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Archipels

Archipels imaginaires, voyages en insularités

Valérie Michel-Fauré
p. 145-168

Résumés

L’île est l’objet de projections multiples, de mythes et légendes, tant sur le plan poétique que sur le plan romanesque, dans l’ensemble des cinq continents. Sujet de prédilection pour représenter l’exil et la solitude, volontaire ou involontaire, elle est ambivalente selon les contextes : le refuge ou la prison, le paradis ou l’enfer, la séparation ou les retrouvailles, l’arrivée ou le départ, l’immensité ou le lieu clos, la guerre ou la paix, l’utopie ou la dystopie, le profane ou le sacré. Plusieurs corpus incarnent cette pensée nomade et archipélique de l’insularité, entre réalité et fiction, récits de voyages. Ce parcours propose d’analyser en premier lieu l’approche d’auteurs-compositeurs qui ont marqué notre imaginaire populaire. En second lieu, les récits naturalistes, romans d’aventures et fantastiques, romances ont accompagné nos enfances et adolescences, tels des rituels de passage à l’âge adulte, découvrant des terres lointaines, étranges, inconnues, des espaces imaginaires ou réels, sauvages. Habitant nos inconscients collectifs, ces auteurs se révèlent aujourd’hui comme des lanceurs d’alerte, leur prise de conscience de l’impact de l’homme sur le vivant végétal et animal, anticipateurs des concepts d’écosophie, d’écologie littéraire, d’évocentrisme, de libre évolution, de littérature-monde, d’écologie humaniste.

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Texte intégral

« Une île est par définition fragile, nomade. Tout le monde a peur qu’elle se dissolve à un moment donné ou parte à la dérive ».

Erik Orsenna

1L’île, la notion d’insularité sont des sujets récurrents d’observation sensible et d’exploration utopique dans l’histoire transversale de la littérature et des arts. Tantôt mythique, merveilleuse, enchantée, rêvée, perdue ou encore mystérieuse, l’île est une source infinie d’inspiration pour les auteurs et écrivains, naviguant entre imaginaire, fiction et réalité.

L’île

2Dans la culture musicale populaire, auteurs et compositeurs ont célébré leur vision de l’île en un « atoll » poétique et musical qui a marqué en France l’imaginaire de générations d’auditeurs dans la seconde moitié du XXe siècle, proposant, à travers la transversalité « exil poétique / cartographie sensible / centre symbolique », un corpus de textes singuliers, parfois autobiographiques, tout en touchant à l’universel. Sur la longue durée, des projections similaires s’observent sur les cinq continents, où elles concernent l’ensemble des cultures.

L’île, un exil poétique

3Deux auteurs-compositeurs français ont ainsi donné un hymne à la tolérance en réunissant dans un espace mental imaginaire et poétique un inconscient cartographique collectif, deux îles géographiquement éloignées dans l’espace réel, l’une guadeloupéenne, l’autre bretonne. Belle-île-en-mer, Marie Galante, écrite à deux voix en 1985, s’inscrit en résonance avec la biographie de Laurent Voulzy (1948, -), son compositeur. Elle traduit particulièrement cette projection ambivalente de l’île comme lieu d’exil et d’accueil décrite par Alain Souchon (1944, -), son auteur.

« Belle-Île-en-Mer, Marie-Galante
Saint-vincent, loin Singapour, Seymour Ceylan
Vous, c’est l’eau, c’est l’eau qui vous sépare
Et vous laisse à part

Moi, des souvenirs d’enfance
En France, violence, manque d’indulgence
Par les différences que j’ai

Café léger, au lait mélangé
Séparé, petit enfant
Tout comme vous,
Je connais ce sentiment
De solitude et d’isolement

Belle-Île-en-Mer, Marie-Galante
Saint-Vincent, loin Singapour, Seymour Ceylan
Vous, c’est l’eau, c’est l’eau qui vous sépare
Et vous laisse à part

Comme laissé tout seul en mer
Corsaire
Sur terre
Un peu solitaire
L’amour, je l’voyais passer,
ohé-ohé
J’le voyais passer
Séparé, petit enfant
Tout comme vous
Je connais ce sentiment
De solitude et d’isolement

Belle-Île-en-Mer, Marie-Galante
Saint-Vincent, loin Singapour, Seymour Ceylan
Vous, c’est l’eau, c’est l’eau qui vous sépare
Et vous laisse à part

Karudea, Calédonie
Ouessant, vierge des mers
Toutes seules, tout l’temps
Vous, c’est l’eau, c’est l’eau qui vous sépare
Et vous laisse à part, oh-oh »1.

  • 2 Edouard Glissant, Traité du tout-Monde, Poétique IV, Gallimard, Paris, 1997, page 194.

4Le champ lexical choisi évoque un monde « à part » : tour à tour actif et passif, le verbe « séparer » fonctionne ici comme un leitmotiv ; la déclinaison « solitaire », « solitude », « loin », « isolement » caractérise l’insulaire d’outre-mer vivant sur ces îles « toutes seules, tout l’temps », qui rythme le texte comme les mouvements des vagues qui vont et viennent le long des rivages de ces sites emblématiques. Entre douceur de vivre et légendes de corsaires, les « souvenirs d’enfance » retracent le contraste entre cet univers poétique particulier pétri de « différences » et, sur le mode de la « violence », du « manque d’indulgence », l’écart d’avec les normes qui sont celles de la France continentale. Ce choc de cultures radicantes, au sens qu’Édouard Glissant donne à ce concept2, sur les côtes métropolitaines, témoigne de ce décalage par l’omniprésence de « l’eau qui nous sépare », récurrence symbolique.

La cartographie sensible

5La Carte de ou du Tendre est une carte imaginaire inventée au XVIIe siècle, inspirée de la Clélie, Histoire romaine (vers 1654-1660) de Mlle de Scudéry. Cette carte, traduction allégorique du parcours amoureux, a été gravée par le dessinateur François Chauveau qui a illustré le roman. Elle est devenue une source d’inspiration foisonnante par ses morphèmes géographiques révélateurs des sentiments humains comme La Fabrique des mots d’Erik Orsenna continue d’en témoigner en 2013. George Moustaki (1934-2013), alias Giuseppe – ou Yussef – Mustacchi, donne sa version de la Carte du Tendre en 1970. Auteur, compositeur, interprète, mais aussi peintre, écrivain et acteur italien, grec et français, il y dépeint les errances et déambulations des amants, de la rencontre à l’oubli, à travers un long voyage méditerranéen, maritime et terrestre, où se succèdent différents états de cette relation. L’auteur propose la lecture d’une cartographie sensible, expression d’une palette d’émotions, traduite en termes géographiques, mise en mots, mise en discours poétique :

« Le long du fleuve qui remonte
Par les rives de la rencontre,
Aux sources d’émerveillement,
On voit dans le jour qui se lève
S’ouvrir tout un pays de rêve,
Le tendre pays des amants.
On part avec le cœur qui tremble,
Du bonheur de partir ensemble,
Sans savoir ce qui nous attend.
Ainsi commence le voyage
Semé d’écueils et de mirages,
De l’amour et de ses tourments.

Quelques torrents de médisance
Viennent déchirer le silence
Essayant de tout emporter,
Et puis on risque le naufrage
Lorsque le vent vous amène au large
Des îles d’infidélité.
Plus loin le courant vous emporte
Vers les rochers de la discorde
Et du mal à se supporter.
Enfin la terre se dénude :
C’est le désert de l’habitude.
L’ennui y a tout dévasté.

Quand la route paraît trop longue,
Il y a l’escale du mensonge,
L’auberge de la jalousie.
On y déjeune de rancune
Et l’on s’enivre d’amertume.
L’orgueil vous y tient compagnie,
Mais quand tout semble à la dérive,
Le fleuve roule son eau vive
Et l’on repart à l’infini
Où l’on découvre au bord du Tendre
Le jardin où l’on peut s’étendre,
La terre promise de l’oubli, l’oubli »3.

  • 4 Charles Du Bos (1882-1939), Journal, 1923, p. 240. Il s’agit d’un passage où il évoque l’amour chez (...)

6L’élément eau, dans un esprit romantique, incarne le cycle de l’amour et de la vie, du « fleuve » originel de la rencontre, « aux sources d’émerveillement », au long « voyage semé d’écueils et de mirages ». Les aventures amoureuses s’apparentent à des « torrents », au risque du « naufrage » que l’élément air, à travers le vent, « amène aux large des îles d’infidélité », lieu clos, à l’abri des regards, où tout est permis. Le sens de l’île réside ici dans une parenthèse lointaine, fatale et dangereuse, du parcours amoureux au long cours, naviguant entre « écueils » et « rochers de la discorde ». Cette errance conduit à l’élément terre, au « désert », qui comme la mer, s’avère ponctué de termes rythmant le voyage : « route », « escale ». Plusieurs péchés capitaux guettent ce nomadisme Terrestre qui fait intervenir « habitude », « mensonge », « jalousie », « rancune », « amertume » ou « orgueil ». Une « dérive » qui marque la fin du voyage et le retout vers le fleuve, « eau vive », chemin de vie qui ramène au « jardin » de « l’oubli ». Cette cartographie retracée par l’écriture poétique de Moustaki rejoint un des sens figurés métaphoriques de l’île, lieu abstrait où s’exerce l’influence d’une pensée, d’un sentiment que Charles Du Bos glose en ces termes4 :

« L’amour [...] n’est jamais une île inaccessible, un jardin clos ou suspendu ; et s’il comporte toujours une invitation au voyage, toujours cette invitation est conçue dans un sens anti-baudelairien ».

7Arthur Rimbaud, quant à lui, en donne une autre version, poétique et allusive :

  • 5 Arthur Rimbaud (1854-1891), Le Bateau ivre, 1871.

« J’ai vu des archipels sidéraux ! et des îles
Dont les cieux délirants sont ouverts au vogueur »5.

L’île, centre symbolique

8L’île comme passage ou terme d’une quête initiatique, centre spirituel symbolique auquel on aborde après un long voyage, une navigation au long cours, un vol de longue haleine, est connue des mythologies des cinq continents : chez Homère, dans la quête du Graal et la légende du roi Arthur, autour du Nirvâna... Mystique, l’île est alors conçue comme un temple, un sanctuaire, lieu d’élection, de science et de paix : l’île blanche, le refuge. C’est ainsi que la Grande Bretagne a d’abord porté le nom d’Albion, dérivé de blanc.

9Une île, dont Serge Lama (1943, -) a été l’auteur et l’interprète en 1968 et Yves Gilbert le compositeur, évoque une référence historique emblématique – celle de Napoléon et de son isolement à Sainte-Hélène –en même temps que, solitaire, mélancolique, sauvage « face à la mer immense », elle personnifie un amour perdu : « Tout seul avec mes souvenirs », « Je t’ai quittée moi qui n’aime que toi », « comme un enfant qui dort », « mon île, c’est toi ». Elle exprime le manque, l’abandon, de Napoléon par son peuple, son pays, en miroir d’une rupture amoureuse dont les stigmates sont profonds.

« Une île, entre le ciel et l’eau
Une île sans hommes ni bateaux
Inculte, un peu comme une insulte
Sauvage, sans espoir de voyage
Une île, une île, entre le ciel et l’eau

Ce serait là, face à la mer immense
Là, sans espoir d’espérance
Tout seul face à ma destinée
Plus seul qu’au cœur d’une forêt
Ce serait là, dans ma propre défaite
Tout seul sans espoir de conquête
Que je saurai enfin pourquoi
Je t’ai quittée, moi qui n’aime que toi

Une île, comme une cible d’or
Tranquille, comme un enfant qui dort
Fidèle, à en mourir pour elle
Cruelle, à force d’être belle
Une île, une île, comme un enfant qui dort

Ce serait là, face à la mer immense
Là, pour venger mes vengeances
Tout seul avec mes souvenirs
Tout seul qu’au moment de mourir
Ce serait là, au cœur de Sainte-Hélène
Sans joie sans amour et sans haine
Que je saurai enfin pourquoi
Je t’ai quittée, moi qui n’aime que toi

Une île, entre le ciel et l’eau
Une île sans hommes ni bateaux
Inculte, un peu comme une insulte
Sauvage, sans espoir de voyage

Une île, cette île, mon île, c’est toi »6.

10L’île est ainsi envisagée comme une cristallisation allégorique des émotions humaines, lieu organique isolé, tantôt refuge bienveillant, île féérique ou paradisiaque, havre, oasis ; tantôt terre d’exil et de mort, île du diable, île mystérieuse, prison, oubliette.

Insularités

11Quelles odyssées, quelles mémoires d’insularités, d’îles mystérieuses ou fantastiques animent nos imaginaires littéraires ?

12Sur le plan étymologique7, le terme, dérivé d’insulaire auquel s’ajoute le suffixe -ité, proviendrait de l’anglais insularity, « état d’île », attesté dès 1755 au sens de « condition de vie sur une île », état d’un pays, d’un territoire formé d’une ou de plusieurs îles. Il prend en compte le caractère social, économique, culturel propre à une île.

13Le corpus littéraire auquel je vais maintenant m’attacher est conçu comme une odyssée archipélique dans les différentes composantes qui entrent dans la notion d’insularité. Les auteurs auxquels je vais m’intéresser portent des regards critiques singuliers devenus universels par la force de leur positionnement social, politique, économique ou culturel. Cela va de la notion d’utopie humaniste que la Renaissance lui associe aux dystopies modernes et contemporaines développées par les narrateurs lanceurs d’alerte des XVIIIe et XIXe siècles dans leurs récits naturalistes, d’écofiction, d’anticipation ou d’aventures.

L’île ou l’utopie

  • 8 Thomas More, Utopia, nouvel ordre mondial, Independently published, coll. Denuntiatio Mundi, 2022.
  • 9 Définition, histoire de l’apparition du concept.

14Le concept d’île rejoint la pensée utopique fondatrice de la cité Utopia élaborée en 1516 par Thomas More8 (1478-1535), en plein essor de la pensée humaniste et néoplatonicienne que connaît l’Europe de la Renaissance. Cette figuration insulaire résonne comme une métaphore, l’abstract d’un lieu de bonheur, eu-topos, hors du temps, situé nulle part, ou-topos. Thomas More, chancelier d’Henri VIII, écrivain et humaniste, ami d’Erasme, a conduit ce projet philosophique et métaphysique dans un esprit de tolérance au service de la liberté. Brossant le portrait d’un monde imaginaire pris en charge par l’idéal insulaire, il a construit un monde clos et, en même temps, ouvert, garantissant la liberté individuelle au sein du collectif, un espace-temps au rythme du vivant, reliant nature et culture, en équilibre. Ce fondement se prolonge aujourd’hui dans le concept d’évocentrisme9 :

  • 10 Thomas More, L’Utopie (1516), traduction de Victor Stouvenel, 1842, p. 30.

« En Utopie, les lois sont en petit nombre ; l’administration répand ses bienfaits sur toutes les classes de citoyens. Le mérite y reçoit sa récompense ; et, en même temps, la richesse nationale est si également répartie que chacun y jouit en abondance de toutes les commodités de la vie »10.

  • 11 Ibid., p. 4.

« À la partie opposée de l’île, on trouve des ports fréquents, et l’art et la nature ont tellement fortifié les côtes, qu’une poignée d’hommes pourrait empêcher le débarquement d’une grande armée »11.

Récits naturalistes ou l’île comme dystopie

Moby Dick

15Deux récits naturalistes de la deuxième moitié du XIXe siècle, l’un américain, l’autre britannique, proposent une relecture de l’idée insulaire touché par des métaphores dystopiques.

  • 12 Herman Melville, Redburn, 1849, chapitre 33.

« Chaque navire est en lui-même une île, une colonie flottante de la tribu à laquelle il appartient »12.

  • 13 Herman Melville, The Whale, puis Moby-Dick, Richard Bentley, 1851, Londres puis Harpers & Brothers (...)

16Côté américain, il s’agit de Moby Dick13, œuvre phare d’Herman Melville (1819-1891) dont la carrière littéraire, inégale, est étroitement liée à celle de marin. Son expérience, qui lui a fait fréquenter mers et océans, a inspiré cette traduction de l’enfer sur mer, dans le sillage d’ouvrages antérieurs d’aventures exotiques et autobiographiques. Avec Moby Dick, partiellement sous la pression de ses créanciers, il donne un récit maritime fantastique et écologique. Il y interroge l’évolution de la société industrielle de son temps, ses enjeux philosophiques, politiques, environnementaux, le rapport de l’homme à la nature et sa domination autoritaire sur le vivant. Cette fiction mystique rompt avec l’ordre biographique pour s’attacher à l’histoire du Pequod, baleinier conçu comme une île dont le capitaine, Achab, est obsédé par un grand cachalot blanc : Moby Dick. Survivant de l’aventure, le narrateur, Ishmaël, alias Melville, homme cultivé et féru de littérature, analyse les profils psychologiques des membres de l’équipage et les événements qui émaillent ce huis-clos abyssal dans les moindres détails dans un récit qui entrecroise descriptions, réflexions personnelles, références théoriques et littéraires. Le réalisateur américain John Huston en offrira en 1956 une traduction cinématographique remarquable, adaptée pour l’écran par Ray Bradbury, avec notamment l’acteur Gregory Peck qui campe un capitaine Achab halluciné, despotique maître à bord vaincu par les forces de la nature. Aujourd’hui, le roman de celui en qui Camus voyait un « créateur de mythes », semble avoir frayé la voie au Traité historique de l’ONU portant sur l’Accord sur la protection de la haute mer. Signé en mars 2023 après quinze ans de discussions, il prévoit de protéger la biodiversité marine et d’encadrer le partage des ressources en haute mer, espace qui couvre la moitié de la Terre.

L’île du docteur Moreau

  • 14 H. G. Wells, The Island of Dr.Moreau, Londres, Heinemann, 1896 puis L’île du docteur Moreau, Paris, (...)

17Un autre récit naturaliste à tendance fantastique de cette fin du XIXe siècle, L’île du docteur Moreau14 de H. G. Wells, prend le contrepied de l’île enchantée, île féerique des contes de fées où les vœux se réalisent, où règne le bonheur parfait... Notre rapport au vivant animal se trouve également interrogé par Wells dans un essai antérieur, publié en 1895 dans une revue scientifique, sur la chirurgie plastique et l’expérimentation animale. Adepte de la science-fiction et, plus précisément, du genre de l’anticipation, il n’aura cessé de sonder l’avenir tout au long d’une œuvre singulière qui inclut La machine à explorer le temps (1895) et La guerre des mondes (1898). Contraint de s’aliter à la suite d’un accident sportif, il dévore livre sur livre, voyageant à travers mondes et personnages, et, devenu romancier, signe des scientific romances mais aussi des satires sociales. Ainsi de l’essai romancé Une Utopie moderne, publié en 1905, qui propose la découverte par deux Terriens d’une sœur jumelle de la Terre, donnant voix à l’utopie d’un État Mondial reposant sur un équilibre masculin/féminin, un refus du racisme, une économie confiée à l’humanité libérée par la machine.

18Le narrateur de L’île du docteur Moreau, Edward Pendrick, un jeune scientifique anglais, est le survivant d’un naufrage. Il est secouru par Montgomery, un homme étrange qui l’introduit dans un univers insulaire hybride humain / animal entre greffes, interventions chirurgicales, manipulations génétiques, emprise sectaire. Les « hommes-bêtes » vivent dans un village et obéissent à « la Loi », un ensemble de règles interdisant tout comportement « primitif » et imposant la vénération de Moreau, qu’ils appellent « Maître », maître d’une île « prison » et « enfer ». Cette Loi, toutefois, certains la transgressent, dévorant des lapins. Surtout, l’assassinat du docteur Moreau par un de ses sujets d’« expérience », l’Homme-Puma, remet en cause l’équilibre fragile de l’île. Montgomery est tué, Pendrick s’échappe, retourne en Angleterre mais, traumatisé, il continue de voir le reflet des monstres de Moreau parmi les hommes. Cette histoire incarne, entre autres, le combat précurseur mené par Wells, vrai lanceur d’alerte, contre la vivisection et l’expérimentation animale.

19Dès 1913, le cinéma s’emploie à traduire en images cette pensée anticipatrice de notre évolution contemporaine quant à notre rapport au vivant. À cet égard, Erle C. Kenton signe un chef d’œuvre du cinéma fantastique américain. Réalisé en 1932, L’Île du docteur Moreau tranche sur les adaptations cinématographiques antérieures par sa liberté d’expression au service de la traduction de l’épouvante, par l’expressin de la sensualité de ces êtres hybrides et par son humour acerbe. Le docteur Moreau y est incarné par Charles Laughton, Frankenstein pervers, psychopathe et mégalomane qui règne sur un micro-monde insulaire dont il a édicté lois et interdits. Ce film transgressif fascine encore aujourd’hui artistes rock, punk et transgenres qui s’inspirent toujours de son imagerie comme de ses personnages emblématiques comme la femme panthère.

20Une version plus contemporaine de L’île du Docteur Moreau, signée de John Frankenheimer et où Marlon Brando interprète le rôle du médecin, a été diffusée au cinéma en 1996. Richard Stanley était pressenti pour en être le réalisateur, il en a finalement été le premier scénariste, coauteur censuré et débarqué du projet pour son adaptation réaliste du roman, découvert dans son enfance. Son projet, élaboré sur quatre années, était de situer l’action en Australie, dans le Queensland, une région particulièrement sauvage. Il souhaitait mettre en place un récit parallèle témoignant d’une pratique réelle, historique, celle du Blackbirding, répondant au récit fantastique de Wells, métaphore de l’exploitation animale. Entre les années 1860 et le début du XXe siècle, des dizaines de milliers de Mélanésiens ont été importés, le plus souvent de force, afin d’approvisionner en main d’œuvre les mines et plantations de coton et de canne à sucre des colons Australiens. Leurs conditions de vie et de travail étaient celles d’esclaves comme celles des êtres hybrides de Wells. Leur déportation forcée s’est achevée en 1901 par un rapatriement contraint dans leurs îles d’origine, paradis perdus...

Romans d’aventures ou l’île comme satire sociale

21Les romans d’aventures explorent les limites entre imaginaire et réalité en vue de plonger le lecteur dans une structure narrative active, déplaçant le vécu dans un contexte décalé, révélateur d’une projection critique. Ces îles inconnues fantasmées depuis le XVIe siècle pour ne rien dire du précédent platonicien offrent à leurs créateurs l’opportunité de fabriquer des « machines à rêves », des « îlets » et « archipels » de jeux interdits, quêtes initiatiques, leçons de survie ou chasses au trésor pour des publics curieux et ouverts.

Les Voyages de Gulliver

22Les déambulations imaginaires de l’enfance sont souvent révélatrices de nos projections symboliques d’adultes comme en témoignent Les Voyages de Gulliver écrits par Jonathan Swift en 1721.

  • 15 Jonathan Swift, Les Voyages de Gulliver, Paris, Gallimard, « Folio classique », 1976 (1726), Préfac (...)

23Les Voyages de Gulliver15, ou Voyages extraordinaires de Gulliver, sont des traductions abrégées de la version originale : Travels into Several Remote Nations of the World. In Four Parts. By Lemuel Gulliver, First a Surgeon, and then a Captain of Several Ships. Ce roman satirique dont une première version, en 1726, fut censurée et modifiée par son éditeur avant d’être complétée en 1735, forme un pilier de la littérature occidentale. En France, il paraît pour la première fois en 1727 sous le titre de Voyages du capitaine Lemuel Gulliver en divers pays éloignés.

24Le récit, écrit à la première personne, est découpé en quatre parties : le voyage à Lilliput, la cité des nains ; le voyage à Brobdingnag, la cité des géants ; le voyage à Laputa ; le voyage au pays des Houyhnhnms.

25Lilliput est une île imaginaire située dans l’océan Indien, à proximité de lAustralie. Elle est habitée par les Lilliputiens, des hommes de six pouces de haut – soit une quinzaine de centimètres – en guerre permanente avec l’île voisine de Blefuscu. L’influence de ce récit dans l’inconscient collectif européen est si prégnante que naîtra en 1878 l’adjectif « lilliputien », qui intègre le Dictionnaire de l’Académie française pour indiquer une petitesse extrême. Gulliver, chirurgien de marine, s’y retrouve à la suite d’un naufrage. La description qu’il en livre permet à l’auteur, dédouané par ce dispositif narratif, de livrer une critique politique et sociale de la société britannique sous couvert de métaphores et de fantastique. La société lilliputienne semble plus avancée que l’Angleterre de son époque. Au cours des multiples péripéties qui l’y attendent, Gulliver découvre l’origine absurde de la guerre entre Lilliput et Blefuscu : un roi a voulu imposer le côté par lequel devaient être cassés les œufs à la coque, déterminant un affrontement entre les clans des « Gros-boutistes » et des « Petits-boutistes ». pris au piège de ces conflits, Gulliver n’a plus, au terme de cette étape, qu’à s’enfuir et à retourner en Angleterre. L’herbe est-elle plus verte sur ces îles inconnues ? Rien n’est moins sûr à en juger par la réalité qui nous est montrée.

26Nouvel avatar de l’île, Brobdingnag, quant à elle, se situe dans l’océan Pacifique, entre le Japon et l’Amérique. Comme un pendant à Lilliput, tous les Brobdingnagiens sont des géants. L’un d’entre eux emmène Gulliver dans sa ferme, où une petite fille, qu’il surnomme Glumdalclitch, s’occupe de lui. Acheté par la cour de Brobdingnag, il y devient un objet de curiosité pour le roi et ses courtisans, et le favori de la reine. Exposant pour le souverain le système politique anglais, à nouveau les critiques fusent sans que, là encore, elles puissent être directement imputées à l’auteur. Cette fois encore, Gulliver n’a d’autre choix que l’évasion, en une scène rocambolesque lors de laquelle il est emporté par un aigle puis repêché par des marins avant de retrouver l’Angleterre, où il a un temps l’impression de dominer par sa taille ses compatriotes. « L’inquiétante étrangeté » marque l’aventurier de retour d’un long voyage vers des îles lointaines, périphériques et décentrées par rapport à son existence passée qu’il retrouve comme un étranger, tel Ulysse de retour à Ithaque.

27Laputa est une île volante, flottant au-dessus du pays de Balnibarbi grâce à un système magnétique complexe recouvert d’un cristal protecteur. Fer de lance de la société britannique, la noblesse s’en sert comme d’une arme pour menacer ceux qui refuseraient de payer leurs impôts, jetant des pierres sur les maisons en contrebas, assiégeant les cités, précipitant l’île sur la tête des manants. Hors-sol, obsédés par l’astronomie, les mathématiques et la physique, les Laputiens ont perdu toute perception du reel. Gulliver quitte ce monde qui ne lui correspond pas et redescend sur terre. Le monde d’en bas est maintenu dans la misère pour alimenter les recherches scientifiques. Gulliver découvre l’existence de l’académie de Lagado et ses spéculations folles : un chercheur tente de recréer de la nourriture à partir de matière fécale, un autre crée une machine à générer des écrits aléatoirement, étrange prophétie de notre réalité numérique contemporaine, I.A. et autres Chat GPT. Dans ce nouvel episode, la science, réduite à ses dérives extremistes, prend des allures de dogme religieux coiffant la raison.

28Gulliver découvre à Luggnagg des êtres immortels appelés Struldbruggs. D’abord enthousiaste, il réalise que leur jeunesse n’est pas éternelle mais que leur vieillissement les plonge dans une existence spectrale entre oubli et aigreur où, irascibles, ils sont haïs de tous. Le gouverneur de l’île est un nécromancien qui donne à Gulliver la possibilité d’échanger sur l’île des sorciers, île magique, Glubbdubdrib, avec de grandes figures telles qu’Alexandre le Grand ou Hannibal Ceux-ci lui révèlent des vérités cachées sur l’histoire des hommes et Gulliver prend conscience que l’histoire telle qu’il la connaît est bâtie sur de nombreux mensonges et erreurs.

  • 16 Pierre Boulle, La Planète des singes, Paris, Julliard, 1963.

29Les Houyhnhnms, chevaux superbes et intelligents parvenus au sommet de la raison et de la sagesse, habitent un pays où ils règnent en maîtres des Yahoos, animaux répugnants au piètre comportement qui, au grand désespoir de Gulliver, se révèlent être des humains. Swift pose ici une question anticipatrice de nos réflexions contemporaines : où passe la différence entre un être humain et un animal ? Et cette différence, est-elle significative ou de simple façade ? Doit-on avoir honte d’être humain ? Il est rejoint dans son questionnement et dans son interprétation inversée de l’évolutionnisme par Pierre Boulle qui, dans La Planète des singes16, met en scène la domination d’un autre mammifère qu’Homo-sapiens.

  • 17 Jonathan Swift, Les Voyages de Gulliver, Ebooks libre et gratuits, (1721), traduit par l’abbé Desfo (...)

« Il nous est aisé, à nous autres voyageurs, qui allons dans les pays où presque personne ne va, de faire des descriptions surprenantes de quadrupèdes, de serpents, d’oiseaux et de poissons extraordinaires et rares. Mais à quoi cela sert-il ? Le principal but d’un voyageur qui publie la relation de ses voyages, ne doit-ce pas être de rendre les hommes de son pays meilleurs et plus sages, et de leur proposer des exemples étrangers, soit en bien, soit en mal, pour les exciter à pratiquer la vertu et à fuir le vice ? C’est ce que je me suis proposé dans cet ouvrage, et je crois qu’on doit m’en savoir bon gré »17.

L’île mystérieuse

  • 18 Jules Verne, L’île mystérieuse, Paris, Hetzel, 1875.
  • 19 Daniel Defoe, The Life and Strange Surprizing Adventures of Robinson Crusoé, 1719.
  • 20 Johann David Wyss, Le Robinson suisse, Zurich, 1812.

30Le récit de L’Île mystérieuse18 de Jules Verne s’inspire de façon évidente du roman phare du genre Robinson Crusoé19 de Daniel Defoe et de sa variation, Le Robinson suisse20 de Johann David Wyss. Jules Verne revendique cette filiation dans son roman comme dans une lettre adressée à son éditeur, Pierre-Jules Hetzel. Cet ouvrage relate les aventures de cinq personnages et d’un chien qui, fuyant le siège de Richmond où ils étaient retenus prisonniers pendant la guerre de Sécession, s’échouent sur une île inconnue qu’ils baptisent l’île Lincoln. S’appuyant sur la diversité de leurs compétences, ils s’efforcent de reconstituer une communauté de vie sur cette île déserte où les attendant bien des dangers et où ils seront témoins d’étranges phénomènes. Certains personnages s’inscrivent dans la continuité de Vingt mille lieues sous les mers et des Enfants du capitaine Grant. Cette survie insulaire convoque l’espace mental îlien traverse par les notions d’abandon, de mystère, d’hostilité, de sauvagerie, mais aussi de rédemption et d’espoir :

  • 21 Jules Verne, L’île mystérieuse, Ebooks libres et gratuits, 1875, dernier paragraphe page 773.

« Là, enfin, tous furent heureux, unis dans le présent comme ils l’avaient été dans le passé ; mais jamais ils ne devaient oublier cette île, sur laquelle ils étaient arrivés, pauvres et nus, cette île qui, pendant quatre ans, avait suffi à leurs besoins, et dont il ne restait plus qu’un morceau de granit battu par les lames du Pacifique, tombe de celui qui fut le capitaine Nemo ! »21.

31Ce propos de Jules Verne sera traduit à maintes reprises de 1929 à 2012, au cinéma et en séries télévisées, dans une hybridité générique entre science-fiction et épouvante, de The mysterious Island réalisé par Lucien Hubbard, librement adapté du roman de Jules Verne, peuplé de créatures monstrueuses et d’humanoïdes inconnus, à Mysterious Island réalisé par Mark Sheppard en 2010, dans lequel l’île devient un enfer pour ceux qui la peuplent, venus de différentes époques à la suite d’un accident spatio-temporel.

L’île au trésor

  • 22 Robert Louis Stevenson, Treasure Island, 1883, Cassell & Company, Londres. Le livre a été édité en (...)

32L’île au trésor22, ce roman d’aventures et de piraterie écrit par Robert Louis Stevenson est d’abord paru dans un magazine écossais pour enfants, Young Folks, entre 1881 et 1882 sous la forme d’un feuilleton hebdomadaire signé « Captain George North » puis, après modifications, les livraisons ont été réunies en ouvrage. Il précède L’étrange cas du docteur Jekill et de M. Hyde, paru en 1886. Souffrant de problèmes de santé dès l’enfance, Stevenson se construit un univers littéraire de compensation, insulaire et nomade. Son monde imaginaire est précisément cartographié, et Stevenson le décrit dans ses moindres recoins en août 1894 :

« Je dessinai la carte d’une île. Elle était soigneusement et très joliment coloriée. Sa forme emportait mon imagination au-delà du raisonnable. Elle recélait des ports qui me charmaient comme des sonnets. Je nommai mon chef d’œuvre “l’île au trésor” [...] la carte était l’élément clé de mon intrigue [...] je pourrais presque dire qu’elle était toute l’intrigue ».

  • 23 Stevenson (coll.), Mappa Insulae, Marseille, Editions Parenthèses, 2019, pp. IV et VII.

« Celui qui reste fidèle à la carte la consulte et en tire son inspiration tous les jours et à toute heure, y trouvera un appui efficace... Le récit plonge ses racines dans la carte, il croît sur ce terreau ; au-delà des mots, il construit sa propre colonne vertébrale » 23.

33Stevenson propose une cartographie sensible de l’île comme protocole de mise en récit de l’insularité, ce territoire singulier dont les contours et la morphologie ont inspiré ses personnages, leurs psychologies, leurs présences physiques, la carte, comme il l’avoue, commandant le texte : « La carte était l’élément clé de mon intrigue », « Le récit plonge ses racines dans la carte ». L’écrivain établit une relation organique entre cette pensée de l’île, réelle ou imaginaire, son dessin et son dessein, de l’image / concept au texte, à la mise en mots.

L’île refuge

  • 24 Claire Paulhan, Port-Cros, Le sentier des écrivains, Gallimard, Parc national de Port-Cros, 2015.

34L’île, cet espace délimité ouvrant sur l’isolement et favorisant le recul critique, se fait refuge potentiel pour les écrivains qui y trouvent un territoire d’investigation, une source d’inspiration et comme une manière d’atelier d’écriture. Bien réelle, située dans l’archipel des îles d’or, protégeant la presqu’île de Giens et la rade d’Hyères, l’île de Port-Cros s’est révélée « un refuge littéraire » emblématique et mythique sur la longue durée de l’histoire24. Depuis Rabelais qui s’y serait rendu pour écrire son Tiers Livre (1546) en passant par Eugène-Melchior de Voguë et son drame romantique Jean d’Agrève (1897), nombre d’écrivains y ont séjourné pour se ressourcer et y faire œuvre. À la fin de la Première Guerre mondiale, un triangle amoureux formé de Marceline Henry, de son amant Claude Balyne et de son mari Marcel Henry va, aidé du couple Buffet, faire renaître cette île endormie et sauvegarder son « sortilège » et son « enchantement » en reprenant l’Hostellerie puis le Manoir comme en témoigne Balyne dans L’île fée en 1929.

35À partir de 1925, l’île deviendra ainsi le siège estival de La Nouvelle Revue Française dont le directeur, Jean Paulhan, s’installe avec sa famille dans un fort, La Vigie, pour « vivre dans les bois », accueillant pour des séjours plus ou moins longs le poète Jules Supervielle, qui se rend au Fort du Moulin depuis les années 1920, Henri Michaux, André Gide, Saint-John Perse, proche voisin de la presqu’île de Giens où il a jeté son « ancre », qui vient en voilier... Dans l’esprit des romans d’aventures et des récits naturalistes, ils ont constitué des communautés de lecture, d’écriture, d’échanges, d’observation du vivant, à l’écart du continent, à l’écart du monde. Questionnant la notion de civilisation, ils repensent l’évolution du rapport de l’homme à la nature pour proposer un concept de « libre évolution », s’imprégner de la simplicité de cet « état sauvage » retrouvé. À l’instar d’Henri David Thoreau auteur, en 1854, de Walden ou la vie dans les bois, Paulhan recherche cette simplicité quotidienne, essentielle, tout en partageant ce havre de paix avec une communauté d’écrivains britanniques à qui il fait bon accueil. Parmi eux, D. H. Lawrence, qui devra toutefois renoncer à Port-Cros pour des raisons de santé : atteint de tuberculose, il ne pourra résister à la rusticité du mode de vie et à la rudesse du climat automnal et hivernal sur l’île.

  • 25 Marcel Arland (1899-1986) écrivain, historien, critique littéraire, et scénariste, académicien en 1 (...)

36Pour préserver Le Refuge, les Henry auront été sur tous les fronts, comme le rappelle Marcel Arland25 :

  • 26 Marcel Arland, Ce que fut la Vigie, 1973.

« Que de luttes et de vigilance pour préserver lîle, la sauver du feu, des emprunts, des jaloux, des acheteurs, des interminables procès ! Ils y sont voués jusquà leur mort. Cétait pour eux une patrie plus quun bien. Nous lavons partagée »26.

37Leur engagement aboutira au classement de l’île en Parc national, acté par André Malraux, en 1963.

  • 27 Henry Bordeaux (1870-1963). Également avocat, l’écrivain entre à l’Académie en 1919.
  • 28 Henry Bordeaux, La fée de Port-Cros ou la voie sans retour, Paris, Les deux sirènes, 1924.

38Toute une communauté d’écrivains aura été fascinée par le site et la vie insulaire singulière qu’il offre, dans cette première moitié du XXe siècle. Henry Bordeaux27 en tire un roman intitulé La fée de Port-Cros28 ou la voie sans retour dont une nouvelle edition, en 1924, est dédicacée au romancier et académicien Paul Bourget qui habitait la maison Hyéroise Le Plantier de Costebelle, patrimoine architectural, historique et botanique emblématique. Celle-ci a été labellisée « Maison des illustres » en 2017. Il y a notamment reçu Edith Wharton, Joseph Conrad ou André Gide et Henry Bordeaux :

« MON CHER MAITRE,

Je vous offre cet ouvrage avec lespoir que vous en aimerez le cadre et la passion sincère.

  • 29 Ibid., p. 1.

Il rend hommage à la beauté de ces Iles dOr dont vous pouvez apercevoir, de votre ville dHyères, les mystérieuses forêts qui tachent de vert la mer bleue. Et il tente dexprimer cette mélancolie de la volupté qui, après avoir répandu tant de grâces émouvantes sur la nature éternelle et la vie passagère, agite, comme une eau corrompue, le fond ténébreux et impur de la sensibilité. [...] Je sollicite pour ce petit livre lindulgence du précieux artiste des Sensations dItalie comme de lanalyste impitoyable de Crime damour... »29.

39Ce livre s’ouvre sur la présentation des protagonistes de cette « romance naturaliste ». Deux amis animent une trame narrative à deux voix au fil des rencontres que leur reserve la route. Hervé d’Erlouan, aventurier contemplatif, capitaine d’infanterie, est l’auteur d’un journal intime qui se dévoile au fil des pages. Son proche lecteur, homme de lettres et critique littéraire, est le narrateur anonyme, témoin de sa vie aventureuse d’une trentaine d’années, qui brosse en introduction son portrait. L’ouvrage commence par la dernière séquence de l’histoire d’amour d’Hervé, reprise en boucle dans l’épilogue. Ce premier chapitre évoque l’ultime rencontre d’Hervé avec son amour éternel et impossible, « la fée de Port-Cros », Flora, connue lorsqu’elle avait 18 ans, six ans auparavant. C’est l’élément déclencheur de la lecture de l’ensemble des journaux d’Hervé par son ami, qui va opérer comme une machine à remonter le temps, une enquête biographique permettant de revivre à travers les mots l’histoire d’amour d’Hervé dont l’île de Port-Cros est le cadre, l’écrin symbolique.

40Dans la préface à cette nouvelle édition de 1924, l’auteur évoque « son île » où, après un premier séjour de jeunesse enchanteur, il revient, vingt-cinq ans plus tard, pour retrouver l’empreinte de ses traces :

  • 30 Ibid., p. XI.

« Me voilà parti dans le sentier que mes pas retrouvent [...]. Elles ne savent pas que cette île ma appartenu, si la jeunesse est une prise de possession »30.

41Le ton est donné sur la matière insolite de l’île de Port-Cros, d’une autre nature que celle des rivages hyérois, propre à la nature insulaire :

  • 31 Ibid., p. I.

« Dans les temps anciens, une grande tempête – peut-être celle qui éloigna le prudent Ulysse d’Ithaque et de la sage Pénélope – dut arracher un morceau de la terre grecque et l’amener comme un vaisseau de haut bord en face de la côte provençale. Car l’île de Port-Cros ressemble aux îles de Grèce. Elle est haute sur les eaux, montagneuse et boisée. Elle a je ne sais quel charme d’Orient. C’est une merveille. On ne la connaît pas assez »31.

42Il évoque également l’aménité environnementale de cette île et son sentiment d’isolement monacal, bénéfique pour tout écrivain :

  • 32 Ibid., p. III.

« La première semaine, on regrette journaux et lettres. Bien vite, on s’habitue et même on arrive à maudire l’arrivée du bateau qui trouble la quiétude où l’on vivait en compagnie des pêcheurs, des eaux, des pins et du ciel [...]. Port-Cros a dans la mer et le soleil un aspect de jeunesse éternelle »32.

43Il rejoint l’évocentrisme des récits naturalistes, une écologie humaniste développée par l’existence dans ce lieu initiatique, centre spirituel et naturel, hors de tout impact autoritaire ou totalitaire de l’humain sur le monde du vivant et du non vivant, sur le cycle et le rythme de la nature.

44L’immersion sensorielle dans ce cadre exceptionnel passe par la mémoire, singulièrement par la mémoire olfactive, et Henry Bordeaux d’énumérer toutes les plantes endogènes qui colorent le charme de ce souvenir de « l’île enchantée » que célèbre tout le lexique – « inspiré », « mystérieuses », « envoûtement », « enivre », « un rêve aux pays inconnus » :

  • 33 Ibid., p. VI.

« ... lentisque à baies rouges qu’on trouve aussi en Corse, le myrte, l’immortelle qui fleure la grenadine, le ciste, le romarin aux petites fleurs bleu pâle qui fleurit quatre fois, et le cinéraire, et l’euphorbe, pose un parfum spécial, un mélange, comme disent les femmes, qui ne peut se confondre avec nul autre parfum. Qui l’a respiré une fois, a subi l’envoûtement de Port-Cros »33.

45Ce récit sensible est construit par la lecture de journaux intimes, carnets de bord qui servent l’introspection. Homodiégétique, le narrateur inclut par ce procédé le lecteur dans l’histoire racontée. Au chapiter V du roman dont le titre, symbolique, est L’embarquement pour Cythère, le narrateur emmène son amoureuse Flora sur le Courrier-des-Iles, bateau assurant la liaison entre Toulon et les îles d’or. Là encore, il magnifie le rôle de refuge singulier qu’assume Port-Cros. Île d’aventures qui se superpose à la Carte du Tendre de Moustaki, elle sera leur écrin de solitude partagée près de trois mois durant :

  • 34 Ibid., p. 78.

« – Je ne crois pas encore que c’est vrai, fit-elle d’une voix étouffée. Dites-moi, vous que c’est vrai.
– Oui, nous naviguons vers le bonheur.
Elle répéta :
– Vers le bonheur.
Et j’ajoutai
– Il habite une île déserte »34.

  • 35 Ibid., p. 83.
  • 36 Ibid., p. 83.
  • 37 Ibid., p. 103.
  • 38 Ibid., p. 106.
  • 39 Ibid., p. 143.

46Tous les points de vue sont ici abordés, tout ce que comporte le concept d’île, y compris celui d’île vierge : « avant d’atterrir aux pays sauvages »35, « bouquet de verdure »36, « notre île sauvage et accidentée »37, « notre Port-Cros silencieux et sauvage »38, « un endroit sauvage »39.

  • 40 Ibid., p. 84.

« Seule, la nature ne laisse pas à ses ouvrages la marque du temps, alors que les œuvres des hommes portent le poids des jours, et même extraient de cette empreinte du passé et de ce sentiment de la mort une beauté spéciale, bien capable d’émouvoir les êtres périssables que nous sommes »40.

  • 41 Ibid., p. 119.

47Au moment de s’éloigner de « son » île, lorsqu’il se retrouve au large « sur la mer éternelle »41 ou entre terre et mer, Hervé exprime son attachement et son exaltation :

  • 42 Ibid., p. 110.

« Maintenant nous sommes loin de la côte, et loin encore de l’île. Au-dessus de nous, c’est la beauté immuable et toujours nouvelle du ciel étoilé, cette beauté qui dilate le cœur des hommes en y versant la secrète angoisse de l’infini, le vivant sentiment de Dieu »42.

48Au chapitre VIII, intitulé La fin du bonheur, il décrit la couleur de ses sentiments et de ceux de sa jeune compagne au rythme des saisons, des tonalités, senteurs et matières du paysage insulaire de Port-Cros, conjuguant à plusieurs reprises le verbe oublier. C’était composer une île d’oubli, à l’écart du monde et du temps, face au destin en passe de séparer les deux amants réfugiés sur ce bout de terre et de forêts : lui, militaire, partant pour deux ans en campagne au Soudan, elle, jeune Génoise retournant dans la basse ville de Toulon.

  • 43 Ibid., p. 148 sq.

49L’auteur entre alors dans un processus de sacralisation de l’île43, relique de leur amour et de leur vie commune. Tous deux doivent quitter « le magique décor » de leur tendresse. Leur dernier parcours dans l’île s’apparente à « un pèlerinage », « Flora envoie un baiser à cette solitude qu’elle ne reverra pas » , en contrepoint de ce désespoir « après l’abandon de Port-Cros » :

  • 44 Ibid., p. 150.

« jamais plus nous n’habiterons ensemble cette île enchantée »44.

l’espoir renaît d’un éternel retour dans ce paradis à échelle humaine, “je reviendrai”,

  • 45 Ibid.

« je me ferai désigner pour le poste de Port-Cros. Nous repasserons ensemble par tous les sentiers de notre île »45.

  • 46 Ibid., p. 199.

« Y a-t-il un talisman qui permet de retrouver ses jours perdus et de les vivre deux fois ? »46.

50Après deux ans de séparation, les deux amants se retrouvent par hasard sur le port de Toulon, Flora est en couple avec un officier de Marine, Hervé, comme prévu, est nommé à Port-Cros. Comme il va rejoindre son poste et embarque sur le Courrier des îles, la silhouette de Flora apparaît...

  • 47 Ibid., p. 203.
  • 48 Ibid., p. 205.

« Rien n’a changé autour de nous. Mon île est restée immuable dans sa grâce ardente et délicate »47.
« Quand nous pénétrions dans les bois de pins ou d’oliviers [...] il nous semblait que nous éveillions aussi tout un monde endormi de souvenirs. [...] j’imaginais que nous traversions quelqu’un de ces bois sacrés dont l’accès est interdit aux simples mortels »48.

  • 49 Ibid., p. 206.

51L’immutabilité de cette « île immuable » est mentionnée à plusieurs reprises, soulignant le contraste entre la vie passée et présente des deux amants sur l’île, tous deux ayant changé et s’étant éloignés. La séparation n’a pas été seulement temporelle et spatiale, c’est aussi psychologiquement qu’ils ont évolué de manière différente mais quelques jours passés sur l’île suffisent pour que soit réactivée la Carte du Tendre et que l’on mesure la mutabilité des sentiments :« Oui, tout était pareil, excepté nos deux cœurs »49. L’île se transforme alors en prison pour le narrateur, prisonnier de son passé, de ses souvenirs, de sa jalousie. Sa compagne soudain réinvente, en réaction, cette mémoire commune en « île d’infidélité », voire « un enfer ». Les amants se séparent à nouveau, par orgueil, et le journal se referme sur cette dernière séquence d’un ultime abandon.

  • 50 Ibid., p. 220.

« Cette île, que je considérais comme un séjour enchanté et peuplé des heureuses images de mon passé, m’apparaît déserte et morte comme l’île du Levant »50.

52En « Épilogue », une nouvelle rencontre avec l’ami qui lit son journal donne à Hervé l’occasion de lui raconter de son point de vue sa dernière entrevue avec Flora, comme en contrepoint au récit du premier chapitre. Quatre années ont passé jusqu’à cette rencontre, « Port-Cros n’était plus qu’un point à l’horizon ». L’échange a lieu au Casino de Monte-Carlo où Flora lui révèle que la trahison supposée lors de leur retour à Port-Cros n’était qu’une invention.

53À travers ce dernier exemple symbolique de la fantasmagorie de l’île comme reflet des sentiments humains, en symbiose avec ses habitants, Henry Bordeaux propose avec La fée de Port-Cros une vision inverse de celle de Stevenson, qui part de la carte pour aller vers l’écriture. Ici, l’auteur part des journaux et carnets intimes, de la vie réelle, pour construire ses voyages d’île en île, sa Carte du Tendre, ses descriptions métaphoriques, ses fictions symboliques. Il établit une symbiose entre le narrateur et l’île de Port-Cros, organique, vivante, espace mental éternel conçu par les deux amants mortels, paradis perdu, utopie amoureuse au sens premier du terme hors de l’espace et du temps des hommes et tout postule que cette polysémie de l’île est une fontaine de jouvence qui jamais ne sera tarie :

  • 51 Umberto Eco, « Pourquoi l’île n’est jamais trouvée », in Construire l’ennemi, Paris, Grasset, 2014.

« Aujourd’hui encore, nos fantasmes sur les îles évoluent entre le mythe d’une île qui n’existe pas, c’est-à-dire le mythe de l’absence, celui d’une île qui est en trop, c’est-à-dire le mythe de l’excédent, celui d’une île non trouvée ou mythe de l’imprécision, et celui d’une île non retrouvée, c’est-à-dire le mythe de l’insula perdita. Et ce sont quatre histoires différentes »51.

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Bibliographie

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Henry Bordeaux, La fée de Port-Cros ou la voie sans retour, Les deux sirènes, Paris, 1924.

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Umberto Eco, « Pourquoi l’île n’est jamais trouvée », in Construire l’ennemi, Paris, Grasset, 2014.

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Johann David Wyss, Le Robinson suisse ou Histoire d’une famille suisse naufragée, e-artnow, 2023.

Sitographie :

https://www.lyrics.com/lyric/9891684/Belle-%C3%8Ele-En-Mer+Marie-Galante

https://www.paroles.cc/chanson,la-carte-du-tendre,12643

https://www.paroles.cc/chanson,une-ile,18942

https://www.cnrtl.fr/definition/insularit%C3%A9

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Notes

1 https://www.lyrics.com/lyric/9891684/Belle-%C3%8Ele-En-Mer+Marie-Galante

2 Edouard Glissant, Traité du tout-Monde, Poétique IV, Gallimard, Paris, 1997, page 194.

3 https://www.paroles.cc/chanson,la-carte-du-tendre,12643

4 Charles Du Bos (1882-1939), Journal, 1923, p. 240. Il s’agit d’un passage où il évoque l’amour chez Browning.

5 Arthur Rimbaud (1854-1891), Le Bateau ivre, 1871.

6 https://www.paroles.cc/chanson,une-ile,18942

7 https://www.cnrtl.fr/definition/insularit%C3%A9, Étymol. et Hist.1840 (Ac. Compl. 1842). Dér. sav. de insulaire* ; suff. -(i)té*; cf. l’angl. insularity « état d’île » (1790 ds NED), attesté dès 1755 au sens de « condition de vie sur une île ».

8 Thomas More, Utopia, nouvel ordre mondial, Independently published, coll. Denuntiatio Mundi, 2022.

9 Définition, histoire de l’apparition du concept.

10 Thomas More, L’Utopie (1516), traduction de Victor Stouvenel, 1842, p. 30.

11 Ibid., p. 4.

12 Herman Melville, Redburn, 1849, chapitre 33.

13 Herman Melville, The Whale, puis Moby-Dick, Richard Bentley, 1851, Londres puis Harpers & Brothers publishers, New-York. Aujourd’hui Herman Melville, Moby Dick, Paris, Flammarion, 2020, traduction d’Henriette Guex-Rolle.

14 H. G. Wells, The Island of Dr.Moreau, Londres, Heinemann, 1896 puis L’île du docteur Moreau, Paris, Mercure de France, 1901, traduction Henry-D. Davray. Aujourd’hui, L’île du docteur Moreau, Paris, Gallimard, « Folio Junior », 2010.

15 Jonathan Swift, Les Voyages de Gulliver, Paris, Gallimard, « Folio classique », 1976 (1726), Préface de Maurice Pons, traduction de Jacques Pons.

16 Pierre Boulle, La Planète des singes, Paris, Julliard, 1963.

17 Jonathan Swift, Les Voyages de Gulliver, Ebooks libre et gratuits, (1721), traduit par l’abbé Desfontaines en 1727, p. 269.

18 Jules Verne, L’île mystérieuse, Paris, Hetzel, 1875.

19 Daniel Defoe, The Life and Strange Surprizing Adventures of Robinson Crusoé, 1719.

20 Johann David Wyss, Le Robinson suisse, Zurich, 1812.

21 Jules Verne, L’île mystérieuse, Ebooks libres et gratuits, 1875, dernier paragraphe page 773.

22 Robert Louis Stevenson, Treasure Island, 1883, Cassell & Company, Londres. Le livre a été édité en France en 1885 par J. Hetzel.

23 Stevenson (coll.), Mappa Insulae, Marseille, Editions Parenthèses, 2019, pp. IV et VII.

24 Claire Paulhan, Port-Cros, Le sentier des écrivains, Gallimard, Parc national de Port-Cros, 2015.

25 Marcel Arland (1899-1986) écrivain, historien, critique littéraire, et scénariste, académicien en 1968.

26 Marcel Arland, Ce que fut la Vigie, 1973.

27 Henry Bordeaux (1870-1963). Également avocat, l’écrivain entre à l’Académie en 1919.

28 Henry Bordeaux, La fée de Port-Cros ou la voie sans retour, Paris, Les deux sirènes, 1924.

29 Ibid., p. 1.

30 Ibid., p. XI.

31 Ibid., p. I.

32 Ibid., p. III.

33 Ibid., p. VI.

34 Ibid., p. 78.

35 Ibid., p. 83.

36 Ibid., p. 83.

37 Ibid., p. 103.

38 Ibid., p. 106.

39 Ibid., p. 143.

40 Ibid., p. 84.

41 Ibid., p. 119.

42 Ibid., p. 110.

43 Ibid., p. 148 sq.

44 Ibid., p. 150.

45 Ibid.

46 Ibid., p. 199.

47 Ibid., p. 203.

48 Ibid., p. 205.

49 Ibid., p. 206.

50 Ibid., p. 220.

51 Umberto Eco, « Pourquoi l’île n’est jamais trouvée », in Construire l’ennemi, Paris, Grasset, 2014.

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Pour citer cet article

Référence papier

Valérie Michel-Fauré, « Archipels imaginaires, voyages en insularités »Babel, 46 | 2022, 145-168.

Référence électronique

Valérie Michel-Fauré, « Archipels imaginaires, voyages en insularités »Babel [En ligne], 46 | 2022, mis en ligne le 31 décembre 2022, consulté le 17 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/babel/14108 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/babel.14108

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Valérie Michel-Fauré

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