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Le potentiel logistique de la Sibérie orientale dans le contexte des corridors des nouvelles routes de la soie

the logistical potential of eastern Siberia through the New Silk Road corridor
Alexandre Silantev, Svetlana Karkhova et Marina Maletskaya
p. 437-452

Résumés

Le projet des « nouvelles routes de la soie » change la structure et la direction des flux mondiaux en modifiant ainsi l’importance géopolitique et géoéconomique de certains territoires et de certains pays. La Sibérie orientale se situe sur le tracé du corridor Nord Eurasien des « nouvelles routes de la soie ». Cela pose un ensemble de défis au système de transport et de logistique de la Sibérie orientale qui nécessite une compréhension scientifique. Cet article présente les résultats de l’étude du potentiel logistique de la Sibérie orientale fondé sur l’estimation des opportunités réelles et potentielles de l’organisation du transport et du transit international de conteneurs. Il présente également les résultats de l’analyse des particularités du système de transport et de logistique de la Sibérie orientale. L’article évalue les obstacles et les menaces qui peuvent entraver la réalisation de ce potentiel logistique. Sur la base des résultats de notre recherche, un ensemble de recommandations a été formulé pour les autorités russes et les entreprises opérant sur le territoire de la Sibérie orientale, mais aussi pour les investisseurs potentiels.

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Texte intégral

Introduction

1La réalisation du projet des « nouvelles routes de la soie » influence considérablement les flux de marchandises [Kolodin & Shemyakina 2016] et les migrations de population, ce qui nécessite de nouvelles adaptations des systèmes de transport et de logistique (ci-après STL) confrontés à un nouvel environnement. Le développement du Corridor Nord Eurasien via la Sibérie se caractérise principalement par les facteurs suivants : l’augmentation du volume des flux de transit de marchandises en provenance de Chine et à destination de l’Europe et de la Fédération de Russie ; le développement des technologies de l’information [Antipina 2018] et l’évolution économique et géopolitique des territoires de la Sibérie orientale et de l’Extrême-Orient.

2L’évolution des systèmes de transport et de logistique nécessite une étude scientifique dont les principaux objectifs sont :

  • Inventorier les études antérieures portant sur la problématique du développement des corridors de transport à travers la Fédération de Russie.

  • Analyser l’impact des facteurs externes sur le développement des corridors de transport passant par la Sibérie orientale.

  • Analyser l’état des STL en Sibérie orientale en vue de déterminer les perspectives de développement des corridors de transport.

  • Formuler des recommandations concernant la réalisation du potentiel des STL dans le cadre des « nouvelles routes de la soie ».

  • 1 VSZD : Chemins de fer de Sibérie orientale, filiale de la société des Chemins de fer russes (RZD).

3La méthodologie générale de l’étude se base sur les méthodes scientifiques générales (l’approche systémique, l’analyse et la synthèse) ainsi que sur les méthodes de l’analyse statistique et de la prévision. Le potentiel logistique de la région est une notion pluridimensionnelle qui englobe le potentiel des infrastructures économiques, le potentiel de transit, le potentiel industriel, lesquels assurent le fonctionnement des systèmes de transport. Dans le cadre de cette étude, le potentiel logistique de la Sibérie orientale est défini comme le potentiel de transit du corridor de transport qui passe dans la région, soit le territoire sous la responsabilité de la société Vostochno Sibirskaya Zheleznaya Dorogia1 (VSZD) qui couvre l’Oblast d’Irkoutsk, la République de Bouriatie et une partie de la région de Transbaïkalie (une partie de l’Oblast de Tchita) (voir Fig. 1). La base statistique de l’étude provient des données du Service Fédéral de la Statistique Publique de la Fédération de Russie, de l’Autorité Territoriale du Service Fédéral de la Statistique Publique de l’Oblast d’Irkoutsk, les données de la société anonyme des « Chemins de Fer Russes (RZD : Rossijskie Zheleznye Dorogi) ainsi que les expertises du Centre d’Etudes Intégrées de la Banque Eurasienne du Développement.

1. Le contexte du développement des corridors terrestres et maritimes

4La situation géographique de la Russie est favorable à l’établissement de corridors de transport internationaux entre l’Europe et l’Asie. En effet, la Russie possède une infrastructure développée de chemins de fer qui assurent la plus grande partie du trafic de marchandises dans la Fédération de Russie, notamment grâce au Transsibérien. Le réseau ferroviaire est présent dans 80 des 85 régions de la Fédération de Russie (les 85 « sujets » de la Fédération). Dans certaines régions comme dans l’Extrême Nord et l’Extrême Orient (Oblast de Magadan, le District Autonome de Tchoukotka, le Kamchatka), il n’y a toujours pas de réseau ferroviaire, ce qui représente un frein économique et une menace stratégique pour la sécurité [EMISS 2018]. Dans la partie européenne de la Russie, le réseau ferroviaire est assez dense et a pour caractéristique de converger vers la capitale, Moscou. En revanche, dans la partie asiatique de la Russie, le réseau ferroviaire a une grande étendue mais une faible densité. La ligne la plus longue est celle du Transsibérien (9288,2 km) qui apparaît comme un prolongement naturel du corridor de transport international développé à l’échelle eurasiatique. Du point de vue de sa configuration territoriale, 19,1 % de sa longueur se situe en Europe et 80,9 % en Asie.

  • 2 L’équivalent vingt pieds est l’unité de mesure du conteneur standard, soit 8,5 pieds de haut (2,591 (...)

5Cependant, le marché du transport international par conteneurs est très largement dominé par la voie maritime où règne une très forte concurrence liée au grand nombre d’opérateurs. En 2017, le leader mondial du marché du transport maritime par conteneurs est la compagnie « APM-MAERSK » qui a géré 2,6 millions d’EVP2 et occupait 16 % du marché mondial. La deuxième place revient à la compagnie « MediterraneanSHgCo » qui a traité 2,12 millions d’EVP ce qui correspond à 13,1 % du marché. La troisième place est occupée par « CMA-CGM Group » avec un trafic de 1,35 million d’EVP et 8,1 % du marché. En quatrième place, « COSCOContainerL » a enregistré un volume de 0,72 million d’EVP et, en cinquième place, « EvergreenLine » avec un volume légèrement inférieur au précédent.

6Le volume du trafic maritime mondial par conteneurs ne cesse d’augmenter. La plus grande augmentation concerne les flux en provenance d’Asie et à destination des ports du continent européen et de l’Amérique du Nord. En Russie, selon les données de l’Association des ports maritimes marchands de la Fédération de Russie, dans les deux premiers mois de 2018, le trafic de conteneurs des ports russes a augmenté de 14,9 % par rapport à la même période de l’année précédente. Mais aujourd’hui, l’importance du trafic mondial est influencée de façon significative par des facteurs non-économiques : les sanctions économiques, les tendances accrues au protectionnisme et les tensions politiques. Ces événements sont difficiles à prévoir. Les décisions politiques sur l’introduction de barrières tarifaires ou le durcissement des réglementations écologiques et sanitaires peuvent diminuer de façon importante le volume du trafic de marchandises sur telle ou telle destination. Aujourd’hui, nous voyons comment ces risques se manifestent. Les tendances protectionnistes des États-Unis risquent d’engendrer de véritables guerres commerciales, notamment avec la Chine, et peuvent réduire significativement le marché du transport maritime par conteneurs. Dans le contexte d’une croissance des capacités de transport par conteneurs de la flotte mondiale, ces guerres peuvent se traduire par une baisse des tarifs [Desheney 2018]. En dépit de ce contexte, les études prospectives du commerce mondial conteneurisé prédisent une croissance probable pour les raisons suivantes :

  • les infrastructures internationales de transport par conteneurs sont de plus en plus performantes : de nouveaux équipements permettent d’accélérer le transit et la livraison des conteneurs entre l’expéditeur et le destinataire. Plus la filière se perfectionne, plus le potentiel de clients augmente ;

  • la tendance est à l’élargissement des types de marchandises transportées par conteneurs.

  • l’augmentation du nombre d’opérateurs dans le domaine du transport international par conteneur entraîne une baisse des tarifs ce qui a pour effet d’augmenter le nombre potentiel de clients.

7La difficulté de prévoir les effets négatifs des tensions commerciales entre certains pays et la volatilité des coûts de transport poussent les entreprises logistiques à trouver des corridors alternatifs, y compris terrestres. Dans ce contexte, le Corridor Nord Eurasien présente certains atouts.

8Premièrement, le temps de transport ferroviaire entre l’Asie et l’Europe est divisé par plus de deux par rapport au transport maritime. Ainsi, si le trajet maritime prend 28 jours entre la Chine et la Finlande, le temps nécessaire pour effectuer le trajet par chemin de fer n’est pas supérieur à 10 jours et, dans le futur, il pourra être réduit à sept jours. En effet, la société des Chemins de fer russes RZD cherche à diminuer le temps du transit international tout en augmentant sa capacité grâce au développe du programme « Transsibérien en sept jours » qui est déjà aujourd’hui en phase de réalisation pratique.

9Outre le gain de temps proposé par le corridor terrestre, le potentiel du Transsibérien doit être considéré sous l’angle géopolitique. Le niveau de risques politiques dans la Fédération de Russie est minimal et sa politique économique interne est prévisible, ce qui est confirmé par l’augmentation de la note d’investissement attribuée à la Russie par certaines agences de notation (Fitch et Moody’s) et par l’augmentation de l’indice de l’environnement des affaires. Ainsi, l’utilisation du territoire russe et des capacités du Transsibérien comme corridor de transport international contribuent à la stabilité et à la qualité du fonctionnement du système des transports et logistique eurasiatique tout en valorisant l’importance géopolitique et économique de la Russie. Cependant, le transport maritime de conteneurs a un avantage naturel indéniable qui provient de sa capacité à assurer des flux de transports de masse et d’engendrer des économies d’échelle. C’est pourquoi le transport ferroviaire de transit ne pourra pas remplacer le trafic maritime actuel, il reste une solution de « niche ».

10Dans le cadre du projet des « nouvelles routes de la soie », plusieurs itinéraires de transit eurasiatiques sont proposés, chacun ayant ses avantages et ses inconvénients. La Russie ne fait pas partie de certains de ces itinéraires comme c’est le cas du projet de Corridor Sud, Chine Occidentale – Kazakhstan – Turkménistan – Azerbaïdjan – Turquie – EU (Union Européenne) [FTS 2018]. Cependant la Russie reste pour le moment incontournable dans les échanges terrestres eurasiatiques grâce à plusieurs itinéraires.

11Le premier itinéraire « Chine – Russie – pays de l’UE » porte le nom de « Corridor Nord Eurasien » selon la terminologie russe. Il s’agit du Transsibérien qui, dans le cas du transport multimodal ouvre sur l’Asie orientale par le port de Vladivostok. Dans sa variante continentale, le Transsibérien est connecté au réseau chinois (Transmandchourien) par Zabaïkalsk et au réseau mongol (Transmongol) via Naouchki (voir Fig. 1). Ce corridor nord connecte les pays de l’UE après être passé par les grandes villes de la Fédération de Russie comme Oulan-Oude, Irkoutsk, Krasnoïarsk, Ekaterinbourg, Moscou.

12Le deuxième itinéraire » Chine – Kazakhstan – Russie – EU » est appelé le « Corridor Eurasien Central ». Il part de Shanghai et travers la Chine centrale et occidentale par Xi’an et Ürümqi, et entre au Kazakhstan par le poste frontière de Dostyk. Il traverse le Kazakhstan pour ensuite se connecter au Transsibérien, le territoire de la Russie faisant le lien avec les pays de l’UE. Ce corridor ne concerne donc pas la Sibérie orientale.

Figure 1 – Le corridor en Sibérie orientale

Figure 1 – Le corridor en Sibérie orientale

13Au cours de la période allant de 2010 à 2017, on observe une rapide augmentation du trafic de marchandises par conteneurs sur ces deux corridors eurasiens, en particulier sur le corridor Eurasien Central : selon les données de RZD, le trafic est passé de 5 600 EVP en 2010, à 100 000 EVP en 2016. Ces échanges se sont concentrés sur le poste frontière de Dostyk qui compte pour 67 % des flux de transit de la Chine vers l’UE. La part du trafic sur le Corridor Nord Eurasien, via Zabaïkalsk, a baissé de 20 % alors que la part du trafic sur le Transmongol, via Naouchki, a augmenté de 8 % en 2016.

14La forte croissance du transit via le Corridor Eurasien Central s’explique par les subventions accordées par la Chine à cet itinéraire. Selon les estimations des experts du Centre d’Études Intégrées de la Banque Eurasiatique de Développement, le montant des subventions attribué à ce corridor est de l’ordre de 88 millions de dollars [Vinokourov & al 2018]. Ces subventions montrent la volonté de la Chine de diversifier les itinéraires d’exportations de ses marchandises et de créer des conditions favorables au développement des entreprises délocalisées de la Chine orientale vers la Chine centrale et occidentale. La création de ce corridor central participe au développement économique de ces territoires périphériques chinois.

15Toutefois, le Corridor Eurasien Nord est aussi attractif, spécialement dans la perspective du long terme.

2. L’analyse du potentiel de transit ferroviaire de la Sibérie orientale

16Avant d’analyser le potentiel de transit ferroviaire de la Sibérie orientale, il convient de monter l’importance du mode ferroviaire à l’échelle du pays. En Russie, le transport ferroviaire est en croissance depuis la crise de 2008. Selon les données du Service Fédéral de la Statistique Publique [EMISS 2018], le volume de marchandises en « tonne-kilomètre » transporté par le mode ferroviaire a augmenté de 25 % sur la période de 2009 à 2017. En 2017, le transport ferroviaire a assuré plus de 45 % du volume total du trafic de marchandises de la Fédération de Russie contre 48 % pour le transport par pipeline (cf. Fig. 2 et 3).

Figure 2 – Structure du trafic de marchandises en Russie (en milliards de tonnes-kilomètres), 2007-2017

Figure 2 – Structure du trafic de marchandises en Russie (en milliards de tonnes-kilomètres), 2007-2017

Source : Système Commun d’Information et de Statistiques Interinstitutionnel [SCISI 2018]

Figure 3 – Structure du trafic de marchandises en Russie ( %), 2007-2017

Figure 3 – Structure du trafic de marchandises en Russie ( %), 2007-2017

Source : Système Commun d’Information et de Statistiques Interinstitutionnel [SCISI 2018]

17Pour le tonnage des marchandises transportées sur le territoire russe, le transport routier arrive en tête, suivi par le transport ferroviaire et le transport par pipeline, soit respectivement 68 %, 17 % et 14 % du total des marchandises transportées (voir fig. 4 et 5).

Figure 4 – Structure du trafic des marchandises en Russie ( %), 2007-2017

Figure 4 – Structure du trafic des marchandises en Russie ( %), 2007-2017

Source : Système Commun d’Information et de Statistiques Interinstitutionnel [SCISI 2018]

Figure 5 – Structure du trafic des marchandises en Russie ( %), 2007-2017

Figure 5 – Structure du trafic des marchandises en Russie ( %), 2007-2017

Source : Système Commun d’Information et de Statistiques Interinstitutionnel [SCISI 2018]

18À partir de ces indicateurs en volume, on peut tirer les conclusions suivantes :

  • il existe une tendance durable à l’augmentation du volume du trafic de marchandises comme conséquence de la croissance économique du pays ;

  • la structure du trafic selon les types de transports est restée assez stable au cours de ces dix dernières années ;

  • le mode ferroviaire joue un rôle primordial pour le transport de marchandises de longue distance.

19Ces constatations à l’échelle du pays sont elles observables à l’échelle de la Sibérie orientale ? La société Vostochno Sibirskaya Zheleznaya Doroga (VSZD), filiale de la société des Chemins de fer russes RZD, a sous sa responsabilité la gestion du réseau ferroviaire de la Sibérie orientale, zone correspondant à l’Oblast d’Irkoutsk, à la République de Bouriatie et d’une partie de la région de Transbaïkalie (une partie de l’oblast de Tchita). Elle gère 8737 km de lignes, dont 6237 km concernent les voies principales et 2°500 km correspondent à des voies parallèles de service (voie de stationnement, de garage…). Dans l’Oblast d’Irkoutsk, la longueur des voies opérationnelles principales est de 3876 km dont 3089 km sont électrifiés contre 760 km destinés à la traction diesel [TOFSGS 2018]. La densité du réseau de l’Oblast d’Irkoutsk est de 3,2 km pour mille km2, contre 5,8 km pour l’ensemble de la Russie et une moyenne mondiale de 8,5 km pour mille km2.

20Que montre l’analyse de la dynamique des indicateurs de volume dans cette région ? En 2017, la société VSZD a enregistré une hausse de 2,2 % du volume du chargement en Sibérie orientale par rapport à l’année 2016. Le volume total a atteint 64,8 millions de tonnes avec une hausse importante pour le fret à plus haute valeur ajoutée : 33,8 % d’augmentation pour les produits chimiques, 11,7 % pour les métaux non-ferreux et 8,4 % pour les marchandises en conteneurs. Ce volume régional représente 54 % du volume total de transit du Transsibérien de la Sibérie orientale estimée à 120 millions de tonnes par an. Dans ce volume total, la part du transit international sur le Corridor Nord Eurasien est inférieure à 1 %. Il existe cependant un gros potentiel de croissance pour les volumes de transit transcontinentaux par conteneurs car la part de la Chine dans le commerce extérieur de la Russie a été de 15 % en 2017, ce pays étant la première destination des exportations russes [FTS 2018].

3. Les barrières et les menaces pour le développement : estimations

21La réalisation du potentiel logistique des systèmes de transport de la Sibérie orientale est contrainte par un certain nombre de barrières logistiques, douanières, administratives, législatives et géopolitiques. Parmi les barrières logistiques, on compte les conditions climatiques et naturelles difficiles [Sukhodolov 2015], les insuffisances des plate-formes logistiques spécialisées dans la prise en charge des conteneurs, l’existence de goulots d’étranglement sur la Magistrale Baïkal-Amour (BAM) et le Transsibérien. La longueur totale des goulots d’étranglement sur la BAM et le Transsibérien dépasse les 3000 km [TOFSGS 2018]. Par ailleurs, des problèmes d’infrastructure existent aussi sur les chemins de fer en Chine, en Mongolie et dans les pays d’Europe.

22Le franchissement des frontières constitue un obstacle au transit en raison du temps nécessaire pour le contrôle et l’établissement des documents d’accompagnement des biens transportés. Un travail actif d’amélioration des procédures douanières (l’unification des standards documentaires) est mené dans le cadre de l’Union Économique Eurasiatique (UEEA) et de l’Union Douanière. C’est pourquoi les experts du Centre d’Etudes Intégrées de la Banque Eurasienne de Développement [Vinokourov & al. 2018] considèrent ce contrôle douanier comme un obstacle peu important comparativement aux barrières administratives et législatives. La complexité de la réglementation et de la législation russe, et des standards techniques sont de vrais freins au développement des corridors transcontinentaux.

23Les obstacles géopolitiques ne sont également pas à négliger avec les risques de sanctions économiques, de guerres commerciales, de volatilité des marchés financiers et d’instabilité politique. Aussi, un certain niveau d’incertitude pèse sur certains pays et sur les marchés mondiaux, ce qui, par conséquent, augmente les risques pour l’activité économique. Dans ce contexte, la planification stratégique et les prévisions sont difficiles à établir [Shalak 2017].

24Les nouvelles routes de la soie peuvent être considérées comme un processus « doux » d’expansion économique et politique des pays émergents. Les projets de corridors répondent aux tendances actuelles de la mondialisation et de l’émergence d’un monde multipolaire. L’un des principaux objectifs politiques de la Chine est de renforcer ses positions pour être un des centres du monde. La participation de la Russie dans ce projet impulsé par la Chine crée des conditions favorables au développement des infrastructures de transport. Cependant la Chine ne peut pas garantir des volumes de transit via le Corridor Nord Eurasien si bien que les dépenses d’investissement engagées par la Fédération de Russie dans les infrastructures du corridor sont aléatoires et ne peuvent pas atteindre un seuil de rentabilité à court terme. Le développement du Corridor Eurasien Central, largement subventionné par la Chine, constitue une menace pour la Sibérie orientale. Globalement, il existe un ensemble de menaces géopolitiques lié à la diminution de l’influence politique russe dans les pays d’Asie Centrale, y compris dans les ex-républiques soviétiques, ainsi que dans certains pays appartenant à l’Union économique eurasiatique (UEEA) comme le Kazakhstan et la Biélorussie.

25Une autre menace est liée à la pression accrue de la Chine sur l’économie russe, en particulier, sur la question des exportations russes de ressources énergétiques. La Sibérie orientale connaît une forte dépendance économique et géopolitique à l’égard de la Chine en raison de la structure des échanges commerciaux. L’extraction du pétrole et du gaz a commencé à se développer dans la région avec comme perspective essentielle l’exportation vers le marché chinois grâce à la construction des oléoducs « Sibérie orientale – Océan Pacifique » et du gazoduc « Force de Sibérie ». Ces pipelines acheminent déjà le pétrole et bientôt le gaz des sites de production directement vers la Chine et l’Asie-Pacifique. La réalisation de ces corridors énergétiques constitue des leviers d’influence sur les prix et sur les recettes d’exportations du gaz et du pétrole de la Russie. Par ailleurs, la Chine investit activement en Sibérie dans les projets liés à l’exportation d’autres matières premières : minerais, bois… De ce point de vue, il existe un risque accru d’ancrage de l’économie de la Sibérie à celle de la Chine. Dans le futur, cela fait peser un risque de déficit en ressources naturelles pour la consommation interne et le développement des régions sibériennes. Il faut de plus souligner les particularités du développement liées aux investisseurs chinois en Sibérie orientale. Les entrepreneurs chinois présents en Russie embauchent essentiellement leurs compatriotes, ce qui crée des conditions préalables à l’accroissement de la diaspora chinoise. Ce changement potentiel de la composition ethnique de la population de la région est source de menace. C’est pourquoi il convient de développer des relations économiques et politiques sur la base du principe des intérêts nationaux et d’une approche pragmatique du développement du système de transport et de logistique, avant tout au service des besoins internes.

4. Les perspectives de développement du système de transport de la Sibérie orientale dans le cadre des Nouvelles routes de la soie

26Les orientations stratégiques de développement du système de transport et de logistique de la Sibérie orientale peuvent s’analyser à partir des documents de programmation économique nationale et des accords internationaux. Les documents les plus importants sont la « Stratégie de développement du transport ferroviaire jusqu’en 2030 » et le « Concept de développement intégré du transport des conteneurs de la RZD » [RZD 2018]. Selon ces documents de programmation, on prévoit d’investir d’ici 2030 562,4 milliards de roubles dans le développement des infrastructures du Transsibérien, dont 102,3 milliards en provenance du budget fédéral, 150 milliards du Fonds de la prospérité nationale et 310,1 milliards des fonds de la compagnie RZD. La plus grande part de ces investissements est destinée à la modernisation des infrastructures. Il s’agit de doubler la capacité de transit de la BAM afin de rediriger l’essentiel des flux de pondéreux, de vrac et de fret industriel lourd sur cette ligne. Cela permettrait de faire du Transsibérien une ligne rapide réservée aux trains de passagers et aux convois de conteneurs. Le gouvernement de la Fédération de Russie a défini comme objectif de porter la capacité de transit du Transsibérien et de la BAM à 180 millions de tonnes par an contre 120 aujourd’hui. Selon les experts de la société « VSZD », c’est un objectif réalisable et il serait même possible d’augmenter la capacité de transit jusqu’à 200-250 millions tonnes par an. Ainsi, il est envisagé que le potentiel de transit de conteneurs devrait augmenter de quatre fois entre 2018 et 2030, pour atteindre un total de 7,5 millions d’EVP composé par le transit international et le transport intérieur.

27Parmi les engagements internationaux, il faut mentionner la déclaration commune faite le 9 juin 2018 par les dirigeants de la Fédération de Russie, de Chine et de Mongolie. A l’issue des négociations, le président Vladimir Poutine a déclaré dans son discours de clôture que « l’année dernière (2017), le volume du trafic de conteneurs sur le trajet Chine-Mongolie-Russie vers les pays de l’Europe a augmenté de 2,7 fois et, au cours du premier trimestre de cette année, déjà presque de 4 fois. On planifie la modernisation du chemin de fer russo-mongol d’Oulan-Bator (UBJD) et des tronçons proches. On programme le développement de ces chemins de fer jusqu’à l’horizon 2030, et la première période 2018 à 2020 prévoit des investissements de 260 millions de dollars » [Poutine 2018].

28La stratégie de développement du chemin de fer d’Oulan-Bator est consubstantielle de celle conduite par la société des Chemins de fer russes car la modernisation du Transmongol, prolongation du Transsibérien, est une clé du développement du Corridor Nord Eurasien. En 2017, la société des Chemins de fer d’Oulan-Bator (UBJD) a présenté trois scénarios en prévision de la modernisation du Transmongol à l’horizon 2030 : un optimiste, un réaliste et un pessimiste. Comme l’a expliqué le directeur de l’UBJD, Yendon Manlaybayar, le premier scénario prévoit que le volume du trafic devrait atteindre environ 78 millions de tonnes en 2030, contre 48 millions de tonnes pour le second et 34 millions de tonnes pour le troisième. La part du transit international représenterait la moitié de ces volumes. Dans le but d’augmenter la capacité de traitement des flux à la frontière russo-mongole, il est prévu de développer des plate-formes logistiques à Naoushki et Taltsy dans la République de Bouriatie. L’accord de coopération est déjà signé entre la société RZD, le gouvernement de Bouriatie et la société anonyme SG-trans. En fonction du type de scénario choisi par le gouvernement mongol, il faudra investir respectivement 110, 80 ou 50 milliards de roubles. Quoiqu’il en soit, la modernisation est une nécessité car le volume du trafic de cette ligne est de l’ordre de 22 millions de tonnes en 2018 tandis que la capacité théorique du réseau est estimée à 25 millions de tonnes [Pletnev 2017]. La faible capacité du Transmongol limite aujourd’hui considérablement le potentiel de transit de la partie orientale du Corridor Nord Eurasien, et par conséquent celui de la Sibérie orientale.

29Le potentiel de transit de la Sibérie orientale dépend aussi du développement de l’autre branche du Transsibérien qui est connecté directement à la Chine par le Transmandchourien, via Zabaïkalsk. Au terme d’une modernisation globale du Corridor Nord Eurasien dans sa section orientale, il est prévu que 73 % des flux du transit international proviennent du Transmandchourien contre environ 27 % pour le Transmongol.

Conclusion

30Dans le trafic international de conteneurs, la primauté revient au transport maritime même si les corridors terrestres se développent activement et deviennent de plus en plus attractifs. C’est le cas des deux corridors transcontinentaux (Centre Eurasien et Nord Eurasien) qui traversent le territoire de la Russie. Le flux principal du transit entre l’Asie orientale et l’Europe passe par le Corridor Centre Eurasien via le Kazakhstan. Toutefois, on observe parallèlement une augmentation progressive du volume de transit de conteneurs sur le Corridor Nord Eurasien au cours de la période de 2010-2016. L’analyse de la dynamique et de la structure des indicateurs de volume du système de transport de la Russie et de la Sibérie orientale montre l’existence d’une tendance durable à l’accroissement des volumes de fret transportés par le rail résultant de la croissance économique nationale et de la mondialisation. Cependant, l’analyse du fonctionnement des chemins de fer de la Sibérie orientale montre que la place du transit international est très faible car de nombreux obstacles empêchent la réalisation du potentiel de transit. Les barrières les plus importantes sont les barrières administratives, logistiques et géopolitiques tandis que les contrôles douaniers ont une moindre importance. Les gouvernements de la Russie, de la Chine, du Kazakhstan et de la Mongolie entreprennent des efforts considérables pour limiter les obstacles logistiques et administratifs. En revanche, les barrières géopolitiques sont plus difficiles à aplanir car elles résultent de la concurrence globale qu’exercent les puissances mondiales pour dominer les marchés et imposer un leadership politique. Les tensions accrues sur les marchés mondiaux et entre puissances sont source de risques pour les corridors. C’est pourquoi le développement du système de transport et logistique de la Sibérie orientale, et du transport ferroviaire russe en général fait l’objet d’une gestion publique. Il en est de même en Chine et en Mongolie. Pour cette raison, les perspectives de développement sont entièrement sous le contrôle des États. La planification édictée par le gouvernement de la Fédération de Russie prévoit d’augmenter la capacité de transit du Transsibérien et d’en faire une ligne dédiée au transport rapide de passager et de conteneurs. Toutefois, il n’est pas exclu que les dépenses consacrées au développement des infrastructures puissent être justifiées en raison d’une croissance aléatoire des volumes de transit soumis aux aléas géopolitiques. De plus, l’ouverture des corridors fait peser des menaces sur la Sibérie orientale en raison de l’influence grandissante de la Chine, notamment dans le domaine des exportations de matières premières.

31Sur la base de l’analyse réalisée, quelques recommandations peuvent être proposées. Pour les autorités du pouvoir fédéral et régional, on recommande de développer le système de transport et logistique de la Sibérie orientale en se basant avant tout sur les intérêts économiques nationaux. Le développement des infrastructures ferroviaires doit aussi prendre en compte les intérêts de la sécurité nationale. La modernisation du Transsibérien et de la BAM ne devrait pas manquer d’attitrer des investisseurs potentiels, notamment en vue d’exploiter les gisements de ressources naturelles sibériennes. Les acteurs économiques qui opèrent sur le territoire de la Sibérie orientale devraient prêter attention aux possibilités qu’offre le développement des flux internationaux de conteneurs. Mais cela nécessite de développer des plate-formes logistiques sur le territoire russe à Irkoutsk et aux frontières comme à Naouchki et Taltsy (en République de Bouriatie) et à Zabaïkalsk (en Transbaïkalie).

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Notes

1 VSZD : Chemins de fer de Sibérie orientale, filiale de la société des Chemins de fer russes (RZD).

2 L’équivalent vingt pieds est l’unité de mesure du conteneur standard, soit 8,5 pieds de haut (2,591 m), 8 pieds de large (2,438 m) et 20 pieds de long (6,096 m) ce qui représente un volume d’environ 38,5 mètres cubes.

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Table des illustrations

Titre Figure 1 – Le corridor en Sibérie orientale
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/bagf/docannexe/image/5495/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 484k
Titre Figure 2 – Structure du trafic de marchandises en Russie (en milliards de tonnes-kilomètres), 2007-2017
Crédits Source : Système Commun d’Information et de Statistiques Interinstitutionnel [SCISI 2018]
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/bagf/docannexe/image/5495/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 216k
Titre Figure 3 – Structure du trafic de marchandises en Russie ( %), 2007-2017
Crédits Source : Système Commun d’Information et de Statistiques Interinstitutionnel [SCISI 2018]
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/bagf/docannexe/image/5495/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 288k
Titre Figure 4 – Structure du trafic des marchandises en Russie ( %), 2007-2017
Crédits Source : Système Commun d’Information et de Statistiques Interinstitutionnel [SCISI 2018]
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/bagf/docannexe/image/5495/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 168k
Titre Figure 5 – Structure du trafic des marchandises en Russie ( %), 2007-2017
Crédits Source : Système Commun d’Information et de Statistiques Interinstitutionnel [SCISI 2018]
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/bagf/docannexe/image/5495/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 184k
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Pour citer cet article

Référence papier

Alexandre Silantev, Svetlana Karkhova et Marina Maletskaya, « Le potentiel logistique de la Sibérie orientale dans le contexte des corridors des nouvelles routes de la soie »Bulletin de l’association de géographes français, 96-3 | 2019, 437-452.

Référence électronique

Alexandre Silantev, Svetlana Karkhova et Marina Maletskaya, « Le potentiel logistique de la Sibérie orientale dans le contexte des corridors des nouvelles routes de la soie »Bulletin de l’association de géographes français [En ligne], 96-3 | 2019, mis en ligne le 31 décembre 2020, consulté le 03 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/bagf/5495 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/bagf.5495

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Auteurs

Alexandre Silantev

Maître de conférences en économie, Université d’État du Baïkal, Irkoutsk – Courriel : silantyevav[at]bgu.ru

Svetlana Karkhova

Maître de conférences en économie, Université d’État du Baïkal, Irkoutsk – Courriel : karkhovasa[at]bgu.ru

Marina Maletskaya

Maître de conférences en économie, Université d’État du Baïkal, Irkoutsk – Courriel : maletskayamb[at]bgu.ru

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Droits d’auteur

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés), sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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