1Qu’avait donc à l’esprit le Président Truman, lorsqu’en septembre 1945, il fit la déclaration suivante : « Le gouvernement des États‑Unis considère les ressources du sous‑sol et du lit de la mer du plateau continental recouvert par la mer mais contigu à la côte des États-Unis comme appartenant aux États-Unis et soumis à sa juridiction et à son contrôle. Lorsque le plateau continental s’étend jusqu’aux rivages d’un autre État ou est commun à un État adjacent, la frontière sera déterminée par les États‑Unis et l’État intéressé sur la base de l’équité. Ce qui précède ne porte aucunement atteinte au caractère de haute mer des eaux recouvrant le plateau continental et au droit de navigation libre et sans entraves sur ces eaux ». Pour comprendre le sens de cette déclaration complètement dérogatoire aux principes du droit international du moment, il faut la remettre dans un double contexte :
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l’avancée encore timide de l’offshore pétrolier, connu au Venezuela depuis le début des années 1920 dans les eaux peu profondes du lac Maracaïbo et sous-jacent aux recherches le long des côtes du golfe du Mexique, se traduisant officiellement par la première découverte sous 5 m d’eau, d’un gisement au large de la Louisiane en 1947,
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l’appétit croissant des États‑Unis, devenant importateurs nets de pétrole à partir de 1948, situation qui se creuse par la suite, au point qu’elle les entraîne dans un déficit croissant de leur bilan énergétique global à partir des années 1970.
2Sous l’aiguillon de ses besoins énergétiques, l’homme - et singulièrement l’homme américain - a donc mis les pieds dans l’eau, en partant du constat qu’ayant trouvé des hydrocarbures dans de nombreux bassins sédimentaires continentaux, il y avait de fortes chances pour qu’il en fût de même dans les bassins sédimentaires ennoyés sous les mers et les océans : rappelons en effet que sur les 135 millions de km2 de bassins sédimentaires dans le Monde, plus de la moitié (70 millions de km2) sont « marins » et que nombre d’entre eux semblent « accessibles », puisqu’une trentaine de millions de km2 sont couverts par moins de 200 m d’eau. Certes, les 200 m paraissaient à l’époque du Président Truman, une « nouvelle frontière » encore lointaine, une espèce de far sea difficilement accessible. Faut-il rappeler que les espoirs n’ont pas été déçus, puisqu’à la far sea, plus ou moins éloignée des côtes, a succédé aujourd’hui la far depth, la très grande profondeur, les 1 000 m d’épaisseur d’eau étant d’ailleurs atteints dès 1994 pour l’exploitation d’un gisement au large du Brésil.
3Une telle situation a deux conséquences. Elle permet tout d’abord de déjouer les prédictions les plus funestes (rappelons que le rapport Meadows évoquait en 1972 la disparition du pétrole de la surface de la planète pour 1992 et celle du gaz pour 1994), puisque les hydrocarbures offshore ont utilement suppléé les pétroles terrestres conventionnels, comme le suggère le tableau 1.
4Le net allongement de l’ « espérance de vie » du pétrole est donc bien dû à l’offshore, avec aujourd’hui près du cinquième des réserves mondiales (et même près de 40 % des réserves de gaz). Nous vivons aujourd’hui sur une offre d’hydrocarbures dont le tiers est tiré du fond des mers (5 % et bientôt 10 % en offshore profond, au-delà de 400 m de profondeur).
Tableau 1 – Évolution des réserves pétrolières et de la production annuelle entre 1939 et 2011 (en milliards de tonnes)
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1939
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1950
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1960
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1970
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1980
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2003
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2011
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réserves
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4
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11
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40
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90
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100
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170
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208
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production
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0,25
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0,4
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0,9
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2,6
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2,7
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3,6
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3,9
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R/P (en années)
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16
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27
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44
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35
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37
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47
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53
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Sources diverses
5La seconde conséquence dérive étroitement de la première : pour exploiter ces ressources énergétiques, il a fallu maîtriser des techniques très complexes, mariant l’ingénierie la plus lourde avec les pilotages les plus sophistiqués. Ces techniques ont « marinisé » l’industrie au point de permettre aujourd’hui des conversions rapides vers d’autres formes d’exploitation des ressources océaniques. Face au déclin inéluctable des ressources fossiles et à la nécessaire maîtrise de nos rejets de gaz à effets de serre, les énergies marines renouvelables proposent des alternatives dont certaines sont déjà en phase de développement industriel. Au delà des opportunités de diversification du bouquet énergétique des États concernés, cet essor de sources d’énergie d’origine diverse, dans des mers déjà bien encombrées par des usages plus traditionnels, pose de nombreuses questions de maîtrise technique, protection environnementale et planification spatiale.
6La conquête dont il est ici question, peut être rythmée en trois grandes phases : les préambules du « big bang », le big bang lui‑même, concordant à peu près avec les deux grands chocs pétroliers de 1973‑1974 et de 1979‑1980, puis le glissement vers les grands fonds, très sensible depuis le début des années 2000.
7La première étape est anecdotique : elle correspond à l’extension, liée à des circonstances locales favorables, des modes d’exploitation des hydrocarbures continentaux vers des eaux peu profondes et bien abritées. De ce point de vue l’offshore ne fait l’objet d’aucune disposition particulière, en dehors du fait qu’il s’agit d’installer les matériels de forage et de traitement, voire exceptionnellement les locaux d’habitation des personnels au-dessus des sols immergés, les techniques d’exploration et d’exploitation ne divergeant pas fondamentalement entre la terre et la mer. Ainsi, en 1960, une part minime (7,5 %) de la production pétrolière mondiale était extraite des terrains immergés avec « les moyens du bord » : des installations fixes, rarement mobiles, faites de pieux solidement enfoncés dans le sol et suffisamment nombreux pour supporter des surfaces de travail de grande dimension et des charges lourdes (parfois 1 000 à 2 000 m2 et plusieurs milliers de tonnes). Ainsi, jusqu’en 1963, aux États‑Unis, les huit dixièmes des forages en mer étaient effectués à partir de plates-formes fixes ; parfois, pour en faire l’économie sur petits fonds, la solution de l’île artificielle l’emportait, en mettant les installations hors d’eau par l’accumulation de pierres ou de graviers, protégés contre les vagues par des enrochements ou des tétrapodes en béton. Les installations étaient souvent reliées ensemble par des réseaux d’estacades et de passerelles, permettant d’éviter la reproduction des mêmes installations sur chacune des plates-formes en service et surtout de pouvoir les relier à la côte. Un minimum de rentabilité des installations était toutefois recherché, pour couvrir les coûts additionnels des puits offshore, expliquant finalement qu’avec seulement 3 % des puits forés dans le Monde en 1970, l’offshore était déjà capable de produire 16 % du pétrole mondial.
8Les États concernés par l’extraction offshore étaient encore peu nombreux : Venezuela et États‑Unis faisaient à eux deux 40 % de la production mondiale de pétrole offshore, hors du monde communiste ; le golfe Persique était également bien présent, avec plus du tiers de la production, à partir de réserves qu’on supposait considérables et faciles d’accès (60 % des réserves offshore mondiales). Les autres régions pesaient peu, à la seule exception déjà du golfe de Guinée (Angola, Gabon, Congo et surtout Nigeria) et de quelques pays asiatiques comme la Malaisie ou l’Indonésie. L’URSS, malgré l’appui de la mer Caspienne, produisait peu en offshore : moins de 4 % de sa production en 1970.
9Quelques innovations majeures commençaient néanmoins à diffuser, permettant d’obtenir une meilleure rentabilité pour les opérations les plus aléatoires, en particulier les forages d’exploration : on commence en effet à construire des engins mobiles de forage, selon des conceptions variables, mais toutes dominées par le principe fort contraignant de reposer sur le fond pour tout ou partie de la structure pendant la phase des opérations pétrolières. De ce point de vue, le pétrolier a appris à nager en ayant pied à tout moment et en procédant par sauts de puce successifs. Ainsi en est-il des premières barges submersibles qu’on vit apparaître dès 1949 dans le delta du Mississipi, ces barges supportant les installations de forage et pouvant être positionnées aux endroits voulus par ballastage, en reposant sur le fond, à quelques mètres de la surface. L’amélioration du concept a conduit à la construction de plates-formes submersibles dont le principe était identique mais permettait une immersion à plus grande profondeur. Toutefois, l’innovation principale fut bien la plate-forme auto‑élévatrice, dont le premier prototype date de 1953 et dont le principe est d’associer un caisson flottant (facilitant les déplacements hors des périodes de forage) avec des colonnes verticales mobiles pouvant descendre jusqu’au fond de l’eau et soulever le ponton à plusieurs mètres de la surface pendant la phase de forage. Une telle technique a permis de rendre accessible des fonds jusqu’à une centaine de mètres, expliquant qu’en 1960, il y avait déjà 24 engins de ce type en service dans le monde (sur les 64 plates-formes mobiles disponibles). Dix ans plus tard, elles étaient presque quatre fois plus nombreuses, représentant la moitié de tous les engins mobiles disponibles.
10Les deux chocs pétroliers des années 1970 permirent d’accélérer les progrès techniques de l’offshore, en confrontation permanente avec de nouvelles zones de production qui n’avaient rien d’ « eaux paisibles ». On sait par exemple que la mer du Nord devint un site potentiel d’extraction dès que les Pays-Bas annoncèrent en 1958 la découverte d’importants gisements de gaz dans la province de Groningue, faisant espérer à l’évidence d’importants prolongements en mer du Nord. Des gisements de gaz furent d’ailleurs découverts en 1965-67 dans la zone britannique et furent suivis dans la même zone par la découverte de Forties en 1970 ou de Ekofisk dans la zone norvégienne en 1969. Or les pétroliers ont été ici affrontés à des conditions météorologiques difficiles à des latitudes inhabituelles (Ekofisk est au 56°N, Frigg est déjà au 60°N). On y constate « un mauvais temps moyen permanent » avec du vent et de la houle en hiver obligeant à « durcir » les installations offshore, dans la crainte de l’événement exceptionnel, la vague de 20 à 30 m de hauteur, rarement observée mais toujours crainte (on a enregistré une vague de plus de 25 m à Frigg en novembre 1977). S’ajoutent à ceci des profondeurs d’eau, sans être exceptionnelles, qui augmentent sensiblement du sud vers le nord (Ekofisk est à 65-70 m, mais Frigg est déjà à 100 m, Statfjord à 140‑220 m, Troll est déjà à plus de 300 m), des distances à la côte considérables qui obligent à concevoir des systèmes d’évacuation d’envergure, de plusieurs centaines de km de long.
11La mer du Nord fut donc la matrice de l’offshore moderne, marqué par le décollage décisif des installations mobiles, débarrassées de tout contact direct avec le fond, selon des conceptions radicalement nouvelles. C’est le cas de la plate-forme semi-submersible ou flottante, ainsi désignée parce que reposant sur des flotteurs ballastés sous la surface, la rendant insensible aux mouvements de la houle et au pilonnage par les vagues ; son immobilisation au-dessus du puits à forer se fait alors par ancrage de plusieurs lignes de câbles, jusqu’à des profondeurs de 300 à 500 m, parfois plus. Elle peut se déplacer aisément, par remorquage ou autopropulsion, surtout depuis l’adoption, devenue maintenant presque systématique, de propulseurs horizontaux allongés, lui donnant un aspect de catamaran. Le succès a été rapide : de 23 en service dans le monde en 1970, leur nombre est passé à 116 en 1980, puis à 152 en 1999. L’adoption du positionnement dynamique permit d’éviter l’ancrage sur le fond, technique d’ailleurs nettement plus répandue sur les navires de forage que sur les plates-formes flottantes. C’est la raison pour laquelle se sont développés en parallèle les navires de forage, encore mieux adaptés à la haute mer : ce sont eux qui furent les grands responsables de la course à la profondeur pour la recherche pétrolière. Alors qu’en 1965, on ne dépassait guère les 200 m, les records de profondeur en forage d’exploration atteignirent les 450 m en 1970 sur les côtes américaines, puis 698 m au Gabon en 1975 ; on dépassa les 1 000 m en Thaïlande en 1976, pour atteindre près de 1 500 m au Canada en 1979. Aujourd’hui, les navires de forage les plus recherchés sont capables de travailler au-dessus de 3 000 m d’épaisseur d’eau [Drisch 2010].
12Toutefois, la conquête des grandes profondeurs était encore freinée par la nécessité d’appuyer sur le fond les installations fixes d’exploitation. Le produit le plus courant de ce point de vue fut longtemps la structure en treillis métallique, dont la hauteur n’a pas cessé d’augmenter au fur et à mesure qu’on s’attaquait à des puits de plus en plus profonds. Ces structures ont dépassé les 300 m de hauteur à partir de la fin des années 1970, mais elles avaient le gros défaut de ne pas pouvoir supporter des charges très lourdes, obligeant à les multiplier sur un même site d’exploitation, et surtout d’être incommodes à installer, avec la mobilisation sur zone de moyens importants de levage. C’est la raison pour laquelle sont apparues à partir de 1973, et singulièrement en mer du Nord, où toutes les conditions physiques étaient requises pour les produire de manière relativement aisée, les plates-formes en béton, dont les colonnes sont fondues sur un radier et dont la stabilité dépend uniquement de leur propre poids, une fois ballastées sur le site d’exploitation. Ces plates-formes gigantesques, de plusieurs centaines de milliers de tonnes, sont, malgré leurs dimensions, relativement aisées à construire si l’on dispose d’une zone côtière bien abritée, avec des profondeurs d’eau adaptées à la méthode de construction. En effet, le fût ou les fûts de la plate-forme sont construits au fur et à mesure que le radier s’enfonce dans l’eau. Après installation des ponts, la structure est remorquée à l’aplomb du gisement puis ballastée définitivement. Le procédé a l’énorme avantage d’être d’implantation commode et surtout de permettre de rassembler sur une même plate-forme des matériels particulièrement lourds. Les gisements ont été ainsi mis en œuvre avec de moins en moins d’installations qui, fatalement, intégrèrent de plus en plus les différentes étapes de la production (extraction, traitement, séparation, stockage).
13La conquête de l’offshore profond, au-delà de 400 m de profondeur, ne put se faire qu’en levant l’hypothèque de cette « pesée » sur le fond des installations fixes. Les progrès de l’automation, l’amélioration des connexions sous-marines, l’apparition des robots sous-marins (les ROV, remote operated vehicles) permirent d’envisager la pose à même le fond, des têtes de puits, initialement installées sur les plates-formes elles-mêmes, le positionnement dynamique permettant de connecter la structure flottante en surface aux têtes de puits sous-marines. Cette structure, devenue Floating Production Storage Offloading (FPSO), peut alors atteindre des gisements profonds et se déplacer, sous réserve bien sûr de pouvoir supporter des conditions de mer parfois très différentes d’un site à un autre : ainsi, le FPSO en mer du Nord est un véritable navire, conçu pour affronter les intempéries. Mais il peut être une simple barge dans des eaux plus calmes, comme à Girassol, au large des côtes angolaises, la barge étant solidement ancrée depuis 2001 au-dessus d’un fond à 1 400 m de profondeur. De tels engins, au nombre d’une centaine en 2006, sont 153 en 2013. Ils composent l’essentiel des navires ou structures flottantes destinés à l’exploitation pétrolière (près de 250 au total).
14Notons que la plate-forme de production est loin d’être abandonnée, mais elle ne repose plus sur le fond. Elle y est simplement ancrée, selon des technologies diverses (plate-forme semi-submersible, plate-forme à ancrage tendu, plate-forme « flotteur », dite encore plate-forme SPAR). Enfin, les progrès des commandes à distance autorisent d’envisager la disparition complète des installations flottantes en surface, avec un pilotage du site depuis des installations terrestres, les produits étant acheminés par conduite pour y être traités, comme par exemple pour le gaz de Snøhvit au large de Hammerfest en Norvège, le gaz étant liquéfié avant expédition sur l’île de Melkøya. Même si l’absence d’installations visibles n’élimine pas le risque de pollution en cas d’accident, c’est tout de même l’aboutissement d’un rêve d’intégration douce de l’exploitation des hydrocarbures en milieu marin.
15Au total, l’offshore profond dont les réserves exploitables sont évaluées à plus de 8 milliards de tep (dont 5,6 milliards de tep de pétrole), représente un potentiel ajouté aux réserves « conventionnelles », estimé entre 3 et 5 % de toutes les réserves mondiales d’hydrocarbures. Une nouvelle géographie, derrière laquelle se profilent de nombreux enjeux d’ordre géopolitique, se dessine au début du xxie siècle, le golfe de Guinée s’avérant ici la région la plus riche (3 milliards de tep), devant le golfe du Mexique (2 milliards de tep) et le Brésil (1,6 milliard de tep), les autres régions (1,5 milliard de tep) étant plus en retrait.
16Pour autant, cette nouvelle géographie n’est pas d’expansion infinie et reste largement contrainte par les coûts d’extraction associés à des technologies sophistiquées, tout comme par les limites objectives des ressources en terre. Ce sont les raisons pour lesquelles de nouvelles sources viennent aujourd’hui compléter le bouquet énergétique dans le registre des énergies marines renouvelables qui, de manière tout aussi nette que temporaire, font retourner les efforts d’investissement vers les zones côtières.
17La prise de conscience des limites physiques des énergies non renouvelables, assortie d’un constat d’urgence climatique, lié à l’émission croissante des gaz à effet de serre par la combustion d’énergie carbonée, fait naître un intérêt certain pour les énergies marines renouvelables. Quelques États, tenus par des conventions internationales (protocole de Kyoto de 1997) ou par des réglementations et orientations législatives nationales (comme la loi du 3 août 2009 pour la France), en envisagent très sérieusement la mobilisation dans leur offre globale d’énergie.
18Il est vrai que le potentiel océanique mondial paraît énorme, certains l’estimant à l’équivalent de 100 000 milliards de kWh, dont 20 000 milliards seraient exploitables avec les technologies actuelles, sous la forme éolienne pour 12 000 milliards, le reste étant tiré de la houle, des courants ou de l’énergie thermique des mers. Certes, toutes les régions du globe ne se prêtent pas à une telle mobilisation, les conditions physiques favorables étant très inégalement réparties à la surface de la planète (vents soutenus et réguliers, petits fonds, courants forts, marnage important ou fort gradient vertical de température pour l’énergie thermique). Elles ont toutes la particularité de redonner de l’importance aux zones côtières, à l’inverse finalement des hydrocarbures offshore. À vrai dire, ce retour à la côte s’inscrit dans des trajectoires identiques à celles des hydrocarbures, puisqu’il s’agit bien au départ de « décoller » de la zone littorale, saturée d’installations lourdement impactantes pour la société et l’environnement, afin d’obtenir une meilleure acceptabilité sociale des captures énergétiques, en minimisant autant que faire se peut le coût de ce décollage, tant en matière d’équipements nécessaires à la production qu’en matière de réseaux de convoyage de l’énergie jusqu’à la consommation finale. On passe ainsi de l’usine marémotrice, barrant des bras de mer ou des baies à l’hydrolienne en pleine eau, de l’éolienne onshore à l’éolienne offshore posée, puis éventuellement flottante, de la capture de l’énergie des vagues à même le trait de côte à des systèmes articulés au large, en attendant que les progrès des technologies offshore enregistrés par le secteur des hydrocarbures soient transférés à celui des énergies marines renouvelables, dans une conquête attendue de la haute mer [Lacroix, Paillard & Lamblin éd. 2009].
19On observe un tel parcours pour l’énergie éolienne offshore qui est incontestablement la plus avancée, au regard de son utilisation à grande échelle. Le premier parc éolien offshore est entré en service au Danemark en 1991, à quelques encablures seulement de l’île de Lolland. D’une puissance globale inférieure à 5 MW, sa dizaine de turbines a été implantée sur des petits fonds de moins de 2 m d’eau. Mais rapidement, le besoin d’espace, lié à la nécessaire multiplication sur un même site de machines dont la puissance unitaire reste faible (limitée à quelques MW), le vent plus régulier et plus fort au large qu’en zone côtière, permettant de profiter d’une capacité de charge plus élevée des turbines (jusqu’à 35 % de leur puissance théorique), les contraintes socio-environnementales, en principe plus faibles au large, ont contribué à éloigner les parcs éoliens des zones côtières. Ainsi, toujours au Danemark, les deux premiers parcs du site de Horns Rev, devant le port d’Esbjerg, au large du Jutland, sont respectivement à 18 et 32 km de la côte, les 171 turbines de Horn Rev 1 (160 MW) et de Horn Rev 2 (209 MW) étant implantées sur des fonds de 6 à 17 m d’eau. Le parc d’Anholt, mis en service en juin 2013, dont la puissance est de 400 MW, est à une quinzaine de km de la côte, entre la péninsule de Djursland et l’île d’Anholt, dans le Kattegat, sur des fonds de 14 à 17 m. Partie plus tardivement dans cette course à la mer, la France devrait dans un premier temps équiper quatre sites (Fécamp, Courseulles, Saint-Brieuc, Saint‑Nazaire), si l’on s’en tient aux résultats de l’appel d’offres de l’été 2011, connus en avril 2012 : ils sont raisonnablement éloignés du littoral [Le marin, 2012].
20L’essor attendu de l’éolien offshore dans les prochaines décennies, en particulier en Europe, devrait amener à conquérir des surfaces et des profondeurs d’eau de plus en plus importantes, comme suggéré par exemple par les projets du Royaume‑Uni, promu au premier rang mondial des États équipés en 2012 (avec près de 2 100 MW) et qui devrait accentuer son avance en 2020 (avec 32 000 MW prévus). Cette affirmation de l’éolien devra passer par la mobilisation de sites en pleine eau, comme par exemple le Dogger Bank, banc peu profond au cœur de la mer du Nord et distant de 150 à 200 km des côtes britanniques : 9 000 MW y seraient installés à l’échéance 2020. À l’échelle de l’Europe, le parc des éoliennes offshore serait multiplié par dix entre 2012 et 2020, 13 000 turbines étant attendues pour cette dernière date.
21Les plateaux continentaux pourront-ils suffire ? Déjà, l’on songe à la mise au point d’éoliennes flottantes, permettant de s’affranchir de la présence des petits fonds, voire du plateau continental lui-même. La profondeur d’eau et la surface disponible ne sont d’ailleurs pas seules en cause. Il faut savoir en effet que la puissance d’une éolienne dépend de la vitesse du vent, mais aussi de la surface des pales offerte au vent, autrement dit de la taille des pales ou, si l’on veut, du diamètre du rotor quand ces pales sont en rotation [Vernier 1997]. Or, cette taille dépend de la hauteur du mât des éoliennes, les plus puissantes d’entre elles étant donc condamnées à disposer d’un mât haut d’au moins une centaine de mètres. De tels engins posent incontestablement des problèmes de montage, d’autant qu’ils sont équipés de génératrices de poids élevé (jusqu’à 200 ou 300 tonnes) qu’il faut hisser en tête de mât. Indirectement, ces charges compliquent la question des fondations sur lesquelles ne pèsent donc pas seulement des contraintes hydrauliques, liées à leur immersion dans des eaux parfois agitées ou animées par des courants marins. Le soin particulier apporté aux fondations explique que cette partie de l’installation compte en moyenne pour 20 % d’un projet éolien offshore. Les techniques les plus courantes sont les fondations gravitaires qui tiennent par leur propre poids ou les fondations monopieu, battues et enfoncées dans le sol. Elles sont bien adaptées à des fonds de quelques mètres. Mais au delà, d’autres techniques doivent être envisagées, comme les tripodes ou les jackets, largement inspirées des plates-formes pétrolières. Il est évident que toutes ces exigences techniques viennent obérer le coût de l’éolien posé et rendent nécessaire l’invention de matériels de pose de plus en plus sophistiqués. Ainsi sont apparus ces derniers temps d’étranges navires, à la fois navires aptes à se déplacer par leurs propres moyens, souvent asservis à un positionnement dynamique leur permettant de travailler en parfaite autonomie sur des chantiers de haute mer, et plates-formes auto‑élévatrices, des pieux intégrés et escamotables leur permettant de s’immobiliser sur des chantiers de quelques dizaines de mètres de profondeur. Grâce à leurs moyens de levage permettant de soulever des charges lourdes et à leur capacité d’emport de plusieurs milliers de tonnes, ils sont particulièrement adaptés aux chantiers des grandes fermes éoliennes [Tourret & Gallais-Bouchet 2012].
22Cependant, si les défis techniques trouvent ici leur solution, les coûts économiques sont loin d’être maîtrisés, surtout si l’on pense aux coûts de la déconstruction, lorsqu’il s’agira de faire disparaître les éoliennes devenues obsolètes. C’est pourquoi les éoliennes flottantes ont toute leur pertinence à moyen terme, dans la mesure où elles peuvent être montées avant d’être installées sur leur site de production, qu’elles peuvent être déplacées ou disparaître à volonté. Plusieurs projets sont en cours de développement en Europe et en Amérique du nord, même si, pour l’heure, une seule éolienne flottante est en essai au large des côtes norvégiennes (éolienne Hiwind). Le fait qu’elle soit installée dans les eaux d’un pays bien connu pour son activité offshore, qu’elle soit développée par un opérateur pétrolier (StatoilHydro), grâce à des technologies de flottaison mises au point par une compagnie parapétrolière française (Technip) en dit long sur les enjeux des énergies marines renouvelables et sur les énergies offshore de façon générale.
23Si les enjeux de l’offshore sont multiples, ils s’inscrivent dans des enchaînements invariables et somme toutes assez logiques, depuis les enjeux préalables de la territorialisation, jusqu’aux enjeux environnementaux, en passant par les enjeux socio-économiques, dont le poids et la maîtrise interfèrent directement sur la prise de conscience des précédents.
24Les enjeux territoriaux, au sens de l’appropriation exclusive des espaces marins, puis de leur nécessaire gestion, sont à la fois les préalables et les aboutissements des enjeux socio-économiques et environnementaux. C’est bien la volonté d’appropriation exclusive des ressources qui permit de repousser les limites juridiques de la Haute mer, alors qu’elle était au départ à quelques milles du littoral, selon la largeur de la mer territoriale de l’État côtier. Ainsi, la Haute mer juridique a été progressivement refoulée vers le large, sans en altérer pour autant les aspects physiques qui, peu à peu, sont entrés dans la perception et l’économie des populations continentales. Jeu de balancier qui mit longtemps à trouver son point d’équilibre, puisque l’acquisition des ressources se fit par étapes, par le sol et le sous-sol, avant de songer à la colonne d’eau surjacente.
25C’est bien le sens de la déclaration unilatérale du Président Truman déjà signalée et qui, sous réserve de conserver la Haute mer aux portes de la mer territoriale, étend la main américaine sur le plateau continental, en avançant au moins quatre arguments :
-
l’efficacité des mesures prises pour utiliser ou conserver les ressources dépend de l’aide et de la protection de l’État riverain,
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le plateau continental peut être considéré comme le prolongement géographique et géologique de la masse continentale de l’État riverain,
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les ressources doivent être considérées de fait comme une extension d’un gîte ou d’un dépôt situés sur le territoire riverain,
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le souci de protection oblige l’État riverain à surveiller étroitement les activités au large de ses côtes. On retrouve ici en filigrane toutes les thèses qui ont été développées par la suite au niveau international et qui ont débouché sur les diverses conventions sur le droit de la mer, en 1958 à Genève puis en 1982 à Montego Bay.
26Il faut retenir de ce point de vue les avancées de la deuxième convention de Genève (sur la Haute mer) et de la quatrième (sur le plateau continental), confirmant pour l’une les principes de liberté d’usage de la Haute mer, affirmant pour l’autre l’appropriation unilatérale du plateau selon deux critères à choisir, un critère fixe de profondeur (200 m) ou un critère mobile, l’exploitabilité, qui a posteriori, s’est révélé comme particulièrement expansif. C’est la raison pour laquelle la convention de 1982 a notoirement modifié la définition du plateau continental, en profitant de la reconnaissance définitivement acquise de la zone économique exclusive, totalement englobante jusqu’à 200 milles des lignes de base de l’État côtier, du sol, du sous-sol et des eaux surjacentes aux fonds marins. Dans cette nouvelle configuration, le plateau continental prend une valeur juridique déconnectée de ses aspects physiques, puisqu’il s’agit bien de la bande des 200 milles, quelle que soit sa profondeur, ou de la marge continentale lorsqu’elle déborde des 200 milles, sous réserve d’un certain nombre de limites précisées dans l’article 76 de la partie VI de la convention. Cet article précise bien que la marge inclut le plateau, son talus et son glacis, excluant ainsi toute possibilité de limite précise de profondeur, la convention s’en remettant à un critère de distance à la côte (350 milles) ou de distance à l’isobathe des 2 500 mètres (100 milles). Par ailleurs la zone économique exclusive permet de confirmer les droits souverains de l’État côtier sur la production d’énergie à partir de l’eau, des courants et des vents, avec le droit exclusif d’installation d’ouvrages prévus à cet effet, sous réserve néanmoins de préserver le droit des autres États d’y poser des câbles ou conduites. On conçoit donc que ces conventions ont stabilisé la substance de la souveraineté des États côtiers sur ce qui était initialement une partie de la Haute mer [Labrecque 1998]. Reste à pratiquer les arbitrages entre les différents usages sectoriels que cette exploitation des ressources ne manque pas de susciter. C’est là du ressort des législations nationales des différents États, progressivement acculés à pratiquer ce qu’il convient dorénavant d’appeler une gestion intégrée de la mer et du littoral, grâce aux outils d’une véritable planification spatiale maritime [de Cacqueray 2011].
27L’urgence de cette gestion dépend de l’influence relative et de l’importance intrinsèque des enjeux socio-économiques liés à l’exploitation de ces ressources. En effet, de véritables filières se mettent progressivement en place pour répondre à cette exploitation. Il est impossible dans le cadre de cet article de les recenser toutes et surtout de les évaluer de manière précise. Citons seulement pour le cas des hydrocarbures offshore, les études sismiques, l’exploration, le forage, l’exploitation, tous les métiers de la construction, de la certification, des conseils et audits que cette construction impose, l’assistance à l’exploitation, les services maritimes spécialisés (plongée, logistique, surveillance, transport, etc). Par effets indirects, les matériels nécessaires à la filière impulsent de nombreux secteurs industriels (construction navale, construction métallique, connectique, électronique, chimie, etc). La filière peut ainsi s’exprimer au travers de dizaines de milliers d’emplois, de milliards d’euros de chiffre d’affaires et peser sur une part très significative du PIB ou des exportations de l’État producteur (pour la Norvège, pays remarquable de ce point de vue, la filière représente 5 % environ de la population active, le quart du PIB et la moitié des exportations). À vrai dire, deux situations opposées peuvent être détectées chez les États côtiers : celle des États rentiers qui se contentent d’une croissance substantielle de leurs agrégats nationaux, sans pour autant connaître de transformations profondes de leurs industries ou de leurs services, celle des États « intégrateurs », dont la filière offshore transforme profondément les structures économiques, dans le sens d’un meilleur développement économique et social. Le simple fait que le premier cas prime sur le second, en particulier chez les États les moins avancés, explique les marges de développement d’un troisième type d’État, celui des États démunis en ressources, mais bien adaptés structurellement pour profiter de l’essor d’une filière largement tournée vers l’exportation. C’est précisément le cas de la France, dont le Groupement des entreprises et des professionnels des hydrocarbures et des énergies connexes (GEP-AFTP) estime le secteur parapétrolier à un chiffre d’affaires de l’ordre de 35 milliards d’euros en 2013, dont 60 % dirigés vers l’exportation. Le nombre d’emplois est évalué à 60 000 environ, auxquels s’ajoutent 12 000 à 15 000 emplois maritimes, largement occupés par des étrangers. Les besoins de capitaux sont tels dans ce secteur parapétrolier que les 35 plus grandes entreprises concentrent 82 % du chiffre d’affaires, avec les deux tiers de la main-d’œuvre. Mais la puissance d’osmose du secteur est suffisante pour y recenser aussi 370 petites et moyennes entreprises [Le marin, 2013].
28Que pèsent les enjeux environnementaux au regard de ces enjeux socio-économiques ? La question est en fait à double détente. Elle interpelle d’abord l’offshore sur la qualité de son intégration environnementale, en distinguant le bruit de fond de son activité et les risques majeurs, associés aux aléas technologiques, à soupeser naturellement à l’aune de la fragilité et de la richesse des milieux impactés. Si les pollutions opérationnelles ne sont pas négligeables dans l’offshore pétrolier, elles peuvent être limitées par des réglementations strictes, les risques d’accidents ne pouvant en revanche être totalement écartés, avec de lourdes conséquences, si l’on en juge par la quinzaine d’accidents graves recensés depuis 1976, année du naufrage de la plate-forme Ocean express dans le golfe du Mexique. Ces accidents sont liés soit à des défaillances de structures, soit à des explosions ou pollutions accidentelles, les premières étant souvent les plus meurtrières, les secondes étant en revanche les plus perturbatrices de l’environnement, comme on put malheureusement le vérifier en 1979 avec l’accident de la plate-forme Ixtoc 1 ou en 2010 avec celui de la Deepwater Horizon, tous deux dans le golfe du Mexique. On comprend dans ces conditions que les États les plus conscients du danger cherchent à renforcer leurs réglementations. Cette recherche est néanmoins contrariée par la pression discrète des opérateurs et par la réticence des États à se voir opposer des règles trop sévères par des accords internationaux. À cet égard, la volonté des autorités européennes d’imposer un règlement aux États-membres en vue d’améliorer la sécurité des activités pétrolières offshore s’est heurtée à un mur d’hostilité qui s’est traduit finalement par la production d’une simple directive en juin 2013, transposable dans le droit des États-membres d’ici 2015, avec des ambitions assez limitées. Pourtant, les États-membres impliqués dans l’exploitation offshore sont aussi des parties contractantes de la convention OSPAR de 1992 dont les objectifs sont clairement ceux de la protection des milieux marins de l’Atlantique du Nord-Est. Depuis 1998, les États tenus par cette convention, sont engagés dans la maîtrise de leurs activités offshore, et singulièrement dans le démantèlement de leurs installations désaffectées, même si d’importantes dérogations (pour les plates-formes en béton et les plates-formes en acier dont le poids aérien est supérieur à 10 000 tonnes) diminuent considérablement la portée d’une telle décision.
29Les énergies marines renouvelables bénéficient de ce point de vue d’une perception nettement plus favorable. Toutefois, leur besoin d’espace (plusieurs dizaines de km2 pour les parcs éoliens, voire plusieurs centaines de km2 pour les plus grands à venir), pose la question de leur compatibilité avec d’autres usages de la mer, voire avec les zones de protection environnementale. La réduction ou la perturbation des habitats, la gêne occasionnée à la navigation et à la pêche, notamment pour les arts traînants, obligent à sélectionner attentivement les sites destinés à leur production. Les critères de sélection des opérateurs des sites soumis à appel d’offres doivent tenir compte de la qualité de leurs mesures proposées pour la préservation de l’environnement, et pas seulement de critères économiques liés par exemple au prix envisagé de l’électricité ou à la valeur des projets industriels. Il s’ensuit que ces projets, avant d’aboutir à la phase de production, doivent passer par de longues phases d’évaluation, d’enquêtes auprès des populations concernées, d’études d’impacts, avant de déboucher sur une autorisation d’occupation du domaine public, puis sur la construction des machines à proprement parler. Par exemple, la désignation de deux opérateurs (Éolien Maritime France, contrôlé à 60 % par EDF Énergies nouvelles et 40 % par le danois Dong Energy, Ailes Marines SAS, consortium détenu à 70 % par le groupe espagnol Iberdrola) pour les sites éoliens du premier appel d’offres français de l’été 2011 (Fécamp, Courseulles, Saint-Nazaire pour le premier consortium, Saint-Brieuc pour le second), ne signifie pas pour autant l’assurance de leur mise en œuvre. Les opérateurs désignés doivent approfondir leurs études techniques et environnementales, préciser leurs engagements industriels pour octobre 2013, en suite de quoi ils pourront alors poursuivre leurs démarches administratives avant d’envisager de devenir réellement producteurs d’électricité, autour des années 2017 à 2018.
30Vu sous le regard des rapports entre la terre et la mer, l’offshore ne change pas fondamentalement la donne. La terre domine toujours la mer [Labrecque op. cité] et ce sont bien les besoins de la consommation mondiale qui rythment les pulsations de l’activité offshore, en continuant à l’orienter très solidement vers la production d’hydrocarbures (ces derniers contribuant, selon toute vraisemblance, à 28 % pour le pétrole et à 23 % pour le gaz, de la consommation mondiale d’énergie primaire, à l’horizon 2040). Parallèlement, l’utilisation de la mer sous contrôle des États côtiers a gagné de l’épaisseur et de la profondeur, en repoussant la Haute mer juridique au-delà des 200 milles, voire des 350 milles marins pour ce qui concerne le sol et le sous-sol de la « Zone ». Mais à l’inverse, cette expansion de la terre sur la mer a favorisé la « maritimisation » des économies continentales, en l’imprégnant des exigences d’une ingénierie océanique de plus en plus innovante et ambitieuse. Il y a peu de chance pour que ce jeu de balancier entre la réduction de la Haute mer juridique et l’expansion des usages du grand large s’arrête un jour. Ainsi, peut-on s’attendre à plus ou moins brève échéance, à l’essor de l’offshore ultra-profond et par suite, non seulement à l’exploitation du pétrole et du gaz, mais aussi à celle de nouvelles sources d’énergie, comme les hydrates de méthane, puis par « dilatation » des espaces mobilisés pour la production des énergies marines renouvelables, à l’exploitation des vents du Grand large, voire des grands courants océaniques. Il serait alors temps de songer à la protection véritable de la Haute mer devant cette dilatation définitive de l’œkoumène.