L’impact de la Révolution française sur l’évolution du concept de révolution en Chine (fin XIXe-début XXe siècle)
Résumés
La Révolution française et certaines idées des Lumières ont produit une évolution radicale de sens du terme geming (révolution) qui, devenant un mot d’ordre, a engendré un nouveau courant de pensée à la fin de la dynastie des Qing. Connue tardivement en Chine, elle fut d’abord présentée comme négative pour prêcher une réforme politique d’urgence, devint ensuite un objet de polémiques qui opposèrent réformistes et révolutionnaires. Dans le même temps, le terme geming, qui désignait à l’origine le « changement de mandat céleste », ne cessa de susciter des interprétations diverses selon la période et la position politique des commentateurs. L’objectif de cet article est d’interroger le processus de transformation de cette notion et de son adaptation à la réalité chinoise, afin de mieux mesurer en quoi consiste l’héritage de la Révolution française dans la construction de la Chine moderne.
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- 1 L’influence de la Révolution française en Chine ayant déjà fait l’objet de certaines publications (...)
1La Révolution française n’est connue en Chine que vers le milieu du XIXe siècle alors que celle-ci traverse une période de crise. Elle devient un facteur décisif dans le débat instruit par les jeunes intellectuels chinois à la fin du XIXe et au début du XXe siècle1. Cette période riche de mouvements réformistes et révolutionnaires est marquée par l’influence des idées occidentales en Chine. Le changement radical du sens de geming (révolution) est étroitement lié aux idées véhiculées (entre autres) par la Révolution française, et génère un nouveau courant de pensée à la fin de la dynastie des Qing (1644-1911). Aussi, interroger le processus de transformation de cette notion et son adaptation à la réalité chinoise durant cette période nous permettra-t-il d’envisager l’impact de la Révolution française sur la modernité chinoise, en particulier sur la révolution de 1911, car à la différence des précédentes geming, celle-ci mit fin à un régime impérial multimillénaire et vit naître la République de Chine.
Sens originel des termes révolution et geming
2Notons que le mot français révolution provient du latin revolutio, il désigne à l’origine un mouvement cyclique en astronomie, le retour périodique d’un astre à un point de son orbite, et ne renferme ni le sens de changement radical ni celui de violences. Selon Hannah Arendt :
- 2 H. Arendt, De la Révolution, Paris, Gallimard, [1964], 2013, p. 28.
L’Antiquité connaissait bien le changement politique et la violence qui allait de pair, mais ni l’un ni l’autre ne leur paraissaient introduire rien de tout à fait nouveau. Les changements n’interrompaient pas le cours de ce que l’époque moderne a nommé l’histoire, laquelle, loin de marquer un nouveau commencement, était considérée comme un retour à un stade différent de son cycle, prescrivant un cheminement réglé d’avance par la nature même des affaires humaines, et par conséquent immuable2.
Le terme révolution n’a pris le sens de transformation brusque et complète de la société qu’à la fin du XVIIe siècle. Et par « Révolution française », nous entendons non seulement l’ensemble des événements ayant modifié les institutions politiques et sociales d’une manière radicale entre 1789 et 1799, mais aussi la nouvelle culture politique qu’elle a engendrée sous l’influence des idées des Lumières, ainsi que les valeurs démocratiques par elle incarnées.
- 3 « 湯武革命, 順乎天而應乎人 » : Tang 湯, fondateur de la dynastie des Shang (XVIe-XIe siècles av. J.-C.) a dest (...)
- 4 Si la révolte a subi un échec, jugulée par le pouvoir en cours, elle était condamnée comme non lég (...)
3Le terme geming, utilisé pour rendre la notion de révolution dans son acception moderne, n’avait pas la même signification. Le caractère 革 ge signifie à l’origine le « changement de peau », impliquant élimination, destitution, modification de ce qui est ancien, et le caractère 命 ming qui désigne « ordre, décret » est ici une abréviation de 天命 tian ming qui signifie le « mandat céleste » conférant au souverain le pouvoir suprême, considéré comme le « fils du Ciel ». Aussi dans la pensée confucéenne, le terme geming 革命, désignait-il le « changement de mandat céleste ». Il s’agissait de substituer à l’empereur/roi tyrannique ou incompétent, indigne d’être le « fils du Ciel », un souverain vertueux et capable de gagner l’assentiment du peuple. C’était souvent le chef de la révolte populaire, qui restaurait en sa personne le « Mandat du Ciel » et devenait le fondateur d’une nouvelle dynastie, ainsi que l’illustre le commentaire sur l’hexagramme Ge (changement) dans le Livre des mutations (Yijing), l’un des classiques fondamentaux de l’enseignement confucéen : « Les révoltes de Tang et de Wu obéissaient aux décrets du Ciel et répondaient à la volonté des hommes »3. Le mot geming utilisé jadis pour légitimer le changement dynastique4 n’implique pas la remise en cause du régime impérial héréditaire ni de l’idéologie qui le sous-tend.
4Cependant lorsque le terme geming sera adopté à propos de la Révolution française, il se détachera de son sens ancien, du lien avec le Ciel, pour prendre un nouveau sens politique, moral et culturel. La Révolution française, qui ne cessa de susciter des interprétations diverses, ainsi que les positions politiques des commentateurs contribuèrent à enrichir le contenu de la notion de geming et eut ainsi une incidence sur la révolution chinoise.
L’évolution du concept de geming liée à l’exemple de la Révolution française
5La Révolution française ne semble pas avoir d’emblée retenu l’attention des Chinois : sous l’ère de l’empereur Qianlong (1736-1795), à l’apogée de la prospérité, la Chine n’était pas prête à faire sa « révolution ». C’est à la suite des guerres de l’Opium (1840-1842 et 1856-1860) quand les puissances européennes forcèrent les portes de la Chine, que les rénovateurs chinois se mirent à s’intéresser à l’Occident, soucieux de moderniser le pays qui semblait voué à l’éclatement sous les coups de boutoir des rébellions intérieures et des attaques étrangères. La Révolution française fut donc tardivement prise en considération, inspirant tout d’abord l’exécration des réformateurs avant de susciter l’enthousiasme chez les jeunes révolutionnaires. On peut diviser l’évolution du concept de geming en trois périodes : avant 1890, dans les années 1890 et au début du XXe siècle.
Avant 1890 : la Révolution française sous la plume de Wang Tao
- 5 Wang Tao 王韬, fils d’un instituteur de Shanghai, dut se réfugier à Hongkong puis en Angleterre en r (...)
- 6 Nous traduisons ici la citation de Wang Tao d’après Zhang Zhilian 张芝联, elle provient de son articl (...)
6Wang Tao (1828-1897), lettré réformateur et auteur de la Monographie synthétique de la France (faguo zhilüe) parue en 18715, présenta la Révolution française comme une catastrophe dont la responsabilité incombait en définitive aux erreurs du souverain. Il fut cependant le premier à en mesurer l’importance : « En quelques jours, ce fut l’inversion du ciel et de la terre, des positions supérieure et inférieure. »6
7À travers sa critique du pouvoir absolu du roi Louis XVI, Wang exprime son souhait de réformer les institutions politiques chinoises, considérant la monarchie constitutionnelle (à l’anglaise) comme le meilleur des systèmes politiques, car elle permet d’éviter les abus de la monarchie absolue, mais aussi de limiter les excès de la démocratie.
- 7 Wei Yuan 魏源, Haiguo tuzhi 海國圖志 [L’atlas des pays au-delà des mers], vol. XLI, 1881, cité par Zhang (...)
- 8 L’expression révolutions anglaises désigne ici deux événements : la première révolution anglaise ( (...)
8À la différence de Wei Yuan, qui avait évoqué la Révolution française comme un « grand désordre » (hunluan 混亂)7, Wang Tao fut le premier chinois à utiliser geming pour rendre le mot révolution (en France) (faguo geming 法國革命), terme d’abord adopté par les Japonais pour exprimer à la fois la « Réforme » de Meiji et les « Revolutions » anglaises8. Ce faisant, le terme geming renferme un sens nouveau : celui de changement (radical ou modéré) des institutions politiques, alors qu’il était utilisé jadis pour rendre légitime un changement dynastique.
- 9 L’ouvrage de Wang Tao, premier écrit de ce genre en Chine, fut révisé et son contenu doublé en 189 (...)
9Mais l’ouvrage de Wang Tao n’eut que peu d’audience, et il fallut attendre les années 1890 pour qu’il se propage au sein des réformistes9 et pour que le terme geming soit fréquemment employé pour désigner la Révolution française envisagée dans l’optique chinoise.
Dans les années 1890 : la Révolution française sert de repoussoir pour étayer une réforme politique
10À la fin des années 1890, le concept traditionnel de monarchie absolue selon lequel « Tous les territoires dans l’empire n’appartiennent qu’au roi » avait été battu en brèche par l’occupation de ceux-ci par de grandes puissances occidentales. Un grand courant de réformes politiques et d’ouverture intellectuelle devait en résulter.
11Kang Youwei (1858-1927), chef de file des réformistes, présente successivement à l’empereur Guangxu cinq mémoires afin de lui faire des propositions de modernisation et de l’inciter aux réformes, dont le Jincheng faguo geming ji xu [Mémoire sur la Révolution française], de juin 1898. Dans les autres écrits, il donne les exemples de Pierre le Grand et de l’empereur Meiji, tout en relatant l’affaiblissement de la Turquie et la disparition de la nation polonaise. Il présente les origines de la Révolution française comme la perte de mandat céleste du roi Louis XVI, le peuple l’ayant rejeté et s’étant insurgé contre lui. Kang Youwei met particulièrement en relief les atrocités (huoku 禍酷) de la Révolution française :
- 10 De 1789 à 1871.
- 11 Citation traduite de Kang Youwei 康有為, « Préface du Mémoire sur la Révolution française » (Jincheng (...)
Le sang a coulé à travers le pays, en cent jours Paris a été couvert de 1 290 000 cadavres. Trois bouleversements révolutionnaires, des restaurations monarchiques, ainsi que quatre-vingts ans de catastrophes ont suivi10. Cent mille nobles, un million de foyers aisés, dix millions de gens de la classe moyenne ont trouvé soit la mort, soit l’exil. Les villes complètement en ruines […] ; quant au Roi Louis XVI, emprisonné avec la Reine, tous deux guillotinés […]. Cette révolution bouleversante et effrayante entraîne toute la France, toute l’Europe noyées dans une effusion du sang, et s’étend même à toute la terre !11.
- 12 Ibid., p. 309.
Ces catastrophes incombent à la faiblesse de Louis XVI et à ses tergiversations face à la réforme politique, bien que Kang le présente comme un roi « généreux », « vertueux », « raisonnable », « bienveillant » et « aimé de son peuple »12.
- 13 Kang Youwei s’adressant à l’empereur utilise ces termes pour caractériser son projet politique, « (...)
12Soucieux de promouvoir la « réforme des institutions politiques » (bianfa weixin 變法維新 13), Kang Youwei souligne que la Révolution française a engendré une tendance constitutionnelle irrésistible dans le monde. Il tente de persuader le jeune empereur Guangxu (1871-1908) d’adopter une monarchie constitutionnelle à l’anglaise afin de suivre cette tendance historique, ce qui le mettrait à l’abri d’une tourmente révolutionnaire à la française.
13Wang Tao et Kang Youwei se servent de la Révolution française comme d’un repoussoir pour prêcher l’urgence d’une réforme constitutionnelle. Ce faisant, la notion de geming, qui consistait à changer seulement le nom dynastique ou celui du souverain afin de faire perdurer le régime impérial, implique désormais de substituer un régime constitutionnel à une autocratie, et cet acte est envisagé comme conforme au décret du Ciel.
- 14 Kang Youwei, Manifeste à l’Empereur adressé par les candidats au doctorat, traduit du chinois, ann (...)
- 15 Chang Hao, Chinese Intellectuals in Crisis. Search for Order and Meaning, 1890-1911, Berkeley-Los (...)
14La Réforme dite des Cent Jours (bairi weixin 百日維新)14 étant réprimée en septembre 1898, ses dirigeants principaux, parmi lesquels Kang Youwei et son disciple Liang Qichao, doivent se réfugier au Japon. Désespérés de l’incapacité et de la mauvaise volonté du gouvernement mandchou à mener à bien des réformes pour moderniser le pays, nombre de jeunes intellectuels se tournent vers une solution radicale pour sauver la nation, notamment après la crise des Boxers en 190115. Le concept de révolution (geming) dans son acception nouvelle est alors largement propagé dans la presse, et la Révolution française suscite un enthousiasme démocratique chez les jeunes épris de renouveau.
Début du XXe siècle : la Révolution française sert de modèle pour promouvoir une révolution républicaine en Chine
15La première décennie du XXe siècle vit d’abord la diffusion des idées des Lumières, ensuite les polémiques sur le choix à faire entre une réforme des institutions et l’instauration d’une république, plus radicale. La Révolution française, ainsi que la pensée politique de Rousseau et d’autres philosophes des Lumières, confrontées avec la réalité chinoise, engendrèrent d’âpres controverses qui opposèrent les tenants du réformisme aux révolutionnaires, la notion de révolution faisant l’objet d’interprétations bien différentes.
Diffusion des idées des Lumières et des idées révolutionnaires (1901-1905)
- 16 Durant les premières années de Meiji, de nombreux auteurs occidentaux des XVIIIe et XIXe siècles a (...)
- 17 Zhongguo jindai qikan bianmu huilu 中國近代期刊編目匯錄 [Répertoire des périodiques chinois modernes], Shang (...)
- 18 « Shuo Guomin 說國民 » [Des citoyens], Guoming bao 國民報 [Journal des citoyens], no 1, 1901, dans Zhang (...)
16Le début du XXe siècle voit l’introduction de nombreuses œuvres philosophiques et juridiques occidentales en Chine, par l’intermédiaire du Japon16. Ainsi fut créé en 1900 un mensuel, Yishu huibian 譯書彙編 [Recueil de traductions] par les étudiants chinois de Tokyo, et c’est dans ses premiers numéros que parurent la traduction du premier livre du Contrat social de Rousseau, celle des extraits de L’esprit des lois de Montesquieu, et de nombreuses autres17. L’année 1901 voit la création par ces mêmes étudiants du Guomin bao 國民報 [Journal des citoyens], premier périodique révolutionnaire, se donnant pour objectif d’éveiller la conscience politique des « citoyens » (guomin) chinois. La diffusion des idées démocratiques des Lumières permet d’enrichir et de préciser la notion de révolution républicaine que prônent les rédacteurs de cette revue (anonymes sans doute par précaution). L’article intitulé « Shuo guomin » [Des citoyens] met en relation la notion de révolution et la prise de conscience citoyenne et oppose les « citoyens » (guomin 國民) aux « esclaves » (nuli 奴隸). Selon son auteur, les notions de liberté, d’égalité, de souveraineté du peuple, ainsi que le sens des responsabilités constituent la ligne de démarcation entre citoyen et esclave. Les peuples des États-nations, jouissant des droits de l’homme, sont « citoyens », tandis que les peuples des États autocratiques, n’en possédant aucun, sont « esclaves »18.
- 19 Ibid., p. 73.
- 20 Ibid., p. 77.
17Ce qui sépare encore les citoyens des esclaves, c’est que les citoyens jouissent de la liberté. Mais la liberté ne résulte pas de droits codifiés par les lois, elle est la conséquence d’un état de fait : « La liberté consiste à ne pas subir d’oppression, ni celle d’un monarque ni celle d’étrangers »19. Il est évident que ce texte vise le système monarchique et l’occupation de grandes puissances impérialistes en Chine. Pour remédier à cette situation, l’auteur recommande de suivre le double exemple de la Révolution française et de la révolution américaine : « La France, dit-il, est devenue un pays libre une fois qu’elle s’est affranchie du joug du pouvoir monarchique ; et les États-Unis sont devenus indépendants une fois qu’ils se sont émancipés de l’autorité étrangère »20. Pour se libérer de toutes les formes d’oppressions, il faudrait commencer par s’affranchir du joug des mœurs, de l’idéologie et de l’éducation que l’on subit depuis des milliers d’années.
18L’article se termine par une métaphore soulignant l’influence des idées des Lumières sur la Révolution française et l’impératif de former les citoyens par ces nouvelles idées afin de construire un État-nation indépendant et démocratique, il s’agit de semer des « graines de citoyens » à l’instar de la France :
- 21 Loc. cit.
La France est un champ de citoyens, les philosophes des Lumières tels Montesquieu, Voltaire et Rousseau y avaient semé la liberté, l’égalité et la fraternité, puis La Fayette, Mirabeau, Robespierre, Danton, ont contribué à la mise en œuvre de ces idées. C’est donc grâce aux philosophes et aux acteurs révolutionnaires que le peuple français jouit de nos jours des fruits de la citoyenneté.21
- 22 Liang Qicha 梁啟超, « Guojia sixiang bianqian yitong lun 國家思想變遷異同論 » [L’évolution des différentes con (...)
- 23 Liang Qichao, « Lun xueshu zhi shili zuoyou shijie 論學術之勢力左右世界 » [Des courants intellectuels domina (...)
19Liang Qichao (1873-1929), l’un des principaux acteurs réformistes, après son exil au Japon, s’attacha à diffuser les idées nouvelles et à faire connaître l’histoire du monde à ses compatriotes. Il joua un rôle prépondérant dans la reformulation du concept de révolution moderne sous l’influence des idées des Lumières, accordant une grande importance à la Révolution française et à la pensée politique de Jean-Jacques Rousseau, qu’il considérait comme le remède le plus propre à « guérir » la nation chinoise. À ses yeux, la Révolution française inaugurait une nouvelle ère démocratique22, et l’on pouvait la considérer comme la force motrice du monde au XIXe siècle23.
- 24 Liang Qichao, « Shige 释革 » [Explication du terme Ge], XMCB, no 22, 14 décembre 1902, dans LQCXJ, o (...)
- 25 Liang Qichao, « Zhi Kang Youwei shu 致康有為書 » [Lettre adressée à Kang Youwei], 29 avril 1900, dans L (...)
20Afin d’illustrer le renouveau apporté par la Révolution française, Liang Qichao s’efforce de distinguer la notion traditionnelle de geming, de la notion de révolution (moderne) inconnue jusqu’alors en Chine. Le « changement dynastique » (geming), dit-il, consiste à substituer le nouveau prince à l’ancien, il s’agit seulement de l’intérêt privé, ne concernant qu’un nom et qu’une personne. Il est donc profondément différent d’une révolution véritable (biange) qui signifie la transformation complète de la société dans tous les domaines (politique, économie, morale, culture, religion, mœurs, études, lettres, arts, etc.), concernant tous les membres de la nation (guomin biange)24. Les différences de ces deux actes résident essentiellement dans les buts qu’ils visent et dans les résultats qu’ils obtiennent. Liang Qichao fait observer que, par suite de l’absence de notion de liberté, les révolutions en Chine n’ont depuis des millénaires servi que des ambitions personnelles et qu’un tel état de choses ne peut pas connaître de fin, contrairement à une révolution menée au nom de la liberté25. Aussi Liang préfère-t-il utiliser le terme biange 變革 (changement radical) pour rendre le sens moderne du terme révolution (distinct de geming, changement de mandat céleste impliquant changement dynastique). Les écrits de Liang sont marqués à cette époque par la mise en cause de la légitimité du régime autocratique et par une prise de position radicale mettant en avant la liberté et la subversion.
- 26 Liang Qichao, « Zhongguo lishi shang geming zhiyanjiu 中國歷史上革命之研究 » [Étude des révolutions dans l’h (...)
21Cependant, voyant que le terme geming était retenu en Chine pour désigner la révolution, Liang Qichao fut amené à établir une distinction entre le sens étendu (nouveau) du mot geming et son sens restreint (ancien). Dans son sens étendu, le terme geming désigne une transformation sociopolitique complète, tant concrète que spirituelle, réalisée de manière pacifique ou violente ; et dans son sens restreint, il désigne seulement le renversement du gouvernement central par une insurrection armée, c’est-à-dire ce qu’a connu la Chine durant des milliers d’années26. Selon Liang, à la différence des révolutions occidentales qui ont apporté le progrès et le régime républicain au bénéfice de toute la nation, les révolutions chinoises, dépourvues d’idéal noble, n’ont fait qu’infliger à la nation des troubles de longue durée au bénéfice final du plus fort. Dans son analyse critique, Liang traite les révolutions chinoises de la même manière, ne faisant plus de distinction entre la « révolution » (réussie) légitimée par le mandat céleste (le sens de geming) et la « rébellion » (mise en échec) illégitime et condamnée (le sens du zaofan). Il les condamne toutes comme actes de violence n’ayant apporté aucun bien public. Cela étant, la notion de geming dans son sens étendu devient conforme à la raison, détachée de sa connotation traditionnelle.
22La révolution (geming) est désormais envisagée de manière positive par de jeunes intellectuels radicaux comme un mode d’action incontournable, susceptible de permettre à la Chine d’accéder à un régime républicain démocratique et à une civilisation avancée. Ainsi s’exalte Zou Rong (1885-1905), jeune révolutionnaire de 18 ans, dans son pamphlet retentissant Geming jun [L’armée révolutionnaire] paru à Shanghai en 1903 :
- 27 Zou Rong 鄒容, Gemingjun 革命軍 [L’armée révolutionnaire], 1903, dans XHGM, op. cit, t. II, p. 650-652.
La révolution est inévitable en Chine aujourd’hui. Elle est inévitable pour que la Chine soit libérée du joug [de la domination] des Mandchous ; elle est inévitable pour que la Chine soit indépendante ; elle est inévitable pour que la Chine soit sur un pied d’égalité avec les grandes puissances ; elle est inévitable pour que la Chine survive dans le nouveau monde du XXe siècle ; elle est inévitable pour que la Chine soit capable d’assumer sa souveraineté dans le monde. Debout pour la révolution !27
- 28 Zou Rong fait référence à la traduction de l’ouvrage de Thomas Carlyle, The French Revolution (183 (...)
- 29 Zou Rong, Gemingjun 革命軍 [L’armée révolutionnaire], 1903, XHGM, op. cit., t. II, p. 650-652.
- 30 Liang Qichao, « Lun jinbu 論進步 » [Du progrès], XMCB, 5 juillet 1902], dans LQCXJ, op. cit., p. 244.
23Dans un style ardent et clair, Zou Rong félicite ses compatriotes d’avoir lu les traductions du Contrat social de Rousseau, de L’esprit des lois de Montesquieu, de L’histoire de la Révolution française28 et de la Déclaration d’indépendance américaine. C’est grâce aux idées de ces philosophes des Lumières et à la révolution qu’est née la civilisation moderne en France et aux États-Unis. Zou Rong appelle ses compatriotes à déployer l’étendard de Rousseau sur la terre chinoise et à suivre les exemples des révolutions française et américaine afin de faire de son pays une nation libre et indépendante, et ainsi rejoindre le rang des grandes puissances modernes29. À la différence de Liang Qichao qui envisage la révolution (geming) de deux manières possibles, l’une modérée, « subversion sans effusion de sang » (wuxie zhi pohuai 無血之破壞) à la japonaise, et l’autre radicale, « subversion avec effusion de sang » (youxue zhi pohuai 有血之破壞) à la française30, Zou Rong fait montre d’autant de ferveur pour les valeurs démocratiques que pour le processus radical de la Révolution française. Il ne fait aucune confiance au gouvernement mandchou et demeure convaincu que la Chine n’a d’autre choix que de faire la révolution pour mettre fin au régime tyrannique.
- 31 M. Bastid, « L’influence de Jean-Jacques Rousseau sur la pensée politique en Chine avant la Révolu (...)
- 32 Zou Rong meurt en prison à Shanghai deux ans plus tard (1905), Zhang Binlin 章炳麟, qui appréciait ha (...)
- 33 Xiong Yuezhi 熊月之, Zhongguo jindai minzhu sixiangshi 中国近代民主思想史 [Histoire de la pensée démocratique (...)
24Zou Rong fut le premier en Chine à promouvoir systématiquement une idéologie démocratique et révolutionnaire31. En dépit de l’interdiction du pamphlet et de la condamnation de son auteur ainsi que du préfacier Zhang Binglin (1869-1936)32 à la prison, l’ouvrage connaît un grand retentissement et il est réédité une vingtaine de fois jusqu’en 1911 ; tiré à plus d’un million cent mille exemplaires33, il exercera une influence décisive sur l’essor du mouvement révolutionnaire.
Le paradoxe du modèle de la Révolution française en Chine (1905-1911)
- 34 Le Minbao publie dans ses premières pages le portrait en buste de Jean-Jacques Rousseau, présenté (...)
- 35 Après son voyage aux États-Unis en 1903, ayant perdu toute illusion quant à la viabilité de l’adop (...)
25L’année 1905 voit la fondation de la Ligue jurée (Tongmenghui) qui constitue un pas décisif dans l’unification du mouvement révolutionnaire et dans l’élaboration de son idéologie, définie par le Minbao 民報 [Journal du peuple], créé la même année à Tokyo, et qui devient l’organe des révolutionnaires regroupés autour de Sun Yat-sen. En choisissant le mot peuple (min 民) comme destinataire de leur organe, les rédacteurs de ce journal suggéraient qu’une nouvelle ère démocratique (minzhu 民主 : « peuple souverain ») allait se substituer à celle de l’autocratie ancienne (junzhu 君主). Les membres de la Ligue jurée envisageaient de mener une action subversive dans le but de renverser le gouvernement mandchou et de fonder une république. Dans leurs écrits, le Contrat social de Rousseau34, L’esprit des lois de Montesquieu, les révolutions française, américaine, anglaise, ainsi que celles d’autres pays servent de références essentielles à la lutte contre le gouvernement despotique, ainsi que dans les polémiques les opposant aux réformistes qui prônent la monarchie constitutionnelle35.
26Ma Junwu (1881-1940) présente le concept de souveraineté du peuple de Rousseau sous la dénomination de « Peuple-empereur » (Dimin shuo : « peuple souverain »), et prend délibérément le contrepied de la notion traditionnelle selon laquelle l’empereur est considéré comme le « fils du Ciel » et « le souverain suprême du pays », reléguant le peuple à un statut « inférieur » et « méprisable ». Ainsi écrit-il :
- 36 Ma Junwu 馬君武, « Dimin shuo 帝民說 » [Peuple souverain ; littéralement : peuple empereur], Minbao [Jou (...)
Le pouvoir de l’empereur appartient au corps commun composé par tous les individus de la société et ces derniers en sont donc les membres. Par conséquent, le peuple est l’empereur. […]. Cela signifie que la souveraineté réside dans le peuple. Bien que cette théorie date d’il y a longtemps, ce fut Rousseau qui la mit au point. Et sa doctrine donna l’inspiration à la grande Révolution française de 1789, au cours de laquelle la liberté de tous fut adoptée par chacun, avant d’être imitée par toute l’Europe, d’où l’avènement d’une nouvelle civilisation du monde.36
- 37 Les deux premières versions chinoises du Contrat social de Jean-Jacques Rousseau, d’origine japona (...)
27Ma Junwu se propose d’introduire la « théorie authentique » 37 de Rousseau en Chine pour éveiller la conscience politique de ses compatriotes.
- 38 Ji Sheng 寄生 (pseudonyme de Wang Dong 汪東), « Zheng Mingyi Faguo geming shilun 正明夷法國大革命史論 » [Rectifi (...)
- 39 L’» Essai sur l’histoire de la Révolution française » de Kang Youwei fut publié sous son pseudonym (...)
28La Révolution française occupe une place importante dans le Minbao [Journal du peuple], dans lequel Wang Dong (1890-1963), jeune révolutionnaire de 16 ans, publie deux articles38. À rebours de la vision cauchemardesque de la Révolution française donnée par Kang Youwei, Wang Dong, dans son long article intitulé « Rectification de l’“Essai sur l’histoire de la Révolution française” de Mingyi »39, souligne l’efficacité et les bénéfices apportés par la Révolution française :
- 40 Wang Dong, « Zheng Mingyi Faguo geming shilun » [Rectification de l’« Essai sur l’histoire de la R (...)
En dépit du nombre de morts et de désordres, la Révolution française a balayé les abus de l’Ancien Régime et réalisé le dessein des révolutionnaires pour que la liberté et l’égalité de droits des hommes soient reconnues et garanties par la Constitution, ce qu’elle a accompli est donc considérable.40
Et afin de justifier la nécessité d’une révolution en Chine, Wang Dong affirme qu’il y a plus d’iniquités sociales manifestes dans la Chine qu’il n’y en a eu en France avant la Révolution de 1789, c’est la raison pour laquelle une révolution en Chine lui semble indispensable. Pour Wang Dong, la pensée politique rousseauiste reste la référence :
- 41 Wang Dong a repris le même titre que celui de la traduction en chinois classique Minyue lun 民約論 [D (...)
- 42 Wang Dong, « Faguo geming shilun » [De l’histoire de la Révolution française], op. cit., p. 13.
Du contrat du peuple de Rousseau41 a marqué l’opinion française de la seconde moitié du XVIIIe siècle. C’est sous son impulsion que la grande Révolution française s’est déclenchée. […] Cette œuvre qui met en avant la liberté, l’égalité et la fraternité demeure également une source d’inspiration pour les révolutionnaires chinois.42
- 43 Chen Tianhua, « Shizi hou 獅子吼 » [Rugissement du lion], Minbao, no 2, 1906, dans XHGM, op. cit., t (...)
- 44 Huang Zongxi 黃宗羲dans son ouvrage intitulé Minyi daifang lu 明夷待訪錄 [Le mémoire pour le prince], daté (...)
- 45 Chen Tianhua, art. cit., p. 89.
29Chen Tianhua, dans son pamphlet « Shizi hou » [Rugissement du lion] paru dans le Minbao, fait état d’un maître d’école dans un village, qui explique à ses élèves les origines de la Révolution française en dénonçant l’oppression du peuple français par les despotes et les aristocrates. Il évoque le Contrat du peuple et dit que la Révolution française, mère de la démocratie, en est issue43. Il souligne que la Chine a également eu son Rousseau, qui s’appelait Huang Zongxi (1610-1695), philosophe du XVIIe siècle44, soit cent ans avant le philosophe français. Ce qui distingue la France de la Chine, c’est que la pensée du philosophe français fut « adoptée par des milliers de partisans, alors que celle du “Rousseau chinois” ne rencontra aucun écho »45.
- 46 Ibid., p. 90.
- 47 A. Roux, art. cit., p. 324.
- 48 « Minyue lun yijie 民約論譯解 » [Traduction et commentaire du Contrat du peuple], traduit et commenté p (...)
- 49 Wang Jingwei 汪精衛, « Zaibo Xinmin congbao zhi zhengzhi geming lun » 再駁 «新民叢報» 之政治革命 [Nouvelle réfut (...)
- 50 J. C. Bluntschli, Théorie générale de l’Etat, traduit de l’allemand par M. Armand de Riedmatten, P (...)
30Bien que l’on ait publié l’essentiel de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen en 1902, puis sa version complète, ainsi qu’un article de Jellinek sur la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (traduit par Bo Yang 伯陽) dans le Minbao (en 1907), la Révolution française demeure pourtant un exemple à ne pas suivre, à plusieurs égards. Chen Tianhua écrit dans le Minbao qu’à l’inverse de la Révolution française, la chinoise ne sera pas violente46. Wang Jingwei exalte la Révolution française, mais ajoute qu’elle a abouti à des massacres. La chinoise cherchera à les éviter, car à la différence de la française, elle a su établir des ententes entre les divers partis révolutionnaires47. En 1910, Wang réédite dans le Minbao la traduction du Contrat du peuple de Rousseau faite par le Japonais Nakae Chômin48. Il défend les concepts de liberté et d’égalité de Rousseau, mais il n’est pas pour autant partisan du principe de souveraineté du peuple, parce que, dit-il, selon ce principe, le peuple peut fonder un État et également le dissoudre : cette théorie poussée à l’extrême aboutirait au despotisme populaire (minzhu zhuanzhi)49. Wang envisage le principe de souveraineté du peuple à la fois comme une antithèse et comme une nouvelle forme du despotisme. Aussi se rallie-t-il à la doctrine de la souveraineté de l’État (guojia zhuquan shuo), et en cela se montre plus proche de l’étatisme de Bluntschli50 que de la doctrine de Rousseau. Ce qui explique qu’il ait pu y avoir une entente entre les réformistes et les révolutionnaires après la Révolution de 1911, quand il s’est agi d’adhérer à l’arrivée au pouvoir de Yuan Shikai pour l’unification de leur pays.
31En conclusion, l’héritage de la Révolution française est manifeste dans l’éveil de la conscience démocratique et nationaliste des jeunes intellectuels chinois. Ceux-ci ne se contentent plus de voir une solution à la crise de l’État dans la substitution d’une dynastie à une autre, mais appellent de leurs vœux la transformation de leur pays en une république démocratique fondée sur les principes de liberté, d’égalité et de souveraineté du peuple. L’adoption de ces principes provoque une remise en cause des principes traditionnels (subordination des sujets au prince, du fils au père et de la femme au mari), ainsi que la reformulation du concept de geming. De notion qui rend légitime un changement dynastique par « mandat céleste », elle devient principe de transformation complète de l’ancien régime impérial héréditaire en un nouveau régime républicain et démocratique, qui s’inscrit dans une tendance historique mondiale. Désormais, au lieu de bénéficier d’un « mandat céleste » (tianming 天命), le parti politique au pouvoir ne peut tirer sa légitimité que du peuple. En ce sens, la propagation de la Révolution française et des idées démocratiques marque un tournant dans la pensée politique chinoise. Les coups de boutoir portés contre l’idéologie traditionnelle par les idées nouvelles ont créé un climat favorable à la révolution de 1911.
- 51 Li Dazhao李大釗, « Fa E geming zhi bijiao 法俄革命之比較 » [Comparaison entre la Révolution française et la (...)
- 52 Id., « Shumin de shengli 庶民的勝利 » [La victoire populaire], p. 595.
32Bien qu’ayant mis fin à la dynastie mandchoue ainsi qu’au régime autocratique impérial multimillénaire, la révolution de 1911 n’a pas pour autant changé les structures sociales ni la mentalité du peuple. La République n’était que de façade. Deux tentatives de restauration du régime impérial ont eu lieu, plongeant de nouveau le pays dans le chaos, et le laissant en proie à la guerre civile et au règne des seigneurs de la guerre. La nouvelle génération, moins assujettie aux traditions et ne répugnant pas à une action violente, tournera alors les yeux dans une autre direction… du côté de la jeune URSS, ainsi que le montre le propos enthousiaste de Li Dazhao (1889-1927), professeur d’histoire de l’université de Pékin et l’un des fondateurs du Parti communiste chinois, en 1918 : « La révolution russe de nos jours et la Révolution française ont engendré l’une et l’autre des changements profonds, ayant durablement influé sur l’avenir du monde »51 . Il ajoutait : « La Révolution française de 1789 est le précurseur des révolutions de tous les États-nations du XIXe siècle ; la Révolution soviétique de 1917 est celui des révolutions mondiales du XXe siècle »52. C’est dans son acception moderne que Li Dazhao interprète la notion de révolution : comme une rupture radicale et complète avec la société ancienne, ainsi qu’avec les valeurs qui lui étaient liées :
- 53 Id., « Bolshevisme de shenli, Bolshevisme 的勝利 » [La victoire du bolchevisme], p. 602-603.
La révolution du XXe siècle consiste dans les mouvements de l’ensemble des masses du monde, visant à éliminer complètement tous les résidus historiques. Empereurs, aristocrates, seigneurs de la guerre, bureaucrates, militaristes, capitalistes, tout ce qui empêche les mouvements avancés se verra éliminer par ces vagues irrésistibles.53
- 54 On peut citer, par exemple, la traduction des œuvres d’Alexis de Tocqueville : Jiuzhidu yu dagemin (...)
- 55 Ibid., p. 8.
- 56 Huang Puzhong et al., Xianzai weishenmo yaodu Jiuzhidu yu dageming 现在为什么要读《旧制度与大革命》 [Pouquoi il fa (...)
33Après presque un siècle de mouvements révolutionnaires, la Chine entre, depuis la fin du siècle dernier, dans une époque dite « postrévolutionnaire ». La notion de geming revêt son sens moderne, souvent lié à la Révolution française, principalement à cause des violences qui ont été commises. Elle suscite de nouveau un vif débat dans l’intelligentsia chinoise de nos jours. Après la parution de traductions d’une série d’ouvrages consacrés à la critique de la Révolution française54, celle-ci n’est plus considérée comme un moyen de promouvoir une révolution future, mais sert à repenser la révolution culturelle maoïste (1966-1976) et à s’interroger sur le lien entre révolution et violence55 afin de prévenir tout ce qui serait susceptible de déclencher une révolution dans le contexte des réformes et de l’ouverture de la Chine à l’extérieur, entamées depuis la fin des années 197056.
34Dans cette voie, on retrouve la critique de Kang Youwei, qui renvoie au sens astronomique du mot révolution, plutôt qu’à l’idée de rupture radicale et définitive.
Notes
1 L’influence de la Révolution française en Chine ayant déjà fait l’objet de certaines publications : Marianne Bastid, « L’ouverture aux idées d’Occident : quelle influence de la Révolution française sur la révolution républicaine de 1911 ? », Extrême-Orient, Extrême-Occident, no 2, 1983, p. 21-39 ; Alain Roux, « Les paradoxes chinois de la Révolution française », dans Esclavage, colonisation, libérations nationales, de 1789 à nos jours. Actes du colloque organisé à l’occasion du Bicentenaire de la Révolution française et des droits de l’homme et du citoyen en février 1989 à l’Université Paris VIII à Saint-Denis, Paris, l’Harmattan, 1990, p. 313-321. Dans cet article, nous nous focaliserons sur l’impact de la Révolution française sur l’évolution du concept de geming en Chine.
2 H. Arendt, De la Révolution, Paris, Gallimard, [1964], 2013, p. 28.
3 « 湯武革命, 順乎天而應乎人 » : Tang 湯, fondateur de la dynastie des Shang (XVIe-XIe siècles av. J.-C.) a destitué Jie 桀, dernier empereur des Xia (XXIe-XVIe siècles av. J.-C.) ; et Wu 武, fondateur des Zhou (XIe siècle-771 av. J.-C.) a éliminé Zhou 紂, dernier empereur tyrannique des Shang.
4 Si la révolte a subi un échec, jugulée par le pouvoir en cours, elle était condamnée comme non légitime, appelée dans ce cas zaofan 造反 ou panluan 叛亂, et son chef considéré comme un fauteur de troubles (luanzei 乱贼), voire un malandrin (tufei 土匪), un chef de bande de brigands (daofei 盜匪).
5 Wang Tao 王韬, fils d’un instituteur de Shanghai, dut se réfugier à Hongkong puis en Angleterre en raison de ses sympathies pour la rébellion des Taiping (1851-1864). Il se rendit en France en 1867.
6 Nous traduisons ici la citation de Wang Tao d’après Zhang Zhilian 张芝联, elle provient de son article : « Qingmo minchu zhenglun jie dui faguo dageming de pingyi 清末民初政论界对法国大革命的评议 » [Discussions sur la grande Révolution française dans les milieux politiques de la fin des Qing au début de la République de Chine], Faguo shilun wenji 法国史论文集 [Essais sur l’histoire de France], Pékin, sanlian shudian, 1984, p. 2.
7 Wei Yuan 魏源, Haiguo tuzhi 海國圖志 [L’atlas des pays au-delà des mers], vol. XLI, 1881, cité par Zhang Zhilian, ibid., p. 2.
8 L’expression révolutions anglaises désigne ici deux événements : la première révolution anglaise (1641-1649) dite la « Grande Rébellion », qui renversa le roi Charles Ier, et la seconde révolution anglaise (1688-1689) appelée la « Glorieuse Révolution », qui renversa le roi Jacques II et permit ainsi l’établissement d’une monarchie constitutionnelle.
9 L’ouvrage de Wang Tao, premier écrit de ce genre en Chine, fut révisé et son contenu doublé en 1890. À l’exception des commentaires, son livre s’est inspiré essentiellement des ouvrages historiques japonais, qui étaient eux-mêmes des traductions ou des adaptations d’œuvres originales allemandes ou françaises. Zhang Zhilian, « Un siècle d’historiographie chinoise de la Révolution française », Beijing information, n° 19, 1989, p. 2.
10 De 1789 à 1871.
11 Citation traduite de Kang Youwei 康有為, « Préface du Mémoire sur la Révolution française » (Jincheng faguo geming jixu 進呈法國革命記序), présenté à l’empereur Guangxu en juin 1898, dans Tang Zhijun (éd.), Kang Youwei zhenglun ji [Recueil des Essais politiques de Kang Youwei], vol. I, Pékin, 1981, p. 308. Notons que ce Mémoire sur la Révolution française a disparu pendant le coup d’État de l’impératrice douairière Cixi (21 septembre 1898), il n’en subsiste que la « Préface ». Pour plus de détails sur ce sujet, voir Xiaoling Wang, « La Révolution française vue par Kang Youwei », dans Esclavage, colonisation, libérations nationales, de 1789 à nos jours, op. cit., Paris, l’Harmattan, 1990, p. 313-321.
12 Ibid., p. 309.
13 Kang Youwei s’adressant à l’empereur utilise ces termes pour caractériser son projet politique, « bianfa 變法 » (littéralement changer la méthode ou la loi) désignant ici changer les institutions politiques ; « weixin 维新 » signifiant rénover, réformer, au lieu de geming qui impliquerait la destitution de l’empereur tant au sens chinois qu’au sens moderne dans le cas de la Révolution française. Il s’agit donc de réformer les institutions politiques, Kang entend par là adopter la « constitution monarchique » (junzhu lixian 君主立憲).
14 Kang Youwei, Manifeste à l’Empereur adressé par les candidats au doctorat, traduit du chinois, annoté et présenté par Roger Darrobers, Paris, Youfeng, 1996 ; M. Bastid, L’évolution de la société chinoise à la fin de la dynastie des Qing, 1873-1911, Paris, Éditions de l’EHESS, 1979.
15 Chang Hao, Chinese Intellectuals in Crisis. Search for Order and Meaning, 1890-1911, Berkeley-Los Angeles, University of California Press, 1987 ; M. Gasster, Chinese Intellectuals and the Revolution of 1911: The Birth of Modern Chinese Radicalism, Seattle, University of Washington Press, 1969 ; T. Cheek, The Intellectual in Modern Chinese History, Cambridge, Cambridge University Press, 2015, p. 1-108.
16 Durant les premières années de Meiji, de nombreux auteurs occidentaux des XVIIIe et XIXe siècles avaient déjà été traduits et présentés : ceux qui appartenaient au courant libéral, comme John Stuart Mill, Hobbes, Montesquieu, Tocqueville et les tenants de l’utilitarisme, Jeremy Bentham, entre autres. Vers 1880, s’ajoutèrent les influences du darwinisme social et d’Herbert Spencer, ainsi que plusieurs traductions du Contrat social de Rousseau, principalement celles de Nakae Tokusuke (surnommé Chômin) d’abord en japonais (1874) puis en chinois classique (1882), qui influencèrent le Mouvement pour la liberté et les droits du peuple du Japon. (Pierre Lavelle, La pensée politique du Japon contemporain [1868-1989], Paris, PUF, 1990, p. 13). Cette abondance de traductions permit aux étudiants chinois résidant au Japon dont le nombre ne cessa de croître au début du XXe siècle d’assimiler rapidement les œuvres des penseurs occidentaux.
17 Zhongguo jindai qikan bianmu huilu 中國近代期刊編目匯錄 [Répertoire des périodiques chinois modernes], Shanghai, Renmin chubanshe, 1979, t. II : 1900-1911, p. 41-42.
18 « Shuo Guomin 說國民 » [Des citoyens], Guoming bao 國民報 [Journal des citoyens], no 1, 1901, dans Zhang Dan 张丹 et Wang Renzhi 王忍之(éd.), Xinhai Geming shinian jian shilun xuanji 辛亥革命十年间时论选集 [Choix d’essais publiés durant la décennie précédant la Révolution de 1911], Pékin, Sanlian shudian, 1978, t. I, p. 63-65. Nous l’abrégerons par la suite en XHGM.
19 Ibid., p. 73.
20 Ibid., p. 77.
21 Loc. cit.
22 Liang Qicha 梁啟超, « Guojia sixiang bianqian yitong lun 國家思想變遷異同論 » [L’évolution des différentes conceptions de l’État], Qingyi bao, no 94, 12 octobre 1901 et no 95, 22 octobre 1901, dans ], Li Huaxing et Wu Jiaxun (éd.), Liang Qichao xuanji 梁啟超選集 [Œuvres choisies de Liang QichaoShanghai, Renmin chuban she, 1984, p. 190. Nous l’abrégerons par la suite en LQCXJ.
23 Liang Qichao, « Lun xueshu zhi shili zuoyou shijie 論學術之勢力左右世界 » [Des courants intellectuels dominant le monde], Xinmin congbao 新民叢報 [Magazine du peuple nouveau ; abrégé par la suite en XMCB], no 1, 8 février 1902, dans LQCXJ, op. cit., p. 269-275.
24 Liang Qichao, « Shige 释革 » [Explication du terme Ge], XMCB, no 22, 14 décembre 1902, dans LQCXJ, op. cit., p. 371-373.
25 Liang Qichao, « Zhi Kang Youwei shu 致康有為書 » [Lettre adressée à Kang Youwei], 29 avril 1900, dans LQCXJ, op. cit., p. 137. À cette époque, son maître Kang Youwei lui reproche de se faire le chantre de la liberté et de promouvoir la pensée de Rousseau, toutes deux susceptibles de provoquer des troubles désastreux en Chine. Dans cette lettre, Liang Qichao tente de défendre sa position concernant la liberté et la révolution.
26 Liang Qichao, « Zhongguo lishi shang geming zhiyanjiu 中國歷史上革命之研究 » [Étude des révolutions dans l’histoire de la Chine], 14 février 1904, dans LQCXJ, op. cit., p. 420-438.
27 Zou Rong 鄒容, Gemingjun 革命軍 [L’armée révolutionnaire], 1903, dans XHGM, op. cit, t. II, p. 650-652.
28 Zou Rong fait référence à la traduction de l’ouvrage de Thomas Carlyle, The French Revolution (1837). Voir Tsou Jong, The Revolutionary Army: A Chinese Nationalist Tract of 1903: Introduction and Translation with Notes by John Lust, La Haye, Paris, 1968, p. 64.
29 Zou Rong, Gemingjun 革命軍 [L’armée révolutionnaire], 1903, XHGM, op. cit., t. II, p. 650-652.
30 Liang Qichao, « Lun jinbu 論進步 » [Du progrès], XMCB, 5 juillet 1902], dans LQCXJ, op. cit., p. 244.
31 M. Bastid, « L’influence de Jean-Jacques Rousseau sur la pensée politique en Chine avant la Révolution de 1911 », Études Jean-Jacques Rousseau, no 4, 1990, p. 138.
32 Zou Rong meurt en prison à Shanghai deux ans plus tard (1905), Zhang Binlin 章炳麟, qui appréciait hautement L’armée révolutionnaire de Zou Rong et le qualifiait de « coup de tonnerre », fut condamné à trois ans de prison et n’en sortit qu’en 1906. Comme beaucoup de dissidents politiques, il s’exilera au Japon où il rejoindra la Ligue jurée et deviendra le rédacteur en chef du Minbao, [Journal du peuple].
33 Xiong Yuezhi 熊月之, Zhongguo jindai minzhu sixiangshi 中国近代民主思想史 [Histoire de la pensée démocratique dans la Chine moderne], Shanghai, Renmin Chubanshe, 1986, p. 388.
34 Le Minbao publie dans ses premières pages le portrait en buste de Jean-Jacques Rousseau, présenté comme le « Numéro un des Grands démocrates mondiaux », Minbao 民報 [Journal du peuple], no 1, 1905, [rééd. Taïwan, Dangshihui yingyinben, 1969], p. 5. Pour une analyse plus détaillée de cette revue, voir Zhu Hongyuan 朱宏源, Tongmeng hui de geming lilun — minbao ge an yanjiu 同盟會的革命理論 (民報個案研究 [Théorie révolutionnaire de la Ligue jurée — Étude consacrée spécialement au Journal du peuple], Taïwan, 1985.
35 Après son voyage aux États-Unis en 1903, ayant perdu toute illusion quant à la viabilité de l’adoption du système républicain dans son pays, — au contact de la société américaine, Liang Qichao est frappé par l’immaturité politique de ses compatriotes —, il se ralliera aux réformistes pour soutenir désormais l’opinion d’un « despotisme éclairé » dans son pays, s’opposant catégoriquement au programme républicain incarné par Sun Yat-sen.
36 Ma Junwu 馬君武, « Dimin shuo 帝民說 » [Peuple souverain ; littéralement : peuple empereur], Minbao [Journal du peuple]), no 2, p. 2-3.
37 Les deux premières versions chinoises du Contrat social de Jean-Jacques Rousseau, d’origine japonaises, sont soit incomplètes (celle de Nakae Chômin, 1882), soit erronées (celle de Harada Sen, 1883). Ma Junwu sera le premier chinois à traduire intégralement cette œuvre à partir du texte français, elle sera publiée en 1918. Pour plus de précisions sur ces premières versions chinoises du Contrat social de Rousseau, voir Wang Xiaoling, Jean-Jacques Rousseau en Chine, de 1871 à nos jours, Montmorency, Société des Amis du musée Jean-Jacques Rousseau, 2010.
38 Ji Sheng 寄生 (pseudonyme de Wang Dong 汪東), « Zheng Mingyi Faguo geming shilun 正明夷法國大革命史論 » [Rectification de l’« Essai sur l’histoire de la Révolution française » de Mingyi], Minbao, no 11, janvier 1907, p. 22-55 ; Id., « Faguo geming shilun 法國革命史論 » [Essai sur l’histoire de la Révolution française], Minbao, no 13, 11 mai 1907, p. 1-15 ; no 15, 5 juillet 1907, p. 1-18 ; no 16, 25 septembre 1907, p. 1-20 ; no 18, 25 décembre 1907, p. 1-17.
39 L’» Essai sur l’histoire de la Révolution française » de Kang Youwei fut publié sous son pseudonyme Mingyi 明夷dans le Xinmin congbao 新民叢報 [Magazine du nouveau peuple], no 85, 20 août 1906, p. 9-34 ; no 87, 18 septembre 1906, p. 1-36.
40 Wang Dong, « Zheng Mingyi Faguo geming shilun » [Rectification de l’« Essai sur l’histoire de la Révolution française » de Mingyi], art. cité, p. 22-55.
41 Wang Dong a repris le même titre que celui de la traduction en chinois classique Minyue lun 民約論 [Du contrat du peuple] faite par Nakae Chômin, traducteur pionnier japonais. Cette traduction sera d’ailleurs publiée dans le Minbao en 1910, sous le titre original : Minyue lun yijie 民約論譯解 [Traduction et commentaire du Contrat du peuple], voir plus loin la note 46. Considérée comme la plus originale et la meilleure des premières traductions japonaises de l’ère Meiji, « Du contrat du peuple » sera repris comme titre du Contrat social de Rousseau non seulement par les premiers traducteurs japonais dont Hattori Toku (1877) et Haraden Sen (1883), mais aussi par les premiers traducteurs et commentateurs chinois jusqu’en 1920. Pour une analyse plus détaillée sur l’implication et l’enjeu de cette version de Nakae Chômin en Chine, voir Xiaoling Wang, Jean-Jacques Rousseau en Chine : de 1870 à nos jours, op. cit., p. 31-140.
42 Wang Dong, « Faguo geming shilun » [De l’histoire de la Révolution française], op. cit., p. 13.
43 Chen Tianhua, « Shizi hou 獅子吼 » [Rugissement du lion], Minbao, no 2, 1906, dans XHGM, op. cit., t. III, p. 87-90.
44 Huang Zongxi 黃宗羲dans son ouvrage intitulé Minyi daifang lu 明夷待訪錄 [Le mémoire pour le prince], daté de 1663, critique avec véhémence le système autocratique de la dynastie des Qin (221-204 av. J.-C.) jusqu’à la fin des Ming et remet en cause sa légitimité.
45 Chen Tianhua, art. cit., p. 89.
46 Ibid., p. 90.
47 A. Roux, art. cit., p. 324.
48 « Minyue lun yijie 民約論譯解 » [Traduction et commentaire du Contrat du peuple], traduit et commenté par le Japonais Nakae Tokusuke, Minbao [Journal du peuple], no 26, 1er février 1910, p. 1-30.
49 Wang Jingwei 汪精衛, « Zaibo Xinmin congbao zhi zhengzhi geming lun » 再駁 «新民叢報» 之政治革命 [Nouvelle réfutation des propos du Journal du nouveau peuple relatifs à la révolution politique], Minbao, no 6, 26 juin 1906, p. 91.
50 J. C. Bluntschli, Théorie générale de l’Etat, traduit de l’allemand par M. Armand de Riedmatten, Paris, Guillaumin et Cie, 1881, 2e édition. Notons que Liang Qichao a rejoint en 1903 la position modérée des réformistes pour devenir le chantre de l’étatisme préconisé par Bluntschli. Voir Liang Qichao, « Zhengzhi xue dajia Bolunzhili zhi xueshuo 政治學大家伯倫知理之學說 » [La doctrine du grand théoricien politique Bluntschli], XMCB, nos 38 et 39, 4 octobre 1903, dans LQCXJ, op. cit., p. 394-412.
51 Li Dazhao李大釗, « Fa E geming zhi bijiao 法俄革命之比較 » [Comparaison entre la Révolution française et la révolution russe], dans Li Dazhao wenji 李大釗文集 [Recueil des œuvres de Li Dazhao], Pékin, Renmin chubanshe, 1984, t. I.
52 Id., « Shumin de shengli 庶民的勝利 » [La victoire populaire], p. 595.
53 Id., « Bolshevisme de shenli, Bolshevisme 的勝利 » [La victoire du bolchevisme], p. 602-603.
54 On peut citer, par exemple, la traduction des œuvres d’Alexis de Tocqueville : Jiuzhidu yu dageming 旧制度与大革命 [L’Ancien Régime et la Révolution], traduit par Feng Tang, Pékin, Shangwu yishuguan, 2013 ; Lun Meiguo de minzhu 論美國的民主 [De la Démocratie en Amérique], traduit par Cao Dongxue, Nankin, Yilin chubanshe, 2012 ; ainsi que celle de T. Tackett, Faguo dageming de kongbu zhengzhi 法国大革命的恐怖政治 [The Coming of the Terreur in the French Revolution], traduit par Huang Danlu, Taiyuan, Shanxi renmin chubanshe, 2019.
55 Ibid., p. 8.
56 Huang Puzhong et al., Xianzai weishenmo yaodu Jiuzhidu yu dageming 现在为什么要读《旧制度与大革命》 [Pouquoi il faut lire maintenant L’Ancien Régime et la Révolution [d’Alexis de Tocqueville] ?], Pékin, Hongqi chubanshe), 2013.
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Référence électronique
Céline Wang, « L’impact de la Révolution française sur l’évolution du concept de révolution en Chine (fin XIXe-début XXe siècle) », Astérion [En ligne], 24 | 2021, mis en ligne le 14 octobre 2021, consulté le 18 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/asterion/5959 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/asterion.5959
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