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AccueilNuméros97-1/267 ans avec l’AGF

Texte intégral

1Hasard ou nécessité, c’est le Bulletin de l’AGF qui a publié mon premier article d’intention scientifique : « Problèmes d’érosion fluviale dans le Terrefort toulousain et lauragais » (n° 229-230). C’était en 1952 et il résumait quelques observations et réflexions de mon mémoire de ce que l’on ne nommait pas encore la maîtrise. François Taillefer avait souhaité que j’en tire ces quelques pages et s’était chargé des contacts avec l’AGF. À l’époque, le Bulletin était minimaliste, méritant tout à fait son nom de « bulletin » : petit format, couverture du même papier que le texte, lequel était imprimé en caractères petits aussi. Par la forme et le contenu, cela ressemblait un peu aux Comptes rendus de l’Académie des Sciences ; et j’avais l’honneur de m’y trouver en compagnie de Pierre Birot et Bernard Bomer.

2Le bulletin, alors, apparaissait comme le seul en géographie à favoriser la publication de textes courts, en forme de positions de recherche : une observation nouvelle, une hypothèse, une proposition. Le sens de ma contribution était de souligner la diversité des formes produites par l’érosion en milieu d’apparence homogène, selon la dimension des vallées et leur parcours ; s’y trouvait une esquisse sur la variation de leur dissymétrie d’amont en aval, plus tard approfondie dans Les Phénomènes de discontinuité. J’avais été sensible à cette chance offerte à un débutant de s’exprimer en si bonne compagnie.

3Le deuxième article est venu cinq ans après et résultait des premiers travaux de thèse. Il avait pour titre « Les recherches sur la propriété rurale des citadins et l’exemple de Toulouse » (n° 269-270, 1957). Plusieurs articles sur ce thème venaient de paraître, y compris à l’AGF par Raymond Dugrand, et j’avais souhaité à la fois donner mes premiers résultats, tirés du cadastre et des hypothèques, montrant que 50 000 ha sur les 300 000 étudiés en Haute-Garonne appartenaient à des Toulousains, et faire état des problèmes sociaux et méthodologiques que posaient cette sorte d’investigation. Avec un appel à la recherche coopérative.

4Le troisième est de 1968 et a pour titre « La notion de quartier rural » (n° 362-363). Il venait des observations de terrain durant la thèse, enrichies par celles d’une série de mémoires de maîtrise que j’avais eu le privilège et la charge de diriger sur le sujet. Il ne s’agissait pas de s’occuper de quartiers parcellaires, mais de systèmes locaux, analysés à la manière dont on pouvait distinguer et étudier des quartiers dans une ville, d’où précisément le terme de quartiers ruraux : « des ensembles homogènes d’assez petite dimension [de l’ordre de quelques communes] à l’intérieur desquels les aspects physiques, les systèmes de cultures, le paysage agraire et les problèmes socio-démographiques sont de même nature — ou, en tous cas, entretiennent le même type de rapport » (extrait de l’introduction). L’article analysait notamment le rôle de la position géographique dans ces différenciations, et donnait un exemple de carte structurale.

5Le quatrième texte est paru dans le numéro 465 de décembre 1979 sous le titre « Systèmes et approche systémique en géographie ». Il se proposait de faire le point sur des approches et des concepts qui avaient largement pu progresser dans la géographie française depuis quelques années, mais qui n’avaient pas été partout bien compris. Le Bulletin de l’AGF avait organisé un colloque sur le sujet, présidé par Jean Dresch, introduit et illustré par François Durand-Dastès, et auquel Jean Tricart, entre autres, avait donné un solide article sur « Paysage, écologie et approche systémique ». Tous les articles thématiques y étaient de géographie physique. J’avais essayé d’élargir le sujet aux études régionales et à la « résonance des champs », en prenant l’Ardenne comme exemple.

6C’est longtemps après, à l’occasion d’un autre colloque de l’AGF, « Les transformations de la géographie au cours des années 1970 (1968-1981) », organisé par Christian Grataloup en 2014 (BAGF n° 92-1, 2015) que ma signature est réapparue sous la forme d’un entretien public avec Christian Grataloup et Olivier Orain : un témoignage d’acteur, auquel la nature des questions donnait un tour forcément très personnel mais sur des questions que l’on pouvait considérer comme d’intérêt général, à propos de la perception et de l’évaluation de ces changements.

7Cela ne fait que deux tiers de siècle sur le siècle de l’AGF, mais c’est déjà fort long. Le Bulletin a changé durant ce temps. Il a pris une couverture illustrée, plus d’épaisseur ; peut-être au risque de devenir une revue comme tant d’autres : on l’a vu s’ouvrir à l’enseignement, voire à la préparation des concours. Qu’il ait changé est la preuve qu’il est bien vivant. J’y ai lu et appris bien des choses, apprécié des discussions, observé que les (rares) polémiques perdaient tout intérêt dans la durée. Durant ce temps, l’Association (dont j’ai longtemps été membre) a cependant conservé l’originalité et la modestie de son titre ; elle ne prétend pas fédérer les géographes français, mais des géographes français : le de du titre a son poids.

8Le foisonnement de géographes depuis les années 1950 s’est accompagné d’un foisonnement de publications et de revues et les moyens d’expression ont changé : on peut aller dans Open Edition, s’auto-éditer et même se pavaner sur les « réseaux sociaux ». Expériences faites, j’ai apprécié d’avoir pu être publié dans le Bulletin de l’AGF, surtout en mes jeunes années et pour des « positions de recherche ». Il me semble que c’est là une fonction que le Bulletin pourrait, devrait cultiver avec soin, assortie d’une sorte de label de garantie, comme pour les « bons produits », et si possible de débats.

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Pour citer cet article

Référence papier

Roger Brunet, « 67 ans avec l’AGF »Bulletin de l’association de géographes français, 97-1/2 | 2020, 14-16.

Référence électronique

Roger Brunet, « 67 ans avec l’AGF »Bulletin de l’association de géographes français [En ligne], 97-1/2 | 2020, mis en ligne le 15 juin 2021, consulté le 11 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/bagf/6216 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/bagf.6216

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Auteur

Roger Brunet

Professeur de géographie émérite – Courriel : roger.brunet[at]wanadoo.fr

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Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés), sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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