Avant-Propos - Le thème de la haute mer et la géographie
Texte intégral
1L’organisation d’une réunion de l’Association de Géographes Français à Saint‑Nazaire et à Nantes le 17 et le 18 mai 2013 sur le thème de la haute mer tient à plusieurs raisons.
2La première concerne la place relative tenue par les espaces océaniques en géographie. Il est couramment rappelé que ces espaces, dont la haute mer représente incontestablement la majeure partie, quelle que soit la définition qu’on préfère lui attribuer, recouvrent 70 % de la surface de la planète. En revanche, il est avéré que ces espaces ne suscitent pas d’attention en proportion. Ils soulèvent, en tout cas, moins d’intérêt que la mer côtière et les activités maritimes menées à proximité des littoraux, alors qu’au‑delà de leurs caractères dimensionnels, ils représentent des enjeux économiques, écologiques, politiques et stratégiques de portée croissante, qui concernent évidemment les géographes. Par ailleurs, si ces mêmes espaces océaniques sont l’objet d’études sectorielles nombreuses et approfondies, en particulier dans le domaine des transports maritimes ou du droit de la mer, il est rare qu’ils soient traités de façon globale, en tant qu’entité géographique, dans le cadre des thèmes de recherche ou des programmes d’enseignement. Il est un fait que la haute mer concerne des espaces immenses, dont les usages relèvent de professionnels et dont les propriétés demeurent mal perçues par les terriens, à commencer par leurs dimensions, en plan, mais aussi en profondeur, ce dont témoignent, par exemple, les difficultés du grand public pour distinguer mers épicontinentales, précontinent et plate-forme continentale, ou bassins océaniques, grands fonds et plaines abyssales. Il est clair que les contours et les contenus du sujet tiennent à sa définition, mais que la notion de haute mer n’est pas qu’une question de distance des côtes ou de profondeur. L’espace haute mer peut être perçu depuis le centre des océans, sans références préalables ni systématiques aux côtes.
3La réunion tenue à Saint-Nazaire et à Nantes avait comme volonté de regrouper des interventions sur chacun des principaux sujets relatifs à la haute mer, même si ceux qui relèvent de la géographie physique n’ont pu apparaître qu’en biogéographie. Elle avait donc implicitement comme projet de comparer les définitions qui peuvent être actuellement proposées de l’espace considéré. C’est pourquoi les interventions ont d’abord concerné le droit maritime et ses applications, politiques ou stratégiques (Jean-Pierre Beurier : Les compétences de l’État riverain au‑delà de la mer territoriale, Thierry Rousseau : l’Action de l’État en Mer, le point de vue d’un officier de marine). Les suivantes ont porté sur les usages économiques majeurs qui sont actuellement faits de la haute mer et qui participent ainsi à son appréhension : les flottes de commerce (Paul Tourret : les grandes mutations des flottes océaniques, une approche géographique du gigantisme naval), les grandes croisières océaniques (Jacques Charlier : croisières maritimes et paysages marins, quelle place pour la haute mer ?), les routes maritimes (Pierre Thorez : la Russie et le dégel arctique), les énergies offshore (Jacques Guillaume : les énergies offshore à la rencontre de la haute mer). Les dernières ont concerné les occupants, que sont naturellement les poissons et les oiseaux, mais aussi les hommes, qui peuvent pareillement contribuer à caractériser la haute mer par leur répartition, leurs comportements ou leurs adaptations (François Carré : la haute mer et la pêche, Céline Chadenas et Dominique Sellier : avifaune de haute mer et espaces océaniques, contribution à la recherche de marqueurs biogéographiques de la haute mer), Guy Baron : habiter la haute mer, les « marins au commerce international »).
4D’autres raisons, cette fois locales, ont conduit au choix de Saint‑Nazaire, puis de Nantes, respectivement situés à l’entrée et à l’amont de l’estuaire de la Loire, comme sites de réunion, sachant que l’Association de géographes français délocalise périodiquement ses activités en province. La première tient aux activités de l’IGARUN. L’université de Nantes a été créée il y a une cinquantaine d’années et sa « section de géographie », devenue l’Institut de Géographie et d’Aménagement Régional de l’Université de Nantes, a été le siège d’enseignements et de recherches depuis sa création dans le domaine de la mer, de l’océanographie et de la géographie maritimiste, comme des activités halieutiques, en raison du rôle fondamental d’André Vigarié. La seconde tient au passé et au présent de Nantes et de Saint-Nazaire, dont l’activité portuaire, aujourd’hui menée dans le cadre du Grand Port Maritime Nantes-Saint-Nazaire, demeure l’une des principales de la façade Atlantique européenne, mais dont la situation a provoqué et entretenu depuis le xviie siècle une ouverture sur la haute mer, notamment à travers des liaisons transocéaniques durables vers les Amériques, du Nord, du Sud et du centre. C’est en relation avec cette situation particulière, plus qu’avec son site, que Saint-Nazaire est devenu, épisodiquement, un port de guerre, de 1917 à 1918, grâce aux conditions propices au débarquement des Américains, mais aussi de 1941 à 1945, en devenant l’une des principales bases sous-marines allemandes impliquées dans la bataille de l’Atlantique. C’est surtout en raison de ses activités économiques vers la haute mer que la Basse Loire a connu son développement économique à partir du xviiie siècle. Elle conserve des industries qui en procèdent, notamment industries du bois ou industries alimentaires, mais surtout ateliers de réparation et chantiers navals, qui ont progressivement migré le long de l’estuaire et dont Saint‑Nazaire possède encore les plus grands d’Europe.
5La réunion a donc inclus une visite du port et des chantiers navals nazairiens, dont les livraisons les plus récentes concernent précisément des paquebots de croisières géants, mais dont les études portent désormais en partie sur l’énergie offshore. Elle a également compris une remontée en bateau de Saint‑Nazaire à Nantes, le long de l’estuaire et de ses aménagements portuaires, qui demeurent essentiellement tournés vers la haute mer (raffinerie de pétrole, terminaux méthaniers, porte-conteneurs, roll on roll off, notamment). La conclusion de la réunion est revenue à Alain Miossec qui a proposé une réflexion générale sur le terme de haute mer et sur ses équivalents (Le grand large ?).
Pour citer cet article
Référence papier
Dominique Sellier, « Avant-Propos - Le thème de la haute mer et la géographie », Bulletin de l’association de géographes français, 90-4 | 2013, 403-405.
Référence électronique
Dominique Sellier, « Avant-Propos - Le thème de la haute mer et la géographie », Bulletin de l’association de géographes français [En ligne], 90-4 | 2013, mis en ligne le 22 janvier 2018, consulté le 11 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/bagf/1974 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/bagf.1974
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