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« L’étrange voyage ! » : la traduction d’Arsène Lupin par Zhou Shoujuan au début de la République de Chine à Shanghaï1

“The strange journey!”: the translation of Arsène Lupine by Zhou Shoujuan at the beginning of the Republic of China in Shanghai
Chen Shuo-Win
p. 179-204

Résumés

Parmi les nombreux types de romans traduits à la fin de la dynastie des Qing, le genre policier est celui qui rencontre le plus de succès populaire, en particulier Sherlock Holmes, de Sir Arthur Conan Doyle. Les multiples traductions de ses aventures ont inspiré le genre détective en Chine, et donné lieu à de nombreux travaux universitaires. Par comparaison, Arsène Lupin, le « gentleman-cambrioleur » du romancier français Maurice Leblanc, attire bien moins l’attention. Zhou Shoujuan, maître de la littérature populaire chinoise moderne, célèbre éditeur et traducteur, commence à traduire et à introduire Arsène Lupin en 1914. Ses stratégies de traduction, qui consistent à adapter et à modifier le texte original et les caractères des personnages pour le public chinois, transforment Arsène Lupin en « homme juste », faisant preuve de « sagesse et de courage », en s’inspirant des romans de cape et d’épée. Il crée ainsi pour ses lecteurs un univers fictionnel unique. Cet article explore la transformation d’Arsène Lupin de cambrioleur en héros populaire, effectuée par Zhou Shuojuan. Il examine l’imaginaire culturel de Zhou Shuojuan à travers son œuvre de traduction, et met en évidence sa valeur de dialogue entre traditions littéraires et valeurs culturelles chinoises et occidentales. L’étrange voyage d’Arsène Lupin dans la Chine moderne mérite d’être analysé dans une perspective plus globale à travers une comparaison détaillée des traductions chinoise, française et anglaise, ce qui est également l’objet de cet article.

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Texte intégral

Introduction

  • 1 Il s’agit de la version française d’un article d’abord publié en chinois : Chen Shuo-Win, « “Zhe qi (...)

1« L’étrange voyage ! ». C’est ce que murmure Arsène Lupin traversant l’Atlantique à bord du paquebot Provence, au milieu d’une vaste étendue de mer et de ciel bleu. Il s’agit là de la première histoire de la série créée par Maurice Leblanc (1864-1941), L’Arrestation d’Arsène Lupin. Dans les décennies qui ont suivi, Leblanc a créé quatre pièces de théâtre, quatre romans et des dizaines de nouvelles autour de ce personnage fascinant, œuvres qui sont saluées dans le monde entier.

  • 2 A Ying souligne : « On peut dire qu’à cette époque il n’y avait pas de traducteurs qui ne travaille (...)
  • 3 À la fin des Qing, les traducteurs considéraient les romans policiers abordant la science et la loi (...)
  • 4 Chen Pingyuan, Zhongguo xiaoshuo xushi moshi de zhuanbian, op. cit., p. 42.
  • 5 Voir Teruo Tarumoto, Xinbian zengbu qingmo minchu xiaoshuo mulu [Nouveau Catalogue supplémentaire d (...)

2À l’instar de l’excentrique pirate qui sillonne le monde à bord d’un navire colossal, les nouvelles d’Arsène Lupin ont traversé l’océan jusqu’en Asie de l’Est et en Chine au début du XXe siècle. Introduits en Chine à la fin des Qing et au début de la République, les romans policiers occidentaux ont été très bien accueillis par les lecteurs chinois2. De nombreux chercheurs ont attribué l’enthousiasme des lecteurs chinois pour les romans policiers occidentaux à leur admiration pour l’esprit scientifique et déductif des Occidentaux3, ainsi qu’à la surprise suscitée par le nouveau mode narratif du genre policier4, au sein duquel les aventures de Sherlock Holmes étaient les plus appréciées5.

3Quelle est l’histoire de la traduction d’Arsène Lupin en Chine au début du XXe siècle ? Comment a-t-il été interprété et reçu ? Comment cette traduction a-t-elle répondu au contexte historique et littéraire de l’époque ? En guise d’exploration préliminaire, cet article examinera la traduction d’Arsène Lupin par Zhou Shoujuan (1895-1968), traducteur de la plupart des romans de Leblanc au début de la République de Chine, envisageant ainsi la signification de l’interprétation interculturelle d’Arsène Lupin dans la Chine moderne.

I. La traduction chinoise des nouvelles d’Arsène Lupin

4Par rapport à la publication de l’œuvre originale, le « voyage » d’Arsène Lupin en Chine n’a guère subi de retard. On pourrait même considérer qu’il arrivait à point nommé.

  • 6 Maurice Leblanc, « Fuermosi zhi jindi » [« Le Farouche Adversaire de Sherlock Holmes (Herlock Sholm (...)
  • 7 De nombreuses œuvres d’Arsène Lupin qui paraissent à Taïwan dans les années 1970 sont en effet des (...)
  • 8 Voir la traduction des nouvelles d’Arsène Lupin publiée en 1947 par la maison d’édition Chunmin à S (...)

5La première traduction en Chine est Herlock Sholmès arrive trop tard, qui paraît en 1912 dans Xiaoshou shibao [Temps de la fiction]6. Après quoi d’autres traductions d’Arsène Lupin ont été publiées. En 1925, la Librairie Dadong sort Yasen Luoping an quanji [Œuvres intégrales d’Arsène Lupin], éditées par Zhou Shoujuan, qui contiennent dix nouvelles et dix-huit récits. Dans les années 1940, la Librairie Qiming fait paraître les œuvres intégrales d’Arsène Lupin en six volumes, qui comprennent des nouvelles et des récits7. En outre, la Librairie Chunming procure plusieurs nouvelles très connues d’Arsène Lupin, traduites par Wu Hesheng8. En tout, des dizaines d’œuvres d’Arsène Lupin ont été traduites en chinois avant 1949, la plupart des œuvres importantes ayant déjà été traduites.

  • 9 Selon l’éditeur de Yasen Luoping an quanji publié par la Librairie Dadong, quand les traducteurs ne (...)
  • 10 The North China Daily News, 17 janvier 1910.
  • 11 Évoquant la diffusion de nouvelles connaissances et la transformation de la façon de penser à la fi (...)

6Au début, à l’instar de Zhou Shoujuan, les traducteurs ne se fondaient pas sur les œuvres originales françaises, mais principalement sur des traductions japonaises et anglaises9. Ce phénomène manifeste pleinement l’immédiateté et l’étendue du flux transnational de la culture populaire mondiale au début du XXe siècle. Comme en France, en Chine, les nouvelles d’Arsène Lupin ont d’abord été publiées en série, dans Shibao [Le Temps] et Zhonghua xiaoshuojie [Le Monde du roman chinois], puis en volumes individuels et en collections complètes. La circulation des traductions chinoises des nouvelles d’Arsène Lupin reflète l’expansion de la littérature urbaine et du marché de la presse à Shanghaï à la fin des Qing et au début de la République de Chine. Avant la première traduction parue en 1910, un club de théâtre de la concession de Shanghaï avait déjà présenté Arsène Lupin sur scène au théâtre Lyceum10. La circulation mondiale de la littérature populaire ne se limitait donc pas à la diffusion de livres écrits, le théâtre et le cinéma jouaient également un rôle important, illustrant le rôle de la concession de Shanghaï comme « zone de contact culturel »11.

  • 12 Voir Maurice Leblanc, « Fuermosi zhi jindi », trad. Yang Xinyi, Xiaoshuo shibao, n° 15, 1912, pp. 1 (...)
  • 13 Par rapport au texte original ou à la traduction anglaise, les traductions en chinois du début de l (...)
  • 14 En 1917, Cheng Xiaoqing contestait que les détectives des romans d’Arsène Lupin soient dénués de se (...)
  • 15 Maurice Leblanc, « Quqie zhiwang », trad. Zhou Shoujuan, Shibao, 17 avril 1914.
  • 16 Toutes ces remarques, absentes en français et en anglais, ont été ajoutées par les traducteurs chin (...)
  • 17 Zhou Shoujuan, « Zhou xu » [« Préface rédigée par Zhou Shoujuan »], in Zhou Shoujuan (ed.), Yasen L (...)
  • 18 Maurice Leblanc, « Yihua jiemu » [« Dessiner des fleurs sur des branches d’arbre (Arsène Lupin) »], (...)
  • 19 Ce point a été souligné par certains chercheurs. Voir Shi Juan, « Cong “juzei”, “xiadao” dao “yixia (...)
  • 20 Dès les traductions de Li Changjue et de Wu Juemi, Lupin est décrit comme « séducteur ». Les traduc (...)

7Dans les premières œuvres traduites en chinois, Arsène Lupin était présenté comme un adversaire de Sherlock Holmes dans sa lutte pour la sagesse12. Les traducteurs chinois soulignent à plusieurs reprises le statut de « rebelle » d’Arsène Lupin13 et prennent parti pour Sherlock Holmes14. En 1914 cependant, la traduction d’Arsène Lupin, gentleman cambrioleur de Zhou Shoujuan le présente comme un chevalier traditionnel chinois (xia)15. En 1918, les traductions de Li Changjue et de Wu Juemi (1890-1934) en font également « un chevalier au grand cœur »16. En 1925, lors de la publication des œuvres intégrales d’Arsène Lupin, Zhou Shoujuan les considère non seulement comme un roman policier, mais aussi comme un roman de cape et d’épée (wuxia xiaoshuo), soulignant l’esprit « chevaleresque » de l’auteur français17. Yao Ding’an, traducteur des œuvres complètes de Lupin publiées en 1942 à la Librairie Qiming de Shanghaï, a également qualifié à plusieurs reprises Lupin de « chevaleresque »18. De 1910 à 1940, les traducteurs chinois ont interprété Arsène Lupin comme à la fois positif et négatif, utilisant invariablement l’image littéraire traditionnelle du « chevalier errant » pour caractériser son personnage19. Contrairement à Sherlock Holmes, qui paraissait peu romantique, Arsène Lupin a été revêtu d’une image de « séducteur » et de « charmeur »20.

  • 21 D’après le traducteur Zhou Kexi, « les romans d’Arsène Lupin ont été le plus largement promus par Z (...)

8Des nombreux traducteurs d’Arsène Lupin durant la République de Chine, Zhou Shoujuan est le plus important21. À partir de 1914, il a traduit entre vingt et trente nouvelles d’Arsène Lupin, dirigeant aussi la traduction des Œuvres intégrales d’Arsène Lupin, publiées en 1925 à la Librairie Dadong et plusieurs fois réimprimées. Dans le développement suivant, nous nous attacherons aux caractéristiques et à la signification de la traduction de Zhou Shoujuan.

II. Stratégies et caractéristiques de la traduction de Zhou Shoujuan

  • 22 Pour une étude biographique sur Zhou Shoujuan, voir Wei Shaochang et Wu Chenghui (dir.), Yuanyang h (...)
  • 23 Guo Yanli, Zhongguo jindai fanyi wenxue gailun [Introduction de la traduction littéraire dans la Ch (...)
  • 24 Chen Jianhua, A Myth of Violet: Zhou Shoujuan and the Literary Culture of Shanghaï, 1911-1927 [Un m (...)
  • 25 Pan Shaoyu, « Aiqing ru si zhi jianqiang : shilun Zhou Shoujuan zaoqi fanyi aiqing xiaoshuo de meig (...)

9Zhou Shoujuan, dont certains des noms de plume sont Qihong (Larmes rouges) et Ziluolan’an zhuren (Maître du Cabinet à violettes), est né dans le Jiangsu. Il a commencé à écrire au lycée, puis a travaillé à la Librairie Zhonghua. À partir des années 1920, il a participé à la rédaction de plusieurs journaux et revues importants de littérature chinoise moderne. À la fois éditeur de journaux et traducteur de littérature étrangère, il a généralement inscrit son activité dans la veine de la littérature populaire (tongsu wenxue), ce pourquoi son travail a été dévalorisé. Ces dernières années, cependant, nombre de chercheurs ont réaffirmé la contribution apportée par Zhou Shoujuan à la littérature et à la communication culturelle sino-occidentale22, soulignant que les traductions de Zhou, à la fois élégantes et accessibles23, accompagnées de notes de bas de page, sont souvent adaptées au contexte chinois. Ces traductions ont posé les bases de l’acceptation des œuvres étrangères par les lecteurs chinois24. Par leur diversité, elles ont eu un impact considérable sur la compréhension de la littérature ou de la culture occidentale par les lecteurs chinois25 et, même, sur la transformation du mode de narration littéraire chinois.

  • 26 En 1925, Zhou a collaboré avec la Librairie Dadong pour publier une version en chinois moderne de F (...)

10Grand lecteur et traducteur de romans policiers, Zhou Shoujuan a participé à la traduction en chinois classique des Fuermosi zhentan an quanji [Œuvres intégrales de Sherlock Holmes], publiée en 1916 par la Librairie Zhonghua, qu’il traduira plus tard en chinois moderne26. C’est à la même époque qu’il entame la traduction des romans d’Arsène Lupin.

  • 27 Maurice Leblanc, « Yasen Luoping zhi qi » [« L’Épouse d’Arsène Lupin (Le Mariage d’Arsène Lupin) »] (...)
  • 28 Zhou Shoujuan, « Wo fanyi xifang mingjia xiaoshuo de huiyi » [« Souvenirs de ma traduction des nouv (...)

11Zhou Shoujuan est moins intéressé par les romans longs que par les nouvelles. À l’exception de quelques œuvres traduites au début de sa carrière littéraire27, Zhou Shoujuan traduit la plupart des nouvelles d’Arsène Lupin en chinois moderne. Cela correspond aux différents styles de traduction de Zhou dans les première et deuxième périodes de sa carrière (principalement en chinois classique pour la première, davantage en chinois moderne avec une fidélité accrue au texte original pour la deuxième). Zhou Shoujuan traduit Arsène Lupin à partir de l’anglais, conformément à ses habitudes de traduction28.

12En comparant le texte français aux traductions en anglais et en chinois, nous pouvons résumer les caractéristiques et stratégies de traduction de Zhou Shoujuan comme suit.

1. Réécriture, suppression ou embellissement

13Afin d’adapter les œuvres d’Arsène Lupin au goût des lecteurs de son époque, Zhou a procédé à des révisions, des suppressions et des embellissements dans ses traductions. En voici quelques exemples.

  • 29 Leo Ou-fan Lee, « Fuermosi zai Zhongguo » [« Sherlock Holmes en Chine »], Dangdai zuojia pinglun [R (...)

14Tout d’abord, les traductions de Zhou Shoujuan ne réécrivent généralement pas la séquence narrative de l’œuvre originale, Zhou s’attachant à rendre les grandes lignes de l’intrigue. On sait en effet que les lecteurs de la fin des Qing et du début de la République de Chine étaient fascinés par le suspens des romans policiers29, ce pourquoi l’intrigue paraissait plus intéressante à Zhou Shoujuan que le respect des détails.

  • 30 De 1921 à 1923, Zhou Shoujuan a publié la traduction chinoise de cette nouvelle dans Youxi zazhi. E (...)

15L’Éclat d’obus, où l’aventure est liée à la Première Guerre mondiale, en fournit un exemple. Dans la traduction chinoise, les titres de chapitres, qui mettent l’accent sur l’intrigue propre à chaque chapitre, diffèrent de l’original et de la traduction anglaise30. Au chapitre 6, un personnage suspect se faisant passer pour une paysanne apparaît. D’où il vient, ce qu’il recherche constitue l’un des principaux mystères du roman, ce qui intrigue beaucoup les lecteurs. Dans la version originale, le chapitre s’intitule « Ce que Paul vit au château d’Ornequin ». What Paul Saw at Ornequin dans l’édition anglaise. Zhou Shoujuan, quant à lui, traduit le titre du chapitre par « Femme étrange ».

  • 31 Maurice Leblanc, Luoping da zuozhang [Lupin fait grandement la guerre (L’Éclat d’obus)], trad. Li N (...)

16Zhou Shoujuan omet parfois de longues descriptions des paysages, des dialogues, certains antécédents des personnages, etc. La version originale de L’Éclat d’obus a été publiée entre septembre et novembre 1915, à un moment critique de la Première Guerre mondiale. Situé dans un château français, le roman raconte l’histoire de Paul, un jeune officier qui quitte sa femme pour aller à l’ennemi et lutter contre une mystérieuse comtesse. Comme l’histoire se déroule en temps de guerre, beaucoup de descriptions du roman la concernent. La traduction de Zhou passe souvent outre certains aspects de l’œuvre originale, comme des scènes tragiques sur le champ de bataille, les armes utilisées et les formes que prend la guerre, pour se concentrer sur les principaux développements de l’intrigue. Leblanc décrit ainsi les réflexions de Paul sur la guerre : « Le colonel, et autour de lui les officiers qui avaient assisté à l’entretien, gardaient le silence. La situation était de celles où les fatalités de la guerre se déchaînent dans leur tragique horreur, plus fortes que les forces mêmes de la nature, et, comme elles, aveugles, injustes et implacables. Il n’y avait rien à faire »31, description psychologique que Zhou Shoujuan supprime dans sa traduction.

  • 32 Maurice Leblanc, « Qui est Arsène Lupin ? », Le Petit Var, 11 novembre 1933 ; Maurice Leblanc, « Ma (...)
  • 33 Par exemple Les Membres du parti nihiliste et Le Sang du canard mandarin. Voir Pan Shaoyu, « Xiangx (...)
  • 34 Voir Chen Jianhua, « Zhou Shuojuan zai 1919 » [« Zhou Shoujuan en 1919 »], Wenhui bao [Journal de r (...)

17Leblanc a révélé dans une interview combien la Première Guerre mondiale l’avait marqué32. Dans ses nouvelles d’Arsène Lupin, il prend la Première Guerre mondiale pour toile de fond, les personnages se désolant de la guerre. Dans les traductions de Zhou, cependant, l’accent semble avoir été mis sur l’intrigue. Les titres des chapitres sont rendus accrocheurs, tandis que les rebondissements psychologiques des protagonistes sont négligés. Cette stratégie de traduction pourrait s’expliquer par la vie du traducteur. Avant 1912-1914 où Zhou commence à traduire les nouvelles d’Arsène Lupin, il avait écrit un certain nombre d’histoires sur le parti nihiliste, faisant ainsi montre de son patriotisme33. Dans sa récente étude, Chen Jianhua souligne également que Zhou était « particulièrement patriote » et « avait le sentiment de “honte nationale” gravé sur son âme ». « Il a mentionné à plusieurs reprises que son père est mort de maladie en 1900, au moment où les forces alliées des huit nations prenaient Pékin et où les autorités des Qing fuyaient. Le père de Zhou Shoujuan est mort dans un état d’angoisse et de colère, en criant “Tuez les ennemis !” »34. Il est clair que Zhou, comme de nombreux intellectuels chinois de cette époque, a souffert de voir son pays et sa famille brisés, et qu’il était animé d’un fort sentiment patriotique. Il porte donc naturellement un regard positif sur l’engagement du protagoniste dans l’armée et sur sa volonté de tuer l’ennemi pour son pays. Il n’est pas impossible que l’effort de Zhou pour renforcer l’image du personnage comme soldat et comme homme courageux au combat vise simplement au plaisir de ses lecteurs, eux-mêmes patriotes.

  • 35 Maurice Leblanc, Les Confidences d’Arsène Lupin, Paris, Pierre Lafitte et Cie, 1913, p. 35. La trad (...)
  • 36 Maurice Leblanc, « Xiangzhong nushi » [« Une femme morte dans une boîte (Les Jeux du soleil) »], tr (...)

18Une autre partie du roman que Zhou choisit d’omettre ou de traduire lointainement concerne les méthodes d’investigation d’Arsène Lupin. Par contraste avec l’approche rationnelle de Sherlock Holmes, Arsène Lupin ne semble pas toujours sûr de ce qu’il fait lorsqu’il résout des énigmes. Dans l’œuvre originale, Leblanc souligne surtout son audace. Dans Les Jeux du soleil, lorsque Lupin parvient à trouver le code du coffre-fort et à résoudre l’affaire avec célérité, il explique : « Très simple. Et l’aventure prouve une fois de plus qu’il y a, dans la découverte des crimes, quelque chose de bien supérieur à l’examen des faits, à l’observation, déduction, raisonnement et autres balivernes, c’est, je le répète, l’intuition... l’intuition et l’intelligence... Et Arsène, sans se vanter, ne manque ni de l’une ni de l’autre »35. Mais la traduction de Zhou met en avant d’autres qualités : « J’avais raison quand j’ai dit pour la première fois que c’était une question de réflexion et d’opportunité. Et la vie d’Arsène Lupin s’appuie sur ces deux compétences ! »36. Alors que Leblanc met l’accent sur la bravoure et l’audace de Lupin, Zhou préfère souligner l’importance de la réflexion. La raison de cette modification est qu’à l’époque, dans leur lecture des romans policiers occidentaux, les lecteurs chinois s’intéressent davantage à l’esprit rationnel, souhaitant mettre en avant la rationalité.

2. Révision de l’image de personnages

19Zhou Shoujuan réécrit parfois la description psychologique dans les nouvelles d’Arsène Lupin, créant une image des personnages différente de celle de l’œuvre originale.

20Dans le texte original, Arsène Lupin est un personnage compliqué. Connu comme un « gentleman cambrioleur », il est à la fois généreux, audacieux, rusé, cynique et plein d’humour. Alors que dans la traduction de Zhou, son image est plus homogène.

  • 37 Maurice Leblanc, « Wangzhongyu zhi Yasen Luoping » [« Le Poisson dans le filet - Arsène Lupin (Arsè (...)
  • 38 Maurice Leblanc, « Yasen Luoping shibaishi [« Histoire de la défaite d’Arsène Lupin (Le Coffre-fort (...)

21Par exemple, dans Arsène Lupin en prison, Zhou souligne à plusieurs reprises que Lupin est le « plus grand bandit de France », qu’il est « brillant » et qu’il a « de grandes compétences »37, autant d’éléments absents des textes anglais et français. Dans Le Coffre-fort de Madame Imbert, Zhou puise également dans un vocabulaire excessif pour décrire Lupin comme un immense criminel incapable de faire le bien38.

  • 39 Zhuangzi jishi, waipian, quqie dishi [Zhuangzi, fragment chapitre 10, Voleurs petits et grands], éd (...)
  • 40 Sima Qian, Shiji, avec des commentaires de Kametarō Takigawa et al., Tokyo, Dongfang wenhua xueyuan (...)
  • 41 Zhou Shoujuan, « Zhou xu », in Zhou Shoujuan (ed.), Yasen Luoping an quanji, op. cit., p. 1.

22Autre exemple, dans Arsène Lupin, une pièce de théâtre adaptée en roman, Zhou appelle Lupin « roi des voleurs » en plus de « rebelle ». Le mot « quqie » (voleur) est une référence à Zhuangzi (369-286 avant notre ère), dont l’une des réflexions les plus connues veut que « Ceux qui volaient de petites choses comme des ceintures et des crochets étaient punis et tués, tandis que ceux qui volaient tout le pays devenaient des vassaux ». Elle explicite l’idée que la meilleure manière de gouverner est le non-agir39. Dans Shiji [Mémoires historiques], dont la publication est postérieure, Sima Qian (145-90 avant notre ère) cite la phrase de Zhuangzi pour illustrer l’esprit de la chevalerie40. Le choix de la référence au « roi des voleurs » reflète l’opinion de Zhou sur le défi que représente pour la société des personnages sans scrupules comme Arsène Lupin. Plus tard, en 1925, lorsque Zhou publie les œuvres intégrales d’Arsène Lupin à la Librairie Dadong, il est encore plus clair dans sa préface, qualifiant Lupin non seulement de « rebelle », mais aussi de « chevalier ». La chevalerie de Lupin, selon Zhou Shoujuan, réside dans le fait qu’il est « un voleur mais aussi un homme vertueux ». Du « roi des voleurs » au « chevalier », l’image de Lupin façonnée par Zhou Shoujuan renvoie à la réflexion du traducteur sur la société chinoise de son temps. « Dans notre pays », écrit Zhou Shoujuan, « il y a beaucoup de voleurs (qui n’hésitent pas à écraser) des gens sans force ». Il y en a même qui « tuent les gens comme la Grande Faucheuse ». Mais ces gens ne peuvent être comparés à Lupin41. L’idée de Zhou Shoujuan renvoie à celle, susmentionnée, de Zhuangzi. Le maître taoïste encadre donc la vision du traducteur chinois pour interpréter Arsène Lupin.

23L’image cynique d’un Arsène Lupin qui, dans l’œuvre originale, aime jouer des tours à la police a également été effacée dans la traduction chinoise. Dans Arsène Lupin, le sergent Guerchard souligne ainsi que Lupin n’est pas seulement un audacieux aventurier mais aussi une « personne pleine d’humour ». Ce commentaire n’a pas été traduit. Dans la traduction de Zhou Shoujuan, Lupin dit souvent : « Je suis dans le jianghu depuis dix ans ». Le terme chinois « jianghu », souvent employé dans les romans de cape et d’épée, désigne une société hors du contrôle officiel et formée par des maîtres en arts martiaux. Le rapprochement fait par Zhou Shoujuan entre ces maîtres et Lupin renforce l’image chevaleresque de ce dernier.

  • 42 Pan Shaoyu, « Aiqing ru si zhi jianqiang : shilun Zhou Shoujuan zaoqi fanyi aiqing xiaoshuo de meig (...)
  • 43 Maurice Leblanc, « Yasen Luoping zhi shibai » [« Histoire de la défaite d’Arsène Lupin (L’Arrestati (...)
  • 44 Maurice Leblanc, « Quqie zhiwang », trad. Zhou Shoujuan, Shibao, 7 février, 1914. Ce passage est ab (...)

24Dans la traduction de Zhou Shoujuan, les personnages féminins sont également représentés différemment de l’œuvre originale. Dans sa traduction, Zhou Shoujuan tend à idéaliser les personnages féminins en exagérant leur beauté42 et en supprimant ceux de leurs traits qui paraissent excentriques. Dans L’Arrestation d’Arsène Lupin, par exemple, Zhou ajoute un certain nombre d’expressions pour décrire la beauté de l’héroïne : « Sa beauté est celle d’une fée, elle est si belle qu’il m’est impossible de la décrire avec ma bouche »43. Dans Arsène Lupin, Germaine, fille d’un homme riche, paraît snob et puérile. Dans la version chinoise, elle ressort adoucie. Zhou traduit rarement la dureté de ses paroles et de ses actions. Lorsque le duc son mari gagne l’Antarctique, Zhou la décrit comme une femme chaste qui l’attend sept ans durant44. Germaine, qui ne s’intéresse qu’aux titres et aux richesses, apparaît alors dans la traduction chinoise comme une « dame respectueuse issue d’une grande famille » (dajia guixiu). Zhou Shoujuan a sans doute l’intention de rendre les personnages féminins de Lupin plus accessibles aux lecteurs chinois, en les rapprochant des vertueuses femmes chinoises de la tradition.

  • 45 Maurice Leblanc, « Quqie zhiwang », trad. Zhou Shoujuan, Shibao, 18 mars, 1914. Ce passage est abse (...)
  • 46 Maurice Leblanc, « Quqie zhiwang », trad. Zhou Shoujuan, Shibao, 25 avril, 1914. Ce passage est abs (...)
  • 47 Le développement des romans policiers renvoie à la mise en place du système policier à partir du mi (...)
  • 48 Maurice Leblanc, « Suidao » [« Le Tunnel (Herlock Sholmès arrive trop tard) »], trad. Zhou Shoujuan (...)
  • 49 En 1925, Zhou et de nombreux autres traducteurs ont également collaboré avec la Librairie Dadong po (...)

25Dans la série des Arsène Lupin, il y a toujours un commissaire qui entretient avec Lupin des liens à la fois de rivalité et de proximité et est sempiternellement défait lui. Dans la traduction chinoise, Zhou Shoujuan ajoute des détails qui font du commissaire un détective professionnel. Dans « Quqie zhiwang » [« Roi des voleurs »], il met l’accent sur les compétences du commissaire Guerchard en le présentant comme un détective qui, toujours muni d’une règle et d’un microscope, passe tout au crible45. L’image de prudence méticuleuse du commissaire construite par Zhou Shoujuan46 renforce la tension entre Lupin le « cambrioleur » et Guerchard le « détective »47. L’exemple le plus intéressant de cette opposition est l’apparition de Sherlock Holmes, par exemple dans Herlock Sholmès arrive trop tard. Dès le début de l’histoire, Leblanc met en concurrence Holmes et Lupin, deux adversaires de même niveau d’intelligence. Au terme d’une lutte acharnée, Sherlock Holmes se croit capable de pénétrer le modus operandi de Lupin, alors qu’en réalité c’est ce dernier qui le contrôle. Lupin dérobe même la montre de Holmes. Zhou Shoujuan, quant à lui, réécrit l’histoire pour montrer que tout est au contraire sous le contrôle de Holmes. Dans la traduction en chinois, ce dernier proclame : « Je le savais déjà. Pourquoi s’embêter avec lui ? ». Holmes qui n’apprécie pas non plus que l’impolitesse de Lupin aille jusqu’à casser les aiguilles de sa montre et qui proteste : « Il est si mal élevé, comment le comparer à mes bonnes manières ! »48. La traduction de Zhou fait de Sherlock Holmes un personnage supérieur et généreux, le traducteur trahissant sa préférence pour l’image « positive » de Holmes49.

26Ces exemples montrent que la traduction de Zhou ne consiste pas seulement à incorporer des éléments littéraires traditionnels afin de rendre l’œuvre plus accessible aux lecteurs chinois, mais qu’elle fait aussi écho à la vogue contemporaine de traduction des histoires policières de Sherlock Holmes.

3. Ajout de remarques

  • 50 Maurice Leblanc, « Yasen Luoping zhi shibai », trad. Zhou Shoujuan, Libai liu, n° 40, 1915, p. 3. C (...)
  • 51 Maurice Leblanc, « Quqie zhi wang », trad. Zhou Shoujuan, Shibao, 4 février, 1914.

27Lorsque Zhou traduit l’histoire d’Arsène Lupin, il y ajoute souvent des commentaires personnels ou des réflexions sur la vie. Par exemple, dans Arsène Lupin, gentleman-cambrioleur, la belle héroïne s’attire les avances de Lupin. Zhou ajoute : « Regardez, à toutes celles qui sont belles et qui se comportent comme des princesses, les hommes s’empressent de faire la cour »50, passage qui ne se trouve pas dans le texte original. Germaine, l’héroïne d’Arsène Lupin, évoquant son mariage avec le duc, déclare croire ce qu’il dit. Zhou fait dire à l’un des personnages : « Si vous pouvez lui faire confiance, ce sera la meilleure chose qui puisse vous arriver. À l’avenir, la seule chose qui comptera dans un couple sera le mot “confiance”. Avec la confiance, il n’y aura jamais un jour de chamaillerie »51. Ce passage, qu’on ne trouve ni dans le texte original ni dans la traduction anglaise, est également très didactique.

  • 52 Maurice Leblanc, « Quqie zhi wang », trad. Zhou Shoujuan, Shibao, 2 mars, 1914. Ce passage est abse (...)

28Certaines remarques ajoutées par Zhou Shoujuan concernent la technologie moderne. Dans Arsène Lupin, le duc Gournay-Martin est cambriolé un dimanche. Il veut appeler la police, mais, le dimanche, le télégraphe ferme à midi. Une réponse de Germaine a été rajoutée par Zhou : « Ça n’a pas d’importance, mon père est un homme riche et puissant. Il peut tout faire, et encore passer un coup de fil ». Mais la bonne lui répond : « Ce n’est pas à vous de décider, il est inutile d’être riche et puissant. Le télégraphe est fermé dimanche midi »52. Ce passage rajouté peut être considéré comme une explication du fonctionnement de l’opérateur téléphonique français pour les lecteurs chinois. Ces mots qui ne figurent pas dans le texte original servent à interpeller les lecteurs, comme dans les contes oraux traditionnels (huaben xiaoshuo) lorsque les auteurs s’adressent directement à eux en les interpellant – « Lecteurs ! » – afin d’attirer leur attention.

29Ces exemples rendent manifeste la subjectivité de Zhou Shoujuan dans la traduction. Nous allons maintenant analyser les connotations culturelles de l’interprétation subjective des histoires d’Arsène Lupin par Zhou Shoujuan.

III. Les connotations culturelles de la traduction de Zhou à Shanghaï dans la République de Chine

30Comme nous l’avons évoqué, d’audacieux gentilhomme cambrioleur français, Zhou Shoujuan transforme Arsène Lupin en chevalier chinois. Mais à la différence des héros des romans chinois traditionnels de cape et d’épée, il s’agit ici d’un chevalier ancré dans l’espace urbain.

  • 53 François Busnel, Philippe Delaroche et Jacques Derouard, « Comment est né le vrai, l’unique Arsène (...)
  • 54 Jacques Derouard, Le Monde d’Arsène Lupin, Amiens, Encrage / Paris, Les Belles Lettres, 2003, p. 12 (...)
  • 55  Maurice Leblanc, « Duhou » [« Après les jeux d’argent (La Partie de baccara) »], trad. Zhou Shouju (...)

31Comme beaucoup l’ont souligné, Arsène Lupin est un personnage urbain qui se déplace en train, en transport hippomobile et en voiture privée. Il vit à une époque où téléphones et lampes électriques se banalisent, rendant la communication plus aisée. L’habitat en appartement se répandait et les crimes sociaux, tels que le cambriolage, étaient de plus en plus fréquents53. Le commerce était florissant et les transactions monétaires – assurances, titres et brevets – monnaie courante. Les inégalités croissaient entre les riches et les pauvres et la criminalité augmentait. Afin de lutter contre des activités criminelles de plus en plus audacieuses, la police française commençait à utiliser des systèmes d’identification tels que l’enregistrement des caractéristiques physiques des criminels et la prise des empreintes digitales54, ce qui peut être considéré comme le début de l’intervention du pouvoir de l’État sur le corps des individus comme de l’intrusion de la gouvernance urbaine dans la vie privée des personnes. C’est pourquoi L’Arrestation d’Arsène Lupin donne lieu à une satire où Lupin s’en prend à l’utilisation de l’argent par la classe moyenne pour manipuler le système judiciaire55.

32Zhou Shoujuan renforce quant à lui l’opposition entre Lupin et le régime, en le décrivant comme un « homme aux mille déguisements » pour échapper à la surveillance de la police. Lupin se déplace en voiture et a recours au téléphone, aux ascenseurs, aux caméras pour résoudre ou commettre des crimes. L’histoire d’Arsène Lupin, en prise sur la vie moderne, permet aux écrivains et lecteurs chinois du début de la République de Chine d’imaginer, d’expérimenter et de recréer la vie urbaine.

  • 56 Zhou Shoujuan et Zhang Biwu, « Tananzhe yizhe fuzhi » [« Note du traducteur de la série sur les dét (...)
  • 57 Des histoires d’amour entre les chevaliers et des beautés ne manquaient certainement pas dans les r (...)

33En outre, Zhou Shoujuan fait l’éloge des histoires de Leblanc pour leurs « faits et rebondissements inédits »56, « plus intéressants », selon le traducteur chinois, que ceux des romans policiers de Sherlock Holmes. Il a le plaisir de les lire à la fois comme des romans policiers et comme des romans de chevalerie. La Chine a une longue tradition à la fois de romans chevaleresques et de romans basés sur des cas judiciaires (gong’an xiaoshuo). De la fin des Qing au début de la République de Chine, nombreux sont les auteurs de romans chevaleresques. Depuis la fin des Qing, il n’est pas rare de voir les intellectuels qualifiés de « chevaliers littéraires » (wenxia). Les chevaliers chinois traditionnels ne parlent pas souvent d’amour57, alors qu’Arsène Lupin n’hésite pas, à côté de l’aventure, à faire état d’affaires amoureuses. Dans L’Arrestation d’Arsène Lupin, par exemple, celui-ci rencontre sur un bateau l’héroïne, Nelly, dont il tombe amoureux au premier regard. Lorsque le bateau arrive au port, Lupin est arrêté. Nelly jette à la mer le kodak dans lequel il avait caché bijoux et billets de banque. Dans Arsène Lupin, Lupin, déguisé en duc, s’est épris de Sonia, une dame d’honneur russe. Lorsque son vol de bijoux est révélé, il tente de la couvrir et de la soustraire au danger.

  • 58 Le texte en anglais est le suivant : « Let us go away together! ... Let us fly! ... You are my brid (...)
  • 59 Ernü yingxiong zhuan [Histoire des héros et des héroïnes] est un roman qui s’inscrit dans la tradit (...)

34La traduction par Zhou Shoujuan des histoires d’amour d’Arsène Lupin est généralement très fidèle à l’original, avec parfois des modifications ou des enjolivements. Par exemple, la description de la rencontre de Lupin avec Nelly, son impuissance, sa culpabilité et son hésitation, ont été supprimées par le traducteur chinois. Dans Arsène Lupin, gentleman-cambrioleur, Lupin trompe l’héritière afin de mettre la main sur les biens de sa famille. Lorsque cette dernière l’apprend, toujours amoureuse de lui, elle l’aide à échapper à son père et à ses frères. À la fin du roman, Lupin, tenaillé par la culpabilité, pense lui demander de partir avec lui. Toutefois, après délibération, il ne s’en ouvre pas à elle, conscient que ce ne serait pas conforme à la conduite d’une noble58. Cependant, Zhou réécrit la scène pour que Lupin invite directement la dame à « venir avec (lui) ». Cette réécriture amoindrit le côté « gentleman » de Lupin. En d’autres termes, si Lupin a une double image sous la plume de Leblanc, où il est à la fois « gentleman » et « cambrioleur », son image paraît plus homogène sous la plume du traducteur chinois, qui le présente comme un cambrioleur séducteur et arrogant. Il convient toutefois de noter que, dans la traduction de Zhou, l’élément amoureux est simplifié par rapport à l’œuvre originale de Leblanc et n’apparaît que comme un sous-thème du roman policier, dans lequel le héros et l’héroïne tombent fréquemment amoureux l’un de l’autre et vivent une relation éphémère. L’élément amoureux chez Arsène Lupin contraste avec les romans chevaleresques chinois traditionnels, ou avec Sherlock Holmes, alors très apprécié du public chinois, desquels il est absent59.

  • 60 Pour une étude complémentaire, voir Chen Pingyuan, Qiangu wenren xiakemeng [Rêve millénaire des hom (...)
  • 61 Cao Fangren et Zhou Xishan (eds.), Jin Shengtan quanji [Œuvres intégrales de Jin Shengtan], t. 1, N (...)
  • 62 Yu Wanchun, Jie Shuihu zhuan [Suite d’Au bord de l’eau], Changsha, Yuelu shuyuan, 2003, p. 1.

35Certains chercheurs considèrent que la « distinction entre le chevalier et le cambrioleur » constitue un sujet délicat et très intéressant, depuis Shuihu zhuan [Au bord de l’eau] jusqu’aux romans chevaleresques des Qing60. Jin Shengtan (1608-1661) critique l’idée que le thème de Shuihu zhuan soit de « détruire le chef des bandits », soulignant la nécessité de bien faire apparaître le caractère chevaleresque des bandits, qui s’explique par leur loyauté61. Dans Dangkou zhi [Suite d’Au bord de l’eau], Yu Wanchun (1794-1849) observe que Song Jiang n’est ni loyal, ni chevaleresque lorsqu’il tue et brûle des gens ou cambriole leur maison. Un personnage véritablement chevaleresque dans Shuihu zhuan, affirme Yu Wanchun, est celui qui est à la fois loyal envers l’empereur et sympathique à l’égard du peuple. Il aide l’armée des Song comme un dieu venu du ciel. Ce dernier, écrit Yu Wanchun, « sait bien distinguer les justes des bandits »62. La distinction entre la chevalerie et le cambrioleur est claire pour l’auteur de Dangkou zhi : si le protagoniste peut s’abstenir de voler et de tuer des innocents, mais peut détrousser des fonctionnaires et de petits nobles corrompus, s’il offre un jour ses compétences à la cour impériale, en servant sous le commandement d’officiers honnêtes, alors c’est un homme chevaleresque. S’il ne se repent pas, il ne peut être appelé que voleur.

  • 63 Zhou Shoujuan, « Zhou xu », in Zhou Shoujuan (ed.), Yasen Luoping an quanji, op. cit., p. 1.
  • 64 La version anglaise est la suivante : « I must confess that I had taken from it everything that pos (...)
  • 65 Maurice Leblanc, « Chezhong guaike » [« Le Mystérieux Voyageur dans le train (Le Mystérieux Voyageu (...)

36Lorsque l’on examine la traduction par Zhou Shoujuan des nouvelles d’Arsène Lupin, il est aussi intéressant de la rapporter à cette question. Comme nous l’avons vu plus haut, Zhou appelle d’abord Lupin « rebelle », puis le qualifie de « chevalier ». Ainsi, écrit le traducteur chinois, « sans avoir tué personne, il utilise parfois son intelligence pour attraper les criminels, rectifier l’injustice des fonctionnaires et réparer l’injustice des innocents. Il agit souvent de manière chevaleresque. N’est-il pas un cambrioleur de valeur ? »63. La perspective de Zhou hérite de l’esprit « chevaleresque » des Shiji et représente la conscience qui discrimine entre « la chevalerie et le cambrioleur », évoquée plus haut. Zhou Shoujuan tend à renforcer l’image chevaleresque de Lupin. Dans Le Mystérieux voyageur, par exemple, bien qu’Arsène Lupin aide la police à résoudre l’affaire, il vole la bourse de la femme du sous-directeur des services pénitentiaires, dans le même wagon que lui, sous prétexte que « son mari exerçait un métier [...] peu honorable »64. Zhou Shoujuan traduit cette phrase par : « son mari est un fonctionnaire de mauvaise réputation »65. Ainsi, il justifie le vol d’Arsène Lupin dont il fait un chevalier qui vole les riches pour aider les pauvres. Cette traduction est un signe de la mise en valeur par le traducteur chinois des ressources littéraires traditionnelles pour ancrer les œuvres étrangères dans la situation politique chaotique du début de la République de Chine.

Conclusion

37À la fin des Qing et au début de la République de Chine, les romans policiers sont populaires en Chine. Ils sont considérés comme un outil pour éclairer le peuple, diffuser de nouvelles connaissances, promouvoir la réforme judiciaire et réformer la pensée littéraire. L’image idéale d’un détective lucide, rationnel et érudit impressionne beaucoup les Chinois.

38La conception de « gentleman cambrioleur » est également arrivée en Chine à la même époque. Les traducteurs chinois interprètent Arsène Lupin comme un « cambrioleur chevaleresque », intelligent, charmant et courageux. Zhou Shoujuan, qui a traduit des dizaines de nouvelles d’Arsène Lupin, en fait partie. La traduction de Zhou Shoujuan, le plus souvent en chinois moderne, est généralement fidèle, sans exclure des suppressions, enjolivements ou remarques pour adapter l’œuvre au contexte chinois et aux habitudes de lecture des Chinois.

  • 66 Nous avons abordé ce sujet dans une autre étude. Voir Chen Shuo-Win, « The Chivalrous Burglar of a (...)

39Les nouvelles d’Arsène Lupin, ouvertes sur l’espace urbain et intégrant scènes d’espionnage et de chasse au trésor, ont largement contribué à l’enrichissement de l’imaginaire des lecteurs chinois et au renouvellement du genre policier. À partir des années 1920, des nouvelles autour d’un « Arsène Lupin asiatique » ont vu le jour. « Arsène Lupin asiatique » a gagné sa popularité avec des héros qui sont à la fois voleurs et chevaliers, droits et méchants66.

40La réception d’Arsène Lupin en Chine relève du voyage transfrontalier d’un texte littéraire, mais aussi d’un dialogue entre les traditions littéraires et les systèmes de valeurs franco-chinois. Cette réception renvoie au contexte social et culturel de la Chine moderne, notamment celui de Shanghaï. Elle implique des questions complexes telles que la littérature populaire mondiale, la mobilité culturelle, la transformation transculturelle et la modernité urbaine. Le sujet mérite d’être analysé en profondeur et il constitue une source d’inspiration pour notre époque où la communication littéraire s’effectue de manière plus rapide et plus facile.

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Notes

1 Il s’agit de la version française d’un article d’abord publié en chinois : Chen Shuo-Win, « “Zhe qiyi de lücheng !” : Zhou Shoujuan de Yasen Luoping xiaoshuo fanyi yu min chu Shanghaï » [« “L’étrange voyage !” : la traduction d’Arsène Lupin par Zhou Shoujuan à Shanghaï au début de la République de Chine »], Zhengda zhongwen xuebao [Bulletin du département de littérature chinoise de l’université nationale Chengchi], vol. 32, décembre 2019, pp. 119-166. Je voudrais exprimer ma gratitude à Chen Sz-Wei pour sa remarquable traduction du chinois vers le français, et à NSTC, Taiwan, pour avoir soutenu ce projet de recherche (MOST 107-2410-H-004-181-MY2).

2 A Ying souligne : « On peut dire qu’à cette époque il n’y avait pas de traducteurs qui ne travaillent sur des romans policiers. Sur un millier de romans traduits alors, le nombre de romans policiers aurait été de plus de 500 », in A Ying, Wanqing xiaoshuoshi [Histoire de la fiction de la fin des Qing], Taipei, Shangwu chubanshe, 1996, p. 242. Dans son livre, Chen Pingyuan cite Nakamura Tadayuki, selon qui les romans policiers représentaient un tiers du nombre total de romans traduits à l’époque. Voir Chen Pingyuan, Zhongguo xiaoshuo xushi moshi de zhuanbian [Changements dans le mode de narration de la fiction chinoise], Hong Kong, Xianggang zhongwen daxue chubanshe, 2006, p. 41.

3 À la fin des Qing, les traducteurs considéraient les romans policiers abordant la science et la loi comme un outil pour éclairer le peuple et améliorer la gouvernance publique. L’intelligence des détectives dans la résolution des affaires procurait un sentiment de sécurité psychologique aux lecteurs chinois, alors confrontés à une société troublée. Voir Kong Huiyi, « Yi tongsu xiaoshuo wei jiaohua gongju : Fuermosi zai Zhongguo (1896-1916) » [« La Fiction populaire comme outil d’édification : Sherlock Holmes en Chine (1896-1916) »], in Kong Huiyi, Fanyi, wenxue, wenhua [Traduction, littérature et culture], Pékin, Beijing daxue chubanshe, 1999, pp. 19-30. Voir également Kong Huiyi, « Huanyi beijing, huanyi gongdao : lun qingmo minchu yingyu zhentan xiaoshuo zhongyi » [« Retour au contexte, retour à la justice : la traduction en chinois de romans policiers anglais à la fin des Qing et au début de la période républicaine »], in Wang Hongzhi (dir.), Fanyi yu chuangzuo : Zhongguo jindai fanyi xiaoshuolun [Traduction et création littéraire. Sur la traduction des fictions modernes chinoises], Pékin, Beijing daxue chubanshe, 2000, pp. 88-117.

4 Chen Pingyuan, Zhongguo xiaoshuo xushi moshi de zhuanbian, op. cit., p. 42.

5 Voir Teruo Tarumoto, Xinbian zengbu qingmo minchu xiaoshuo mulu [Nouveau Catalogue supplémentaire de romans de la fin des Qing au début de la République de Chine], Jinan, Qilu shushe, 2002, pp. 169, 845.

6 Maurice Leblanc, « Fuermosi zhi jindi » [« Le Farouche Adversaire de Sherlock Holmes (Herlock Sholmès arrive trop tard) »] », trad. Yang Xinyi, Xiaoshuo shibao, n° 15, 1912, pp. 1-10.

7 De nombreuses œuvres d’Arsène Lupin qui paraissent à Taïwan dans les années 1970 sont en effet des rééditions de la version déjà publiée à Shanghaï avant 1949 par des maisons d’édition comme la Librairie Qiming, qui a déménagé de Shanghaï à Taïwan après la victoire des Communistes sur le Continent chinois. Voir Tsz-Yun Lai, « Yiernu yiyingxiong de Yasen Luoping » [« Arsène Lupin : un homme et un héros »] sur le blog « Fanyi zhentan shiwusuo » [« Agence de détective de traduction »] : http://tysharon.blogspot.com/2013/10/blog-post_22.html

8 Voir la traduction des nouvelles d’Arsène Lupin publiée en 1947 par la maison d’édition Chunmin à Shanghaï.

9 Selon l’éditeur de Yasen Luoping an quanji publié par la Librairie Dadong, quand les traducteurs ne trouvaient pas de version en français, ils recouraient à une traduction en anglais ou en japonais. Dans les œuvres intégrales d’Arsène Lupin publiées par la librairie Qiming en 1942, le traducteur précise : « Les œuvres originales sont toutes en français et ce recueil a fait l’objet de recherches approfondies. Lorsque les textes français ne sont pas disponibles, les textes anglais ou japonais sont utilisés à la place ». Les traducteurs de Yasen Luoping qi’an [Œuvres d’Arsène Lupin (Arsène Lupin, gentleman cambrioleur)], Li Changjue et Wu Juemi, étaient tous deux spécialistes de langue anglaise. Leur traduction est donc probablement basée sur des versions en anglais. Voir Zheng Yimei, Yilin sanye [Feuilles éparses dans la forêt de l’art], Pékin, zhonghua shuju, 2019.

10 The North China Daily News, 17 janvier 1910.

11 Évoquant la diffusion de nouvelles connaissances et la transformation de la façon de penser à la fin des Qing et au début de la République de Chine, les chercheurs ont accordé une attention particulière au contact culturel. Voir Rudolf G. Wagner, « Zhongguo de “shui” yu “xing” : bu duideng de gainianhua yu yingfu shouduan zhi yanjiu (II) » [« Dormir et s’éveiller en Chine : une étude de la conceptualisation de l’inégalité et des moyens d’adaptation (II) »], trad. Zhong Xinzhi, Dongya guannainshi jikan [Journal de l’histoire des concepts de l’Asie de l’Est], vol. 2, juin 2012, p. 19.

12 Voir Maurice Leblanc, « Fuermosi zhi jindi », trad. Yang Xinyi, Xiaoshuo shibao, n° 15, 1912, pp. 1-10.

13 Par rapport au texte original ou à la traduction anglaise, les traductions en chinois du début de la République de Chine mettent l’accent sur un Arsène Lupin « brigand » (dao) ou « voleur » (zei). Dans la traduction d’Arsène Lupin de Zhou Shoujuan et Shen Yuzhong, par exemple, les traducteurs qualifient Lupin de « rebelle » ou de « grand voleur ». Voir Maurice Leblanc, « Quqie zhi wang » [« Roi des voleurs » (Arsène Lupin)], trad. Zhou Shoujuan, Shibao, 17 avril 1914. Maurice Leblanc, Zei gongjue [Le Duc voleur (Arsène Lupin)] », trad. Shen Yuzhong, in Zhou Shoujuan (ed.), Yasen Luoping an quanji, t. 1, Shanghaï, Dadong shuju, 1925, p. 92.

14 En 1917, Cheng Xiaoqing contestait que les détectives des romans d’Arsène Lupin soient dénués de sens. Il a publié le roman Jiaodouzhi [Lutte de sagesse] en chinois classique dans Xiaoshuo daguan [Le Monde des romans] pour les défendre. Voir Cheng Xiaoqing, « Yinyan » [« Introduction »], Ziluolan [Violettes], n° 1, avril 1943, p. 181.

15 Maurice Leblanc, « Quqie zhiwang », trad. Zhou Shoujuan, Shibao, 17 avril 1914.

16 Toutes ces remarques, absentes en français et en anglais, ont été ajoutées par les traducteurs chinois. Voir Maurice Leblanc, Yasen Luoping qi’an, trad. Li Changjui et Wu Juimi, Shanghaï, Zhonghua shuju, 1918, pp. 3, 134.

17 Zhou Shoujuan, « Zhou xu » [« Préface rédigée par Zhou Shoujuan »], in Zhou Shoujuan (ed.), Yasen Luoping an quanji, Shanghaï, Dadong shuju, 1925, p. 1.

18 Maurice Leblanc, « Yihua jiemu » [« Dessiner des fleurs sur des branches d’arbre (Arsène Lupin) »], trad. Yao Dingan, in Yasen Luoping quanji, t. 3, Shanghaï, Qimin shuju, 1942, p. 18. L’auteur français emploie le terme « philanthrope » et le traducteur anglais « philanthropist ».

19 Ce point a été souligné par certains chercheurs. Voir Shi Juan, « Cong “juzei”, “xiadao” dao “yixia” : Yasen Luoping zai Zhongguo de jieshou » [« De “grand voleur”, “chevalier cambrioleur” à “chevalier errant” : la réception d’Arsène Lupin en Chine »], Suzhou jiaoyu xueyuan xuebao [Bulletin de la Faculté d’éducation de Suzhou], n° 4, 2014, pp. 22-26. Cependant, l’article n’examine pas l’origine du terme « gentleman cambrioleur », ni sa connotation culturelle.

20 Dès les traductions de Li Changjue et de Wu Juemi, Lupin est décrit comme « séducteur ». Les traducteurs expriment leur impatience de lire l’histoire d’amour de Lupin. Voir Maurice Leblanc, Yasen Luoping qi’an, trad. Li Changjui et Wu Juimi, Shanghaï, Zhonghua shuju, 1918, p. 134. Ce passage ne se trouve ni dans l’original ni dans la version anglaise.

21 D’après le traducteur Zhou Kexi, « les romans d’Arsène Lupin ont été le plus largement promus par Zhou Shoujuan, qui était rejoint par Sun Liaohong, Xu Zhuodai, Zhang Biwu, Shen Yuzhong et Wu Hesheng, etc. ». Selon des statistiques incomplètes, il n’existe pas moins de 30 à 40 traductions de la série d’Arsène Lupin publiées avant 1949. De la traduction en chinois classique à celle en chinois moderne, des œuvres individuelles aux œuvres intégrales, les romans policiers de Maurice Leblanc ont beaucoup gagné en popularité, à tel point que Sun Liaohong a créé Xiadao Luping qian [Cas mystérieux autour de Lu Ping, gentleman cambrioleur]. Image miroir du Huo Sang de Cheng Xiaoqing, Lu Ping y figure une réplique chinoise d’Arsène Lupin. Voir Zhou Kexi, Zhou Kexi yiwenji [Recueil de traduction de Zhou Kexi], Shanghaï, Huadong shifan daxue chubanshe, 2011.

22 Pour une étude biographique sur Zhou Shoujuan, voir Wei Shaochang et Wu Chenghui (dir.), Yuanyang hudiepai yanjiu ziliao [Matériaux de recherches sur l’École des canards mandarins et des papillons], Shanghaï, Shanghai wenyi chubanshe, 1984 ; Wang Zhiyi (dir.), Zhou Shoujuan yanjiu ziliao [Matériaux de recherches sur Zhou Shoujuan], Tientsin, Tianjin renmin chubanshe, 1993 ; Fan Boqun, « Zhou Shoujuan lun » [« Sur Zhou Shoujuan »], Zhongshan daxue xuebao [Bulletin de l’université Sun Yat-sen], n° 4, 2010, pp. 36-52.

23 Guo Yanli, Zhongguo jindai fanyi wenxue gailun [Introduction de la traduction littéraire dans la Chine pré-moderne], Wuhan, Hubei jiaoyu chubanshe, 1998, pp. 435-441.

24 Chen Jianhua, A Myth of Violet: Zhou Shoujuan and the Literary Culture of Shanghaï, 1911-1927 [Un mythe des violettes. Zhou Shoujuan et la culture littéraire de Shanghaï, 1911-1927], thèse de doctorat, Université Harvard, 2002 ; Chen Jianhua, Ziluolan de meiying : Zhou Shoujuan yu Shanghaï wenxue wenhua, 1911-1949 [L’Ombre séductrice des violettes. Zhou Shoujuan et la culture littéraire de Shanghaï, 1911-1949], Shanghaï, Shanghai wenyi chubanbshe, 2019 ; Li Dechao et Deng Jing, « Jindai fanyi wenxueshi shang bugai yiwang de jiaoluo : yuanyang hudie pai zuojia de fanyi huodong jiqi yingxiang » [« Une page de l’histoire de la traduction moderne qui ne doit pas être oubliée : les activités de traduction des écrivains de l’École des canards mandarins et des papillons et leur influence »], Sichuan waiyu xueyuan xuebao [Bulletin de la Faculté des langues étrangères du Sichuan], vol. 20, n° 1, janvier 2004, pp. 123-127.

25 Pan Shaoyu, « Aiqing ru si zhi jianqiang : shilun Zhou Shoujuan zaoqi fanyi aiqing xiaoshuo de meigan tezhi yu wenhua neihan » [« L’Amour aussi fort que la mort : au sujet des qualités esthétiques et des connotations culturelles des premières traductions de romans élégiaques par Zhou Shoujuan »], Hanxue yanjiu [Études chinoises], vol. 26, n° 2, juin 2008, pp. 231-232 ; Pan Shaoyu, « Xiangxiang xifang : lun Zhou Shoujuan de “weifanyi” xiaoshuo » [« Imaginer l’Occident : au sujet des nouvelles “pseudo-traduites” par Zhou Shoujuan »], Bianyi luncong [Collection de compilation et de traduction], vol. 4, n° 2, juin 2011, pp 1-23.

26 En 1925, Zhou a collaboré avec la Librairie Dadong pour publier une version en chinois moderne de Fuermosi xin tanan quanji [Nouvelles Œuvres intégrales de Sherlock Holmes], ainsi que sa traduction de Yasen Luoping an quanji.

27 Maurice Leblanc, « Yasen Luoping zhi qi » [« L’Épouse d’Arsène Lupin (Le Mariage d’Arsène Lupin) »], trad. Zhou Shoujuan, Youxi zazhi [Magazine des jeux], n° 14, 1915, pp. 16-31.

28 Zhou Shoujuan, « Wo fanyi xifang mingjia xiaoshuo de huiyi » [« Souvenirs de ma traduction des nouvelles des auteurs occidentaux célèbres »], Yuhua [Fleurs de pluie], juin 1957, p. 45. J’ai découvert que la traduction anglaise sur laquelle se fonde la traduction de Zhou Shoujuan est d’Alexander Teixeira de Mattos (1865-1921), célèbre éditeur, journaliste et traducteur anglais, et figure de proue de la célèbre Société lutétienne, qui se consacrait à la traduction intégrale des chefs-d’œuvre européens en anglais pour fournir des traductions de la littérature française aux écrivains de la fin de l’époque victorienne. Alexander Teixeira de Mattos est également le principal traducteur anglais des romans d’Arsène Lupin. Il a traduit 17 œuvres de Lupin et il est connu pour la fluidité de sa traduction. Voir Denise Merkle, « The Lutetian Society » [« La Société lutétienne »], TTR, vol. 16, n° 2, 2003, pp. 73-101, https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.7202/010716ar

29 Leo Ou-fan Lee, « Fuermosi zai Zhongguo » [« Sherlock Holmes en Chine »], Dangdai zuojia pinglun [Revue critique des écrivains contemporains], no 10, 2004, p. 10.

30 De 1921 à 1923, Zhou Shoujuan a publié la traduction chinoise de cette nouvelle dans Youxi zazhi. En 1925, lorsqu’il traduit le roman Gucheng mimi [Secrets de la ville ancienne (813)], Zhou réécrit les titres originaux des chapitres du livre, au lieu de les traduire fidèlement. La raison tient peut-être à la nécessité de publier en série de longs romans dans la presse.

31 Maurice Leblanc, Luoping da zuozhang [Lupin fait grandement la guerre (L’Éclat d’obus)], trad. Li Nan, Taipei, Haodu chubanshe, 2011, ch 6, pp. 7-8 ; Maurice Leblanc, L’Éclat d’obus, Paris, Pierre Lafitte et Cie, 1916, p. 91. La traduction d’Alexander Teixeira de Matto en anglais est la suivante : « The situation was one of those in which the fatalities of war run riot in all their tragic horror, stronger than the forces of nature themselves and, like them, blind, unjust and implacable. There was nothing to be done », The Woman of Mystery, New York, The Macaulay Company, 1916, p. 100.

32 Maurice Leblanc, « Qui est Arsène Lupin ? », Le Petit Var, 11 novembre 1933 ; Maurice Leblanc, « Maurice Leblanc nous parle d’Arsène Lupin », Gazette de Bayonne, de Biarritz et du Pays basque,‎ 13 octobre 1932, p. 2.

33 Par exemple Les Membres du parti nihiliste et Le Sang du canard mandarin. Voir Pan Shaoyu, « Xiangxiang xifang : lun Zhou Shoujuan de “weifanyi” xiaoshuo », loc. cit., pp. 1-23. Les romans nihilistes représentent des hommes qui poussent au changement social et politique de manière violente et sanglante. Ces romans ont attiré une attention considérable sur la scène littéraire chinoise de la fin des Qing, où les hommes de lettres étaient préoccupés par la révolution. Après la fondation de la République, la popularité des œuvres nihilistes a diminué. Voir Chen Jianhua, « Xuwudang xiaoshuo : qingmo teshu yijie xianxiang » [« Romans nihilistes : un phénomène de traduction particulier de la fin des Qing »], Huadong shifan daxue xuebao [Bulletin de l’université normale de Chine de l’Est], n° 4, 1996, pp. 67-73 ; Zhang Quanzhi, « Cong xuwudang xiaoshuo de yijie yu chuangzuo kan wuzhengfu zhuyi dui wanqing xiaoshuo de yingxiang » [« L’Influence de l’anarchisme sur le roman de la fin des Qing à travers la traduction et la création des romans nihilistes »], Mingqing xiaoshuo yanjiu [Études sur la fiction des Ming et des Qing], n° 3, 2005, pp. 136-147. La révolution de la fin des Qing peut également expliquer le changement d’image d’Arsène Lupin dans la traduction par Zhou : d’un cambrioleur à un chevalier patriotique qui sert son pays.

34 Voir Chen Jianhua, « Zhou Shuojuan zai 1919 » [« Zhou Shoujuan en 1919 »], Wenhui bao [Journal de rassemblement des textes littéraires], 25 février 2019.

35 Maurice Leblanc, Les Confidences d’Arsène Lupin, Paris, Pierre Lafitte et Cie, 1913, p. 35. La traduction en anglais est la suivante : « Very simple. And the incident once more shows that, in the discovery of crimes, there is something much more valuable than the examination of facts, than observations, deductions, inferences and all that stuff and nonsense. What I mean is, as I said before, intuition... intuition and intelligence... And Arsène Lupin, without boasting, is deficient in neither one nor the other! », Maurice Leblanc, The Confessions of Arsène Lupin, trad. Alexander Teixeira de Matto, New York, W.R. Caldwell & co. 1913, p. 35.

36 Maurice Leblanc, « Xiangzhong nushi » [« Une femme morte dans une boîte (Les Jeux du soleil) »], trad. Zhou Shoujuan, in Zhou Shoujuan (ed.), Yasen Luoping an quanji, t. 24, Shanghaï, Dadong shuju, 1925.

37 Maurice Leblanc, « Wangzhongyu zhi Yasen Luoping » [« Le Poisson dans le filet - Arsène Lupin (Arsène Lupin en prison) »], trad. Zhou Shoujuan, Youxi zazhi, n° 13, 1915, p. 43.

38 Maurice Leblanc, « Yasen Luoping shibaishi [« Histoire de la défaite d’Arsène Lupin (Le Coffre-fort de madame Imbert) »] », trad. Zhou Shoujuan, Zhonghua xiaoshuojie, vol. 2, n° 9, 1915, p. 2.

39 Zhuangzi jishi, waipian, quqie dishi [Zhuangzi, fragment chapitre 10, Voleurs petits et grands], édité par Guo Qingfan et révisé par Wang Xiaoyu, Taipei, Zhonghua shuju, 1961, p. 342.

40 Sima Qian, Shiji, avec des commentaires de Kametarō Takigawa et al., Tokyo, Dongfang wenhua xueyuan dongjing yanjiusuo, 1932, pp. 4-5.

41 Zhou Shoujuan, « Zhou xu », in Zhou Shoujuan (ed.), Yasen Luoping an quanji, op. cit., p. 1.

42 Pan Shaoyu, « Aiqing ru si zhi jianqiang : shilun Zhou Shoujuan zaoqi fanyi aiqing xiaoshuo de meigan tezhi yu wenhua neihan », loc. cit., pp. 231-232.

43 Maurice Leblanc, « Yasen Luoping zhi shibai » [« Histoire de la défaite d’Arsène Lupin (L’Arrestation d’Arsène Lupin) »] », trad. Zhou Shoujuan, Libai liu [Samedi], n° 40, 1915, p. 3.

44 Maurice Leblanc, « Quqie zhiwang », trad. Zhou Shoujuan, Shibao, 7 février, 1914. Ce passage est absent dans la version anglaise.

45 Maurice Leblanc, « Quqie zhiwang », trad. Zhou Shoujuan, Shibao, 18 mars, 1914. Ce passage est absent dans la version anglaise.

46 Maurice Leblanc, « Quqie zhiwang », trad. Zhou Shoujuan, Shibao, 25 avril, 1914. Ce passage est absent dans la version anglaise.

47 Le développement des romans policiers renvoie à la mise en place du système policier à partir du milieu du XIXe siècle en Chine. La traduction, l’interprétation et la création des premiers romans policiers sont liées au mécontentement des littérateurs et des traducteurs de la fin des Qing et de la République de Chine face à la corruption des détectives en civil dans la concession de Shanghaï. Zhou, en tant que contemporain, a probablement vécu une expérience similaire. Voir Cai Zhuqing, « Jieshou yu zhuanhua : shilun zhentan xiaoshuo zai qingmo minchu (1896-1916) Zhongguo de yijie yu chuangzuo » [« Réception et transformation : traduction et création de romans policiers en Chine à la fin des Qing et dans la République de Chine (1896-1916) »], in Peng Xiaoyan (dir.), Kuawenhua liudong de diaogui : wanqing dao minguo [Un paradoxe de la mobilité interculturelle. De la fin des Qing à la République de Chine], Taipei, Zhongyang yanjiuyuan Zhongguo wenzhe yanjiusuo, 2016, pp. 111-146.

48 Maurice Leblanc, « Suidao » [« Le Tunnel (Herlock Sholmès arrive trop tard) »], trad. Zhou Shoujuan, in Zhou Shoujuan (ed.), Yasen Luoping an quanji, t. 24, Shanghaï, Dadong shuju, 1925, p. 29. Ce passage est absent dans les versions anglaise et française.

49 En 1925, Zhou et de nombreux autres traducteurs ont également collaboré avec la Librairie Dadong pour rééditer une collection de Sherlock Holmes en chinois moderne. Dans sa traduction de l’histoire de Holmes, Zhou a délibérément mis l’accent sur l’image positive du détective, et a peut-être également tenté d’attirer les lecteurs vers l’histoire en mettant en scène la concurrence entre les deux hommes.

50 Maurice Leblanc, « Yasen Luoping zhi shibai », trad. Zhou Shoujuan, Libai liu, n° 40, 1915, p. 3. Ce passage est absent dans les versions anglaise et française.

51 Maurice Leblanc, « Quqie zhi wang », trad. Zhou Shoujuan, Shibao, 4 février, 1914.

52 Maurice Leblanc, « Quqie zhi wang », trad. Zhou Shoujuan, Shibao, 2 mars, 1914. Ce passage est absent dans la version anglaise.

53 François Busnel, Philippe Delaroche et Jacques Derouard, « Comment est né le vrai, l’unique Arsène Lupin », L’Express, 9 janvier 2004.

54 Jacques Derouard, Le Monde d’Arsène Lupin, Amiens, Encrage / Paris, Les Belles Lettres, 2003, p. 121.

55  Maurice Leblanc, « Duhou » [« Après les jeux d’argent (La Partie de baccara) »], trad. Zhou Shoujuan et Zhang Biwu, Ziluolan, vol. 3, n° 4, 1928, p. 11.

56 Zhou Shoujuan et Zhang Biwu, « Tananzhe yizhe fuzhi » [« Note du traducteur de la série sur les détectives »], Ziluolan, vol. 3 n° 1, 1928, p. 2.

57 Des histoires d’amour entre les chevaliers et des beautés ne manquaient certainement pas dans les romans chevaleresques chinois. Cependant, dans l’ensemble, des romans des Tang aux récits chevaleresques des Ming, que les héros chevaleresques soient des hommes ou des femmes, il y avait relativement peu d’histoires d’amour. La combinaison du roman chevaleresque et de la fiction romantique (yanqing xiaoshuo) est apparue progressivement dans les romans populaires de la période républicaine. Dans ces romans, les héros chevaleresques ne voyagent plus tout seuls, mais commencent aussi à vivre des expériences amoureuses. La rencontre entre les héros et les héroïnes devient même le fil conducteur de l’histoire. Bai Yu (1899-1966) et Wang Dulu (1909-1977) en sont des auteurs représentatifs. Voir Gong Pengcheng, Daxia : xia de jingshen wenhua shilun [Le Grand Homme chevaleresque. Une histoire spirituelle et culturelle de chevalier], Taipei, Fengyun shidai chuban gongsi, 2007, p. 224.

58 Le texte en anglais est le suivant : « Let us go away together! ... Let us fly! ... You are my bride ... my wife... Share my dangers, my sorrows and my joys ... It will be a strange and vigorous, a proud and magnificent life... But Angélique’s eyes were raised to his again; and they were so pure and so noble that he blushed in his turn. This was not the woman to whom such words could be addressed », in Maurice Leblanc, The Confessions of Arsène Lupin, trad. Alexander Teixeira de Mattos, New York, W. R. Caldwell & CO., 1913, p. 264.

59 Ernü yingxiong zhuan [Histoire des héros et des héroïnes] est un roman qui s’inscrit dans la tradition des romans de la fin des Ming et du début des Qing. L’œuvre combine des éléments chevaleresques avec des éléments romantiques, en racontant le mariage entre un héros et une justicière libre (nüxia). Cependant, comme l’ont fait remarquer des chercheurs, la fin heureuse d’An Ji, le héros, avec sa femme et ses concubines, ainsi que son désir de gloire relèvent moins de la chevalerie, que d’un hommage rendu à « l’ordre éthique confucéen ». Voir Wang David Der-wei, Bei yayi de xiandaixing : wanqing xiaoshuo xinlun [Modernité refoulée. Nouvelles Recherches sur la fiction de la fin des Qing], Taipei, Maitian chubanshe, 2003, p. 203. Après le mouvement du Quatre Mai, l’amour libre est étroitement lié à la libération de la personnalité. L’amour et la révolution, deux objectifs pour les jeunes intellectuels de l’époque, se combinent pour constituer un thème récurrent dans les œuvres littéraires de l’époque du Quatre Mai et un centre d’intérêt pour les chercheurs. Voir par exemple Peng Xiaoyan, Weiqing yu lixing de bianzheng [Dialectiques entre l’affect et la raison], Taipei, Lianjing chuban gongsi, 2019 ; Lee Haiyan, Revolution of the Heart: A Genealogy of Love in China, 1900-1950 [Révolution du cœur. Une généalogie de l’amour en Chine, 1900-1950], Stanford, CA, Stanford University Press, 2007, pp. 81-92.

60 Pour une étude complémentaire, voir Chen Pingyuan, Qiangu wenren xiakemeng [Rêve millénaire des hommes de lettres pour devenir chevaliers], Pékin, Beijing daxue chubanshe, 2010.

61 Cao Fangren et Zhou Xishan (eds.), Jin Shengtan quanji [Œuvres intégrales de Jin Shengtan], t. 1, Nankin, Jiangsu guji chubanshe, 1985, p. 17.

62 Yu Wanchun, Jie Shuihu zhuan [Suite d’Au bord de l’eau], Changsha, Yuelu shuyuan, 2003, p. 1.

63 Zhou Shoujuan, « Zhou xu », in Zhou Shoujuan (ed.), Yasen Luoping an quanji, op. cit., p. 1.

64 La version anglaise est la suivante : « I must confess that I had taken from it everything that possessed any interest or value, leaving there only a shell comb, a stick of rouge Dorin for the lips, and an empty purse. But, you know, business is business. And then, really, her husband is engaged in such a dishonorable vocation! », in Maurice Leblanc, The Exploits of Arsène Lupin, trad. Alexander Teixeira de Mattos, London, The Bodley Head Ltd., 1909, p. 139. Voici le texte original : « Que diable ! Les affaires sont les affaires. Et puis, vraiment, son mari exerçait un métier si peu honorable ! ». Voir Maurice Leblanc, Arsène Lupin, gentleman cambrioleur, Paris, Pierre Lafitte et Cie, 1907, p. 106.

65 Maurice Leblanc, « Chezhong guaike » [« Le Mystérieux Voyageur dans le train (Le Mystérieux Voyageur) »], trad. Zhou Shoujuan, in Zhou Shoujuan (ed.), Yasen Luoping an quanji, t. 24, Shanghaï, Dadong shuju, 1925, p. 25. La traduction de Wu Hesheng ressemble dans une large mesure à celle de Zhou Shoujuan. Voir Wu Hesheng, Yasen Luoping xiadaoan [L’Affaire du vol chevaleresque d’Arsène Lupin], Shanghaï, Chunming shuju, 1938, p. 134.

66 Nous avons abordé ce sujet dans une autre étude. Voir Chen Shuo-Win, « The Chivalrous Burglar of a Thousand Faces: Arsène Lupin and Sun Liaohong’s Legends of Lu Ping » [« Le Cambrioleur chevaleresque aux mille visages : les légendes de Lu Ping d’Arsène Lupin et Sun Liaohong »], Rivista degli Studi Orientali [Journal d’études orientales], vol. 93, Decembre 2020, pp. 151-167. L’œuvre la plus célèbre de cette série est Dongfang Yasen Luoping : Lu Ping [Arsène Lupin de l’Orient. Lu Ping] de Sun Liaohong. Le héros porte un nœud papillon rouge, a un grain de beauté rouge sur l’oreille gauche, fume des cigares turcs et se promène dans Shanghaï. Il fréquente des dancings, des concessions et des ports. Il lutte contre l’injustice en volant les riches pour aider les pauvres et les faibles.

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Pour citer cet article

Référence papier

Chen Shuo-Win, « « L’étrange voyage ! » : la traduction d’Arsène Lupin par Zhou Shoujuan au début de la République de Chine à Shanghaï »Babel, 47 | 2023, 179-204.

Référence électronique

Chen Shuo-Win, « « L’étrange voyage ! » : la traduction d’Arsène Lupin par Zhou Shoujuan au début de la République de Chine à Shanghaï »Babel [En ligne], 47 | 2023, mis en ligne le 30 juin 2023, consulté le 14 novembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/babel/14510 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/babel.14510

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Auteur

Chen Shuo-Win

Université nationale Chengchi

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