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Le Groupe Dupont,45 ans de recherches sur les systèmes territoriaux 

Groupe Dupont, 45 years of research on territorial systems
Jean-Pierre Marchand
p. 337-347

Résumés

Le groupe Dupont s’est formé en réaction à une géographie néo-vidalienne. Ses premières recherches sont en géographie quantitative. Puis l’analyse systémique permet une approche du concept du territoire, de son fonctionnement et sa structuration, du rôle du temps dans sa systémogénèse et son autoreproduction et débouche sur une vision globale de la géographie.

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Texte intégral

« Tous nos outils de pensée ne sont jamais que des cas particuliers de ce que sauront concevoir nos petits enfants » C.-P. Péguy (2001)

1Les années post soixante-huit sont marquées pour une minorité de géographes par une réaction contre le paradigme néo-vidalien et peut-être plus encore contre la pesanteur mandarinale. La découverte de l’analyse spatiale anglo-saxonne, les colloques de géographie quantitative de Besançon, les stages d’analyse de données du CNRS, la création de « L’Espace géographique » par R. Brunet en sont, parmi d’autres, l’illustration. Comme « Espace–temps », le groupe Dupont naît dans ce contexte en 1972 [Vigouroux 1978, Chamussy 2015]. Au départ, groupe d’autoformation aux techniques statistiques appliquées à la géographie, il va élargir ses champs d’activités à des réflexions théoriques et épistémologiques, dont les colloques bisannuels « Géopoint » seront les marqueurs scientifiques amenant à des réflexions théoriques sur le thème choisi, non sans discussions internes. C’est cette rencontre entre « la théorie générale des systèmes » [Lemoigne 1977] et un terme polysémique, le territoire, devenu un concept de la géographie via cette théorie qui est abordée ici.

2Si ce paradigme est accepté par l’ensemble du Groupe, il ne faut pas croire à une « pensée unique ». Les motivations sont diverses : F. Auriac cherche à concilier marxisme et système [Auriac 1982], Pour F. Durand-Dastès, la question quasiment consubstantielle à la géographie est « pourquoi ici et pas ailleurs » [Durand-Dastès 1984], et il s’interroge sur le rôle du temps dans l’organisation de l’espace en abordant la systémogénèse des territoires. L’évolution des territoires amène à préciser également le rôle de la résilience des systèmes territoriaux ce qui implique que soient traités simultanément temps longs et temps courts.

3M. Le Berre, déçue par la géographie régionale néo vidalienne, inscrit l’espace dans le paradigme systémique [Le Berre 1980] : le territoire devient pour elle une application de la théorie des systèmes à la géographie et elle formalise la rétroaction du territoire sur les agents. Quant à l’auteur de ces lignes, il cherchait au départ à travers le système territorial à faire cesser le hiatus entre nature et société.

4La position de J.-P.Ferrier et son cycle sur les modernités montrent une démarche originale à l’intérieur du groupe [Ferrier 1982, 2003]. Sans éluder la notion de système, il propose une vision culturelle du territoire, à trois niveaux (vie quotidienne, régional et monde) formant un « espace à métrique topographique » opposé à un espace aréolaire en réseau. Il y voit un agencement de ressources matérielles capable de structurer l’existence d’un individu ou d’un collectif social et de les informer en retour sur leur propre identité. Pour lui, le territoire n’est qu’une étape qui doit déboucher sur la territorialité.

1. De la géographie quantitative à une conception sytémique du territoire

5Les débuts de Dupont, sa phase « analyse de données », amènent des articles utilisant AFC, ACP, CAH, Nuées dynamiques, qui paraissent dans de nouvelles revues (Espace géographique, Brouillons Dupont, Informatique et Sciences humaines, Analyse spatiale, etc) ou dans des plus classiques [Groupe Dupont 1975]. La thèse d’A. Dauphiné (1974) sur les pluies méditerranéennes est pionnière dans ce domaine. Le travail d’apprentissage et de transfert est illustré par le « Chadule » [Chadule 1974] qui témoigne d’un travail énorme d’apprentissage et de pédagogie de la part des auteurs. Il est le premier manuel de statistique dédié à la géographie depuis celui de Ch.-P. Péguy [Péguy 1948] et avant ceux de L. Sanders (1990) et de P. Dumolard et al (2003), tous membres du groupe.

6L’analyse de données amènera Dupont, à se poser des questions sur la rigueur des raisonnements, sur une nouvelle logique dans la structuration de l’espace, sur la notion de modèle et de résidus [Durand Dastès 1974], forçant à repenser la géographie et ses représentations. Ils voudront très vite aller au-delà.

7Et là, intervient la culture philosophique de la majorité des Duponts. Ces interrogations débouchent en effet sur une recherche d’une autre épistémologie, sur d’autres approches théoriques (avec des impasses comme rechercher des axiomes… Peut-être les thèmes des premiers Géopoints furent-ils un peu ambitieux…).

8Dans le BD n° 1 (1977), « Espace que de brouillons… » [Chamussy & al. 1977] est le premier « manifeste » théorique issu du groupe. Ils définissent la géographie comme « une science qui étudie un espace organisé et utilisé par une société » Sans que le terme « territoire » apparaisse – ils emploient le terme « espace » –, c’est bien d’une définition géographique du « territoire » qu’il s’agit, et parmi les outils proposés, la systémique est privilégiée avec la géographie quantitative. Parmi ces nouvelles approches, l’analyse de système allait devenir un nouveau paradigme suffisamment adapté à la géographie pour redonner un sens au terme territoire devenu par trop polysémique (et qui malheureusement le reste …). Et quasi simultanément cette recherche fut développée à Grenoble, Nice, Montpellier, mais aussi à Paris, Rouen, Rennes. Elle fut aussi un outil de réflexion sur le territoire via une modélisation formelle selon des graphes sagittaux (les petites flèches !). Plus qu’un outil chez certains Duponts (M. Le Berre, H. Chamussy.), la systémique est devenue un système de pensée beaucoup plus général permettant de cerner, au-delà de la géographie, la complexité du monde.

9Le système territorial est ainsi devenu l’ADN de l’analyse spatiale des « Duponts », mais toujours avec un regard épistémologique, dans une conception de la géographie qui prend l’approche systémique comme base conceptuelle de la réflexion théorique sur les territoires en utilisant l’analyse de données comme outil de différentions spatiales. Dans leurs thèses, F. Auriac (1979) utilise des ACP et applique la démarche systémique au vignoble languedocien dans un cadre marxiste, et J.-P. Marchand (1983) utilise AFC, nuées dynamiques et analyse de système pour étudier les relations pluie-société en Irlande.

10La thèse de Maryvonne Le Berre, « De l’induction à la modélisation systémique » [Le Berre 1987], traduit ce cheminement qui va d’une désillusion vis à vis de la géographie régionale à la modélisation systémique comme application (1984) de la théorie générale des systèmes à la modélisation systémique des territoires.

11Dupont a d’abord suivi une démarche qualitative, les interactions étant représentées par des « petites flèches » : leur compréhension est intuitive et permet une complexification croissante en s’appliquant aussi bien aux agents qu’au lieux et illustrée par l’exemple pédagogique de F. Durand-Dastès [Durand-Dastès 1982] sur « les montagnes vieilles et jeunes » d’après un dessin de Reiser qui permet de passer de modèles localisés à un modèle général des loisirs. Leur valeur heuristique en fait un préalable à toute formalisation plus complexe que ce soit sous forme de flux ou de stocks [Le Berre 1987]. Leur intérêt pédagogique est évident comme le montre l’explication systémique de la mousson par F. Durand-Dastès [Durand-Dastès 1979]. Elle permet le dialogue entre chercheurs de disciplines diverses et a une valeur explicative en géohistoire [Grataloup 1996] ou en géographie historique [Marchand 1983]. Mais elle ne donne pas de valeur aux flèches et rend mal compte de scénarios prospectifs.

12Des chercheurs d’autres disciplines, J-L Lemoigne, B. Paulré, F. Reichenman entre autres, ont fortement influencé le Groupe, que ce soit via la théorie du système général et par les possibilités offertes par la modélisation mathématique. Cette dernière permet, outre la compréhension du fonctionnement, de tester des scénarios et a donc une valeur plus opérationnelle. Elle permet également de complexifier progressivement comme le montrent le modèle AMORAL [Chamussy & al. 1984] utilisant les travaux de Forrester pour décrire le fonctionnement d’une vallée des Alpes du sud et les scénarios possibles de son avenir. Mais le modèle AMORAL est a-spatial et ne rend pas compte de la disparités des lieux.

13Utilisant des techniques parallèles, A. Dauphiné, de son côté, a appliqué la théorie des systèmes complexes, englobant l’analyse systémique, à la gestion des risques [Dauphiné 2001]. Considérer le territoire comme un système complexe suppose qu’il a un comportement « global » résultant d’un jeu d’interactions entre ses parties et les agents qui participent à son fonctionnement. Ces différents paramètres doivent lui permettre de s’organiser autour d’un point d’équilibre et d’assurer son autoreproduction [Durand-Dastès 2010]. F. Auriac et F. Durand-Dastès (1982) l’ont bien montré pour le vignoble languedocien et le modèle du ghetto afro-américain.

14Les problèmes à résoudre selon M. Le Berre sont ceux de la complexité spatiale, de l’homogénéité/hétérogénéité des territoires et des interactions entre leurs fonctionnements d’une part et leurs structurations d’autre part [Le Berre 1984, 1991]. Elle a théorisé [Le Berre 1984] cette dualité en montrant que « Pour assurer ses fonctions vitales tout groupe social s’approprie et façonne une portion plus ou moins étendue de la surface terrestre et, ce faisant, il aménage un espace X qui devient son territoire T…. et qui réagit sur les agents qui l’ont façonné ». Il existe donc deux systèmes entre les agents et entre lieux qui sont dialectiquement liés. Selon ce « théorème » J-P Marchand a juxtaposé les systèmes entre lieux et entre agents du territoire Irlandais qui, avec la modélisation graphique, forment une chaîne d’anamorphoses [Marchand 1996].

15De façon générale, l’analyse systémique a été plus utilisée pour le fonctionnement des territoires, alors que l’analyse de données l’a plus été pour leurs structurations [Chadule 1975] tout en utilisant les travaux de R. Brunet sur les chorèmes [Brunet 1980, 1986], les discontinuités [Brunet 1969] et les champs [Brunet 1980] ainsi ceux d’A. Reynaud [Reynaud 1981] sur les organisations centre-périphérie.

16Le groupe va être impliqué fortement dans les activités de RECLUS à travers l’Atlas de France et la Géographie Universelle. Trois Duponts seront directeurs de volume, une dizaine d’autres y participeront (Mondes nouveaux, Europe du Nord, Europe du sud, Mondes indiens). C’est sans compter sur les nombreux articles, livres et communications dans des colloques internationaux en particulier celui bisannuel de l’ « European Colloquium on Theoretical and Quantitative Geography ».

2. Le temps modifie incessamment l’espace (E. Reclus 1905)

17Selon C. Grataloup, « l’histoire est un personnage géographique de première grandeur » [Grataloup 1990]. Pour lui les territoires peuvent avoir eu plusieurs fonctions : par exemple le Japon [Grataloup 1996] a été successivement marge, puis lieu protégé et enfin un pôle actif du « territoire monde ». Il montre [Durand-Dastès 2010] « comment des séquences types, favorisées par des positions par rapport à des ensembles naturels ou géopolitique » sont dotées d’une certaine permanence ».

18Si le territoire est un système complexe, il n’est pas qu’un présent, il a aussi un passé et un avenir. Se poser la question, c’est se poser celle des rapports du temps aux territoires, et donc ceux entre la géographie et l’histoire. Les temporalités de F. Braudel [Braudel 1949], le temps linéaire sont inadaptés aux émergences, aux multiples facettes du passé des territoires. Les vitesses différenciées, l’accélération, la prise en considération des temps multiples régissant le passé d’un territoire font que l’histoire, au sens traditionnel du terme, apparaît comme n’étant plus adaptée à une géographe moderne raisonnant en terme de système. C’est le but des « modernités successives » de J.-P. Ferrier [Ferrier 1989].

19L’évolution des territoires amène à préciser le rôle du temps et de la résilience des systèmes territoriaux, ce qui implique que soient traités simultanément temps longs et temps courts. Posant la question « pourquoi là et pas ailleurs ? », F. Durand-Dastès a montré la nécessité de s’interroger sur la systémogénèse de territoires. Le modèle à l’équilibre du « ghetto noir » [Auriac & Durand Dastès 1981] est précédé d’un autre système, dynamique, montrant la mise en place de ces ghettos dans les États-Unis de la fin du XIXème siècle. Avec le système « pundjabi » [Durand-Dastès 1995, 2010] il va plus loin et oppose le temps intrasystémique de l’autoreproduction, aux temps intersystémiques qui prévalent lors de la systémogénèse avec les phases lentes de la formation du seuil Indo-Gangétique, celles des changements climatiques amenant un climat sec et la phase plus rapide à l’échelle séculaire de l’urbanisation qui amènent l’existence d’un front pionnier, toutes expliquant la résilience du territoire « pundjabi » et son organisation actuelle.

20J-P. Marchand a étudié la systémolyse du territoire irlandais lors de « La grande famine irlandaise (1845-1852) [Marchand 1983]. Celle-ci est due à la stabilité sociale du landlorisme colonial, face à une succession d’étés humides causant la perte des pommes de terre entraînant la famine, alors que les mauvaises qualités des moissons réduisaient le numéraire. Le fonctionnement du système territorial en est suffisamment perturbé pour entraîner mortalité et exil. Ce modèle « aléas – vulnérabilité » entre agents entraîne une systémogénèse spatiale modifiant profondément l’Irlande et qui perdure encore aujourd’hui.

3. Le territoire pour réduire les « craquements de la géographie »

21En 1969, André Meynier s’inquiétait du « temps des craquements » d’une géographie jadis « unitaire », du moins en façade [Meynier 1969]. La coupure devenait de plus en plus nette entre les géographies physique et humaine, théoriquement en synthèse dans la géographie régionale, ce que dénonçait R. Brunet [Brunet 1972]. Mais cette opposition« trouve son origine dans une confusion entre les différences existant entre processus naturels d’une part et processus socio-économiques d’autre part…. Les séparer radicalement serait oublier qu’elles ont au moins deux traits communs que sont le temps et l’espace : le temps, dès lors que l’on parle d’évolution, de transformation, de dynamique et qui suppose variation et variabilité, l’espace parce que toutes ont des localisations, des répartitions, de l’anisotropie et des niveaux scalaires imbriqués » [Marchand 1996].

22Fortement influencé par les apports théoriques de R.Brunet, F. Durand-Dastès, et M. Le Berre, je fais l’hypothèse que les agents naturels et sociétaux sont sur le même plan conceptuel [Marchand 1980, 1986]. Dans le cadre d’un paradigme systémique, il ressort, si on accepte cette hypothèse, qu’un système territorial peut être assimilé à un jeu de contraintes positives ou négatives en interactions, Ainsi le politique, les temporalités, le social, les mentalités, l’économique, le physique et le naturel créent des contraintes, des agents diront certains en référence aux systèmes « multi-agents », et organisent les territoires qui rétroagissent sur les contraintes. C’est cette formalisation des systèmes territoriaux qui autorise à mettre sur le même plan conceptuel les contraintes physiques et naturelles d’une part et celles qui relèvent d’approches socioéconomiques d’autre part. [Marchand 1986, 1996].

23Dans ces conditions, tous ces contraintes (ou agents) sont à mettre sur le même plan conceptuel à l’intérieur d’un même système. Aucune n’est à priori prépondérante mais elles peuvent l’être, aucune n’est négligeable, mais parfois cela arrive. Chacune représente une part de l’explication d’un territoire, un pourcentage de variance allant de 0 %+ ε à 100 %- ε. Mais quelle que soit sa spécialité, le géographe ne doit pas oublier que toutes les autres ont un rôle à jouer dans le couple fonctionnement/structuration.

Figure 1 – Les relations entre territoires de niveaux scalaires différents

Figure 1 – Les relations entre territoires de niveaux scalaires différents

Source : JPM, RL

24On peut représenter à la suite de Maryvonne Le Berre [Le Berre 1984], les relations entre territoires de niveaux scalaires différents par le schéma théorique de la figure 1 [Marchand 2003, 2010] : quel que soit un territoire (Ai), il a un fonctionnement qui peut être représenté par un système entre agents traduisant une certaine stabilité spatio-temporelle. Mais ce territoire n’est pas homogène car le fonctionnement ainsi créé a introduit des différenciations spatiales et donc des territoires Ai et Bi qui, quels que soient leurs niveaux scalaires ont leurs propres fonctionnements (Fa, Fb), ce qui induit de nouveaux territoires à des niveaux scalaires inférieurs et ainsi de suite jusqu’aux niveaux les plus petits. On a ainsi une gamme de territoires emboîtés (Ai, Bi) en interactions réciproques entre eux, ayant leurs propres fonctionnements (FAi, FBi) qui sont eux-mêmes en interactions. Ainsi ces divers fonctionnements créent de la cohésion et les structures de niveau supérieurs et inférieurs participent au fonctionnement des territoires quelle qu’en soit l’échelle.

25Ce schéma permet donc de rendre compte de plusieurs concepts de la géographie : les échelles et l’autocorrélation spatiale, la structuration (et donc la forme), les interactions entre fonctionnement des différents territoires. Ce modèle théorique hiérarchisé de l’organisation territoriale montre bien qu’il y a une prise en compte simultanée de différents niveaux scalaires, que cette « échelle mobile » prend en compte tous les emboîtements de l’espace terrestre (et au-delà puisque le soleil est une entrée d’énergie primordiale), depuis le système monde jusqu’aux niveaux d’échelle les plus fins. La limite inférieure, pour moi, est, celle où cessent les interactions entre les territoires pour ne laisser que les liens entre individus, à la différence de ce que propose J.-P. Ferrier. L’espace devient ainsi bien différencié (Dumolard 1981). Il montre aussi que les « interactions entre territoires » qui ne sont pas obligatoirement sur le même niveau scalaire forment également un système géré par le fonctionnement des territoires de niveaux inférieurs et supérieurs. Dans le même ordre d’idée, le modèle montre l’existence des systèmes entre agents et contraintes gérés par les territoires concernés qui forment leur « environnement ».

26Ainsi, à chaque niveau scalaire, ce fonctionnement est structuré par les configurations spatiales qui l’entourent, qu’elles soient sur le même niveau scalaire ou à des niveaux différents. À un niveau donné, on peut entrer dans le système territorial aussi bien par les configurations que par les agents. Réciproquement les organisations spatiales sont, à leur tour, gérées par le jeu des acteurs des niveaux scalaires englobants. Le modèle tel qu’il apparaît sur la figure 1 permet de s’abstraire du principe « du renversement de l’ordre des facteurs », l’hypothèse de base de la géographie sociale théorisée par R. Rochefort : « ce qui est premier en géographie sociale, c’est la société et non l’espace. Ce sont les mécanismes, les processus sociaux et sociétaux, le jeu des acteurs publics ou privés de toutes espèces. Si l’on ne cherche pas la société au départ, on ne la trouve pas à l’arrivée [...]. Le moteur, la clé, c’est la société. L’espace est toujours second et si l’on commence par lui, on risque de ne pas comprendre » [Rochefort 1984]. Le modèle tel qu’il est décrit plus haut réduit donc fortement l’argumentaire de R. Rochefort qui lui-même a été nuancé par G. Di Méo [Di Méo 1998] assez proche en cela de J.-P. Ferrier.

Conclusion

27Pendant plus de 40 ans le groupe Dupont a développé une réflexion théorique sur les territoires en adoptant un paradigme fondé sur un jeu d’interactions, mais toujours avec un regard épistémologique, dans une conception de la géographie qui prend l’approche systémique comme base conceptuelle. Ce fut une belle aventure scientifique mais aussi amicale, clôturée à chaque réunion par un hymne au « qualitatif » au « Vieux moulin », à Velleron, puis à « la Fourchette » et enfin au « Caveau du théâtre ». Et en hommage à H. Chamussy et M. Vigouroux, crions pour que le pont d’Avignon (mais pas le groupe !) reste une exception…

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Table des illustrations

Titre Figure 1 – Les relations entre territoires de niveaux scalaires différents
Crédits Source : JPM, RL
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Référence papier

Jean-Pierre Marchand, « Le Groupe Dupont,45 ans de recherches sur les systèmes territoriaux  »Bulletin de l’association de géographes français, 95-3 | 2018, 337-347.

Référence électronique

Jean-Pierre Marchand, « Le Groupe Dupont,45 ans de recherches sur les systèmes territoriaux  »Bulletin de l’association de géographes français [En ligne], 95-3 | 2018, mis en ligne le 14 décembre 2019, consulté le 10 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/bagf/3529 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/bagf.3529

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Auteur

Jean-Pierre Marchand

Professeur émérite à l’université de Rennes 2, Groupe Dupont – Courriel : jpmarchand42[at]gmail.com

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Droits d’auteur

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés), sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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