1Étroitement associée à l’évolution des espaces publics en Europe [Hessel 1989, Robert 2009, Walser 1987], la promenade urbaine se développa au fil des années en acquérant de multiples formes. Acte de démarcation sociale et signe de citoyenneté [Girouard 1985], la promenade urbaine accompagne l’émergence des capitales industrielles [Poëte 1913] et joue un rôle révélateur des cultures locales et des modes de vie [Del Negro 2004]. Le lendemain de la deuxième guerre mondiale, l’enjeu de reconstruction et de valorisation des espaces publics des centres villes en Europe, dominera les discours des décideurs locaux et des professionnels de l’urbain [Lévy 1987]. Au cours des décennies 1970 et 1980, nombreuses sont les villes en Europe qui voient plusieurs rues de leurs centre historiques se transformer en voies piétonnes [Solnit 2000]. A Athènes, en raison de la pollution atmosphérique [Burgel 1997] et de la dégradation des espaces publics, des projets de piétonisation débutent à la fin des années 1970, au sein du centre historique, notamment en lien avec les sites archéologiques. Plus de huit cents rues piétonnes sont construites depuis le début des années 1980 dans le cadre des projets d’envergure métropolitaine autour de la colline d’Acropole [Melabianaki 2013]. Or, l’engouement des acteurs locaux à transformer les espaces publics athéniens [Ministère du plan et de l’environnement 1981], commence à disparaître après les années 1990, à l’exemption de certaines piétonisations de voies très centrales touristiques effectuées en vue des Jeux Olympiques de 2004. Les finances réduites de la municipalité ont pour conséquence, l’abandon progressif de projets au sein des zones résidentielles et populaires [Touri 2013] en même temps que l’État canalise une grande partie des financements d’aménagement sur des projets phares capables de répondre à l’enjeux d’un imaginaire du centre-ville athénien reconnu internationalement [Papakonstantinou 2012]. Après 2000, certaines initiatives citoyennes alertent sur le risque de gentrification auquel les quartiers centraux sont confrontés et critiquent l’apathie des politiques publiques face à la disparition des métiers et commerces traditionnels (artisanat, épiceries, etc.). Certaines parmi elles proposent des balades collectives et des actions diverses afin que les athéniens connaissent mieux le centre-ville et deviennent des témoins de ses nombreuses qualités, pas forcément liées à l’industrie touristique. La balade urbaine, une activité renvoyant au loisir et à la consommation [Roïdis 1978 ; Louros 1984] tout au long du XXe siècle, émerge après les années 2000 comme pratique urbaine renouvelée, moyen de sociabilité et levier de renforcement des consciences citoyennes.
- 1 La première balade a compté 500-600 participants tandis que celle de 2017 a attiré 1000 participant (...)
2L’article interroge plus en particulier l’émergence des balades collectives du groupe Atenistas en tant qu’alternative possible aux politiques traditionnelles de planification urbaine et aux stratégies d’animation des espaces publics pour le soutien de l’économie locale. Initialement conçues comme des visites ne s’adressant qu’aux habitants de la ville, les balades collectives d’Atenistas, nommées Open Walks Athens (OWA), sont devenues des évènements phares1 de rencontre entre touristes et habitants offrant de nouvelles occasions de socialisation. En s’éloignant des lieux traditionnellement célèbres en tant qu’attractions touristiques, les OWA retracent la cartographie culturelle et commerciale d’Athènes et mettent en lumière des lieux d’intérêt social et de valeur patrimoniale méconnue, participant à la sauvegarde de la mixité urbaine et au fonctionnement de l’économie locale.
3En s’appuyant sur une méthodologie fondée sur l’enquête qualitative et d’analyse des données, l’article mobilise des entretiens semi-directifs avec certains co-fondateurs et organisateurs des OWA ainsi qu’avec certains participants, professionnels et employés des autorités locales dont l’anonymat est respecté suite à leur demande (Tableaux I). La documentation visuelle (photos extraites des balades OWA) a été récupérée - suite à la permission du groupe - sur la page web officielle du groupe. Des entretiens avec des professionnels et des employés de la municipalité ont permis de mettre en lumière les priorités municipales mais aussi les contraintes opérationnelles liées à la planification et à la gouvernance des espaces publics, au centre-ville. Tous les entretiens ont été retranscrits afin que certains extraits de propos soient cités dans le corps du texte. Les balades collectives OWA sont autofinancées et organisées par un petit groupe de personnes qui utilise Internet comme moyen principal de communication et de diffusion des informations.
4À la fin du XIXème siècle et dans un contexte de croissance démographique galopant et de formation d’une bourgeoisie locale, la promenade se répand comme pratique dominicale le long des avenues du centre d’Athènes [Kampouroglou 1922], dans des parcs urbains mais aussi aux marges de la ville, loin des ruelles malfamées du noyau historique [Mpiris 1965]. Cependant, marcher dans la ville, ne s’avère pas encore être une pratique courante au sein espaces publics centraux [Mpiris 1965].
5Arpenter la ville à pied reste une nécessité plus qu’un choix jusqu’au milieu des années 1850. Jusqu’à la fin du XIXème la conception de l’espace public demeure une responsabilité de l’État qui projette sur celui-ci son pouvoir et alignement aux valeurs de la société occidentale [Bastea 2000]. Chercher à « embellir » et à « moderniser » le paysage de la ville n’est cependant pas reconnu comme enjeu important par la société civile, cette dernière continuant à donner plus d’importance à l’espace privé qu’à la propreté ou l’esthétique de l’espace commun [Mpiris 1965].
Tableau 1 – Entretiens avec les fondateurs de Atenistas, quelques participants des balades et professionnels de l’aménagement des espaces publics à Athènes
Identification de l’interviewé
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Rôle / Affiliation
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Date
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Interviewé 1
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Co-fondateur du groupe Atenistas
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20-7-2017
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Interviewé 2
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Co-fondateur du groupe Atenistas
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5-8-2017
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Interviewé 3
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Participant aux Open Walk Athens
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3-8-2017
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Interviewé 4
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Participant aux Open Walk Athens
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3-8-2017
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Interviewé 5
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Participant aux Open Walk Athens
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3-8-2017
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Interviewé 6
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Participant aux Open Walk Athens
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3-8-2017
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Nouli Melampianaki
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Architecte et chef de projet aux Services Techniques de la municipalité d’Athènes, Direction du Plan de la Ville
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2-5-2013
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Dimitris Diamantopoulos
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Architecte au bureau d’études PLEIAS (équipe lauréate du concours pour la piétonisation de la rue Dionisiou Areopagitou)
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8-7-2014
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Ntora Galani
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Président de la Société d’Unification des espaces archéologiques d’Athènes
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5-12-2011
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Apostolos Geronikos
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Architecte aux Services Techniques de la municipalité d’Athènes
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17-6-2013
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Stratis Koulis
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Architecte – collaborateur indépendant au Ministère des Travaux Publics - en 1978 - dans le cadre des études pour un schéma des voies piétonnes au centre historique d’Athènes
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2-7-2014
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Stefanos Manos
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Secrétaire d’Etat au Ministère des Travaux Publics (1977-1980)
Ministre de Planification urbaine, habitat et environnement] (1980-1981), ministre de l’environnement, planification urbaine et travaux publics]
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10-6-2013
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Alexandros Tripodakis
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Architecte et maire d’Athènes entre 1990 et 1993
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2-7-2014
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Kaiti Micha
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Architecte, chef de projet aux Services Techniques de la Municipalité d’Athènes, Direction du Plan de la Ville
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25-7-2014
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Elli Papakonstantinou
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Architecte, directrice du Plan de la Ville aux Services Techniques de la municipalité d’Athènes
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11-4-2012
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Anastasia Remoundou–Triantafylli
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Architecte indépendante et consultante
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5-6-2013
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Vagia Touri
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Architecte aux Services Techniques de la municipalité d’Athènes
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21-8-2013
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Efi Tsiotsou
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Directrice de la Fondation Onassis (Grèce)
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12-7-2012
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Anna Skiada
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Architecte aux Services Techniques de la Municipalité d’Athènes
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29-5-2013
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6Au début du XXème siècle, et dans un contexte d’urbanisation intense [Sklavounos 1983] et de forte pression foncière, la municipalité envisage l’aménagement de la zone autour de l’Acropole en un parc urbain et archéologique étendu et accessible seulement à pied [Remoundou-Triantafylli, interview personnelle, 2013] permettant de libérer du foncier pour des excavations archéologiques [Zivas 2006]. Un projet qui n’a jamais vu le jour en raison du coût potentiellement très élevé et du mécontentement des habitants dont les terrains auraient dû être expropriés. Ainsi, depuis les années 1940, la confrontation périlleuse des véhicules et des piétons partageant le même espace sera à plusieurs reprises soulignée comme un problème nécessitant l’intervention prioritaire des pouvoirs locaux [Geronikos, interview personnelle, 2013 ; Koulis, interview personnelle, 2014]. L’éclatement de la guerre vient cependant geler toute discussion. Au cours des années 1950 et 1960, Athènes connaîtra une urbanisation rapide à cause de l’exode rural, et le centre historique sera confronté à une spéculation immobilière incontrôlée [Burgel 1974]. A l’aube des années 1970, le paysage d’Athènes se trouve radicalement changé, ainsi que la pratique des espaces publics centraux. Une dégradation sévère de l’environnement amène les urbanistes de l’époque à examiner en urgence les moyens de réaménagement de l’espace public afin de répondre aux enjeux environnementaux et sociaux. L’outil de la piétonisation devient le prétexte et le levier pour une transformation urbaine sans précèdent. La municipalité d’Athènes lance un vaste programme de piétonisation au sein de nombreux quartiers résidentiels [Melabianaki, interview personnelle, 2013]. A la même époque, le Ministère procède à des travaux d’aménagement des espaces publics autour des monuments d’intérêt architectural et patrimonial. Toutefois, jusqu’aux années 1990, la promenade n’est pas une pratique répandue au centre-ville et la marche à pied n’est pas encore reconnue dans les esprits comme une activité de loisir [Melabianaki, interview personnelle, 2013].
7En vue des Jeux Olympiques de 2004, urbanistes et décideurs locaux intensifient les débats sur la recherche des solutions pour le renforcement de la marque Athènes [Fola 2011]. Le Ministère des travaux publics et le Ministère de la Culture, ainsi que plusieurs parties prenantes, mettent en place un partenariat public-privé pour la création d’un Organisme responsable de la mise en œuvre d’un projet ambitieux d’unification des sites archéologiques [Galani, interview personnelle, 2011] à travers un réseau étendu d’espaces publics mettant en valeur la marche à pied. La Société d’Unification des Espaces Archéologiques d’Athènes (SUASA) a eu comme objectif de « créer un musée ouvert en plein centre-ville facilement visité à pied par les Athéniens et les touristes » [Galani, interview personnelle, 2011]. Le SUASA annonce un programme pluriannuel de 300 interventions, toutes concentrées sur une zone plutôt restreinte autour de la colline de l’Acropole. Un des projets phares de la SUASA consiste à la piétonisation du boulevard périphérique longeant l’Acropole. Le projet, réalisé par l’équipe lauréate du concours international PLEIAS [Diamantopoulos, interview personnelle, 2014] a vite attiré les Athéniens qui y arriveront surtout les week-ends pour de longues promenades. Pendant presque tout le XXème siècle, se promener dehors était lié en grande partie à la consommation et à la pause aux nombreux cafés et terrasses des restaurants du centre-ville. La Grande Promenade (comme était nommé le projet) le long de Dionisiou Areopagitou vient de changer cette tradition en introduisant un autre rituel : celui de la balade devenant l’objectif de loisir en soi. Le projet introduira ainsi un nouveau modèle de piétonisation à grande échelle, qui dévient également un levier de développement culturel de la capitale. Au-delà de cette zone restreinte autour de la colline d’Acropole, concentrant l’attention des pouvoirs locaux, nombreux sont les quartiers et les rues qui accueillent une vie publique animée et une activité commerciale importante malgré la dégradation de leur bâti et la précarité de la population qui y réside [Kanellopoulou 2015]. Ces quartiers deviennent, les dernières années, des destinations alternatives pour les touristes [Fola 2011], attirant des visiteurs mais aussi des athéniens qui cherchent à s’immerger dans la vie du centre. La balade urbaine dans des lieux triviaux, des « coins cachés » du centre historique, émerge comme un moyen pour faire découvrir des récits inconnus et pour faire revivre des quartiers en déclin par les habitants et les commerçants locaux devenant ainsi un bastion contre la touristification du centre.
8Le centre athénien, comme d’autres chercheurs l’ont démontré en partant des cas d’autres centres urbains [Anderson 2004, Middleton 2009, Bairner 2011], présente une haute capacité de renouvellement des loisirs, en offrant de multiples manières de vivre l’expérience de l’espace urbain. Après l’année 2000, en s’appuyant sur cette image attractive du centre historique d’Athènes, des initiatives locales se multiplient et démontrent l’intérêt croissant des athéniens pour se réapproprier des espaces publics centraux. Le groupe Atenistas se crée en 2000 sous l’initiative d’une bande d’amis, d’horizons professionnels divers, désireux de « faire quelque chose pour leur ville ». Comme l’un des fondateurs le pointa : « Nous voulions changer, tout d’abord, notre point de vue et certains imaginaires négatifs que nous formions à propos de certains endroits étant influencés par des rumeurs ou des a priori des médias » [Interviewé 1, fondateur du groupe Atenistas, entretien personnel, juillet 2017].
- 2 Les balades OWA se déroulent dans un quartier ou dans une zone délimitée, choisie en amont selon un (...)
9C’est ainsi en 2013, que le groupe Atenistas commence à organiser une série de balades collectives, les OWA, structurées toujours autour d’un thème et ciblant à chaque fois un quartier spécifique de la municipalité2. Entre 2013 et aujourd’hui, dix balades ouvertes ont eu lieu (tableau II). Les balades sont ouvertes à tous et elles portent sur un thème défini en amont, capable de mobiliser une discussion sur la vie en ville, son histoire, son architecture ou son activité commerciale : « En 2013, un petit groupe d’amis est venu avec cette évidence et folle idée de valoriser et de mieux connaître le centre d’Athènes à travers la marche à pied. Nous avons voulu faire en sorte que les Athéniens s’engagent plus activement dans la vie publique de la ville » [Interviewé 1, co-fondateur du groupe Atenistas, entretien personnel, 2017].
Tableau 2 – Titres et thèmes des marches OWA (Open Walk Athens)
Titre de la marche OWA
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Thème
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Date
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Open Walk 1
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A small stroll around the unknown craft stores of Athens (Petite promenade dans les magasins d’artisanat inconnus d’Athènes)
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19-5-2013
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Open Walk 2
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A unique taste feast in the centre of Athens (Expérience unique de dégustation au centre d’Athènes)
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20-10-2013
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Open Walk 3
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A special celebration of books in the centre of Athens (Une célébration spéciale des livres au centre d’Athènes)
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15-2-2014
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Open Walk 4
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18 small museums of the city centre (18 petits musées du centre-ville)
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2-11-2014 (5,000 participants)
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Open Walk 5
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A trip to unknown Byzantine Athens (Un voyage à Athènes byzantine inconnue)
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24-5-2015 (1,500 participants)
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Open Walk 6
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Invisible Athens (Athènes invisible)
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10-4-2016
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Open Walk 7
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Tastes of Athens (goûts d’Athènes)
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11-12-2016 (3,500 participants)
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Open Walk 8
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Pagkrati neighbourhood (Le quartier de Pagkrati)
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4-3-2017
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Open Walk 9
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Yards and gardens in Athens, Plaka (Cours et jardins à Athènes, Plaka)
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14-5-2017
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Open Walk 10
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Invisible Athens II (Athènes invisible II)
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26-11-2017
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10Les balades collectives deviennent un moyen d’atteindre l’objectif initial qui était celui de mieux connaître certains aspects négligés de la ville : « Ces marches n’étaient pas un objectif dès le départ. Nous avons trouvé ce mode d’interroger la ville parce que nous cherchions un moyen de donner une réponse à une question qui nous préoccupait tous : comment valoriser l’histoire populaire, l’artisanat, les savoir-faire locaux au centre-ville ? » [Interviewé 2, fondateur du groupe Atenistas, entretien personnel, 2017]. La découverte des faces cachées de la ville, fut l’un des objectifs principaux de création des balades OWA : « Nous avons rapidement réalisé que les gens ne pouvaient pas imaginer que, dans le centre-ville il y a encore des nombreux métiers traditionnels qui se trouvent face à la disparition [...]. Ces professions relient les habitants à l’histoire de ville, et font encore partie de son identité » [Interviewé 1, fondateur du groupe Atenistas, entretien personnel, juillet 2017]. Explorer des faces cachées de la ville ou chercher à se familiariser avec certaines réalités méconnues du centre, est devenu au fil des ans la force génératrice des balades et des trajectoires multiples des marcheurs.
11Les objectifs des balades OWA n’étaient pas cependant clairement définis au début, chose qui a permis aux organisateurs de faire évoluer la vision générale des actions année par année : « Au début, il y avait ce besoin de comprendre de manière plus profonde la ville. Je sentais que tout le monde a sa propre histoire à raconter à propos de cette ville et ensuite j’ai réalisé que chaque endroit a aussi sa propre histoire […] Nous voulions rétablir le lien perdu avec le centre-ville et ses habitants et nous avons pensé que nous pourrions faire cela en créant de nouveaux souvenirs et imaginaires sur la ville » [Interviewé 1, fondateur du groupe Atenistas, entretien personnel, juillet 2017].
12Le fonctionnement des marches OWA a aussi évolué au fil des ans. Les balades OWA ont lieu dans des quartiers souvent exposés à la dégradation ou présentés par les médias comme étant « en déclin ». Les organisateurs soulignent que les lieux d’arrêt où des visites sont proposées sont collectivement décidés lors des réunions mensuelles des organisateurs des OWA. L’équipe d’organisation teste – à l’avance – des itinéraires sur le terrain et parle avec les commerçants locaux afin de les inviter à participer aux OWA. Le départ de marches collectives se fait toujours à partir d’un point de rencontre où les organisateurs fournissent aux participants une carte détaillée de la zone de la balade et des lieux d’intérêt proposés pour une visite.
13Chaque participant, seul ou en petit groupe de famille et d’amis, crée son propre itinéraire en choisissant le lieu qu’il souhaite visiter et la trajectoire avec laquelle il préfère effectuer sa balade : « Nous donnons le cadre, nous leur donnons des outils d’exploration et ensuite les gens trouvent leur chemin. Nous ouvrons la porte à des nouveaux lieux, des commerces cachés, des cours intérieures abandonnées. Comment rentrer dans ces lieux et comment marcher au long de la balade dépend de ce que chaque personne cherche à éprouver, découvrir » [Interviewé 2, fondateur du groupe Atenistas, entretien personnel, 2017]. Le jour de l’événement, plusieurs bénévoles se rendent sur place pour la distribution de brochures, l’accueil des participants, la distribution des plans du quartier avec des lieux d’intérêt ouverts aux visiteurs, etc.
Figure 1 – Open Walk Athens 5, « A trip to unknown Byzantine Athens »
Source : Copyright : Atenistas
14L’ambiance familiale, décontractée parmi les participants, ainsi que le ressenti de partage de la même curiosité pour la ville, a conduit au succès des OWA : « Nous n’obligeons personne. Tout le monde offre le temps dont il possède et, de cette façon, tout le monde est pleinement présent et motivé. Les gens rejoignent notre groupe et le quittent tout le temps. Seulement trente d’entre nous suivent les actions OWA depuis le début. Mais cela fait partie de notre histoire. Tout est en mouvement ; parfois en avant et parfois en arrière, ce qui compte est d’être juste en mouvement » [Interviewé 2, fondateur du groupe Atenistas, entretien personnel, 2017]. Le nombre des participants aux balades au cours des trois dernières années (Cf. Tableau 2) fait preuve de l’intérêt croissant pour les journées OWA : « Nous n’avons pas de communication officielle, chose qui assure la spontanéité et le caractère horizontal de nos actions. Les gens sont très habiles à communiquer les uns avec les autres quand il s’agit de quelque chose intéressante ou importante. Nous utilisons Facebook, qui est gratuit et facilement accessible à tous. Tout le monde de la part du groupe ou parmi les amis de Atenistas peut poster et partager une information ; et puis nous utilisons beaucoup nos téléphones portables » [Interviewé 2, co-fondateur du groupe Atenistas, entretien personnel, juillet 2017]. Sans financement de départ et sans expérience préalable en montage des actions citoyennes, Atenistas a dû trouver un modèle de gouvernance adaptatif et un mode opérationnel relativement flexible qui leur permettrait d’improviser sur les actions et la communication des évènements. Dès le début, les OWA ont été largement médiatisés sur les réseaux sociaux et à travers le bouche-à-oreille. Organiser les balades de cette manière, argumentent les fondateurs, permet que l’information circule en temps réel, assure une réactivité en matière d’imprévu et permet aux participants d’intervenir et co-définir le déroulement des balades. Or, malgré une organisation rigoureuse en amont, le jour de la balade, les marches sont développées de manière moins officielle : « Nous avons, bien sûr un point de départ, mais il n’y a pas vraiment une fin, une destination […]. Il y a des gens qui traversent la même rue plus d’une fois, d’autres qui sont perdus et d’autres qui sont perdus délibérément [rires]... après la balade n’est pas la même pour tout le monde. Certains visitent deux endroits et après partent, d’autres restent dans le quartier toute la journée, discutant avec des commerçants, passer du temps sur des lieux d’arrêt. Nous sommes en tout cas les derniers à quitter le terrain, souvent à la recherche d’un café pour discuter sur l’expérience du jour [...] ce qui a mal tourné, ce qui était bien [...] » [Interviewé 1, co-fondateur du groupe Atenistas, entretien personnel, juillet 2017].
15Les balades OWA conservent certaines caractéristiques des visites guidées mais diffèrent considérablement de celles-ci dans leurs objectifs et dans leur mode d’organisation. Les participants ne sont pas considérés ni comme visiteurs, ni comme clients (la participation aux balades est gratuite), mais sont plutôt considérés comme des marcheurs ou des co-marcheurs [Interviewé 3, Participant OWA, entretien personnel, 2017].
16Contrairement aux balades touristiques en groupe, les participants aux OWA ne suivent pas une personne-guide mais forment librement leurs propres itinéraires dans une zone d’action OWA pré-délimitée (annoncée par les organisateurs). Les marcheurs établissent leurs propres stratégies d’itinérance et deviennent potentiellement des guides pour leurs co-marcheurs [Interviewé 5, Participant OWA, entretien personnel, 2017]. A travers les balades OWA, les habitants et les touristes explorent la ville en mettant l’accent sur la dimension émotionnelle et sociale de la marche, examinée au cours des dernières années par d’autres chercheurs [Morris, 2004], et pas seulement sur l’aménagement ou l’image des espaces parcourus.
17Les balades OWA ont été créées et développées ces dernières années autour de six valeurs piliers de leur identité : la diversité, le partage, la découverte, l’interaction, l’exploration et enfin la production à nouveau d’un espace public.
- 3 Le terme « diversité » a été utilisé lors des entretiens tant par les organisateurs que par les par (...)
18La diversité3, d’une part, des âges et des profils sociaux [Interviewé 2, co-fondateur du groupe Atenistas, entretien personnel, juillet 2017] des participants s’est avérée être un facteur clé du succès des OWA.
Figure 2 – Open Walk Athens 7, « Tastes of Athens »
Source : Copyright : Atenistas
19Les profils plutôt hétérogènes de participants [Interviewé 1, fondateur du groupe Atenistas, entretien personnel, 2017] permettent qu’un débat riche se développe autour des questions d’histoire, de politique ou de vie sociale de quartiers. En même temps, la diversité des thématiques orchestrant les balades offre aux participants les clés d’une lecture renouvelée du centre-ville au-delà des sujets couramment abordés par des discours dominants du contexte athénien (institutions, médias, …) et donne aux habitants l’opportunité d’accéder à des paroles et des lieux ‘marginalisés’ et peu ‘visibles’ au quotidien.
Figure 3 – Open Walk Athens 4, « 18 small museums of the city centre »
Source : Copyright : Atenistas
20Une deuxième valeur phare des OWA est celle du partage ; de l’expérience et de la découverte de la ville lors du temps de la balade. Ce partage s’effectue non seulement par la coprésence dans les lieux mais surtout par la parole, le regard, l’échange recherché entre participants, organisateurs, commerçants, passants. Parler en marchant peut, comme d’autres chercheurs le soutiennent [Rosenberg 2012, Aoki & Yoshimizu 2015], conduire à des expériences significatives. Il s’agit d’un partage du lieu mais aussi du moment de la traversée dans la ville : « C’est avant tout un partage d’expérience, il s’agit de partager le temps de cette balade mais aussi de partager l’espace de la rue [...]. Nous cherchons à rendre accessible collectivement ce qui n’est pas facilement accessible par chacun d’entre nous individuellement » [Interviewé 2, co-fondateur du groupe Atenistas, entretien personnel, 2017]. Les personnes qui participent aux balades OWA témoignent chercher cette identité particulière des marches collectives : « Marcher ensemble compte plus que juste visiter certains endroits de la ville » [Interviewé 4, participant OWA, entretien personnel, 2017]. « Nous rions et nous changeons d’avis sur chaque petit détail [...]. C’est frustrant parce que nous ne sommes pas d’accord sur les dates de création de certains lieux, les noms des propriétaires, etc. Ce que j’aime le plus est que tout le monde a ses propres souvenirs et convictions par rapport à ce qu’on voit [...] moi je pensais que je connaissais bien mon quartier mais pas tant que ça finalement » [Interviewé 5, participant OWA, entretien personnel, 2017]. Comme le souligne un des co-fondateurs des OWA : « Ce qu’on fait ici ce n’est pas une visite des lieux mais la création des expériences communes » [Interviewé 2, fondateur du groupe Atenistas, entretien personnel, 2017].
21La découverte est une partie importante des OWA dans toutes leurs étapes : « Nous avons une idée au départ, mais tout est une question de marche. Nous marchons et nous découvrons au fur et à mesure où nous voulons marcher. Nous nous arrêtons quelque part où il n’y a rien à voir, rien en termes d’attraction touristique. Nous visitons des passages abandonnés, de petits magasins d’artisanat oubliés et parfois nous nous sentons comme si on était dans un film [...] vous savez... ces films des années 1950, montrant un centre-ville bruyant et plein de vie » [Interviewé 3, participant OWA, entretien personnel, 2017].
Figure 4 – Open Walk Athens 4, « 18 small museums of the city centre »
Source : Copyright : Atenistas
22Cette oscillation constante entre l’expérience d’une ville visible « attractive » touristiquement et d’une ville invisible « moins attractive » est, comme le soulignent les organisateurs, au cœur même de la valeur du partage ; des images plurielles du centre-ville, des pratiques quotidiennes, des modes de vie en temps de crise : « À un moment donné, nous devons continuer à vivre. Ces dernières années, nous avons réduit tous nos dépenses (restaurants, voyages) [...], mais nous pouvons toujours faire une promenade dans notre ville [...]. Dans ces rues, dans ces lieux, j’ai également rencontré des personnes plus durement touchées par la crise. [...] Nous marchons ensemble nous sentons un certain réconfort, car nous sentons moins seuls face à nos problèmes, moins seuls dans cette ville ». Degen et Rose [2012] montrent que les balades collectives encouragent les gens à expérimenter, de façons différentes, un itinéraire commun. Lors de la balade, le parcours, loin d’être une quête d’expériences invite, à explorer une nouvelle condition spatio-temporelle [Careri 2002], une manière d’être dans l’espace public et de partager celui-ci.
23Marcher avec les autres devient ainsi un moyen de témoigner et de confronter des pratiques, des habitudes, des motivations des habitants de la ville, mettant en lumière, des récits pluriels participant au processus de transformation du paysage urbain et social du centre-ville.
24Les OWA accordent une importance égale aux trajectoires des itinéraires et aux lieux d’arrêt et d’interaction avec l’environnement parcouru, les autres participants, les commerçants, comme dans le cas de l’OWA 1, où les arrêts offraient des opportunités pour une discussion avec des commerçants et des entreprises familiales locales.
Figure 5 – Open Walk Athens 1, « A small stroll around the unknown craft stores of Athens »
Source : Copyright : Atenistas
25Les lieux de ‘visite’ de chaque balade OWA, sont sélectionnés en amont. Marcher dans les quartiers considérés comme étant dangereux ou dégradés offre aux participants l’occasion de se confronter à la diversité des profils sociaux et à des paysages quotidiens de la ville, ainsi que de surpasser des préjugés cultivés pendant les dernières années de crise. En marchant dans des rues du centre-ville, les participants cultivent leur curiosité d’interagir avec des concitoyens d’autres milieux sociaux, d’autres professions, d’autres âges : « Il nous connaît maintenant, nous passons souvent et il nous invite un ouzo. Ce gars a été ici les sept dernières années. Avant, je n’avais pas de raison de lui parler. Pendant une balade OWA, je me suis arrêté et j’ai dit bonjour, j’avais une raison légitime, visiter son café, c’était plus facile, il nous attendait d’une certaine façon, les organisateurs l’avaient informé » [Interviewé 5, participant OWA, entretien personnel, 2017]. En traversant la ville à pied, les participants, traversent et interagissent aussi avec des temps historiques multiples de la ville : « C’est comme un bref cours d’histoire, nous partons de l’ère antique et nous arrivons à la période d’après-guerre à Athènes [...] nous marchons et nous parlons en passant juste à côté des bâtiments en béton, des monuments néoclassiques et des sites antiques » [Interviewé 4, participant OWA, entretien personnel, 2017]. Interagir avec les commerçants locaux renforce aussi un sentiment d’immersion sur place [Interviewé 6, Participant OWA, entretien personnel, 2017]. Raconter des histoires et observer des métiers oubliés ou des lieux abandonnés expose les participants aux récits spatio-temporels très personnels d’autres citoyens et augmente – comme le soutient Yi’en - le développement d’une mémoire collective [Yi’en, 2013] : « Nous nous sommes arrêtés juste devant Mpachar et nous avons rencontré les propriétaires. Nous avons entendu leurs histoires, et nous avons même eu le temps de discuter avec eux et avec d’autres participants de la transformation des bâtiments autour, la crise économique et la délinquance dans les rues adjacentes » [Interviewé 6, Participant OWA, entretien personnel, 2017].
26Marcher ensemble, comme d’autres chercheurs le soulignent [Philipps 2005, Vergunst 2010, Wunderlich 2008], dépasse l’acte de voir ou de sentir la ville. L’espace public, n’est pas considéré comme un espace « enveloppant » la vie publique, mais devient le moyen même d’interroger et de comprendre cette dernière. Marcher en groupe influence l’expérience globale de la marche le jour même de l’action OWA, mais invite surtout à une nouvelle lecture des espaces publics incitant les marcheurs à s’interroger sur les pratiques des lieux centraux, les manières de socialisation etc. Se promener dans le cas des OWA, comme l’un des co-fondateurs de Atenistas le souligne, n’est pas un acte de regarder, mais surtout un acte de comprendre : « Dans le cas des balades OWA, notre objectif est d’inviter les Athéniens à revisiter la ville qu’ils connaissent déjà. Cela signifie visiter la ville d’une manière différente, non seulement pour la voir et l’admirer, mais aussi pour la comprendre et pour apprendre d’elle » [Interviewé 1, fondateur du groupe Atenistas, entretien personnel, juillet 2017]. Les marcheurs des OWA ne se considèrent pas eux-mêmes comme de visiteurs de la ville mais comme des explorateurs ou des acteurs d’un évènement de haute valeur éducative et sociale.
27Enfin, parmi des valeurs fondatrices des OWA, la production par le bas d’un espace public (en tant que sphère d’échange) modelé en temps réel sur le terrain, figure comme la plus éminente. Cette production du public comme lieu d’opportunités d’échange est intrinsèquement liée au choix du terme open (ouvert) dans le titre des OWA. Les organisateurs, les fondateurs et les participants indiquent que le terme open n’est pas seulement lié au fait que les balades sont gratuites et ouvertes à tous mais porte aussi une signification symbolique : « Quand nous parlons de ‘open walks’, nous n’avons pas à l’esprit un public homogène de marcheurs qui vient juste se promener ensemble. Open est un terme-clé de l’identité des balades, un clin d’œil à une société plus ouverte » [Interviewé 2, co-fondateur du groupe Atenistas, entretien personnel, juillet 2017]. En utilisant le terme open, les organisateurs se réfèrent aussi à la liberté des actions et des choix que les participants ont à chaque moment de leur marche. Le public de la rue au moment des OWA se constitue par le mélange des participants avec les passants et les commerçants locaux.
Figure 6 – Open Walk Athens 5, « A trip to unknown Byzantine Athens »
Source : Copyright : Atenistas
28Ainsi, se crée une nouvelle situation en public, qui stimule l’échange et la confrontation à la pluralité de la vie urbaine. Tim Ingold, soulignera la capacité de la marche de donner sens aux lieux et aux réalités non liées en premier regard [Ingold, 2007]. Les balades OWA deviennent un moyen de production d’urbanité en tissant ensemble des récits et des lieux physiquement déconnectés de la ville : « Les gens sont stupéfiés quand ils découvrent ces vieux commerçants et artisans qui existent juste à côté de leurs itinéraires routiniers et qu’ils n’ont jamais aperçus auparavant » [Interviewé 3, Participant OWA, entretien personnel, 2017].
29L’analyse proposée des entretiens réalisés avec les fondateurs, les organisateurs et certains participants et l’étude des OWA a démontré en premier lieu que les balades urbaines collectives peuvent avoir des objectifs et des motivations multiples, sans être forcément liées à une pratique touristique ou à la consommation. En deuxième lieu, la marche à pied dépasse des clivages qui lui sont attribués (marche comme mode de déplacement, marche comme pratique touristique) et fait preuve de son caractère hybride et sa capacité de combiner motivations, rythmes et objectifs (marcher pour le plaisir, marcher pour contribuer à la communauté, …). Les marches collectives peuvent être un moyen de faire face à la crise économique et à la profonde transformation de nombreux quartiers du centre-ville. Face à un centre-ville de plus en plus homogène en termes de fonctions et de paysage morphologique (reconversion des bâtiments et des magasins afin d’accueillir des activités liées à l’industrie du tourisme), les balades collectives OWA, sont un moyen de reconnaître et de préserver la diversité des commerces, des populations locales et des paysages du centre-ville.
30Les OWA font partie d’une nouvelle génération des mouvements citoyens d’engagement social et politique à Athènes. Des initiatives de ce type ont « ramené les Athéniens dans la rue » [Interviewé 1, co-fondateur du groupe Atenistas, entretien personnel, juillet 2017]. Le succès des OWA est dû, comme les organisateurs et les participants le soulignent, au fait que les balades ne sont pas présentées comme une forme d’activisme, mais comme une occasion de sociabilité et d’apprentissage. Plutôt que suivre un itinéraire prédéfini, proposé par des organisateurs, les participants tissent eux-mêmes leurs itinéraires, ils apprennent à regarder à nouveau la trivialité des paysages quotidiens, à s’interroger sur des faits et sur des raisons de phénomènes urbains. La visite de la ville devient aussi un acte de citoyenneté ayant des effets concrets. La contribution des balades au sauvetage économique des petits commerces et des boutiques d’artisanat a été par exemple une conséquence dont l’ampleur n’a pas pu être imaginée au départ. Ce qui a de la valeur au centre-ville, ne relève pas seulement des lieux significatifs (musées, sites archéologiques, espaces verts, etc.), mais aussi des lieux quotidiens, porteurs de souvenirs collectifs et de récits personnels. Via les balades collectives, l’espace public se fabrique en temps réel, à la fois physiquement et socialement. Les balades OWA ont réussi à attirer l’attention des décideurs publics sur des rues et des zones jusqu’à aujourd’hui négligées et à déplacer de cette manière le débat public sur la valeur sociale de certains paysages urbains. L’étude des balades OWA a démontré les marges existantes pour le renouvellement du débat, au sein des politiques liées à l’aménagement des espaces publics, sur le développement touristique du centre-ville et les enjeux de gouvernance horizontale ou de budgétisation participative communautaire.
31L’étude de cas des marches OWA souligne l’émergence des marches collectives en tant que formes hybrides d’action sociale et de pratique de loisir. Toutefois, l’étude présente certaines limites dues à l’échantillon restreint des entretiens et au caractère forcement subjectif des discours recueillis. Un échantillon plus important permettrait donc d’amplifier les conclusions et d’alimenter le débat avec d’autres éléments. Des entretiens avec des commerçants ou des employés touchés par les visites seraient aussi nécessaires pour le développement des recherches sur ce sujet, afin d’éclaircir certains aspects concernant la manière avec laquelle des balades collectives de ce type sont perçues par l’ensemble de la population résidant et travaillant au centre-ville. Les balades OWA mettent en lumière la dimension sociale de la marche et encouragent les participants à explorer davantage les raisons et les manières de marcher en ville tout en proposant des occasions pour une expérience partagée entre habitants et touristes. Si les quartiers des balades OWA, ainsi que la manière d’organisation des balades, changent au fil des ans, l’enjeu primaire des OWA reste inchangeable : encourager des marcheurs urbains à faire face aux différentes manières d’habiter Athènes. Les balades communes deviennent ainsi des occasions d’échange sur des expériences collectives et individuelles des lieux, révélant des discours des résidents parfois marginalisés ou pas aisément accessibles. Ces derniers offrent des éléments pour une lecture ancrée des enjeux de développement économique du centre-ville et rendent possible le réengagement avec le capital social de la ville, les patrimoines immatériels et le nuancement des propos soutenant la dangerosité ou le déclin des quartiers. Les balades offrent enfin la possibilité de s’interroger sur la valeur des lieux urbains, en dehors de leur rentabilité économique ou utilité directe dans le fonctionnement de la ville. Marcher avec les autres, vers la découverte des récits et la quotidienneté des lieux devient ainsi un levier d’activation de l’espace public et une alternative légitime aux modèles traditionnels d’aménagement, capable de stimuler économie et tourisme, tout en encourageant une citoyenneté active.