Texte intégral
- 1 Cette phrase, Westward the course of Empire takes its way, est tirée du dernier quatrain du poème “ (...)
1La citation insérée dans le titre est la traduction d’une phrase de Pedro Cabeza de Vaca, un explorateur espagnol du XVIe siècle, qui erra, bien malgré lui, ses compagnons et lui-même étant les rescapés d’un naufrage, le long des côtes de Floride entre 1528 et 1536, avant d’atteindre le Mexique. Or, cette citation démontre un élément essentiel de cet article, à savoir la continuité dans la représentation du territoire entre les conceptions des premiers explorateurs du continent nord-américain et les idées dominantes de la fin du XVIIIe siècle dans les Treize Colonies, lesquelles allaient bientôt accéder à l’indépendance. En effet, les territoires situés à l’Ouest du Mississippi, voire des Appalaches, restaient encore largement inexplorés à l’époque, ce qui expliquait la persistance de mythes et de théories audacieuses relatives à leur nature exacte. Résumer ceux-ci à de simples rêves d’expansion et à la célèbre phrase de Berkeley, « C’est vers l’Ouest que l’Empire se met en route »1 – qui date de 1753 et, à l’époque, caractérisait les ambitions des Britanniques –, serait réducteur, car ces théories se mêlaient à un besoin de connaissance du territoire, dans le but d’établir, justement, ce qui se trouvait « à l’horizon ». Même si, à long terme, la conquête en était le but, les différentes utilisations de ces régions faisaient débat, justement parce qu’elles gardaient une part de mystère. Cependant, il ne faut pas interpréter les théories de l’époque à la lumière des événements subséquents et la conquête du territoire ne représentait qu’une perspective à long terme. Plus intéressant encore, ces conceptions plus ou moins imaginaires procédaient de diverses origines, dans lesquelles le caractère proprement « américain » du territoire se mêlait à l’influence d’idéologies transplantées, pour ainsi dire, dans le Nouveau Monde et dont les visées étaient religieuses, politiques et scientifiques – puisque la géographie sera abordée. Ces conceptions n’étaient cependant partagées que par une minorité et nous en retrouvons la trace dans les écrits de l’époque, en particulier ceux des Pères Fondateurs, mais aussi dans la poésie, propice à une formulation encore plus enthousiaste des espoirs qui animèrent les colons, puis la nation américaine. Le but de cet article, outre l’oscillation entre continuité et volonté de rupture, consiste donc à en dégager les fils directeurs et, tout d’abord, les racines les plus profondes seront étudiées. Ensuite, dans une deuxième partie, les influences d’idéologies plus récentes, en particulier celles des Lumières et de « l’anglo-saxonisme », seront examinées. Enfin, l’accent sera mis sur l’indépendance des États-Unis, qui contribua à raviver ces idéologies et à accroître le besoin de connaissance du territoire.
- 2 John Milton, Paradise Lost, Livre Douzième, vers 646-49, New York-Londres, W. W. Norton & Company, (...)
2Parmi les racines les plus profondes, la religion occupe un rôle de premier plan. En effet, l’influence du puritanisme déterminait la représentation mentale du territoire et sa fonction téléologique. Lorsque John Winthrop déclara, en 1630, vouloir bâtir « une ville sur la colline » (a city upon a hill), l’ambition de fonder la Nouvelle Jérusalem était explicite. La volonté de rompre avec la société européenne l’était tout autant et c’est ainsi que le territoire américain fut considéré comme une sorte de nouvelle Terre Promise, où s’épanouirait la société telle qu’elle avait été souhaitée par la divinité. Dans le même ordre d’idées, il est possible de transposer les derniers vers du Paradis perdu de Milton, écrits quelques décennies plus tard, au continent nord-américain : « Le monde entier était devant eux, pour y choisir le lieu de leur repos, et la Providence était leur guide. Main en main, à pas incertains et lents, ils prirent à travers Éden leur chemin solitaire »2. En effet, cet espace inconnu était, avant tout, un espace à conquérir et les desseins des premiers colons seraient guidés par la Providence.
3Les conceptions des Puritains semblaient différer de celles des colons espagnols, dont les possessions étaient situées plus au Sud, mais un syncrétisme s’élabora progressivement. Les Espagnols croyaient toujours que l’Amérique et l’Asie étaient reliées et qu’« aux bords mystérieux du monde occidental », pour paraphraser José Maria de Heredia, se trouvaient de fabuleuses richesses. Au XVIe siècle, ils donnèrent à ce pays légendaire le nom de Cíbola, mais toutes les expéditions qui tentèrent de l’atteindre, dont celle de Coronado, en 1540, échouèrent dans leur quête. Cependant, ces expéditions contribuèrent à prouver l’étendue du continent nord-américain et, au fil des années, il ne fut plus question d’atteindre directement l’Asie, mais, faute de preuves, d’imaginer l’existence d’une voie de communication naturelle entre les deux continents – qu’il s’agisse d’une mer intérieure, d’un bras de mer ou d’un fleuve débouchant sur l’Océan Pacifique. C’est ainsi que les Anglo-Saxons se mirent à partager les rêves des Espagnols et, en 1576, Sir Humphrey Gilbert tenta de démontrer l’existence d’une telle voie de communication dans son Discours sur la découverte d’un nouveau passage vers Cathay (Discourse of a Discoverie for a New Passage to Cataia). Or, on retrouve l’idée de la Providence déclinée d’une autre manière : selon lui, il était naturel qu’un fleuve ou qu’une mer procure un accès direct à l’Asie. Le désir se substituait à la logique et c’est ainsi que naquit le mythe du « Passage du Nord-Ouest » (Northwest Passage), désormais le symbole de l’aboutissement des espoirs d’expansion du territoire et de la découverte de fabuleuses richesses.
4L’évolution de la représentation du territoire entre la mappemonde de Mercator (1569) et les cartes du XVIIIe siècle, comme celle dressée par Philippe Buache en 17523, est indéniable, mais l’espoir d’atteindre l’Asie persistait. Sur la première, les côtes du Pacifique au Nord de la presqu’île de Californie restaient très mal définies, ce qui permettait d’imaginer l’existence d’un passage vers l’Asie par voie de terre, au Nord du légendaire détroit d’Anian. Sur la seconde, le Passage prend la forme d’une courte rivière s’écoulant à partir de la tout aussi légendaire « Mer de l’Ouest » (Western Sea), bordée par les terres comme l’était la Baie d’Hudson. La question suivante mérite ainsi d’être posée : le Passage du Nord-Ouest correspond-il à un besoin plus ou moins inconscient de toujours croire aux mythes, alors que l’échec de nombreuses explorations aurait pu amener à une remise en question des idées dominantes de l’époque ? Ces rêves persistèrent et, à la fin du XVIIIe siècle, l’espoir de le découvrir était encore vivace. La continuité se manifestait également dans la conception du mode de vie des nations amérindiennes, émanation directe de la nature du territoire : ainsi, la croyance selon laquelle certaines d’entre elles vivaient dans des cités aux toits recouverts d’or ne disparut pas totalement et, chose plus frappante, la cruauté si souvent assignée aux Amérindiens s’estompa au cours du XVIIIe siècle, laissant la place à un indéniable paternalisme – lequel ne représentait sans doute qu’un moyen différent d’arriver à la même fin : assimiler les Amérindiens aux colons, ou les repousser toujours plus loin vers l’Ouest. Néanmoins, l’influence du mythe du Bon Sauvage contribua sans doute à ce changement de perspective et ce point permet de faire la transition avec la deuxième partie, dans laquelle les idéologies propres au XVIIIe siècle – en particulier, les Lumières – seront abordées.
- 4 “Jolliet’s Report to the Missions”, in Reuben Gold Thwaites (dir.), The Jesuit Relations and Allied (...)
- 5 Jean-Bernard Bossu, Travels through that Part of North America Formerly Called Louisiana, Londres, (...)
5Il convient de rappeler que les explorations françaises du XVIIe siècle – les plus célèbres furent celles de Marquette et de Cavelier de la Salle – avaient contribué à modifier la conception des territoires situés à l’Ouest du Mississippi. Tout d’abord, il fut établi que ce fleuve se jetait dans le Golfe du Mexique et les espoirs des Français, mais aussi des autres puissances européennes, se reportèrent sur l’exploration de son affluent, le Missouri. En outre, ces espoirs s’accordaient avec une image nouvelle de ces régions encore mal connues, celle d’un territoire fertile et hospitalier. Ainsi, Marquette, en contemplant la vallée du Mississippi, écrivit dans ses notes : « On ne peut trouver de meilleur sol pour la culture du maïs, pour celle de la vigne, ou pour tout autre fruit que ce soit »4. Au cours du XVIIIe siècle, Jean-Bernard Bossu, dans son récit des Voyages dans la partie du continent nord-américain que l’on avait coutume d’appeler la Louisiane, se fit l’écho du père jésuite en affirmant : « Le sol est si fertile, [qu’il] produit du blé venu d’Europe, ainsi que d’autres sortes de fruits et de légumes encore inconnus en France »5. Il est difficile d’établir un lien avec les théories du siècle suivant, mais elles n’en présentent pas moins de nombreux points communs. Ces mouvements intellectuels principaux sont au nombre de trois, et vont être successivement étudiés.
- 6 Henry Nash Smith, Virgin Land: The American West as Symbol and Myth, Cambridge (Massachusetts) et L (...)
- 7 Thomas Jefferson, lettre du 23 août 1785, adressée à John Jay, in Thomas Jefferson: Writings, New Y (...)
- 8 Thomas Jefferson, lettre du 28 octobre 1785, adressée à James Madison, in op. cit., p. 842: “The sm (...)
- 9 Benjamin Franklin, Autobiography, Partie Trois, New York-Londres, W. W. Norton & Company, 1986, p. (...)
6Tout d’abord, le mouvement agrarien, dont il est possible d’affirmer que les racines remontent au mouvement physiocrate, qui se développa en France au milieu du XVIIIe siècle et dont les principaux tenants furent Quesnay et Du Pont de Nemours, lequel, d’ailleurs, émigra ensuite aux États-Unis. Benjamin Franklin et Thomas Jefferson furent les vulgarisateurs les plus actifs de ce mouvement, qui prônait, comme les physiocrates, un modèle de société particulier – donc, entretenait des visées proprement politiques. Le modèle envisagé était celui d’une nation constituée de petits propriétaires terriens, l’agriculture étant considérée comme un remède aux maux de la société et à la corruption, ainsi que la condition essentielle d’une Amérique prospère et républicaine. Comme l’a dit l’historien Henry Nash Smith, « la perception selon laquelle l’Ouest promettait l’expansion indéfinie d’une société reposant sur la simplicité du modèle agricole devint la garantie la plus certaine que les États-Unis conserveraient leurs institutions républicaines »6. Ainsi, dans sa correspondance, Jefferson décrit tantôt les cultivateurs comme les « citoyens les plus dignes d’admiration »7, tantôt comme les « citoyens les plus précieux de l’État »8. Cependant, ces théories doivent être liées à l’extension d’un tel modèle, parfois au détriment des Amérindiens, comme le démontre un passage de l’Autobiographie de Benjamin Franklin : « Et, en vérité, si tel est le désir de la Providence d’exterminer ces sauvages pour qu’ils laissent la place à des cultivateurs de la terre, il ne semble pas impossible que le rhum soit le moyen choisi »9. On retrouve l’idée de la Providence, mais l’établissement d’une nation de petits propriétaires terriens impliquait nécessairement la conception d’un territoire hospitalier, comportant peu d’obstacles jusqu’à l’Océan Pacifique. Le mouvement agrarien était donc fortement lié à la représentation du territoire et les régions inexplorées de l’Ouest étaient considérées comme un « Jardin du Monde » (Garden of the World) – non pas le Jardin d’Éden, bien entendu, mais de vastes terres fertiles propices à l’épanouissement d’une civilisation.
- 10 Thomas Jefferson, lettre du 25 janvier 1786, adressée à Archibald Stuart, in op. cit., p. 844: “Our (...)
7La deuxième théorie est connue sous le nom d’« anglo-saxonisme » et ses racines remontent à l’Angleterre du début du XVIIe siècle. Luttant contre l’utilisation abusive des prérogatives royales, un groupe de parlementaires, mené par Sir Edward Coke, opposa à la corruption de l’époque un « âge d’or » du gouvernement anglo-saxon, auquel l’invasion normande de 1066 aurait porté un coup fatal. Dans les décennies qui suivirent, cette théorie traversa l’Atlantique et, à la fin du XVIIIe siècle, l’idée selon laquelle les Anglo-Saxons avaient pour mission divine d’étendre leur modèle de civilisation à la surface entière du globe, en suivant la course du soleil, se répandit – le but étant de revenir en Inde, berceau mythique de cette civilisation, et de contribuer au progrès de l’humanité. Les traces de l’anglo-saxonisme se retrouvent dans les écrits de Jefferson, lorsqu’il écrit que la future « confédération doit être considérée comme le nid à partir duquel toute l’Amérique doit être peuplée »10. La dimension raciale de cette théorie ne doit pas être occultée, mais on retrouve une filiation avec les rêves des premiers explorateurs espagnols, qui se présentaient aux Amérindiens comme les « fils du soleil », preuve du syncrétisme qui s’était élaboré sur le continent américain. Mais la conquête du continent n’était pas considérée comme un but, mais une simple étape qui devrait mener la civilisation anglo-saxonne vers les fabuleuses richesses de l’Asie.
8Cela mène à l’examen d’un autre mouvement intellectuel, celui des Lumières, qui, à cette période, partageait de nombreuses caractéristiques avec l’anglo-saxonisme. Ce jugement peut sembler paradoxal, mais des notions telles que le progrès et l’émergence d’un meilleur mode de gouvernement étaient au cœur des préoccupations de chaque théorie. Si l’on se penche davantage sur les Lumières, les écrits de Jefferson, encore une fois, reflètent cette influence. Il prêcha une « croisade contre l’ignorance » dans une de ses lettres et, au fil des années, le commerce lui apparut comme un moyen privilégié de développer des relations avec les autres nations – plus particulièrement avec le continent asiatique – et de s’affranchir de l’influence européenne. Une lettre adressée à George Washington, datée de mars 1784, est révélatrice de l’importance nouvelle que le commerce avait acquise à ses yeux :
- 11 Thomas Jefferson, lettre du 15 mars 1784, adressée à George Washington, in op. cit., pp. 787-88: “A (...)
Le monde entier s’adonne au commerce. S’il était commode de garder notre nouvel empire séparé d’eux [les Britanniques], nous pourrions nous laisser aller à spéculer si, oui ou non, le commerce contribue au bonheur de l’humanité. Mais nous ne pouvons nous séparer d’eux (...) et nous devons, donc, pour notre propre défense, nous efforcer de partager une portion aussi grande que possible de cette source moderne de richesse et de pouvoir. (...) Mais, malheureusement, la navigation sur l’Hudson est déjà ouverte et connue dans la pratique ; notre propre voie est encore à ouvrir. C’est alors que le commerce avec l’Ouest commencera à se mettre en marche et à prendre sa direction. Il nous appartiendra alors d’ouvrir nos portes à celui-ci11.
9Le développement du commerce était prôné par les intellectuels des Lumières, mais, sur le continent américain, cette idée fut associée à la découverte du Passage du Nord-Ouest et à l’espoir d’un développement de la civilisation. Sur ce point, la tension entre continuité et discontinuité apparaît dans toute sa clarté : l’étendue du continent américain permettrait de fonder un nouveau modèle de société, mais les idées qui servaient de fondement à ces théories n’en étaient pas moins venues d’Europe. Cependant, le mouvement des Lumières engendra aussi un regain d’intérêt pour les sciences, qui se manifesta tout d’abord par le besoin de classification. Là encore, l’exemple de Jefferson est fort révélateur, puisqu’il fut influencé par le système du naturaliste suédois Carl von Linné et reproduisit, dans ses Notes sur l’État de Virginie, publiées en 1784, mais rédigées quelque temps auparavant, plusieurs tableaux visant à une meilleure connaissance du territoire – par exemple, des nations amérindiennes qui le peuplaient. Jefferson désirait aussi effectuer un relevé de toutes les espèces animales et végétales qui peuplaient l’ensemble du continent – dans le but d’infirmer les théories de Buffon, selon lequel les espèces du continent américain étaient marquées par la dégénérescence – et ce besoin de connaissance serait le prélude à une conquête ultérieure.
10Dans le domaine des sciences, cependant, la cartographie apporte les informations les plus précieuses sur la représentation du territoire et les cartes dressées à la fin du XVIIIe siècle sont caractérisées par une hésitation entre géographie réelle et géographie imaginaire. La carte dressée par l’explorateur Alexander MacKenzie en 1801, plusieurs années après ses deux voyages d’exploration, en fournit l’exemple frappant : si les côtes sont décrites et nommées avec une grande précision, l’intérieur des terres, encore inconnu, est laissé en blanc. Seule figure sa conception, non fondée, du mythique Passage du Nord-Ouest, qui prend la forme d’un fleuve entouré par un haut plateau. Mais, désormais, ce n’était plus la Providence qui dictait l’existence de ce fleuve, mais la Raison. En effet, les avancées dans la cartographie avaient permis la découverte d’une ligne de partage des eaux (Continental Divide), mais les scientifiques en avaient immédiatement déduit l’idée d’une symétrie du continent. Découvrir la « Grande Rivière de l’Ouest » équivaudrait donc à franchir le Blue Ridge des Appalaches et l’on tentait de donner des fondements logiques – élément nouveau – à des théories qui se perpétuaient depuis des siècles et qui, avec le recul, semblent chimériques.
- 12 Élise Marienstras, Les Mythes fondateurs de la nation américaine, Paris, François Maspero, « Textes (...)
11John Adams a écrit : « le pouvoir succède toujours à la propriété » (power always follows property). Si cette phrase pouvait s’appliquer à la conquête du territoire, le sentiment d’appartenance au territoire américain acquit une autre dimension lorsque les colonies accédèrent à l’indépendance. Cet événement fut crucial dans l’histoire des idées, dans le sens où il sembla donner une légitimité aux théories précédemment explicitées, particulièrement à la notion de rupture. Dans cette perspective, une dimension biblique pouvait même être conférée à l’indépendance, comme l’a souligné Élise Marienstras en établissant un parallèle avec l’Exode : « Il s’agit d’une histoire qui se situe dans un temps très long de l’accomplissement de la volonté divine. Il a fallu que les Hébreux franchissent la Mer Rouge pour sortir de l’histoire de l’Égypte ; après la traversée du désert, la nation juive recommence l’histoire selon le plan divin »12. Le besoin de connaissance du territoire, puis sa conquête à long terme – par la nation américaine, cette fois-ci – restaient donc d’essence divine : les États-Unis, nouvellement indépendants, avaient repris les idées précédentes à leur compte et les écrivains de l’époque mirent l’accent sur le besoin de peupler l’ensemble du continent et sur les immenses possibilités recelées par celui-ci, l’anglo-saxonisme restant sous-jacent.
- 13 Ezra Stiles, “The United States Elevated to Glory and Honor”, 1783, in Thomas G. Paterson et Dennis (...)
Notre population a atteint un tel point qu’elle nous donne des raisons de nous attendre à ce que ce peuple devienne grand. (...) Déjà, nous avons colonisé les bords de la rivière Ohio et atteint Koskaseah, sur le Mississippi. Un accroissement accéléré accompagnera la propagation de notre nation sur l’ensemble du territoire et elle s’étendra vers l’Ouest pendant des siècles13.
- 14 Jean de Crèvecœur, “What is an American?”, in Letters from an American Farmer, New York, Dover Publ (...)
Il faudra attendre plusieurs siècles, avant que les limites encore inconnues de l’Amérique du Nord soient entièrement peuplées. Qui peut dire jusqu’où elle s’étend ? Qui peut dire combien de millions d’hommes elle nourrira et accueillera ? Car aucun Européen n’a encore parcouru la moitié de l’étendue de cet immense continent ! (...) Les Américains sont les pèlerins venus de l’Occident, qui transportent avec eux autant d’art, de science, d’énergie et d’ardeur, nés il y a si longtemps dans l’Est. Ils feront ainsi le tour de la terre14.
- 15 Philip Freneau, “On the Civilization of the Western Aboriginal Country”, in John Hollander (dir.), (...)
12Dans la poésie, l’enthousiasme prévalait et de nombreux textes de l’époque exaltaient les régions inexplorées, source de régénérescence pour la jeune nation, ainsi que les nations amérindiennes, qui avaient conservé une pureté originelle. Philip Freneau constitue le meilleur exemple de ce courant, comme le montre un extrait de On the Civilization of the Western Aboriginal Country : « La Nature, elle-même, prend un nouveau visage. (...) / Où que l’on cherche, dans toute nation, tribu ou clan, / Il n’y a pas de meilleur homme que l’enfant de la Nature »15. Cependant, d’autres poètes tels que Timothy Dwight restaient manifestement influencés par l’anglo-saxonisme :
- 16 Timothy Dwight, “America: or, a Poem on the Settlement of the British colonies”, New Haven, Thomas (...)
Salut à toi, terre de joie et de lumière ! Ton pouvoir atteindra Les mers dont les flots entourent tes régions.
À travers les vastes royaumes de la terre se propagera ta gloire,
Et les nations sauvages se prosterneront sous ton sceptre.
Les voiles de tes fils longeront les rivages gelés
Ou s’étendront jusqu’aux tempêtes de l’Asie16.
13L’indépendance était donc un moment-charnière et la question de l’extension se déplaça sur le terrain politique : au sein de la Jeune République, différentes voix s’opposaient quant à une éventuelle conquête des territoires situés à l’ouest du Mississippi. Les Fédéralistes souhaitaient que ces régions inexplorées demeurent une « zone tampon » entre les États-Unis et les puissances européennes. Mais, surtout, l’incorporation de nouveaux États affaiblirait l’État fédéral – en vertu des théories de philosophes tels que Montesquieu, selon lesquels une démocratie ne pouvait être mise en œuvre que sur un territoire restreint et bien délimité. Dans les Federalist Papers, Madison insista sur la notion de « république » plutôt que de démocratie, mais n’en souleva pas moins les dangers d’une extension anarchique et d’une incorporation hâtive de nouveaux États dans l’Union :
- 17 James Madison, alias Publius, The Federalist Papers, numéro 38, Londres, Penguin Books, 1987, p. 25 (...)
Nous pouvons donc estimer qu’un pays riche et fertile, d’une superficie égale à l’espace habité des États-Unis, aura tôt fait de devenir une réserve pour la nation. (...) Le Congrès a entrepris de faire davantage : il a procédé à la formation de nouveaux États. (...) Tout cela a été achevé – et effectué sans la moindre touche d’autorité constitutionnelle. Cependant, aucune critique n’a été murmurée, aucun cri d’alarme n’a été poussé. Une grande et indépendante source de revenus tombe dans les mains d’un seul et unique groupe d’hommes17.
14Au contraire, Jefferson restait en faveur d’une colonisation à long terme et le mythe du Passage du Nord-Ouest trouvait toujours grâce à ses yeux. Cette découverte était d’une importance géostratégique capitale et constituait, dans l’autre sens de rotation de la terre, l’équivalent d’un nœud gordien : le pays qui le découvrirait se rendrait maître de l’Asie. On retrouve l’hésitation entre l’intérêt pour le continent américain à proprement parler – d’où le besoin de l’explorer – et l’espoir de trouver une voie d’accès directe vers le continent asiatique – auquel cas l’extension des États-Unis ne serait qu’une étape de transition. La pensée de Jefferson reflète le mieux le syncrétisme entre les différentes idées précédemment énoncées. Dans ses écrits les plus enthousiastes, il en appelle même à une assimilation des nations amérindiennes suivant le modèle agrarien, décrivant cette condition comme indispensable à la pérennité de la nation américaine et à son extension future sur l’ensemble du territoire.
15Au milieu de cet entrelacs, le messianisme semble constituer la pierre de touche qui a servi à la naissance de théories diverses, mais non contradictoires – qu’il s’agisse d’une manifestation de la Providence, d’une mission d’essence divine ou d’un besoin de connaissance d’un territoire que l’on pensait ordonné de manière logique. Les idées importées d’Europe, pour ainsi dire, furent sensiblement modifiées au fur et à mesure de leur développement dans les milieux intellectuels américains et le caractère particulier du territoire semble avoir été un facteur déterminant dans ce processus. Mais, malgré des avancées scientifiques qui auraient pu les remettre en question, chaque théorie tentait – j’emploie la personnification sciemment – de tirer parti du mystère qui restait attaché à ces territoires inexplorés et d’y projeter les espoirs les plus audacieux. Le lancement de l’expédition Lewis et Clark par Jefferson, en 1803, se situait dans la continuité de ce besoin de connaissance du territoire et, comme le montre l’extrait suivant des instructions de Jefferson à Lewis, l’influence de la classification restait prépondérante :
- 18 Thomas Jefferson, instructions officielles au capitaine Meriwether Lewis, datées du 20 juin 1803, i (...)
D’autres éléments qui retiendront votre attention seront :
- le sol et l’apparence de ce territoire, les végétaux qui y poussent, en particulier, ceux que l’on ne trouve pas sur le territoire des États-Unis ;
- de manière générale, les animaux de ce territoire et, en particulier ceux que l’on ne trouve pas aux États-Unis ; les restes et les traces de n’importe quelle espèce que l’on pourrait qualifier de rare ou d’éteinte ;
- les productions minérales de toutes sortes ; mais, plus particulièrement, les métaux, le calcaire, le charbon et le salpêtre ; les eaux salines et minérales, en notant la température de ces dernières, et telles circonstances qui pourraient indiquer leur caractère18.
- 19 Entrée du 7 novembre 1805, rédigée par William Clark, in Bernard DeVoto (dir.), The Journals of Lew (...)
16Chargés de découvrir la véritable nature des territoires « à l’horizon » – ou, plutôt, de valider les idées dominantes de l’époque –, les deux capitaines avaient également pour but d’atteindre le Pacifique, comme le montre leur grande joie à la vue de l’océan : « Une grande joie dans le camp. Nous sommes en vue de l’Océan, cet immense Océan Pacifique que nous étions tellement impatients de voir »19. Cependant, à leur retour, en 1806, leurs apports scientifiques remirent en question les conceptions antérieures : le Passage du Nord-Ouest n’existait pas, pas plus que la symétrie du continent, et leur chemin jusqu’au Pacifique s’était révélé très ardu, voire chaotique. La Bibliothèque du Congrès a récemment consacré une exposition aux cartes élaborées après le retour de Lewis et Clark, Lewis and Clark and the Revealing of America, preuve que leur importance dans ce domaine est désormais reconnue. En effet, la perspective de rejoindre l’Asie devenait beaucoup plus lointaine et il est même possible d’affirmer que cette brusque révélation de la véritable nature des territoires donna naissance à un certain isolationnisme, dans le sens où l’accent ne fut mis, au cours des décennies suivantes, que sur le continent américain – et non sur ce qui se trouvait au-delà –, la conquête de celui-ci devenant une véritable fin. L’importance des décisions politiques joua aussi davantage dans la possible utilisation des régions encore inexplorées, où l’on pensait implanter des colonies d’esclaves émancipés – ou, bien entendu, déplacer les nations amérindiennes expropriées. Dans la poésie, cette conception différente des territoires de l’Ouest se reflète avec une acuité particulière et le rêve d’une expansion vers l’Asie s’estompa, comme le montre un poème plus tardif de Freneau, selon lequel le plus grand accomplissement de la nation américaine résiderait désormais dans la colonisation du continent de l’Atlantique au Pacifique, sans se projeter au-delà :
- 20 Philip Freneau, “On the Great Western Canal of the State of New York”, in op. cit., p. 4:
Une nouvelle république à l’ouest
(Merveilleux exemple pour le reste du monde)
Peut unir les mers, et montrera ici
Ce que peuvent accomplir les courageux fils de la Liberté20.
17En 1847, Henry Wadsworth Longfellow décrivit ainsi les territoires de l’Ouest dans Evangeline :
- 21 Henry Wadsworth Longfellow, Evangeline, Partie Deux, IV, vers 1-4, in John Hollander, op. cit., p. (...)
Dans l’Ouest lointain, s’étendent des terres désertes, où les montagnes
Dressent leurs hauts sommets éclatants de lumière, couverts de neiges éternelles.
(...) la gorge, telle une porte ouverte,
Livre un difficile passage aux roues du chariot de l’émigrant21.
18Les Rocheuses semblent ainsi constituer un obstacle presque infranchissable et même Walt Whitman, dans Feuilles d’herbe (Leaves of Grass), parle du Passage du Nord-Ouest comme d’une « fable primitive » et l’oppose aux découvertes scientifiques :
- 22 Walt Whitman, “Passage to India”, vers 16-21, in Leaves of Grass, in Walt Whitman: The Complete Poe (...)
Passagère vers l’Inde, ô, mon âme !
Éclaircis-nous les mythes de l’Orient, les fables primitives.
Ne nous contentons pas des orgueilleuses vérités du monde,
Ne nous contentons pas des vérités de la science moderne,
N’oublions pas les mythes, les fables d’antan, d’Asie, d’Afrique,
Le puissant rayon spirituel, la liberté du rêve22.
19Si la Providence incitait toujours les hommes à étendre leur civilisation vers l’Ouest, il est possible d’affirmer que l’horizon s’était considérablement « rétréci » et diminua encore jusqu’à la fermeture officielle de la Frontière, en 1890.
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Bibliographie
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Supports en ligne
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<http://0-gallica-bnf-fr.catalogue.libraries.london.ac.uk/ark:/12148/btv1b6700191j> [consulté le 26 septembre 2014]
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<http://www.loc.gov/exhibits/lewisandclark/lewisandclark.html> [consulté le 26 septembre 2014]
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Notes
Cette phrase, Westward the course of Empire takes its way, est tirée du dernier quatrain du poème “Verses on the prospect of planting Arts and Learning in America”, composé en 1713 - in David S. Shields (dir.), American Poetry: The Seventeenth and Eighteenth Centuries, New York, The Library of America, 2007, p. 346:
“Westward the course of Empire takes its way ;
The four first acts already past
A fifth shall close the drama with the day:
Time’s noblest offspring is the last”.
John Milton, Paradise Lost, Livre Douzième, vers 646-49, New York-Londres, W. W. Norton & Company, 2005, p. 303 :
“The world was all before them, where to choose
Their place of rest, and Providence their guide.
They hand in hand with wand’ring steps and slow
Through Eden took their solitary way”.
<http://0-gallica-bnf-fr.catalogue.libraries.london.ac.uk/ark:/12148/btv1b6700191j>
“Jolliet’s Report to the Missions”, in Reuben Gold Thwaites (dir.), The Jesuit Relations and Allied Documents, Cleveland, Burrows Bros. Co., 1900 [1896], LVIII, p. 105: “No better soil can be found either for corn, for vines, or for any other fruit whatever”.
Jean-Bernard Bossu, Travels through that Part of North America Formerly Called Louisiana, Londres, 1771, p. 61: “The soil is so fertile that, almost without cultivation, it produces European wheat and all kinds of fruits and vegetables which are unknown in France”.
Henry Nash Smith, Virgin Land: The American West as Symbol and Myth, Cambridge (Massachusetts) et Londres (Grande-Bretagne), Harvard University Press, 1978 [1950], p. 128: “The perception that the West promised an indefinite expansion of a simple agricultural society became the most certain guarantee that the United States would for a long age maintain its republican institutions”.
Thomas Jefferson, lettre du 23 août 1785, adressée à John Jay, in Thomas Jefferson: Writings, New York, The Library of America, 1984, p. 818: “Cultivators of the earth are the most valuable citizens”.
Thomas Jefferson, lettre du 28 octobre 1785, adressée à James Madison, in op. cit., p. 842: “The small landholders are the most precious part of a state”.
Benjamin Franklin, Autobiography, Partie Trois, New York-Londres, W. W. Norton & Company, 1986, p. 102: “And indeed if it be the Desire of Providence to extirpate these Savages in order to make room for Cultivators of the Earth, it seems not improbable that Rum may be the appointed Means”.
Thomas Jefferson, lettre du 25 janvier 1786, adressée à Archibald Stuart, in op. cit., p. 844: “Our confederacy must be viewed as the nest from which all America, North & South is to be peopled”.
Thomas Jefferson, lettre du 15 mars 1784, adressée à George Washington, in op. cit., pp. 787-88: “All the world is becoming commercial. […] We must then in our defence endeavour to share as large a portion as we can of this modern source of wealth & power. […] But unfortunately the channel by the Hudson is already open & known in practice ; ours is still to be opened. This is the moment in which the trade of the West will begin to get into motion and to take it’s [sic] direction. It behoves us then to open our doors to it”.
Élise Marienstras, Les Mythes fondateurs de la nation américaine, Paris, François Maspero, « Textes à l’appui », 1976, p. 76.
Ezra Stiles, “The United States Elevated to Glory and Honor”, 1783, in Thomas G. Paterson et Dennis Merrill (dir.), Major Problems in American Foreign Relations, volume 1, Lexington (Massachusetts) et Toronto (Ontario), D.C. Heath and Company, 1995 [1978], p. 9: “Our degree of population is such as to give us reason to expect that this will become a great people. […] Already has our colonization extended down the Ohio and to Koskaseah on the Mississippi. […] An accelerated multiplication will attend our general propagation and overspread the whole territory westward for ages”.
Jean de Crèvecœur, “What is an American?”, in Letters from an American Farmer, New York, Dover Publications, Inc., 2005, p. 148: “Many ages will not see the unknown bounds of North America entirely peopled. Who can tell how far it extends ? Who can tell the millions of men whom it will feed and contain ? For no European foot has as yet travelled half the extent of this mighty continent ! […] Americans are the western pilgrims who are carrying along with them that great mass of arts, sciences, vigor, and industry, which began long since in the east ; they will finish the great circle”.
Philip Freneau, “On the Civilization of the Western Aboriginal Country”, in John Hollander (dir.), American Poetry: The Nineteenth Century, volume 1, New York, The Library of America, 1993, pp. 1-3:
“Nature herself, assumes a difference face. […]
Take all, through all, through nation, tribe, or clan,
The child of Nature is the better man”.
Timothy Dwight, “America: or, a Poem on the Settlement of the British colonies”, New Haven, Thomas and Samuel Green, 1780:
“Hail Land of light and joy ! Thy power shall grow
Far as the seas, which round thy regions flow ;
Through earth’s wide realms thy glory shall extend,
And savage nations at thy scepter bend.
Around the frozen shores thy sons shall sail
Or stretch their canvas to the Asian gale”.
James Madison, alias Publius, The Federalist Papers, numéro 38, Londres, Penguin Books, 1987, p. 253: “We may calculate, therefore, that a rich and fertile country of an area equal to the inhabited extent of the United States will soon become a national stock. […] Congress have undertaken to do more : they have proceeded to form new States. […] All this has been done ; and done without the least color of constitutional authority. Yet no blame has been whispered ; no alarm has been sounded. A great and independent fund of revenue is passing into the hands of a single body of men”.
Thomas Jefferson, instructions officielles au capitaine Meriwether Lewis, datées du 20 juin 1803, in op. cit., p. 1128 :
“Other object worthy of notice will be
the soil & face of the country, it’s growth & vegetable productions ; especially those not of the U. S.
the animals of the country generally, & especially those not known in the U. S.
the remains and accounts of any which may be deemed rare or extinct ;
the mineral productions of every kind ; but more particularly metals, limestone, pit coal & saltpetre ; salines & mineral waters, noting the temperature of the last, & such circumstances as may indicate their character”.
Entrée du 7 novembre 1805, rédigée par William Clark, in Bernard DeVoto (dir.), The Journals of Lewis and Clark, New York, Mariner Books, The Houghton Mifflin Company, 1997 [1953], p. 279: “Great joy in camp we are in view of the Ocean, this great Pacific Ocean which we been so long anxious to See”.
Philip Freneau, “On the Great Western Canal of the State of New York”, in op. cit., p. 4:
“A new Republic in the West
(A great example to the rest)
Can seas unite, and here will shew
What Freedom’s nervous sons can do”.
Henry Wadsworth Longfellow, Evangeline, Partie Deux, IV, vers 1-4, in John Hollander, op. cit., p. 395:
“Far in the West there lies a desert land, where the mountains
Lift, through perpetual snows, their lofty and luminous summits.
[…] the gorge, like a gateway,
Opens a passage rude to the wheels of the emigrant’s wagon”.
Walt Whitman, “Passage to India”, vers 16-21, in Leaves of Grass, in Walt Whitman: The Complete Poems, Londres, Penguin Books, 2004 [1975], p. 428:
“Passage O soul to India !
Eclaircise the myths Asiatic, the primitive fables.
Not you alone proud truths of the world,
Nor you alone ye facts of modern science,
But myths and fables of eld, Asia’s, Africa’s fables,
The far-darting beams of the spirit, the unloos’d dreams”.
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