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La reconstruction culturelle, patrimoniale et touristique des quartiers péricentraux désindustrialisés : les standards et mythes de la « créativité » à l’épreuve de trajectoires urbaines incertaines

Étude comparée de Plaine Commune et du quartier Ostiense à Rome
Culture, heritage and tourism-based reconstruction of pericentral deindustrialized areas: standards and myths of “creativity” faced to uncertain urban trajectories. A comparison of Plaine Commune and Ostiense district (Rome)
Géraldine Djament‑Tran
p. 153-169

Résumés

Cet article travaille une figure patrimoniale de la globalisation, la friche industrielle reconvertie par la « créativité », sur la base d’une comparaison entre deux quartiers péricentraux, Plaine Commune en banlieue parisienne et le quartier romain Ostiense. Il présente la déclinaison de tous les standards de la « créativité » et s’interroge sur la contribution incertaine et sélective de la culture à la régénération urbaine et à la construction du polycentrisme métropolitain. Il souligne l’ambivalence des relations entre la « créativité » et la patrimonialisation, pour conclure aux interférences croissantes entre le régime d’urbanité métropolitain et un régime « post-patrimonial ».

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Texte intégral

1Traditionnellement conçus comme sous-produits des constructions territoriales, la culture, le patrimoine et le tourisme se voient aujourd’hui inversement investis de la difficile mission de (re)construire des territoires déconstruits par la nouvelle division internationale du travail. Le discours de la « ville créative » [Landry, Bianchini 1995], omniprésent malgré ‑ ou à cause de ? ‑ son flou, théorise ce nouveau rapport à la construction territoriale, non plus seulement indirect (les productions culturelles, la patrimonialisation et la mise en tourisme ayant toujours contribué aux processus d’identification à un territoire), mais aussi direct (les politiques culturelles, patrimoniales et touristiques sont censées coproduire les territoires, participer à la fabrique urbaine et non plus en découler). Le brouillage des frontières entre création artistique et innovation technologique répond à une injonction globalisée à la compétitivité et à l’attractivité urbaine. Le scénario « créatif » de mondialisation participe des conceptions dominantes de la métropole en ville d’exception [Halbert 2009].

  • 1 Ce concept paradoxal, dans la mesure où la globalisation est associée de façon dominante à l’économ (...)

2La tendance de la fabrique urbaine contemporaine à « aménager la ville par la culture et le tourisme » [Gravari-Barbas 2013b] s’accompagne d’une intense circulation internationale de modèles et s’incarne dans une série de figures culturelles, et souvent patrimoniales, de la globalisation1. Sera analysée ici la figure de la friche industrielle patrimonialisée et reconvertie par la « créativité », dont la diffusion tend à s’accélérer, comme l’illustre l’ouverture du Louvre Lens en décembre dernier [Fagnoni 2013]. Elle repose sur un modèle de construction territoriale, souvent mythifié à l’image du paradigmatique « effet Bilbao » [Plaza 2008], qui nécessite d’être interrogé et a fait l’objet de multiples critiques [Vivant 2009 ; Pignot, Saez 2009-2010 ; Pacquot 2010].

3Le questionnement cherchera à déconstruire la mythologie « créative » pour analyser la dimension culturelle et notamment patrimoniale de la construction territoriale dans deux métropoles récemment gagnées par le discours de « créativité ». De même qu’à Paris, ville globale et mondiale appartenant à la classe 1 des villes européennes, l’Office du tourisme cherche à développer le « tourisme créatif »2, Rome, ville mondiale non globale [Ghorra‑Gobin 2007] relevant de la troisième classe européenne [Cicille Rozenblat 2003], mise au niveau provincial sur la « créativité »3. L’analyse se focalisera sur deux terrains péricentraux emblématiques du passage à la métropole post- ou, mieux, hyper‑industrielle [Veltz 2008]. Plaine Commune, communauté d’agglomération de banlieue nord, se prépare à accueillir le cluster de la création du Grand Paris, tandis que la presse et les acteurs politiques présentent le quartier Ostiense, situé au sud du centre historique romain dans le XIe municipe, comme un district culturel.

1. D’anciennes marges métropolitaines gagnées par les standards internationaux de la reconstruction « créative »

  • 4 Malgré la présence de monuments importants - la basilique Saint-Denis, fleuron du patrimoine nation (...)
  • 5 Pour reprendre l’intitulé du séminaire organisé par A. Hertzog à l’université de Cergy Pontoise.
  • 6 Structure intercommunale d’étude précédent la création de Plaine Commune.
  • 7 L’importance des liens avec les « autres villes-monde et leurs « creative cities » », en anglais da (...)

4Les quartiers péricentraux, dont l’espace a été majoritairement produit dans le cadre du modèle centre-périphérie caractéristique de l’ère industrielle, représentent historiquement des marges à la fois métropolitaines, patrimoniales et touristiques4. Ces anciennes marges sont aujourd’hui reconfigurées par la métropolisation, qui implique un double mouvement dialectique de déterritorialisation et de territorialisation. La nouvelle division internationale du travail a déconstruit ces anciens quartiers dédiés aux infrastructures de la grande ville (gazomètres, magasins généraux…), dans le cas du quartier Ostiense, et également à de vastes zones industrielles, dans le cas de Plaine Commune. La territorialisation de l’économie – marquée par la constitution de « clusters » ‑ et du patrimoine – ces territoires émergent comme de nouveaux territoires du patrimoine5 ‑ visent aujourd’hui à les doter d’avantages différenciatifs [Coissard, Pecqueur 2004] dans la compétition mondialisée des territoires. La reconstruction territoriale passe par des aménagements ambitieux : le projet urbain de la Plaine Saint‑Denis a commencé au début des années 1990, Plaine Commune mène actuellement de grands projets dans le cadre de son SCOT approuvé en 2007 et du Grand Paris, tandis que le projet urbain Ostiense‑Marconi, approuvé par la municipalité romaine en décembre 1999, a été inséré dans le plan régulateur de 2003. Cette reconstruction entretient des relations dialectiques avec la patrimonialisation, comme l’illustre la création en 1996‑97, au moment de l’achèvement du chantier du Stade de France, de l’association Mémoire vivante de la Plaine, présidée par l’ancien directeur du syndicat Plaine Renaissance6 [Grossard 2012]. La mutation en cours se conforme ces dernières années à tous les standards internationaux de la « créativité »7 [Ambrosino, Guillon 2009], diffusant un référentiel patrimonial destiné à attirer la « classe créative » [Florida 2002], les touristes et les entreprises.

1.1. Des marges reconverties par les industries « créatives »

  • 8 Creative Industries Mapping Document de 1998.
  • 9 Qui devrait déboucher sur la signature d’un Contrat de Développement Territorial en décembre 2013.
  • 10 La région regroupe de l’ordre de 363 000 emplois dans ce secteur, en forte croissance sur la périod (...)

5Ces marges métropolitaines sont reconverties par les industries « créatives », catégorie hétéroclite d’industries ressortissant de la création artistique et/ou de l’innovation technologique inventée par le gouvernement britannique pour porter sa stratégie de reconversion économique8. En particulier sur le territoire de Plaine Commune a été signé en janvier 2012 l’accord-cadre préfigurant le cluster de la création, territoire de projet du Grand Paris spécialisé dans les industries audiovisuelles et les loisirs numériques. Est actuellement (sur la période 2012‑2013) en cours le programme d’enclenchement du cluster de la création9, qui bénéficie « des dynamiques de croissance » des industries créatives en Ile de France10 vers la proche couronne [Camord, Soulard 2010 p. 70].

  • 11 Il accueille de l’ordre de 80 000 visiteurs/an.
  • 12 http://ville-saint-denis.fr/jcms/jcms/sd_8909/stade-de-france.
  • 13 L'accord de l'ABF était requis, aux abords d'un monument historique, une église de St Ouen, et l'an (...)
  • 14 Source : entretien avec B. Mengoli.

6Sur le plan des discours, l’hybridation et la fertilisation croisée supposée entre l’économique, l’urbain et le culturel sont affichées dans l’accord‑cadre, qui utilise les topoi globaux de la « créativité » et repose sur la croyance dans la capacité d’entraînement transversale de la culture. Sur le plan des aménagements, le rapport de la « créativité », qui vise à remédier à l’évitement des territoires désindustrialisés, au patrimoine se révèle éminemment ambivalent. L’exploitation de l’opportunité foncière des friches industrielles dans des territoires péricentraux bien situés à l’échelle de la métropole conduit en effet parfois à des destructions de patrimoine industriel reconnu. Ainsi l’usine à gaz du Cornillon et du Landy, bien qu’inventoriée comme très intéressante par le CAUE 93, a‑t‑elle été détruite pour construire le Stade de France, …qui à son tour fait aujourd’hui patrimoine pour certains (la ville de Saint-Denis présente cette attraction touristique importante11 comme « l’autre cathédrale »12). Dans d’autres cas, le réemploi, souvent partiel, typique de la « créativité », entretient un rapport d’ambiguïté au patrimoine industriel. En témoigne la Cité du cinéma, projet de Luc Besson inauguré fin septembre 2012, qui regroupe toute la chaîne de production cinématographique dans une ancienne centrale thermique : le projet, qualifié d’ambivalent par l’Architecte des Bâtiments de France du 93, a été assez destructeur13 mais culturel, le paysage s’est trouvé très modifié mais les halles en partie sauvées14.

Figure 1 – La cité du cinéma à Saint-Denis : un réemploi métropolitain entretenant un rapport ambivalent au patrimoine industriel

Figure 1 – La cité du cinéma à Saint-Denis : un réemploi métropolitain entretenant un rapport ambivalent au patrimoine industriel

Photo G. Djament

1.2. Des marges reconverties dans la formation et l’emploi de la « classe créative »

  • 15 L’accord-cadre en vue du cluster de la création de Plaine Commune mentionne explicitement : « on fa (...)
  • 16 La validation des schémas d’organisation des sites de La Chapelle et d’Aubervilliers date du 14 jui (...)
  • 17 Cf. l’avis d’appel public à concurrence relatif au contrat de Partenariat Public Privé du CampusCon (...)

7Ces marges historiquement marquées par l’emploi ouvrier se reconvertissent également dans la formation et l’emploi de la supposée « classe créative » de R. Florida15. La « créativité » étant censée reposer sur la fertilisation croisée entre enseignement, recherche et innovation, nos deux quartiers péricentraux développent des campus universitaires et s’inscrivent dans la tendance récente qui fait de l’enseignement supérieur et de la recherche « un nouvel acteur territorial » (Urbanisme 2012). Les universités Paris 8 et Paris 13 sont présentes à Plaine Commune, où se développe à l’horizon 2016‑2017 le projet de campus Condorcet16 spécialisé en sciences humaines, qui utilise le label Grand Paris. On notera que cette évolution s’effectue dans le cadre d’une fabrique de plus en plus privatisée de la ville17. Quant au campus Ostiense, il réutilise d’anciens bâtiments industriels en nouveaux locaux de l’université Rome 3. Les travaux déjà avancés se poursuivent : Rome prétend transformer le quartier Ostiense-Marconi en un nouveau district culturel et un campus-village global [Alessandrini 2005].

Figure 2 – Exemple de réemploi universitaire dans le quartier Ostiense : l’opération de la Vasque navale

Figure 2 – Exemple de réemploi universitaire dans le quartier Ostiense : l’opération de la Vasque navale

Photo G. Djament

8Les nombreuses friches industrielles présentes sur les deux territoires font également l’objet d’un réemploi tertiaire supérieur. Des entreprises spécialisées dans l’informatique ou les NTIC s’implantent notamment, mettant à profit les disponibilités foncières et la proximité des centre-villes.

Figure 3 – L’implantation de nouvelles entreprises dans le quartier Ostiense : reconversion hyper-industrielle et économie « créative »

Figure 3 – L’implantation de nouvelles entreprises dans le quartier Ostiense : reconversion hyper-industrielle et économie « créative »

Photo G. Djament

1.3. Des marges redynamisées par les équipements culturels : la reconversion culturelle et patrimoniale des friches

9Le réemploi des friches après un « temps de veille » [Andrès, Grésillon 2011] passe également par une reconversion culturelle et patrimoniale. Ainsi, dans le quartier Ostiense, la centrale Montemartini, ancienne centrale électrique ouverte en 1912 [Fiore 2009 ; Torelli Landini 2007] qui a cessé de fonctionner en 1968 est devenue en 1990 un centre culturel, l’ArtCenter Acea, puis une annexe des musées Capitolins proposant une double exposition de vestiges industriels et de statues antiques à partir de la convention passée en 1996. Le Théâtre India a ouvert dans les locaux de l’ancienne usine chimique Mira Lanza et bénéficié d’une procédure de jumelage avec une institution culturelle prestigieuse du centre historique, le Théâtre Argentina, au sein du Teatro di Roma. Dans les anciens abattoirs a ouvert entre autres le MACRO Testaccio, succursale du musée d’art contemporain de la municipalité.

Figure 4 – La Centrale Montemartini, exemple de réemploi culturel et de dialogue entre patrimoine archéologique et patrimoine industriel

Figure 4 – La Centrale Montemartini, exemple de réemploi culturel et de dialogue entre patrimoine archéologique et patrimoine industriel

Photo G. Djament

10De même, à Plaine Commune, des artistes s’installent (par exemple la compagnie de danse de Karine Saporta près de la gare de Saint-Denis), tandis que des institutions culturelles (INP, ateliers de moulage du Louvre…) s’implantent.

1.4. Des marges réintégrées par le tourisme : des stratégies de polycentrisme touristique

  • 18 Qui développe la créativité du touriste.

11Ces marges s’efforcent enfin de se réintégrer aux dynamiques mondialisées par le biais du tourisme. Le tournant de la valorisation touristique remonte à Saint-Denis au Livre blanc de 1993, et a été dynamisé par « l’effet Stade de France » et la Coupe du monde de football de 1998. Plaine Commune a élaboré depuis 2003 un schéma touristique qui vise à attirer les touristes en banlieue [de Clapiers 2004], mais aussi à promouvoir de nouveaux patrimoines à l’échelle intercommunale. La cité-jardin de Stains bénéficie ainsi d’une efficace rénovation et valorisation, portée par l’implication des habitants. L’association Franciade a créé en 2006 un atelier-boutique de production potière et de vente d’objets dérivés du patrimoine archéologique de Saint-Denis dans le cadre du programme européen Equal « Territoires et Patrimoine, pour une économie partagée ». Deux parcours historiques ont été créés à Saint Denis. Un nouveau schéma couvre la période 2012-2016 et vise notamment à développer le tourisme d’affaires et le tourisme « créatif »18 [Richards, Raymond 2000], en convergence avec la stratégie touristique parisienne et le « triangle Culture Tourisme Expérience » identifié au sein du cluster de la création.

2. Quelle construction territoriale impulsée par le triptyque culture-patrimoine-tourisme dans les quartiers péricentraux des métropoles ?

12Ces aménagements de la « créativité » sont associés à des planifications métropolitaines polycentriques. À Rome, le plan régulateur de 2003 marque le passage à une logique métropolitaine promouvant de nouvelles centralités [Marcelloni 2003], tandis que le Grand Paris développe 8 ou 9 territoires de projet périphériques [Blanc 2010], allant beaucoup plus loin vers le polycentrisme que le SDAU du milieu des années 1960 avec ses villes nouvelles. La « créativité » et la culture s’y voient attribuer un rôle de catalyseur de polycentrisme.

13Le plan régulateur romain de 2003, accompagné du slogan « modernizzare il centro storico e storicizzare la periferia », sanctionne le passage du centro storico à la città storica, dont les enjeux excèdent le simple élargissement du centre historique. Au lieu de la traditionnelle conservation défensive, il s’agit de penser les règles de transformation du territoire métropolitain dans sa globalité en s’appuyant sur l’histoire, en utilisant des outils comme le piano di recupero [Marcelloni op. cit]. Le quartier Ostiense est dans ce cadre destiné à devenir le troisième pôle de la métropole romaine, après le centre historique et le quartier de l’EUR.

  • 19 P. 5, 9 et 10.
  • 20 P. 27.
  • 21 Métaphore selon laquelle le coeur de la métropole est composé de sept à huit pétales autour de Pari (...)
  • 22 Cf. la page web http://www.campus-condorcet.fr/campus-condorcet/Le-territoire/p-44-Un-Campus-transp (...)

14Quant à l’accord-cadre préfigurant le cluster de la création de Plaine Commune, il s’ouvre sur la rupture avec « la logique concentrique héritée du passé » et plaide pour le développement de « centralités créatives » plurielles selon « une logique d’archipel » au sein d’une « organisation urbaine polycentrique »19. Les préoccupations métropolitaines du Grand Paris croisent la revendication du « droit à la centralité » et d’un rééquilibrage territorial20 ainsi que la « théorie de la marguerite »21. Le modèle centre-périphérie se trouve relayé par des opérations « transpériphérique(s) »22, comme le Campus Condorcet.

15Cependant, jusqu’à quel point la « créativité » et la culture permettent-elles de produire ou au moins de catalyser de nouvelles centralités dans les quartiers péricentraux, la fameuse « fertilisation croisée » n’ayant rien d’automatique ?

2.1. Une construction territoriale non linéaire et incertaine : l’évolution vers le polycentrisme métropolitain n’est pas un long fleuve tranquille

  • 23 Ce phénomène n’a rien de nouveau - dès 1983, une mission « programme culturel pour les transports » (...)

16La production « créative » de polycentrisme présente plusieurs limites importantes. Tout d’abord, les nouvelles centralités culturelles dépendent du polycentrisme logistique, croissant à Paris23 plus rapidement qu’à Rome, comme l’illustre le site des Archives nationales dû à M. Fuksas qui vient d’ouvrir en janvier 2012 à Pierrefitte sur le site des Tartres, à immédiate proximité de la station de métro Saint‑Denis Université.

  • 24 Les polémiques portant sur le projet de musée de la Science, le débat sur l’éclatement ou l’unifica (...)
  • 25 Un projet plus récent en suspend visait à y transférer le siège de l’ENI (Ente Nazionale Idrocarbur (...)

17En outre, le processus d’évolution polycentrique reste incertain et scandé de coups d’arrêt, en particulier à Rome. Le projet de Capitole 2 qui visait à décentraliser dans le quartier Ostiense les bureaux de la municipalité romaine a ainsi été abandonné, de même que le projet de Città della Scienza24 lancé en 1999 sur le modèle de la parisienne Villette dans l’aire Italgas25 qui avait donné lieu à un concours international d’architecture en 2002.

18Quant aux centralités produites, elles se révèlent souvent insulaires : la centrale Montemartini reste, en conséquence de l’abandon de ces projets, cernée de vastes friches industrielles polluées ; le site des Tartres est entouré par un habitat très populaire (petit pavillonnaire, lotissements HLM) laissant supposer peu d’effets d’entraînement immédiats, même si la grande proximité permettra sans doute des interactions entre les archives et l’université Paris 8.

  • 26 Sa fréquentation décline (évaluée par l’office statistique municipal à 33 000 en 2006, elle passe e (...)

19Bien plus, la culture ne parvient pas toujours à créer de nouvelles centralités dans les quartiers péricentraux. Ainsi, de nouveaux musées à la qualité patrimoniale reconnue réemployant d’anciens bâtiments industriels ont dû fermer, fin 2008 dans le cas du musée Christofle à Plaine Commune, à la suite d’un changement de propriétaire, ou sont menacés de fermeture, dans le cas de la centrale Montemartini26, à cause d’une fréquentation insuffisante. Ces exemples conduisent à s’interroger sur le cycle de vie parfois très bref des nouveaux produits touristiques [Butler 1980] situés en dehors du Central Tourist District [Duhamel, Knafou 2007]. Si les principales attractions attirent à Plaine Commune plusieurs centaines de milliers de touristes, la fréquentation chute très vite. L’avancement du front pionnier de la patrimonialisation, plus rapide que le front pionnier de la mise en tourisme, est donc marqué par des « ratés » et des replis.

2.2. Une construction territoriale sélective

20En outre, il importe de savoir à qui profite la construction « créative » de nouveaux territoires urbains. Si Plaine Commune est devenu un pôle d’emplois important de la métropole parisienne (125 000 emplois recensés en 2009), ses emplois tertiaires et notamment dans les industries « créatives » s’adressent à la « classe créative » et pas à la population locale, en moyenne peu qualifiée. Seuls 28 % des salariés résidents travaillent dans l’intercommunalité, qui draine des flux de cadres issus de Paris, de Seine Saint Denis, des Hauts de Seine. 9 emplois de cadres sur 10 sont occupés par des non-résidents [INSEE 2009].

21Ce décalage habitants/employés va-t-il se maintenir, posant le problème d’un territoire dont la dynamique ne profite pas directement aux habitants, ou se résorber sous l’effet de la gentrification, sélectionnant drastiquement les bénéficiaires de la métropolisation ? La gentrification est en effet à l’œuvre à Plaine Commune comme dans le quartier Ostiense, stimulée par la patrimonialisation et l’arrivée de nouveaux acteurs culturels. La gentrification reste cependant à Saint-Denis contrôlée par les pouvoirs locaux et actuellement à un stade marginal [Fol, Raad 2013].

2.3. Production « créative » de centralités dans d’anciennes marges métropolitaines et/ou production d’une mosaïque territoriale ?

22Les territoires péricentraux sont gagnés par quatre fronts pionniers en interaction mais aux rythmes décalés : le front pionnier du recyclage métropolitain, plus précoce et plus avancé à Paris qu’à Rome (conformément à la différence de poids métropolitain des deux villes et au décalage entre Europe du Nord et Europe du Sud), ceux de la patrimonialisation, de la mise en tourisme et de la gentrification. Les interférences complexes entre ces fronts pionniers produisent du polycentrisme, mais aussi voire surtout une structure en mosaïque, qui pose des problèmes de cohérence/cohésion territoriale et sociale. Ces territoires où se côtoient friches, îlots connectés à l’archipel métropolitain (par exemple les bureaux du carrefour Pleyel à Saint‑Denis) et quartiers en crise déconnectés et marginalisés (par exemple la cité des Francs‑Moisins toujours à Saint-Denis) seront-ils à terme unifiés par l’avancement du front pionnier de la « créativité », qui risque de repousser la population populaire plus loin, vers de nouvelles périphéries métropolitaines, ou cette structure en mosaïque est-elle appelée à se pérenniser comme caractéristique des tendances métropolitaines à la fragmentation [Navez‑Bouchanine 2003] et du changement d’échelle des inégalités dans la nouvelle étape de mondialisation [Veltz op. cit. ; Bourguignon 2012] qui sur le plan intra‑urbain se traduit par le passage du modèle centre/périphérie ville-centre/banlieue à une sélectivité métropolitaine glocalisée ?

2.4. Une construction territoriale conflictuelle derrière un slogan consensuel

23Enfin, la difficile production de nouveaux territoires métropolitains suscite de nombreuses tensions, derrière le mot d’ordre mobilisateur et consensuel de « créativité » : les conflits patrimoniaux se multiplient autour de la déconstruction des territoires ouvriers, tandis des ambiguïtés et tensions politiques se manifestent autour du faire métropole par la culture.

24Comme dans les villes de tradition industrielle telle Saint-Etienne [Zanetti 2011], des conflits patrimoniaux récurrents portent sur les traces de la mémoire industrielle et ouvrière, en partie effacées, en partie préservées, en partie mises aux standards métropolitains. Ainsi, l’ancienne coopérative agraire du quartier Ostiense a fait l’objet d’un conflit opposant l’Association italienne pour le patrimoine d’archéologie industrielle, porteuse d’une rationalité patrimoniale, soucieuse d’historicité, à la société Roma Docks. Après les fouilles archéologiques menées en 2010, le bâtiment a été quasi totalement détruit, à l’exception d’une partie de l’entrée, au profit d’un projet immobilier et commercial.

  • 27 Source : entretien avec B. Mengoli.
  • 28 Sur 40 ensembles de logements franciliens édifiés entre 1945 et 1975 labellisés.

25La question de savoir ce qui fait patrimoine en banlieue, mais aussi de banlieue [Jacquot, Fagnoni, Gravari-Barbas 2011], crée aussi des polémiques autour du patrimoine encombrant, « paradoxal » [Amougou 2006] du logement social. Face à l’action de démolition‑reconstruction de l’ANRU, particulièrement active en Seine‑Saint‑Denis pour éradiquer des formes urbaines accusées des problèmes sociaux, et passant à Plaine Commune par un Contrat territorial de rénovation urbaine signé en 2007, des pétitions ont interpellé le ministère à propos de lieux emblématiques. La valeur patrimoniale de certains grands ensembles a été admise [Poivreau 2011 ; Veschambre 2013] et les projets de rénovation infléchis vers des solutions moins destructives27. Cette reconnaissance a été sanctionnée par le label patrimoine xxe siècle, créé par le ministère de la Culture en 1999, accordé fin 2008 à quatre cités d’André Lurçat à Saint-Denis et la cité de la Maladrerie à Aubervilliers28.

26Des conflits peuvent aussi porter sur le paysage urbain de ces territoires péricentraux. Ainsi, l’installation en cours du siège de SFR à Plaine Commune va boucher la vue historique sur le Sacré Cœur.

27Sur le plan politique, la diffusion du paradigme dominant de la « créativité » dans des territoires historiquement ancrés très à gauche ne va pas sans ambiguïtés. Sur le territoire de Plaine Commune, le lancement du cluster de la création s’est effectué dans un contexte conflictuel : le projet du Grand Paris, lancé par la droite, s’est déployé sur un territoire intercommunal dirigé majoritairement par les communistes, où existe une longue tradition de politique culturelle autonome et alternative. On peut se demander dans quelle mesure ce projet contribuera à « Organiser le territoire sur son identité de banlieue populaire » en valorisant les patrimoines de banlieue, comme souhaité dans le SCOT de Plaine Commune, ou à promouvoir un territoire métropolitain « créatif » standardisé. Il importe donc de repolitiser la question de la régénération urbaine et de mener une étude géo‑politique des rapports complexes entre culture et métropolisation.

Conclusion : régime d’urbanité hyper-industriel et régime post‑patrimonial

  • 29 La référence patrimoniale est ainsi présente transversalement dans le SCOT de Plaine Commune, qui p (...)

28Les territoires péricentraux des métropoles parisienne et romaine semblent en train de connaître un changement de système : longtemps pris dans le régime d’urbanité de la ville industrielle qui leur conférait un statut de périphérie industrielle exploitée, formant système avec un statut de marge au sein du régime de patrimonialité des monuments historiques, ils sont entrés dans un régime d’urbanité métropolitain hyper-industriel, qui interfère avec un régime que nous pourrions qualifier de « post‑ patrimonial ». Ce dernier rompt avec la logique historiquement doublement sélective de la patrimonialisation (sélection de l’unicum [Heinich 2009] et concentration dans le centre historique), au profit d’une patrimonialisation déhiérarchisée (logique du typicum [ibid.], promotion du patrimoine du quotidien) et potentiellement étendue à l’ensemble des formes urbaines (reconnaissance de la « ville historique » à Rome, promotion du « patrimoine de banlieue » à Paris). Il introduit toutefois une nouvelle sélectivité, propre à la nouvelle étape de mondialisation. Surtout, il brouille radicalement les frontières du patrimoine par la diffusion généralisée d’un référentiel de l’aménagement29 et par des réemplois « créatifs » de bâtiments faisant patrimoine.

29La patrimonialisation assume dans ce cadre un rôle croissant dans le nouveau régime d’urbanité : le recyclage métropolitain fait émerger de nouveaux territoires du patrimoine, comme il a fait émerger de « nouveaux territoires de l’art » [Lextrait 2001], tandis qu’une fabrique patrimoniale du territoire se dessine. Cependant, le rôle de la patrimonialisation, tendue dans les projets urbains contemporains « entre gentrification et revendications » [Rautenberg 2012], se révèle fondamentalement ambivalent : tandis que le patrimoine, enrôlé au service du marketing et du branding, sert de caution à la métropolisation, dans un cadre d’usage de la nostalgie par la nouvelle étape du capitalisme [Appadurai 1997], voire de récupération de la critique artiste du capitalisme [Chiapello, Boltanski 1999], des conceptions patrimoniales que l’on pourrait qualifier d’altermétropolitaines s’esquissent.

30La problématique de la (re)construction territoriale par la « créativité », qui révèle à nouveau sur les terrains de Plaine Commune et du quartier Ostiense ses limites et sa sélectivité sociale et spatiale, mérite ainsi d’être resituée dans le cadre théorique de l’entrée dans un nouveau régime d’urbanité, le régime de l’urbain mondialisé et mondialisateur [Lussault 2007], en relation désormais systémique avec un nouveau régime de patrimonialité, qui au lieu de servir la construction nationale réagit désormais à la mondialisation [Gravari-Barbas 2010 et 2013a].

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Bibliographie

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Amougou, E. (2006) – Les grands ensembles : un patrimoine paradoxal, Paris, L’Harmattan, 175 p.

Andres, L., Gresillon, B. (2011) – « Les figures de la friche dans les villes culturelles et créatives Regards croisés européens », L’Espace géographique, 2011/1 (Tome 40), pp. 15-30.

Appadurai, A. (2001) – Après le colonialisme : les conséquences culturelles de la globalisation, Paris, Payot, 322 p.

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Boltanski, L., Chiapello, E. (1999) – Le nouvel esprit du capitalisme, Paris, Gallimard, 843 p.

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Notes

1 Ce concept paradoxal, dans la mesure où la globalisation est associée de façon dominante à l’économie et à des formes architecturales contemporaines verticalisées, pointe l’instrumentalisation contemporaine de la culture et de la patrimonialisation par le marketing métropolitain. Il croise deux références théoriques : les figures paysagères de la nation proposées par l’historien F. Walter (Walter 2004) et les figures de l’aménagement urbain dans la nouvelle étape de mondialisation (Ghorra-Gobin 2012) ou « motifs spatiaux du Monde » (Lussault 2013) analysés par les géographes. Il cristallise deux hypothèses. Des figures paysagères de la globalisation succèdent depuis les années 1980-1990 aux figures paysagères de la nation identifiées pour la période 1830-1950. Ces figures paysagères de la globalisation, « forme(s) architecturale(s) symbolisant l’ancrage d’une ville dans les réseaux globaux » (Ghorra-Gobin op. cit. p. 267), ne se limitent pas aux formes contemporaines les plus emblématiques (C. Ghorra-Gobin liste « le centre commercial, le palais des congrès, le parc d’activités, le parc à thèmes, le lotissement fermé (gated community) »), mais incluent des formes culturelles et patrimoniales récurrentes (M. Lussault pointe « les grands hôtels, les aéroports, les gares, les musées (souligné par nous), les centres commerciaux, les centres de congrès, les grands espaces de loisirs » (op. cit., p. 56)), régies par une tension entre différenciation et standardisation caractéristique de la nouvelle étape de la mondialisation. Sans prétention à l’exhaustivité, listons quelques-unes de ces figures : les sites inscrits sur les listes de l’Unesco, le centre historique muséalisé et muséifié, le waterfront « reconquis » et patrimonialisé, les musées entrés dans « l’ère de la gestion » (Tobelem 2005) et à l’architecture iconique, les aménagements (Chaudoir 2013) et les espaces publics (Fleury 2010) recourant à un référentiel patrimonial.

2 Cf. le site internet http://creativeparis.info/.

3 Cf. le site internet http://www.romaprovinciacreativa.it.

4 Malgré la présence de monuments importants - la basilique Saint-Denis, fleuron du patrimoine national, et Saint Paul hors les murs inscrit au Patrimoine Mondial – qui sont restés des attractions touristiques ponctuelles, au fonctionnement insulaire.

5 Pour reprendre l’intitulé du séminaire organisé par A. Hertzog à l’université de Cergy Pontoise.

6 Structure intercommunale d’étude précédent la création de Plaine Commune.

7 L’importance des liens avec les « autres villes-monde et leurs « creative cities » », en anglais dans le texte, est explicitée dans l’accord-cadre préfigurant le cluster de la création de Plaine Commune (p. 9).

8 Creative Industries Mapping Document de 1998.

9 Qui devrait déboucher sur la signature d’un Contrat de Développement Territorial en décembre 2013.

10 La région regroupe de l’ordre de 363 000 emplois dans ce secteur, en forte croissance sur la période 1994-2007 et la Seine Saint Denis, où les emplois dans les industries créatives ont doublé (+ 8100 emplois sur cette période), concentre 6 % des effectifs franciliens, notamment dans l’audiovisuel et la publicité.

11 Il accueille de l’ordre de 80 000 visiteurs/an.

12 http://ville-saint-denis.fr/jcms/jcms/sd_8909/stade-de-france.

13 L'accord de l'ABF était requis, aux abords d'un monument historique, une église de St Ouen, et l'ancienne centrale elle-même présentait un intérêt patrimonial, mais l'accord pour la démolition partielle a finalement été donné par le ministre.

14 Source : entretien avec B. Mengoli.

15 L’accord-cadre en vue du cluster de la création de Plaine Commune mentionne explicitement : « on favorisera la venue de nouveaux créatifs » (p. 18).

16 La validation des schémas d’organisation des sites de La Chapelle et d’Aubervilliers date du 14 juin 2011, la validation du programme général au conseil d’administration de la Fondation du 18 octobre 2011.

17 Cf. l’avis d’appel public à concurrence relatif au contrat de Partenariat Public Privé du CampusCondorcet publié le 2 novembre 2012.

18 Qui développe la créativité du touriste.

19 P. 5, 9 et 10.

20 P. 27.

21 Métaphore selon laquelle le coeur de la métropole est composé de sept à huit pétales autour de Paris, défendue notamment par Patrick Braouezec.

22 Cf. la page web http://www.campus-condorcet.fr/campus-condorcet/Le-territoire/p-44-Un-Campus-transperipherique-.htm.

23 Ce phénomène n’a rien de nouveau - dès 1983, une mission « programme culturel pour les transports » pour la durée du IXe plan concerne Saint-Denis (source : Archives municipales, dossier 497W28) - mais se trouve singulièrement relancé par les aménagements du métro automatique du Grand Paris.

24 Les polémiques portant sur le projet de musée de la Science, le débat sur l’éclatement ou l’unification des musées scientifiques à Rome, le manque de financement et le coût de la dépollution d’anciens terrains industriels ont eu raison du projet, qui prévoyait aussi l’implantation de la bibliothèque centrale de Roma 3.

25 Un projet plus récent en suspend visait à y transférer le siège de l’ENI (Ente Nazionale Idrocarburi) de l’EUR, Italgas ayant été rachetée en 2009.

26 Sa fréquentation décline (évaluée par l’office statistique municipal à 33 000 en 2006, elle passe en-dessous du seuil des 30 000 l’année suivante), au point que depuis peu, la direction des Musées Capitolins en fait une information confidentielle. Le musée, toujours vide, s’adresse à un public spécialisé aujourd’hui restreint : les scolaires, les amateurs d'art antique et/ou de patrimoine industriel (notamment français et allemands).

27 Source : entretien avec B. Mengoli.

28 Sur 40 ensembles de logements franciliens édifiés entre 1945 et 1975 labellisés.

29 La référence patrimoniale est ainsi présente transversalement dans le SCOT de Plaine Commune, qui propose la notion de « patrimoine potentiel ».

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Table des illustrations

Titre Figure 1 – La cité du cinéma à Saint-Denis : un réemploi métropolitain entretenant un rapport ambivalent au patrimoine industriel
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Titre Figure 2 – Exemple de réemploi universitaire dans le quartier Ostiense : l’opération de la Vasque navale
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Titre Figure 3 – L’implantation de nouvelles entreprises dans le quartier Ostiense : reconversion hyper-industrielle et économie « créative »
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Titre Figure 4 – La Centrale Montemartini, exemple de réemploi culturel et de dialogue entre patrimoine archéologique et patrimoine industriel
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Pour citer cet article

Référence papier

Géraldine Djament‑Tran, « La reconstruction culturelle, patrimoniale et touristique des quartiers péricentraux désindustrialisés : les standards et mythes de la « créativité » à l’épreuve de trajectoires urbaines incertaines »Bulletin de l’association de géographes français, 90-2 | 2013, 153-169.

Référence électronique

Géraldine Djament‑Tran, « La reconstruction culturelle, patrimoniale et touristique des quartiers péricentraux désindustrialisés : les standards et mythes de la « créativité » à l’épreuve de trajectoires urbaines incertaines »Bulletin de l’association de géographes français [En ligne], 90-2 | 2013, mis en ligne le 22 janvier 2018, consulté le 04 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/bagf/2287 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/bagf.2287

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Auteur

Géraldine Djament‑Tran

Maître de Conférences à l’Université de Strasbourg, Faculté de géographie, UMR 7363 SAGE (Sociétés, Acteurs, Gouvernement en Europe), et associée à l’EIREST (Equipe Interdisciplinaire de Recherches sur le Tourisme) - Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne – Courriel : djament[at]unistra.fr

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