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Mobilisations d’usagers pour la protection des forêts périurbaines : le cas de la crise des déchets en forêt de Fontainebleau

The waste crisis in Fontainebleau forest: a case of mobilization of users for the protection of nature
Rémi Salaün
p. 36-49

Résumés

La forêt de Fontainebleau se caractérise par son héritage touristique et son intégration métropolitaine. La crise des déchets qu’a connue le massif forestier entre avril 2016 à janvier 2017 questionne le jeu d’acteurs dans la gestion de ce lieu emblématique. Dans un contexte de réorganisation territoriale, le conseil départemental réduit sa subvention pour le nettoyage du réseau routier traversant le massif de Fontainebleau. Or, pour l’année 2015, l’Office national des forêts avait constaté une augmentation de près de 80 % du nombre de déchets ramassés. Pour contester la décision du département, la direction territoriale de l’ONF décide la suspension du ramassage des déchets dès le mois d’avril 2016. Face à cette crise, des groupes d’usagers vont se mobiliser pour améliorer la propreté à travers des opérations de nettoyage et une médiatisation de cette problématique. Nous nous focaliserons sur trois groupes d’acteurs à travers une observation participante et une analyse de leurs communications. Nous verrons comment cette crise a été mobilisée par certains acteurs pour peser davantage dans la gestion forestière du massif de Fontainebleau.

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Texte intégral

Introduction

1Située à une soixantaine de kilomètres au sud-est de Paris, la forêt de Fontainebleau est considérée comme l’un des « poumons verts » de la métropole parisienne avec une fréquentation estimée à 10 millions de visites par an. Ancienne forêt royale, le lieu a été investi dès la première moitié du XIXème siècle par la bourgeoisie parisienne qui en a fait une source d’inspiration artistique, avec l’école dite de Barbizon, et un lieu de promenade. L’arrivée du chemin de fer à Fontainebleau-Avon en 1849 a permis d’amplifier la fréquentation de la forêt [Polton 1994]. Cet investissement de la bourgeoisie se traduit par la médiatisation de premières revendications d’artistes et de notables pour infléchir la gestion forestière vers une prise en compte des intérêts esthétiques et touristiques. En témoigne la campagne de presse menée par le peintre Théodore Rousseau contre l’exploitation des chênes sur le site du Bas-Bréau, puis celle à l’initiative de Claude François Denecourt contre les carrières de grès dans la forêt en 1859. Pendant cette période, Fontainebleau et plusieurs villages situés à la périphérie de la forêt vont devenir des centres de villégiature pour une bourgeoisie artistique et parisienne [Daguenet 2002]. Dès le début du XXème siècle, des artistes et des notables vont fonder deux associations pour protéger la forêt de Fontainebleau : les Amis de la forêt de Fontainebleau en 1907 et l’Association des naturalistes de la vallée du Loing en 1913.

2Dès les années 1960, la périurbanisation du Pays de Fontainebleau va engendrer un processus de transition résidentielle du territoire où le nombre de résidences secondaires va diminuer au profit des résidences principales. Dans le même temps, la fonction de loisirs de la forêt de Fontainebleau va devenir un enjeu de premier plan pour l’Office National des Forêts (ONF), gestionnaire de la forêt domaniale. En témoignent la circulaire Pisani de 1964 sur « le rôle des forêts dans la civilisation de loisirs » et l’étude menée par la Société de recherche économique et sociologique en agriculture (SARES) sur la fréquentation des forêts de la région parisienne en 1967-1968. L’absence de gestion des loisirs en forêt cause des nuisances telles que la congestion automobile des routes forestières en fin de semaine, la présence de déchets laissés par les visiteurs et l’érosion des sols [Hotyat 2013]. Les ingénieurs forestiers en poste à Fontainebleau vont percevoir la mission d’accueil du public comme une charge financière. Dans un article paru dans la Revue forestière française, Xavier De Buyer, alors chef du centre ONF de Fontainebleau, va solliciter les collectivités territoriales pour participer au financement des actions relatives à l’accueil du public au motif que celles-ci sont les bénéficiaires de l’activité économique générée par la fréquentation touristique des forêts. À partir des années 1970, les associations d’usagers fondées au début du siècle vont connaître un regain avec l’arrivée de nouveaux adhérents, ce qui va permettre à ces groupes de renforcer leur moyen d’actions dans le massif forestier. Ainsi, Fontainebleau va se distinguer par la structuration d’un réseau d’acteurs efficient dans la gestion forestière autour de l’ONF avec les collectivités territoriales comme partenaires financiers et les associations d’usagers comme partenaires opérationnels. En devenant un objet politique, la gestion du massif forestier devient un espace de dialogue qui participe à une construction territoriale. La forêt de Fontainebleau constitue un exemple de territorialité construit par un lieu [Debarbieux 1995].

3En 2015, la croissance de 56 % du nombre de déchets ramassés par l’ONF et la diminution de 30 % de la contribution financière annuelle du conseil départemental de Seine-et-Marne pour la propreté du massif forestier vont engendrer un conflit entre les deux institutions. À partir du 4 avril 2016, la direction de l’agence territoriale ONF de Fontainebleau décide de suspendre le ramassage des déchets en forêt de Fontainebleau, à l’exception du piquetage des détritus se trouvant au bord des routes départementales. Très vite, la propreté du massif forestier se détériore, entraînant une gêne pour les usagers et les riverains. Notre questionnement porte sur la réaction des usagers face à cette crise. La réaction à une menace, de la réaction émotionnelle à la mobilisation citoyenne, peut-elle engendrer un processus de construction pérenne des politiques environnementales et d’aménagement du territoire ?

4Pour répondre à ce questionnement, nous nous appuyons sur une méthodologie mobilisant l’analyse d’un corpus de documents produits par les acteurs du conflit. Les sources sont diverses : motions des Amis de la forêt de Fontainebleau, communiqués de presse de l’Office national des forêts, pages Facebook du collectif « Une petite marche pour une grande démarche » et de la Tribune libre de Bleau, articles postés sur le site internet de la Moutainbiker Foundation et des articles de presse régionale et nationale. Nous avons aussi effectué une observation participante auprès de bénévoles des Amis de la forêt de Fontainebleau et lors d’opérations de ramassage des déchets en 2014 et 2015.

1. La crise des déchets : un conflit entre institutions

5L’ancienneté de la problématique de la propreté dans le massif forestier de Fontainebleau est une caractéristique du lieu. La conscientisation à cette menace a permis de structurer un réseau d’acteurs pour prendre en charge le ramassage des déchets et conduire des projets de sensibilisation du public.

1.1. Les déchets en forêt de Fontainebleau, historique d’une menace

6Déjà, dans un texte paru en 1855 dans l’Hommage à Claude-François Denecourt, paru en 1855, Champfleury raconte l’anecdote d’un emballage de pâté retrouvé en forêt pour tourner en dérision la pratique de la petite bourgeoisie commerçante venant se délasser en forêt de Fontainebleau. Un siècle plus tard, les Amis de la forêt de Fontainebleau (AFF) organise un premier rallye « papiers gras » aux prémices de la pression automobile que va connaître le massif forestier. Cette manifestation augure le début d’une mobilisation de l’association pour la prise en compte de cette menace par les acteurs impliqués dans la gestion forestière. Dans un premier temps, l’ONF s’adapte à la forte fréquentation par l’aménagement d’aires d’accueil du public disposant de poubelles pour collecter les déchets des usagers.

7Dans les années 2000, la campagne « Pour une forêt propre, emportez vos déchets » augure une nouvelle stratégie de l’ONF dans la gestion des déchets avec la suppression des poubelles sur les aires de stationnement. L’objectif est d’inciter les usagers à emporter des sacs poubelles lors de leur pique-nique pour ne plus laisser de déchets en forêts. Pour légitimer cette démarche, l’ONF communique sur le coût du ramassage mais aussi sur les dégâts engendrés par les sangliers qui renversent les poubelles pour trouver de la nourriture. La volonté de réduire les points de fixations pour les dépôts sauvages est un argument mobilisé par les forestiers pour expliquer leur stratégie de fermeture de certaines routes forestières aux véhicules motorisés. En 2013, l’agence territoriale de Fontainebleau lance l’opération annuelle « Forêt propre » avec le concours de Seine-et-Marne Tourisme, association de développement touristique financée par le conseil départemental, et d’associations d’usagers telles que les Amis de la Forêt de Fontainebleau, la Fédération départementale de randonnée pédestre et Asabepi. La problématique des déchets est déjà un enjeu important qui fait l’objet d’une mobilisation des acteurs avant la crise de 2016. De fait, les causes pour expliquer la crise portent davantage sur le retrait d’un acteur, le conseil départemental de Seine-et-Marne dans la gestion forestière.

1.2. Le conseil départemental, un partenaire historique dans la gestion forestière

8En mars 2015, les élections départementales entraînent un renouvellement important de l’assemblée départementale en Seine-et-Marne. Un nouveau mode de scrutin a lieu. Dorénavant les électeurs votent pour un binôme mixte pour représenter leur canton. Le nombre de cantons passe de 43 à 23. La majorité socialiste, au pouvoir depuis 2004, connaît un sérieux revers et cède sa place à un nouvel exécutif dirigé par la droite républicaine. Néanmoins, il serait inexact d’expliquer ce retrait de la gestion forestière par un choix politique du nouvel exécutif départemental. En effet, après avoir investi la forêt de Fontainebleau dès 1974, les premiers signes de retrait ont lieu dès le début de la décennie, après l’inauguration du centre d’écotourisme de Franchard en mai 2011.

9De 1974 à 2011, la forêt de Fontainebleau fait l’objet d’un investissement important, et exceptionnel au regard d’autres massifs forestiers franciliens, de la part du conseil général de Seine-et-Marne. Cet investissement peut s’expliquer par l’implantation électorale des élus en charge tourisme au conseil général. En 1974, Paul Séramy, alors président du comité départemental du tourisme de Seine-et-Marne et maire de Fontainebleau, impulse le financement par le conseil général d’une voiture itinérante pour informer les visiteurs sur la protection et la sauvegarde du massif forestier de Fontainebleau. En 1982, Paul Séramy accède à la présidence du conseil général. Les lois de décentralisation de 1982 et 1983 permettent aux conseils généraux de disposer de davantage de moyens et d’étendre leur domaine de compétence. L’institution seine-et-marnaise va se caractériser par une politique touristique volontariste, dans le sillage du projet d’intérêt national Eurodisney, en acquérant l’auberge Ganne à Barbizon, la maison de Stéphane Mallarmé à Valvins et en pilotant la restauration du château médiéval de Blandy-les-Tours.

Figure 1 : Frise chronologique des réformes territoriales de 2008 à 2017

Figure 1 : Frise chronologique des réformes territoriales de 2008 à 2017

Source : Rémi Salaün

10À la suite du décès de Paul Séramy en 1992, la présidence du comité départemental du tourisme revient principalement à des élus de l’arrondissement de Fontainebleau. Les différents présidents de l’association vont continuer d’investir le massif forestier en poursuivant le partenariat financier avec l’ONF. Cependant, le point d’orgue de cet investissement du lieu est la construction d’un centre d’écotourisme sur l’emplacement de l’ancien restaurant de Franchard. Le site, dont la construction est financée à 50 % par le département, a pour mission d’informer les visiteurs sur l’ensemble des sites naturels, culturels et historiques accessibles au public aux abords de la forêt afin de mieux répartir les flux touristiques, de sensibiliser les visiteurs à la fragilité des milieux naturels et à la sauvegarde des paysages, de la flore et de faune et prévenir les impacts humains trop importants sur le site. Toutefois, le comité départemental du tourisme qui a la charge d’assurer l’animation du centre va connaître des difficultés budgétaires.

11Dans un contexte de crise de la dette publique, la loi de réforme des collectivités territoriales du 16 décembre 2010 vise à clarifier les compétences des départements et des régions. Les départements deviennent chefs de file pour l’action sociale en s’occupant du financement de diverses aides et conservent l’entretien des collèges et des routes départementales. Le tourisme demeure une compétence partagée avec les intercommunalités et les régions. Néanmoins, les compétences obligatoires occupent dorénavant une part prégnante du budget départemental sur lesquelles il est difficile de faire des économies. Ainsi, la rigueur budgétaire de l’institution a davantage de conséquence sur les compétences partagées comme le tourisme et les compétences non obligatoires comme l’environnement. De fait, le comité départemental du tourisme n’est plus en mesure de pouvoir ouvrir le centre d’écotourisme de Franchard pour la saison 2016 et le conseil général baisse une nouvelle fois sa subvention pour le ramassage des déchets.

2. Face à la crise, des mobilisations citoyennes

12La nouvelle baisse de 25 % du montant de la contribution annuelle du conseil départemental de Seine-et-Marne pour la propreté du massif forestier de Fontainebleau va provoquer la décision de l’agence ONF d’arrêter le ramassage des déchets. Le communiqué de presse a pour but d’informer les usagers et les riverains sur la situation budgétaire de l’établissement public et de prévenir d’éventuels reproches des groupes d’usagers.

2.1. Des opérations bénévoles pour médiatiser les revendications

13Dans l’ensemble, la décision de l’ONF est comprise par les associations d’usagers. Dans un communiqué paru en avril 2016, l’association des Amis de la forêt de Fontainebleau estime que : « la propreté est une action conjointe de l’ONF, des communes sur le territoire desquelles se situe le massif de Fontainebleau, du département de Seine-et-Marne, et des associations qui interviennent en faveur de la protection de la forêt. ». Depuis sa fondation en 1907, les Amis de la forêt de Fontainebleau sont devenus un acteur associatif incontournable sur le plan local. Comptant environ 800 adhérents, l’association est présente dans les différents comités de gouvernance du massif forestier : comités de pilotage du site Natura 2000, de « Forêt d’exception » et de la réserve biosphère « Fontainebleau-Gâtinais ». En 1953, l’association a repris la charge de l’entretien et du balisage des sentiers de promenades Denecourt-Colinet. Cette fonction permet aux AFF de devenir un interlocuteur privilégié de l’administration forestière, cette dernière conservant le contrôle de l’évolution du réseau d’itinéraires de randonnée pédestre sur le massif. Ainsi, la création d’une commission terrain permet aux AFF Amis de la forêt de connaître un nouveau souffle. Les activités bénévoles attirent une nouvelle population désirant investir la forêt par le volontariat. La majorité des bénévoles sont des retraités issus de la classe moyenne supérieure résidant en périphérie du massif forestier depuis plusieurs décennies. Au fil des années, les domaines de compétence se sont étendus à la valorisation des arbres remarquables et du patrimoine vernaculaire en forêt, toujours en concertation avec les agents de l’ONF.

Figure 2 : Groupes d’usagers mobilisés pendant la crise des déchets

Figure 2 : Groupes d’usagers mobilisés pendant la crise des déchets

Source : Rémi Salaün

14Néanmoins, la croissance du nombre de déchets recensés en forêt a provoqué l’émergence d’un nouvel acteur de la société civile : le collectif « Une petite marche pour une grande démarche ». Le collectif est créé en 2015 à partir d’une page sur le réseau social Facebook. L’objectif est d’organiser chaque mois un ramassage des déchets sur différents sites du massif forestier. À travers sa fonction « évènements », le réseau social permet de relayer efficacement l’horaire et le lieu de rendez-vous pour les opérations de ramassage. Le médium utilisé est inédit en forêt de Fontainebleau et permet d’attirer un public, plus jeune, jusque-là absent des associations d’usagers. D’ailleurs, les initiateurs du collectif n’étaient pas impliqués dans les associations de protection de la forêt de Fontainebleau. Très vite, l’initiative rencontre un succès avec 8 évènements en 2015 puis 12 en 2016. Les médias régionaux, puis nationaux réalisent des reportages sur les actions du collectif. Un reportage diffusé dans le journal télévision de 20 heures sur TF1 le 12 mars 2016 fait figure de consécration. Le succès médiatique peut s’expliquer par deux facteurs. D’une part, l’ancienneté de la problématique de la propreté en forêt de Fontainebleau lui permet de devenir un lieu commun. La nécessité de veiller à la propreté de la forêt fait désormais consensus auprès des usagers des pratiques récréatives. Dans l’observatoire de la fréquentation du massif forestier de Fontainebleau piloté par l’ONF et la Chambre de Commerce et d’Industrie de Seine-et-Marne, la propreté fait figure de priorité n° 1 pour les usagers avec 53 % de réponses. D’autre part, le mode d’action du collectif fait figure de nouveauté pour les journalistes. De plus, les ramassages mensuels facilitent l’organisation de la rencontre avec les bénévoles. Les journalistes n’ont qu’à venir sur le lieu de ramassage à l’horaire prévu pour obtenir des témoignages de dizaines de bénévoles et réaliser quelques images.

15Les actions du collectif « Une petite marche pour une grande démarche », de l’ONF, et des AFF permettent de faire pression sur les élus locaux. Dans les médias, le maire de Fontainebleau soutient la décision de l’ONF de restreindre le ramassage des déchets : « Je les comprends car ils sont face à une situation infernale. Il y a un incivisme galopant et les accès aux déchetteries ont été compliqués. ». La crise révèle la complexité de l’organisation territoriale en matière de gestion des déchets. Un syndicat intercommunal, le SMICTOM de la région de Fontainebleau, s’occupe du ramassage des déchets dans 35 communes et gère 9 déchetteries sur le territoire. Un autre syndicat intercommunal, le SMITOM LOMBRIC s’occupe du traitement des déchets sur un périmètre plus vaste de 67 communes. Pendant cette crise, les élus siégeant dans l’exécutif des syndicats mixtes ne réagissent pas dans les médias locaux pour expliquer leur point de vue. De fait, certains acteurs pointent la responsabilité du SMICTOM, qui a mis en place une nouvelle règlementation d’accès aux déchetteries le 1er octobre 2015, faisant augmenter le tarif d’accès pour les usagers effectuant plus de 36 passages par an avec des véhicules standards et plus de 18 passages par an avec des véhicules breaks, utilitaires et fourgonnettes.

2.2. La crise des déchets, illustration des difficultés d’une construction territoriale

16La crise des déchets en forêt de Fontainebleau révèle les difficultés de la construction intercommunale sur le territoire. Les intercommunalités se sont construites à l’initiative des élus municipaux à la suite de la loi Chevènement du 12 juillet 1999 incitant la création d’établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). En 2016, on retrouve 8 intercommunalités autour du massif forestier de Fontainebleau. Ce qui constitue un schéma plutôt classique pour les territoires périurbains [Estèbe 2008]. Ce nombre élevé d’EPCI témoigne d’une défiance des élus des communes périurbaines du territoire vis-à-vis de Fontainebleau et d’Avon. Ces élus craignent que le financement de l’intercommunalité soit dévolu à des projets de rayonnement situés dans l’agglomération bellifontaine, notamment le stade équestre du Grand Parquet à Fontainebleau. Ainsi, la communauté de communes dans laquelle se trouvent Fontainebleau et Avon n’a réussi à intégrer que trois communes périurbaines. Sur le territoire, la taille moyenne des intercommunalités, en dehors de la communauté de communes du Pays de Fontainebleau dans laquelle se trouvent les communes de Fontainebleau et d’Avon, est de 9 910 habitants. Leur faible taille fait que ces intercommunalités ne disposent pas de compétences prégnantes, qui selon la loi doivent se faire par transfert depuis les communes. De fait, pour la compétence de la collecte des déchets, le SMICTOM de la région de Fontainebleau regroupe 6 communautés de communes. Le syndicat intercommunal manque effectivement d’incarnation.

17En 2016, la mise en œuvre du projet de schéma départemental de coopération intercommunale piloté par le préfet de Seine-et-Marne entraîne une négociation entre les élus locaux et les services de la préfecture. Le schéma propose le regroupement de 5 intercommunalités sous le nom de communauté d’agglomération de Fontainebleau à partir du 1er janvier 2017. Lors de la phase de conception du schéma, certaines communes de la plaine de Bière, à l’ouest du massif forestier de Fontainebleau, ont souhaité éviter le rattachement à Fontainebleau et Avon, en proposant un regroupement avec Melun et Milly-la-Forêt. Toutefois, les élus des communes périurbaines du territoire n’ont pas fait preuve d’une grande résistance vis-à-vis du dessein du préfet. Ainsi, on peut expliquer le retrait des élus locaux par la réorganisation intercommunale programmée qui les poussent à rester dans une position d’attente.

2.3. La crise comme opportunité pour nouer un dialogue entre le gestionnaire et les groupes d’usagers

18La crise des déchets a aussi été perçue comme une opportunité pour accroître l’influence de certains groupes dans la gestion forestière. Ainsi, dans ce contexte, un nouvel acteur a fait son apparition dans la forêt de Fontainebleau : la Mountainbiker Foundation (MBF). La MBF est une association nationale fondée, à Grenoble, en 2009 pour défendre les intérêts des vététistes et promouvoir une pratique responsable du vélo tout-terrain. Afin de rayonner sur le territoire français, la MBF a recours à des antennes locales qu’elle nomme « sentinelle » (pour défendre les intérêts des vététistes) et « brigade verte » (pour la participation à des chantiers bénévoles). Depuis la fin des années 1980, la forêt de Fontainebleau est le théâtre d’un conflit latent entre des randonneurs, dont les Amis de la forêt, et des vététistes. Face à cette nouvelle pratique récréative, les AFF demandent une réglementation de la pratique du VTT par l’interdiction d’accès aux sentiers Denecourt-Colinet pour les deux roues. Dans leur argumentaire, l’association évoque les risques de collisions entre piétons et cyclistes, ainsi que l’érosion causée par les freinages brusques de vélos. Grâce à leur présence dans les comités de pilotage et à l’influence permise par la commission terrain, les AFF ont remporté les arbitrages dans les années 1990 et 2000. Pour mettre fin au conflit d’usage, l’ONF a repris un élément du Code forestier interdisant l’accès aux véhicules sur les chemins de moins de 2,50 mètres de large. Le VTT étant considéré comme un véhicule, sa pratique est interdite sur les chemins concernés. Néanmoins, cette réglementation n’est pas acceptée par nombre de vététistes et l’ONF ne dispose pas d’un nombre d’agents suffisant pour faire de la prévention et de la répression en fin de semaine. De fait, le conflit d’usage entre vététistes et randonneurs demeure et s’intensifie au printemps 2014 avec une nouvelle motion des AFF hostile au VTT.

19Pour apaiser les tensions entre randonneurs et vététistes, l’ONF propose la construction d’un sentier conçu pour les VTT à condition que des vététistes participent bénévolement à sa construction et son entretien. Le manque d’organisation des vététistes est leur principale faiblesse. Ainsi, la MBF va mettre en scène, sur son site internet, des actions bénévoles de vététistes sur le massif de Fontainebleau pour montrer à l’ONF la capacité d’organisation et la disponibilité de vététistes pour participer à un projet de construction de sentier. Dans ce contexte de crise, plusieurs groupes d’usagers vont organiser des opérations de ramassages des déchets dans le but de défendre leurs intérêts et d’acquérir une forme de reconnaissance par l’ONF. L’administration forestière accueille ces initiatives avec bienveillance, car elle permet aux agents de rencontrer des usagers et de pouvoir communiquer sur les enjeux relatifs de la gestion forestière, notamment les enjeux sylvicoles.

3. La menace, un moyen de fédérer les acteurs pour la protection de la forêt de Fontainebleau

20Le 18 janvier 2017, l’ONF Fontainebleau et le SMITOM-LOMBRIC signe un nouveau partenariat, entraînant la reprise du ramassage des déchets par l’administration forestière. Plusieurs mois après la fin de la crise, nous pouvons dresser un premier bilan des conséquences de cet épisode sur la gestion forestière du massif de Fontainebleau, que ce soit sur un plan politique, sur les dynamiques des groupes d’usagers ou sur la perception de la problématique des déchets par les acteurs impliqués dans les comités de gouvernance du lieu.

3.1. Évolution des perceptions de la menace liées aux déchets en forêt par les acteurs

21La crise des déchets en forêt de Fontainebleau a permis une évolution de la perception de cette menace par les acteurs impliqués dans la gouvernance. Auparavant, les questions de propreté étaient souvent liées à l’accueil du public. Par leurs discours, les acteurs pointaient généralement les visiteurs de la forêt de Fontainebleau. Le problème de propreté intégrait un discours sur la « mal- fréquentation ». Le succès était considéré comme l’une des principales menaces sur le milieu forestier perçu comme fragile. D’une certaine manière, ce discours rappelle la « tourismophobie » présente dans certains espaces touristiques. Il est une manière pour certains acteurs, notamment les groupes d’usagers, de se mettre à distance de la figure du touriste [Deprest 1997]. Ce discours permet de distinguer deux types d’usagers [Kalaora 1981]. D’une part, on trouve les passionnés de la forêt de Fontainebleau qui ont une pratique régulière et une bonne connaissance du lieu. Ils connaissent les « bons » usages pour limiter l’impact de leur pratique sur le milieu forestier. D’autre part, il y a les visiteurs occasionnels de la forêt, qui ont une connaissance limitée du lieu et dont les pratiques peuvent constituer une menace pour le milieu. Ainsi, la prévention des déchets s’inscrivait dans une stratégie de sensibilisation du public qui visait à les conscientiser sur les effets néfastes de la forte fréquentation du massif forestier. Les opérations précédentes « Pour une forêt propre, emportez vos déchets » et « Forêt propre » entrent dans cette logique.

22La crise de 2016 a permis une prise de conscience des acteurs de la limite de cette stratégie. Dans le cahier noir des Amis de la forêt de Fontainebleau, paru en octobre 2016, l’association reconnaît : « La grande majorité de ces déchets est représentée par des gravats. Il ne s’agit plus de négligence ou d’incivilités des usagers de la forêt, mais d’une action délibérée de particuliers ou de professionnels qui se refusent à aller dans les déchetteries et préfèrent transformer la forêt, facilement accessible et gratuite, en poubelle. ». Ainsi, la crise a permis de donner conscience aux acteurs impliqués dans la gouvernance du massif forestier des limites de leur stratégie sur la propreté et de comprendre que la propreté n’était plus seulement une problématique liée au caractère touristique du lieu mais à son environnement urbain. La menace n’est pas spécifique au massif forestier de Fontainebleau, qui se distingue par son héritage touristique, mais elle est présente dans l’ensemble des forêts franciliennes. Finalement, on peut considérer la forte fréquentation du lieu comme un facteur ayant permis la mobilisation des acteurs pour trouver des solutions à cette menace.

23Toutefois, il faut reconnaître que cette nouvelle perception est toujours basée sur une opposition sociale. Cette fois-ci l’opposition a lieu entre les usagers récréatifs de la forêt de Fontainebleau et les riverains-entrepreneurs à l’origine des dépôts sauvages. Les diverses enquêtes sociologiques sur la fréquentation des forêts montrent que cette pratique constitue un habitus variant selon l’origine socioprofessionnelle des individus. Les cadres et professions supérieures investissent davantage les forêts que les artisans et les ouvriers. Ainsi, il existe une incompréhension des usagers récréatifs de la forêt vis-à-vis des contrevenants qui a pu s’exprimer par des discours violents sur les réseaux sociaux. À la suite de la révélation de l’adresse d’un présumé pollueur, nous avons observé plusieurs demandes pour que les déchets ramassés en forêt soient déplacés à son domicile. Ce constat montre les difficultés de l’ONF et de ses partenaires pour sensibiliser ce « non public » à la problématique des dépôts sauvages. Pour le moment, la mesure privilégiée par l’ONF est la communication sur des jugements de contrevenants par les tribunaux.

3.2. Groupes d’usagers : la nécessité de se structurer pour durer et peser sur la gestion forestière

24En ce qui concerne la mobilisation citoyenne, le bilan de la crise est constaté. À la suite de l’accord trouvé entre l’ONF et le SMITOM-LOMBRIC, la mobilisation du collectif « Une petite marche pour une grande démarche » s’est essoufflée avec sept opérations de nettoyage en 2017. Cela illustre les limites de la faible structuration du mouvement dans la durée. On peut expliquer cet essoufflement par le positionnement des fondateurs du mouvement. Leur objectif n’était pas de peser durablement dans la gestion du massif forestier de Fontainebleau mais de participer à une conscientisation globale sur la gestion des déchets. Ainsi, sur la page Facebook du collectif, des opérations de nettoyage organisées dans d’autres sites naturels de France sont annoncées. Un des fondateurs du collectif continue son activisme par le biais de la création d’une entreprise de valorisation de déchets. En revanche, les Amis de la forêt de Fontainebleau ont vu une croissance importante du nombre des bénévoles au sein de la commission terrain, passant de 39 en 2013 à 80 en 2018. Cette forte croissance des effectifs de bénévoles peut s’expliquer par divers facteurs. Le contexte démographique dans le Pays de Fontainebleau est plutôt favorable avec un vieillissement de la population et donc une hausse du nombre de retraités disponibles sur le territoire. De plus, l’association mène une stratégie volontariste pour attirer de nouveaux adhérents en participants à des manifestations locales comme les forums des associations. Néanmoins, la crise des déchets a certainement participé à médiatiser les menaces pesant sur le massif forestier et les associations militantes pour sa protection. Dès le printemps 2017, l’ONF et la MBF ont initié la construction d’un sentier dédié au VTT. Ce projet s’appuie sur la participation de bénévoles lors de plusieurs chantiers organisés le week-end. Malgré une hostilité de certains randonneurs, le sentier est inauguré en juin 2018.

25Au niveau politique, la forêt de Fontainebleau demeure un objet investi par des élus locaux. La présentation, lors de l’assemblée générale des AFF, du plan propreté adopté par la nouvelle communauté d’agglomération du Pays de Fontainebleau a montré un investissement de la forêt par des élus au travers des différentes institutions territoriales dans lesquelles ils ont des responsabilités. De fait, l’implication des élus peut traduire une logique de concurrence. En janvier 2017, le maire de Fontainebleau a perdu l’élection au titre de président de la communauté d’agglomération au profit du maire de la commune périurbaine de Samoreau. Cette défaite du maire de Fontainebleau témoigne de la méfiance de certains élus des communes périurbaines vis-à-vis de la ville-centre de l’agglomération. Lors de l’assemblée générale, la présentation du projet était menée par le président de la communauté d’agglomération et par sa vice-présidente chargée de l’environnement, et maire d’Avon, devant plusieurs élus locaux. À la suite de cette présentation, la conseillère départementale du canton de Fontainebleau a rappelé les actions conduites par le département en matière de propreté sur les routes départementales et leur participation financière au ramassage des déchets dans le massif forestier. Puis, le maire de Fontainebleau, également conseiller régional, a présenté le plan « Île-de-France propre » piloté par la région et les perspectives de subventions pour le territoire. Ainsi, on constate une stratégie similaire adoptée par ces élus pour investir la forêt de Fontainebleau. Leur mandat au sein de différentes assemblées locales leur permet d’obtenir des subventions pour des projets situés sur leur territoire électoral. Ces subventions limitent la charge financière portée directement par les communes. Toutefois, ces projets leur offrent une reconnaissance de la part de leurs administrés. Les élus locaux espèrent que ces retombées symboliques leur permettront d’asseoir leur ancrage électoral. La présentation du plan propreté témoigne de concurrences entre élus locaux, favorisées par les politiques de réorganisation territoriale menées depuis les années 1990 s’inscrivant dans une logique de création de nouveaux échelons territoriaux mais aussi de limite du cumul des mandats.

Conclusion

26La crise des déchets révèle la capacité de réaction du territoire face à la problématique de la propreté du massif forestier. Cette réaction est favorisée par l’héritage touristique du Pays de Fontainebleau. Investi par la bourgeoisie parisienne depuis le XIXème siècle, la forêt de Fontainebleau bénéficie d’une notoriété et d’une organisation structurée pour sa gestion. Les conflits antérieurs ont permis de consolider le dialogue entre l’ONF, les élus locaux et les associations des usagers. De fait, la forêt de Fontainebleau est considérée par les forestiers comme un laboratoire du dialogue territorial. La maturité de la gouvernance a permis une réaction rapide des acteurs lors de la crise, mais aussi l’émergence de nouveaux acteurs. Elle témoigne aussi de l’importance symbolique du lieu dans la construction territoriale. Dans son territoire, la forêt de Fontainebleau fait figure de lieu fédérateur pour de nombreux habitants. Dans ce contexte, la menace permet de fédérer divers acteurs pour obtenir des outils de protection. L’importance symbolique favorise l’investissement politique du lieu par des élus locaux dans leur stratégie d’ancrage territorial. La mobilisation des élus locaux témoigne des enjeux liés à une concurrence de leadership sur le territoire, ce qui peut poser des problèmes dans l’efficacité des politiques publiques, notamment à cause de projets non coordonnés et non suivis, à l’image du centre d’écotourisme de Franchard, construit et géré par le conseil départemental de Seine-et-Marne.

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Table des illustrations

Titre Figure 1 : Frise chronologique des réformes territoriales de 2008 à 2017
Crédits Source : Rémi Salaün
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/bagf/docannexe/image/4503/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 92k
Titre Figure 2 : Groupes d’usagers mobilisés pendant la crise des déchets
Crédits Source : Rémi Salaün
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/bagf/docannexe/image/4503/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 298k
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Pour citer cet article

Référence papier

Rémi Salaün, « Mobilisations d’usagers pour la protection des forêts périurbaines : le cas de la crise des déchets en forêt de Fontainebleau »Bulletin de l’association de géographes français, 96-1 | 2019, 36-49.

Référence électronique

Rémi Salaün, « Mobilisations d’usagers pour la protection des forêts périurbaines : le cas de la crise des déchets en forêt de Fontainebleau »Bulletin de l’association de géographes français [En ligne], 96-1 | 2019, mis en ligne le 15 mai 2020, consulté le 11 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/bagf/4503 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/bagf.4503

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Auteur

Rémi Salaün

Docteur en géographie, chercheur associé à l’EA EIREST – Courriel : salaunremi9[at]gmail.com

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Droits d’auteur

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