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Le « patrimoine du quotidien », enjeu renouvelé pour les urbanistes européens

« Everyday’s heritage », a renewed challenge for European planners
Anna Geppert et Emmanuelle Lorenzi
p. 170-185

Résumés

La sensibilité au patrimoine s’est développée dans nos sociétés. En conséquence, les dispositifs de protection et de mise en valeur du patrimoine se sont multipliés. Après avoir visé la protection stricte d’ensembles urbains remarquables, nous sommes passés à des dispositifs de mise en valeur de tissus urbains plus modestes, témoins d’un passé et d’une identité locale. Travailler ce patrimoine du quotidien appelle une transformation des méthodes de l’urbanisme. Le présent article montre la complémentarité des dispositifs de protection français et prend appui sur le cas troyen pour illustrer leur mise en œuvre. Il montre ensuite les questions que cette patrimonialisation de l’urbanisme pose aux villes européennes.

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Texte intégral

Introduction

1Les urbanistes des Trente Glorieuses pensaient construire un monde nouveau. Les quartiers anciens apparaissaient comme des pièces obsolètes du tissu urbain où seuls quelques monuments de grande valeur méritaient une protection, par ailleurs imposée par la législation. Depuis les années 1980, le paradigme s’est inversé et la valeur patrimoniale d’ensembles plus modestes, témoins de la vie quotidienne, est reconnue. Quartiers industriels, voire quartiers du modernisme fonctionnaliste, sont désormais l’objet de politiques de mise en valeur. Cette notion s’associe à la « revitalisation urbaine » et suscite des espoirs de développement économique.

2Pour autant, à l’issue de trente années de patrimonialisation, des interrogations subsistent. D’une part, les opérations elles-mêmes ont souvent recours à des méthodes d’intervention standardisées où la relation à l’identité des lieux se limite souvent à des pastiches architecturaux plus ou moins réussis. D’autre part, les sites importants, comme les anciennes manufactures, sont plus faciles à traiter que les tissus urbains complexes qui les environnent. Enfin, on maîtrise mal les effets induits de ces opérations : le succès économique n’est pas toujours au rendez-vous, tandis que des processus de gentrification remettent en cause l’équilibre des quartiers. Ces difficultés sont-elles liées aux outils mis en œuvre ?

3Le présent article procède en trois temps. Nous verrons comment l’élargissement progressif de la notion de patrimoine conduit à protéger des périmètres de plus en plus larges, par des dispositifs de plus en plus souples. Puis, à partir d’une présentation détaillée du cas troyen, nous verrons comment ces dispositifs de protection et de mise en valeur sont mis en œuvre et mobilisés au service d’une stratégie de communication territoriale. Enfin, élargissant notre propos à une échelle européenne, nous nous interrogerons sur les enjeux communs aux pays européens signataires de la convention européenne du paysage de 2000.

1. Le patrimoine, de la protection par l’État à la mise en valeur par l’urbanisme

4En France, comme dans d’autres pays d’Europe, le goût pour les monuments historiques se développe au xixe siècle, dans la foulée du romantisme. Leur conservation est confiée à une administration d’État créée à cet effet [Choay 2007]. Il s’agit dans un premier temps de protéger des biens considérés comme exceptionnels, objets d’art, monuments, puis sites naturels. Progressivement, la notion de patrimoine s’élargit pour englober des éléments plus modestes qui, sans être exceptionnels, représentent une culture et une identité locale. C’est ce petit patrimoine, matériel et immatériel, naturel et culturel, que nous appelons ici le patrimoine du quotidien.

5Cet élargissement de la notion de patrimoine entraîne des conséquences. D’une part, il n’est ni possible ni souhaitable d’appliquer à l’ensemble de ce patrimoine du quotidien des pratiques conservatoires qui avaient été conçues pour un petit nombre d’éléments exceptionnels : nous passons d’une protection-conservation à un ensemble de dispositifs gradués de mise en valeur du patrimoine. D’autre part, les espaces concernés par les différents dispositifs de protection s’étendent, passant progressivement du monument au quartier. Par conséquent, le rôle de l’urbaniste change : la protection-conservation lui est imposée. A l’inverse, il participe activement à la mise en valeur du patrimoine du quotidien (Fig.1).

1.1. Un élargissement des dispositifs de protection permet à l’État de protéger d’abord des monuments, puis des ensembles urbains de grande valeur patrimoniale

6À la faveur des travaux d’inventaire de Mérimée et des entreprises de restauration de Viollet-le-Duc, l’idée de conserver le patrimoine chemine tout au long du XIXe siècle. Les premiers biens, classés en 1840, font partie du domaine public. En 1887, la loi fixe les procédures et les critères du classement qui protège les « monuments et objets d’art ayant un intérêt historique et artistique », qu’ils soient publics ou privés. Les biens classés font partie du patrimoine de la nation, ce qui justifie la contrainte imposée au propriétaire du bien de le conserver dans l’état. Une fiscalité allégée compense partiellement les charges financières que ce dispositif fait peser sur les propriétaires privés. En 1930, les sites naturels peuvent également être classés. Tout au long des xixe et xxe siècles, la procédure de classement est exercée à l’initiative et sous le contrôle de l’État. Elle inclut progressivement des biens de différents styles et époques.

7En 1943, afin de préserver l’harmonie visuelle entre le monument et son environnement urbain, un périmètre de protection est instauré dans un cercle d’un rayon de 500 mètres autour des monuments classés. Il couvre la plus grande partie des centres historiques des villes françaises et instaure des prescriptions souvent très strictes [Planchet 2009].

8En 1962, une nouvelle étape est franchie avec la loi Malraux qui permet de protéger un quartier pour son « caractère historique, esthétique ou de nature à justifier la conservation, la restauration et la mise en valeur de tout ou partie d’un ensemble d’immeubles bâtis ou non ». Cette protection reste aux mains de l’État. Elle se traduit par la création d’un secteur sauvegardé, dans lequel toute opération d’urbanisme requiert l’accord de l’Architecte des Bâtiments de France (ABF), représentant de l’État : le lien entre protection du patrimoine et aménagement urbain est désormais instauré [Jegouzo 1986].

9Un Plan de Sauvegarde et de Mise en Valeur (PSMV) peut y être élaboré. Véritable document d’urbanisme, il institue des règles de constructibilité adaptées aux caractéristiques des bâtiments et des espaces non bâtis à l’échelle de la parcelle. Une fois arrêté, le PSMV se substitue au document d’urbanisme réglementaire, aujourd’hui Plan Local d’Urbanisme (PLU), sur l’ensemble du périmètre pour lequel il a été élaboré. Il contient, outre les dispositions concernant la protection du patrimoine, toute prescription qui s’impose aux demandeurs d’autorisations de construire. Il associe deux dimensions : la protection, pour les monuments, et la mise en valeur, c’est-à-dire un ensemble de règles plus souples, pour les autres parties du secteur sauvegardé. Ces dispositions s’avèrent parfois moins contraignantes que celles qui résulteraient de l’application d’un simple périmètre de protection [Lebreton 2012].

Figure 1 – L’évolution des dispositifs de protection en France et l’approche du patrimoine

Figure 1 – L’évolution des dispositifs de protection en France et l’approche du patrimoine

Source A. Geppert, 2013

10À la même époque, en dehors des périmètres protégés, l’urbanisme n’est guère protecteur des tissus anciens. Les pouvoirs publics doivent accueillir rapidement la croissance démographique des baby-boomers et le flux de nouveaux habitants issus de l’exode rural. Les urbanistes, marqués par les préceptes modernistes de la Charte d’Athènes [Le Corbusier 1933], voient dans la ville traditionnelle le vestige inutile d’un passé révolu. Dans ce contexte, à moins de présenter une valeur exceptionnelle, les tissus anciens ne méritent pas d’être regardés comme patrimoine. Dans les années 1960, le terme « rénovation » désigne des opérations de démolition-reconstruction qui font table rase de quartiers entiers, certes en mauvais état, mais chargés d’histoire et porteurs d’identité [Choay 2009].

1.2. La protection et la mise en valeur du patrimoine du quotidien fait intervenir les collectivités territoriales

11Les années 1980 sont marquées par une remise en cause profonde de l’urbanisme fonctionnaliste. Le mal-vivre des grands ensembles atteints de "sarcellite" est critiqué. On l’attribue à des raisons fonctionnelles, le manque d’animation et d’emplois dans les cités‑dortoirs, et à des raisons proprement urbanistiques : la forme urbaine serait hors d’échelle, entraînant une perte de repères et un sentiment d’aliénation des individus. Cette critique n’est propre, ni à la France, ni à l’Europe. À Brasilia, concrétisation par excellence de l’urbanisme moderniste du xxe siècle, l’anthropologue James Holston effectue un diagnostic similaire, parlant de « brasiliose » [Holston 1989]. La critique du modernisme s’accompagne d’une redécouverte des vertus de la ville traditionnelle. Face à la crise de l’urbain, le retour au patrimoine présente des vertus apaisantes et rassurantes [Choay 1992].

12À mesure que le désir de patrimoine se développe dans la société, nous passons du remarquable au représentatif. Ce sont désormais des quartiers entiers de ville « ordinaire » qui sont potentiellement concernés. Le changement d’échelle entraîne un changement de méthode. Travaillant sur des ensembles urbains larges et nombreux, il convient de doser les contraintes afin de préserver leur atmosphère sans les muséifier ni les geler dans leur développement. La protection du patrimoine rencontre le travail ordinaire de l’urbaniste.

13D’autre part, le jeu d’acteurs n’est pas le même. Ce patrimoine du quotidien, n’a pas lieu d’être défini de manière normative, à partir de critères d’expert. Il ne représente plus l’intérêt de l’État, mais de la société locale qui s’y reconnaît et lui accorde une valeur. En France, un nouveau dispositif est créé au lendemain de la décentralisation, en 1983, la Zone de Protection du Patrimoine Architectural et Urbain (ZPPAU). Les élus locaux y occupent une place importante. L’initiative de la démarche leur revient, et l’élaboration du dispositif est effectuée en partenariat avec l’État. L’ABF conserve un rôle, mais sa position s’apparente de facto davantage à celle d’un conseiller. Sur le plan juridique, le plan élaboré ne se substitue pas au document d’urbanisme, il le complète. C’est une servitude d’utilité publique, intégrée aux annexes du Plan Local d’Urbanisme (PLU) et qui s’impose à lui. Cela présente l’avantage de la souplesse – le document n’a besoin de contenir que les dispositions relatives au patrimoine et peut être élaboré ou modifié à tout moment.

14Derrière les choix des élus se profile la volonté de valoriser une histoire et une identité locales, voire de donner des lettres de noblesse à des quartiers populaires, comme le marché aux puces à Saint-Ouen. L’exemple d’Épernay est éloquent. La ville se développe au xixe siècle, après l’implantation d’une gare sur la ligne Paris-Strasbourg. Hormis une prestigieuse Avenue de Champagne, la ville ne dispose pas d’un centre historique remarquable. La ZPPAUP a été arrêtée en 2003, sous l’impulsion du maire Franck Leroy. Interrogé sur ses motivations, il nous a confié qu’il souhaitait « donner aux Sparnaciens la fierté de leur territoire ».

15En 1993, la dimension paysagère est ajoutée aux Zones de Protection du Patrimoine Architectural, Urbain et Paysager (ZPPAUP). Dans le Calvados, la petite commune d’Amblie institue une ZPPAUP avec un volet paysager très développé, s’attachant à protéger son paysage bocager. En Ile-de-France, Suresnes protège ainsi les perspectives visuelles créées par son relief en gradins le long de la vallée de la Seine. Enfin, en 2010 le dispositif est renouvelé pour devenir une Aire de mise en VAleur du Paysage (AVAP). Le changement de dénomination met l’accent sur la dimension plus réparatrice que rigoureusement conservatrice de la démarche.

1.3. Deux dispositifs complémentaires aux objectifs différenciés

16L’évolution a additionné les dispositifs qui apparaissent largement complémentaires, répondant à des besoins différents.

17Le secteur sauvegardé, qui met l’accent sur la protection-conservation, s’applique aux quartiers historiques les plus remarquables et homogènes. Il demeure aux mains de l’État, même si la démarche est devenue plus partenariale – il n’est plus possible d’instituer un secteur sauvegardé sans l’accord du Conseil municipal de la commune concernée : le Maire préside la commission locale du secteur sauvegardé, qui émet un avis lors de l’élaboration ou de la révision du PSMV [Mesnard 2011]. Aujourd’hui, la France compte une centaine de secteurs sauvegardés, dont la surface peut aller de la douzaine à plus de trois cents hectares. Depuis les années 1990, leur nombre ne s’accroît plus que marginalement. D’une part, parce que la procédure d’élaboration est longue, contraignante et coûteuse. Mais également, et surtout, parce que ce dispositif a atteint sa maturité : les secteurs sauvegardés sont par exemple trois fois plus nombreux que les sites classés sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO.

18La ZPPAUP a connu un succès quantitatif. En 2010, il existe environ 650 ZPPAUP en France. Ensemble, elles couvrent près de 20 000 hectares, à comparer à quelques 8 000 hectares en secteur sauvegardé. Les mesures qu’elles contiennent en matière de construction permettent la transformation de bâtiments et d’espaces hérités du passé, dans un souci d’harmonie.

19Cette complémentarité entre une protection stricte aux mains de l’État et une mise en valeur confiée aux autorités locales n’est pas spécifique à la France. Par exemple, Brasilia est inscrite sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco en 1987. Son remarquable axe monumental et les monuments conçus par Niemeyer sont l’objet d’une protection stricte, prérogative de l’État exercée par l’Institut du Patrimoine Historique et Artistique National (IPHAN). Son axe résidentiel peut évoluer, à condition de conserver les caractéristiques urbanistiques contenues dans le Plan pilote de Lucio Costa : hauteurs, volumes, constructions sur pilotis permettant une absence de cloisonnement du foncier... Ce second niveau de protection relève du document d’urbanisme ordinaire, le plan directeur d’ordonnancement territorial du District fédéral (PDOT) [Geppert 2013].

2. Troyes, une politique patrimoniale au service du marketing urbain

Figure 2 – Périmètres de protection du patrimoine à Troyes

Figure 2 – Périmètres de protection du patrimoine à Troyes

Source : E. Gillet-Lorenzi

20L’exemple troyen peut éclairer les modalités de mise en œuvre de ces dispositifs complémentaires. La ville a fait l’objet d’un travail de terrain des auteurs de cet article. Elle avait été retenue notamment car elle offre l’ensemble des dispositifs. Son secteur sauvegardé précoce a fait partie des quinze premières villes classées à ce titre en 1964, en même temps que le quartier du Marais à Paris. Sa ZPPAUP, plus tardive, fait partie des plus étendues de France (Fig.2).

21Lors de sa fondation, Augustobona est une étape sur la voie d’Agrippa au confluent de la Seine et de la Vienne. Sa localisation correspond au secteur sauvegardé actuel, le "Bouchon de champagne". Au Moyen‑Âge, la cité accueille les grands domaines ecclésiastiques et civils, notamment le Palais des comtes de Champagne. Elle correspond à la tête du bouchon qui demeure caractérisée par ses monuments et son parcellaire ample. Le bourg, industrieux, accueille habitat, commerces et artisanat.

22Le règne des Comtes de Champagne ouvre une période de prospérité. Après l’intégration de la Champagne au Royaume de France (1288), le rayonnement européen des Foires de Champagne soutient le développement. La canalisation de la Seine permet l’extension des faubourgs et l’essor de nombreux ateliers, tanneries, papeteries, teintureries... Le 24 mai 1524, un incendie ravage la ville. La reconstruction intègre des règles visant à protéger la ville contre le feu : les façades doivent être enduites, le tissu urbain est plus aéré. La ville s’assoupit jusqu’à la seconde moitié du xviiie siècle, où l’essor de la bonneterie ouvre une nouvelle phase de prospérité et le développement de la ceinture de banlieues manufacturières aujourd’hui mise en valeur par une ZPPAUP multi-sites.

2.1. Un secteur sauvegardé qui restitue au Bouchon de champagne son aspect du xvie siècle

23Dans les années 1960, le patrimoine médiéval troyen est menacé par la vigueur de l’urbanisation. En 1958, le maire de la ville, Henri Terre, tente d’y remédier en classant trois parties du bouchon pour des opérations de réhabilitation. Le classement du secteur sauvegardé répond donc dès l’origine au désir des autorités locales qui approuvent sa délimitation en avril 1964, avant même l’arrêté ministériel. Cette convergence peut expliquer son évolution dynamique : le secteur a été étendu à trois reprises, et doit encore s’étendre pour couvrir l’ensemble du bouchon, une surface de plus de cent hectares (Fig.3). La collaboration entre l’ABF et le service de l’urbanisme de Troyes s’est inscrite dans cette durée. Elle a permis la construction d’une connaissance fine du passé urbanistique de la ville basée sur la confrontation des archives historiques avec l’observation des vestiges. C’est seulement en 2003, à l’issue de ce long processus de collation, que le PSMV a été arrêté.

24Les opérations d’urbanisme dans le PSMV demeurent soumises à l’autorisation de l’ABF. Cependant, la collaboration avec les autorités locales a permis la mise en place d’un dispositif d’accompagnement des demandeurs d’autorisations d’urbanisme qui permet de prévenir les conflits et de conseiller les propriétaires pour les aider à trouver des montages financiers qui respectent la protection instaurée tout en restant aussi économiques que possible.

25Le résultat est une re‑création du patrimoine ciblé, celui des maisons à pans de bois du xvie siècle. À chaque demande de travaux, le pétitionnaire se voit imposer l’obligation de restaurer l’état du bâtiment tel qu’il était à cette époque. Les scories d’un passé plus récent sont éliminées, les couleurs disparues sont ranimées. On observe d’ailleurs qu’il y a là une réécriture qui aboutit à reconstituer petit à petit un « skansen » qui n’existait plus en 1960.

Figure 3 – Périmètres du secteur sauvegardé troyen

Figure 3 – Périmètres du secteur sauvegardé troyen

Source : E. Gillet-Lorenzi

2.2. Une ZPPAUP pour mettre en valeur l’héritage de la bonneterie

26La création de la ZPPAUP intervient au début des années 2000, dans un contexte différent. La crise du textile a profondément affecté l’économie locale, les anciens faubourgs industriels sont en déprise. Le choix de la municipalité est de mettre en place une ZPPAUP multi-sites couvrant l’ensemble des espaces porteurs de cette histoire. Partant, le tissu urbain concerné est complexe et hétérogène. Il comprend des lotissements de la fin du xixe siècle et du début du xxe siècle, ciblant tantôt une population ouvrière, comme la cité‑jardin Louis‑Ribot, tantôt les cadres de l’industrie. Dans l’entre-deux-guerres, des ensembles d’habitations bon marché (HBM) construits par des patrons de l’industrie s’y sont insérés. Les grands sites usiniers (Lacoste, Absorba, Petit Bateau...) sont dans des conditions différentes, en activité, désaffectés ou parfois reconvertis.

27Au total, la ZPPAUP couvre 650 hectares répartis en 6 quartiers non contigus. L’enjeu n’est pas de conserver l’espace en l’état, mais d’accompagner ses transformations. Les prescriptions se font plus souples. On autorise le percement de façades d’usines, mais en retenant des profils pour les ouvertures. On autorise la construction d’extensions de bâtiments anciens, en les assortissant de certaines exigences. On autorise des démolitions et reconstructions, tant qu’elles respectent les alignements... Ici également, les services de l’urbanisme conseillent les habitants. En effet, peu d’entre eux ont les moyens de mener à bien des travaux onéreux et la présence d’un architecte-conseil leur permet de rester dans le cadre des préconisations de la ZPPAUP tout en modérant l’effort financier. Cela permet également de diminuer le nombre de transformations illégales, comme le remplacement d’huisseries anciennes par des huisseries contemporaines comme les « vélux », bon marché mais peu conformes à l’esprit du quartier.

Figure 4 – Maisons ouvrières de la cité-jardin Louis Ribot

Figure 4 – Maisons ouvrières de la cité-jardin Louis Ribot

Photo A. Geppert 2012

28Pour autant, les effets de la ZPPAUP sur le territoire sont bien moins spectaculaires. L’accompagnement des petits propriétaires ne suffit pas à insuffler un dynamisme économique à des quartiers dont la régénération dépend de leur capacité à accueillir des activités nouvelles. Les magasins d’usine troyens, ancrés dans la tradition du textile local, n’y ont pas élu domicile, préférant construire ex-nihilo des centres commerciaux sur le modèle du shopping mall, modernes et aisément accessibles en voiture.

2.3. Une politique patrimoniale au service d’une politique d’image

29La municipalité troyenne a développé une politique patrimoniale ambitieuse. Au total, près de 60 % du territoire communal est protégé par l’un ou l’autre des dispositifs évoqués. Le Projet d’Aménagement et de Développement Durable (PADD) du PLU troyen affiche l’amélioration du cadre de vie comme premier objectif ; il comprend la préservation de l’identité des quartiers et la valorisation du patrimoine architectural. Finalement, le patrimoine n’est-il pas également un outil de communication ?

Figure 5 – Maisons à pans de bois

Figure 5 – Maisons à pans de bois

Photo A. Geppert 2012

30En effet, Troyes utilise largement son patrimoine renaissance dans son marketing territorial. L’Agence du développement de l’Aube, qui fait du secteur sauvegardé et du « premier patrimoine de maisons à pans de bois d’Europe » un de ses arguments. Le tourisme est également visé : l’office du tourisme met en avant deux arguments, le « shopping » (dans les magasins d’usine) et le patrimoine. Les opérateurs offrent de plus en plus de séjours combinant une demi-journée de visite, dans le bouchon, avec une demi-journée dans les magasins d’usine. En complément des actions de préservation et de mise en valeur de son patrimoine, la municipalité a engagé une stratégie de labellisation. Dix labels sont obtenus ou demandés par la ville de Troyes ; six d’entre eux sont en relation avec la culture et le patrimoine. La volonté de « créer une marque » est claire [Marcotte 2011].

31Cet exemple soulève la question des effets des politiques de patrimonialisation. À Troyes, la revitalisation commerciale et touristique du secteur sauvegardé contraste avec l’atonie persistante de la ZPPAUP : malgré un dispositif ambitieux, la mise en valeur de ce patrimoine du quotidien peine à voir le jour. Ces difficultés se retrouvent dans les pays européens.

3. Le patrimoine du quotidien au service de la revitalisation urbaine, un objectif toujours difficile à atteindre en Europe

32Le mouvement observé en France est présent dans la plupart des États post-industriels. En Europe, la signature de la Convention européenne du paysage en 2000 institue des objectifs communs aux pays signataires. Pour autant, le traitement patrimonial à l’échelle de tissus urbains complexes continue de présenter des difficultés.

3.1. Un mot d’ordre des institutions européennes auquel les sociétés sont inégalement préparées

33Le mouvement observé en France participe d’une évolution plus large. Adoptée en 2000 par le Conseil de l’Europe, la Convention européenne du paysage intègre dans la notion de paysage l’ensemble des niveaux patrimoniaux, dans leurs différentes dimensions, culturelle et naturelle, matérielle et immatérielle. La définition du paysage repose sur sa perception sociale : « une partie de territoire telle que perçue par les populations, dont le caractère résulte de l’action de facteurs naturels et/ou humains et de leurs interrelations ». La Convention préconise la formulation, par les autorités politiques, d’un politique paysagère assortie d’objectifs de qualité « traduisant les aspirations de la population en ce qui concerne les caractéristiques paysagères de leur cadre de vie ». La reconnaissance de la valeur des paysages n’est plus affaire d’experts, comme dans les dispositifs de protection existants en Europe. Cela pose la question de la manière dont la parole de l’habitant peut être recueillie, interprétée et mise en œuvre.

34En la matière, les sociétés des pays européens signataires de la Convention européenne du paysage présentent des sensibilités différentes. Dans les pays d’Europe occidentale, l’attachement au patrimoine est allé croissant et atteint aujourd’hui des niveaux élevés. Inversement, dans les pays d’Europe centrale et orientale, la qualité paysagère n’est pas perçue comme un impératif. Plusieurs raisons y contribuent : la volonté d’un développement économique rapide, l’attachement à la liberté individuelle, notamment au libre usage de la propriété privée, foncière et immobilière, récemment recouvrée. Cependant, les perceptions évoluent rapidement.

Figure 6 – Publicités permanentes au cœur du quartier MDM de Varsovie

Figure 6 – Publicités permanentes au cœur du quartier MDM de Varsovie

Photo A. Geppert 2011

35La Pologne offre un bon exemple. Les constructions nouvelles se font sans grand souci d’intégration dans leur environnement urbain. Les espaces publics sont pollués par des campagnes d’affichage qui recouvrent de manière agressive des façades parfois de belle qualité architecturale (Fig.6). Cependant, depuis 2010, ces transformations virulentes sont de plus en plus souvent critiquées. À Varsovie, la municipalité a souhaité régénérer le quartier de la gare centrale. À cette occasion, la démolition du Palais de la Culture, un gratte-ciel « offert » par Staline, a été envisagée. Un mouvement de contestation spontané, relayé par des associations de citoyens, a conduit la municipalité à y renoncer. Autour de Varsovie, un programme ambitieux de modernisation du réseau ferroviaire local a été entrepris, appuyé par des financements européens. Il comprenait la démolition-reconstruction de nombreuses gares de banlieue datant de l’entre-deux-guerres. Depuis l’été 2012, un mouvement associatif milite vigoureusement pour la conservation de ces gares. Il gagne du terrain dans les autres villes polonaises.

36L’adoption de la Convention de Florence n’entraîne pas d’effets juridiques directs. Par contre, elle conforte l’évolution spontanée des systèmes de planification dans les pays signataires, où la dimension patrimoniale est de plus en plus présente dans les documents d’urbanisme. En France, depuis 2010, les municipalités peuvent élaborer des « PLU patrimoniaux ». En Italie, depuis 2004, les documents de protection sectorielle du patrimoine et le document d’urbanisme doivent être fusionnés en un « piano paesaggistico » unique. Ces évolutions n’affecteront guère la protection du grand patrimoine, déjà bien installée. Par contre, elles invitent les urbanistes à travailler finement les héritages urbains et le patrimoine du quotidien présent sur leurs territoires d’action.

3.2. Des écueils récurrents

37En matière de traitement du paysage patrimonialisé, la Convention européenne du paysage préconise trois modes d’action. La « protection des paysages » comprend les actions de conservation et de maintien des aspects significatifs ou caractéristiques d’un paysage, justifiées par sa valeur patrimoniale : elle correspond aux protections sectorielles déjà présentes dans la plupart des pays européens. La « gestion des paysages » comprend les actions visant à entretenir le paysage afin de guider et d’harmoniser les transformations induites par les évolutions sociales, économiques et environnementales. Enfin, l’« aménagement des paysages » correspond à des interventions lourdes, en vue de reconstituer des paysages du passé ou en créer de nouveaux. Ces deux volets renvoient au travail délicat de l’urbaniste.

38La première difficulté tient à la nature complexe des tissus urbains concernés, souvent post-industriels. La reconversion des grandes emprises industrielles exige des investissements élevés, souvent moins rentables que l’implantation sur des terrains vierges. Les tissus résidentiels qui les entourent, souvent dégradés, présentent un fort morcellement de la propriété foncière et immobilière. Les propriétaires eux-mêmes manquent souvent de moyens pour assurer leur entretien, a fortiori pour des remises en état ou reconversions plus ambitieuses. Une implication des pouvoirs publics s’avère souvent nécessaire pour accompagner ces processus.

39La perspective d’une valorisation en termes de marketing urbain accompagne les stratégies de revitalisation. Il peut s’agir de stratégies urbaines de long terme : à travers HafenCity, Hambourg entend se repositionner face à Berlin. Avec Puerta de Europa, Madrid pose un symbole de modernité au cœur d’un quartier hérité du franquisme. Avec son plan de régénération urbaine, Bilbao veut se débarrasser de l’image d’une ville « riche et laide ». Les grands événements à fort effet d’annonce servent souvent de déclencheur. Liverpool rénove les Albert docks pour devenir Capitale européenne de la culture 2008. Le parc créé pour les Jeux Olympiques 2012 à Londres s’affiche comme un fer de lance pour la régénération de l’est londonien.

40Le passage de l’opération-phare, qu’elle soit de l’échelle d’un quartier ou d’un bâtiment, au tissu urbain environnant, ne va pas de soi. Les processus de revitalisation que l’on souhaitait induire ne « décollent » pas aisément. Les programmes de revitalisation qui ont produit des résultats durables sont souvent ceux qui ont été portés par une intervention publique au long cours, avec dix années de programmation ou davantage. À défaut, on assiste à des rénovations qui peuvent être réussies mais qui peinent à diffuser dans leur environnement : aux abords des Albert docks de Liverpool, un nouveau quartier d’affaires voit le jour. Mais en même temps, les quartiers post-industriels environnants continuent de se dégrader, y compris lorsque l’architecture d’origine est de qualité.

41L’opération-phare peut même accentuer les difficultés des territoires. L’exemple de Lódz illustre ce processus. Au xixe siècle, l’essor du textile entraîne le développement d’un nouveau centre urbain en Pologne. Lódz, village de 190 habitants en 1790, devient l’une des plus grandes villes polonaises. Aujourd’hui, c’est une agglomération de 1 400 000 habitants. Son histoire se lit dans son organisation spatiale : la rue principale (Piotrkowska), commerçante, aboutit à l’ensemble monumental composé des usines et du palais du propriétaire, Izrael Poznanski. Au xxème siècle, la crise du textile n’a pas épargné la ville qui a peu diversifié son économie. Après la chute du communisme, Lódz connaît une chute démographique violente. Le tissu urbain est en mauvais état.

42La municipalité mise sur une revitalisation à partir de la rénovation de l’usine Poznanski, Manufaktura, par ailleurs classée bâtiment historique. À l’échelle de l’opération, le projet apparaît exemplaire à plusieurs égards. La municipalité, en manque de moyens financiers, a su trouver un investisseur privé qui a pris en charge l’ensemble de l’opération. L’architecture est préservée et remarquablement mise en valeur. Le complexe commercial et de loisirs créé dans Manufaktura constitue une réussite économique et est devenu un pôle d’animation urbaine. Cependant, il ne s’agit pas d’un développement endogène. Depuis son ouverture en 2006, la rue Piotrkowska souffre de la concurrence et se dévitalise. Boutiques et restaurants connaissent des difficultés... et le patrimoine bâti de Piotrkowska, qui comprend des éléments de grande qualité, se dégrade.

43Enfin, la patrimonialisation peut être victime de son propre succès en enclenchant des processus de gentrification. Afin de susciter un développement endogène, il faut parvenir à intégrer l’action sur le bâti et la formulation de stratégies économiques adaptées au milieu local. Manufaktura illustre cette contradiction : le grand pôle commercial est dédié à l’habillement, semblant s’inscrire dans la continuité de l’héritage de Lódz. Cependant, les marques présentes sont les grandes marques internationales : finalement, il s’agit plutôt d’un clin œil que d’un enracinement dans la culture locale. Parallèlement, les industries textiles toujours présentes à Lódz tentent de se redéployer dans des segments jugés porteurs, grande couture, textiles dits intelligents... cependant, ces efforts ne trouvent pas de vitrine, ou de relais, dans la principale opération de revitalisation urbaine.

Conclusion

44La patrimonialisation croissante de l’urbanisme constitue un mouvement de fond, inscrit dans la durée. Reflet d’une transformation profonde de nos sociétés, de plus en plus attachées aux identités locales, ce phénomène a sans doute vocation à durer. Au cours des trente dernières années, les urbanistes européens ont découvert cet enjeu et transformé leurs modalités d’action. Ils ont acquis une capacité à travailler avec les héritages urbains que la génération moderniste dédaignait.

45Cependant, il reste à affiner les instruments d’intervention pour résoudre les difficultés inhérentes à l’exercice. L’évolution de l’urbanisme réglementaire demande à être accompagnée afin de permettre aux acteurs, entreprises et habitants, de répondre aux nouvelles exigences énoncées. Dans le champ opérationnel, les urbanistes doivent encore trouver les montages qui permettent de financer les opérations de rénovation tout en les insérant mieux dans l’économie locale. L’enjeu est de taille, s’il s’agit de passer d’un urbanisme standardisé et uniforme à un urbanisme véritablement ancré dans l’identité des lieux.

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Bibliographie

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Choay, F. (2009) – « Le patrimoine en questions », Esprit 11, pp. 194-222.

Geppert, A. (2013) – « Saudade do Brasília : Les représentations de Brasília chez les urbanistes européens », in M. Bazin, C. Fournet-Guérin & S. Rosière dir, De Recife à Reims : récits géographiques. Mélanges offerts à Pernette Grandjean. Reims, EPURE, sous presse.

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Table des illustrations

Titre Figure 1 – L’évolution des dispositifs de protection en France et l’approche du patrimoine
Crédits Source A. Geppert, 2013
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/bagf/docannexe/image/2296/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 144k
Titre Figure 2 – Périmètres de protection du patrimoine à Troyes
Crédits Source : E. Gillet-Lorenzi
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/bagf/docannexe/image/2296/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 564k
Titre Figure 3 – Périmètres du secteur sauvegardé troyen
Crédits Source : E. Gillet-Lorenzi
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/bagf/docannexe/image/2296/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 296k
Titre Figure 4 – Maisons ouvrières de la cité-jardin Louis Ribot
Crédits Photo A. Geppert 2012
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/bagf/docannexe/image/2296/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 384k
Titre Figure 5 – Maisons à pans de bois
Crédits Photo A. Geppert 2012
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/bagf/docannexe/image/2296/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 328k
Titre Figure 6 – Publicités permanentes au cœur du quartier MDM de Varsovie
Crédits Photo A. Geppert 2011
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/bagf/docannexe/image/2296/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 344k
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Pour citer cet article

Référence papier

Anna Geppert et Emmanuelle Lorenzi, « Le « patrimoine du quotidien », enjeu renouvelé pour les urbanistes européens »Bulletin de l’association de géographes français, 90-2 | 2013, 170-185.

Référence électronique

Anna Geppert et Emmanuelle Lorenzi, « Le « patrimoine du quotidien », enjeu renouvelé pour les urbanistes européens »Bulletin de l’association de géographes français [En ligne], 90-2 | 2013, mis en ligne le 22 janvier 2018, consulté le 10 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/bagf/2296 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/bagf.2296

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Auteurs

Anna Geppert

Professeur en urbanisme, aménagement de l’espace, Université Paris-Sorbonne, UMR 8185 EneC, – Courriel : anna.geppert[at]paris-sorbonne

Emmanuelle Lorenzi

Maitre de Conférences en urbanisme et aménagement, Université de Reims-Champagne-Ardenne, UMR 8185 EneC – Courriel : emmanuelle.lorenzi[at]wanadoo.fr

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Droits d’auteur

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés), sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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