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Putrajaya ou une utopie malaisienne. Projet urbain et défi politique

Putrajaya or a Malaysian utopia. Urban project and political challenge
Frédéric Bouchon
p. 500-522

Résumés

La construction d’une nouvelle capitale s’annonce comme un élément majeur, voire fondateur d’une nation. Le projet de Putrajaya en Malaisie s’est inspiré de modèles postcoloniaux comme Brasilia ou Chandigarh, afin d’exprimer dans l’espace la vision du futur de la société malaisienne. Elle s’annonce ostensiblement en rupture avec la morphologie chaotique et l’essence multiple de Kuala Lumpur. Elle en est le satellite, mais c’est un projet urbain et de transformation technologique ambitieux. La capitale fédérale présente une morphologie au parti-pris moderniste monumental et à l’esthétique d’inspiration islamo-malaise. Vingt ans après le choix du site, entre Kuala Lumpur et son aéroport, la ville compte aujourd'hui plus de cent mille habitants. La construction de la ville et le transfert des ministères fédéraux ont été rapides, sans rencontrer de résistance, vu la localisation de la ville nouvelle. En revanche certains choix urbains ont été décrits comme contraires à l’esprit de la nation et l’utilisation de la rente pétrolière pour le financement du projet urbain reste sensible. Certains travaux ont insisté sur l’architecture et les choix urbanistiques de la ville. L’absence de synthèse sur cette ville nouvelle, ses ambitions, dynamiques et son rôle de capitale explique ce projet de recherche. Cette étude s’est faite à partir de l’analyse de données secondaires, d’observations et d’entretiens avec des acteurs urbains. Il apparait que Putrajaya est à la fois un projet de rupture, par sa taille, mais qu’il est aussi dans la continuation des politiques d’aménagement public depuis l’indépendance en Malaisie. Le projet de déconcentration administrative dans un cadre monumental s’inscrit donc dans une logique de continuité d’un modèle social en place.

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Texte intégral

Introduction

1Le phénomène de construction de capitales nouvelles à travers le monde illustre des périodes d’inscription d’un projet national dans l’espace selon des visions souvent qualifiées de mégalomaniaques ou quasi messianiques. Les projets de nouvelles capitales permettent d’asseoir symboliquement et dans l’espace la représentation d’une nouvelle société et de s’approprier le territoire, tout en frappant les esprits par la taille même des projets urbains. Les projets de Washington, de Saint‑Pétersbourg ou plus récemment de Brasilia continuent d’alimenter les imaginations par leur aspect utopique et la possibilité pour une société ou un gouvernement d’inscrire sa postérité. Les projets trouvent leur réalisation dans des phases de volonté de renouveau ou d’expansion nationale, pour affirmer un nouvel État, comme à Washington ou Chandigarh, pour équilibrer l’espace national et dynamiser la croissance, comme à Brasilia [De Mello et al. 2004] ou bien pour ancrer le pouvoir en place, comme à Naypidaw [Lubeigt 2011].

2Le projet malaisien de Putrajaya, reste peu connu, bien qu’il participe à des dynamiques semblables. L'idée d’une nouvelle capitale a été récurrente depuis l’indépendance. Il faut néanmoins attendre 1993 pour que le projet d’une nouvelle capitale devienne réalité. Il est né d’un triple objectif démographique, politique et culturel. Les aspirations étaient la matérialisation de la Vision nationale (Wawasan 2020) mise en place par le Premier ministre Mahathir Mohamad d’une nation développée et leader à l’horizon 2020. Il se démarque ostensiblement de la ville de Kuala Lumpur, et du passé colonial dont il souhaite être préservé. Putrajaya peut être entrevue comme l’expression du projet national malaisien. Il s’agit d’un ambitieux projet de nouvelle capitale accompagné d’un projet simultané et voisin d’une Silicon Valley malaisienne, Cyberjaya. La crise de 1998 a gelé les projets. Après des années de ralenti, cette ville bicéphale a malgré tout intégré des emplois et des habitants. Putrajaya cherche à s’établir comme référence urbaine pour les villes du sud-est asiatique et du Moyen‑Orient.

3Les recherches portant sur Putrajaya et Cyberjaya demeurent modestes. La plupart sont liées au phénomène d’urbanisation en Malaisie [Bunnell 2002 & 2004, Bunnell et al. 2002, Barter 2004, Bouchon 2012] et au passage à une économie numérique dans la région urbaine de Kuala Lumpur (Super Corridor multimédia, MSC). Quelques monographies réalisées par des urbanistes [Ho 2006, King 2008, Moser 2010] s’intéressent au bâti de la ville. Néanmoins, cette recherche s’intéresse à des dimensions peu abordées : les dualités urbaines et les représentations nées de ce projet. Cet article présente un regard critique sur le dessein de cette ville nouvelle, en analysant les ruptures, mais aussi les nombreuses continuités qu’il présente avec l’histoire et la société malaisiennes. Le thème de la construction nationale malaisienne est étroitement lié au projet urbain. L’article introduit d’abord le contexte, présentant un aperçu des dynamiques politiques, économiques, démographiques et spatiales de Putrajaya. Ensuite, il s’intéresse aux fonctions du couple Putrajaya / Cyberjaya et à l’utopie qu’il représente. Enfin, la dernière partie analyse les ruptures et continuités de la ville. Il se termine par une interprétation de l’espace de Putrajaya, dix ans après l’inauguration des premiers bâtiments, en essayant d’identifier la portée de son modèle urbain.

1. Genèse d’un projet urbain

4Le projet d’une nouvelle capitale administrative pour la Malaisie est devenu réalité dans les années 1990. Il s’agissait de combiner la création d’une capitale nouvelle, pour désengorger Kuala Lumpur de ses administrations fédérales, de devenir un modèle d’urbanisme intelligent, et de démontrer l’émergence d’une fierté nationale retrouvée.

1.1. Développement économique et urbanisation

5Les villes d’Asie du Sud-est sont confrontées à tous les problèmes de métropolisation et de mondialisation, sans être issues des modèles de gouvernance de sociétés industrialisées. La région urbaine de Kuala Lumpur a une densité de 60 personnes par hectare, ce qui en fait l’une des villes les moins denses d’Asie [Barter 2004]. Sa croissance en tache d’huile explique aussi une motorisation élevée (45 % de voitures individuelles) unique en Asie. Le libéralisme économique, la poussée de mégaprojets pharaoniques et la flambée de l’immobilier ont accru la diffusion urbaine et alimenté ce phénomène [Townsend 2003, Barter 2004, Beaulieu 2006, Bouchon 2012]. L’avènement de Putrajaya et de Cyberjaya est lié à une série de mégaprojets développés par le Premier ministre Mahathir dans l’euphorie de croissance des années 1990. Le projet avait pour intention, non seulement d’afficher la success-story malaisienne, mais aussi d’innover en terme d’urbanisme et de devenir un modèle urbain, en appliquant des recettes écologiques et adaptées au climat.

6Le Super Corridor Multimedia (MSC) a été développé au travers du 7ème plan malaisien (1996-2000) pour mettre en place les ambitions de devenir la Silicon Valley asiatique. Il s’agissait de faciliter la transition d’une économie manufacturière à celle d’une économie de matière grise faite de centres de recherche, et d’industries du numérique et des technologies avancées [Bunnell 2002]. L’établissement de technopôles et la volonté de numériser la Malaisie faisait partie des stratégies du gouvernement. Il s’agissait d’attirer des entreprises de R&D et de transformer la Malaisie en pays utilisant et produisant de la matière grise. Les intentions étaient aussi culturelles, « de transformer les mentalités et d’introduire une nouvelle citoyenneté, intelligente, connectée, et impliquée dans sa société » [Goh & Yeoh 2008]. Le projet MSC représente le fil conducteur sur la carte du changement et des métamorphoses de l’espace urbain.

Carte 1 Localisation de Putrajaya et Ciberjaya

Carte 1 – Localisation de Putrajaya et Ciberjaya

7La zone MSC couvre environ 750 km2, s’étendant sur 70 kilomètres de long sur 15 de large selon un axe radial nord-sud (carte 1), du centre de Kuala Lumpur à l’aéroport (KLIA). Le statut MSC permet aux entreprises Hi‑tech de s’installer dans cette zone et de bénéficier d’avantages fiscaux et légaux. L’Etat a aussi fourni l’infrastructure (technopoles, câblage, fibre optique..). Bunnell [2004], dans son analyse du MSC, indique que cette « dorsale numérique », participe à un projet économique, social et politique, dans laquelle la région urbaine de Kuala Lumpur se mondialise. On peut ajouter que le projet national est intégré, ce qui en fait une vitrine aux échelles globale et nationale. En effet, la dorsale numérique MSC traverse quatre lieux symboliques : les tours jumelles Petronas (KLCC), Putrajaya (politique) et de Cyberjaya (technologie) et finit par le nouvel aéroport (KLIA). La rente pétrolière, a permis de financer la vision d’un « Dragon malaisien », catapulté d’une société agricole et manufacturière à un pays Hi-Tech. Néanmoins, un aperçu du contexte sociétal malaisien est nécessaire afin de mieux comprendre les enjeux qui sous-tendent au projet de Putrajaya.

1.2. La Malaisie, ensemble multiethnique et communautariste

8La Malaisie compte une population de 29 millions d’habitants, qui a doublé entre 1980 et 2010. Elle s’est aussi rapidement urbanisée, passant de 25 % en 1960 à 72 % en 2012. Sa distribution est inégalement répartie avec 80 % de la population dans la péninsule malaise et le reste à Bornéo. Elle se concentre le long de la frange occidentale, industrialisée et urbanisée, allant de Singapour et la frontière thaïe et dont Kuala Lumpur représente l’épicentre. La Malaisie est une nation plurielle, communautariste, composée de deux importantes minorités chinoise (23 %) et indienne (8 %) et d’une majorité malaise (50 %), et de groupes autochtones sur l’île de Bornéo (11 %). Ces derniers et le groupe malais forment l’ensemble bumiputra. Le groupe malais a assimilé les vagues d’immigrants de Sumatra et de Java qui ont afflué en nombre vers la péninsule tout au long du 20ème siècle [Watson‑Andaya & Andaya 2001]. Son identité passant par la langue malaise et la profession de l’Islam. Il est aussi caractérisé par une présence massive dans l’administration publique.

Tableau 1 – Les populations de la Malaisie, 1980-2010

1980

1990

2000

2010

Bumiputera

7 926 694

11 178 563

14 248 179

17 676 842

Chinois

4 460 104

4 989 886

5 691 908

6 430 417

Indiens

1 189 761

1 408 699

1 680 132

1 924 418

Autres

302 693

125 231

269 697

232 041

Étrangers

522 339

1 384 774

2 324 509

TOTAL

13 879 252

18 224 718

23 274 690

28 588 685

Source : Statistics Malaysia

9Les campagnes sont majoritairement malaises, alors que l’ouest de la péninsule, urbanisé, présente une diversité affirmée. A Kuala Lumpur, les Malais (41 %) et les Chinois (39 %) sont à parité tandis que les Indiens sont 9 %, et la population étrangère officielle est recensée à 10 % (2011). La population bumiputra s’est accrue beaucoup plus rapidement que les groupes chinois et indien (cf. tableau 1). La diversité ethnique est l’héritage de l’époque coloniale où une immigration venue de Chine, d’Inde et de Java et Sumatra avait été encouragée par les Britanniques pour répondre aux besoins de main d’œuvre [Zazawi 2004]. L’indépendance (1957) a animé les questions de citoyenneté. Le groupe malais entendait affirmer des droits qu’il estimait occultés par la période coloniale tandis que les « immigrés » chinois et indiens prétendaient à une égalité civique. Le contexte insurrectionnel d’une guérilla communiste (Emergency jusqu’en 1960), a précipité la constitution d’un État fort, et parlementaire. Tunku Abdul Rahman Putra, le premier chef du gouvernement malaisien, établit un compromis à la base du communautarisme malaisien contemporain. La nationalité malaisienne était octroyée à tous. Le groupe malais bénéficiait de prérogatives nationales (Islam religion d’État, malais langue nationale, défense des droits malais qui évoluent ensuite vers le statut bumiputra). En contrepartie, les droits collectifs culturels des autres groupes étaient reconnus (partis, réseaux d’écoles et médias vernaculaires).

1.3. Un pays, deux systèmes. Entre nation malaisienne et un rêve malais

10Cependant, les disparités socioéconomiques doublées de fractions ethniques engendrent des émeutes raciales qui culminent en 1969 [Yong 1992]. Dès lors, une Nouvelle politique économique (New Economic Policy - NEP) établit les fondements de la Malaisie moderne. La NEP est axée autour du credo du développement économique pour tous et de la discrimination positive au profit de la majorité malaise devenue « bumiputra » [Economic Planning Unit 1971]. La NEP a réussi son pari du développement économique pour tous au travers de trois décennies de croissance annuelle entre 5 et 10 %. L’un des aspects les plus importants de la NEP pour cette étude, fut de créer une classe moyenne urbaine malaise notamment à Kuala Lumpur, même si cette dernière reste une ville principalement chinoise.

11Néanmoins, la citoyenneté reste une pomme de discorde. Le statut de Bumiputra (littéralement “fils, princes, enfants” “du sol, de la terre”) établit deux niveaux de citoyenneté en excluant les communautés chinoises et indiennes. Il perpétue une racialisation des discours et un malentendu qui relègue l’unité nationale à un vœu pieux. La Malaisie moderne s’est construite autour d’un consensus multiculturel difficile. Les discours et actions politiques fluctuent entre deux projets de société distincts. D’un côté, le parti au pouvoir depuis l’indépendance (UMNO), en se présentant comme le défenseur de l’Islam, des droits malais, et d’une croissance économique pour tous reste dans l’esprit de la NEP. Il défend une vision communautariste asymétrique (pro‑bumiputra). Il a réussi à assurer sa survie politique, avec un contrôle ténu des médias, et une appropriation de l’État. De l’autre côté se situe le pôle qui défend une position de droits égalitaires et individuels. La Malaisie est considérée par certains comme une « démocratie dysfonctionnelle » qui sous l’apparence de mécanismes démocratiques hérités du système parlementaire britannique est en fait une démocratie de façade. L’avènement de la vision communautariste de la société au détriment de la vision syncrétique d’une Malaisie malaisienne reste controversée. Le nom même de la nouvelle capitale est équivoque. Officiellement, c’est un hommage au père de la nation (Bapa Malaysia), le Premier ministre Tunku Abdul Rahman Putra. Mais c’est aussi celui des bumiputra. Jaya signifie « réussite » ou « victoire ». Jaya peut donc être la réussite cybernétique (Cyberjaya), mais aussi celle des Putra (Putrajaya). L’ambivalence entre rêve malais et rêve malaisien semble marquer l’imaginaire aussi bien que l’espace.

2. Projet grandiose : morphologies et fonctionnalités

2.1. Le projet urbain : modèle politique, urbanistique et technologique

12Le choix de l’emplacement de la future capitale a été rapidement décidé parmi des sites situés dans un rayon de 60 kilomètres du centre-ville de Kuala Lumpur. Le site de Perang Besar, avait l’avantage d’être localisé entre le nouvel aéroport (KLIA) et Kuala Lumpur, d’être situé sur un terrain plat avec des réserves foncières importantes et de représenter un coût de développement moindre que les sites concurrents [Ho 2006]. En février 1995, le Conseil des ministres sélectionne le projet d’une « ville jardin intelligente » parmi cinq concepts présentés au gouvernement [Putrajaya Holdings 2003]. La déconcentration de la capitale et la création d’un technopôle se font sur des terrains occupés par les palmeraies et s’étendant à l’infini ; tapis végétal coupé au cordeau, typique de la Malaisie contemporaine. Le concepteur a voulu faire du nouvel ensemble « une symbiose entre l’homme, la nature et la science » qui la rapproche des politiques européennes en tentant de créer une ville au développement durable. Près de 40 % du territoire sont ainsi dévolus aux espaces verts. L’urbanisme s’apparente aux villes nouvelles britanniques, avec un zonage strict, des espaces verts isolant les quartiers les uns des autres et une basse densité. Putrajaya est organisée autour d’un lac artificiel (650 hectares), dont une partie entoure l’île centrale, axe du pouvoir et des ministères. Les autres zones projetées sont constituées des lieux d’enseignement (secondaire), résidentiels, commerciaux, diplomatiques et touristiques (incluant les congrès). Cyberjaya est développée à l’ouest immédiat de la nouvelle capitale et leurs vocations et statuts sont différents. Putrajaya est un centre administratif fédéral alors que Cyberjaya est un technopôle de l’état du Selangor.

2.2. Vitrine nationale et mise en scène urbaine

13En 1957, Kuala Lumpur était désignée capitale, bien qu’elle représentât aussi l’époque coloniale. L’urbanisme de construction nationale des années 1960 a mis en avant des « préceptes modernistes conjugués aux formes de l’habitat malais » [Lai 2007], comme la Mosquée nationale ou l’Istana Budaya. À la fin des années 1970, les organismes publics ont élaboré des stratégies pour affirmer une présence islamo-malaise tout en favorisant une société multiculturelle [Bunnell 2004. Putrajaya, création ex-nihilo offre l’occasion de développer un modèle de planification, et la possibilité de mise en scène du projet national. En dépit de la volonté de représenter l’essence de l’urbanisme malais et la diversité malaisienne, le résultat apparaît comme une ville au visage moyen-oriental plantée dans un cadre tropical.

Figure 1 Résidence et bureaux du premier Ministre à Putrajaya

Figure 1 – Résidence et bureaux du premier Ministre à Putrajaya

14Le zonage rigoureux établit un noyau institutionnel (cf. carte 2), organisé autour d’un axe du pouvoir, au bout duquel est érigé le Cabinet du Premier ministre. Le palais de marbre et de granit massif, austère et aux allures kafkaïennes, se conjugue, non sans un paradoxe détonant, à un environnement digne des Mille et une nuits. Ce bâtiment a été l’un des premiers à être érigés et trône sévèrement au sommet d’une colline (fig. 1). Il fait figure de poste de commandement face aux 4 kilomètres de l’alignement des ministères de l’axe majeur de la ville. À l’image d’autres capitales planifiées, les palais du pouvoir en place sont érigés à une place symboliquement centrale. Brasilia a sa Place des Trois Pouvoirs, Washington son Capitole, Ottawa sa colline parlementaire. Putrajaya, avec le Cabinet du premier ministre et l’absence du parlement, illustre le rôle joué par la fonction de premier ministre dans la politique nationale. D’ailleurs, le premier ministre Mahathir Mohammad, père du projet, avait été parmi les premiers à emménager dans la ville. Le pouvoir politique trône avec le cabinet du premier ministre, aux côtés de la majestueuse mosquée Putra qui rappelle la place de l’Islam dans la société (fig. 5).

Carte 2 Putrajaya et Cyberjaya

Carte 2 – Putrajaya et Cyberjaya

Bouchon, 2013

15La ville vitrine de l’État, de la nation, mais aussi du parti au pouvoir assoit son autorité par son caractère majestueux et solennel, mais aussi par la modernité. La construction de tours pour certains ministères, bien que superflue, compte tenu des réserves foncières énormes, participe aussi à cette représentation de pouvoir (fig. 2). Les esplanades, le lac, les perspectives rectilignes mettent en scène la ville avec toute la pompe nécessaire pour les festivités nationales. Putrajaya offre encore beaucoup de lots qui ne sont pas terminés ou aménagés.

Figure 2 a & b Nouveaux ministères : modernité et monumentalité

Figure 2 a & b – Nouveaux ministères : modernité et monumentalité

Tableau 2 Fiche technique de Putrajaya et Cyberjaya

Putrajaya

Cyberjaya

Statut administratif

Territoire fédéral

État du Selangor

Échelon local

Territoire de Putrajaya

District de Sepang,

Autorité administrative

Perbadanan Putrajaya

MPS

Développeur
 

Putrajaya Holdings Sdn
Bhd

Gestionnaire du projet
urbain

Kuala Lumpur City Center
Bhd

Population (2012)

80 000

22 000

Population (projetée)

330 000

120 000

Emplois (2013)

100 000

45 000

Superficie

49,30 km2

289,4 km2

Zones vertes

37,5 %

41 %

Source des données : Setia Haruman, 2013

16Vingt ans après les premiers plans de la nouvelle capitale, le bilan est mitigé. Pour l’heure, la plupart des ministères et administrations ont été transférés depuis Kuala Lumpur. À la différence de Brasilia [De Mello et al. 2004] ou d’Astana, le déménagement des fonctionnaires s’est fait facilement vu l’appartenance de la ville nouvelle à l’aire urbaine de Kuala Lumpur. En revanche, le transfert de 85 ambassades destinées à rejoindre une « enclave diplomatique » est gelé pour l’instant, les diplomates étant peu enclins à quitter le centre de Kuala Lumpur, pour ce qui n’est perçu que comme une « banlieue administrative ».

17Sur le plan démographique, l’objectif était d’achever la ville en 2010 en atteignant une population de 330 000 habitants, dont 76 000 fonctionnaires. Putrajaya accueille 75 000 habitants, à 98 % bumiputra [Department of Statistics 2011]. L’homogénéité de la population contraste avec la diversité de Kuala Lumpur où les Bumiputra ne sont que 44 % de la population. À l’absence de mixité ethnique s’ajoute aussi une absence de mixité socio-économique.

18La rigidité du code de l’urbanisme d’une ville modèle se marque par la panne du dynamisme commercial et de l’animation urbaine. L’activité de Putrajaya est administrative et le secteur privé commercial se remarque par son absence. Le gouvernement avait promis 59 000 postes de travail dans le secteur privé. Mais celui-ci, essentiellement chinois, n’a pas répondu à l’appel d’une ville dont il est exclu. Par ailleurs, cela fait de Putrajaya, une ville de fonctionnaires où la greffe urbaine dans les nouveaux quartiers n’a pas pris. L’absence de commerces, d’animation, en dépit d’une population importante, donne une impression de décor urbain sans vie, en contraste avec Kuala Lumpur. Les zones commerciales et touristiques sont limitées. Un centre commercial (Alamanda) répond aux besoins de divertissement et de consommation. L’infrastructure d’accueil est constituée de resorts privés et isolés (Pullman, Shangri-La, Mariott..) et du palais des congrès (Putrajaya Convention Centre, PCC). Ces infrastructures d’accueil fonctionnent essentiellement avec la clientèle ministérielle. Le PCC, assis sur une colline au sud de l’axe des ministères (carte 2), en position symétrique par rapport du Cabinet du premier ministre, avec sa silhouette de soucoupe volante, semble prêt au décollage. Mais celui-ci tarde à venir, tout comme pour la ville, malgré le coût du projet.

19Le gouvernement regarde Putrajaya dans une perspective keynésienne de stimulation de l’économie, tout en construisant l’identité et la fierté nationales. Même si ces investissements ont été financés par la manne pétrolière de Petronas, les détracteurs du projet lui reprochent d’avoir siphonné un budget qui aurait pu être utilisé pour l’éducation ou la santé sachant que son coût total est estimé à 60 milliards de dollars (2011). En regard des performances de la ville, une impression de gaspillage et un arrière-goût d’inachevé dominent.

2.3. Cyberjaya, un pôle scientifique et technique régional

20Cyberjaya avait été conçue pour accueillir 120 000 personnes à l’horizon 2010. Ville nouvelle intelligente remplaçant les palmeraies, située à cinq minutes de sa jumelle Putrajaya, dont elle est le pendant technologique, elle occupe une superficie d'environ 29,4 km2, et constitue le cœur de la zone MSC. Elle s’inspire des modèles urbains et économiques de la Silicon Valley, de Sophia Antipolis, de Bangalore et du réseau de technopôles du Japon [Townsend 2003]. La ville se présente comme un technopôle vert, avec de nombreux parcs. Le poumon vert de la ville mesure 1,6 km2 dont 350 000 m2 sont aménagés, il est dessiné autour d’un lac. Le développement de Cyberjaya a été basé sur les TIC et industries multimédias, en associant centres de R&D et un réservoir de main d’œuvre éduquée au cœur du projet urbain [Selangor Town & Country Planning Department 2000]. Le projet visait à attirer les sièges régionaux et les laboratoires de recherche des plus grandes multinationales de l’informatique dans cette zone à statut spécial (exonérations fiscales, bureaucratie allégée, etc.), via des infrastructures de télécommunications (Fibre optique généralisée, haut débit internet) et la présence d’universités de recherche [Musa 2002]. Malgré ces privilèges, quinze ans après son lancement, le constat est mitigé. Alors que Putrajaya a été financée par l’argent public du pétrole, Cyberjaya était un projet destiné à attirer les IDE. La crise financière de 1998 a fait chanceler les projets grandioses et les investissements privés se sont taris. Le gouvernement fédéral a dû nationaliser le projet et souhaite réactiver l’implantation de multinationales [Pemandu 2010].

Tableau 3 – Chronologie du développement de Putrajaya

Phase

Date

Fait majeur


1990-1997
Lancement
des projets
Logique de
croissance

juin 1993
 

Le site de Perang Besar est choisi pour le Centre
administratif

 

février 1994
février 1995
 

Choix du concept de Ville-jardin pour Putrajaya
parmi cinq projets urbains par le Cabinet du
Premier ministre

 

août 1995

Lancement officiel du projet Putrajaya ;

 

octobre 1996

Début des premières constructions


1998-2007
Crise
financière
Lente
remontée

1998

Crise financière asiatique

 

Juin 1999

Premiers emménagements

 

Février 2001
 

Putrajaya officiellement Territoire fédéral,
détaché de l’état du Selangor

 

2001-2011
 

Arrivée de la majorité des administrations et
ministères fédéraux


2007-2013
Intégration à
la métropole

2011
 
 

Schéma directeur pour Putrajaya 2025
(PGC2025). Perspective axée sur
l’environnement, l’action sociale.

 

2013

102 000 habitants et 145 000 emplois,
intégration au Grand Kuala Lumpur

21Pendant presque dix ans, le décor est resté figé avec des avenues immenses au milieu de la savane et une impression de vide, à l’image de Brasilia à ses débuts. Avec la crise, les centres de R&D pour les géants informatiques n’ont pas vu le jour. Les universités voisines, l’Université Multimédia (20 000 étudiants) et l’université Lim Kok Wing (Design et Industries Créatives) ont été les terreaux de cette aventure urbaine. Lentement, Cyberjaya s’est construite, en attirant d’abord les centres d’appel et services clients (HP, IBM, HSBC…) vers l’Inde, l’Australie, la Grande Bretagne, Hong Kong, Taiwan, profitant d’une main d’œuvre qualifiée et d’un accès facile. Les capacités multilingues des Malaisiens ont favorisé ce mouvement de délocalisation. Depuis la fin des années 2000, le projet a été relancé et rajeuni avec un nouveau parc d’affaires. Au total, plus de 500 entreprises MSC se sont implantées, essentiellement pour des activités d’exploitation (Shell, Basis Bay, NTT MSC, BMW, la Banque Centrale, DHL). Elle est devenue depuis une ville résidentielle de 25 000 habitants alors que 45 000 emplois y sont concentrés. Cyberjaya, de par ses activités, attire une population jeune. La présence d’étudiants et des services afférents (distractions nocturnes, commerces, restaurants et pubs ouverts 24/24) créent une animation qui contraste profondément avec la majesté théâtrale mais froide de sa voisine. Néanmoins, l’ouverture du secteur de l’enseignement supérieur a favorisé de nouveaux projets d’universités qui viennent relancer Putrajaya et tentent d’en animer le centre. Des universités écossaise (Heriot-Watt) et américaine (Johns Hopkins) y construisent leur campus asiatique.

22Si les deux villes ont réservé 40 % de leur superficie aux espaces verts, elles sont néanmoins loin d’être un modèle durable. Moser note que les choix architecturaux (façades de verre, bâtiments cavernes de style moyen-oriental) ne correspondent pas aux besoins d’un climat tropical et résultent en une consommation accrue de climatisation. Le projet devait être doté d’un système de déplacements doux (pistes cyclables) et de lignes de tram et de monorail qui restent lettre morte. La motorisation forcée conduit déjà à des problèmes d’encombrement alors que la population actuelle ne représente que 30 % des prévisions. En cela il n’y a pas de rupture avec Kuala Lumpur, mais plutôt une répétition à une échelle plus vaste.

23D’ailleurs, l’ensemble Putrajaya‑Cyberjaya commence désormais à occuper un rôle de porte Sud de l’aire urbaine de Kuala Lumpur (carte 3), ce qui n’était pas l’intention initiale. L’accès par autoroute au reste de la métropole, les réserves foncières et la proximité de l’aéroport (KLIA) à 20 km au sud rendent leur localisation stratégique.

Carte 3 – Putrajaya et Cyberjaya au sein du système urbain de Kuala Lumpur

Carte 3 – Putrajaya et Cyberjaya au sein du système urbain de Kuala Lumpur

Bouchon, 2012

3. Entre rupture et continuité

24En partant de zéro, le projet de nouvelle capitale permettait de créer une ville représentant l’idéal nationaliste entrevu par le premier ministre Mahathir : créer une ville à la fois technopole high-tech, centre administratif et au caractère malais. Cette dernière part a fait l’objet de débat, tant par son caractère ethniquement exclusif que par la difficulté à définir la, osons le néologisme, « malaisité » urbanistique de la ville nouvelle.

3.1. Une tutelle de l’État

25Le premier ministre Mahathir fit de Putrajaya et du MSC un projet personnel. Pour faciliter les choses, les zones MSC sont devenue compétences du cabinet du Premier ministre, alors que Putrajaya devenait territoire fédéral, donc directement sous administration du gouvernement fédéral. Le gouvernement fédéral a un droit de regard quasi absolu et un contrôle sur les deux enclaves fédérales (ville de Kuala Lumpur et Putrajaya). Le territoire fédéral est une composante sous tutelle du gouvernement, aux pouvoirs et compétences limités. Il faut souligner que la gouvernance malaisienne a privilégié une limitation des libertés individuelles en faveur d’un leadership de croissance économique de tous. Ce contexte de politique pro-affaires, de soft‑autoritarisme et de conservatisme social poussé [Marcotullio 2003], a favorisé les grands travaux d’infrastructure.

  • 1 Le gouvernement municipal (DBKL) est nommé par le gouvernement fédéral

26La création de Putrajaya est destinée à incarner le message politique et la vision du parti au pouvoir (UMNO). Elle peut être aussi considérée comme une stratégie fédérale pour créer une enclave de loyauté peuplée de fonctionnaires fédéraux dans un espace métropolitain frondeur et acquis à l’opposition. Cette implication directe du gouvernement fédéral permet de diluer le pouvoir de Kuala Lumpur et du Selangor qui sont des bastions grandissants de l’opposition. Si le Selangor échappe à la tutelle fédérale, le système électoral, prive Kuala Lumpur, étant Territoire fédéral, d’élire son exécutif1. Malgré tout, les stratégies de contrôle se délitent, notamment pour l’accès à l’information. Le souhait ardent du Premier ministre Mahathir d’une société numérisée est devenu réalité après 2005. L’accès, auparavant inégalé, à des sources d’information non-censurées a rapidement créé les fondements d’une société civile urbaine. Elle a traduit ses aspirations dans les élections de 2008 puis de 2013. La coalition au pouvoir a connu une érosion des votes, malgré de nombreuses fraudes. Putrajaya est au centre des convoitises nationales comme lieu d’accès au pouvoir, mais sa légitimité n’est pas évidente. Le dernier exemple illustre les limites de la tutelle de l’Etat. Tandis que tous les ministères fédéraux ont déménagé à Putrajaya, le symbole du pouvoir démocratique, le parlement n’a pas quitté Kuala Lumpur. Cette dernière, si elle n’est plus le siège de l’administration, reste le symbole de la nation, dans sa réalité plurielle.

3.2. Une utopie parmi d’autres

27Putrajaya s’inscrit dans une lignée de politiques volontaristes et nationales de construction d’une nouvelle capitale permettant de créer une dynamique propre et de marquer l’espace par le projet national. Elle peut être considérée, comme typique de l’espace conçu du pouvoir, « dominant dans une société », et de la création de mythes, légitimation d’une communauté [Lefebvre 1974]. Le but d’une nouvelle capitale est de construire, communiquer et de normaliser l’identité nationale. Certains l’ont fait dans un geste d’ouverture au monde (Saint-Pétersbourg) ou par un choix de neutralité entre villes rivales (États‑Unis, Australie). D’autres l’ont fait dans une politique de développement du territoire et de désenclavement comme au Brésil avec Brasilia, au Nigeria avec Abuja ou plus récemment au Kazakhstan avec Astana.

  • 2 Comme Quezon City le fut par rapport à Manille aux Philippines

28Putrajaya n’est pas un projet de décentralisation, mais de déconcentration2. D’ailleurs, il tend plutôt à renforcer l’aire métropolitaine de Kuala Lumpur. Il aurait pu être situé au centre de la Péninsule, afin de la désenclaver et la sortir d’un sous-développement chronique. Mais installée en périphérie de Kuala Lumpur, elle résulte d’abord d’une volonté de déconcentration urbaine. Il s’agit aussi d’un rêve de perfectibilité. La nouvelle capitale, construite aux limites mêmes de l’ancienne, doit être l’opposé de tous ses défauts. En cela, un parallèle se dresse avec les villes duales de la colonisation, entre une ville indigène témoignage du passé, et une ville européenne moderne, rationnelle. Delhi et New Delhi, Fez et la ville moderne ou Marrakech et la ville européenne. Pour Kuala Lumpur, le cas est inversé, la colonisation a généré et organisé le développement urbain, avec un plan moderniste et ethniquement ségrégué.

29Putrajaya apparaît comme le miroir de Kuala Lumpur. Elle sera un joyau ciselé selon la vision d’exclusivité ethnique de l’UMNO. Elle met en avant les valeurs islamo‑malaises et ignore les autres composantes de la société plurielle malaisienne ce qui semble paradoxal pour la capitale de la nation. Elle s’annonce comme un projet monoculturel dans lequel les populations indo et sino-malaisiennes sont absentes. Pour combler aux manques réels ou perçus de la Malaisie, Putrajaya s’affiche avec démesure, ordonnance, architecture monumentale, symétrie, perspectives majestueuses. En cela, un parallèle pourrait être avancé avec la zone EUR construite aux portes de Rome pendant la période fasciste et qui devait en être la vitrine. En célébrant l’homme nouveau en rupture face à la médiocrité de l’Italietta, le projet voulait incarner l’édification d’une nouvelle société.

3.3. L’antithèse du pacte social malaisien ? Putrajaya ou l’anti‑Kuala Lumpur ?

30Un État pluriel comme la Malaisie est traversé par des tensions entre majorité et minorité [van Wynsberghe 2003]. Les vides de Putrajaya contrastent avec le trop plein de Kuala Lumpur. Putrajaya est véritablement l’antithèse de Kuala Lumpur, exprimée socialement, spatialement et culturellement. Putrajaya s’affranchit délibérément des éléments de diversité propre au paysage malaisien. L’identité islamo-malaise s’affiche dans le paysage en exclusive de la nation malaisienne. Le projet urbain voulu tend à l’éradication de la diversité, par la reconstruction d’une identité nouvelle, avec la place prépondérante donnée à « une identité islamique et moyen-orientale comme identité nationale » (Moser, 2010). Le gouvernement a insisté sur l’utilisation de techniques modernes et de marqueurs culturels dans l’architecture de la ville. Putrajaya puise directement dans le patrimoine arabo-islamique et ses marqueurs urbains, plutôt que malais-islamique (King, 2008). Le palais de justice, le Cabinet du Premier ministre, les nombreuses nouvelles mosquées ont profusion de dômes, arabesques, figures géométriques.

Figure 3 a & b – Un visage moyen‑oriental (Hôtel de ville, Palais de justice)

Figure 3 a & b – Un visage moyen‑oriental (Hôtel de ville, Palais de justice)

31Ni quartier chinois ni indien n’apparaissent dans le projet urbain. Le monolithisme architectural et la rigidité planifiée de Putrajaya sont à l’inverse de la diversité ethnique et du dynamisme commercial de Kuala Lumpur. King [2008] insiste sur le dualisme entre Kuala Lumpur et Putrajaya dans une approche esthétisante. Putrajaya est plutôt l’antithèse symétrique de Kuala Lumpur. Les symboles et marqueurs du tissu social malaisien pluriel n’apparaissent que sous leur aspect malais. Les mosquées monumentales sont mises en valeur, alors que temples hindous, chinois et églises n’ont pas droit de cité [King 2008]. Des réserves foncières ont été attribuées aux lieux de culte dans le futur quartier des ambassades. Cette localisation indique une relégation de ces marqueurs à un caractère étranger et par conséquent dépourvu d’existence au sein de la ville idéale malaisienne.

3.4. Un projet de continuité

32Un aperçu du rôle de l’État dans l’histoire malaisienne montre que Putrajaya est davantage un projet de continuité des stratégies publiques qu’un projet de rupture. Le rôle de l’État, d’abord à la planification résidentielle, et à la création de villes nouvelles satellites, ensuite à la construction et à la gestion d’un parc de logements pour la population a été crucial dans l’urbanisation du Grand Kuala Lumpur. L’échelle du projet et son caractère symbolique et national rendent ces stratégies plus visibles. Celles-ci sont héritées de la période coloniale et assimilées à la culture malaisienne.

  • 3 Taman : jardin, en malais, mais aussi quartier résidentiel/ cité jardin typique des villes malaisie (...)

33Tout d’abord, l’architecture de la ville puise sa tradition publique dans l’architecture coloniale britannique. Celle‑ci fit usage d’un patchwork néo-gothique victorien, mauresque et mogol « Mahométan », avec profusion de dômes, arches et arcades. Ce style faisait hommage à la religion des Sultans, même s’il ne respectait pas la culture malaise [Gullick 1988, King 2008]. La gare, la mosquée Jamek, le palais de justice de Kuala Lumpur en sont les meilleurs exemples. De plus, l’urbanisme de la Malaisie a été marqué par le concept britannique de « cité-jardin » des années 1920. Avec un zonage précis, une ceinture verte et l’organisation de l’habitat en alignement de « terrace‑houses » à un ou deux étages reproduits à l’infini, le « taman3», est devenu la norme du paysage urbain malaisien (figure 4).

Figure 4 – Un urbanisme de cité jardin zonée

Figure 4 – Un urbanisme de cité jardin zonée

34La continuité est manifeste aussi dans la spatialisation ethnique. Les préjugés raciaux coloniaux avaient entrainé une spatialisation des activités et de l’habitat basé sur l’appartenance communautaire. Le commerce et les villes étaient chinois, les Malais vivaient de l’agriculture, tout en étant surreprésentés dans la fonction publique. Le rôle de l’État était de défendre les droits et privilèges malais. Avec la NEP, l’urbanisation des Malais a changé les zones de résidence, et les spécialisations sont brouillées, mais le zonage territorial et les références ethniques restent présents au quotidien. Les politiques ont favorisé les conglomérats bumiputra et l’émergence de classes moyenne et ouvrière malaises. Les villes nouvelles créées par le gouvernement autour de Kuala Lumpur les ont accueillies, en considérant le poids politique et électoral de leur afflux [Tong & Fee 2003].

35Putrajaya, s’inscrit dans une tradition de villes nouvelles satellites de Kuala Lumpur, comme Bangi ou Shah Alam au financement public et servant les objectifs du gouvernement (carte 3). Shah Alam a été créée en 1974, comme nouvelle capitale de l’état du Selangor en remplacement de Kuala Lumpur devenue enclave fédérale. Peuplée de fonctionnaires (état), d’employés et d’ouvriers (industries nationalisées), elle est bâtie sur les principes de la NEP, d’une société malaise, industrialisée, modèle, fonctionnelle et inspirée des valeurs musulmanes. La ville a une population à 91 % malaise. L’irruption d’une classe moyenne et d’une classe ouvrière malaises urbanisées ont remis en cause une identité construite autour de l’image du village (kampung) – amical, contemplatif, calme – face à l’anonymat et au déracinement urbain. Le recours aux signes religieux et aux rites musulmans a permis de construire une identité malaise urbaine dans laquelle les références culturelles moyen-orientales ne sont pas perçues comme importées et allogènes, mais transcendées par l’Islam [Mustafa 2009]. L’islam y est triomphant autour de mosquées cathédrales (Mosquée bleue) et d’une architecture moyen-orientale. L’affirmation de l’identité malaise s’est faite par une substitution de la culture malaise traditionnelle par la culture islamique. En définitive, Putrajaya est construite sur les mêmes principes que les autres villes nouvelles du Grand Kuala Lumpur, avec son caractère administratif, une relative affluence et au service du groupe bumiputra. Cette politique s’inspire de l’époque coloniale, mais au profit du groupe majoritaire désormais au pouvoir. L’héritage britannique est aussi évident dans la morphologie urbaine, mais avec une esthétique islamique. L’aspect de la ville et son identité constituent les raisons d’en pratiquer ses espaces les plus symboliques. La mise en place de visites touristiques de Putrajaya atteste la reconnaissance du site comme destination. Mais les perceptions de visiteurs montrent que l’urbanité de ville reste à faire.

4. Pratiques et représentation touristiques d’un espace symbolique

36Le visage d’un projet (politique) devenu réalité peut se faire par les pratiques et perceptions d’un espace aménagé des « choses qu’il faut voir ». Il est revisité sous la plume des écrivains, blogueurs et touristes. Les flâneries urbaines [Augé 1994, Di Méo & Buléon] soulignent le lien entre les identités collectives d’une société et les formes de l’espace. L’infrastructure d’accueil des cinq hôtels resorts cinq étoiles, est utilisée pour des séminaires, des conférences, plus que pour du tourisme. Certains proposent des forfaits loisirs (golf et des programmes de « bien-être ») destinés à une clientèle qui ne cherche pas l’animation de la ville, mais au contraire une retraite. L’infrastructure d’accueil est donc détachée de son essence urbaine.

  • 4 Entretien, 24-08-2010, Francis, Sino-malaisien, 45 ans

37L’offre touristique de Putrajaya génère des excursions pour des groupes séjournant à Kuala Lumpur. Les touristes arrivent en car ou en voiture sur l’immense place ronde près de la mosquée Putra (figure 5) qui délimite l’espace touristique (carte 2). Après une visite de la mosquée, les visiteurs peuvent descendre sur le quai du lac. Un food court et des boutiques de souvenir captent l’attention dans un cadre apaisé, face au lac. Certains groupes s’embarquent sur la croisière qui remonte le lac et passe sous les différents ponts monumentaux. L’utilisation du lac, l’enfilade des ponts, la présence de mosquées en bord du lac créent des paysages urbains uniques en Malaisie. D’ailleurs les visiteurs ne se trompent pas. « L’architecture de Putrajaya n’est pas malaisienne. Elle pourrait être de partout dans le monde, une ville nouvelle moderne4 ». Les autres se laissent aller aux immanquables prises de photo, socialisation entre touristes face au lac, bercés par une fine brise. La rêverie et la flânerie sont au rendez-vous.

Figure 5 a & b – Mosquée Putra et lac, espaces du tourisme

Figure 5 a & b – Mosquée Putra et lac, espaces du tourisme
  • 5 Entretien, 24-08-2010, Fairooz, Iranien, 44 ans
  • 6 Entretien, 02-08-2010, Selvi, Indo-malaisienne, 39 ans
  • 7 Entretien, 25-08-2010, Ann, Anglaise, 57 ans

38L’ambiance est à la détente, les visiteurs saisissent le moment. Puis les guides les pressent de remonter vers le car. La visite de la ville aura duré deux heures. Le reste se fait en car, pour repartir très vite dans un hôtel du centre-ville de … Kuala Lumpur. Certains comparent l’urbanisme aux villes européennes, à cause du souci paysager, comme ce touriste iranien (44 ans, hôtelier) : « Putrajaya me fait penser à l’Italie, à la Hollande et à l’Iran. On y ressent une impression de paix et de sérénité5 ». Pour les visiteurs Malaisiens, il s’agit de découvrir un pan nouveau du pays, dont ils connaissent les tenants et aboutissants. La plupart y sont d’ailleurs venus pour voir la parade de la fête de l’indépendance et son feu d’artifice6. Les spécialistes d’architecture sont intéressés par la ville, perçue par son architecture massive, ses ponts soignés et son aspect irréel : « du point de vue architectural, c’est beaucoup plus intéressant, les formes sont impressionnantes, assez audacieuses7 ». Putrajaya a la beauté froide d’un joyau ciselé. Le paysage est magnifique, mais la ville n’existe pas ; carlingue échouée sur les bords d’un lac. Elle est une ville monumentale au caractère végétal et minéral marqué, mais sans la vitalité commerciale et la diversité de l’animation qui vivifient les autres quartiers. La ville fascine par son étrangeté, calme et ordonnée, typique des villes nouvelles monumentales et construites autour d’échelles destinées à marquer la présence du gouvernement. Elle conjugue cette volonté d’asseoir l’autorité de l’état par l’urbanisme en produisant un espace urbain noble et de qualité. L’architecture originale, et l’urbanisme attirent les visiteurs, mais ne les retient pas, par manque d’urbanité. La plupart des touristes ne viennent à Putrajaya, pas pour voir une ville, mais une mise en scène.

Conclusion

39La nouvelle capitale administrative malaisienne a été un projet en continuité avec les politiques publiques de rattrapage en faveur du groupe malais, et aussi une reconquête symbolique de l’espace. Le thème de la construction nationale malaisienne est étroitement lié au projet urbain. Par son envergure et ses résultats, elle demeure une figure contestée. Elle se compose de la modernité des immeubles et d’un technopôle administratif. Elle incarne une vision nationaliste, homogène, même si la culture malaise dont elle se fait la championne est étonnamment absente. La ville ressemble plus à une ville nouvelle du golfe arabique, qu’elle ne s’inspire des kampungs de Malaisie. Ce qui devait représenter la Malaisie du futur ne correspond pas au tissu social malaisien, mais davantage à une relecture asymétrique du contrat social malaisien en place depuis l’Indépendance, mais érodé au fil du temps.

40Néanmoins, malgré ces ruptures délibérées, le projet urbain s’annonce aussi dans la continuité de l’histoire et la société malaisienne. Les circonstances politiques et économiques de la naissance de Putrajaya ont évolué, avec une crise qui a revu à la baisse les ambitions initiales. Le couple technologique et politique Putrajaya/ Cyberjaya se banalise par une intégration de plus en plus nette au système du Grand Kuala Lumpur même si les discours la présentent comme un système distinct. Le projet de ses créateurs n’a pas donné tous ses fruits, même s’il est sans doute unique par son envergure. Tout en restant modelée par les intentions gouvernementales, et tout en étant un décor du pouvoir, la réalité est plus nuancée quant à son objectif d’être une cité-jardin modèle de qualité de vie. La ville est, malgré toutes ses faiblesses urbanistiques et les controverses sur ses symboles, une ville de référence à défaut d’être un modèle pour d’autres projets urbains.

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Notes

1 Le gouvernement municipal (DBKL) est nommé par le gouvernement fédéral

2 Comme Quezon City le fut par rapport à Manille aux Philippines

3 Taman : jardin, en malais, mais aussi quartier résidentiel/ cité jardin typique des villes malaisiennes contemporaines

4 Entretien, 24-08-2010, Francis, Sino-malaisien, 45 ans

5 Entretien, 24-08-2010, Fairooz, Iranien, 44 ans

6 Entretien, 02-08-2010, Selvi, Indo-malaisienne, 39 ans

7 Entretien, 25-08-2010, Ann, Anglaise, 57 ans

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Table des illustrations

Titre Carte 1 Localisation de Putrajaya et Ciberjaya
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/bagf/docannexe/image/1543/img-1.jpg
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Titre Figure 1 Résidence et bureaux du premier Ministre à Putrajaya
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Fichier image/jpeg, 156k
Titre Carte 2 Putrajaya et Cyberjaya
Crédits Bouchon, 2013
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/bagf/docannexe/image/1543/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 436k
Titre Figure 2 a & b Nouveaux ministères : modernité et monumentalité
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/bagf/docannexe/image/1543/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 156k
Titre Carte 3 – Putrajaya et Cyberjaya au sein du système urbain de Kuala Lumpur
Crédits Bouchon, 2012
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/bagf/docannexe/image/1543/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 632k
Titre Figure 3 a & b – Un visage moyen‑oriental (Hôtel de ville, Palais de justice)
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/bagf/docannexe/image/1543/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 132k
Titre Figure 4 – Un urbanisme de cité jardin zonée
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/bagf/docannexe/image/1543/img-7.jpg
Fichier image/jpeg, 288k
Titre Figure 5 a & b – Mosquée Putra et lac, espaces du tourisme
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Pour citer cet article

Référence papier

Frédéric Bouchon, « Putrajaya ou une utopie malaisienne. Projet urbain et défi politique »Bulletin de l’association de géographes français, 91-4 | 2014, 500-522.

Référence électronique

Frédéric Bouchon, « Putrajaya ou une utopie malaisienne. Projet urbain et défi politique »Bulletin de l’association de géographes français [En ligne], 91-4 | 2014, mis en ligne le 22 janvier 2018, consulté le 04 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/bagf/1543 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/bagf.1543

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Auteur

Frédéric Bouchon

Associate Professor, School of Hospitality, Tourism and Culinary Arts, Taylors University, Lakeside Campus, 47500 Subang Jaya, Malaysia – Courriel: frederic.b[at]taylors.edu.my

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Droits d’auteur

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