relevaient de ce que l’on pourrait appeler une géographie physique « pure ». Ces données disent à la fois la recomposition disciplinaire, appelée de ses vœux par G. Bertrand, avec le développement d’une géographie environnementale au sein d’une science sociale (ce que l’on peut analyser aussi à travers les orientations des enseignements primaire, secondaire et les concours de l’enseignement) et la persistance, certes marginale, d’une géographie physique coupée du social.
13Examinons maintenant une deuxième controverse. Celle-ci n’est pas spécifique à la géographie. Elle court sur le temps long et interroge le rôle, la fonction, l’utilité des sciences… Bref, pour ce qui nous concerne, à quoi sert la géographie ? Cette question, qui renvoie à la place du géographe dans la cité et à son engagement, se traduit aussi par des choix d’objets ou de pratiques.
14La controverse devient active avec ce qu’Olivier Soubeyran a appelé « la bataille des Annales » [Soubeyran 1989]. Cette « bataille » concerne principalement deux géographes : d’un côté Lucien Gallois, fidèle lieutenant de P. Vidal de la Blache, de l’autre M. Dubois. Le premier plaide pour une science « désintéressée » [Robic 1992], une science de la description qui tient l’engagement à distance. Le second, à partir de ses enseignements de géographie coloniale – il est titulaire de la première chaire de géographie coloniale à la Sorbonne en 1893 – et ses engagements colonialistes, plaide pour une géographie tournée vers le monde et qui participe de ses transformations. C’est une science de l’action que propose M. Dubois ; elle participe d’un projet de connaissance des territoires colonisés ou à coloniser dans la perspective de leur aménagement. Dans une conférence donnée à la Sorbonne en 1896, il se propose de montrer « l’étroite solidarité de la science géographique et de l’intérêt colonial [car] la science géographique ne subit point de déchéance en prodiguant aux hommes des leçons utiles ». Il ajoute plus loin que « la géographie sera appliquée ou ne sera pas » [Dubois 1897]. C’est peut-être, 60 ans avant l’ouvrage de Michel Phlipponneau, la première utilisation de l’épithète « appliqué » pour désigner un domaine de la géographie. Cette controverse entraine la fin de la collaboration de M. Dubois avec les Annales de géographie. C’est L. Gallois qui le remplace comme co-directeur aux côtés de P. Vidal de la Blache en 1895. Doit-on pour autant en déduire que le courant incarné alors par M. Dubois s’efface ? L’examen des articles publiés dans la revue après cette date montre clairement que non. La géographie coloniale ne disparaît pas avec la mise à l’écart (ou le départ volontaire ; on ne sait pas trop) de M. Dubois et la géographie appliquée, comme l’engagement des géographes dans la cité, non plus. La simple comptabilité des écrits relatifs aux colonies dans les Annales de Géographie pourrait suffire à installer un sérieux doute [Deprest 2009]. Quasiment jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, les Annales – le lieu du « rejet » duboisien – publient de nombreux articles relatifs aux colonies. Et la vision de L. Gallois n’est pas celle qui domine ; la plupart des articles privilégient une approche mixte, associant des approches descriptives des genres de vie à des réflexions plus engagées sur les possibilités d’aménagement des espaces [Clerc 2006].
15Les questions coloniales transforment la géographie, imposent un « décentrement épistémologique » [Soubeyran 1989] en proposant aux géographes non seulement de nouveaux terrains de recherche mais des terrains d’une autre nature, des espaces de potentialités. Hors les colonies, il est bien d’autres domaines pour lesquels les géographes livrent des expertises et prennent des positions. On peut notamment rappeler les propositions de P. Vidal de la Blache relatives à la régionalisation de la France en 1910 [Ozouf & Robic 1995] ou la participation de géographes français (L. Gallois, E. de Martonne et P. Vidal de la Blache) au comité d’étude chargé de préparer les règlements territoriaux en Europe à la fin de la Première Guerre mondiale.
16Ce débat, sans s’être vraiment éteint, rebondit soixante ans plus tard avec la publication de l’ouvrage de M. Phlipponneau Géographie et action, introduction à la géographie appliquée (1960) et la « réponse » donnée quatre ans plus tard par Pierre George, Raymond Guglielmo, Bernard Kayser et Yves Lacoste sous le titre La géographie active. M. Phlipponneau prône le développement de recherches géographiques orientées par des projets précis d’application dans le cadre de contrats avec des organismes privés ou publics. Cette vision correspond à la fois aux pratiques de géographe de M. Phlipponneau et à ses engagements publics : il a participé en 1960 au « plan d’aménagement et de développement de la Bretagne » et rejoindra ensuite le Parti Socialiste et l’équipe du maire de Rennes, Edmond Hervé, dont il sera un temps premier adjoint. En réalité, la controverse débute cinq avant la publication de Géographie et action lorsque M. Phlipponneau soutient sa thèse sur la vie rurale dans le bassin parisien. P. George est membre du jury et il a la dent dure. Il désapprouve les orientations de recherche choisies par M. Phlipponneau et donne son point de vue en quelques phrases sèches qui figurent dans le rapport de thèse : « on n’a pas à faire d’application, c’est du travail de journaliste », « le géographe n’a pas à prévoir l’avenir » [cité par Gaudin 2015]. On comprend mieux alors le livre qu’il publie avec ses jeunes collègues en 1964. C’est une réponse assez explicite au texte programmatique de M. Phlipponneau. Pour P. George et ses collègues, le risque de la géographie appliquée c’est la dépendance envers les donneurs d’ordres : « il ne faut pas confondre exposé des besoins et des possibilité et décision (…) toute décision qui n’est pas exactement conforme à une des options scientifiquement définies dégage la responsabilité du savant. C’est pourquoi il est si important de séparer la mission d’une géographie active qui est travail scientifique, d’une géographie appliquée, ou plus exactement d’une application des données fournies par la géographie, qui est affaire d’administrateurs sensibles par essence et par obligation à d’autres considérations et à d’autres pressions que celles qui découlent de l’activité scientifique. » [George & al. 1964] Beaucoup plus tard, le géographe rennais se défendra d’avoir subi de possibles pressions en précisant qu’il « avait toujours conservé sa liberté de pensée et d’expression » [Phlipponneau 1996]. Derrière ce désaccord sur une orientation possible de la géographie, il y a des positions politiques. À l’engagement, certes plus tardif, de M. Phlipponneau au Parti Socialiste répond l’idéologie communiste du trio emmené par P. George qui voit la géographie appliquée comme une forme de soumission au capitalisme.
17Mais, si on élargit le cadre temporel, on peut mesurer assez clairement les évolutions de la géographie quant à son rôle. La longue durée de cette controverse révèle un déplacement. La question au début des années 1960 n’est plus de savoir si la géographie doit se retirer sur son Aventin mais de déterminer de quelle manière les géographes doivent s’impliquer dans le monde. Géographie active ? Géographie appliquée ? La différence n’est pas si grande. Avec la géographie active, P. George et ses collègues ne reviennent pas à la distance prudente de L. Gallois. Au contraire, et comme M. Phlipponneau mais différemment, tous sont engagés dans les affaires de la cité.
18Au-delà de ce bref aperçu, les controverses ayant traversé la géographie française depuis un peu plus d’un siècle permettent d’identifier les grands enjeux de cette science : son positionnement entre sciences de la nature et sciences de la société, ses finalités et les questions relatives à l’engagement, son rapport à la théorie et ses démarches, la place du visible… Aborder ainsi l’épistémologie disciplinaire permet aussi de donner toute leur place aux géographes, à leur vie privée et publique, à leurs positions idéologiques, à leurs caractères mêmes, au-delà des idées scientifiques et de rappeler que la géographie, comme les autres sciences, est un espace social.