1Les oiseaux représentent la seule faune de surface rencontrée par les navigateurs en haute mer en dehors des émersions périodiques de cétacés (baleines, dauphins,..) ou de l’apparition occasionnelle de certains poissons (thons, squales, poissons volants). Les oiseaux de haute mer constituent un sujet qui relève en premier lieu de l’ornithologie, mais qui peut aussi concerner les géographes dans la mesure où il fournit le moyen d’établir des relations entre un espace, en l’occurrence océanique, et des espèces animales, en l’occurrence volantes. Force est cependant de constater que les oiseaux de haute mer sont peu étudiés en biogéographie, comme en ornithologie, pour plusieurs raisons qui introduisent à leurs spécificités. Certaines de celles-ci tiennent à l’espace concerné : un espace immense, souvent hostile, qui impose des moyens d’accès et des conditions d’observation appropriés. D’autres tiennent aux comportements des animaux considérés : grande mobilité dans le temps et inégales densités dans l’espace, mais aussi aires de répartition diversement définies, inventaire responsable, dès l’abord, de problèmes de fond.
2L’article tient compte de ces faits. Son principal objectif est de montrer l’intérêt de l’avifaune comme moyen d’appréhension de la haute mer aux côtés de critères institutionnels, conventionnels ou économiques usuels. Il traite ainsi d’un marqueur biogéographique qui contribuerait à la définition d’un espace dont les limites relèvent ordinairement des juristes, des politiques ou des professionnels de la mer [Beurier 2013, Carré 2013]. Il traite, en contrepartie, d’un espace qui pourrait implicitement se définir par la fréquentation d’oiseaux dits de haute mer. Il conduirait ainsi à fournir un exemple supplémentaire et singulier de « paysage animal » [de Planhol 2004], sans s’affranchir pour autant des difficultés de la « régionalisation » des espaces océaniques, déjà soulignées par Vallaux [1933], puis par Vanney [1991].
3Le problème préalable est de définir les oiseaux de haute mer à partir de leurs modes de vie et de leur occupation des espaces océaniques, avant de traiter des formes d’appropriation de ces espaces au cours de leurs cycles de vie et des relations avec l’homme à l’intérieur de ces mêmes espaces.
4Le premier obstacle à l’étude des oiseaux de mer est celui des mots et des définitions, mais aussi des sources bibliographiques exploitables à leur propos : oiseaux de mer, oiseaux marins, oiseaux pélagiques, oiseaux de haute mer étant les appellations les plus communément employées dans des contextes divers. Pour ne citer que deux des guides de détermination ornithologique les plus utilisés [Tuck & Heinzel 1985, Peterson & al. 1989], de nombreuses expressions désignent conjointement la répartition et le comportement des oiseaux de mer par rapport à l’espace maritime, par exemple : en haute mer (Sterne fuligineuse), en général en pleine mer (Mouette tridactyle), passent toute leur vie en mer (Manchots), haute mer et eaux côtières (Grand labbe), vagabonde dans les mers du sud (Albatros fuligineux), se voient souvent à grande distance des terres (Frégates),...
5Tuck et Heinzel considèrent le terme d’oiseaux de mer comme synonyme d’oiseaux marins et l’appliquent à ceux dont la mer représente l’habitat normal et la principale source de nourriture, ce qui englobe un grand nombre de familles (17 pour ces auteurs), dont certaines ne viennent à terre que pour nicher, alors que d’autres ne vont en mer que pour rechercher une partie de leur nourriture. Les premières, dont les albatros comptent parmi les plus emblématiques, correspondent aux oiseaux de haute mer, terme synonyme, pour sa part d’oiseaux pélagiques selon le Robert (pélagique, relatif à la haute mer). Les secondes correspondent aux oiseaux côtiers, ou oiseaux littoraux, dont les goélands seraient parmi les plus représentatifs. Il est clair que ces deux catégories d’oiseaux marins comprennent plusieurs familles ou espèces et présentent, entre elles, de nombreux intermédiaires : oiseaux saisonnièrement pélagiques (comme les phalaropes), oiseaux normalement littoraux mais migrateurs, empruntant de longues routes océaniques (comme certaines sternes), oiseaux principalement littoraux qui peuvent se rencontrer très au large (comme le Pélican thage), oiseaux aux comportements temporairement littoraux, pélagiques ou migrateurs (comme certains labbes). La définition, l’identification et la classification des oiseaux de haute mer impliquent de recourir à des critères biologiques et à des critères spatiaux.
6Les oiseaux marins représentent un nombre d’espèces et d’individus très inférieur à celui des oiseaux terrestres, tant la biomasse marine se trouve réduite, en dépit de sa vitalité, par rapport à son homologue continentale [Vanney 2002]. Dans cet ensemble, les oiseaux de comportement pélagique comprendraient une centaine d’espèces, dont la majorité appartiendraient aux familles des Diomedeidae (albatros), Procellariidae (pétrels, puffins et prions), Hydrobatidae (pétrels tempête), puis à une partie des Spheniscidae (manchots) et Alcidae (pingouins), Phaethontidae (phaethons), Sulidae (fous), Fregatidae (frégates), Phalaropodidae (phalaropes) et Stercorariidae (labbes), auxquelles s’ajouteraient encore quelques espèces d’oiseaux pélagiques ou temporairement pélagiques, appartenant à des familles d’oiseaux ordinairement littoraux : Laridae (comme la Mouette tridactyle) et Sternidae (comme la Sterne arctique).
7Ces oiseaux de haute mer sont des oiseaux dont l’espace océanique est l’espace de vie habituel. Ils ont au moins en commun de se nourrir exclusivement en mer, de se reposer en mer et de ne se rendre à terre qu’en période de nidification, donc de se tenir à l’écart des côtes pendant la majeure partie de leur existence.
8Leur alimentation varie selon les espèces, les milieux océaniques et les chaînes trophiques impliquées. Elle se compose principalement de poissons (presque toutes les espèces), de plancton (pétrels tempête), de crustacés comme le krill (manchots), de céphalopodes comme les calmars (phaétons), de poissons ou œufs de poissons (pétrels), d’autres oiseaux victimes de prédation, notamment de jeunes (albatros, labbes), de proies récupérées par harcèlement d’autres oiseaux (frégate, labbe, albatros, …), de cadavres et de détritus divers (labbes,...), mais aussi des déchets de la pêche hauturière dont les rejets sont estimés à plusieurs dizaines de milliers de tonnes par an (fulmar, albatros, …). Chaque espèce se distingue par ses procédés de pêche : en volant près de la surface, en s’enfonçant faiblement sous l’eau, en se posant momentanément (pétrels, puffins), ou en courant à sa surface (prions). Certains oiseaux plongent à partir de la surface (pingouins, macareux, manchots), d’autres plongent en piqué (fous, pélicans).
9Les oiseaux de haute mer adoptent par ailleurs plusieurs modes de déplacement et de repos, qui ne sont jamais aussi strictement associés que dans leur cas, puisque ces oiseaux ne se déplacent et ne se reposent qu’au‑dessus de l’océan en dehors des périodes de nidification. Il existe ceux qui volent principalement, sinon constamment, tels que les albatros et les pétrels, mais aussi les sternes pélagiques, capables de demeurer sans repos apparent, en tout cas sans se poser, pendant de longues périodes ; ces oiseaux planent en utilisant le vent et les courants ascendants. Il existe, par ailleurs, ceux qui nagent principalement, tels que les Alcidae (pingouins, macareux, guillemots et autrefois Grand pingouin) ou les Spheniscidae (manchots, gorfous) ; ces oiseaux flottent et sont capables de pratiquer des vols courts, mais sont aussi de grands plongeurs. Les deux types de comportements : vols planés qui permettent de résister aux coups de vent violents et nage en surface qui permet de résister aux houles les plus fortes, assurent la sécurité d’espèces qui affrontent les conditions propres à la haute mer. On pourrait subsidiairement évoquer ceux qui passent, c’est-à-dire les oiseaux migrateurs, qui ne sont pas tous marins, mais qui survolent la haute mer et qui l’intègrent temporairement à leur espace de vie, en pratiquant un vol régulier sur de longues distances, le plus souvent sans planer ni se poser. Mais la migration, comme la nidification, concerne les espaces océaniques – et les espaces côtiers – de façon temporaire, ce qui justifie de les traiter à part.
10Les oiseaux de haute mer ne présentent de caractères morphologiques catégoriques ni par la taille ni par l’allure. L’envergure des albatros hurleurs atteint 3,5 m alors que celle de certains pétrels tempête, présents sur les mêmes lieux, est d’une vingtaine de centimètres. En revanche, le bec de nombreux oiseaux pélagiques (albatros, pétrels, puffins, prions, ...) est pourvu de glandes capables de rejeter le sel contenu dans l’eau de mer consommée. Ce caractère biologique, révélateur d’une fréquentation prolongée d’espaces océaniques particulièrement éloignés des sites d’approvisionnement en eau douce, est éminemment distinctif de l’avifaune de haute mer.
11Les oiseaux de haute mer sont soumis aux multiples contraintes de milieux extrêmes qu’ils ont le moyen de compenser par une espérance de vie relativement longue et par des stratégies de survie qui ne sont pas sans évoquer celles des animaux présents dans les milieux les plus arides ou les plus froids du globe [Demangeot & Bernus 2001].
12La définition de l’avifaune pélagique implique la recherche de limites spatiales. La singularité du sujet incite cependant à appréhender la haute mer à partir du centre des océans, désigné ici sous le titre d’espace 1, et non pas en fonction de l’éloignement depuis les côtes, comme il est d’usage en matière juridique ou économique. Cet espace central, très étendu, se caractérise par la présence d’oiseaux qui ne le quittent qu’au moment de la nidification. À sa périphérie se placerait ensuite un espace maritime bordier, correspondant à un espace 2, d’inégales dimensions, en tout cas intermédiaire entre la haute mer et les côtes par sa situation et par sa faune. Cet espace se trouve fréquenté par des oiseaux vivant souvent en vue des côtes, mais susceptibles d’incursions en haute mer, ou occasionnellement parcouru par des espèces de haute mer. Enfin l’espace côtier, en l’occurrence espace 3, comprend des espèces qui se nourrissent essentiellement en mer, mais qui se reposent à terre, comme la majeure partie des Laridae. Il est occupé par toutes les espèces d’oiseaux marins au moment de la nidification et c’est à ce seul titre qu’il convient de l’évoquer (Fig. 1).
13Ces espaces varient donc selon les espèces et les besoins de chacune d’elles. Ils se définissent en fonction des limites que les oiseaux leur attribuent et conduisent, de la sorte, au concept de « paysage animal » tel qu’il a été défini par de Planhol [2004]. Ils impliquent en tout cas des problèmes de classification qui débordent du cadre de ce travail.
Figure 1– Occupation principale des espaces océaniques par les oiseaux marins
14L’espace 1 est l’un des milieux les moins connus de la planète, parce que le plus vaste et le moins visité par les hommes, mais aussi le moins peuplé par les oiseaux. La haute mer est l’endroit où les éléments nutritifs sont les moins abondants, où les concentrations de plancton, puis de crustacés et de poissons, sont les plus faibles. En témoignent les déséquilibres entre pêche hauturière et pêche côtière, mais aussi une situation de vide biologique reconnue [Carré 2013]. On y observe les oiseaux qui obtiennent la totalité de leur nourriture en pleine mer, hormis ceux qui utilisent l’espace maritime comme voie de migration, normalement sans arrêt. Les populations d’oiseaux sont de faible densité et de répartition irrégulière. Elles compensent la relative rareté des ressources alimentaires par leur mobilité, voire par une emprise spatiale illimitée. Elles pourraient être réparties - à titre préliminaire - en trois sous-catégories.
15Appartiennent à la plus caractéristique de celles-ci la majorité des albatros, à commencer par l’Albatros hurleur ou Grand albatros, mais aussi l’Albatros fuligineux, l’Albatros à sourcils noirs, la plupart des pétrels, des puffins et des prions, ainsi que les Pétrels tempête.
16Viennent ensuite des oiseaux pélagiques, dont les aires de répartition recouvrent celles des précédents et appartiennent effectivement à l’espace 1, mais dont les parcours se rapprochent parfois des espaces maritimes bordiers et dont les séjours s’allongent parfois dans les espaces côtiers, comme le Pétrel fulmar, la Mouette tridactyle, la Sterne fuligineuse, mais aussi les Spheniscidae et les Alcidae, les différentes espèces de phaétons. Ce sont cependant des oiseaux non migrateurs qui ne fréquentent ordinairement les côtes que pour la nidification.
17Tel n’est pas le cas d’une troisième sous-catégorie concernant toujours des espèces d’oiseaux de haute mer, qui vivent principalement dans l’espace 1, voire à certains moments dans les espaces 2 ou 3, mais qui parcourent parfois des distances considérables au cours de périodes migratoires, comme certains puffins (dont le Puffin majeur et le Puffin fuligineux), le Pétrel de Wilson, plusieurs labbes (comme le Grand labbe de l’hémisphère nord ou le Labbe parasite), ou encore la Sterne arctique.
18Une grande partie des oiseaux marins pêchent en mer, mais à distances relativement limitées des côtes. Ils se reposent normalement en mer, mais peuvent rechercher des abris sur les îles ou sur les côtes en cas de contraintes. Ils caractérisent ainsi l’espace 2 par leur fréquentation habituelle. Néanmoins, ils sont capables de vols sur de longues distances et s’observent ou peuvent occasionnellement s’observer dans l’espace 1 en dehors de comportements migratoires. À cette seconde catégorie qui présente tous les intermédiaires avec la précédente, appartiennent la plupart des fous notamment le Fou de Bassan, la plupart des frégates, dont la Frégate superbe, quelques Laridae comme le Goéland bourgmestre, une partie des sternes et noddis, comme la Sterne bridée. À cette catégorie déjà hétérogène s’ajouteraient encore certains Spheniscidae, par exemple le Manchot des Galapagos, et certains Alcidae, comme le Guillemot du Pacifique.
19L’étude des oiseaux de haute mer et la caractérisation d’un espace océanique correspondant soulèvent des problèmes de définition, d’identification, de localisation et de classification qui ont été déjà évoqués et qui impliquent des problèmes de méthode.
20Les oiseaux de haute mer sont en effet peu connus parce qu’ils vivent normalement loin des hommes, lorsqu’ils sont en mer, mais aussi en périodes de nidification, pendant lesquelles sont précisément privilégiés les sites les plus isolés (îles, récifs) et les moins accessibles (falaises escarpées). Le problème qui se pose est double. Il est d’abord qualitatif et concerne l’inventaire des espèces, sachant que leur nombre est plus réduit dans l’espace 1 que dans l’espace 2, en raison de conditions de vie qui limitent la biodiversité. Il est ensuite quantitatif et concerne le dénombrement des individus par espèces sinon leur estimation globale, sachant cette fois que l’espace 1 est naturellement moins peuplé que l’espace 2, en raison de chaînes trophiques plus courtes et de ressources alimentaires plus restreintes.
21Les méthodes de repérage et d’inventaire par carroyage ordinairement employées à terre pour déterminer l’aire de répartition des espèces et pour élaborer des atlas ornithologiques régionaux [Groupe ornithologique breton 2012] ne peuvent pas s’appliquer au large en raison de l’étendue des espaces traités, des déplacements de l’avifaune concernée, du nombre d’observateurs nécessaires et des conditions d’exploitation des données collectées.
22Les premières sources, indirectes, reposent sur les témoignages des marins : marins de commerce, mais surtout navigateurs solitaires, les plus attentifs aux oiseaux rencontrés, ou équipages des flottes militaires, dont les parcours s’écartent des routes commerciales. Les récits de navigateurs fournissent également des informations (Cook, La Pérouse,...), même si toutes n’atteignent pas la rigueur des déterminations de Darwin depuis le Beagle.
23La seconde série de sources, directe cette fois, provient des ornithologues qui procèdent à des observations en mer, sinon à des suivis consécutifs à la pose de bagues ou de balises (comme dans le cadre du programme Argonimaux développé par le Centre d’Etudes Biologiques de Chizé et appliqué aux albatros). En dépit de leur fiabilité initiale, ces opérations demeurent hétérogènes. Les comptages et suivis concernent généralement une espèce ou une famille plus qu’une aire, sans fournir le moyen de quantifier les densités ni les fréquentations à un niveau mondial. Les dénombrements aboutissent souvent à des estimations assorties d’écarts importants pour une même espèce : l’estimation de la population de la Mouette ivoire, par exemple, varie de 19 000 à 75 000 individus selon les auteurs. De plus, les dénombrements portent, dans la plupart des cas, sur les adultes matures et non sur l’ensemble d’une population, alors que les jeunes appartenant à de nombreuses espèces pélagiques divaguent en haute mer pendant plusieurs années avant leur maturité. Les études de la répartition des oiseaux pélagiques dans l’espace, de leur évolution dans le temps, mais aussi de leurs déplacements demeurent finalement incomplètes et inégales selon les espèces concernées [Maclean 2013].
24Les zones de concentration des oiseaux marins correspondent en premier lieu à celles où se trouvent les plus grandes quantités de nourriture, elles-mêmes conditionnées par la production primaire des océans. Au‑delà de ce fait vital, plusieurs paramètres conditionnent la répartition de l’avifaune pélagique et son appropriation de l’espace océanique, notamment la température de l’air et des eaux, la direction et le rythme saisonnier des courants, la répartition des terres et des mers. Cette appropriation s’exprime à travers trois phénomènes principaux : la distribution zonale des espèces d’oiseaux marins dans le monde, les migrations d’une partie d’entre eux au cours de l’année, la sélection et l’occupation des sites de nidification.
25Les conditions thermiques moyennes contribuent à expliquer la répartition des espèces attachées à une zone climatique particulière. Elles déterminent les concentrations du phytoplancton responsables des chaînes trophiques et par conséquent des « régions océaniques » à forte production alimentaire, proches des continents, à production relativement réduite dans les mers australes, à production intermédiaire dans les mers tempérées et tropicales [Vanney 2002]. Les régimes de températures contribuent également à établir le rythme et l’ampleur des mouvements des espèces migratrices, ainsi que le déplacement cyclique des ressources alimentaires. Les conditions météorologiques conditionnent par ailleurs l’état des mers, voire l’étendue de la banquise saisonnière, qui contribue aux déplacements aviaires.
26Les courants participent également à la répartition des oiseaux marins, à travers le transport d’éléments nutritifs et la convergence de masses d’eau différenciées. Ils constituent de puissants agents de la répartition du phytoplancton et des ressources biologiques en général, alors que les grandes girations subtropicales engendrent des secteurs oligotrophes (ou « déserts océaniques »), qui correspondent à la majeure partie des espaces assimilables à la « haute mer » [Carré 1983, Vanney 2002]. Les courants perturbent subsidiairement la zonation des aires de répartition de certains oiseaux marins. Les courants froids, comme ceux de Benguela et de Humboldt, favorisent, par exemple, la remontée du Pétrel géant ou du Puffin brun sur les façades ouest, celui du Labrador justifie la répartition de la Mouette ivoire à partir de l’Arctique.
27La répartition des terres et des mers et leur dissymétrie entre les hémisphères constituent des facteurs encore plus perturbateurs. Au Nord, la discontinuité des espaces océaniques liée à la division Atlantique-Pacifique, explique la répartition compartimentée de certaines espèces de mêmes familles (Puffin des Anglais et Macareux moine dans l’Atlantique, Pétrel de Cook et Macareux huppé dans le Pacifique). En revanche, au Sud, la continuité des grands espaces océaniques offre les meilleures conditions d’évolution aux grands oiseaux planeurs (Albatros hurleur, Pétrel géant, Fulmar antarctique). La configuration des continents et des océans influence également les migrations. L’étendue des continents dans les hautes latitudes boréales et leur refroidissement hivernal impose de longs déplacements automnaux à certains oiseaux de mer, comme le Phalarope à bec large, et à certains oiseaux d’eau continentaux, comme la Bernache cravant.
28La plupart des oiseaux marins appartiennent à des espèces non migratrices dont les aires de répartition sont largement déterminées par les conditions climatiques. L’analyse de ces aires peut contribuer à la recherche des limites de la haute mer, en partant de trois espaces de référence : zone froide, zone tempérée à tropicale et zone intertropicale (fig. 2).
Figure 2 – Répartition zonale et aires de nidification de quelques oiseaux pélagiques
Sources : Tuck et Heinzel, 1985, iucnredlist.org/ ; birlife.org/
29Le milieu polaire arctique est fréquenté, par exemple, par le Goéland bourgmestre, adapté aux plus hautes latitudes de l’hémisphère nord et à leurs eaux froides, quoique parfois présent, en hiver, jusqu’au sud des États-Unis. À l’opposé, en zone subantarctique, polaire et subpolaire, s’étend l’aire de l’Albatros hurleur, principalement localisée entre 34° et 55° Sud. Lors de ses errances d’oiseau immature, l’Albatros peut remonter jusqu’au Tropique du Capricorne, descendre jusqu’aux glaces antarctiques et circuler autour de tout le continent Antarctique. Les principales colonies de Diomedeidae sont présentes sur des îles des océans Indien, Atlantique et Pacifique de l’hémisphère sud, notamment sur l’archipel de Crozet. Le Manchot Adélie a une répartition plus localisée autour de l’Antarctique, en raison de la répartition du Krill antarctique et de la Calandre antarctique (poisson adapté aux froids intenses), qui ne se trouvent en hiver qu’au nord du cercle antarctique, près de la banquise.
30Entre ces deux extrêmes, la surface des océans est occupée par de nombreuses espèces d’oiseaux marins. Dans les zones subarctique et tempérée, se rencontrent, par exemple, le Macareux moine (dans l’Atlantique nord) et le Macareux huppé (dans le Pacifique), puis de la zone tempérée sud à tropicale nord l’Océanite frégate et la Sterne fuligineuse, parmi d’autres.
31La migration se définit comme un « mouvement régulier », saisonnier, qui relie une aire de reproduction à une aire d’hivernage [Vansteenwegen 1998]. La disponibilité alimentaire est à l’origine de la plupart des migrations. Le retour vers des sites plus favorables à la fin de l’hiver est influencé par la nidification. Trois catégories d’oiseaux peuvent être distinguées à ce sujet (Fig. 3).
32Les oiseaux transzonaux migrent entre zones du même hémisphère, par exemple le Pétrel fulmar. Les oiseaux transéquatoriaux, qui comprennent le plus d’espèces, migrent d’un hémisphère à l’autre, comme par exemple le Puffin fuligineux. Les oiseaux transocéaniques, souvent aussi transzonaux, se déplacent suivant des routes diagonales. Ce type de migrations est le plus rare parce qu’il impose à l’oiseau de changer d’aire biogéographique et de s’éloigner de ses besoins vitaux. Il concerne, en particulier, la Sterne arctique qui niche sur les côtes arctiques de l’Alaska, du Canada, du Groenland, de l’Europe et de la Sibérie et qui migre en automne vers les mers subantarctiques jusqu’au pack. Ces déplacements rythmés concernent aussi les espèces non exclusivement marines, comme la Bernache et entraînent incidemment l’existence d’oiseaux égarés, à l’occasion, par exemple, des tempêtes d’automne qui surviennent aux latitudes tempérées, entre l’Amérique et l’Europe.
Figure 3 – Quelques exemples de routes migratoires transzonales (Fulmar boréal), transéquatoriales (Puffin fuligineux) ou transocéaniques (Sterne arctique)
Chadenas C. / Sellier D.
33Ces processus de migrations illustrent l’extrême mobilité des oiseaux de haute mer. Aucune autre catégorie d’espèces animales, y compris chez les poissons et les cétacés, n’est capable de déplacements entre des sites aussi éloignés (Arctique‑Antarctique), sur des distances aussi longues et sur des durées aussi courtes à l’échelle mondiale.
34Il s’agit, là encore, d’un sujet complexe, qui concerne l’ensemble des oiseaux de mer et qui nécessiterait une analyse au cas par cas. La nidification constitue, en effet, une période singulière pour les oiseaux de haute mer, puisqu’elle représente, en principe, le seul moment de leur cycle de vie au cours duquel ils s’établissent à terre, en s’imposant parfois de longs parcours et en réutilisant parfois les mêmes sites plusieurs années de suite. Elle provoque, en tout cas, le regroupement et la cohabitation momentanés d’espèces ordinairement rattachées à l’espace 1 (haute mer), à l’espace 2 (mers bordières) et à l’espace 3 (littoral).
35Certaines espèces se réfugient dans les secteurs les plus inaccessibles de côtes continentales, caps ou îlots pré-littoraux (comme le Pétrel fulmar ou la Mouette tridactyle en Écosse et en Bretagne), mais les oiseaux pélagiques nichent le plus souvent dans des îles, notamment dans les îles océaniques isolées et dispersées, en fait les îles de haute mer. Ces dernières sont fréquentées par les oiseaux de l’espace 1, qui s’y rendent spécialement (albatros) et par les oiseaux de l’espace 2 qui y trouvent un relais (fous). L’Albatros, par exemple, niche dans toutes les îles australes, en particulier en Géorgie du Sud, dans l’archipel du Prince Edouard, aux îles Crozet, aux Kerguelen et aux Macquarie. Par ailleurs, les types de sites précis de nidification sont propres à chaque espèce : falaises (Mouette tridactyle, Fulmar), versants obliques (Fou de Bassan), grèves (Sternes), voire landes (labbes), flancs de montagne (Mergules) ou banquise (Manchot empereur).
36Plusieurs sortes d’aléas climatiques, océaniques ou littoraux perturbent l’appropriation de l’espace océanique par les oiseaux pélagiques. Il s’agit des tempêtes, notamment dans les zones tempérées et subpolaires, des cyclones et des moussons en zones tropicales, des variations de courants, dont les plus connues sont celles d’El Niño sur les côtes pacifiques de l’Amérique latine, des « marées rouges » provoquées par un apport anormal de vases à l’embouchure de fleuves en crue, éventuellement de tsunamis. Hormis l’utilisation momentanée d’abris, ces risques entraînent éventuellement le recul ou la disparition locale d’espèces dont le maintien se trouve compromis au delà de certains seuils démographiques ; ce sont aussi les déplacements, parfois sur de longues distances, qui occasionnent de nouvelles implantations, du fait des « égarés ». En marge de ces phénomènes naturels, les aléas associés à l’homme ne sont pas les moindres.
37L’oiseau pélagique suscite une attention, un intérêt, voire une fascination dont le sens n’est réellement perçu que par les hommes qui fréquentent eux-mêmes la haute mer. En témoignent les signalements et description rapportés par les navigateurs, mais aussi les noms de marins et de voyageurs attribués à des espèces d’oiseaux de mer, comme aux îles ou aux caps (Pétrel de Cook, Pétrel de Kerguelen, Manchot de Humboldt, Puffin d’Audubon,...).
38Dans un milieu où l’espace est immense, le temps démesuré et l’environnement contraignant, l’oiseau représente d’abord une rencontre fortuite, sinon régulière, puis attendue. Il devient progressivement un repère, le marqueur objectif d’un domaine ou d’une limite, en fait l’élément fondamental d’un paysage animal. Beaucoup de navigateurs, solitaires ou non, ont donc mentionné la présence, en pleine mer, d’oiseaux à leurs côtés, le plus souvent des pétrels, des puffins, parfois des albatros ou des fous. Ces oiseaux deviennent ainsi, fortuitement, des compagnons, eux-mêmes curieux, ou intéressés,... Certains d’entre eux sont connus pour suivre les navires : Labbe pomarin et Grand labbe, Pétrel de Hall, Phaétons, Sterne fuligineuse, mais aussi Fulmar et Albatros. Beaucoup trouvent une part de leur nourriture par prélèvements pendant le virage des filets, mais surtout par récupération des rejets de captures hors taille ou hors quotas. D’autres, ou une partie des mêmes, sont également connus pour se poser et se reposer sur les navires : Puffins et Pétrels, parfois épuisés ou blessés, mais aussi Fous, qui pêchent quelquefois à partir des navires [Tuck & Heinzel 1985]. Néanmoins, loin de ces relations inoffensives, l’oiseau de mer est aussi devenu, dans divers contextes historiques, une ressource, un gibier, voire un concurrent du pêcheur, en provoquant des réactions qui ont parfois conduit à la mise en cause de sa survie.
39De multiples menaces pèsent sur les oiseaux marins dans leur ensemble, en raison de la singularité de leurs comportements et de leurs lieux de vie. Certaines appartiennent au passé, souvent récent, mais continuent d’affecter la composition et la répartition de l’avifaune pélagique. D’autres sont nées de l’évolution des activités maritimes.
40Les oiseaux marins, y compris les oiseaux de haute mer en période de nidification, ont servi de ressources alimentaires aux habitants de certaines côtes et îles isolées jusqu’à la première moitié du xxe siècle. Leur chasse a été intensivement pratiquée dans les îles de l’Atlantique nord (Féroé, Shetland, Saint‑Kilda) ou d’ailleurs (par exemple à Tristan da Cunha). Le procédé consistait à capturer les oiseaux, souvent en grand nombre, tout en collectant leurs œufs le long des falaises, notamment les fulmars, les fous, les pingouins et les macareux, puis à les saler pour s’assurer des réserves pendant plusieurs mois [Steel 1988]. Ces prélèvements sont devenus historiques, mais ont durablement modifié la répartition et la densité de certaines espèces, comme le Macareux moine.
41Les oiseaux ont été également exploités par les navigateurs et les naufragés, ainsi que le mentionnent des récits de voyages, comme ceux de Jacques Cartier, dès le xvie siècle. Ils ont été surexploités par les équipages de la grande pêche, en particulier à l’époque de la pêche à la morue dans l’Atlantique nord. Le cas du Grand pingouin est le plus éloquent à ce sujet. D’abord massacré pour la nourriture des pêcheurs, mais aussi pour la fabrication d’appâts à partir d’individus nicheurs ou d’œufs cuits, il a servi de combustible à cause de sa graisse (comme ailleurs les manchots). Ces pratiques ont entraîné la disparition définitive du Grand pingouin en 1844 à Eldey en Islande [Gourdin 2008].
42L’introduction involontaire ou volontaire de prédateurs dans les aires de nidification, notamment dans les îles australes ou en Polynésie a également causé de grandes destructions. Cette menace de la part de chiens ou de porcs (Bermudes), mais surtout des rats, puis des chats débarqués pour chasser les rats, en fait plus friands de poussins (Kerguelen), demeure d’actualité [de Planhol 2004].
43Les pollutions par les hydrocarbures, produits de dégazage ou marées noires consécutives aux naufrages, sont considérées aujourd’hui comme la plus grande des menaces sur les oiseaux marins. Les photographies d’oiseaux « mazoutés », prises à l’occasion de catastrophes comme celles du Torrey Canyon, de l’Amoco Cadiz, de l’Exxon Valdes ou de l’Erika, en sont devenues symboliques. En quelques jours, les oiseaux retrouvés englués sur les plages se comptent par milliers sans permettre d’évaluer avec précision les pertes effectives pour chaque espèce [Bentz 2001]. Les oiseaux pélagiques qui se nourrissent de poissons en plongeant sont les plus représentés (Sulidae, Alcidae). Les hydrocarbures détruisent l’imperméabilité du plumage en cessant d’assurer son isolation contre le froid. Ils empoisonnent finalement les oiseaux par ingestion [Chadenas 2008, Le Dréan-Quénec’hdu 2012].
44La pêche industrielle constitue une autre menace contemporaine, notamment dans l’hémisphère sud. Les destructions accidentelles d’oiseaux à l’occasion de la pêche à la palangre et au chalut concernent toutes les espèces attirées par les captures de poissons ou les rejets en mer, principalement les populations d’Albatros, dont 18 espèces sur 22 seraient menacées d’extinction (Birdlife International 2008).
45Enfin, le dérangement dans les zones de nidification constitue le danger le plus récent. Il résulte du développement de pratiques touristiques en zones sensibles, y compris des observations ornithologiques et des croisières thématiques, notamment dans l’Antarctique. Toutes ces menaces ont entraîné des réactions successives.
46Des mesures ont été effectivement décidées pour protéger les oiseaux marins. Les premières datent du XVIIIe siècle au Royaume-Uni et visaient à limiter la destruction des pingouins déjà menacés de disparition. Les carnages de Macareux moine sur les côtes nord de la Bretagne ont été à l’origine de la création de la Ligue de Protection des Oiseaux, de la première réserve ornithologique française, sur les Sept Iles (Côtes d’Armor), et finalement de la sauvegarde de la seule colonie de macareux en France.
47Il est difficile d’isoler les mesures de protection concernant les oiseaux marins de celles des autres espèces, quelle que soit la juridiction concernée à l’échelle nationale ou internationale. Ainsi, en France, les textes sur la protection de la nature, comme la loi de 1976 portant création des réserves naturelles ou les arrêtés de protection de biotopes, contribuent à la protection des oiseaux marins, en protégeant prioritairement les sites de nidification. C’est à l’échelon européen qu’ont été prises les premières mesures au sujet de l’espace marin avec l’extension du réseau Natura 2000 en mer à partir de 2008.
48Depuis plusieurs années, des associations de protection de la nature se mobilisent pour sensibiliser les États aux menaces pesant sur les oiseaux marins. C’est sous leur impulsion et notamment sous celles de Birdlife International (fédération internationale de protection des oiseaux) et de la RSPB (Royal Society for Protection of Birds), qu’a été conclu le texte le plus récent et le plus significatif sur la protection des oiseaux marins. Il s’agit de l’accord international sur la conservation des albatros et des pétrels daté de 2001. Cet accord vise, en particulier, à réduire les risques provoqués par la pêche à la palangre et propose la mise en place de plans de gestion pour rendre compatible les techniques de pêche et la protection des oiseaux. Le Protocol on Environmental Protection to the Antarctic Treaty, signé en 1991, vise, pour sa part, à limiter l’impact du tourisme ornithologique en Antarctique, en définissant les principes, obligations et procédures à respecter par les tours opérateurs concernés.
49Une des actions les plus concrètes menées par les associations de protection de la nature s’applique enfin à la création et la gestion d’espaces protégés dont des réserves ornithologiques, qui accueillent des oiseaux de haute mer en période de nidification. Les premières à avoir été créées en France sont, après celles des Sept Iles, celles du cap Fréhel, dans les Côtes d’Armor, du cap Sizun et de l’archipel de Molène, dans le Finistère. Ces réserves répondent également à un objectif de transmission de savoir ornithologique auprès du grand public.
50L’observation des oiseaux, leur dessin, leur détermination et leur classification, se sont développés de manière scientifique dès le xviiie siècle en Grande-Bretagne, puis ailleurs en Europe et aux États-Unis. Cette activité s’est développée au cours des dernières décennies en se popularisant à travers le birdwatching, ornithologie pratiquée en amateur et, plus généralement, « observation des oiseaux sauvages dans la nature » [Dubois & Duquet 1996]. Les observations ornithologiques, de la part de scientifiques ou d’amateurs, peuvent provenir de groupes, associations ou clubs d’initiation, qui agissent ordinairement à partir des côtes. Elles donnent également lieu à des sorties en mer, voire aux croisières des types précités, proposées cette fois par des entreprises ou par des institutions et destinées à s’approcher des sites de nidification (Sept‑Iles en Bretagne, Little Skellig en Irlande, côtes d’Écosse, îles Vestmann en Islande, Antarctique) sinon des zones d’évolution de l’avifaune, ce qui demeure plus aléatoire.
51L’oiseau pélagique devient ainsi progressivement un objet de protection puis de transmission de connaissances, ce qui valorise sa place au sein du patrimoine naturel. En retour, il contribue à renforcer l’intérêt patrimonial de la haute mer.
52Les oiseaux de haute mer forment un groupe d’animaux qui ne comprend en fait qu’un nombre relativement restreint d’espèces et d’individus. Ces animaux compensent la pénurie en ressources alimentaires des espaces immenses et relativement « vides » à l’intérieur desquels ils évoluent par une grande mobilité, parfois aussi la sévérité des conditions climatiques de ces espaces par des migrations sans équivalents. Leur croissance démographique et l’extension de leurs aires de nidification actuelles dans le monde, illustrée, notamment, par le cas du Fulmar [de Planhol 2004] résultent tout à la fois de la diminution de la pêche industrielle, de l’abandon des pratiques de prédation organisées par l’homme et des mesures de protection, notamment des sites de nidification.
53Les oiseaux de haute mer sont un sujet qui mériterait d’être développé dans une perspective géographique, à travers la notion de paysage, paysage océanique en l’occurrence de haute mer, ou paysage animal contribuant à la perception de cette haute mer, et à travers l’identification de marqueurs de milieux et de « régions » dont les contours sont plus difficiles à établir que partout ailleurs. Il existerait ainsi un paysage océanique du manchot, de l’albatros et des pétrels, celui de l’espace 1. Il existe aussi un espace maritime bordier, beaucoup plus peuplé, correspondant à un espace 2, celui, entre autres, des fous et des frégates. Il existe, en tout cas, un paysage pré-littoral, où circulent les oiseaux annonciateurs des côtes, ceux de l’espace 3 : mouettes, goélands, autrefois guettés par les navigateurs en quête de terres nouvelles, comme l’étaient les algues ou les bois flottants. Il existe aussi un paysage péri-insulaire, qui constituerait un espace 4, emboîté dans l’espace 1 de la nomenclature proposée ici (Fig. 1), sorte d’isolats où se concentrent les espèces d’oiseaux marins endémiques, qui contribuent, à leur façon, à définir un espace de haute mer.
54Les oiseaux marins sont parfois les seuls habitants des îles, au point de s’inscrire dans la toponymie (île aux Oiseaux, île aux Pétrels). Ils comptent parmi les principaux vecteurs de la colonisation végétale des îles océaniques, mais aussi parmi les premiers vertébrés colonisateurs de ces îles, dont la construction est elle-même la plus neuve, dont l’histoire biologique est relativement courte, mais dont les équilibres écologiques demeurent les plus fragiles du fait de chaînes trophiques réduites, de risques de destruction par les navigateurs et de concurrences entre les espèces. Dans le temps, l’évolution des aires de répartition annuelle, des sites de nidification et des routes migratoires des oiseaux marins fournit aussi des marqueurs des fluctuations climatiques en cours.