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Muyong et subak. Production agricole, patrimoine culturel et enjeux environnementaux dans les rizières en terrasses de Bali (Indonésie) et du pays Ifugao de Luçon (Philippines)

Muyong and subak. Farm production, cultural heritage and environmental challenges in the terraced rice fields of Bali, Indonesia and the Ifugao country of Luzon, Philippines
Yves Boquet
p. 240-279

Résumés

Les rizières en terrasses de Bali et du Nord des Philippines ne sont pas seulement des sites spectaculaires de production agricole dans des contrées collinaires ou montagneuses. Leur développement par les Balinais hindouistes et les Ifugao non christianisés comprend une forte dimension religieuse en même temps qu’une complexe organisation sociale autour de la gestion des ressources en eau et des forêts. L’essor récent du tourisme, couplé à la patrimonialisation, d’origine externe, de ces espaces agricoles conduit aujourd’hui à plusieurs défis pouvant remettre en cause l’équilibre de ces sociétés : surfréquentation touristique, perte d’authenticité, abandon de la terre par les jeunes. Ces agricultures locales délicates sont-elles durables dans le contexte de la mondialisation ? Quels arrangements peuvent permettre leur survie ?

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Notes de l’auteur

Indonésien
Abstrak
Sawah berteras di Bali dan Filipina Utara tidak hanya spektakuler sebagai tempat produksi pertanian yang terletak di daerah perbukitan atau pegunungan, namun perkembangan mereka dengan Hindu Bali dan non-Christianized Ifugao termasuk dimensi agama yang kuat serta organisasi sosial yang kompleks di sekitar pengelolaan sumber daya hutan dan air. Meningkatnya pariwisata, ditambah dengan pengakuan UNESCO sebagai warisan dunia, menyebabkan daerah pertanian mengalami beberapa tantangan yang mungkin membahayakan keseimbangan masyarakat seperti: kepadatan penduduk, hilangnya keaslian, dan ditinggalkannya pertanian oleh orang-orang muda. Dalam konteks globalisasi, apakah ini sebagai sistem pertanian lokal yang canggih dan berkelanjutan?
Kata kunci: Teras Sawah – Heritage – Budaya – Pariwisata – Lingkungan – Filipina – Indonesia
  
Tagalog
Buod
Ang mga hagdan-hagdang palayan ng Bali sa Indonesia at ng Cordillera sa hilagang Pilipinas ay hindi lamang mga kamangha-manghang lugar-sakahan sa mga bulubundukin. Ang proseso ng paglikha nito ng mga Hindu na taga-Bali at mga di-Kristiyanong katutubo sa Cordillera ay may matinding pagsandig sa relihiyon at masalimuot na pampamayanang pangangasiwa ng yamang gubat at patubig. Ang kasalukuyang pagyabong ng turismo, kaakibat ng pagkakahirang ng mga ito bilang UNESCO World Heritage, ay nagbunsod ng ilang hamon na maaaring makasira sa mga pamayanang ito: pagsisikip ng mga lugar, pagkasira ng taal na kultura, paglisan ng kabataan sa mga sakahan. Maaari pa bang maipagpatuloy ang mga sopistikadong pamamaraan ng pagsasakang ito sa kasalukuyang panahon ng globalisasyon? 
Susing Salita: Hagdan-hagdang Palayan – Pamana – Kultura – Turismo – Kalikasan – Pilipinas – Indonesia
  
L’auteur remercie Mme Rini Rachmawati (Gadjah Mada University, Yogyakarta) et M. Raymond Macapagal (University of the Philippines Diliman, Quezon City) pour leurs traductions en bahasa indonesia et en tagalog du résumé et des mots-clés

Texte intégral

Introduction

1Si la plupart des paysages agricoles de plaine couvrent des régions entières, les vignobles et les champs en terrasses, généralement de petite dimension, dans des régions de collines ou de montagnes, sont un témoignage de l’interaction prolongée entre les hommes et un milieu souvent difficile à maîtriser du fait de la pente [Wei 2016]. Ils sont une expression de la diversité culturelle et paysagère du monde, en même temps que des exemples de systèmes durables d’utilisation des terres. Ce sont aussi des paysages culturels puisque perçus, vécus et contextualisés, et des produits d’une longue trajectoire historique.

2Le riz est la nourriture de base depuis les temps anciens dans la plupart des pays d’Asie des Moussons. Les pratiques agricoles pour la riziculture ont joué un rôle important dans la formation des paysages culturels, en particulier dans les zones de relief, en montagne où des rizières en terrasses ont été développées sur des pentes parfois abruptes.

3Paysages évidemment construits par l’homme [Druguet 2010], donc antithèses du paysage « naturel », les terrasses asiatiques de riz irrigué sont des paysages dynamiques en constante évolution [Nozawa & al. 2008]. Ces paysages sont de plus en plus contestés par d’autres activités, en particulier récréatives et touristiques. Souvent utilisés intensivement et densément habités par des peuples autochtones minoritaires dans leur nation, qui ont utilisé les ressources locales (montagne, eau, forêt et climat), les secteurs de rizières en terrasses sont associés à des peuples pauvres, ruraux manquant de poids politique et structurés par des concepts culturels et sociaux différents des logiques mondialisées de production agricole marchande. Longtemps négligées par les non-autochtones, ces rizières en terrasses sont maintenant patrimonialisées par des entités extérieures telles que l’UNESCO, ce qui conduit à des conflits d’utilisation. Un délicat équilibre doit être trouvé entre la culture traditionnelle du riz (dans les deux sens du mot culture), une pression touristique croissante, des faiblesses locales comme la désaffection croissante de la jeune génération envers l’agriculture, et des menaces mondiales comme le changement climatique et les systèmes de production alimentaire mondialisée [Guo & Zhang 2015].

4Ces zones sont devenues des destinations populaires pour les touristes et les photographes. L’attractivité de ces rizières en terrasses auprès des étrangers soulève des questions sur la façon dont le paysage peut être maintenu à l’époque contemporaine avec le tourisme et les aspirations de la vie moderne [Motonaka 2002]. La protection conférée par les inscriptions UNESCO en tant que « paysage du patrimoine mondial » est-elle un avantage ou au contraire un facteur supplémentaire de déclin des traditions agricoles séculaires ? [Mitchell & Barrett 2015] ?

5Les rizières en terrasses sont présentes en divers lieux d’Asie : Népal, Thaïlande, Vietnam, Japon, Corée du Sud, Chine. Les rizières en terrasses chinoises ne sont pas le fait des Han, mais bien de minorités ethniques (Zhuang du Guangxi, Hani du Yunnan, Miao du Guizhou). Nous allons nous concentrer ici sur les rizières en terrasses développées au nord de Luçon (Philippines) par le peuple Ifugao et sur celles de Bali, en Indonésie, construites par les Balinais de religion hindoue.

1. Rizières Ifugao et rizières de Bali

6Après des siècles d’efforts cumulés, ces terrasses constituent aujourd’hui des paysages spectaculaires et reconnus universellement pour leur beauté (Bali) et leur caractère impressionnant (Philippines). Les techniques de production de riz y sont entrelacées avec l’univers spirituel des riziculteurs et des modes originaux de gouvernance qui ont mis plus de mille ans à se développer. Leur inscription en tant que paysage culturel sur la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO date respectivement de 1995 (Philippines) et 2012 (Bali), avant que ne le soient les terrasses rizicoles Hani du Yunnan en 2013. Dans les trois cas, l’UNESCO les a reconnus comme portant témoignage de traditions culturelles et exemples remarquables d’utilisation traditionnelle des terres, les terrasses Ifugao ayant été le premier cas mondial d’inscription d’un espace agricole [Ruiz & Martinez-Yañez 2014]. Ces rizières ont plusieurs fonctions [Concepcion 2013] : production alimentaire (riz), mais aussi conservation des sols et de l’eau, réduction des risques naturels (inondations, sécheresses et glissements de terrain) et elles ont aussi créé des paysages touristiques attrayants.

1.1. La culture Ifugao

  • 1 L'utilisation du mot Igorot (de I-golot, ceux de la montagne) est très controversée. Le mot, imposé (...)
  • 2 Les groupes Ifugao parlent les dialectes austronésiens Amganad, Ayangan, Gilipanes, Kiangan, Mayoya (...)

7Les montagnes de la Cordillère centrale du nord de Luçon abritent de nombreux peuples autochtones, désignés collectivement sous le terme Igorot1 (“gens des montagnes”, incluant les groupes ethnolinguistiques Bontoc, Ibaloy, Ifugao2, Isneg, Kalanguya, Kalinga et Kankanaey) [Scott 1974] dans des provinces difficiles d’accès qui sont les moins densément peuplées du pays.

8Les Ifugao et autres Igorot sont, comme la majorité des Philippins, des descendants des Austronésiens arrivés dans l’archipel, déjà habité par les “Negritos”, vers 3000 avant JC. Ils ont en grande partie conservé leur propre culture et cela a abouti à ce qu’ils obtiennent le statut de peuple autochtone (IP, “indigenous people”).

  • 3 Le Hudhud est chanté seulement lors de trois occasions: en temps de la récolte, pour rompre la mono (...)

9La province d’Ifugao, qui fait partie de la Cordillera Administrative Region (CAR), la seule sans façade maritime dans cet état archipélagique où la mer joue un rôle essentiel, a acquis une renommée internationale pour la ténacité inébranlable de ses habitants, qui ont repoussé ou absorbé la conquête espagnole, le colonialisme américain et l’invasion japonaise, et gardé intacte leur identité culturelle, qui s’exprime par une riche tradition littéraire orale (épopées chantées hudhud3) [Stanyukovich 2003], et leurs pratiques agricoles visibles dans des rizières en terrasses légendaires, parfois qualifiées de “huitième merveille du monde”. Ces terrasses de riz, les plus vastes du monde sont la source de l’alimentation de base mais aussi l’essence de la culture Ifugao.

10Les rizières en terrasses Ifugao commencent au pied des versants de la Cordillère et atteignent plusieurs centaines de mètres de haut, s’élevant en gradins de 1100 m (l’altitude moyenne des fonds de vallées, jusqu’à 1525 m d’altitude (les rizières les plus hautes du monde) le long de pentes très escarpées. Les pentes dépassent en effet 50° sur plus de la moitié de la province Ifugao. Le nombre de gradins de ces rizières en amphithéâtre varie, il va d’une vingtaine à environ cinquante pour la rizière de Batad, surnommée “l’escalier vers le ciel”. Les rizières suivent les courbes de niveau et le nombre des gradins est fonction de la pente, les gradins de la base étant plus larges que ceux du haut de la pente.

Figure 1 – Les rizières de Batad

Figure 1 – Les rizières de Batad

On note la vigueur des pentes, l’absence d’espaces plans naturels, et la présence de forêt (muyong) au- dessus des terrasses de riz. Habitat groupé.

Cliché : auteur 2011

11Le climat est tropical sans saison sèche marquée, avec de temps à autre des paroxysmes pluviométriques liés au passage de typhons ou au flux intenses de la mousson habagat renforcée par la proximité de dépressions tropicales au NE des Philippines. L’intensité des pluies et le manque d’espaces plans rendent nécessaire l’établissement de terrasses de culture, tant pour disposer d’espace cultivable que comme dispositif anti-érosif dans cette région géologiquement instable, sujette à de violents séismes. Les Ifugao sont des maçons remarquables, les marches des terrasses étant beaucoup plus hautes (3-6 mètres) qu’à Bali (environ 1 mètre) pour compenser une pente bien plus raide. Elles sont faites de couches de rochers et de cailloux, servant à filtrer l’eau et empilées, avec un rebord solide pour éviter l’érosion et l’écoulement excessif d’un niveau vers l’autre. D’étroites marches d’escaliers, parfois des échelles, permettent de passer d’un niveau à l’autre à flanc de montagne.

12L’ancienneté de ces terrasses a été l’objet d’interprétations variées. Si les anthropologues du début du 20e siècle avaient estimé à 2000 ou 3000 ans le temps nécessaire pour construire à la main ces escaliers de terrasses, sans grandes preuves à l’appui, mais source d’un discours récurrent sur ces terrasses « bimillénaires », les recherches plus récentes, analysant les transformations induites par la poussée espagnole et le repli montagnard des autochtones [Dozier 1966], le contenu lexical des légendes hudhud [Lambrecht 1970] et les résultats de datations au radiocarbone [Maher 1973] tendent à montrer que ces terrasses ont été édifiées relativement vite, depuis environ trois ou quatre siècles [Acabado 2009]. Il semble qu’avant 1650, les terrasses étaient principalement vouées à la culture de tubercules comme le taro, sur des terrasses plus petites mais déjà irriguées, comme cela se pratique dans le monde mélanésien. La riziculture inondée ne se serait développée que depuis le 17e siècle, avec l’arrivée d’habitants des plaines, fuyant l’avancée coloniale espagnole [McKay 2005], et amenant avec eux les techniques du riz, que les Ifugao auraient intégré alors dans leur mode de vie, car le surplus de population exigeait une intensification de la production agricole [Acabado 2012]. Il est remarquable que ces terrasses, merveille d’ingéniérie et d’hydraulique, aient été édifiées par un peuple libre, sans travail forcé imposé par une puissance tyrannique, et sans équipement complexe.

  • 4 Qualifiés de “robustes, mécréants, sauvages, cruels et coupeurs de tête” par les Espagnols [Scott 1 (...)

13Les rizières en terrasses et la communauté ethnique Ifugao sont imbriquées dans un système complexe de relations sociales, de rituels et pratiques spirituelles, et de construction d’un écosystème agricole ingénieux. Les Ifugao étaient des riziculteurs travaillant à la houe dans une région montagneuse, que les Espagnols ne parvinrent pas à contrôler ou convertir au catholicisme. Craints comme les autres peuples montagnards (plutôt pratiquants du caingin, culture itinérante sur brûlis) par la violence avec laquelle ils se sont défendus contre les étrangers, leur valant comme aux autres Igorot une réputation de férocité4, ils ont gardé, au contraire des Philippins des plaines, leur propre organisation économique et politique.

14Cette société tribale régie par les anciens, bien que sans écriture, a néanmoins développé un système juridique complexe, basé sur le foyer, et reflétant un ensemble de valeurs de générosité, prestige et relation avec la terre et comprenant des coutumes, tabous, lois civiles, lois foncières et lois pénales. Le droit civil y régit les relations familiales : ceux qui ont un statut plus élevé doivent s’acquitter de pénalités plus sévères. Dans cette économie non monétarisée, sans propriété strictement individuelle, le droit de succession Ifugao assure la transmission des biens au sein de la même famille. La famille étant le fondement institutionnel de la société Ifugao, un sentiment de responsabilité collective s’exerce sur l’ensemble de la famille élargie, qui doit discipliner tout membres déviant ou de mauvaise conduite. Pour les relations inter-familiales, les Ifugao ont traditionnellement recours à un médiateur neutre, le monkalun, qui occupe à la fois le rôle de juge, procureur, avocat de la défense, et greffier du tribunal.

15Cette structure sociale s’applique à la gestion des rizières, qui est marquée aussi par les croyances animistes des Ifugao. Le calendrier agricole est scandé par des rituels habituellement réalisés par le mumbaki (prêtre, shaman, « celui qui parle ») lors du nettoyage et de la consolidation des terrasses, du semis en pépinière, du repiquage, du désherbage, de la récolte… Des offrandes sont faites aux divinités du riz. Des statuettes en bois de santal rouge, les bulul, incarnent ces divinités gardiennes de la récolte, qui sont censées multiplier les rendements si elles sont choyées [Bose 1995]. Les bulul habituels, qui peuvent être masculins ou féminins, sont en général représentés assis, portant parfois des corbeilles de riz. Le lieu traditionnel d’entrepôt des bulul est le grenier à riz. Certains bulul très élaborés représentent le cycle de vie de l’homme et de la femme, mêlant fécondité des humains et fertilité de le terre. D’autres thèmes pour les bulul sont une femme qui danse avec les idoles et un hibou perché sur ou près d’une croix chrétienne. Le thème du hibou, fréquent dans les sculptures en bois ou en pierre des peuples premiers, véhicule l’idée que cet oiseau nocturne agit comme un guide montrant le chemin dans l’obscurité et un gardien protégeant les humains des forces obscures de la nuit. .

  • 5 Terme d’origine Ilocano signifiant “une fois par an”. Les riz des Ifugao, qui sont une variante de (...)

16Le riz traditionnellement cultivé par les Ifugao (plus de 80 % de la récolte actuelle) est le tinawon5, d’origine divine selon les croyances Ifugao [Dulnuan-Habbiling 2014], à l’odeur (pop-corn, attirante pour les rats) et à la saveur (noisette) uniques, mais qui est une variété à faible rendement. Accroître la production pour répondre à la demande exige donc de maximiser l’usage des terrains dans cette région montagneuse sans fonds de vallées, à la fois par la pratique magique des divinités du riz, la gestion de l’eau et la mise en valeur de nouvelles pentes avec des terrasses de cultures nouvelles.

17Un élément essentiel du dispositif des terrasses Ifugao, au delà des terrasses et des canaux d’irrigation, est le maintien de forêts sommitales, les muyong, un mot kiangan signifiant “ressource”, de gestion collective, qui assurent une protection anti-érosive et un filtrage de l’eau destinée aux rizières [Camacho & al. 2012]. Les terrains détrempés de la forêt alimentent les canaux qui contrôlent l’arrivée d’eau dans les rizières situées en contrebas. Il existe trois types de systèmes de muyong a) ceux qui ont été plantés et transmis à travers les générations ; b) ceux récemment replantés sur des espaces qui avaient été soumis autrefois au caingin (culture itinérante sur brûlis) c) ceux établis dans la forêt naturelle avec une utilisation séculaire.

18Alors que les brûlis caingin et l’exploitation industrielle du bois ont dévasté les ressources forestières du pays, la province moderne d’Ifugao a renforcé le système traditionnel du muyong, que l’on retrouve sous des formes et noms divers (lasang, hinobaan, pinuku, pinugo, lakong, gubat) dans d’autres groupes de la Cordillère, en interdisant le défrichement forestier. La province Ifugao a donc largement échappé à l’intense déboisement qui frappe la province voisine de Benguet autour de Baguio. Le bois de feu et le bois de construction sont les principaux produits du secteur boisé, la récolte de produits non ligneux comme les fruits et autres avantages comme le maintien d’un approvisionnement en eau stable étant des objectifs complémentaires. La zone forestière gérée au-dessus des terrasses contient en effet plus de 250 espèces de plantes indigènes [Magcale-Magandog & al. 2013], champignons, herbes, noix, qui permettent de diversifier l’alimentation et sont pour beaucoup d’usage médicinal. Chaque micro bassin-versant a son propre muyong dominant les rizières dans un système traditionnel d’agro-foresterie [Dulay 2015]. Les pratiques actuelles impliquent la croissance d’espèces à croissance rapide introduites telles que l’acajou et le gmelina. Le rotin, un matériau précieux pour l’industrie du meuble, est également cultivé dans le muyong.

  • 6 Forest Management Bureau, FMB, rattaché au ministère de l’environnement, DENR (Department of Enviro (...)

19Le muyong est tellement important, tant dans son emprise spatiale que dans sa multi-fonctionnalité, que l’Office philippin des forêts6 intègre les rizières de Banaue dans la zone forestière ! [Bantayan & al. 2009]

20La propriété privée, sur des lots de petite taille (1 hectare environ), est autorisée dans le muyong, ainsi que des travaux d’entretien (élagage, dégagement du sous-bois). Lors de la coupe du bois de chauffage, les Ifugao suivent leur coutume de ne couper que des arbres mourants, des arbres aux troncs ou branches tordus ou des arbres qui ont cessé de croître. Après la coupe, ils débroussaillent autour de l’arbre dans un rayon d’un mètre pour favoriser la régénération naturelle. Si les troncs d’arbres sont destinés à la construction de maisons, les Ifugao récupèrent les branches et les feuilles et éclaircissent le sous-bois autour de l’arbre abattu, ce qui accélère le processus de repousse. Les éventuels conflits sont gérés par le conseil villageois, avec comme pénalité la plus classique le don d’un porc ou deux à la personne lésée par la coupe indue d’un arbre [Jang & Salcedo 2013, Albano & Takeda 2014].

21Depuis 1976, des certificats d’usage traditionnel de la forêt ont été remis aux Ifugao, pour une durée de 50 ans, et la loi de 1997 sur les droits des peuples autochtones leur accorde des titres inaliénables sur les domaines ancestraux [Castro 2000, Chauhan 2008, Tamee 2012], légitimant donc leurs pratiques forestières et leur mode de gestion traditionnel, qui se trouve de plus coïncider avec les recommandations mondiales sur le développement durable et la protection des espaces forestiers.

1.2. Le système rizicole balinais : subak et hindouisme

22Dans le centre de la petite île indonésienne de Bali (5600 km2, à peine 0,3 % de l’ensemble de l’archipel), les hommes ont sculpté sur les basses pentes des deux volcans principaux, Gunung Agung et Gunung Batur, d’élégantes terrasses en étages, moins impressionnantes que dans le Nord des Philippines mais particulièrement photogéniques car les parcelles de riz épousant gracieusement les courbes de niveau à flanc de colline y présentent simultanément les différentes phases de culture du riz (rizières en labour, en eau, petites pépinières, champs fraîchement repiqués, rizières proches de la récolte), faisant alterner miroirs d’eau et couleurs vert tendre ou dorée des épis mûrs, et sont de surcroît enjolivées de bosquets de bananiers et de cocotiers, absents des rizières Ifugao trop élevées en altitude.

23Sur cette île de forte densité démographique (730 hab/km2 en 2015, soit dix fois plus que dans la province Ifugao, 73 hab/km2, où on relève une densité descendant à 37 hab/km2 dans la municipalité de Hungduan), les riziculteurs balinais ont développé une approche de leurs moyens de subsistance qui mêle une fine connaissance du milieu, un système sophistiqué et égalitaire de distribution de l’eau et la religion, dans une variante locale de l’hindouisme.

24Le riz est apparu sur la plaine côtière du Nord de Bali vers le 5e siècle avant JC, cultivé dans des marécages en milieu relativement peu arrosé. Les efforts pour irriguer de façon systématique remontent au 7e ou 8e siècle de notre ère, avec une croissance démographique correspondant à l’établissement d’un royaume balinais et poussant à l’intensification des pratiques agricoles [Scarborough, Schoenfelder & Lansing 1999]. Les premières terrasses sur les flancs des volcans dateraient du 9e ou 10e siècle, les plus récentes (dont celles de Jatiluwih, particulièrement célèbres) du 19e siècle [Michel 2014]. Le vocabulaire distinguant les rizières de plaine inondable (sawah en javanais, huma en balinais), les rizières en terrasses (gaga en javanais, parlak en balinais), et les terrasses non rizicoles (tgal en javanais, mmal en balinais) se met en place à cette époque, de même que celui distinguant lez riz blancs non glutineux des plaines (weas en javanais, bras en balinais) et les variétés de riz gluant rouge, noir ou blanc dominants dans les terrasses (laketan en javanais, ketan en balinais). [Christie 2007]

25Outre sa beauté, le paysage balinais traditionnel est fort productif, puisque ses rizières ont les plus forts rendements de toute l’Indonésie (56 qx/ha, contre 53 dans les plaines de Java, 48 à Sumatra, 46 à Bornéo, 40 dans les petites îles de la Sonde, 34 en Irian Jaya et 16 aux Moluques). [Panujuh & al. 2013]

Figure 2 – Rizières de Jatiluwih, Bali

Figure 2 – Rizières de Jatiluwih, Bali

Un relief moins escarpé qu’en pays Ifugao. Bosquets de cocotiers entre les parcelles de riz. Petits autels à la déesse du riz dans l’espace agricole

Cliché : auteur 2016

26Bali est aussi une île marquée par la religion hindoue qui y a subsisté au centre d’un archipel indonésien très majoritairement musulman. 83 % des Balinais sont hindous. Hindouisme et riziculture en terrasses sont étroitement imbriqués [Melowsky 2010] via le système des subak (cf. infra) et des temples de l’eau, et visibles jusque dans les champs par les petits autels où les paysans balinais déposent des offrandes [Codron 1999] à la déesse du riz Dewi Sri, compagne de Vishnou, le dieu préservateur de l’univers. Chaque village (desa) contient trois temples : le pura puseh localisé plus près de la montagne (en situation kelod, vers le Mt Agung), le pura desa au centre du village, où se tiennent les réunions de village et les cérémonies de fertilité, et le pura dalem, le plus éloigné du Mt Agung (situation kajur) où sont célébrées les forces occultes et où ont lieu des cérémonies funéraires. De plus, chaque banjar (unité de voisinage) a son propre temple [Wall 1998].

27Le système balinais des « coopératives » agricoles subak semble remonter au 11ème siècle de notre ère. Le subak (mot sans équivalent réel dans une autre langue que le balinais) peut être défini comme un organisme coopératif en charge de la culture du riz, qui regroupe les cultivateurs balinais dont les lopins de terre bénéficient d’une même source d’irrigation (source, barrage, canal). C’est à la fois [Cole & Browne 2015] une entité technique (réseau d’irrigation partagé), un service public (fourniture d’eau aux champs et aux foyers), une entité juridique (maintien de l’ordre, règlement des conflits sur l’eau), un groupe social (tous les cultivateurs utilisant de l’eau au sein du périmètre du subak), un espace physique (le territoire irrigué – dans le cadre du subak et les forêts sommitales qui ont la même fonction que les muyong des Ifugao), un parlement (constitué de tous les membres à égalité de vote), un percepteur d’impôts et une communauté spirituelle hindoue qui se rassemble dans des lieux de culte. Plus qu’un outil pour contrôler une ressource rare, puisque les pluies sont abondantes et régulières en Indonésie, à la différence des pays du monde arabe qui ont aussi besoin de contrôler l’eau [Geertz 1972], les coopératives de l’eau balinaises sont une institution qui dépasse le simple cadre de l’agriculture.

28Distinct de la communauté villageoise administrative (desa) [Wardana 2015], le subak gère les rites propitiatoires aux divinités de l’eau et du riz. Les quelque 1330 subak actuels couvrant environ 100 000 hectares (territoire moyen 75 hectares) comptent de 50 à 400 agriculteurs qui élisent en leur sein un président, le pekaseh, et se réunissent régulièrement pour mettre au point les calendriers agricoles annuels, les quotas d’eau, et assigner diverses tâches d’intérêt commun aux membres du subak. Chaque rizière a son allocation d’eau contractualisée par un document conservé au sein du subak. Le calendrier collectif est conçu de façon à synchroniser les activités agricoles des agriculteurs dont les champs sont adjacents, tant pour éviter une trop forte demande simultanée en eau que pour assurer des périodes communes de jachères qui limitent les dégâts occasionnés par les insectes ou les rats.

29Chaque unité subak est rattachée à un temple spécifique [Lansing 1987], installé près d’une source d’eau vive qui garantit la protection divine et se traduit matériellement par des tunnels, canaux, rigoles qui assurent l’acheminement et la distribution de l’eau de la source à la rizière. Ces temples de l’eau sont des lieux d’échanges d’informations entre les membres de la communauté. Les congrégations des temples de subak se structurent en un réseau hiérarchisé fonctionnant selon une logique hydraulique [Lansing & Kremer 1993, Hauser-Schaübling 2005, Lansing & De Vet 2012] : à la base, le temple de subak, qui contrôle un bloc de terrasses irriguées depuis un même canal. A un niveau intermédiaire, les temples pura ulun swi, qui associent plusieurs subak dont les canaux d’amenée proviennent d’une même source ou dérivation. Au niveau supérieur, les temples masceti associant plusieurs dérivations d’une même rivière. Enfin, pour une bonne moitié de Bali, la hiérarchie culmine dans les montagnes centrales, près des lacs Bratan et Batur, sources essentielles de l’eau douce du centre de Bali, au pied du Gunung Agung, point de référence majeur sur l’île, avec les temples Pura Ulun Danu Beratan et Pura Ulun Danu Batur dédiés à la déesse de l’eau Dewi Danu [Reuter 2002]. Ces deux temples, au sein de complexe religieux qui comprennent aussi des sanctuaires dédiés à la trilogie suprême de l’hindouisme (Brahma, Vishnou et Shiva), et à d’autres divinités de l’hindouisme balinais, sont habituellement présentés comme des institutions purement religieuses qui coordonnent la distribution de l’eau, mais il furent aussi, un peu à la manière des monastères français, d’importants propriétaires fonciers lors de la période précédant la colonisation hollandaise [Hauser-Schaüblin 2011].

30Les Balinais donnent à leur version de l’hindouisme le nom agama tirtha (“religion de l’eau pure”). En effet, l’eau à Bali n’a jamais été considérée comme une ressource accessible à volonté, mais bien plutôt comme un don des dieux. Les hommes ne pouvaient l’utiliser que par l’intermédiaire des prêtres gestionnaires des temples de l’eau. Le flux d’eau part des montagnes considérées comme pures vers les zones plus en aval, jusqu’au bord de la mer, considérée comme impure. Parallèlement à l’eau d’irrigation, les rites agraires utilisent une eau bénite (tirtha) préparée et distribuée par les prêtres auprès des hommes et des femmes, quelque soit leur niveau social ou leur activité. C’est un élixir nécessaire à la prospérité des champs et des récoltes aussi bien qu’au bien-être des humains [Lansing 1991]. Situé près de Tampaksiring dans le secteur des rizières en terrasses, l’étang attenant au temple Tirtha Empul (“source sainte”), fondé en 962, reçoit des pèlerins hindous qui y viennent pour des purifications rituelles. C’est la source de la rivière Pakerisan.

31Le riz, base de l’alimentation, est lui-même d’origine divine, d’où les rituels, dans la rizière même pour obtenir les faveurs de la déesse du riz Dewi Sri. Les petits autels dans les terrasses rizicoles sont constamment remplis d’offrandes, guirlandes de fleurs aspergées d’eau sacrée, gâteaux de riz, … ; ces offrandes sont indispensables avant tout activité majeure du cycle du riz : mise en eau, semis, repiquage, apparition des panicules, floraison, moisson… Au moment de la récolte, une image sacrée de Dewi Sri est réalisée avec des grains de riz qui ont poussé à proximité du sommet des terrasses. Cette image est transportée dans le grenier et reçoit à son tour des offrandes.

32Dans les deux cas du pays Ifugao et de Bali, les rizières en terrasses résultent ainsi d’un équilibre délicat entre une culture complexe, celle du riz, et des complexes culturels originaux. Même si le cadre géographique et les densités démographiques sont fort différentes, il est aisé de voir des points communs entre les deux systèmes de rizières en terrasses, qui ne répondent pas au modèle du despotisme hydraulique “oriental” [Wittfogel 1957], puisque la structure organisatrice de l’irrigation n’est pas un empire puissant mais prend au contraire une forme décentralisée et démocratique. Le paysage des terrasses balinaises [Yudantini 2003] a pu justement se former grâce à une décentralisation politique en petites principautés, succédant à une phase antérieure de centralisation du royaume de Bali [Scarborough, Schoenfelder & Lansing 1999]. Les rois de Bali n’ont joué qu’un rôle marginal dans l’essor des systèmes d’irrigation [Lansing & Fox 2011] et les puissances coloniales aux Philippines aucun en pays Ifugao.

2. Patrimonialisation et mise en tourisme des rizières

33La mise en tourisme via la patrimonialisation de ces paysages exceptionnels contribue aujourd’hui à perturber l’équilibre que ces systèmes hydro-agro-forestiers avaient su atteindre au fil des décennies et siècles en s’appuyant sur un corpus de valeurs bien différentes de celles introduites par la mondialisation et le tourisme.

2.1. La « découverte » des terrasses rizicoles

34Les espaces lointains et sauvages des montagnes de la Cordillère ne présentaient guère d’intérêt pour les colonisateurs espagnols des Philippines, davantage intéressés par les plantations agricoles de plaines (canne à sucre à Negros). Certes, des missionnaires dominicains avaient déjà décrit les escaliers de rizières à partir du 18e siècle, et les autorités espagnoles mentionnent pour la première fois les Ifugao en 1752 [Barrameda 2000], mais c’est en fait avec l’arrivée des Américains que l’espace Ifugao est entré dans l’imaginaire occidental, avec le tracé des premières routes carrossables, au Nord de Baguio, elle-même une création yankee (capitale d’été, en altitude). Avec les arpenteurs militaires et les missionnaires protestants sont venus des archéologues et ethnologues comme R. Barton (1883-1947) et H. Otley Beyer (1883-1966).

35Curiosité ethnologique, désir de « civiliser » des populations considérées comme « arriérées », et volonté de contrôle de populations réputées comme rétives se sont conjugués pour faire connaître les paysages et la culture Ifugao dans le cadre des expéditions menées sous l’égide du Bureau des tribus non christianisées, pendant du Bureau des Affaires Indiennes à Washington. Un photographe philippin marié à une Kankanai, Eduardo Masferré (1909-1995), joua aussi un rôle important en prenant entre 1937 et 1955 de nombreux clichés des paysages et des populations Ifugao, tandis que le peintre Fernando Amorsolo (1892-1972), parmi ses paysages ruraux philippins de l’époque, immortalisait lui aussi l’espace Ifugao sur plusieurs tableaux.

36Le naturaliste Alfred Wallace au 19e siècle, puis les anthropologues Margaret Mead et Gregory Bateson, les artistes-peintres Miguel Covarrubias et Walter Spies ainsi que le musicologue Colin McPhee, qui avaient séjourné à Bali dans les années 1930, ont quant à eux créé une image paradisiaque de Bali peuplée de gens souriants et en paix avec eux-mêmes et la nature, faisant progressivement du nom de Bali une marque de qualité touristique et environnementale [Friend 2003, Hobart 2003, Vickers 2012].

37La construction des images de l’espace Ifugao et de l’espace rizicole balinais sont donc parallèles et remonte pour l’essentiel à la première moitié du 20e siècle.

Figure 3 – Emblèmes nationaux

Figure 3 – Emblèmes nationaux

Rizières et bulul Ifugao sur les anciens billets philippins de 1000 pesos. Temple balinais Pula Ulun Danu Beratan sur le billet indonésien de 50 000 roupies.

2.2. La patrimonialisation officielle des rizières

2.2.1. La mise en patrimoine des rizières Ifugao

38La politique philippine de patrimonialisation a réellement débuté en 1966, au début de la présidence de Ferdinand Marcos, avec l’adoption de la loi 4846, “Cultural Properties Preservation and Protection Act”, mettant en place les procédures pour identifier et protéger les monuments culturels philippins, classés en deux catégories : “important cultural properties” et “national cultural treasures”, sous la direction du Musée National des Philippines. En 1973, par le décret présidentiel 260, le président Ferdinand Marcos désigna les terrasses rizicoles Ifugao comme “monument national de grande valeur du point de vue culturel mondial et trésor irremplaçable du pays”. En 1978, le décret 1501 ajoutant une clause pénalisant toute modification, réparation ou destruction des traits originaux de tout monument national philippin. En août 1985, le même Ferdinand Marcos, quelques mois avant d’être chassé du pouvoir, ratifiait au nom du gouvernement philippin la Convention de l’UNESCO qui mettait en place la Commission du Patrimoine Mondial. Dix ans plus tard, en décembre 1995, lors de sa 19e réunion annuelle à Berlin, l’UNESCO faisait entrer sur la liste du patrimoine mondial de l’humanité les « rizières en terrasses Ifugao des Cordillères philippines », au titre des « paysages culturels », avant d’y insérer celles de Bali en 2008.

39Les paysages culturels ont d’abord été reconnus par l’UNESCO comme des sites patrimoniaux précieux à partir de 1992, en réaction à la critique des politiques antérieures favorisant le monde industrialisé et les concepts occidentaux du patrimoine [Skeates 2000]. Dès lors, des sites non monumentaux et non urbains provenant principalement de cultures traditionnelles souvent situées dans des pays moins développés pourraient être ajoutés à la liste du patrimoine mondial. Les paysages culturels peuvent être divisés en trois catégories. Le premier type consiste en des paysages conçus et créés spécifiquement par l’homme pour des raisons esthétiques (parcs, jardins). La deuxième catégorie est composée de paysages associatifs culturels, qui sont des paysages naturels avec de fortes valeurs culturelles, religieuses ou artistiques qui leur sont attribuées. La troisième catégorie est celle des paysages organiquement évolutifs, résultant d’une exigence sociale, économique, administrative et/ou religieuse ayant atteint leur forme actuelle par association et en réponse à un environnement naturel. Ces derniers peuvent être subdivisés en deux autres groupes de sites : reliques ou paysages fossiles et paysages vivants continuant à évoluer. La différence entre ces deux est que le premier n’est plus influencé par les forces sociales, l’interaction entre les humains et la nature a pris fin tandis que dans ce dernier type l’adaptation humaine est toujours activement impliquée dans le paysage.

40Cinq secteurs de rizières en terrasses du pays Ifugao, totalisant 10 324 hectares, ont été inscrits sur la liste des sites du patrimoine mondial de l’UNESCO « parce que leurs paysages spectaculaires expriment une harmonie conquise et conservée entre l’humanité et l’environnement ». Ce sont les rizières en terrasses de Batad et Bangaan (municipalité de Banaue), Mayoyao (Mayoyao), Hapao (Hungduan) et Nagacadan (Kiangan). Leur classement s’est fait sous la catégorie des paysages culturels vivants [Mananghaya 2012], selon les critères III (“témoignage unique ou du moins exceptionnel sur une tradition culturelle ou une civilisation vivante ou disparue”), IV (“exemple éminent d’un type de construction ou d’ensemble architectural ou technologique ou de paysage illustrant une périodes significatives de l’histoire humaine”) et V (“exemple éminent de l’utilisation traditionnelle du territoire, qui soit représentatif d’une culture et de l’interaction humaine avec l’environnement, spécialement quand celui-ci est devenu vulnérable”) de l’organisation. Les rizières en terrasses dites « de Banaue », sur la commune du même nom, ne sont pas dans la liste UNESCO car elles comportent trop de structures modernes qui déparent le paysage, même si les rizières y sont tout aussi impressionnantes que dans les cinq autres sites. Elles figurent d’ailleurs, avec les autres terrasses Ifugao, dans la liste des trésors culturels nationaux de 1973, établie par le gouvernement Marcos.

41En 1994, le président philippin Fidel Ramos, par le décret 158, créa une Commission des Terrasses Ifugao (ITC), couvrant les territoires municipaux de Banaue, Hungduan, Kiangan et Mayoyao dans un premier temps, puis (décret 178) aussi celles de Hingyon, Asipulo, Aguinaldo, Lagawe et Tinoc, soit au total neuf des 11 municipalités de la province. Cette commission rassemblait le gouverneur, les maires concernés et les ministres de l’agriculture, de la réforme agraire, des travaux publics, du commerce, de l’environnement, de l’éducation et du tourisme (ce dernier présidant la commission). La commission fut chargée de l’entretien et de la restauration des terrasses selon un plan d’action de six ans. À son arrivée au pouvoir, le président Joseph Estrada remplaça (décret 77 de mars 1999) l’ITC par un nouvel organisme, appelé BRTTF (Banaue Rice Terraces Task Force), présidé par le ministre du tourisme, mais sans les maires des communes concernées. Nouveau changement en 2002 avec la présidente Gloria Macapagal-Arroyo, qui abolit la BRTTF, remettant la responsabilité des rizières entre les mains du gouvernement provincial, sous la forme juridique de l’IRTCHO (Ifugao Rice Terraces and Cultural Heritage Office) soutenu par une subvention conséquente de 50 millions de pesos (environ 1 million d’euros) de la Commission Nationale de la Culture et des Arts. En 2006, la structure était une fois de plus modifiée pour donner naissance à l’ICHO (Ifugao Cultural Heritage Office). Il est intéressant de noter que dans toutes ces institutions, l’aspect tourisme et culture semble plus important que l’aspect purement agricole, on le voit avec la disparition du terme “rizières en terrasses” dans la dernière mouture de l’organisation.

42De son côté, la FAO a inscrit les rizières en terrasses Ifugao dans sa liste des « Systèmes de Patrimoine Agricole d’Importance Globale » (GIAHS) [Koohafkan and Altieri 2011], en tant que « merveilleux systèmes d’ingénierie, manifestation de fortes connexions culture-nature, de l’esprit d’innovation et de la détermination des Ifugao pour maximiser l’utilisation agricole de leur espace ». Ce programme GIAHS a comme objectif la mise en exergue d’espaces agricoles offrant une viabilité économique du système agricole, l’identification de stratégies écologiquement durables face au changement climatique croissant et l’autonomisation des petits exploitants ou de l’agriculture familiale traditionnelle et des communautés autochtones.

43Par contre, bien qu’il soit possible de le faire, ces terrasses rizicoles, y compris celles inscrites sur la Liste du patrimoine mondial, n’étaient pas incluses dans la liste initiale des sites visés par la Loi de 1992 sur les aires protégées (NIPAS, National Integrated Protected Areas System) qui mettait en place, par exemple, des aires marines protégées et restructurait les parcs nationaux et réserves naturelles du pays. D’autre part, la Loi sur les droits des peuples autochtones de 1996 permet aux agences gouvernementales de reconnaître le domaine ancestral couvrant les terres et les zones d’eau, sur la base des coutumes et traditions locales.

2.2.2. La mise en patrimoine des rizières balinaises

44La démarche d’inscription avait débuté en 2000, avec une mission UNESCO de repérage de trois sites (Jatiluwih, Taman Ayun et Kintamani), puis un pré-dossier incluant cinq sites, une première nomination en 2004 sous l’appellation « paysage culturel de la province de Bali », révisée en 2005 comme « sites de la cosmologie balinaise », appellation rejetée pour revenir au titre précédent. En 2008 les experts Icomos demandaient plus d’information sur les relations entre temples et subak, et un nouveau titre. En 2011 était alors déposée une seconde demande, sous l’appellation définitive, enrichie : « paysage culturel de la province de Bali : le système des subak en tant que manifestation de la philosophie Tri Hita Karana ». Les rizières de Bali satisfont aussi à trois critères majeurs d’inscription sur la liste du patrimoine mondial [Salamanca & al. 2015] : les critères III et V, comme aux Philippines, et le critère VI (association avec des événements ou traditions vivantes, des idées, croyances, œuvres artistiques ou littéraires de valeur universelle remarquable).

  • 7 Le concept THK (Tri Hita Karana) signifie qu’il y a trois composantes du bonheur (tri = 3, hita = b (...)

45Dans les attendus de son approbation en 2012, l’UNESCO précise que « étendu sur 19500 hectares, le paysage culturel de Bali comprend cinq rizières en terrasses et des temples d’eau qui illustrent le système des subak, une institution coopérative de gestion de l’eau par des canaux et des barrages qui remonte au 9ème siècle. On y trouve aussi le lac Batur, le temple d’eau royal Pura Taman Ayun, datant du 18ème siècle, le plus grand de Bali mais aussi le plus original du point de vue architectural. Le subak reflète le concept philosophique de Tri Hita Karana qui vise à une relation harmonieuse entre le domaine de l’esprit, le monde humain et la nature7. Cette philosophie, issue de l’échange culturel existant entre l’Inde et Bali depuis plus de deux mille ans, a façonné le paysage de Bali. Le système subak recouvre des pratiques agricoles démocratiques et égalitaires qui ont permis aux habitants de Bali de devenir les plus efficaces producteurs de riz de tout l’archipel, malgré la pression d’une grande densité de population. » Il est également souligné que l’intense travail des universitaires, tant balinais qu’occidentaux, autour des subak, a été un facteur important de reconnaissance des caractéristiques de patrimoine immatériel accompagnant le paysage des rizières en terrasses.

2.3. Les impacts variables du tourisme

2.3.1. La déferlante touristique sur Bali

46Bali est devenue aujourd’hui une destination majeure du tourisme mondial [Picard 2003, Cabasset 2008, Darma Putra 2013]. Le nombre annuel de touristes à Bali dépasse les 11 millions (7 millions d’Indonésiens, 4 millions d’étrangers en 2015), soit près du triple de la population actuelle de l’île (4,2 millions). De 5000 visiteurs étrangers par an en 1968 [Wall 1996], on est passé aujourd’hui à 11 000 par jour. L’aéroport de Denpasar Bali (Ngurah Rai International Airport), capable d’accueillir des Boeing 747-400, reçoit environ 13 millions de passagers par an, y compris sur des vols directs depuis Amsterdam, Auckland, Doha, Dubai, Moscou, Varsovie ou Vladivostok. C’est aujourd’hui la première porte d’entrée internationale en Indonésie, avant Jakarta. Une forte clientèle occidentale (Européens, Russes, Nord-Américains, Australiens, Néozélandais) mais aussi asiatique (Chinois, Japonais, Coréens, Singapouriens, Indiens attirés par l’hindouisme local) vient profiter de la mer [Darma Putra 2014] et du climat tropical pour des activités récréatives de plage et de mer (surf, kite-surf, plongée sous-marine) [Leonard 2017] ou de ville (discothèques) mais aussi pour du tourisme plus culturel (visite des temples hindous de Tanah Lot et Uluwatu sur la côte proches de Kota, complexe touristique Garuda Wisnu Kencana avec spectacles traditionnels de danseuses accompagnées de gamelan, mais qui a aussi accueilli des groupes… de gospel, rock et heavy metal !). L’enclave d’hôtels 5 étoiles de Nusa Dua a été le site de plusieurs conférences internationales (COP 13 en 2007, APEC en 2013, Sommet mondial des océans en 2017). L’intérieur de l’île, facilement accessible au vu des dimensions réduites de Bali, est aussi un espace de tourisme : descente des rivières en canot gonflable (y compris sur la rivière Pakerisan issue du lac sacré Tirta Empul), visites des temples des lacs au pied des volcans et des rizières en terrasses les plus médiatisées. Les activités touristiques ne manquent pas dans les rizières : boire un jus de fruit dans un café avec vue sur les rizières, manger au restaurant, dormir avec la vue sur les rizières depuis l’hôtel, visiter les rizières en randonnée, en quad, en pousse-pousse (selon le dénivelé du terrain). On peut aussi jouer à l’agriculteur balinais en travaillant dans les rizières pour planter le riz, ou encore désherber. Dans des sites comme Jatiluwih, les agriculteurs ont bien perçu la valeur marchande du paysage, puisqu’un droit d’entrée est prélevé auprès des automobilistes pénétrant dans le secteur le plus spectaculaire.

47L’exotisme de l’hindouisme (et du bouddhisme) exerçant un attrait certain sur les touristes occidentaux, une puissante industrie du souvenir balinais [Adams 2008], entre autres sous formes de statuettes et statues de Ganesha, Bouddha, et autres divinités « orientales », a fleuri, avec des centaines d’échoppes offrant leur production au long des routes de l’île, en particulier dans le secteur le plus fréquenté, Kota-Denpasar. Les nombreux temples des villages balinais ont leur propre calendrier d’événements et de festivals, offrant aux visiteurs l’occasion de participer à la vie culturelle de l’île. Les cérémonies religieuses balinaises sont devenues des parties intégrantes de l’offre touristique, jusqu’aux cérémonies de crémation. Un musée du subak a été ouvert à Sanggulan. [Barblan 2009, 2010]

48Avec la Thaïlande, Bali est un des pôles majeurs du tourisme « sea sex and sun » en Asie du Sud-Est, ce qui est un des facteurs d’explication des attentats terroristes de 2002 et 2008. Le tourisme est créateur d’emplois et de richesses à Bali mais aussi, entre autre du fait de l’ignorance des coutumes et tabous de l’hindouisme balinais par les visiteurs [Iverson 2008], un facteur de perturbations dans le fonctionnement de la société balinaise [Couteau 2002] moins paisible qu’on ne l’a décrite jadis [Yamashita 2012], et du système rizicole balinais. Les tensions entre Hindous et Musulmans, si vives en Inde, ont été contrôlées à Bali par des efforts de dialogue interreligieux impliquant entre autres les responsables des temples. [Hitchcock & Darma Putra 2005]

49La pollution liée à la fois à une forte densité de population et à une surfréquentation touristique est de plus en plus visible à Bali : tas d’ordures brûlant au bord des routes, canaux et plages encombrés de déchets divers, canettes, bouteilles en plastique, mais aussi de façon moins visible avec une évidente dégradation de la qualité des eaux de baignade au débouchés des ruisseaux venus du centre de l’île et des égouts collecteurs [Cole 2012], alors même que l’eau, on l’a vu a un caractère sacré dans la pensée traditionnelle balinaise. [Wright 2015]

2.3.2. Le tourisme en pays Ifugao

50Sur les 37,8 millions de touristes recensés aux Philippines en 2015 (dont 6,9 millions d’étrangers), la région de la cordillère n’en a reçu que 1,5 millions et la province Ifugao à peine 69 0008. On est donc loin des 11 millions de visiteurs de Bali. Ifugao demeure une destination mineure, voire insignifiante (0,18 % de l’ensemble des touristes dans le pays, 0,43 % des visiteurs étrangers). Parmi les 81 provinces des Philippines, elle n’arrive en effet qu’en 56e position pour le nombre total de visiteurs, 24e pour le nombre de visiteurs étrangers. Mais c’est un des endroits aux Philippines où la proportion de visiteurs étrangers est la plus forte (43 % du total) ; seules la région de Manille (60 %), Pampanga (50 % grâce à Angeles City), Cebu (48 %) et Aklan (45 % avec l’île de Boracay) font mieux. On a donc ici une destination touristique de niche, prisée des étrangers, mais encore protégée, bien que le nombre de touristes augmente peu à peu. Si les Américains représentaient la moitié des visiteurs en 2000, ils ne sont plus que 10 %, avec les Coréens et les Japonais désormais en tête, comme sur l’ensemble du territoire philippin.

51Les rizières Ifugao sont protégées pour le moment du tourisme de masse par la difficulté d’y accéder. Pas d’aéroport à proximité, seulement des routes sinueuses souvent abîmées par les glissements de terrain. Le contexte de l’impact du tourisme sur les espaces rizicoles protégés par l’UNESCO est donc bien différent de ce que l’on observe à Bali. Mais la surfréquentation touristique à Bali n’est pas ignorée des autorités publiques de la province et des municipalités locales (Banaue, Kiangan, Lagawe) qui cherchent à mettre en valeur le potentiel touristique des rizières sans pour autant perdre l’âme de la région. On note déjà à Banaue, qui n’a pas de réglementation sur l’implantation et l’aspect des bâtiments, une prolifération de constructions anarchiques, résidences secondaires de riches Manileños ou petits hôtels qui sont établis dans des espaces de terrasses rizicoles. [Dulnuan 2014] Les sites protégés Unesco, comme Batad, sont pour le moment épargnés.

3. Les rizières en terrasses menacées

52L’espace balinais dévolu à la riziculture se rétrécit aujourd’hui comme peau de chagrin, à un rythme qui s’accélère : 600 hectares par an au début des années 2000, 1000 hectares par an dans les années 2010. Il reste moins de 80 000 hectares aujourd’hui (contre plus de 100 000 en 1995). Cette rétraction rapide des rizières balinaises est due à plusieurs facteurs. Tout d’abord une pression foncière due à la spéculation comme à des équipements touristiques invasifs, avec en particulier une forte demande de sites avec vue sur les rizières en terrasses ou des parcours de golf à proximité des temples. Des manifestations ont eu lieu contre ce tourisme invasif, avec des slogans tels que « combien faut-il de grains de riz pour une balle de golf ? ». La culture du riz risque d’être abandonnée dans les régions hautes, là où le travail est le plus dur, du fait de la diminution des ressources en eau disponibles (demande quantitative et dislocation des réseaux hydrauliques par les nouvelles constructions), mais aussi d’une demande en fruits et légumes de pays tempérés suscitée par l’industrie hôtelière.

53Bien que les terrasses Ifugao représentent un riche patrimoine culturel, il est aussi devenu difficile d’y maintenir l’agriculture : de nombreuses terrasses de riz ont été abandonnées ont sont menacées d’abandon. À tel point que six ans à peine après leur inscription sur la liste du patrimoine mondial, les terrasses Ifugao ont été inscrites en 2001 sur la liste du patrimoine mondial en péril en 2001, lors de la 25e réunion du comité UNESCO du patrimoine mondial, à Helsinki. Depuis lors, des activités de conservation nationales et internationales ont été entreprises par diverses parties prenantes telles que les gouvernements national et locaux, des organisations non gouvernementales locales et des sponsors du monde des affaires, Grâce à ces efforts, les terrasses ont été retirées de la liste du patrimoine mondial en péril en 2012. Cependant, leur avenir des terrasses reste incertain.

3.1. La dégradation de l’espace agricole des terrasses

54Des études de terrain menées par plusieurs équipes avec l’appui de SIG [Bantayan & al. 2009, 2012, Calderon & al. 2015] ont tenté de calculer des taux de dégradation des terrasses en pays Ifugao. On a pu ainsi identifier dans les quatre communes UNESCO, en croisant des images satellitales et des enquêtes de terrain avec participation des cultivateurs Ifugao, jusqu’à 823 cas de terrasses endommagées ou abandonnées.

Tableau 1 – Dégradation des terrasses dans certains barangay de quatre municipalités de l’espace Ifugao

Municipa
lité

Barangay

Superfi
cie rizières en terras
ses (ha)

Nom
bre de dom
mages

Nombre
de dom
ma
ges par hectares

Super
ficie endom
magée
(ha)

Part
des
rizières endom
magées

Hungduan

7861

129

0,02

19,3

0,25 %

Abatan

637

7

0,01

1

0,16 %

Baang

650

8

0,01

1,2

0,18 %

Bangbang

932

15

0,02

2,2

0,24 %

Bokiawan

675

15

0,02

2,2

0,33 %

Hapao*

555

4

0,01

0,6

0,11 %

Luboong

663

32

0,05

4,8

0,72 %

Maggok

1009

7

0,01

1

0,10 %

Nungulunan

991

7

0,01

1

0,10 %

Poblacion

1112

27

0,02

4

0,36 %

Kiangan

Nagacadan*

241

97

0,40

14,5

6,02 %

Banaue

Bangaan*

660

38

0,06

5,7

0,86 %

Batad*

660

80

0,12

12

1,82 %

Mayoyao

1538

479

0,31

71,6

4,66 %

Banhal

99

9

0,09

1,3

1,31 %

Bato-Alatbang

98

33

0,34

13,1

13,37 %

Bongan

83

51

0,61

10

12,05 %

Chaya

123

72

0,59

10,8

8,78 %

Chumang

545

88

0,16

13,1

2,40 %

Mapawoy

285

66

0,23

9,9

3,47 %

Mayoyao*

106

93

0,88

13,9

13,11 %

Poblacion

198

67

0,34

4,9

2,47 %

NB – Les rizières classées par l’UNESCO sont indiquées en caractères gras avec un astérisque. Les données partielles ne permettent pas d’effectuer les calculs sur l’ensemble des municipalités de Kiangan et Banaue.

Source : Bantayan & al. 2012

55L’importance relative des dégâts (affaissement des murs de soutènement, rupture des diguettes dominant l’échelon inférieur, dérèglement des réseaux hydrauliques, affouillement par des rongeurs, des escargots ou des vers de terre géants importés d’Indonésie) est très variable d’un lieu à l’autre (cf. tableau 1).

56Il est frappant de remarquer que si certaines zones de rizières UNESCO sont en assez bon état (Hapao à Hungduan, Bangaan et Batad à Banaue), ce n’est pas le cas à Nagacadan, Kiangan (6 % des rizières endommagées) et surtout à Mayoyao, Mayoyao (13 % d’endommagement) : ces deux sites sont ceux qui le plus grand nombre de points d’endommagement (respectivement 97 et 93).

57Les différentes sources utilisées donnent des chiffres différents pour la dégradation des rizières, certains allant jusqu’à 30 % de dommages, chiffre qui semble élevé, à moins qu’il n’inclue des rizières en terrasses à l’abandon sur les hauts de versants, où la forêt repousse, ce qui en soi n’est pas forcément mauvais si c’est une extension du muyong. Il est vrai que le calcul de la surface effective de rizières, avant même celui des superficies dégradées, est une difficulté technique que les spécialistes en SIG essaient de surmonter. L’insuffisance des estimations sur le niveau de dégradation des terrasses était un des facteurs de l’inscription sur la liste des sites en danger.

58Quels sont les facteurs de dégradation des rizières ? Le comité UNESCO, dans son suivi du site Ifugao, a mis en relief les points suivants : constructions non contrôlées dans les rizières, manque d’entretien et abandon des terrasses et des réseaux d’irrigation, pratiques non soutenables dans les rizières et les muyong, effets du changement climatique, invasion d’espèces exogènes, tant végétales qu’animales. Pour répondre à ces problèmes, l’UNESCO a indiqué qu’il fallait mettre en place un programme rigoureux de gestion de l’ensemble rizières-muyong avec un inventaire minutieux des problèmes et des ressources en utilisant les techniques SIG, au-delà de la simple cartographie détaillée, et qu’il fallait aussi se pencher sur les questions de financement de la remise en état des rizières en terrasses.

59Outre un financement spécifique par l’UNESCO, les rizières en terrasses Ifugao ont bénéficié d’un effort spécial de la part du gouvernement philippin, sous l’égide de la commission nationale de la culture et des arts, ainsi que d’une ONG, SITMo (Save the Ifugao Terraces Movement), créée en 2000 à partir de PRRM (Philippine Rural Reconstruction Movement), ONG la plus ancienne du pays, fondée en 1952. Le but de SITMo est de « relancer les pratiques traditionnelles de gestion par la transmission des systèmes de savoir indigènes aux jeunes générations et d’aider les communautés ethniques dans le développement d’industries touristiques favorables aux pauvres, qui profitent à toutes les parties prenantes, et de relancer les pratiques culturelles en voie de disparition » [SITMo 2008]. L’objectif est ambitieux. Est-il atteignable ?

60Ces efforts conjoints de l’UNESCO, du gouvernement philippin et d’ONG à base Ifugao ont permis un soutien financier complémentaire d’agences internationales comme la Banque japonaise de coopération internationale, et de sponsors privés comme le groupe SM (immobilier, centres commerciaux) ou Toshiba qui se sont engagés dans du mécénat pour protéger les rizières, entre autres par des donations de matériel aux agriculteurs et une politique d’“adoption” de certaines portions des terrasses [See 2012]. L’Association des Tours Opérateurs Philippins, quant à elle, a établi un partenariat avec Canon Philippines pour mener une campagne photographique par des volontaires pour mettre en relief à la fois la beauté et la fragilité des terrasses Ifugao.

61Finalement, après douze années passées sur la liste du patrimoine mondial menacé, les terrasses Ifugao en ont été retirées en 2012 lors de la 36e session du comité mondial du patrimoine, qui se tenait alors à St Pétersbourg. Les attendus de la décision indiquaient cependant des soucis persistants sur le financement et formulaient plusieurs voeux9 :

62a) assurer les ressources nécessaires pour soutenir la mise en œuvre du plan de conservation et de gestion par des dispositions opérationnelles, b) continuer d’élaborer et de mettre en œuvre des plans de zonage et d’occupation des sols qui répondent aux systèmes de valeurs traditionnels, c) élaborer un plan de gestion du tourisme intégré en coopération étroite avec les communautés locales ainsi que des mécanismes pour contrôler les projets d’infrastructures liés au tourisme, d) poursuivre ses efforts afin de faire adopter une législation imposant une étude d’impact sur l’environnement pour les projets de développement, ainsi que d’établir des procédures d’étude d’impact sur le patrimoine, e) poursuivre ses efforts pour faire adopter une législation nationale afin de classer le bien du patrimoine mondial en tant que zone environnementale sensible.

63C’est lors de la même session UNESCO que les rizières balinaises sont entrées au patrimoine mondial, mais avec aussi des remarques considérant leur fragilité10 :

« Le bien recouvre pleinement les attributs essentiels du système des subak et le profond impact que ce dernier a eu sur le paysage balinais. Les processus qui ont façonné le paysage, sous la forme de cultures en terrasses irriguées par le système des subak, sont toujours vivants et forts. Les zones agricoles sont toujours cultivées selon des méthodes durables par les communautés locales et leur alimentation en eau est gérée démocratiquement par les temples d’eau. Aucun des éléments constitutifs n’est menacé, mais le paysage des rizières en terrasses est très vulnérable à une série de changements économiques et sociaux, tels que les changements de pratiques agricoles et la pression accrue du tourisme. Le système de gestion devra soutenir les systèmes traditionnels et offrir des avantages qui permettront aux fermiers de rester sur leurs terres. De plus, l’environnement des différents sites est fragile et subit la pression du développement, en particulier associé au tourisme. Le cadre visuel des cinq sites s’étend au-delà des délimitations du bien et souvent au-delà des zones tampons. Dans quelques cas, des développements ayant un impact négatif sont déjà intervenus. Il sera essentiel de protéger le contexte global des sites afin d’éviter d’autres pertes d’intégrité visuelle. La gestion de l’eau est également un élément crucial du maintien de la qualité visuelle du bien. L’authenticité, relativement à la manière dont les paysages en terrasses, les forêts, les structures de gestion de l’eau, les temples et les sanctuaires traduisent la valeur universelle exceptionnelle et reflètent le système des subak, est évidente. L’interaction générale entre les hommes et le paysage est toutefois très vulnérable et, si les sites doivent conserver la relation harmonieuse avec le monde spirituel et le concept philosophique du Tri Hita Karana, il sera essentiel que le système de gestion offre un soutien actif. Les bâtiments villageois ont, dans une certaine mesure, perdu une partie de leur authenticité en termes de matériaux et de construction, même s’ils sont toujours fonctionnellement liés au paysage ».

3.2. Exode rural et déculturation

64Bien que l’objectif de la liste du patrimoine mondial soit de promouvoir la conservation des sites inscrits, les effets de l’inscription n’ont pas toujours été bénéfiques. Les politiques de conservation ont eu tendance à « geler » dans le temps les sites de paysages culturels alors qu’ils sont des sites vivants. Les restrictions mises en place pour protéger les sites ont, dans certains cas, provoqué le ressentiment de la population locale face aux défenseurs des paysages touristiques ou de la nature. Gérer un site du patrimoine mondial est perçu localement comme un défi lancé aux habitants, car le fardeau de la conservation des systèmes agricoles sans adaptation aux besoins socio-économiques changeants est perçu comme injuste par les populations locales pauvres, ce qui entrave la coopération entre les parties prenantes locales, nationales et internationales. L’effort de protection des rizières Ifugao, et les financements afférents, se sont concentrés sur les cinq secteurs reconnus par l’UNESCO, si bien que des jalousies sont apparues au sein de la communauté Ifugao, entre ceux qui étaient aidés parce que leurs rizières sont labellisées, et ceux qui n’avaient qu’eux-mêmes pour essayer de maintenir leur terrasses en bon état. Comme les habitants ont le sentiment que de nombreuses actions de développement économique potentielles ne sont pas mises en œuvre parce que considérées comme inappropriées pour un site du patrimoine mondial, la politique de protection peut en fait inciter les habitants à trouver des opportunités économiques ailleurs, ce qui entraîne un risque accru de désintégration des paysages culturels vivants alors même qu’on souhaite les conserver ! [Guimbatan & Baguilat 2006, Koohafkan & Altieri 2011].

65À Bali, l’agriculture représentait encore 66 % du PIB local et 68 % des emplois en 1970, mais seulement 35 % et 45 % en 1990 [MacRae 2005] et 18 % et 35 % en 2010 [Lorenzen 2011, Budiasa & al. 2015]. Comme en pays Ifugao, les jeunes hommes fils de riziculteurs sont attirés par des métiers plus « glamour », qui ont de plus l’avantage d’être situés non loin des villages [Lorenzen 2011]. En une heure de moto, on passe des rizières en terrasses des flancs du Gunung aux complexes touristiques des zones côtières, pour des activités de barman, disc-jockey, moniteur de surf, serveur de restaurant, vendeur de chemises en batik, plus amusantes et moins éreintantes que celles d’agriculteur travaillant de longues heures dans la boue des rizières [Villalon 1995], et permettant des contacts avec des étrangers et des étrangères. Il y a donc comme en pays Ifugao un vieillissement notable de la population agricole, et une perte prévisible de compétences d’aménagement de rizières en terrasses à un horizon pas si lointain.

66L’ouverture de la région Ifugao lors de la période coloniale américaine aux Philippines a permis l’arrivée d’administrateurs et de commerçants dans la région, mais a également facilité le départ des jeunes Ifugao, hommes et femmes, cherchant d’autres emplois à l’extérieur, jugés plus valorisants que le dur travail de la terre et de l’édification des terrasses [Dizon & al. 2012], y compris des emplois à l’étranger, comme de nombreux transmigrants philippins [McKay 2003]. Il en est résulté une perte progressive de main d’œuvre, mais aussi de savoir-faire pour la construction des rizières étagées, ce qui pose clairement la question de l’avenir des terrasses. Avec le développement, même modeste, du tourisme, certains agriculteurs sont devenus vendeurs de souvenirs ou guides touristiques. Comme à Bali, le tourisme entraîne un développement anarchique des constructions au cœur des rizières, des problèmes croissants de déchets et un accroissement de la demande en eau, qui pénalise les agriculteurs déjà touchés par les conséquences du changement climatique sur les ressources hydrauliques et par la détérioration qui s’amorce des forêts de muyong.

67Le catholicisme d’origine espagnole et le protestantisme introduit par les missionnaires américains ont affaibli les croyances traditionnelles, à tel point que d’anciens mumbaki, convertis au Christianisme, sont réticents à toute évocation de leurs ancien système de croyances. Aujourd’hui, la majorité de la population d’Ifugao a été convertie au christianisme. Bien qu’une grande partie de la culture Ifugao demeure, peu suivent encore de près les rituels agricoles traditionnels, ce qui a conduit, avec l’introduction de nouvelles variétés de riz (cf. infra) à une désynchronisation des calendriers de riziculture entre les villages Ifugao. Les cérémonies demeurent, mais elles se font de plus en plus pour les touristes, vidées de leur sens.

68Avec l’affaiblissement du niveau d’autosuffisance des Ifugao, le tourisme a entraîné une augmentation substantielle de la sculpture sur bois et de la production de meubles, entraînant une forte diminution des ressources forestières. Les bulul, désacralisés et progressivement commodifiés [Buenafe 2012], ne sont plus qu’objets de curiosité ethnologique ou artefacts touristiques, pour lesquels la demande croissante conduit certains Ifugao à vendre leurs statuettes familiales pour gagner un peu d’argent pour survivre, ou à couper plus d’arbres que de coutume, de façon à satisfaire les touristes avec un approvisionnement régulier en statuettes fabriquées industriellement à Baguio et non plus par les Ifugao eux-mêmes. Les vêtements cérémoniels colorés sont devenus objets de déguisement pour les touristes eux-mêmes. Les habitants recherchent des retours rapides sur leurs activités génératrices de revenus, mais l’utilisation abusive des forêts secondaires au-dessus des terrasses compromet les services écologiques essentiels (humidité, nutriments, stabilité des pentes) que ces forêts fournissent à la culture du riz. Cela a affecté la durabilité des terrasses de riz.

3.3. Les riz de tradition face à la révolution verte

69Au début des années 1960, de nombreux pays asiatiques, dont l’Inde, les Philippines et l’Indonésie, manquaient de riz face à une croissance démographique soutenue. C’est le moment où les techniques de la révolution verte, reposant sur des variétés à haut rendement et l’utilisation accrue d’intrants et d’eau, se sont diffusées sur le continent asiatique, avec des progrès spectaculaires dans la production [Djurfeldt & Jirström 2005].

3.3.1. La révolution verte et le riz tinawon en pays Ifugao

70Aux Philippines, qui abritent l’IRRI (Institut International de Recherche sur le Riz, à Los Baños), le gouvernement Marcos lança en 1967 un programme d’autosuffisance en riz (Rice Sufficiency Program), entre autres avec la promotion intensive des nouveaux cultivars IR-8, BPI-76 et C-18. La productivité moyenne par hectare de riz dans l’archipel est passée de 12,3 quintaux en 1961 à 35,9 quintaux en 2009, principalement en raison des cultivars introduits et des nouvelles pratiques de gestion. La proportion de la production de cultivars modernes dans le centre de Luzon des Philippines est passée de zéro en 1966 à 66 % au début des années 1970. Les agriculteurs philippins se sont rapidement adaptés aux cultivars de riz modernes ainsi qu’à l’utilisation de produits chimiques [Estudillo & Otsuka 2013]. Dans les années 1970, les Philippines ont pu atteindre l’autosuffisance en riz, avant de retomber dans une dépendance envers les importations qui perdure aujourd’hui.

71L’introduction de cultivars modernes, si elle permet une croissance rapide de la production, aboutit cependant à une déconnexion croissante avec les pratiques agricoles traditionnelles dans des pays où les riziculteurs traditionnels (par exemple Ifugao) ont établi une relation intime entre les cultivars traditionnels, les procédés agricoles hérités des générations antérieures, les paysages et les complexes culturels (religieux) sous-jacents. C’est le cas tant à Bali qu’en pays Ifugao.

72Les riz traditionnels Ifugao sont adaptés aux températures plus fraîches de la cordillère, mais au prix de rendements plus faibles, inférieurs de moitié environ aux riz de plaine. Aujourd’hui, il existe des riz plus productifs, plus résistants, adaptés aux températures plus fraîches, dont le gouvernement philippin encourage l’adoption par les Ifugao. Mais ces efforts se heurtent à la résistance d’une partie de la population Ifugao, pour des raisons religieuses, et des mouvements environnementalistes refusant l’introduction d’OGM [Desquilbet & Bullock 2009]. D’autre part, si les variétés cultivées ne sont plus celles de la tradition, les rizières classées seront-elles toujours sur la liste du patrimoine UNESCO, qui met en valeur, on le voit aussi pour les paysages viticoles, le maintien des pratiques ancestrales de production ?

73À partir de la fin des années 1980, les variétés de riz à haut rendement ont lentement pénétré les zones de terrasses Ifugao [Ngidlo 2013, Moore 2014], s’y substituant aux variétés traditionnelles. L’utilisation de produits chimiques remplace les systèmes organiques et la puissance des machines remplace le buffle carabao et le travail humain. Ce passage à l’agriculture “moderne” offrait aux agriculteurs de meilleurs choix pour accroître leur rendement au milieu de la pénurie alimentaire [Gomez 2013], puisque les nouvelles variétés de riz ont augmenté la production de palay (riz fraîchement récolté) de près de 75 % et permis aux agriculteurs de vendre à l’extérieur. D’autre part, les variétés de riz modernes, avec un cycle raccourci de 3-4 mois, confèrent une meilleure adaptation au changement climatique. Le riz repiqué en janvier est récolté en avril avant l’arrivée des fortes pluies. D’autre part, la deuxième récolte, plantée en juin, est récoltée en août ou en septembre avant les mois de pointe des typhons. De même, la nature robuste et la hauteur courte des variétés de riz modernes offrent également un avantage supplémentaire contre les vents des typhons. Mais l’adoption de ces variétés de riz à haut rendement est conditionnée par la disponibilité d’argent pour acheter des semences et effectuer des travaux d’hydraulique puisque ces variétés, comme toutes celles de la Révolution Verte, exigent de l’eau en quantités plus importantes. La majeure partie du travail effectué dans les terrasses de riz est axée sur la conservation et la gestion des ressources en eau : a) réparation et entretien des digues et des canaux d’irrigation pour éviter les fuites d’eau ; b) utilisation de tuyaux en PVC pour acheminer l’eau vers les terrasses ; c) utilisation de canaux d’irrigation en béton pour une meilleure livraison de l’eau.

  • 11 Un euro vaut environ 50 pesos. Le sac de 25 kilos de riz Tinawon coûte donc environ 50 euros, contr (...)

74Le riz tinawon de la Cordillère, en particulier en pays Ifugao, est devenu l’emblème identitaire de ce débat autour de la hausse des rendements et du maintien des rizières [Druguet 2012]. Cette variété de riz Japonica, par rapport aux riz de plaine Indica sur lesquels on a construit les variétés à haut rendement, n’est cultivée qu’une fois par an (d’où son nom, « riz de l’année »). Ce riz n’est pas produit en quantité suffisante pour nourrir les populations locales, qui se voient donc contraintes d’acheter du riz venant d’autres régions philippines (le cœur de la production se situe dans les plaines du centre de Luçon, entre Manille et la cordillère) et de l’étranger (riz vietnamien ou thaïlandais). Certains agriculteurs Ifugao ont accepté l’introduction de variétés de riz à plus haut rendement, dans un but commercial et se retrouvent confrontés au choix de plants génétiquement modifiés (« golden rice ») que d’autres refusent. Les terrasses labellisées UNESCO ont été, entre autres sous la pression d’ONG comme Greenpeace, déclarées « zones sans OGM ». Le riz tinawon, cultivé sans intrants chimiques, pilé manuellement selon des normes rigoureuses, a cependant trouvé lui aussi un marché extérieur à l’espace Ifugao, puisqu’on peut le trouver dans les supermarchés de Manille, vendu comme « riz patrimonial » (heirloom rice, avec illustration de paysages et de vêtements Ifugao sur les sacs de riz) à un prix nettement plus élevé (2500 pesos11 le sac de 25 kilos) que les riz les plus courants, Dinorado ou Sinandomeng, qui se vendent aux alentours de 1000-1200 pesos. Une petite quantité (7 tonnes) est même exportée aux États-Unis. Un des problèmes majeurs est la forte variabilité de la production puisque l’on évite les intrants chimiques qui permettraient de la régulariser d’une année sur l’autre.

Figure 4 – Riz bio Ifugao vendu dans un supermarché de Manille

Figure 4 – Riz bio Ifugao vendu dans un supermarché de Manille

Le distributeur est en province Nueva Ecjia. Utilisation de l’image ethnique.

Cliché : auteur 2014

75En 2016, un partenariat intéressant a été mis en place entre les autorités locales de la région CAR, de la province Ifugao et de la municipalité de Banaue, d’une part, et la chaîne de restaurants Max’s, spécialisée dans les plats traditionnels philippins, d’autre part [Padin 2016, Quitasol 2016]. Max’s s’engage à des achats réguliers de riz Tinawon, pour l’intégrer dans des recettes classiques (tinawon tinola, tinawon adobo et tinawon frit avec du poisson danggit et des oeufs rouges). Cet accord exige la remise en état de plus de 330 hectares de rizières en terrasses délaissées sur la commune de Banaue (la moitié des terrasses abandonnées de la commune). L’idée est qu’en créant une demande pour le tinawon (70 tonnes par mois) par une grande chaîne nationale de restaurants, on va rétablir une source de revenus pour les agriculteurs Ifugao qui va les inciter à réhabiliter les terrasses, voire inverser le mouvement d’abandon de l’agriculture. Max’s achète déjà 80 % de ses légumes dans la province de Benguet, autour de Baguio, et a permis d’y enrayer l’exode agricole et rural par sa garantie d’achats réguliers et donc de bons revenus pour les fermiers. Max’s financerait la réhabilitation des terrasses, l’argent versé étant bien sûr déductible pour les impôts sur les bénéfices de l’entreprise, et obtiendrait en échange 50 % de la production (conformément à la pratique traditionnelle “chawwa” qui offre à l’investisseur la moitié du revenu). Les fermiers livreraient directement à la chaîne de restaurants, court-circuitant les intermédiaires. Dans une première phase, l’opération ne concerne que huit établissements de la chaîne, qui encourage aussi, comme elle le fait déjà dans les espaces légumiers de Benguet, l’agro-tourisme, qui serait une source de revenus complémentaires pour les Ifugao. Cette démarche de promotion du riz tinawon s’apparente aux approches AOC/AOP que l’on connaît en France. La chaîne de restauration a inséré dans ses menus un encart relatif aux terrasses Ifugao, pour promouvoir le tourisme dans la région et valoriser le produit local.

3.3.2. Les rizières de Bali et la Révolution Verte

76À Bali, les fermiers obtiennent quant à eux les meilleurs rendements rizicoles d’Indonésie grâce à une adoption plus précoce des « riz miracles » de la Révolution Verte [Maurer 1990, MacRae 2011] et un emploi plus systématique des engrais azotés et potassiques de l’industrie chimique, à des prix réduits subventionnées par l’État indonésien, même si on en consomme moins à Bali que dans d’autres régions du pays. Ce faisant, on a prêté moins d’attention aux minéraux dérivés des sols volcaniques et transportés naturellement par l’eau d’irrigation venant des réservoirs sommitaux. Or cet usage d’engrais chimiques s’avère coûteux et inutile dans le cas de Bali, et a de plus des effets néfastes sur la qualité de l’eau en aval des rizières [Lansing & al. 2001]. Même à prix subventionnés, les engrais grèvent le budget des riziculteurs alors même que le gouvernement indonésien maintient de bas prix pour le riz à destination des consommateurs urbains.

77Ces changements ont constitué un écart majeur par rapport aux pratiques associées au système balinais traditionnel de riziculture humide et ont eu des conséquences importantes et imprévues [Wei & al. 2013]. Dans le système traditionnel, les rizières connaissaient une alternance de phases humide et sèche, essentielles aux processus biochimiques de base de l’écosystème de la rizière. Le cycle des phases humide et sèche régénérait périodiquement les niveaux de pH du sol, les cycles minéraux, les niveaux d’oxygène du sol, l’activité microbienne des sol, la croissance d’algues fixant l’azote, les niveaux de phosphore et la formation d’une couche dure d’argile empêchant les nutriments de s’infiltrer dans le sous-sol profond.

78Lorsque les riziculteurs ont abandonné le calendrier traditionnel des cultures balinaises, ils ont connu dans un premier temps une augmentation spectaculaire des rendements. Mais après quelques années, cependant, la situation est devenue désastreuse en raison de graves pénuries d’eau et d’explosions sans précédent de populations de ravageurs. Des milliers de tonnes de riz ont été perdues et la famine a même menacé certains secteurs de l’île. Si bien que nombre d’agriculteurs ont réclamé un retour au système traditionnel de culture du riz irrigué qui fonctionnait bien depuis des siècles. Demande rejetée par les autorités au nom de la modernisation de l’agriculture et de l’irrigation, le raisonnement des fermiers balinais étant considéré par le gouvernement indonésien comme conservatisme religieux ou résistance au changement [MacRae & Arthawiguna 2011]. L’anthropologue Stephen Lansing a cherché à résoudre ce conflit en créant un modèle informatique pour tester la valeur pratique du système traditionnel de culture du riz balinais [Lansing 1991, 1994]. En synthétisant les données écologiques, hydrologiques, économiques et ethnographiques, Lansing a pu démontrer que les temples aquatiques jouaient un rôle important dans ce système en déterminant des calendriers d’irrigation optimaux pour les agriculteurs et en maximisant les rendements de riz au fil du temps [Lansing & Miller 2005, Janssen 2007].

79La décentralisation post-Suharto en Indonésie, après plusieurs décennies de négligence, voire d’hostilité, des autorités envers les pratiques traditionnelles, semble avoir permis une certaine renaissance du complexe culturel rizicole balinais, avec un retour en grâce des régimes juridiques traditionnels adat, non-étatiques [Bedner & Van Huis 2008, Henley & Davidson 2008, Roth 2014], et de nouveaux investissements dans les temples et sanctuaires, il y a peu encore considérés comme anachroniques et contraires à l’effort de modernisation [Pedersen & Dharmiasih 2015]. La réaffirmation du religieux dans le monde contemporain (monde musulman, Russie poutinienne, Inde de Narendra Modi) place l’hindouisme balinais dans un contexte plus favorable, malgré une poussée parallèle de l’intégrisme musulman en Indonésie.

80Si la dépendance excessive de Bali envers l’économie touristique a été mise en évidence par les attentats de 2002 à Kuta [Darma Putra & Hitchcock 2008], les réflexions qui en ont suivi, entre autres sur la colère des Dieux face à la désacration du système agro-religieux des rizières [Picard 2008] aboutissent à deux scénarios bien différents relatifs au futur de l’agriculture balinaise [MacRae 2005]. Un premier scénario serait celui du développement d’un modèle d’agriculture exportatrice, selon les principes de l’agro-business mondialisé. Un autre serait au contraire celui d’une agriculture d’échelle locale fondée sur les principes de l’agriculture durable, raisonnée ou biologique et d’une consommation locavore de produits reflétant l’essence de Bali, en particulier le riz des zones de terrasses, avec des compléments parmi les légumes qui viennent diversifier les cultures.

81Comme pour le riz tinawon aux Philippines, il y a une demande latente d’un public, tant indonésien qu’étranger, ouvert aux questions environnementales pour des produits certifiés bio et authentiques [Shiotsu & al. 2015]. Le problème dans les deux pays est que les cahiers des charges sont mal établis et confus, les agences de certification peu efficaces et les cultivateurs mal préparés aux exigences de ces cultures bio qui pourraient trouver des acheteurs à Jakarta ou Manille, voire sur des marchés internationaux.

3.4. Les rizières en terrasses face au changement climatique et aux séismes

82Les rizières balinaises et celles du pays Ifugao, menacées par des évolutions sociales et économiques, le sont aussi par les éléments naturels. Les deux secteurs sont dans des régions de forte sismicité potentielle. Le tremblement de terre du 16 juillet 1990 dans le Nord de Luçon, de magnitude 7,9, a causé de gros dommages non seulement à Baguio, proche de l’épicentre, mais également dans les zones de rizières en terrasses, en particulier pour les systèmes d’irrigation. En 1815, un séisme de magnitude 7,0 avait tué plus de 10 000 personnes à Bali. Si le volcanisme n’est pas un danger pour les rizières Ifugao, il est une menace constante à Bali, d’une part avec les éruptions elles-mêmes (épisode plinien du Mt Agung en 1963, avec plus de 1000 morts), d’autre part avec les lahars qui peuvent se produire plus tard.

83Mais c’est surtout le changement climatique qui inquiète les riziculteurs des terrasses balinaises et Ifugao. D’une part, les phases El Niño ont conduit ces dernières années à des périodes prolongées de sécheresse, dramatiques pour la production de riz, surtout si on adopte des cultivars à forte exigence en irrigation [Ngidlo 2013], d’autre part les précipitations de mousson ou de typhons semblent s’accroître, ce qui touche plus spécifiquement le pays Ifugao, situé sur les trajectoires des bagyos frappant le nord de Luçon, et davantage exposé aux glissements de terrain au vu de la raideur des versants. Des pluies intenses de plus de 20 mm/ heure excèdent la capacité de rétention d’eau des diguettes bordant les parcelles de riz, ce qui crée des cascades vers le gradin immédiatement inférieur, qui reçoit donc d’une part la pluie du ciel et de surcroît l’eau en excédent du gradin supérieur. Tout l’escalier de rizières peut alors se transformer en une multitude de cascades, endommageant des rizières mal entretenues faute de main d’œuvre.

84On a d’autre part constaté que les périodes sèches, déjà mises en cause dans les années 1980 pour la dégradation du système Ifugao [Eder 1982], favorisaient la prolifération des vers de terre géants, qui ont le fâcheux effet d’accélérer la déstabilisation des terrasses. On voit se profiler un scénario catastrophe en trois temps : sécheresse et vers de terres, une phase de pluies intenses et finalement un séisme faisant s’écrouler des pans entiers de versants.

85Pour répondre aux problématiques de changement climatique pour les riziculteurs, plusieurs approches sont possibles. Une première peut être d’abandonner l’agriculture pour le tourisme ou d’autres activités. Un deuxième arrangement peut être de modifier le calendrier de la culture du riz, ce qui est déjà fait avec les riz à haut rendement, pour éviter que les rizières soient en eau au coeur de la saison des typhons pour le pays Ifugao (Septembre/Octobre) ? La demande en eau pour les rizières Ifugao est maximale en Mars-Avril, minimale d’Août à Octobre [Soriano & Castro 2012]. Il faut donc assurer des sources d’eau. C’est pour cela que l’ONG SITMo, soutenue par un homme politique Ifugao, Teddy Baguilat, d’abord gouverneur de la province, puis député à Manille, a beaucoup oeuvré pour la micro-hydraulique. Une autre voie vers l’adaptation et la résilience [Castonguay & al. 2016] serait de diversifier les cultures et moins dépendre du riz, par exemple en redéveloppant les tubercules comme le taro. Mais dans ce cas, quid de la reconnaissance Unesco des espaces rizicoles ?

86À Bali, un programme d’assurance des récoltes contre les sécheresses, les inondations ou les invasions de rongeurs ou insectes ravageurs a été lancé en octobre 2015, à l’approche d’un nouvel épisode El Niño. Il permet aux autorités de payer les fermiers jusqu’à 6 millions de roupies (environ 450 euros) pour tout dommage, si ils ont souscrit à cette prime d’assurance (180 000 roupies par hectare, 12 euros, dont 80 % pris en charge par l’État).

87Dans ces conditions de risques accrus de sécheresses ET inondations, aggravés, particulièrement à Bali par la forte demande en eau du tourisme [Strauss 2011, Tarigan & al. 2014], qui désorganise les réseaux hydrauliques [Lorenzen 2015], et le moindre respect des fonctions environnementales des forêts sommitales, quelle peut être l’attitude des riziculteurs et des autorités, locales, régionales et nationales, face aux besoins spécifiques des rizières en terrasses ? Le déclin de main d’oeuvre n’est pas bon signe, puisque l’on manque de bras pour effectuer les travaux de maintenance hydraulique indispensables. Certains agriculteurs Ifugao font aujourd’hui appel à des ouvriers d’autres régions des Philippines pour réparer les réseaux hydrauliques et les terrasses, mais les non-Ifugao viennent avec des valeurs et des techniques qui ne sont pas forcément celles des Ifugao.

88Faut-il confier la gestion de l’hydraulique à des ingénieurs venus de l’extérieur, voire de l’étranger, à des coûts élevés ? Faut-il au contraire redonner de la vigueur aux gestions traditionnelles de l’eau, subak et muyong ? Qui va financer ? [Calderon & al. 2008]. L’effort doit-il reposer sur les autorités locales, régionales, nationales ? [Licyayo 2013] ou bien sur du mécénat d’entreprise, au risque de déposséder les habitants de la gestion de leurs ressources ? Ou bien faut-il se servir du tourisme comme moyen de financement, en instaurant de façon systématique des péages pour l’accès aux sites les plus emblématiques ? En ce cas, quel doit être le montant à payer ? Sera-t-il le même pour les touristes étrangers et nationaux ? Un prix d’accès trop élevé ne risque-t-il pas de détourner les visiteurs, quand les rizières sont déjà difficiles d’accès comme en Ifugao ? Il faut donc revoir les rapports entre eau, tourisme et agriculture [Cole 2014].

Conclusion

89L’avenir de l’agriculture en terrasses balinaise et Ifugao est incertain. Tourisme et urbanisation sont en train de démembrer lentement mais sûrement l’un des piliers de la culture balinaise, le subak et ses formes particulières de partage de l’eau, de culture du riz et d’embellissement du paysage. L’abandon de terrasses difficiles à entretenir et une intégration progressive des Ifugao dans une culture mondialisée via leur folklorisation menace tout l’équilibre culturel et agricole de cette région du Nord de Luçon. Comment préserver le tourisme culturel en pays Ifugao sans tomber dans la culture touristique désormais prévalente à Bali ? [Michel 2011]

90Il semble nécessaire de repenser et réévaluer la valeur de l’agriculture pour les peuples balinais et Ifugao [Lorenzen 2013]. Faut-il concevoir ces agriculteurs comme des producteurs agricoles comme les autres ou comme des gardiens de paysages entrés dans l’imaginaire du monde ? Faut-il rémunérer les agriculteurs pour leur travail d’entretien des rizières séculaires et leur célébration des vertus divines du riz ? Comment assurer à ces agriculteurs une fierté face à l’œuvre de leurs ancêtres, sans pour autant tomber dans une muséification excessive des paysages et des hommes ? Dans les démarches actuelles de développement durable et de recherche de produits agricoles sains, les pratiques ancestrales des Balinais et des Ifugao ne peuvent-elles pas être mises en avant, non pas comme des formes d’agriculture passéistes mais au contraire comme des modèles d’équilibre écologique pour le futur ? [Marasigan & Serrano 2014, Calderon & al. 2015]

91En tant que représentations des cultures, les sites patrimoniaux sont considérés comme suffisamment importants pour être conservés et transmis à la génération suivante. La motivation pour cela peut varier du développement communautaire, de l’éducation et de la nostalgie au développement économique, au tourisme et au profit. Cependant, la conservation et la gestion du patrimoine culturel est une question complexe et coûteuse [Timothy et Nyaupane 2009]. La pauvreté locale et l’évolution des besoins socio-économiques menacent l’existence des paysages culturels en raison des processus d’émigration des jeunes, de la baisse de la productivité agricole et, en fin de compte, de la perte des savoirs locaux qui soutiennent les systèmes agricoles [Koohafkan et Altieri 2011]. Pour conserver les sites patrimoniaux des paysages culturels dans les pays moins développés, il faut plus que l’entretien. Le progrès socio-économique de la communauté locale est nécessaire pour combattre les problèmes causant l’abandon et la désintégration des paysages culturels. Le développement doit être durable pour préserver le paysage culturel [Mananghaya 2011], et l’UNESCO insiste aujourd’hui sur une stratégie dite des 5 C (Crédibilité, conservation, capacité, communication et communauté) [Albert 2012] impliquant une valorisation plus forte des savoirs vernaculaires et l’implication plus centrale des populations concernées, comme le fait SITMo.

92Il faut donc concevoir des formes de tourisme durable dans les terrasses rizicoles, qui permettent de continuer à apprécier ces paysages culturels sans les dénaturer par une exploitation excessive mettant à mal la production agricole et la culture qui est sous-jacente à ces paysages. Comment mettre en place un éco-ethno-agrotourisme [Hakim, Kim & Hong 2009, Budiasa & Ambarawati 2014, Budiasa & al. 2015, Sardiana & Purnawan 2015] qui puisse satisfaire tant les visiteurs que les Balinais, plus impliqués dans la gestion du tourisme à l’échelle du subak [Yamashita 2013] que dans le modèle balinais actuel de tourisme de masse contrôlé par les tours-opérateurs et les grandes chaînes hôtelières ? Comment rendre aux jeunes Ifugao l’envie de mettre en valeur le patrimoine paysager et culturel hérité de leurs ancêtres ? Élaborer les arrangements adéquats est un défi de taille, tant pour les rizières en terrasses philippines et balinaises que pour celles des pays voisins aux problématiques comparables, comme au Vietnam et en Chine [Wall, Sun & Wu 2014].

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Notes

1 L'utilisation du mot Igorot (de I-golot, ceux de la montagne) est très controversée. Le mot, imposé par les Espagnols est jugé méprisant, et regroupe différents groupes ethnolinguistiques proches mais distincts. Les Ifugao ne se considèrent pas comme Igorot.

2 Les groupes Ifugao parlent les dialectes austronésiens Amganad, Ayangan, Gilipanes, Kiangan, Mayoyao et Tuwali Ifugao. Le nom Ifugao viendrait de I-pugaw (“du monde de la terre”), par opposition aux esprits et aux divinités, ou bien de Ipugo (le grain de riz donné aux hommes par leur dieu Matungulan). Leurs voisins les désignent traditionnellement sous le nom Kiangan.

3 Le Hudhud est chanté seulement lors de trois occasions: en temps de la récolte, pour rompre la monotonie du travail, lors d’un décès naturel et, au cours d'une veille accompagnant la cérémonie de nettoyage des os et réinhumation des morts, ou bogwa. Le chant est effectué par un munhaw-e - souvent une femme âgée - qui doit être familiarisé avec les différentes variantes des récits. Le munhaw-e est assisté par le mun-hudhud ou mun-abbuy qui ne répond que dans des phrases récurrentes indiquées par le munhaw-e. Il y a environ deux cents récits regroupés en quarante épisodes qui peuvent prendre trois à quatre jours pour le déroulement complet. Le hudhud, en temps que patrimoine immatériel, fait partie du complexe culturel reconnu par l’UNESCO au titre du patrimoine mondial.

4 Qualifiés de “robustes, mécréants, sauvages, cruels et coupeurs de tête” par les Espagnols [Scott 1962].

5 Terme d’origine Ilocano signifiant “une fois par an”. Les riz des Ifugao, qui sont une variante de riz Oryza Sativa Japonica, sont localement appelés Imbuucan.

6 Forest Management Bureau, FMB, rattaché au ministère de l’environnement, DENR (Department of Environment and Natural Resources)

7 Le concept THK (Tri Hita Karana) signifie qu’il y a trois composantes du bonheur (tri = 3, hita = bonheur, karana = cause, source), qui sont parhyangan (relation humains-divin), pawongan (relations entre humains), et palemahan (relations humanité-nature) [Sriartha, Suratman & Giyarsih 2015]

8 http://www.visitmyphilippines.com/images/ads/513015021225f0330120daeb96e89d96.pdf

9 http://whc.unesco.org/archive/2012/whc12-36com-19f.pdf (Rapport des décisions – 36e session du Comité du patrimoine mondial (Saint-Pétersbourg, 2012), pp. 42-43)

10 http://whc.unesco.org/archive/2012/whc12-36com-19f.pdf (Rapport des décisions – 36e session du Comité du patrimoine mondial (Saint-Pétersbourg, 2012), pp. 197-198)

11 Un euro vaut environ 50 pesos. Le sac de 25 kilos de riz Tinawon coûte donc environ 50 euros, contre 20-25 euros pour les autres

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Table des illustrations

Titre Figure 1 – Les rizières de Batad
Légende On note la vigueur des pentes, l’absence d’espaces plans naturels, et la présence de forêt (muyong) au- dessus des terrasses de riz. Habitat groupé.
Crédits Cliché : auteur 2011
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/bagf/docannexe/image/1296/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 112k
Titre Figure 2 – Rizières de Jatiluwih, Bali
Légende Un relief moins escarpé qu’en pays Ifugao. Bosquets de cocotiers entre les parcelles de riz. Petits autels à la déesse du riz dans l’espace agricole
Crédits Cliché : auteur 2016
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/bagf/docannexe/image/1296/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 112k
Titre Figure 3 – Emblèmes nationaux
Légende Rizières et bulul Ifugao sur les anciens billets philippins de 1000 pesos. Temple balinais Pula Ulun Danu Beratan sur le billet indonésien de 50 000 roupies.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/bagf/docannexe/image/1296/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 56k
Titre Figure 4 – Riz bio Ifugao vendu dans un supermarché de Manille
Légende Le distributeur est en province Nueva Ecjia. Utilisation de l’image ethnique.
Crédits Cliché : auteur 2014
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/bagf/docannexe/image/1296/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 52k
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Pour citer cet article

Référence papier

Yves Boquet, « Muyong et subak. Production agricole, patrimoine culturel et enjeux environnementaux dans les rizières en terrasses de Bali (Indonésie) et du pays Ifugao de Luçon (Philippines) »Bulletin de l’association de géographes français, 94-2 | 2017, 240-279.

Référence électronique

Yves Boquet, « Muyong et subak. Production agricole, patrimoine culturel et enjeux environnementaux dans les rizières en terrasses de Bali (Indonésie) et du pays Ifugao de Luçon (Philippines) »Bulletin de l’association de géographes français [En ligne], 94-2 | 2017, mis en ligne le 21 juillet 2018, consulté le 17 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/bagf/1296 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/bagf.1296

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Auteur

Yves Boquet

Professeur de géographie à l’Université de Bourgogne-Franche-Comté, Laboratoire ThéMA, 4 boulevard Gabriel, 21000 Dijon – Courriel : yves.boquet[at]u-bourgogne.fr

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