1L’empire britannique s’est étendu en Asie du Sud dès le xviie, à travers de nombreux comptoirs. Les Anglais ont alors fait de Calcutta la capitale des Indes britanniques. La ville ne perdra ce statut qu’en 1911, au profit de Delhi. Le port de Calcutta a longtemps connu la prospérité, jusqu’à ce que survienne une grave crise économique dans la région, entraînant le port, déjà pénalisé par des problèmes d’ensablement, dans un fulgurant déclin. Les autorités vont tenter d’intervenir à l’aval comme à l’amont du fleuve Hooghly, sur les rives duquel a été édifié le port, avec le dessein de sauver ce dernier et de lui permettre de retrouver son statut prestigieux d’antan.
2Globalement, les ports indiens sont très en retard par rapport à de nombreux ports de la région, notamment ceux du grand rival voisin chinois. Cet écart dans les infrastructures se manifeste au moment des réformes des années 1980, lorsque le gouvernement n’a pas donné la priorité au développement et à la modernisation de ce secteur. Cependant, avec l’ouverture au libéralisme de 1991, le visage de l’économie indienne se transforme progressivement. La privatisation est graduellement introduite dans de nombreux secteurs d’activités, notamment dans le secteur portuaire.
3Les ports indiens conservent toutefois une gouvernance complexe, avec les Major Ports, gérés par l’État central, et les Minor Ports, sous l’autorité des États littoraux où ils sont situés [Charlier 2015]. Cela ne facilite pas l’application des nouvelles réformes de manière homogène dans tous les ports. Certains États, comme celui du Gujarat, sont plus enclins à promouvoir les partenariats publics-privés, alors que l’État du Bengale occidental, gouverné pendant plus de trois décennies par le Parti Communiste Indien, a longtemps fermé la porte à tout investissement privé.
4L’Agenda Maritime 2010-2020 propose des feuilles de route à l’intention des Major Ports Trusts et souligne l’importance de la présence du secteur privé, fournisseur du capital financier nécessaire à la conduite des projets portuaires. Cet Agenda révèle que les ports s’engagent alors dans une trajectoire de plus en plus commerciale, avec une amorce de la corporatisation dans les Major Ports. Les projets de développement pour le port Calcutta témoignent d’une inscription de celui-ci dans cette trajectoire.
5De nombreux efforts sont réalisés en faveur de l’essor de la conteneurisation dans ce port, nécessaire pour stimuler les échanges et le flux des marchandises dans la région. Au début de l’année 2015, Narendra Modi, le Premier Ministre de l’Inde, a présenté un projet concernant les ports. Celui-ci, intitulé Blue Revolution témoigne de la volonté du gouvernement indien de faire une priorité du développement des ports du pays, afin de soutenir les échanges et la croissance économique. Le port de Calcutta serait alors intégré à cette « Révolution bleue » à travers le « projet de Sagarmala », qui permettrait à ce port de reconquérir et d’étendre son arrière-pays grâce à la mise en place d’une chaîne de transport multimodal cohérente, permettant de répondre aux attentes des ports modernes en termes de productivité et d’efficacité.
6Calcutta se situe dans le delta du Gange, à l’est de la plaine indo-gangétique, vaste plaine alluviale modelée par les grands fleuves descendus de l’Himalaya et leurs affluents. Les affluents principaux du Gange sont la Yamuna et le Brahmapoutre. Cette plaine, qui s’étend sur environ un million de km2, est le berceau d’une très ancienne civilisation et compte parmi les espaces dans lesquels les densités de population sont les plus élevées au monde. « C’est là que sont localisés le cœur démographique et le centre de gravité politique de l’Union indienne » [Heuzé 2010].
7Dès le xviie siècle, les Britanniques déployèrent un certain nombre de comptoirs en Asie du Sud, qui sont devenus de grandes métropoles portuaires. Calcutta est dans ce cas [Tan 2007]. La ville fut fondée en 1690, lorsque l’Anglais Job Charnock accosta en ce lieu qui était à cette époque une vaste étendue de marécages parsemée de petits villages de pêcheurs. Il s’ensuivit l’édification du Fort William par la Compagnie des Indes orientales, assorti d’un port sur l’Hooghly, un des bras occidentaux du delta du Gange. Selon l’étude d’Emmanuel Eliot [2003] qui porte sur les grandes métropoles portuaires d’Asie du Sud, le fort « a été le point de départ à partir duquel l’urbanisation s’est diffusée ». En effet, de nombreux Européens avaient déjà jeté l’ancre le long du fleuve. À quelques dizaines de kilomètres au nord de Calcutta, ils avaient créé des comptoirs sur l’Hooghly, comme Chandernagor, Serampore, etc... Les Anglais décidèrent d’édifier leur comptoir sur la rive opposée, à l’est de l’Hooghly.
8C’est après avoir minutieusement arpenté et étudié le cours de l’Hooghly que Job Charnock fit le choix de s’installer à Calcutta. Auparavant, il avait établi plusieurs autres comptoirs, dont Quasimbazar qu’il délaissa pour Calabria, au sud de Howrah, pour en définitive porter son choix sur le site de Sutanati, un peu plus au sud de Hijli. Á cette époque, le paramètre décisif, qui justifiait une telle décision, fut celui de la nécessité de construire un port accessible aussi bien par voie maritime que par voie terrestre. Sutanuti correspondait à ces exigences tout en se présentant comme un lieu sécurisé pour l’accueil des navires de l’époque. Ce site proposait des conditions de mouillage excellentes et permettait l’accostage quotidiennement de centaines de navires.
9Ce port fait partie de « ces ports qui créèrent des villes » [Chaline & Malta 1994] et Calcutta est devenue une ville qui s’est aujourd’hui hissée au rang de mégapole dans un pays émergent d’Asie. Devenue la capitale du Bengale occidental après l’Indépendance de l’Inde, sa population s’élève aujourd’hui à environ 14 millions d’habitants. Les villes de Calcutta et de Howrah forment l’agglomération qui a absorbé une centaine de villes et villages sur une bande linéaire d’environ 60 km le long des deux rives de l’Hooghly.
10L’analyse de l’organisation spatiale permet un décryptage de l’histoire de la ville. Le centre est composé d’un espace vacant, le jardin du Maidan, où a été édifié le Fort William [Durand-Dastès 1995]. Le sud et l’est du Maidan sont accaparés par les quartiers résidentiels aisés, ainsi que par le quartier administratif. Celui des affaires trouve sa place au nord du Maidan. Le centre est ceinturé de plusieurs quartiers très hétérogènes (grands ensembles, habitations précaires, bustees) [Cadène 2008]. Enfin, des quartiers industriels sont disséminés le long de la voie ferrée.
11La ville de Howrah, quant à elle, est située sur la rive droite du fleuve, et son essor trouve son origine dans la présence de la gare. Elle rassemble plusieurs localités industrielles et de nombreux quartiers très pauvres. De nos jours, l’agglomération de Calcutta doit faire face à de graves problèmes : une saturation des transports, la pollution, une circulation chaotique, une surpopulation, des infrastructures insuffisantes et déficientes, etc
12L’essor de Calcutta, en tant que ville portuaire, a débuté dès lors que le statut de capitale des Indes britanniques lui fut accordé, avec la création du siège de la Compagnie des Indes orientales en 1773. Ce changement historique mettait en lumière combien la ville de Calcutta était devenue « le pur produit d’un processus économique et politique imposé de l’extérieur de l’Inde » [Racine 1986]. Dans le domaine commercial, la Compagnie avait obtenu de nombreux succès, parmi lesquels l’amélioration de la circulation des marchandises dans le Bengale [Morineau 1994]. Cependant, après avoir construit un véritable État en Inde, qu’on désignait par le terme anglo-indien de « Raj » [Boivin 2001], la Compagnie des Indes orientales finit par perdre le monopole du commerce avec l’Inde qui lui avait été accordé par la couronne britannique et fut dissoute en 1874.
13Les progrès considérables dans le secteur des communications, tels que les chemins de fer, les bateaux à vapeur, les canaux, les télégraphes, etc., allaient bouleverser la géographie de l’Inde. Avec l’ouverture du Canal de Suez en 1869, le trajet entre l’Angleterre et l’Inde fut réduit de 6 400 km. Ce nouveau passage maritime transforma l’ensemble du modèle mis en place par la Compagnie, dans lequel Calcutta « jouissait d’une bonne situation stratégique, favorisant aussi bien le commerce avec l’Extrême-Orient et l’Australie que la maîtrise des échanges dans les bassins du Gange et du Brahmapoutre » [Racine 1986].
14Rapidement, l’attention du gouvernement colonial s’est portée sur ses ports, et ce dernier a montré un vif intérêt à investir dans les infrastructures de ce secteur. Malgré la vétusté des équipements du port de Calcutta, l’essor de son commerce était tel, qu’un remaniement de son administration fut engagé par la création d’un Trust, aussi bien pour le port que pour la ville de Calcutta, dans le but d’assurer la gestion de l’ensemble des travaux [Mukherjee 1968]. Le Trust avait pour fonction la représentation des intérêts commerciaux et halieutiques, ainsi que ceux des responsables municipaux et du gouvernement. Le gouvernement appuya la création d’un Trust distinct pour le port de Calcutta, et de ce fait, la constitution d’un organe permanent pour son administration. C’est ainsi que fut institué le 17 octobre 1870, le Calcutta Port Trust (aujourd’hui Kolkata Port Trust), le Port Trust pionnier en Inde.
15Le développement du port de Calcutta s’est fait selon un processus de glissement des infrastructures portuaires modernes vers l’aval de l’Hooghly, qui s’inscrit dans le modèle Anyport de Bird [1963]. Ce phénomène a permis le déploiement du port et sa prospérité. Nilmani Mukherjee [1968], dans son ouvrage The Port of Calcutta, appréhende cinq étapes dans le développement du port correspondant à ce modèle. Au cours de la première phase, les navires sont au mouillage durant plusieurs mois pour le chargement et le déchargement des marchandises à l’aide de petites embarcations. Dans la seconde moitié du xixe siècle, pour limiter les pertes conséquentes des cargaisons dues aux vols au moment des opérations de manutention, et afin de permettre la manœuvre de marchandises plus volumineuses, de nouvelles jetées sont construites, à l’aval du fleuve, introduisant une seconde phase du développement portuaire. L’apparition des bateaux à vapeur, pour répondre aux besoins de l’augmentation du trafic, accompagnée par la création de Kidderpore Dock en 1880, consacrait la troisième étape. La quatrième phase fut entamée entre les deux guerres mondiales, au moment de la Grande dépression, avec la construction de King George’s Dock. La fin de la Seconde guerre mondiale et l’Indépendance en 1947 marquèrent un bouleversement pour le port et la ville. En effet, les autorités portuaires lancèrent un programme coûteux et de grande envergure, qui visait la reconstruction du port. En outre, elles s’efforcèrent d’apporter une réponse au problème chronique de navigabilité du fleuve. Cette cinquième étape fut marquée par une crise qui conduisit le gouvernement à lancer le Premier Plan quinquennal, en 1951, incluant des ouvrages majeurs pour le développement du port.
16À partir des années 1960, les médiocres conditions d’accessibilité nautique aux infrastructures portuaires, dues à l’ensablement du fleuve, commençaient à mettre à mal le fonctionnement du port. Ce dernier n’était plus en mesure de faire face à l’accroissement du trafic ainsi qu’à l’accueil des navires de plus en plus imposants par leur taille, et requérant des tirants d’eau toujours plus considérables. Avec l’objectif de sauver Calcutta du déclin, le gouvernement indien a alors œuvré sur plusieurs niveaux.
17Le comptoir colonial se trouvait sur un site jugé excellent pour l’époque. Toutefois, après le succès qui le conduit à devenir le premier port de la plus grande puissance coloniale de l’époque, Calcutta devait affronter une très grave crise. Son trafic a subitement chuté de 11 Mt en 1964-1965 à 7,6 Mt en 1977-1978.
18Évidemment, le retrait des administrations coloniales et de la bourgeoisie britannique de négociants et d’entrepreneurs après l’Indépendance est un facteur important de cette période de crise [Cadène 2008]. En outre, du fait de la partition, la ville doit gérer une grave crise humanitaire avec l’arrivée d’une vague massive de réfugiés, événement inhérent à la partition. Suite à la partition de 1947, qui le prive d’une partie de son arrière-pays, la ville se situe du « mauvais côté » du fleuve [Landy 2002], isolée des terres fertiles sur lesquelles se faisait la production du jute et qui avaient contribué à faire la prospérité du port. Par la suite, la crise des industries lourdes des années 1960 aggrave la situation en entraînant l’arrière-pays national dans une sévère dépression. De plus, une stagnation économique, de violentes contestations sociales et une instabilité politique vont jalonner cette période. C’est ainsi que Calcutta devient « la capitale-problème d’une région-problème » [Racine 1986].
19Calcutta devient alors une métropole hypertrophiée confrontée à de nombreuses difficultés sociales, ainsi qu’à l’insalubrité avec, entre autres, la proximité des marécages et des eaux stagnantes. De plus, le gouvernement communiste qui dirige l’État du Bengale occidental subit l’influence de milieux économiques dont les intérêts ne vont pas dans le sens du développement de la ville et de son port. Ce gouvernement est par ailleurs convaincu d’être victime d’une injustice de la part de New Delhi en raison de son statut de parti d’opposition, qui expliquerait un déficit d’investissements fédéraux dans son État. Mais le déclin est aussi imputé à l’émergence de nouveaux pôles industriels, en premier lieu Bombay.
20Pour tenter de remédier au problème du faible débit de l’Hooghly, le gouvernement s’est lancé dans l’édification d’un barrage sur le Gange à Farakka (cf. carte, Figure 1), qui se trouve à l’amont du port et à 20 km du Pakistan oriental, aujourd’hui devenu le Bangladesh.
Figure 1 – Les principales infrastructures de transport du Bengale occidental
Sources: National Highways Authority of India www.nhai.org; Inland Waterways Authority of India http://iwai.nic.in; Indian Railways http://www.indianrail.gov.in
21Les travaux ont débuté en 1960 pour s’achever en 1975, sans qu’il n’y ait eu de concertation avec le Pakistan oriental [Begum 1987]. Le gouvernement indien avait pour objectif, grâce à cet ouvrage, d’alimenter le débit de l’Hooghly en détournant le cours du Gange à cet endroit, de manière à augmenter le tirant d’eau nécessaire au fonctionnement du port de Calcutta, tout en permettant au Pakistan oriental de bénéficier d’un minimum de 80 % des eaux du Gange au cours de la saison sèche. Les attentes furent satisfaites, néanmoins le débit de l’Hooghly continuait de diminuer. Sous la contrainte, le gouvernement indien a été conduit à minimiser la quantité d’eau vers l’Hooghly, sans qu’une telle décision soit satisfaisante pour les deux pays.
22Une mesure supplémentaire a été prise, par le gouvernement indien à la fin des années 1970, avec la construction d’un avant-port à Haldia (Haldia Dock Complex). Ce site, où le tirant d’eau est plus important, est localisé en aval du fleuve Hooghly, à environ 120 km au sud de Calcutta. De plus, c’est en ce lieu-même que la première raffinerie du pays fut implantée en 1968. Le port de Haldia, qui fut mis en service en 1977, était aussi le premier du pays doté d’un terminal à conteneurs. La construction d’un dock en eau profonde a enfin facilité la réception d’un certain nombre de marchandises comme le charbon, les engrais, le ciment et les minerais.
23À l’heure actuelle, l’ensablement du fleuve demeure un obstacle majeur au bon fonctionnement du port, car le dragage génère des coûts très élevés. C’est pourquoi, pour tenter de sortir de cette difficulté, l’autorité portuaire, Kolkata Port Trust, a lancé en 2002 un plan d’édification concernant un troisième port en eau plus profonde à Sagar Island, située à 47 km au sud de Haldia, à l’embouchure du Gange.
24Au moment de l’Indépendance, le gouvernement a mis la priorité sur le développement du secteur agricole et des unités de production industrielle, au détriment des infrastructures qui se sont fatalement détériorées. Il fallut attendre la crise économique de 1979 pour que le gouvernement prenne la mesure de la fonction fondamentale des infrastructures dans l’économie indienne. Ce fut un tournant dans l’histoire économique du pays car plusieurs réformes ont été engagées qui permirent l’introduction de l’investissement privé dans l’économie indienne.
25Sous la pression de la libéralisation de l’économie, le gouvernement indien a convenu de l’urgence d’une rapide modernisation de son secteur portuaire et d’un développement accru de nouvelles infrastructures qui permettraient à ce dernier de se hisser à la hauteur des exigences actuelles du transport maritime international tout en répondant aux besoins liés à la généralisation de la conteneurisation dans les ports du monde.
26Contrairement à l’État du Gujarat, qui a largement promu les partenariats public-privé, dans un contexte de libéralisation et d’ouverture économique, en faveur de l’essor des Minor Ports qui sont sous la juridiction des État maritimes dans lesquels ils se trouvent, l’État du Bengale occidental a fait le choix d’une stratégie singulière. Le gouvernement communiste qui dirige l’État bengali entre 1977 et 2011 est en effet peu favorable à la promotion des investissements privés dans son secteur portuaire. D’ailleurs, le port de Kupli, unique Minor Port mis en se service sur les côtes de cet État, n’est toujours pas fonctionnel. Les négociations pour la modernisation de ce port, entamées en 2006 entre le gouvernement de l’État bengali et l’opérateur émirati DP World, se poursuivent toujours. Or, l’absence d’un Conseil maritime fait défaut à la bonne tenue de ces négociations alors que les termes du contrat peinent à être précisés. En outre, le gouvernement central projette de créer un Major Port supplémentaire sur l’île de Sagar Island qui, d’un point de vue nautique, offre plusieurs avantages, dont celui d’un important tirant d’eau (10 mètres à 12 mètres après dragage). Ce projet rencontre toutefois l’opposition de l’autorité portuaire de Calcutta, le Kolkata Port Trust, qui lui est fermement défavorable, car elle envisage d’agrandir le port de la mégapole sur ce même site de Sagar Island et appréhende l’arrivée d’un éventuel port rival avec la création d’un nouveau Major Port.
27En plus du projet de Sagar Island, Kolkata Port Trust envisage d’optimiser l’accessibilité nautique des navires jusqu’au port par l’aménagement du chenal de l’Eden. Ce projet serait réalisé à travers le déploiement d’infrastructures portuaires supplémentaires dans le village de Salukkhali (sur la rive droite du fleuve, à proximité de Haldia), où le tirant d’eau moyen est de neuf mètres. Baptisé, Haldia Dock-II, ce nouveau projet comprend la construction de quatre ou cinq jetées destinées à la manutention des produits en vrac et connectées à Haldia Dock Complex par voie terrestre, chemin de fer et transport fluvial. Enfin, un projet complémentaire est également à l’étude pour la création d’un terminal à conteneurs à Diamond Harbour, à une cinquantaine de kilomètres de Calcutta, à proximité de la zone économique spéciale de Falta (cf. Carte).
28Le Major Port de Calcutta a la particularité d’être l’unique port d’estuaire composé d’un double complexe portuaire : Kolkata Dock System, qui est le port historique, et Haldia Dock Complex, situé à l’aval du fleuve, à plus de 100 km de la mégapole. Kolkata Dock System, dont le tirant d’eau est de seulement six mètres, se compose de Kidderpore Dock (KPD) avec dix-huit postes à quais, six bouées d’amarrage et trois cales sèches, de Netaji Subhas Dock (NSD), avec dix postes à quais, deux bouées d’amarrage et deux cales sèches, de Budge Budge, avec six quais pétroliers. Enfin, plusieurs mouillages sont répartis entre Diamond Harbour, Sagar Road et Sandheads. Haldia Dock Complex, doté d’un tirant d’eau d’environ neuf mètres, comporte quinze postes à quais et trois appontements pétroliers.
29En 2013, avec un trafic d’environ 39 Mt, le port occupe le rang de 93ème port mondial. Son trafic est ensuite passé à 41 Mt en 2014 et à 46 Mt en 2015, composé essentiellement de conteneurs (22 %), de charbon (16 %), de produits carburants et lubrifiants (13 %) et de marchandises diverses (42 %) (cf. Fig. 2).
30Aujourd’hui, le port de Calcutta n’est toujours pas en mesure de réceptionner les navires les plus modernes qui requièrent un tirant d’eau important, car en dépit des investissements considérables dans le dragage, le problème de l’ensablement du fleuve Hooghly continue d’être préjudiciable à son fonctionnement. C’est la raison pour laquelle, Kolkata Port Trust a soumis au gouvernement central le projet du nouveau port satellite à Sagar Island qui pourrait accueillir 64 Mt et qui serait développé sous sa responsabilité, mais selon le modèle d’un partenariat public-privé.
31La segmentation étant « assurément un mot-clé expliquant l’Inde » [Landy 2007], l’éclatement du port de Calcutta en deux entités spatialement distinctes a conduit à une division de sa gouvernance portuaire. Kolkata Dock System et Haldia Dock Complex disposent d’un tronc commun, le Port Trust, cependant la segmentation spatiale du port de Calcutta est assortie d’une segmentation au niveau horizontal de la structure portuaire.
32Avec une autorité portuaire commune, les deux ports sont soumis à la même gouvernance. Néanmoins, les acteurs publics et privés diffèrent d’une entité à l’autre, avec une ouverture inégale à la privatisation. Les réformes d’envergure annoncées par le gouvernement central dans l’Agenda maritime 2010-2020 sont fondées sur une synthèse des Business Plans élaborés par chaque Port Trust indien et destinés à la Commission au plan. Chaque plan définit une vision à long terme des objectifs à atteindre pour le Port Trust ainsi que les stratégies identifiées qui pourraient être engagées afin de satisfaire les ambitions portuaires.
33Chaque autorité portuaire y recommande un plan d’action détaillé qui vise à l’élaboration de la stratégie vers laquelle elle envisage de s’orienter et indique les sources potentielles de financements des investissements proposés. L’État central a recours aux Business Plans en tant que bases légitimes à l’institutionnalisation d’un processus annuel de planification destinée à l’étude, à l’actualisation et à la modification des projets portuaires envisagés sur une période décennale. La mise en œuvre d’un Business Plan dépend du succès de son financement grâce à la participation du secteur privé, combinée aux ressources financières internes du Port Trust. Pour cela, les consultants internationaux sont invités à soumettre leurs propositions de planification des activités portuaires.
34Dans le cas du port de Calcutta, la gouvernance se complexifie avec la présence des deux entités portuaires dont la nature du trafic et les besoins en investissements diffèrent. En tant que Major Port, le port est sous la tutelle du gouvernement central à travers le Ministère du transport maritime qui siège à Delhi, à plus de 1 000 km de Calcutta. Cette centralisation de l’organe administratif et décisionnel peut s’avérer une entrave au développement du Major Port, car l’éclatement spatial peut rendre difficilement intelligible le caractère stratégique d’une double planification.
35Conformément à la logique d’ouverture à la libéralisation économique, le gouvernement indien a commencé la privatisation de son secteur portuaire avec le Major Port de Jawaharlal Nehru, où Nhava Sheva International Container Terminal (NSICT), premier terminal à conteneurs indien de gestion privée (P&O Ports, Australia) est mis service en 1999. Le succès de NSICT est tel qu’il a conforté le gouvernement indien dans son choix de promouvoir la privatisation dans les ports du pays, notamment dans les terminaux à conteneurs. Le port de Calcutta illustre précisément ce choix. ABG Kolkata Container Terminal Pvt. Ltd. est une joint-venture entre ABG Infralogistics Limited (société indienne spécialisée dans les terminaux et les services portuaires) et PSA International (l’opérateur portuaire global basé à Singapour). En revanche, si les investissements directs étrangers sont autorisés à hauteur de 100 %, il n’en demeure pas moins que, pour le port de Calcutta, les autorités semblent favoriser les intérêts des partenaires indiens. ABG Infralogistics Limited détient 51 % des parts de l’unique terminal à conteneurs de KDS, dont les opérations ont débuté en 2004, et PSA International a fait l’acquisition, en 2008, des 49 % restantes. La société singapourienne détient également 11,8 % des parts d’ABG Infralogistics Limited.
36Des chercheurs [Panagariya 2008] et de nombreux rapports d’experts [ex. I-maritime 2003] promeuvent la disparition des Port Trusts pour la corporatisation des Major Ports. Ces mêmes experts désapprouvent le défaut d’une approche commerciale des Port Trusts [Sundar 1998] qui expliquerait le retard du secteur portuaire indien par rapport au standard mondial. Une fois corporatisés, les Major Ports seront libres de définir eux-mêmes leurs tarifs, au même titre que les Minor Ports. Le Major Port d’Ennore (Ennore Port Ltd.) qui est un exemple de succès dans le secteur portuaire, illustre les atouts de la corporatisation. Celle-ci implique le transfert de la fonction et des activités du secteur public vers une société entièrement détenue par le gouvernement, alors que la privatisation se définit comme le transfert des fonctions et des activités du secteur public vers le secteur privé. L’objectif majeur de la corporatisation des ports est de permettre au gouvernement de conserver la propriété d’un port ayant acquis le statut d’entreprise publique, tout en œuvrant plus efficacement dans le secteur portuaire, conformément à certains principes qui ont contribué au succès du secteur privé. Le projet d’étendre le modèle de la corporatisation d’Ennore Port Ltd. à l’ensemble des Major Ports du pays avait déjà été envisagé dans le National Maritime Development Programme (2005-2010), avant d’être repris dans l’Agenda Maritime 2010-2020. Le changement présenté dans cet agenda, du statut des Major Ports en ports corporatisés, vise avant tout à offrir à ces ports une indépendance financière, ainsi qu’une autonomie de gestion. En effet, les fonds générés par l’activité des terminaux sont susceptibles d’être mis à disposition au profit de la réalisation de nouveaux projets de développement portuaire, permettant au port corporatisé de s’affranchir de tout budget alloué par l’État. Aujourd’hui, les Major Ports et la TAMP, l’autorité régulatrice de ces ports, ont l’obligation de partager avec le gouvernement central les revenus engendrés. Selon ces experts, le changement de statut de ces ports devrait leur permettre une plus grande transparence, davantage de flexibilité dans leur fonctionnement et de bénéficier d’un pouvoir décisionnel plus rapide.
37L’Agenda Maritime 2010-2020 définit donc les ambitions du gouvernement central pour le développement des Major Ports. Le ministère du Transport Maritime y met l’accent sur le rôle avantageux de la participation du secteur privé dans le secteur portuaire indien, avec un investissement prévu de 100 milliards de dollars, et ce au cœur d’une économie planifiée. Dans le cadre de la conversion annoncée de tous les Major Ports à la corporatisation, Haldia Dock Complex fait partie des prochains ports qui devraient acquérir le statut de port corporatisé. La corporatisation est appréhendée comme une réponse au déficit d’autonomie qui fait défaut aux Port Trusts.
38Le développement de la conteneurisation est également un critère majeur à prendre en compte dans l’analyse des dynamiques portuaires. Ce phénomène est essentiel pour la définition des pays maritimes émergents, tels que l’Inde, la Chine ou le Brésil. Elle est, en quelque sorte, la forme concrète de la globalisation dans les ports, l’« épine dorsale de la mondialisation » [Frémont 2005], devenue une activité cruciale de la vitalité des ports. Le trafic général des conteneurs dans les ports indiens connaît une croissance, inégale certes, avec un premier bilan encourageant dans l’Agenda Maritime 2010-2020. Les projections pour les Major Ports sont de 19,58 M EVP pour 2016-2017 et de 22,39 M EVP pour 2019-2020. Toutefois, la conduite du projet d’extension des infrastructures est freinée par le retard de plusieurs centaines de projets d’une valeur de plusieurs milliards de dollars, et aggravée par le retrait d’investissements institutionnels qui ont conduit à un surcoût financier.
39Le projet d’un nouveau port satellite, à Sagar Island, au sud de Haldia, qui pourrait accueillir 64 Mt et devrait être opérationnel en 2019, représente un espoir de redynamiser le port de Calcutta, pour faire face à l’émergence des ports concurrents de la région, aux pressions qui s’exercent sur le port par l’augmentation générale du trafic, par le basculement des échanges, par la conteneurisation et par les besoins d’infrastructures adaptées à la réception des navires modernes. Après l’examen de nombreuses propositions et d’études de faisabilité, le projet est resté en suspens jusqu’en 2009, où un nouvel appel d’offre fut lancé pour favoriser le partenariat public-privé. Or, depuis 2011, des désaccords persistent sur la viabilité d’un troisième port localisé à Sagar. Kolkata Port Trust a révisé tous ses plans, tant pour le futur emplacement que pour le tirant d’eau optimal destiné à l’accueil des navires. En outre, l’ensemble du projet suscite la controverse de la part des autorités chargées de la protection de l’environnement. Sagar Island est la plus grande île de l’archipel dans le delta du Gange et se situe près de la région des Sundarbans, réserve protégée et classée patrimoine mondial de l’Unesco.
40Au début de l’année 2015, le gouvernement central a donné son approbation « de principe » pour l’élaboration du projet de Sagarmala. Il s’agit d’un projet de développement sur la base de partenariats public-privé qui vise à connecter toutes les villes portuaires entre elles, avec une mise en valeur du potentiel de l’espace côtier.
41Les projets de Sagarmala, dont la base est l’usage du port, sont nombreux : spécialisation des ports pour certaines activités comme les conteneurs, les produits chimiques…, urbanisation, industrialisation, tourisme transport des voies fluviales et pêche côtière, construction, réparation et recyclage des navires, parcs logistiques et entrepôts, plateformes de forages offshores, projets offshores pour le développement des énergies renouvelables, etc.
42Il s’agit là d’un enjeu d’envergure régionale, mais également nationale. À travers ce projet, les autorités indiennes entendent développer l’économie de la région côtière, avant tout par le transport multimodal. Dans le cas du port de Calcutta, un projet de connexion intermodale entre Sagar Island et Kakdwip (cf. carte) par le biais d’un tunnel long de 3,5 km, est à l’étude, dans le but de stimuler les échanges entre le port, son avant-pays et son-arrière pays.
43Si la conteneurisation a révolutionné le transport maritime, elle a également eu un impact sur l’ensemble de la chaîne logistique des transports. Le trafic conteneurisé (12 % de la flotte mondiale des navires de commerce) est caractérisé par sa grande valeur marchande (approximativement 50 % du commerce mondial), et par l’intermodalité qu’il engendre à terre [Ducruet 2011]. La diversification du trafic des marchandises à forte valeur (produits manufacturés, etc.) a conduit au développement de systèmes logistiques plus ou moins complexes selon les ports.
44Calcutta est à la fois une mégapole, le port principal pour un très vaste arrière-pays qui s’étend au-delà du simple rayonnement urbain, et un hub de concentration et de redistribution des flux de marchandises vers les pays voisins (Népal, Bhoutan, Tibet). Avec l’accroissement de la conteneurisation, les flux de transit avec l’arrière-pays ont augmenté, ce qui donne lieu à la conduite de projets d’infrastructures (ex. routiers, fluviaux) pour accélérer la vitesse des déplacements et stimuler les échanges entre les centres économiques de ce pays émergent à forte croissance.
45L’arrière-pays de Calcutta est un espace qui s’étend sur 780 000 km2, bien davantage si on prend en compte le Népal, le Tibet et le Bhoutan. Il est doté de nombreux atouts et concentre l’un des plus importants foyers démographiques de la planète. Cet arrière-pays est pourvu d’un potentiel économique considérable, tout particulièrement l’immense étendue alluviale que drainent le Gange et le Brahmapoutre, sur laquelle se trouvent les terres les plus fertiles du pays, dont le plus vaste ensemble de terres rizicoles. Outre les ressources agricoles, l’arrière-pays de Calcutta bénéficie des plantations de thé, à l’exemple de Darjeeling, dans l’État de l’Assam, du charbon et de la sidérurgie, dans les bassins de la Damodar.
46Dans le cas de cet État de l’est de l’Inde, le gouvernement a décidé de développer des corridors qui devraient à terme s’appuyer sur des axes routiers modernes, un réseau ferroviaire dense et un réseau fluvial actuellement en expansion. Le gouvernement central vient d’approuver le plan qui vise à développer 106 nouvelles voies navigables, qui viendraient compléter les six voies navigables nationales existantes dans le pays, gérées par l’Inland Waterways Authority of India (IWAI). Le Bengale occidental est connecté à deux de ces six voies, d’une part à la plus longue (1 620 km), la National Waterway-1 qui relie Haldia à Allahabad grâce au Gange, à la Bhagirathi et à l’Hooghly, et d’autre part, à la National Waterway-5 (623 km) qui relie Talcher au port de Dhamra, par un tronçon de 91 km de voie navigable entre Geonkhali et Nasirabad.
47Pour couvrir les besoins commerciaux de la mégapole bengalie, et pour répondre à de nouveaux désirs de consommation d’une population de plus en plus nombreuse, au sein de laquelle la classe moyenne ne cesse de croître, les autorités de l’État du Bengale occidental opèrent, après un long et grave déclin, une sorte de reconquête de l’arrière-pays. En effet, la fluidité de circulation des marchandises ne peut se faire sans un réseau cohérent en infrastructures, et le port en tant que carrefour, doit être intégré à une chaîne logistique qui comprend des places de groupages et de dégroupage des frets.
48Dans le but de relever ce défi, des réformes d’envergure ont été lancées à la faveur du secteur portuaire. Les ports et les 650 km de côtes du Bengale occidental sont aujourd’hui connectés au Quadrilatère doré, avec d’une part Kolkata Dock System qui est directement relié aux 1 453 km de l’autoroute NH-2 et d’autre part Haldia Dock Complex, qui est raccordé à ce quadrilatère par l’autoroute NH-41 (cf. Carte). Ce réseau permet également aux ports d’être connectés aux États du nord-est, dont le sous-sol est très riche, notamment en hydrocarbures, par l’axe autoroutier du Corridor Est-Ouest qui croise le Quadrilatère doré.
49Les autorités indiennes ont également promu le développement des ports secs, c’est-à-dire les ICDs (Inland Container Depot) où les formalités concernant les marchandises conteneurisées peuvent être intégralement finalisées, et les CFSs (Container Freight Station) qui permettent l’accélération des importations et des exportations des petites marchandises consignées, et dont le volume ne permet pas de remplir un conteneur. Ces ports secs se présentent comme des composants intégraux de la chaîne logistique des transports, « en vue d’articuler au mieux les flux de trafics et les opérateurs » [Ng & Tongzon 2010]. Les ICDs sont généralement situés à l’intérieur des terres, loin des villes portuaires, alors que les CDSs sont plutôt localisés à proximité des ports, et permettent de décongestionner ces derniers avec le passage des marchandises par les douanes. Ils ont, parmi leurs principales fonctions, celles de réceptionner et de redistribuer les frets, de faciliter les opérations douanières et les opérations du transport multimodal connecté aux ports ainsi que, d’offrir des entrepôts temporaires pour les marchandises et les conteneurs, assurer la maintenance et la réparation de ces derniers, etc.
50Les ports secs publics sont gérés par l’entreprise publique CONCOR (Container Corporation of India Ltd.), placée sous l’autorité du ministère du Chemin de fer. Dans l’Est du pays, l’antenne régionale de CONCOR a été créée en 1991, avec son siège à Calcutta, et une juridiction qui s’étend au Bengale occidental, à l’Orissa, au Bihar, au Jharkhand, partiellement à Chhattisgarh, et aux États du nord-est. Actuellement, CONCOR opère dans huit ports secs de la région Est, dont celui de Durgapur (ICD Durgapur), le premier parmi les ports secs privés, situé dans le Bengale occidental, à environ à 170 km au nord-ouest de Calcutta, et connecté au port de la mégapole par la NH-2. ICD Durgapur a été inauguré en 2006, sur 4,8 hectares, dans le but de décongestionner les ports de la région. Il est doté d’une capacité d’accueil mensuelle de 5 000 conteneurs. Néanmoins, une contrainte pèse sur le trafic des conteneurs autour de Durgapur qui est très dense, car les infrastructures routières actuelles ne permettent pas de soutenir le développement du port. Le problème est d’autant plus crucial que le gouvernement bengali a imposé des restrictions concernant le poids des camions qui transportent des conteneurs, ce qui ne facilite guère la fluidité des marchandises entre le port de Calcutta et son arrière-pays
51Le port de Calcutta a connu un long âge d’or, porté par un arrière-pays très riche. Poussé par l’augmentation de la densité de population dans la ville et son agglomération, et l’accroissement de l’ensablement du fleuve Hooghly, le port s’est progressivement agrandi en glissant vers l’aval du fleuve. Il a néanmoins connu un rapide déclin à la suite de l’Indépendance et des conséquences de la Partition. Àpartir des années 1960, le gouvernement a pris un certain nombre de mesures pour tenter d’enrayer cette chute. Néanmoins, ces mesures n’ont pas suffi et le changement n’est intervenu que dans les années 1990 lorsque le gouvernement indien n’a pas eu d’autres alternatives que de répondre aux injonctions des institutions internationales pour sortir le pays de la crise en 1991 et de se lancer dans d’importantes réformes. Ces dernières vont alors se succéder, conformément aux décisions des autorités indiennes traduites dans les plans quinquennaux.
52Le paradoxe de cette ouverture au libéralisme, accompagnée d’un mouvement de privatisation, est que les ports dits « Majeurs », gérés par Delhi, ont progressé bien plus lentement que les ports dits « Mineurs » dépendant des États fédérés. Ceux-ci ont toutefois connu des évolutions différentes selon les États dans lesquels ils se situent, la structure fédérale ne permettant pas une application homogène des réformes. Enfin, la gouvernance bi-scalaire des ports indiens ne facilite pas la coopération entre les deux types de ports situés dans le même État, mais serait plutôt propice à engendrer un contexte dans lequel ne cessent de redoubler les conflits d’intérêts. Dans le cas de l’État du Bengale occidental, le gouvernement communiste au pouvoir pendant 34 ans fut hostile au libéralisme et donc à toute introduction de capitaux privés dans ses ports. En conséquence, les infrastructures portuaires dans cet État n’ont pas cessé de se délabrer et nécessitent un besoin urgent de modernisation pour pouvoir rattraper leur retard par rapport à d’autres ports du pays, ou même de la région.
53Le projet de corporatisation du port de Haldia, ainsi que celui de Sagarmala, inclus dans le projet plus général de la « Blue Revolution », présenté en 2015 par le premier Ministre Narendra Modi, sont révélateurs de la dynamique dans laquelle le gouvernement indien souhaite dorénavant inscrire l’ensemble des ports du pays. Les mesures annoncées dans l’Agenda Maritime 2010-2020 attestent de la trajectoire commerciale vers laquelle les autorités ont choisi de diriger les ports, et dans laquelle les partenariats public-privé sont de plus en plus favorisés.
54L’ensemble des nouveaux projets pour le port de Calcutta vise également à redynamiser l’économie de son arrière-pays, longtemps délaissé. Or, malgré des efforts de modernisation, le port reste dans la course à la conteneurisation. En dépit d’un réseau national autoroutier rénové, d’un réseau de chemin de fer très dense, de la connexion à deux voies fluviales nationales, et d’une volonté des autorités de multiplier les ports secs, le port de Calcutta n’a toujours pas rattrapé son retard. En revanche, les réformes portuaires sont engagées avec des projets de grande envergure, en dépit de son éloignement spatial des grandes lignes maritimes, le port de Calcutta occupe malgré tout une position stratégique dont il peut tirer davantage profit.