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1Marie-Stéphane Bourjac était une de ces personnalités que l’on n’oublie pas. Avec Marie-Thérèse Garcia, elles m’ont accueillie de façon très maternelle à l’Université de Toulon où Marie-Stéphane avait fondé la filière LEA et LLCER Espagnol. Marie-Stéphane était une femme douée pour la politique. Elle savait défendre les intérêts de sa discipline avec une sagacité, une conviction et une énergie hors du commun. C’est avec beaucoup d’affection que je dédie à sa mémoire cette étude sur le songe politique d’un auteur qui, bien qu’étoile moins brillante qu’un Cervantès ou qu’un Camõens, a contribué à l’éclat de ce siècle d’or hispanique qu’elle appréciait tout particulièrement.
- 1 López de Vega, Antonio, Sueño del perfecto señor, sueño político. Toutes les citations contenues da (...)
- 2 Bernardino Fernández de Velasco contracte mariage en 1624 avec Isabel de Guzmán, sœur du gendre du (...)
- 3 « Ardiente luz, que a tu divina esfera… ». Poème de López de Vega dans San Joseph, Fr. Diego de, Co (...)
- 4 Guzmán, Bernardino de, Lírica poesía. La critique s’est intéressée à la Fábula de Polifemo contenue (...)
- 5 « Yo tenía muchas nuevas del autor, y ahora he cogido buena parte de conocimiento desta muestra suy (...)
- 6 Jauralde Pou, Pablo, Francisco de Quevedo (1580-1645), p. 134, 189-190.
2Antonio López de Vega est déjà connu comme poète à Madrid lorsque, en 1626, il adresse sa première œuvre en prose, Sueño del perfecto señor, sueño político1, à celui qui, deux ans plus tôt, est entré dans la parentèle du comte-duc d’Olivarès : le jeune connétable de Castille Bernardino Fernández de Velasco2. Au frontispice de l’ouvrage, López de Vega se dit son secrétaire. La présence à la cour de cet auteur est attestée dès 1614 lorsqu’il participe à un concours poétique organisé au moment des festivités entourant la béatification de sainte Thérèse de Jésus3. En 1620, il donne à la publication éditoriale un premier recueil poétique en trois langues, castillan, italien et portugais, mettant en valeur tant la richesse linguistique de la monarchie hispanique que les trois traditions poétiques dont il cultive les codes4. Durant l’été 1626, c’est grâce à la censure favorable de Felix Hortensio Paravicino, qui dit avoir déjà entendu beaucoup parler de l’auteur, et à l’approbation de Pedro Fernández Navarrete, que le songe politique, rédigé entièrement en castillan, reçoit l’autorisation nécessaire du Conseil de Castille pour être imprimé5. Un an après, en 1627 seront imprimés Los sueños de Francisco de Quevedo, lesquels circulent déjà de façon manuscrite pour la plupart d’entre eux (depuis 1605)6. Mais le songe politique de López de Vega n’a rien de satirique. Il n’est pas redevable comme le sont ceux de Quevedo de la tradition de la satire ménippée, ni de la veine littéraire inspirée de Lucien de Samosate.
3Le récit de López de Vega s’étend depuis le processus physiologique de l’endormissement jusqu’au réveil et au retour à la réalité. Le rêve a un début et une fin et ces limites fondent son statut onirique, enchâssé dans un récit cadre. Soudain transporté jusqu’aux portes d’un édifice somptueux décrit avec minutie et exhaustivité, le narrateur est ébloui par tant de beauté architecturale. Il se figure qu’il est la résidence de quelque propriétaire dispendieux ou bien celle d’une divinité. C’est alors qu’en sort une Matrone majestueuse et belle qui lui dit être la Philosophie. Elle lui révèle qu’il se trouve devant l’entrée des deux temples de l’Honneur et de la Vertu. En tant que prêtresse de ces temples, son rôle consiste à guider les pas de ceux qui y parviennent de sorte qu’ils n’aient d’accès au temple de l’Honneur qu’en passant d’abord par celui de la Vertu. Mais avant de les y conduire, elle leur apprend à connaître la Vertu dans son Académie où elle amène le narrateur. Commence alors un long discours de la Philosophie qui ne prendra fin qu’au terme du récit. La Philosophie va y traiter longuement du rôle et de la formation du noble parfait, des vertus qu’il doit cultiver et des vices qu’il doit fuir pour remplir excellemment son rôle dans le corps social et être digne de son rang. Admiratif de tout ce qu’il voit et entend, le narrateur est d’autant plus disposé à écouter les conseils qu’il projette d’être à son tour celui qui en transmettra la substance à son seigneur et maître. Au terme de son instruction, les portes du temple de la Vertu s’ouvrent devant lui, dans une clarté si éblouissante qu’elle provoque son réveil ; il est aussitôt projeté dans la réalité du monde dont il s’empresse de déplorer l’ignorance et la perversion. Le récit s’achève sur ce désenchantement et prend corps la décision de raconter fidèlement le rêve. L’ouvrage se clôt sur le moment de la narration, un des marqueurs classiques du récit onirique.
- 7 Teresa Gómez Trueba, El sueño literario, p. 162-163.
- 8 Miguel Áviles, Sueños ficticios y lucha ideológica en el Siglo de Oro, p. 31-105.
4Dans son ouvrage sur le genre du rêve littéraire en Espagne, Teresa Gómez Trueba classe celui de López de Vega parmi les rêves sérieux de type didactique et doctrinal7. Miguel Avilés avait montré que le songe est le genre littéraire dont les implications idéologiques découlent de la distance qu’introduit le récit onirique entre narrateur rêveur et narrateur en veille. Il en concluait qu’il était un des genres les plus aptes à porter une voix dissonante, qu’elle soit satirique ou simplement critique, car le masque du narrateur rêveur ôte en quelque sorte la responsabilité de l’auteur sur le contenu du rêve8. Si López de Vega se sert bien et avant tout de la force visuelle du rêve littéraire, apte à emporter l’adhésion du lecteur, il n’en fait cependant pas une arme satirique ou critique. Au contraire le songe semble apporter son soutien, avec subtilité et parfois avec ambigüité, aux projets politiques de la monarchie. Pour l’évaluer, notre attention se portera sur la double tradition dont nous semble relever ce rêve politique mais aussi et surtout sur l’usage du motif antique des deux temples de l’Honneur et de la Vertu dont López de Vega nous offre une variation. La stratégie pragmatique qu’elle induit et les thématiques qu’elle met en jeu nous paraissent en effet se mettre subtilement au service des projets politiques contemporains du comte-duc d’Olivarès, le puissant ministre de Philippe IV.
- 9 Pierre Courcelle, « La postérité chrétienne du Songe de Scipion ».
- 10 Cicéron, La République. Le destin, Livre VI, chapitres 11-14. Juan Luis Vives considérait le Songe (...)
- 11 Macrobe, Commentaire du Songe de Scipion, Livre 1, chapitre IV, p. 25-26. Les cinq catégories défin (...)
- 12 Ibid.
5L’ouvrage rend hommage à une tradition ancienne dès son titre. Depuis le célèbre Songe de Scipion, inséré dans le livre VI de la République de Cicéron, dont le commentaire par Macrobe assura la postérité au Moyen Âge et à la Renaissance9, rêve et politique ont partie liée. Cicéron y raconte comment Scipion l’Africain apparaît en songe à son petit-fils adoptif, Scipion Emilien, pour lui annoncer l’avenir politique qui l’attend et comment, après la mort, les hommes qui « ont contribué au salut, à la prospérité et à l’accroissement de leur patrie » trouvent une place dans le ciel « pour vivre avec bonheur une vie éternelle »10. Le commentaire que fait Macrobe du Songe de Scipion est très connu pour avoir recensé cinq catégories de songes définis depuis l’Antiquité, cinq genres de « ces figures bizarres et confuses que nous apercevons en dormant »11. Mais il insiste aussi sur la description par le Songe de Scipion des récompenses attribuées après la mort aux « vertueux administrateurs de la chose publique »12, liant par là le contenu du songe à la vie de la cité, mais aussi à sa dimension prédictive pour ceux qui doivent exercer la vertu au service du bien commun.
6En effet, si la dimension médicale des rêves accomplis par les hommes ainsi que leurs causes physiologiques et humorales furent étudiées par la tradition thérapeutique depuis Hippocrate et Galien, c’est le rêve comme magasin de choses vues, vécues, entendues et à déchiffrer qui donna lieu d’une part à un large courant de productions sur l’interprétation des rêves mais aussi au genre littéraire du songe, par ses affinités avec la fable, et comme réservoir d’éléments issus de l’imagination de l’homme.
- 13 Quillet, Jeannine, « Songes et songeries dans l’art de la politique au XIVe siècle ».
7L’Onirocritique d’Artémidore de Daldis, un médecin du IIe siècle après Jésus-Christ, originaire d’Asie Mineure, avait en effet fondé toute une tradition livresque de l’interprétation des rêves qui s’étendit par-delà la Renaissance. Son œuvre constitue aujourd’hui encore une source étudiée lors des cursus universitaires de psychologie ou de psychanalyse. Dans le premier livre de son Onirocritique, Artémidore propose une classification des songes qu’il partage entre rêve et vision de songe, cette dernière pouvant signifier l’avenir. Les visions de songe sont à leur tour divisées en deux catégories, théorématiques (dont l’accomplissement a pleine ressemblance avec ce qu’ils ont fait voir) et allégoriques (les songes qui signifient certaines choses à partir d’autres choses). Les songes allégoriques sont eux-mêmes répartis selon cinq domaines : personnels, non personnels, communs, politiques et cosmiques. Artémidore définit donc très tôt un type de songe allégorique à contenu politique dont se sont emparés le Moyen Âge et la Renaissance13.
- 14 Citons l’exemple de Jérôme Cardan, médecin milanais, détenteur de la chaire de médecine de Bologne (...)
- 15 Kagan, Richard L., Los Sueños de Lucrecia, p. 59-63.
8Un des problèmes était en effet celui de la portée divinatoire des rêves et l’origine divine éventuelle de certains d’entre eux, points sur lesquels les penseurs et théologiens avaient du mal à trancher et qui valurent des poursuites aux esprits indépendants14. En Espagne dès 1530, dans son ouvrage Reprobación de las supersticiones y hechicerías, Pedro Ciruelo se positionne contre l’astrologie judiciaire. Il propose lui aussi une classification des rêves en fonction de trois causes : naturelle, morale et théologique sans pour autant trancher le problème de l’inspiration divine des rêves ou de leurs causes naturelles, qui avait déjà occupé saint Augustin et, à sa suite, les théologiens médiévaux15. La portée de l’ouvrage de Ciruelo peut être mesurée à l’aune de ses onze rééditions entre 1530 et 1577.
9Selon Ciruelo, les songes d’origine morale étaient dus à l’activité du jour antérieur et survenaient plus particulièrement :
[…] a los hombres dedicados a los negocios y a la educación [que] por la mucha dedicación que de día ponen en las cosas en que se ocupan: la fantasía del hombre está muy puesta en pensar en aquellas cosas, no solamente cuando vela, mas aun durmiendo se representa muchas de aquellas cosas, y algunas veces ordenadamente, otras desconcertadamente; de aquí viene que los que andan muy codiciosos en mercaderías, o en pleitos, o en cuestiones muy dificultosas de ciencias; algunas veces en sueños aciertan mejor en ver lo que deben hacer y en que se han de determinar en sus cosas que cuando velan y se fatigan en pensar mucho en ellas.16
10Ciruelo attribue donc à l’imagination (fantasía) l’origine des images qui se forment dans les rêves des hommes occupés à des tâches marchandes ou éducatives. Une telle description renvoie au moins à un trait saillant du rêve que López de Vega prête au narrateur de son Sueño político, celui de la vocation éducative du contenu rêvé, lisible à double titre : d’une part, parce que le personnage de la Philosophie assume explicitement la fonction de guide instructeur au sein de l’espace rêvé et, d’autre part, par la préoccupation constante du narrateur, manifestée pendant et après le rêve, de transmettre à son seigneur et maître tout ce qu’il a vu et entendu. Instruit en rêve par la Philosophie, il pourra à son tour faire connaître ce savoir qui touche aux valeurs de l’honneur et à l’éthique des vertus. La publication éditoriale de l’ouvrage l’offrira enfin au lecteur. Est ainsi assise la valeur édifiante de l’ouvrage.
11Dans la construction du rêve que nous étudions, convergent plusieurs sources d’inspiration : la longue tradition antique où les rêves allégoriques et politiques sont répertoriés, mais aussi une inspiration plus récente, humaniste, qui fait le lien entre rêve et imagination et inclut la vocation édifiante du songe.
- 17 Gómez Trueba, Teresa, op. cit., p. 206-253.
12Teresa Gómez Trueba, qui a défini les marqueurs du rêve littéraire en Espagne, montre que le Sueño político de López de Vega en constitue une variante sérieuse et didactique17. La fiction du songe y est rapidement installée, la part du discursif y est supérieure à celle du narratif. Le voyage onirique transporte le narrateur rêveur en un espace insolite et inconnu de lui ; y apparaissent un ou plusieurs personnages dont l’un lui servira de guide. La fin du rêve et le retour à la réalité sont brièvement traités. Le récit utilise la première personne du singulier. L’identification du narrateur rêveur à l’auteur accentue l’effet doctrinal.
- 18 Dumora-Mabille, Florence, op. cit., p. 265-282.
- 19 Galland-Hallyn, Perrine, Les Yeux de l’éloquence, p. 123-135.
- 20 Romagnigno, Roberto, Théorie(s) de l’ecphrasis entre Antiquité et première modernité.
- 21 Quintilien, Institution oratoire, Tome V, Livre IX, 2, 40.
- 22 Marc Fumaroli, L’Âge de l’éloquence. Rhétorique et « res literaria » de la Renaissance au seuil de (...)
- 23 Posada, Adolfo R., « ¿Écfrasis o hipotiposis?: enargeia y retórica visual en la poesía del Siglo de (...)
13D’autres études se concentrent davantage sur la force visuelle du rêve. Elles y cherchent les affinités du rêve avec la fiction mais aussi les effets pragmatiques du récit sur le lecteur. Florence Dumora-Mabille a, par exemple, magistralement décrit la façon dont les théories successives de la force visuelle superlative du rêve fondent sa relation avec la fiction18. Perrine Galand-Hallyn a démontré, quant à elle, que le rêve qui présente les choses vues et vécues comme des évidences rencontre à la Renaissance le concept rhétorique d’enargeia (évidence, illustration, hypotypose définies par l’Institution oratoire de Quintilien)19. Roberto Romagnigno a décrit l’héritage antique de l’enargeia rhétorique, sa transmission par les poétiques médiévales et ses applications dans le monde des lettres de la première modernité dans les usages de l’ecphrasis et de ses figures voisines20. Par cette figure « vive » et « véhémente », l’orateur offre « l’image des choses, si bien représentée par la parole que l’auditeur croit plutôt la voir que l’entendre »21. Cet effet de présence et son caractère d’évidence, que Marc Fumaroli présente comme la caractéristique de l’art du prêche chez les jésuites22, sont au fondement des figures de l’ecphrasis et de l’hypotypose, deux figures dont les frontières sont extrêmement poreuses à la période dont nous parlons23 et qui président aux ressorts poétiques et rhétoriques du rêve littéraire.
- 24 Colonna, Francesco, Le Songe de Poliphile, p. VII-XXIX. Les gravures de l’Hypnerotomachia servirent (...)
- 25 Ce sont les bois gravés qui illustrent la traduction française de 1546.
- 26 Blanco, Emilio, « Nihil ingrediatur mali: puertas y portones en la literatura emblemática barroca » (...)
14La première vision du rêveur dans le Sueño político semble bien relever en effet de l’ecphrasis architecturale, par la présence évidente du monument qu’elle décrit « en détail » et qu’elle met sous les yeux par les mots, suivant les termes de Quintilien. Là encore, cette association du voyage onirique et des descriptions architecturales a un modèle prestigieux, le Songe de Poliphile attribué à Francesco Colonna. Les magnifiques gravures sur bois qui furent adjointes à l’édition française de ce texte en 1546 lui assurèrent le succès dans l’Europe du temps24. Il ne s’agit pas pour le narrateur rêveur du songe politique de López de Vega de retrouver son aimée lors d’un voyage complexe comme le fait le héros-narrateur Poliphile à la rencontre de Polia. Mais la description minutieuse de l’édifice face auquel se trouve transporté le narrateur au début du songe rappelle les décors d’architecture antique traversés par Poliphile dans le livre I de l’Hypnerotomachia Poliphili25. Il rappelle aussi les portes monumentales dont les colonnades ornent les frontispices richement décorés de certaines œuvres imprimées ou encore les façades monumentales des emblèmes récemment étudiés par Emilio Blanco ou par Christian Bouzy26.
- 27 Courcelle, Pierre, op. cit.
15L’effet de seuil se produit d’autant mieux que la vision de l’édifice somptueux correspond au moment précis du transport onirique. L’amorce narrative « me pareció que me hallaba a las puertas de un suntuosísimo edificio, de labor y arquitectura peregrina » [1r-1v] projette le lecteur dans le récit du songe par la vision extraordinaire de l’espace rêvé, alors que le passage précédent décrivait par contraste le processus physiologique du sommeil du narrateur comme petite mort. La description initiale de l’inertie du corps dans le sommeil (« testigo de la mortalidad ») avec la suspension des sens qu’il suppose sert d’incipit à l’ouvrage. Elle est elle-même une réminiscence du topos de la mort vivante et de la vie mourante dont Pierre Courcelle a montré qu’elle était caractéristique de toute la postérité chrétienne du Songe de Scipion de Cicéron27.
16Le contraste saisissant qui s’en suit se prolonge dans l’éblouissement visuel suscité par une clarté brillante : « La forma de la fábrica era más prolongada, que ancha, la materia imperceptible de luciente ». L’écriture descriptive progresse depuis la vision d’un ensemble flamboyant « resplandor tan excesivo, que más parecía dos pirámides de llama » [1v-2r] jusqu’à l’attention portée aux détails architecturaux et structurels. Chaque partie est située par rapport à l’ensemble. La description suit la ligne ascendante de la façade, ses colonnes, ses chapiteaux, et l’ornement des niches qui culmine par un frontispice occupé par une statue en majesté : « Más arriba se mostraba en medio del frontispicio otro nicho mayor, y en él, una soberana y agradable Diosa, sentada en trono real, ornada también de flores la cabeça » [2v]. À ses pieds, apparaît une inscription latine : « Vera Felicitas ». La lumière claire et transparente domine, accompagnée par la bigarrure précieuse des jaspes incrustés sur les colonnes et les reflets du bronze des statues. Des guirlandes de fleurs à la fraîcheur sans pareille figurent un printemps éternel. La vie du végétal rencontre la solidité monumentale de l’édifice (« las paredes altas, como de muralla »).
17La précision de l’exposition, détaillée et minutieuse, est servie par un style expressif. L’hyperbole des superlatifs, les comparaisons suggestives qui ornent la description, la multiplication des verbes indiquant la mobilisation de la vue convergent pour offrir une vive représentation. L’ecphrasis s’offre dans toute la panoplie de ses signes formels et stylistiques ; fulgurance de la vision, exhaustivité de la description par parties, situation des objets les uns par rapport aux autres, lignes structurantes, évocations des couleurs, des textures, de la lumière : tout l’ensemble est un appel au sensible.
18Le narrateur, comme premier spectateur d’une telle beauté, la reçoit par les sens : « Mirando y admirando, indeterminado i confuso, fábrica tan suntuosa y solitaria […] ». L’effet poétique produit par cette illusion parfaite et évidente est l’ « admiratio », traduite également par l’incompréhension du narrateur face à un tel spectacle. La puissance de monstration de l’ecphrasis en appelle de fait aux affects plus qu’à l’intellect. L’incompréhension du narrateur « indeterminado y confuso » manifeste la vision comme énigme à déchiffrer. L’apparition du personnage de la Philosophie va mettre le narrateur sur le chemin de l’intellection.
19Après l’usage poétique de l’ecphrasis qui joue de l’émotion, prend effet sa dimension rhétorique pour instruire et persuader. Le personnage de la Philosophie rend intelligible la vision pour le rêveur et pour le lecteur :
Este edificio (me respondió con alegre semblante) encierra los dos Templos de la Virtud y del Honor, recibidos en sus entrañas, i venerados de la antigua Roma […] y ahora desterrados de las Cortes, y edificados en estas asperezas por algunos fieles imitadores del valor antiguo […] imitando solo de su traza el edificarlos juntos y consecutivos, con tal arte, que aunque distintos, solo por el de la Virtud hay paso abierto al del Honor. Esto quieren enseñar las nueve Musas que miraste encima deste pórtico, y sobre ellas la verdadera Felicidad, a cuyo trono se sube por medio de las Artes. [3r-4v]
- 28 Néologisme que j’emprunte à Florence Dumora-Mabille, op. cit., p. 262. Elle l’emploie comme adjecti (...)
20L’interprétation symbolique des éléments architecturaux par la Philosophie fonde son rôle de guide, l’un des marqueurs du rêve littéraire selon Teresa Gomez Trueba, mais aussi sa fonction d’initiatrice. Le déchiffrage de l’espace rêvé ouvre sur l’argumentaire développé dans le discours direct de la Philosophie et au terme duquel le narrateur, instruit en rêve, reviendra au monde, éclairé par son nouveau savoir. À l’éblouissement initial et « énargique »28, répond l’illumination finale du rêveur qui succède immédiatement à la fin du discours de la Philosophie sur les obligations des princes et des seigneurs :
Miró (como queriendo proseguir) la sabia Matrona, quando esto dixo, a unas suntuosas puertas de luciente metal (que en la misma Aula hacían correspondencia, y proporción a las principales, y a mi juicio debían ser las que daban entrada al primer Templo de la Virtud) y abriéndose con ruido de armonía celeste, y no de asombro del oído, inundó por ellas tan inmenso golfo de luz, que excedida en mí la esfera de la potencia visiva, ciego, y oscuro entre la claridad de tan soberanos resplandores, i separado de mí mismo con el sobresalto de la admiración incapaz de tanta gloria, me pareció caer de pechos en tierra. [36r]
21À son réveil, brutal, le narrateur s’exclame « o inmensidad de gloria desconocida! o siglo ignorante y perverso contra ti mismo! o príncipes o señores! » [36v]. Parachevant le double effet rhétorique de l’ecphrasis et du discours, le retour à la réalité marque la prise de conscience du narrateur, instruit et convaincu par les choses vues et entendues lors du transport onirique et de la puissante vision qui l’a éclairé. Sa désillusion est à la mesure de sa prise de conscience.
22L’excipit érige le lecteur en juge ultime du récit et invite à l’interprétation idéologique du contenu édifiant : « Recíbalo el que se agradare, como idea, y el que lo condenare, como sueño » [36r].
23Jouant sur l’ambiguïté fondamentale du songe comme illusion, sur sa fugacité essentielle mais aussi sur sa force de conviction, l’appel au lecteur lui offre d’adhérer au modèle proposé ou de le rejeter. Il rappelle le lien fondateur entre songe et politique, dont il importe désormais de comprendre les enjeux.
- 29 Weber, Henri, « Le temple allégorique de Froissart à la Pléiade ».
- 30 Lemaire de Belges, Jean, Le Temple d’Honneur et de Vertus.
24Le motif des deux temples de la Vertu et de l’Honneur, qui sert de support à la description de l’espace rêvé du Sueño político, renvoie à la tradition poétique du temple allégorique dont le genre a été particulièrement cultivé à la Renaissance29. Dans l’usage que fait López de Vega de ce motif, on en trouve quelques traits : architecture allégorique, guide, contenu moral, doctrinal ou politique, lesquels recoupent quelques marqueurs du rêve littéraire déjà décrits. Souvent utilisé pour célébrer une famille de mécènes ou pour rendre un hommage funèbre à quelque personnage important ou au protecteur, le genre culmine en France avec Le temple d’Honneur et de Vertus (1504) de Jean Lemaire de Belges30.
- 31 Guardiola, Benito, Tratado de nobleza, chap. 1, f. 1r.
- 32 Saint-Augustin, Œuvres (La Cité de Dieu), Livre V, chapitre XII, p. 194-195.
- 33 Moreno de Vargas, Bernabé, Discurso de la nobleza de España, discours premier, f. 2r.
- 34 BNE, Ms 7840, ff. 203 et 210.
25Mais le motif des deux temples de la Vertu et de l’Honneur apparaît surtout à la fin du XVIe siècle et au début du XVIIe siècle dans la littérature nobiliaire espagnole. Déjà, Juan Benito Guardiola ouvre son Tratado de Nobleza (1591) avec ce motif, tout en se référant à La Cité de Dieu de saint Augustin dans les notes marginales31. Saint Augustin reprend lui-même le motif de l’Histoire Romaine de Tite-Live32. En 1622, le premier des vingt-quatre Discursos de la nobleza de España de Bernabé Moreno de Vargas explique la grandeur des Romains en se référant à l’édification des deux temples du temps de la Rome antique33. López de Vega ne cite pas Tite-Live dans le songe politique qui n’est pas un traité et ne présente aucune note marginale. Mais son lien avec la maison du connétable de Castille, revendiqué au seuil de l’œuvre, nous autorise à penser qu’il a pu consulter les volumes de Tite-Live dans la magnifique bibliothèque de la famille Fernández de Velasco dont l’inventaire nous est parvenu34. Par ailleurs, si chez Moreno de Vargas ou chez Guardiola le motif est cité de façon assez brève, chez López de Vega il structure le récit.
- 35 Cicéron, La Nature des dieux, Livre II, chap. 67.
- 36 Tite-Live, Histoire romaine, Tome XVII, Livre XXVII, chap. 25, 7-9.
- 37 Badami, Claude, La Traduction grecque des Res Gestae Divi Augusti, p. 72-89 ; Jacotot, Mathieu, Que (...)
26Afin de comprendre les implications politiques de ce motif, il convient de remonter à son origine et aux textes antiques. Le motif des deux temples d’Honneur et Vertu met historiquement en jeu les figures des deux héros militaires romains Marcellus et Fabius Maximus qui se sont illustrés durant les guerres puniques. D’après Cicéron, Fabius fut à l’origine de la construction du temple consacré à Honos, près de la prestigieuse porte Capène à Rome, pour honorer sa famille d’origine patricienne. Marcellus le fit restaurer en mémoire de ses propres exploits militaires et ordonna que le temple consacré à Honos le fût également à la divinité Virtus35. La pensée républicaine romaine insiste en effet sur la valeur intégratrice de Honos grâce à l’exercice de la Virtus par l’accès permis à la citoyenneté. Tite-Live met quant à lui l’accent sur le problème de droit religieux qui se pose au moment de la modification du temple. Selon sa version des faits, les religieux romains s’opposèrent à ce qu’un temple unique fût consacré à deux divinités. Marcellus dut donc ordonner l’édification d’un autre temple consacré à Virtus, à côté du premier36. Au problème religieux, s’ajoute une question de rivalité sociale. Ainsi, la gens Marcelli était issue d’une branche plébéienne de la gens Claudia, au contraire de la gens Fabia qui faisait partie du patriciat romain. La modification par Marcellus du temple initialement édifié par Fabius aurait constitué une notable captation du prestige de la gens Fabia par la gens Marcelli. La commission religieuse chargée d’examiner la demande s’y opposa, avec d’autant plus de vigueur que Fabius lui-même en faisait partie37.
27Le motif des deux temples permet dès lors de rendre hommage à une conception de l’honneur qui prend sa source dans la valeur militaire et donc dans la valeur de l’exploit individuel au service du bien commun, tel que le décrivait déjà Cicéron dans le Songe de Scipion. En y recourant, Guardiola et Moreno de Vargas rappellent l’importance des hauts faits individuels dans l’attribution de l’honneur par le souverain. Dans le songe de López de Vega, le personnage de la Philosophie ‒ qui instruit le narrateur sur ce qu’il convient au noble parfait ‒ encourage aussi les exercices corporels comme une bonne préparation à l’art militaire où le noble devra s’illustrer.
- 38 Rodríguez Velasco, Jesús D., « El Tractatus de insigniis et armis de Bartolo y su influencia en Eur (...)
- 39 L’opposition entre les thèses de Diego de Valera dans Espejo de la verdadera nobleza (1441) et cell (...)
- 40 Guillén Berrendero, José Antonio, La Edad de la nobleza, p. 80-85.
- 41 Pérez, Béatrice, « Une noblesse en débat au XVe siècle. Sang, honneur, vertu ».
28Mais la rivalité sociale qui se joue entre gens Fabia et gens Marcelli donne au motif des deux temples un relief particulier. Un groupe traditionnaliste au prestige ancien s’oppose à l’accès aux honneurs d’un autre groupe à l’ascension sociale récente et désireux de valoriser l’exploit individuel en complément de l’honneur dû à l’ancienneté du lignage. Recourir dès lors à un tel motif dans les années 1620 en Espagne et le rendre structurant dans un récit, fût-il fictionnel, contribuent en réalité à prolonger un débat important qui eut lieu au XVe siècle sur la source de la noblesse, à la suite de l’influence du juriste Bartole au sein de l’intelligentsia hispanique. Bartole avait jeté les bases juridiques d’une monarchie comme source de la noblesse contre la noblesse ancienne, féodale, qui ne reconnaissait que le lignage38. Il avait également mis l’accent sur la vertu individuelle comme source d’honneur. En Castille, l’opposition entre Diego de Valera et Fernán Mexía est très connue. Valera reprend les idées de Bartole pour les adapter aux lois castillanes39. Il conçoit avant tout la noblesse comme une dignité caduque parce qu’elle dépend de l’octroi de l’honneur par le roi. Fernán Mexía défend la noblesse de lignage et fonde l’idée de noblesse sur des critères biologiques. Pour Valera, l’exercice de la vertu individuelle est également selon lui une actualisation de la noblesse reçue. Au Portugal, royaume d’origine de López de Vega, Jerónimo Osorio avait également défendu le concept d’une vertu propre à la noblesse40. On sait également que cette conception bartoliste de la noblesse appuyée sur l’arsenal juridique castillan vient interférer dès le XVe siècle avec les statuts de pureté de sang qui commencent à s’imposer dans la péninsule ibérique41.
29Or, dans les années 1620, au début du règne de Philippe IV d’Espagne, la pensée réformiste qui a cours après les grands procès du personnel politique du monarque précédent et l’ordre moral qui s’instaure cohabitent avec la volonté politique de mettre en avant la noblesse de service et de faire de l’aristocratie une élite politique et militaire. S’affirme également la volonté de réformer les statuts de pureté de sang qui empêchent certaines familles d’accéder aux honneurs et aux charges importantes. Former une élite politique, diplomatique et militaire afin de servir la monarchie dans les tâches de gouvernement et de commandement militaire en temps d’efforts de guerre sans précédent, tel est le dessein d’Olivarès au début de son ministériat.
- 42 Carrasco Martínez, Adolfo, « Los Estudios Reales del colegio Imperial de Madrid y otros proyectos e (...)
30En est l’illustration le programme éducatif de la noblesse confié aux Jésuites, qui se concrétise par la création des Estudios Reales en 1625-1628 (texte de fondation définitif de 1628) au sein du Collège Impérial de Madrid suscitant tant d’opposition de la part des universités, des ordres religieux et des épiscopats. Les programmes éducatifs projetés par le comte-duc d’Olivarès, exprimés dans des textes communiqués au roi dès 1621 et dont les propositions sont défendues dans son Gran memorial de 1624, vont dans ce sens. Inspiré par les écrits de Pedro López de Montoya, par son confesseur jésuite Hernando Quirino de Salazar mais aussi par le jésuite flamand d’origine italienne Charles Scribani, lui-même adepte des idées de Juste Lipse, sans doute inspiré également par le projet de l’éducation de noblesse soutenu par Sancho de Moncada, Olivarès concevait l’éducation comme la seule capable de fomenter la vertu nobiliaire qui, en tant que discipline éthique individuelle, ne pouvait être héritée42. Le discours sur la vertu nobiliaire à acquérir ou à cultiver par l’éducation, soutenu par un homme de plume d’origine portugaise au service d’un membre de la parenté d’Olivarès était donc, dans les années de la polémique particulièrement aigüe entre 1625 et 1628, un moyen de soutenir un des aspects forts du programme politique réformiste projeté.
- 43 Valladares, Rafael, La Conquista de Lisboa. Violencia militar y comunidad política en Portugal 1578 (...)
- 44 Vázquez Cuesta, Pilar, « La lengua y la cultura portuguesas », p. 625-627.
31Dans ce contexte, l’origine de López de Vega intervient à plus d’un titre. Il fait partie de ces hommes de lettres dont la trajectoire vitale et professionnelle a été marquée par la reconfiguration de la Monarchie hispanique à partir de 1580. À la suite du rattachement du royaume du Portugal à la couronne d’Espagne, des violences qui l’avaient précédée et accompagnée43, certains hommes de lettres d’origine portugaise abandonnèrent leur terre natale pour rejoindre Madrid. Pilar Vázquez Cuesta décrit le Portugal de la fin du XVIe siècle comme royaume sans cour et une capitale lisboète abandonnée de ses élites44.
- 45 Lope de Vega fait l’éloge conjoint d’Antonio López de Vega et de Miguel de Silveira dans Laurel de (...)
- 46 Pièces poétiques de López de Vega, de Faria et Sousa et de Miguel Silveira dans Botello, Miguel, Pr (...)
32Contrairement à Francisco Manuel de Melo qui avait fait son éloge et le considérait comme un des esprits les plus vifs de sa génération, Antonio López de Vega ne retournera pas au Portugal au moment de la Restauration de 1640. Ses protecteurs lui offrent sans doute un refuge plus sûr en ces temps agités. Après les débuts de sa présence attestée à la cour, on le voit entretenir des liens avec le groupe des poètes portugais de Madrid, par exemple avec Miguel Botelho y Carvalho ou Miguel Silveira45. Il participe à plusieurs concours poétiques et signe plusieurs poèmes d’éloges à des pairs ou à leurs œuvres, en compagnie de Manuel de Faria y Sousa46.
- 47 Au contraire de ce qu’il avait fait dans son recueil de poèmes trilingues de 1620.
- 48 Buescu, Ana Isabel, « Aspectos do bilingüismo portugués-castelhano na época moderna ».
- 49 Brandenberger, Tobias, « Antagonismos intraibéricos y literatura áurea. Algunas consideraciones met (...)
- 50 Buescu, Ana Isabel, op. cit., p. 29.
33López de Vega, comme beaucoup des poètes et hommes de lettres portugais à la cour d’Espagne, choisit d’écrire en castillan l’ensemble de ses œuvres en prose47. Ce choix n’est pas seulement le fruit de l’union de 1580. Cette pratique est en cours dès la première moitié du XVIe siècle, comme le montre l’exemple bien connu du dramaturge Gil Vicente qui écrivait en castillan ou de façon bilingue. La vitalité du castillan et son importance culturelle à partir du XVe siècle et tout au long du XVIe siècle au Portugal sont attestées entre autres éléments par la circulation des livres en langue originale castillane importés ou imprimés au Portugal, par le nombre de livres en castillan dans les bibliothèques de couvents ou de particuliers portugais48. Néanmoins, l’emploi du castillan par les auteurs portugais peut dans certains cas être occasionné par un changement radical dans la trajectoire professionnelle d’un auteur49, et même se teinter d’une couleur politique selon la conjoncture ou les jeux courtisans, ou encore relever d’attitudes opportunistes dans le cadre de stratégies personnelles50.
- 51 Synthèse récente à son sujet : Blanco, Mercedes, « La cultura ibérica del exilio marrano: Góngora y (...)
- 52 Caro Baroja, Julio, Los Judíos en la España moderna y contemporánea, tome 1, p. 343.
34Certains des auteurs portugais présents à la cour madrilène étaient descendants de juifs convertis et cherchaient à bénéficier des différentes mesures prises par Philippe III à leur endroit. Il est possible qu’Antonio López de Vega fût d’origine juive sans que nous en ayons aucune certitude. Nous ne connaissons que très peu de choses à son sujet. Nous avons déjà dit qu’il fréquenta sans doute le poète portugais Miguel de Silveira, dont l’ascendance juive est connue51. On sait aussi grâce à Julio Caro Baroja qu’il fut en bute à l’ironie mordante du duc de Villamediana qui l’accusa d’être juif dans un sonnet virulent composé lors d’une académie52.
- 53 Boyajian, James C., Portuguese Bankers at the Court of Spain, 1626-1650, p. 74-75 ; Shreiber, Mark, (...)
- 54 BNE Ms. 14824. La dédicace est datée du 14 juin 1641 et signée de la main de l’auteur. La première (...)
- 55 Guerra de Flandes escrita por el eminentísimo cardenal Bentivollo. Après la dédicace apparaît un te (...)
- 56 Dans les préliminaires de cette œuvre, apparaît un poème d’éloge signé de Manuel Faria e Sousa, sel (...)
- 57 BNM Ms 2367. « Prisión por la inquisición de Álvarez Pinto Manuel », dans « Relación de las cosas m (...)
35Des liens se tissent aussi avec les financiers portugais auxquels la monarchie hispanique recourt de façon plus appuyée à partir des années 1620 et l’arrivée au pouvoir d’Olivarès. López de Vega adresse sa deuxième œuvre en prose, Heráclito y Demócrito de nuestro siglo (1641), à un financier portugais d’origine juive, Manuel Álvarez Pinto y Ribera. Chevalier de l’Ordre de Saint Jacques à partir de 1639, seigneur de Chiloeches à partir de 1641, Manuel Álvarez Pinto y Ribera prit également le parti de la fidélité à Madrid après 1640 tandis que d’autres membres de sa famille choisirent l’exil à Amsterdam ou à Venise53. Dans la période qui s’ouvre entre les événements de la Restauration de 1640 et la banqueroute de 1647, Manuel Álvarez Pinto y Ribera se positionne comme protecteur des lettres en Castille. Le portugais Rodrigo Pacheco, qui se présente comme son chapelain dans la ville de Grenade en 1641, lui dédie un recueil de 12 comédies54. Basilio Varen traduit de l’italien une Guerra de Flandes qu’il lui adresse en 164255. À Catalina de Ribera y Pinto, la femme de Manuel Álvarez Pinto y Ribera, sont adressés une des douze comédies de Rodrigo de Pacheco mais aussi l’ouvrage Lágrimas a la muerte de la Augusta Reina Nuestra Señora Doña Isabel de Borbón publié en 1645 et signé de María Nieto de Aragón, liée aux mêmes cercles portugais56. On sait que l’Inquisition s’intéressa au cas de Manuel Álvarez Pinto y Ribera dès 163657.
- 58 Hernández Franco, Juan, « Les intellectuels espagnols du XVIIe siècle face à l’opinion majoritaire (...)
- 59 Memoriales y cartas del conde duque de Olivares, p. 104.
- 60 Hernández Franco, Juan, Sangre limpia, sangre española, p. 207-248.
36Or, le contexte des années 1620 est également marqué par la volonté politique de réformer les statuts de pureté de sang. La pragmatique sur les « trois votes positifs » datée de 1623 dont Juan Hernández Franco a montré l’importance, constitue une tentative d’aller contre la tendance majoritaire dans la société vieille-chrétienne du temps58. Selon cette disposition, sera considéré comme pur, sans retour en arrière possible, le lignage qui réunira « trois actes positifs » de pureté de sang accordés par l’Inquisition, le Conseil des Ordres Militaires, le chapitre de la cathédrale de Tolède ou les six principaux Colegios Mayores de Castille. Olivarès revient plusieurs fois sur la question des statuts dans les écrits qu’il transmet au roi, en particulier dans le Grand memorial daté de décembre 1624. Il y souligne que les statuts empêchent « los que en virtud propia y grandes letras se hubieren hecho lugar en el mundo, atendiendo a que solo en estos reinos se examina con tanta exacción »59. Plusieurs intellectuels proches de lui produisent des écrits, signés ou anonymes, contre les statuts ou en faveur de leur modification60.
37La conclusion du discours de la Philosophie, à la fin du Songe politique, ne peut, dans ce contexte, que faire sens :
Por última y general enseñanza le advertimos [al noble], que todas sus acciones, y costumbres consulte, y registre en el toque de la razón: no haciendo caso de exemplos, que no se conformen con ella; ni de envejecidas, e inmemoriales observaciones de su casa, ignorancia y obstinación ordinaria a muchos, como si las determinaciones de los pasados hubieran sido menos sujetas a engaño que lo son las propias, o cuando fuesen infaliblemente acertadas, no las pudiesen alterar la variedad de los tiempos y la diferencia de los sujetos. [35v]
38Rien n’atteste la relation directe entre Antonio López de Vega et Olivarès. Sa défense de la vertu comme source première de l’honneur, sa façon d’oblitérer la question du sang, de minimiser l’importance de l’ascendance et de la transmission, son réseau relationnel aussi, montrent si ce n’est qu’il défendait le mouvement réformiste entrepris, à tout le moins, qu’il se faisait le vecteur de certaines de ses idées. Peut-être aspirait-il à faire partie du groupe des intellectuels dont Olivarès s’était entouré ? Le fait de revendiquer en 1626 le statut de secrétaire du jeune connétable de Castille pouvait lui laisser espérer quelque faveur future. Mais, à notre sens, et même si cette dimension ne doit pas être négligée, le Sueño político de López de Vega ne doit pas être réduit au statut de faire-valoir personnel d’un homme de plume en recherche de protection. Il permet non seulement de mettre en perspective des questions fort débattues à la période de publication de l’œuvre mais aussi de comprendre les affinités de la politique avec certains genres littéraires. Les ambigüités du rêve littéraire avec les effets paradoxaux de l’illusion, sa puissance évocatrice, la force de ses procédés poétiques et rhétoriques pouvaient servir un propos à forte valeur symbolique et politique auquel le premier destinataire aristocratique de l’œuvre ne pouvait que souscrire. Le lecteur, happé par la force mimétique de la première personne du singulier de la narration, ému par les images éclairantes du récit onirique et convaincu par les effets du discours, était invité tout comme le narrateur rêveur à adhérer à la promotion de la vertu comme source d’honneur contre l’infamie de la tâche et contre la facilité de la naissance noble, en un mot, à cette politique rêvée et destinée à être appliquée si elle réussissait à s’imposer. Le Sueño político de López de Vega encourage, au bout du compte, à envisager les usages politiques de certains genres littéraires.
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Notes
López de Vega, Antonio, Sueño del perfecto señor, sueño político. Toutes les citations contenues dans ces pages sont extraites de cette édition de 1626. Elles apparaîtront entre crochets dans le corps du texte. Nous en modernisons l’orthographe et la graphie.
Bernardino Fernández de Velasco contracte mariage en 1624 avec Isabel de Guzmán, sœur du gendre du comte-duc d’Olivarès, le marquis de Toral. Le marquis de Toral, Ramiro Núñez de Guzmán, fut marié à la fille d’Olivarès, María de Guzmán, également en 1624. La mère de Bernardino, Juana de Velasco était dame de la reine.
« Ardiente luz, que a tu divina esfera… ». Poème de López de Vega dans San Joseph, Fr. Diego de, Compendio de las solenes fiestas que en toda España se hicieron en la Beatificación de N. B. M. Teresa de Jesús…, ff. 36v.-38r.
Guzmán, Bernardino de, Lírica poesía. La critique s’est intéressée à la Fábula de Polifemo contenue dans la Lírica Poesía : Martín Rodríguez, Antonio María, « Una versión poco conocida del tema de Filomena en la literatura española del siglo XVII: la “Filomena” de Antonio López de Vega (1620) ». De son côté, Rafael Bonilla Cerezo a étudié la composition du recueil et a montré la dette contractée par la Fábula de Polifemo de López de Vega à l’égard de Góngora, Marino et, surtout, Tommaso Stigliani. Se reporter à Bonilla Cerezo, Rafael, « Amante en durezas tierno: la Fábula de Polifemo de Antonio López de Vega ».
« Yo tenía muchas nuevas del autor, y ahora he cogido buena parte de conocimiento desta muestra suya ». Censura de F. Hortensio Felix Paravicino, del Siete de Julio de 1626, EPS, 1626, §3. L’ouvrage sera réimprimé deux fois à Madrid, en 1652 et en 1653, assorti de trois discours et d’un recueil de pièces poétiques. Nous ne nous occuperons pas ici de ces deux rééditions.
Jauralde Pou, Pablo, Francisco de Quevedo (1580-1645), p. 134, 189-190.
Teresa Gómez Trueba, El sueño literario, p. 162-163.
Miguel Áviles, Sueños ficticios y lucha ideológica en el Siglo de Oro, p. 31-105.
Pierre Courcelle, « La postérité chrétienne du Songe de Scipion ».
Cicéron, La République. Le destin, Livre VI, chapitres 11-14. Juan Luis Vives considérait le Songe de Scipion comme le texte le plus important de la littérature philosophique. Il l’enseigna à l’université de Louvain et publia à partir de 1520 ses réflexions sur ce texte, qu’ils voulaient vivantes et attractives pour son public étudiant. Ce commentaire, à la structure complexe, proche du texte commenté, plein d’éléments métatextuels et à la tonalité parfois humoristique et polémique, est un jalon important de la réception du texte de Cicéron. Verbeke, Demmy, « Entre philosophie et philologie : le Vigilia in Somnium Scipionis (1520) de Juan Luis Vivès ».
Macrobe, Commentaire du Songe de Scipion, Livre 1, chapitre IV, p. 25-26. Les cinq catégories définies sont : le songe, la vision, l’oracle, le rêve, le spectre.
Ibid.
Quillet, Jeannine, « Songes et songeries dans l’art de la politique au XIVe siècle ».
Citons l’exemple de Jérôme Cardan, médecin milanais, détenteur de la chaire de médecine de Bologne en 1562 grâce à la protection de Charles Borromée, auteur d’une autobiographie en latin éditée en France par Gabriel Naudé en 1643. Il fut condamné par l’Inquisition pour avoir fait l’horoscope du Christ. Son Traité des Songes (De Somniis) circula pourtant dans toute l’Europe. Dumora-Mabille, Florence, L’Œuvre nocturne, p. 82-83.
Kagan, Richard L., Los Sueños de Lucrecia, p. 59-63.
Ibid., p. 62.
Gómez Trueba, Teresa, op. cit., p. 206-253.
Dumora-Mabille, Florence, op. cit., p. 265-282.
Galland-Hallyn, Perrine, Les Yeux de l’éloquence, p. 123-135.
Romagnigno, Roberto, Théorie(s) de l’ecphrasis entre Antiquité et première modernité.
Quintilien, Institution oratoire, Tome V, Livre IX, 2, 40.
Marc Fumaroli, L’Âge de l’éloquence. Rhétorique et « res literaria » de la Renaissance au seuil de l’époque classique, p. 678-680 sur la « rhétorique des peintures ».
Posada, Adolfo R., « ¿Écfrasis o hipotiposis?: enargeia y retórica visual en la poesía del Siglo de Oro ».
Colonna, Francesco, Le Songe de Poliphile, p. VII-XXIX. Les gravures de l’Hypnerotomachia servirent, par exemple, de modèles pour des décors d’entrées royales en France.
Ce sont les bois gravés qui illustrent la traduction française de 1546.
Blanco, Emilio, « Nihil ingrediatur mali: puertas y portones en la literatura emblemática barroca » ; Bouzy, Christina, « El “Libro quinto de las prosas y versos del Arcadia” de Lope de Vega: una apoteosis emblemática sin imágenes » ; Bouzy, Christian, « Pouvoirs de l’image dans les frontispices des livres d’emblèmes des XVIe et XVIIe siècles ».
Courcelle, Pierre, op. cit.
Néologisme que j’emprunte à Florence Dumora-Mabille, op. cit., p. 262. Elle l’emploie comme adjectif dérivé du substantif d’origine grecque enargeia.
Weber, Henri, « Le temple allégorique de Froissart à la Pléiade ».
Lemaire de Belges, Jean, Le Temple d’Honneur et de Vertus.
Guardiola, Benito, Tratado de nobleza, chap. 1, f. 1r.
Saint-Augustin, Œuvres (La Cité de Dieu), Livre V, chapitre XII, p. 194-195.
Moreno de Vargas, Bernabé, Discurso de la nobleza de España, discours premier, f. 2r.
BNE, Ms 7840, ff. 203 et 210.
Cicéron, La Nature des dieux, Livre II, chap. 67.
Tite-Live, Histoire romaine, Tome XVII, Livre XXVII, chap. 25, 7-9.
Badami, Claude, La Traduction grecque des Res Gestae Divi Augusti, p. 72-89 ; Jacotot, Mathieu, Question d’honneur. Les notions d’honos, honestum et honestas dans la République romaine antique.
Rodríguez Velasco, Jesús D., « El Tractatus de insigniis et armis de Bartolo y su influencia en Europa ».
L’opposition entre les thèses de Diego de Valera dans Espejo de la verdadera nobleza (1441) et celle de Fernán Mexía dans le Nobiliario vero (1492) sont connues.
Guillén Berrendero, José Antonio, La Edad de la nobleza, p. 80-85.
Pérez, Béatrice, « Une noblesse en débat au XVe siècle. Sang, honneur, vertu ».
Carrasco Martínez, Adolfo, « Los Estudios Reales del colegio Imperial de Madrid y otros proyectos educativos de Olivares » ; Miguel Alonso, Aurora, « El Colegio Imperial de Madrid: un centro de estudios para la Corte » ; Díaz, José Simón, Historia del Colegio imperial de Madrid, vol. 1.
Valladares, Rafael, La Conquista de Lisboa. Violencia militar y comunidad política en Portugal 1578-1583.
Vázquez Cuesta, Pilar, « La lengua y la cultura portuguesas », p. 625-627.
Lope de Vega fait l’éloge conjoint d’Antonio López de Vega et de Miguel de Silveira dans Laurel de Apolo, p. 197. Miguel de Silveira fut secrétaire de Ramiro Núñez de Guzmán, marquis de Toral, puis duc de Medina de las Torres, gendre d’Olivarès.
Pièces poétiques de López de Vega, de Faria et Sousa et de Miguel Silveira dans Botello, Miguel, Prosas y versos del pastor de Clenarda. Sonnets de López de Vega, de Faria e Sousa, dans Pompa funeral y exequias en la muerte de la muy alta y católica Señora doña Isabel de Borbón, ff. 94v et 99r. Éloges du capitaine Céspedes par López de Vega et Faria e Sousa dans Méndez Silva, Rodrigo, Compendio de las más señaladas hazañas que obró el capitán Alonso de Cespedes, Alcides castellano, ff. 53r et 53v. Dédicace à don Luis de Haro.
Au contraire de ce qu’il avait fait dans son recueil de poèmes trilingues de 1620.
Buescu, Ana Isabel, « Aspectos do bilingüismo portugués-castelhano na época moderna ».
Brandenberger, Tobias, « Antagonismos intraibéricos y literatura áurea. Algunas consideraciones metodológicas ejemplificadas », p. 91.
Buescu, Ana Isabel, op. cit., p. 29.
Synthèse récente à son sujet : Blanco, Mercedes, « La cultura ibérica del exilio marrano: Góngora y Camões en El Macabeo de Miguel Silveira ».
Caro Baroja, Julio, Los Judíos en la España moderna y contemporánea, tome 1, p. 343.
Boyajian, James C., Portuguese Bankers at the Court of Spain, 1626-1650, p. 74-75 ; Shreiber, Mark, « Entre las sociedades ibéricas y la diáspora judía. Los Pinto y los Ribero en los siglos XVI y XVII ».
BNE Ms. 14824. La dédicace est datée du 14 juin 1641 et signée de la main de l’auteur. La première page porte la mention « Acabose en 20 de março de 1642 ».
Guerra de Flandes escrita por el eminentísimo cardenal Bentivollo. Après la dédicace apparaît un texte d’hommage signé de Manuel Faria e Sousa.
Dans les préliminaires de cette œuvre, apparaît un poème d’éloge signé de Manuel Faria e Sousa, selon l’exemplaire consulté par Carmen Pina, « Pliegos sueltos poéticos femeninos en el camino del verso al libro de poesía. La singularidad de María Nieto ». Le travail de Carmen Pina fait le point sur l’itinéraire poétique de María Nieto de Aragón, tout d’abord sous la protection de la famille Pinto y Ribera puis sous celle de Francisco Andrés de Uztarroz. Voir aussi Romero Díaz, Nieves, « Poesía femenil en las exequias por Isabel de Borbón: los casos de Leonor de la Cueva y Siva y María Nieto de Aragón ».
BNM Ms 2367. « Prisión por la inquisición de Álvarez Pinto Manuel », dans « Relación de las cosas más particulares sucedidas en España, Italia, Flandes y Alemania y otras partes desde febrero de 1636 hasta fin de abril de 1637 », ff. 175-180 ; « Prendió la inquisición a Manuel Álvarez Pinto Portugués y le secuestró 200 LL ducados », dans Ibid., f. 176v.
Hernández Franco, Juan, « Les intellectuels espagnols du XVIIe siècle face à l’opinion majoritaire de la société vieille-chrétienne ».
Memoriales y cartas del conde duque de Olivares, p. 104.
Hernández Franco, Juan, Sangre limpia, sangre española, p. 207-248.
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