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Dossier
II/ Les constructions nationales au XIXe siècle face au modèle français

Un écho de la Révolution française : la mobilisation de la référence aux jacobins et au jacobinisme en Suisse lors des événements de 1847-1848

An echo of the French Revolution: the mobilisation of the reference to the Jacobins and Jacobinism in Switzerland during the events of 1847-1848
Yves Palau

Résumés

L’usage des termes de jacobin et de jacobinisme dans la vie politique ne renvoie jamais exclusivement aux membres du club de la Révolution française ni aux idées souvent contradictoires et mouvantes dans le temps qui y furent débattues. Ils servent à désigner, souvent de manière disqualifiante, des personnages politiques et des courants d’idées, jusqu’à nos jours, qui peuvent n’avoir qu’un lointain rapport avec la pensée révolutionnaire française. Les événements politiques qui marquèrent la Suisse dans les années 1847-1848 fournissent une excellente illustration de la transposition et de l’usage de ces termes en tant que catégories politiques hors du contexte de la Révolution française mais en écho à celle-ci. Les événements des années 1847-1848 sont en effet, encore aujourd’hui, souvent analysés de manières savante ou profane à travers ces catégories qui contribuent à une historiographie particulière souvent teintée de présupposés idéologiques. Cette historiographie reprend, parfois sans recul, les termes utilisés par les contemporains les plus opposés à une construction fédérale helvétique, lesquels n’hésitèrent pas à la comparer aux épisodes sanglants de la Révolution française, dont les jacobins étaient censés être les acteurs. L’usage des termes de jacobin et de jacobinisme s’inscrit dans une vision mécaniste et répétitive de l’histoire et remplit ici une fonction disqualifiante de courants et d’acteurs politiques pourtant fort éloignés des idéaux révolutionnaires français.

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Texte intégral

  • 1 Voir notamment Y. Palau, « Du Club des Jacobins au “jacobinisme”, naissance d’une tradition politi (...)
  • 2 Sur ce que seraient les Jacobins de la Révolution à aujourd’hui, voir M. Vovelle, Les Jacobins : d (...)

1Cet article s’inscrit dans une réflexion plus large qui porte sur l’émergence du jacobinisme et des jacobins comme catégorie politique, de la Révolution française à nos jours1. Cette réflexion ne porte pas sur le Club des Jacobins ni même sur une improbable idéologie jacobine2 qui se prolongerait dans le temps, mais s’intéresse à la manière dont ces termes ont fini par désigner différentes sortes de positions, de réalités sociales qui entretiennent le plus souvent un rapport distant, parfois aucun, avec les membres du Club.

2À partir d’une première recherche menée sur la période révolutionnaire en France, il est possible de dresser trois constats provisoires.

  • 3 Nous utiliserons la minuscule pour désigner la catégorie politique des jacobins et la majuscule lo (...)
  • 4 Dans La Société des Jacobins, François-Alphonse Aulard en recense 19 en 1790 dont 10 pour le seul (...)
  • 5 On emploie ici « désignant » au sens que lui donne l’analyse du discours, en l’occurrence un terme (...)
  • 6 Voir pour la période contemporaine de la vie du Club : A. Geffroy, « Aux origines, quel patron pou (...)

3Premièrement, l’émergence du jacobinisme et des jacobins3 comme catégorie politique distincte de la désignation des membres du Club semble se produire dès 1790, principalement par le biais de pamphlets antirévolutionnaires4. Ceux-ci participent d’un processus d’abstraction des termes de Jacobin et de jacobinisme par rapport à leur réalité historique et visent le plus souvent, par leur usage, à disqualifier tous ceux qu’ils accusent d’être « comploteurs », « envieux » ou simplement extrémistes. Ce processus permet ainsi le réemploi des désignants5 jacobin et jacobinisme dans d’autres contextes et participe de la généralisation de cette catégorie politique avec le syllogisme suivant : les Jacobins étant à leurs yeux disqualifiés par leurs caractères et leurs comportements, tous ceux qui les partagent, quels que soient le lieu et l’époque, sont des jacobins6.

  • 7 Pour la dernière édition de cet ouvrage : A. Barruel, Mémoires pour servir à l’histoire du jacobin (...)
  • 8 C.-L. Cadet de Gassicourt, Le tombeau de Jacques Molai ou Histoire secrète et abrégée des initiés, (...)
  • 9 J. de Puisaye, Mémoires qui pourront servir à l’histoire du parti royaliste français durant la der (...)

4Ensuite, cette construction est parallèlement théorisée, en des sens variés, dans un certain nombre d’ouvrages contre-révolutionnaires, dont celui qui aura le plus de succès à la fin du XVIIIe siècle et qui s’intitule Mémoires pour servir à l’histoire du jacobinisme7. Cet ouvrage de l’abbé Augustin Barruel fait du jacobinisme la forme contemporaine d’un complot qui, selon lui, tire son origine de la philosophie des Lumières et de la franc-maçonnerie. Pour d’autres auteurs, le jacobinisme est le produit de la réforme protestante ou, plus avant encore, la réincarnation de l’ordre des Templiers8. Ainsi le jacobinisme peut-il être « de tous les temps et de tous les lieux »9. L’abbé Barruel et ceux qui s’inscrivent dans le même sillage bâtissent ainsi ce qui leur semble être une généalogie du jacobinisme, contribuant à en faire une catégorie politique largement antérieure à la Révolution et à permettre sa projection dans l’avenir.

  • 10 G. de Staël, Considérations sur les principaux événements de la Révolution française, Paris, Delau (...)

5Enfin, ce processus d’abstraction du jacobinisme, qui permet son réemploi dans toutes sortes de contextes historiques différents, se poursuit dans le débat politique après la fermeture et la dissolution du Club, le mot jacobins servant alors à désigner, sous Thermidor par exemple, tous ceux qui s’opposent au Directoire. Ainsi peut-il être forgé, dans ce nouveau contexte, un néologisme sous forme d’oxymore, le « monarcho-jacobin », qui sert à désigner les royalistes hostiles au Directoire et à les placer dans la même catégorie que ceux qui veulent au contraire poursuivre la Révolution. Manière aussi de situer les partisans de Thermidor et du Directoire au « juste milieu ». Au début du XIXe siècle, dans une perspective proche, ceux que l’on qualifiera ensuite de libéraux, par exemple Germaine de Staël, qui entendent faire le tri au sein de l’héritage révolutionnaire entre ce qu’ils revendiquent et ce qu’ils rejettent, utilisent les termes de jacobin et de jacobinisme pour désigner sa part d’ombre. Le jacobin est alors tout à la fois le partisan de la Terreur et tout égalitariste « forcené », ce qui permet là encore de faire le lien entre le personnage historique et sa conceptualisation atemporelle10.

  • 11 Ce n’est, de fait, que le 21 septembre 1792, lors de la proclamation de la République, que la Soci (...)

6Ainsi voit-on émerger dès la Révolution un usage des désignants jacobin et jacobinisme qui ne sert pas ou pas seulement à désigner les membres du Club et qui prend des sens différents, le plus souvent disqualifiants, selon les circonstances. Cet usage péjoratif du terme n’empêchant pas, en retour, un usage dépéjoré, revendiqué par ceux qu’il désigne, mais ce mouvement est second et hésitant, comme en témoignent les débats qui se déroulèrent au sein même du Club des Jacobins lorsque celui-ci adopta finalement ce nom en septembre 179211.

  • 12 Pour cette dimension, voir notamment A. Rufer, La Suisse et la Révolution française, J.-R. Suratte (...)
  • 13 Il existe des exceptions : le radical Ignaz Paul Vital Troxler (1780-1866) « entra quelque temps a (...)

7Pour évaluer les possibilités de montée en généralité de ces constats provisoires, l’étude d’un autre contexte géographique et historique semble pertinente. Celui de la Suisse au milieu du XIXe siècle constitue un terrain potentiellement riche pour tester nos hypothèses, car si la Suisse a bien été bouleversée par les événements révolutionnaires français, ceux-ci faisant donc écho au sein de la vie politique helvétique12, il n’existe plus guère de Jacobins historiques suisses en activité, ou même simplement vivants, au milieu du XIXe siècle, de sorte qu’un éventuel usage du terme ne peut l’être qu’au titre de catégorie politique13.

8Cette période est marquée par une tension grandissante entre cantons autour de la question fédérale. Certains se regroupèrent en alliances : celle dite du concordat des Sept regroupe en 1832 six cantons favorables au fédéralisme et au système démocratique, inspirés des idées des Lumières et, de manière variable, de celles de la Révolution française ; une autre, qui lui est en tout point opposée, rassemble sept cantons conservateurs dans la Ligue de Sarnen, qui sera dissoute en 1833. Une autre ligue avec les mêmes idées, mais composée de cantons partiellement différents, se regroupera autour de valeurs catholiques et conservatrices en 1845 et sera désignée par ses adversaires sous le terme de Sonderbund. Cette tension politique est permanente depuis la fin du XVIIIe siècle, avec des phases plus ou moins aiguës depuis le renversement, en 1798, de l’ordre ancien et la mise en place de la République helvétique, unitaire et partiellement inspirée de la Constitution française de 1795. Lui fait suite une tentative de conciliation entre ces deux courants (libéral et conservateur) avec l’Acte de médiation de 1803, suivie d’une tentative de Restauration en 1813 qui, pas plus que sa déclinaison française, ne reviendra à l’Ancien Régime. À partir de 1830, nous entrons dans une nouvelle phase, la Régénération, qui débouchera sur les événements de 1847-1848 et la mise en place d’un État fédéral. Les enjeux de cette période portent sur la possibilité d’une construction nationale suisse qui puisse détruire l’ordre politique précédent, son type d’organisation (unitaire, fédéral ou confédéral), la place de l’égalité politique et du suffrage universel.

9Les événements de 1847-1848 en Suisse sont intéressants de deux manières au moins pour analyser l’usage qui peut y être fait des jacobins et du jacobinisme comme catégorie politique.

10D’abord ces événements, c’est-à-dire concrètement une guerre civile qui oppose sept cantons suisses catholiques à l’armée fédérale soutenue par treize cantons (deux restant neutres) pendant vingt-six jours en novembre 1847, et qui débouche sur une nouvelle constitution en septembre 1848, ont pour enjeu principal la construction de la Suisse comme entité nationale. Ils sont perçus comme marquant la naissance de la Suisse en tant que nation après que celle-ci a été pendant plusieurs siècles une association d’États. Le contexte peut donc sembler, mutatis mutandis, comparable au processus de construction nationale que connut la France à partir de la fin du XVIIIe siècle.

11Ensuite parce que la référence à la Révolution française est, dans ce contexte, à la fois indicible et omniprésente. Indicible car la Révolution française est perçue comme étant à l’origine d’une expérience, la République helvétique de 1798, dont peu d’acteurs politiques suisses se prévalent publiquement dans la première moitié du XIXe siècle. Celle-ci proclamait l’unité de la nation et se voulait centralisée. Dès son article premier, la Constitution de la République helvétique proclamait :

La République helvétique est une et indivisible.
Il n’y a plus de frontières entre les cantons et les pays sujets, ni de canton à canton. L’unité de patrie et d’intérêt succède au faible lien qui rassemblait et guidait au hasard des parties hétérogènes, inégales, disproportionnées et asservies à de petites localités et des préjugés domestiques. On était faible de toute sa faiblesse individuelle ; on sera fort de la force de tous.14

12Cette République éphémère ne durera que cinq années, mais elle diffusera des idées, telles que l’égalité entre les cantons, une conscience nationale, l’importance accordée à l’éducation et à la liberté de conscience, notamment religieuse. Le retrait des troupes napoléoniennes entraîne des soulèvements qui rendent l’arbitrage de la France nécessaire. Celle-ci restaure le pouvoir cantonal par l’Acte de médiation en 1803 et réduit au minimum les compétences du pouvoir fédéral. Après l’effondrement de l’Empire, cet Acte est lui-même remplacé par le Pacte fédéral qui assure la souveraineté des cantons et confère au pouvoir fédéral la seule compétence militaire. La vie politique suisse fut donc, comme celle de beaucoup d’autres pays européens, directement liée aux événements de la Révolution française et de l’aventure napoléonienne. Et la lecture dominante qui est faite de cet épisode après le congrès de Vienne est celle d’une France agressive et oppressive. On comprend donc que la référence à cette période soit peu dicible politiquement dans les années 1840, mais cela ne signifie pas pour autant qu’elle ne soit pas omniprésente dans les esprits. La construction simultanément nationale et démocratique qui constitue l’enjeu de ces événements mobilise en effet des idées, des valeurs, des représentations proches de celles qui l’ont été pendant la Révolution française. En outre, ceux qui sont hostiles à cette construction vont également se référer aux événements de 1789 pour l’ériger en contre-modèle et en repoussoir. Il s’ensuit un paradoxe : le mouvement national et démocratique suisse, c’est-à-dire le mouvement libéral, inspiré de la Révolution française, ne peut que cacher ou minorer cette référence, tandis que ceux qui sont hostiles à ce mouvement la brandissent pour le disqualifier. Ce sont donc ces derniers qui construisent l’écho de la Révolution française dans l’analyse des événements de 1847-1848 en Suisse.

13Cet écho diffère évidemment de l’original français, car il s’inscrit dans un contexte politique suisse singulier. Contrairement à celui qui se déploie en France, le mouvement national et démocratique suisse est scindé entre les partisans d’une construction par le « bas », canton par canton, et ceux qui privilégient la mise en place d’une structure fédérale par le « haut ». Ce choix, qui n’est pas purement tactique, va conduire à une opposition au sein du camp national et démocratique entre ceux qui se revendiquent libéraux et qui donnent la priorité aux réformes cantonales et ceux qui s’en détachent en choisissant la mise en place d’une structure fédérale. Ils seront nommés radicaux par leurs détracteurs avant qu’ils finissent par se réclamer de ce qualificatif. Ce sont eux qui sont présentés comme des centralisateurs et c’est par rapport à eux que la référence à la Révolution française et au jacobinisme comporte un enjeu tout à la fois dans les luttes politiques de ce temps et dans les interprétations ultérieures des événements de 1847-1848.

14Dans ces circonstances, la façon dont les protagonistes et les analystes mobilisent ou non les catégories politiques de jacobin et de jacobinisme fournit un indicateur des lignes de fracture à la fois idéologiques et politiques propres non seulement au contexte des événements de 1847-1848 mais également au contexte actuel. Ce qui frappe en effet est que l’écho de la Révolution française se fait entendre non seulement lors de ces événements mais se prolonge dans leur historiographie jusqu’à aujourd’hui.

15En remontant le temps, c’est par l’évocation des traces actuelles de l’écho de la Révolution française et de la mobilisation des qualificatifs de jacobin et de jacobinisme que nous commencerons notre analyse (1), puis nous aborderons les manières dont certains contemporains des années 1830-1840 ont mis en écho la Révolution française (2).

Les traces de l’écho de la Révolution française : l’analyse actuelle des événements de 1847-1848

16Les traces de l’écho de la Révolution française dans les événements de 1847-1848 et la mobilisation des qualificatifs de jacobin et de jacobinisme comme catégorie politique se retrouvent fréquemment dans la Suisse contemporaine. Elles apparaissent dans les supports les plus variés, des médias grand public aux publications savantes.

Dans les supports de vulgarisation

17À titre d’exemple, deux supports en ligne diffusent encore aujourd’hui une lecture du mouvement radical de 1847-1848 comme un mouvement jacobin. Pour le premier : « En 1848, les radicaux sont la force principale de gauche, ils sont quasiment exclusivement jacobins, anticléricaux et réformés »15. Il en va de même de sa forme partisane : « Héritier de la gauche anticléricale et jacobine des libéraux de 1830 et initiateur des institutions suisses les plus importantes, le parti radical-démocratique fut le parti dominant de la politique fédérale jusqu’en 1919 »16.

  • 17 S. Montabert, « Quel est le parti suisse le plus libéral ? », Contrepoints, 14 février 2012. En li (...)

18Le second support, d’obédience libérale, reprend cette perspective : « Oui, les libéraux helvétiques ont choisi entre 2005 et 2009 de s’unir avec des radicaux considérés comme “héritiers de la gauche anticléricale et jacobine des libéraux de 1830” et nostalgiques de la vision de la République helvétique voulue en son temps par Napoléon. Certes, tout ceci remonte à deux siècles, mais quelques valeurs cardinales du radicalisme sont restées bien vivaces, comme le centralisme et l’étatisme, foncièrement opposés au fédéralisme et au principe libéral de subsidiarité »17. Les radicaux sont pourtant à l’origine de la Constitution fédérale de 1848 qui donne une large autonomie aux cantons et dont les principes imprègnent encore largement celles de 1874 et de 1999.

Dans les supports scientifiques

19Si ces supports sont souvent plus nuancés, les références à la Révolution française et parfois aux Jacobins et au jacobinisme pour analyser les événements de 1847-1848 n’en sont pas moins fréquentes. Il est possible de les présenter de manière graduée.

  • 18 Le Dictionnaire historique de la Suisse est dirigé par l’Académie suisse des sciences humaines et (...)

20Sans employer les termes de jacobin ni de jacobinisme, le Dictionnaire historique de la Suisse suggère de quelle manière le radicalisme fait écho à la Révolution française sans jamais la citer. Cet écho très amorti est intéressant, car il montre la position d’un courant central de l’historiographie suisse18 :

  • 19 A. Tanner, « Radicalisme », dans Dictionnaire historique de la Suisse (DHS). En ligne : [http://ww (...)

Ni à ses débuts, ni ultérieurement, le radicalisme ne disposa d’une théorie politique unifiée. Mais un objectif commun unissait ses différentes tendances : l’union nationale et la mise en place d’un État central fort. Les radicaux légitimèrent leur politique révolutionnaire par la « sainteté de la nation » et le principe de la souveraineté populaire ; le peuple est le vrai souverain et se place au-dessus de la Constitution, de toutes les lois et tous les traités. Le radicalisme suisse postula ouvertement un « droit populaire à la révolution ». [...] Un État fort devait en outre promouvoir la laïcisation de la société et sa modernisation ; ils prônaient aussi l’égalité sociale par l’école publique ouverte à tous.19

21Dans une autre perspective, plusieurs historiens suisses de la période évoquent explicitement le lien idéologique qui existe, selon eux, entre la Révolution française – à travers la République helvétique – et les événements de 1847-1848.

  • 20 A. Rufer, La Suisse et la Révolution française, op. cit., p. 174.

22Ainsi, pour Alfred Rufer, qui utilise un raisonnement téléologique, « [l]a République helvétique n’a pas réalisé tout ce que ses protagonistes s’étaient promis. Elle a cependant jeté les bases de l’égalité civile et politique, et apporté dans certains domaines des innovations heureuses qui ont été reprises dans la Confédération issue de la Constitution de 1848 »20.

  • 21 A. Czouz-Tornare et E. Maradan, « À la recherche d’un jacobinisme helvétique », Annales historique (...)

23Alain Czouz-Tornare et Evelyne Maradan sont plus ambivalents. D’une part, ils font également le lien entre la fin du XVIIIe siècle et les événements de 1847-1848 selon la même démarche que celle d’Alfred Rufer : « Tragiquement minoritaire [à la fin du XVIIIe siècle] le Jacobin suisse a tout de même posé les fondements de la Suisse nouvelle de 1848, en montrant son possible renouvellement et l’indispensable effort commun pour la libération des influences extérieures »21. Mais dans une autre publication A. Czouz-Tornare considère que le jacobinisme suisse est introuvable si l’on fait de celui-ci un simple décalque des valeurs de la Révolution française car

  • 22 A. Czouz-Tornare, « L’idée républicaine en Suisse », Annales historiques de la Révolution français (...)

[...] l’ancienne Confédération a préparé le terrain à une Suisse faisant le tri dans les apports de la Révolution, assimilant d’une part les valeurs démocratiques, et rejetant d’autre part sans équivoque toute conception jacobine des institutions, incompatible avec son propre héritage historique. [...] nos vieux républicains suisses virent dans la trop déroutante République française non pas tant la condition première d’une société nouvelle et libre, mais, comme les adversaires royalistes de celle-ci, l’image de l’anarchie et de la Terreur.22

24Pour être complexe, paradoxal et parfois dialectique, le lien entre les événements de 1847-1848 et la Révolution française semble en fait omniprésent comme enjeu historiographique.

  • 23 R. Ruffieux, Les idées politiques du régime radical fribourgeois et leur application politique (18 (...)
  • 24 Fondation de droit public entièrement financée par la Confédération, en charge du soutien et de la (...)
  • 25 F. Walter, « Roland Ruffieux », dans Dictionnaire historique de la Suisse (DHS). En ligne : [http: (...)

25Mais le travail scientifique le plus intéressant pour notre sujet, et à notre sens révélateur de tout un courant de l’historiographie suisse portant sur les événements des années 1840, est la thèse de doctorat de lettres soutenue par Roland Ruffieux en 195323. Celui-ci n’est pas un universitaire parmi d’autres, car il deviendra un historien « institutionnel » reconnu : professeur d’histoire générale contemporaine à l’université de Fribourg, puis de science politique à celle de Lausanne, il sera directeur de la Bibliothèque nationale suisse, membre du Conseil national de la recherche, président de Pro Helvetia24. Ses travaux sont présentés dans le Dictionnaire historique de la Suisse comme ayant « contribué au renouvellement de l’histoire du canton de Fribourg et de la Suisse contemporaine »25.

  • 26 R. Ruffieux, Les idées politiques du régime radical fribourgeois, op. cit., p. 9. Le canton de Fr (...)
  • 27 Ibid., p. 13.
  • 28 Ibid., p. 7.

26Pour R. Ruffieux, le radicalisme est « un dynamisme impliquant à la fois un style de vie politique et une sensibilité particulière aux événements »26 et ce dynamisme est nourri de la référence à 1789 : « le trinôme de 1789 n’est pas ici un artifice de rhétorique, c’est le programme du radicalisme »27. Sa thèse vise à comprendre pourquoi le radicalisme fribourgeois, à la différence du radicalisme vaudois, n’a pas pu s’implanter durablement dans la vie politique du canton. Selon lui, cette situation est en partie due à « l’irréalisme des radicaux fribourgeois » qu’il oppose à « l’opportunisme des radicaux vaudois »28. Et cet « irréalisme » des radicaux est lié à leur jacobinisme.

  • 29 Ibid., p. 15.

27Pour appuyer sa démonstration, R. Ruffieux emprunte sans recul à l’approche conservatrice ou réactionnaire portée par les contemporains des événements de 1847-1848, approche qu’il contribue ainsi à légitimer scientifiquement et à diffuser au XXe siècle : les radicaux sont tentés d’abuser de ce qu’il appelle « l’égalité théorique », c’est-à-dire principielle, comme « le maître d’école jacobin raille le curé pendant que l’avocat plébéien accable le notable de ses syllogismes »29.

28À partir de cette affirmation, le radical fribourgeois des années 1847-1848 est systématiquement rabattu sur le Jacobin de la Révolution française :

  • 30 Date à laquelle les radicaux perdent la direction du gouvernement cantonal.
  • 31 Ibid., p. 25.

La minceur de l’idéologie propre au radicalisme fribourgeois ne laisse pas d’étonner [...] Mais l’originalité véritable des hommes de 1847 réside plutôt dans l’usage qu’ils en ont tiré à des fins de gouvernement. Dans cette démarche, ils doivent beaucoup au jacobinisme. Cette influence explique comment l’idéalisme de la doctrine a pu être encore aggravé par l’irréalisme de la méthode. Ainsi se trouve justifié, pour une large part, l’échec durable à Fribourg d’un radicalisme dont le triomphe allait être non moins durable dans les cantons voisins. [...] À Fribourg, une double erreur explique l’échec de 185630. En contradiction avec le fédéralisme qui respecte les particularités, on a voulu plier les hommes et les réalités aux modèles idéals qu’on s’était donnés. Et, qui plus est, on l’a fait par des moyens qui n’étaient rien moins que suisses. C’est par le jacobinisme de sa méthode de gouvernement que le radicalisme fribourgeois montre quelque originalité.31

29La méthode de gouvernement des radicaux du canton de Fribourg lui paraît inspirée par ce qu’il nomme le « terrorisme républicain », terme générique permettant de confondre les Jacobins de 1793 et les « radicaux-jacobins » de 1848 :

  • 32 Ibid., p. 26.

La nécessité des mesures découle de la nécessité des principes, garantie elle-même par la pureté des intentions. Pur, impopulaire, fatal : voilà les trois qualités du terrorisme républicain. Il érige la nécessité en loi et la place au-dessus de la loi. Ainsi s’ouvre l’ère de la dictature idéaliste avec ses actes impolitiques par souci excessif de logique. [...] Jugeant les jacobins qu’il n’aimait point, Michelet a parlé du « grand parti de l’inquisition » ; le grief est valable pour le radical ultra de Fribourg. Pareil inquisiteur ne saurait être pourtant qu’une « machine à principes » sacrifiant tout au triomphe de son idéologie. Il est aussi animé d’une foi agissante, d’une soif de conversion qui l’oblige à persuader ses ennemis. En 1793 logique et guillotine se complétaient. À Fribourg également, la force de persuasion ne resta pas l’unique secours ; les vexations, les arrestations et les exils apparaissent comme autant de violences inquiétantes dans la Suisse de 1848. [...] Une époque troublée favorable au « salut public », des hommes décidés à user du terrorisme républicain : voilà réunies les conditions d’exercice de la méthode jacobine. L’irréalisme des radicaux fribourgeois réside moins dans le fait de l’admirer que de l’avoir appliquée à leur pays. Disposant des mots les plus chargés de pouvoir émotif – liberté, égalité, fraternité, progrès, nationalité – au lendemain d’un bouleversement politique qui comportait moins de séquelles que toute autre guerre civile, ils n’ont pas réussi à discipliner l’action publique en un civisme rénové.32

30En conclusion de sa thèse, R. Ruffieux en vient à dresser ce qu’il appelle la « psychologie du radical », qu’il résume ainsi :

  • 33 Ibid., p. 121.

[...] nous savons peu de choses des hommes de 1848 sinon qu’ayant passionnément désiré le pouvoir, ils agirent de façon à le perdre sans retour. Faut-il voir en eux des médiocres, victimes de cette « logique » qu’ils ont appliquée sans souplesse pour bâtir un État inhumain ? Furent-ils des faibles incapables de freiner leurs instincts ? Pour trancher il faudrait écrire une véritable psychologie du radical. Le modèle du genre est connu : c’est le portrait du jacobin qui fournit à Taine l’occasion de quelques pages inoubliables dans ses Origines de la France contemporaine [...] la clef d’une explication psychologique nous paraît résider dans le ressentiment [...].33

  • 34 R. Ruffieux cite W. E. Rappard, La constitution fédérale de la Suisse, 1848-1948 : ses origines, s (...)

31On le voit, la charge est féroce et le ton peu banal dans une thèse de doctorat, mais ils ne sont pas ceux d’un intellectuel marginal. À travers cette thèse se déploie une analogie entre le radical et le jacobin et un portrait de l’un par l’autre qui esquisse celui du radical-jacobin. Ce dernier est, selon R. Ruffieux, prisonnier d’une philosophie de l’histoire héritée des Lumières qui viserait à plier la réalité aux principes. On est très proche de la critique des Lumières développée au XVIIIe siècle et portée par exemple par Antoine de Rivarol que cite, de seconde main et sans distance, R. Ruffieux dans sa thèse avec la formule « tout philosophe constituant est gros d’un jacobin »34. Au-delà, tous les stéréotypes y sont ou presque : violent, sans scrupule, envieux… le radical-jacobin est d’abord un tempérament, ce qui lui permet bien sûr de passer les générations. Cette représentation du radical-jacobin ne date évidemment pas des années 1950, mais n’est elle-même que l’écho lointain d’une autre mise en écho de la Révolution française qui se construit dans les années 1840.

La fabrique de l’écho : les années 1830-1840

  • 35 S. Milbach, « Les catholiques libéraux en révolution avant l’heure. Fin 1847 : Suisse – Italie – F (...)

32Le radicalisme est la force politique en développement dans les années 1830-1840. Il sera un acteur central des événements de 1847-1848 et de la Suisse post-1848 et c’est par rapport à lui, essentiellement contre lui, que vont se faire entendre des voix qui dès cette époque font l’analogie entre radicalisme et jacobinisme. Ainsi que l’écrit l’historien français Sylvain Milbach, qui analyse la position des adversaires des radicaux et donc des partisans du Sonderbund, ceux qui sont favorables à la ligue sécessionniste « percevront la crise du Sonderbund comme fondamentalement religieuse, toute tentative de “centralisation” étant par essence à la fois liberticide et jacobine, c’est-à-dire antireligieuse »35.

Les références théoriques composites du radicalisme

33Les radicaux sont dans les années 1830 des libéraux, c’est-à-dire des hommes politiques, des intellectuels qui s’inscrivent dans le sillage de la philosophie des Lumières et partagent une partie au moins des valeurs de la Révolution française, celles qui ont permis de mettre à bas l’Ancien Régime. Au sein des libéraux, les radicaux acceptent une part plus grande de l’héritage de la Révolution française et notamment son versant démocratique et républicain résumé à travers l’idéal de souveraineté du peuple qu’ils revendiquent. Or, tactiquement il devient clair pour les radicaux que la souveraineté du peuple implique un minimum de centralisation à l’échelle de la Suisse, car elle ne pourra pas passer par un ralliement progressif de chacun des cantons à cet idéal. Cette « centralisation » est très relative à l’aune de ce qu’elle a pu signifier en France, elle renvoie plutôt à la construction d’une nation et constitue un moyen pour aboutir à la souveraineté du peuple, qui est le cœur de leur revendication. En cela, la tactique radicale diffère de celle des autres libéraux, car ceux-ci ont depuis la fin des années 1820 tenté et en partie réussi à démocratiser un à un les différents cantons, mouvement qui prendra le nom de Régénération. Une douzaine de cantons ont adopté des constitutions démocratiques à cette époque. Mais les réformes constitutionnelles à l’échelle helvétique échouent.

  • 36 J.-L. Portmann, Histoire de la composition du gouvernement fédéral de la Confédération suisse, thè (...)

34Pour l’essentiel, les radicaux ne revendiquent pas fortement ni systématiquement leur filiation avec la Révolution française, même s’ils ne la rejettent pas non plus. Ils la diluent parmi d’autres. Sur l’ampleur de la référence explicite à la Révolution française chez les radicaux, les analyses divergent. Jean-Luc Portman considère que, à cette époque, « [l]es idées de l’Helvétique et de la révolution française reviennent en force – aussi dans l’inconscient collectif –, mais, cette fois, sans l’intervention d’une puissance étrangère »36. Alfred Kölz fait l’analyse inverse :

  • 37 A. Kölz, Histoire constitutionnelle de la Suisse moderne, Berne, Bruxelles, Stämpfli, Bruylant, 20 (...)

[...] par d’innombrables écrits, les auteurs conservateurs favorables à la Restauration étaient parvenus à discréditer la révolution française dans l’opinion publique, notamment en invoquant les épisodes de la Terreur. Les penseurs politiques et les politiciens qui reprenaient des idées de cette époque et les recommandaient à l’opinion, considéraient donc, avec raison, préférable de ne pas mentionner leurs sources : de cette manière, ils pouvaient éviter que ne se manifestent des attitudes de rejet de principe et augmentaient « l’acceptabilité » de leurs propositions.37

  • 38 Loc. cit.
  • 39 Historiquement, la Landsgemeinde désignait une pratique courante dans les cantons ruraux au cours (...)
  • 40 O. Meuwly, Les penseurs politiques du 19e siècle : les combats d’idées à l’origine de la Suisse mo (...)
  • 41 Ibid., p. 72.
  • 42 Créée en 1835, dissoute en 1839, elle « se fixait pour but de renforcer l’identité nationale de la (...)
  • 43 Association nationale suisse, Statuts de l’Association nationale suisse, Schinznach, 5 mai 1835, p (...)
  • 44 Henri Druey (1799-1855), un des principaux acteurs de la révolution vaudoise de février 1845.
  • 45 Ignaz Paul Vital Troxler (1780-1866), un des rares hommes politiques de cette époque reconnaissant (...)
  • 46 Sur ces différents aspects, voir O. Meuwly, Les penseurs politiques du 19e siècle, op. cit., p. 67 (...)

35Quoi qu’il en soit, le radicalisme se rattache à cette époque à un ensemble composite, et hétérogène, de références parmi lesquelles la Révolution française, mais aussi l’histoire helvétique, l’hégélianisme, le romantisme de Schiller, et pour certains une forme de mystique catholique. Un des premiers théoriciens du radicalisme suisse, Ludwig Snell, ne fait ainsi pas mention de ses références à la Révolution française, comme le souligne A. Kölz38, même si son programme s’en inspire grandement. Plus généralement, le radicalisme entend combiner l’héritage libéral « avec les traditions helvétiques de la Landsgemeinde39, remises au goût du jour par les romantiques, pour accoucher d’une souveraineté pleine et entière »40. « La Landsgemeinde s’invitera désormais comme référence symbolique dans cette démocratie que les radicaux veulent totale. Cette référence hantera l’imaginaire des radicaux de toute la Suisse »41. À titre d’exemple, les statuts de l’Association nationale suisse42 se réfèrent explicitement dès leur article 2 à « l’alliance du Grütli de 1307, telle qu’elle a été établie par les fondateurs de la Confédération »43. Par ailleurs, un radical comme Henri Druey44 se définit comme plutôt hégélien, un autre comme Ignaz Paul Vital Troxler45 se perçoit plutôt comme romantique et revendique son attachement au catholicisme et à la pensée de Schelling. Il défend une vision du peuple que l’on pourrait qualifier d’organiciste, anti-individualiste, et qui voit en lui (et non dans les individus) le support de l’État. Sans compter que dès cette époque certains radicaux se sentent plutôt proches de Saint-Simon, de Fourier ou de Proudhon46.

36Que les raisons soient de nature tactique ou idéologique, il ne semble dès lors pas surprenant qu’il n’y ait pas, à notre connaissance, d’identification explicite des radicaux au jacobinisme ni aux Jacobins. Ce sont donc plutôt certains de leurs adversaires, réactionnaires, conservateurs mais aussi libéraux qui vont, pour les disqualifier, user de cette analogie et contribuer ainsi à développer l’idée selon laquelle les radicaux suisses sont en fait des jacobins, c’est-à-dire de mauvais patriotes. Cette opération de disqualification prend plusieurs formes selon les sensibilités politiques de leurs auteurs, qui génèrent à leur tour plusieurs représentations du jacobin.

37S. Milbach explique la mécanique de cette mise en écho des événements de 1847-1848 avec ceux de la Révolution française de 1789, mécanique qui s’inscrit selon lui dans un contexte ouvert aux événements et aux courants d’idées en France à la même époque. Se référant à la vision des événements suisses développée par Charles Forbes de Montalembert, l’historien considère que

  • 47 C. F. de Montalembert, Discours, t. II : 1845-1848, Paris, Jacques Lecoffre et cie, 1860, p. 687.
  • 48 Ibid., p. 692.
  • 49 S. Milbach, « Les catholiques libéraux en révolution avant l’heure. Fin 1847 : Suisse – Italie – F (...)

[c]ette approche est conditionnée par une culture historique : une culture imprégnée des auteurs de la contre-révolution qui fausse l’interprétation des événements. Ceux-ci ne sont plus interprétés pour ce qu’ils sont, mais comme des signes de retour de ce qui fut. La Suisse radicale est assimilée à la Suisse protestante. L’action de la Diète est assimilée à celle de la Terreur jacobine (« on a dit qu’il y avait là toute notre révolution sans l’échafaud, cela n’est que trop vrai »47) et dans le prolongement logique de l’esprit de la Réforme, selon la filiation établie par les penseurs de la contre-révolution. Le Sonderbund, c’est la Vendée. En France, Lamartine, Michelet, ou Blanc constituent des signes annonciateurs : la réhabilitation préside au passage à l’acte « il est trop tard ; le club des jacobins est déjà rouvert, non pas en fait et dans la rue, mais dans les esprits »48.49

38Pour S. Milbach,

  • 50 Ibid., § 40.

[l]e tournant véritable du point de vue de nos épistoliers paraît se situer en décembre [1847], c’est-à-dire après les manifestations du trois de ce même mois célébrant la victoire des armées de la Diète en Suisse. L’Autriche et les jésuites y sont conspués. La presse échappe à la censure. Une brochure publiée pour exposer la « vraie » nature du Sonderbund est brûlée. L’opinion publique est dans la rue, dans les cafés. Inutile d’insister une fois encore sur ce que ces scènes évoquent : la terreur jacobine est en gestation.50

39Cette mise en écho dessine plusieurs portraits du jacobin suisse de la première moitié du XIXe siècle : celui dont les traits restent assez imprécis et intemporels, que l’on retrouve dans plusieurs ouvrages de Charles-Louis de Haller, et celui, plus précis, plus contextualisé, que l’on retrouve dans certains écrits critiques des événements de 1847-1848.

Le jacobin comme figure intemporelle et universelle du conspirateur

40Charles-Louis de Haller (1768-1854) est le prototype du penseur réactionnaire. Opposant à la République helvétique, exilé dans le sud de l’Allemagne, il revient en Suisse à l’occasion de l’effondrement de l’Empire et de la mise en œuvre du Pacte helvétique. Élu au Grand Conseil de la République de Berne, il publie en 1816 un ouvrage au titre évocateur, Restauration de la science politique. Opposé aux Lumières et antirévolutionnaire, Haller est fort logiquement antijacobin et à plusieurs reprises, dès les années 1820-1830, il dénonce le jacobinisme. En phase avec la pensée de l’abbé Barruel, il promeut d’abord une représentation des jacobins décontextualisée, universelle en quelque sorte, mais qu’il relie ensuite aux libéraux suisses dont sont issus les radicaux. Voici quatre extraits de ses écrits qui dessinent chacun une image du jacobin.

41Le jacobin est l’esprit du XVIIIe siècle :

  • 51 C.-L. de Haller, De quelques dénominations de partis, pour servir à l’intelligence des journaux et (...)

Le public toujours plus bref dans ses locutions, ne cessa de les appeler jacobins, et de là vient que cette dénomination a survécu à toutes les autres ; elle est aujourd’hui presque généralement adoptée en Europe, et connue avec raison pour synonyme de philosophes ou de sophistes, d’impies ou de rebelles par principes, de révolutionnaires, de libéraux, etc. ; car, bien que ces messieurs protestent par fois contre cette imputation, et qu’ils prétendent n’être pas des jacobins, nous leur répondrons qu’ils en ont été ou les maîtres, ou les disciples, ou les satellites ; et que les jacobins, dans le sens strict et rigoureux du terme, n’étoient peut-être que les têtes les plus fortes et les plus conséquentes de leur confrérie.51

42Le jacobin est la figure contemporaine d’une conspiration multiséculaire :

  • 52 Id., Lettre de M. Charles-Louis de Haller, membre du Conseil souverain de Berne à sa famille pour (...)

Albijois, luthériens, huguenots, presbytériens, philosophes, déistes, athées, jacobins, illuminés et radicaux, toutes ces différentes dénominations ne sont que les noms sous lesquels on peut indiquer les époques successives de cette conspiration qui désole le monde depuis quatre siècles, et dont le but et la doctrine se réduisent à cet aphorisme substantiel, point d’autorité ni divine ni humaine.52

43Le jacobin est franc-maçon :

  • 53 Id., Mélanges de droit public et de haute politique, Paris, A. Vaton, 1839, t. I, p. 354.

La liberté et l’égalité, voilà donc le secret de la maçonnerie, comme elle est depuis cinquante ans le cri de guerre de tous les jacobins, prétendus libéraux, carbonari, etc. Et puis qu’on vienne encore nous dire que la franc-maçonnerie n’est pour rien dans la révolution. Pour nous, nous croyons au contraire que toute révolution moderne n’est autre chose que la maçonnerie devenue souveraine.53

44Le jacobin est à la politique ce que le protestant est à la religion :

  • 54 Id., Histoire de la réforme religieuse, ou de la réforme protestante dans la Suisse occidentale, P (...)

Berne avait envoyé aux Vaudois des révolutionnaires ecclésiastiques, des prédicans de protestantisme ; les Vaudois lui adressèrent en revanche des révolutionnaires politiques, des prédicans de jacobinisme. Berne avait partout fomenté ou favorisé des troubles et la révolte spirituelle, partout dans le pays de Vaud elle avait soutenu une minorité turbulente et séditieuse contre la majorité du peuple, autorisé ou même commandé la violation des sermens, des pactes et des promesses ; les Vaudois et leurs patrons en firent, sous le rapport temporel, autant contre Berne, partout où ils en eurent l’occasion et les moyens. Berne avait soustrait les Vaudois à l’autorité légitime de leurs princes spirituels et temporels, ils s’affranchirent à leur tour de celle de la seigneurie de Berne, la traitant, d’après des principes tout pareils, également d’usurpatrice, d’absurde et de tyrannique. Le protestantisme religieux avait rompu le lien spirituel, le protestantisme politique rompit à son tour tout lien temporel.54

45Ce jacobinisme abstrait s’inscrit dans une matrice qui est celle d’une partie de la pensée contre-révolutionnaire et ressasse tous les stéréotypes du genre. Mais les écrits de Haller ont aussi pour effet spécifique d’acclimater le jacobin à un nouveau terrain et à un nouveau contexte, la Suisse des années 1820-1830. Cette nouvelle figure du jacobin sera ensuite reprise par les pamphlets anti-radicaux lors des événements de 1847-1848. Plus qu’en écho à la République helvétique, le jacobin, comme catégorie politique cette fois, s’installe durablement en Suisse, façonné par la pensée contre-révolutionnaire.

Les radicaux ou les jacobins suisses de 1848

46La figure du jacobin va prendre une forme plus concrète, davantage contextualisée, dans les libelles anti-radicaux qui se multiplient dans les années 1840. Les opposants au radicalisme font en effet paraître des ouvrages très hostiles à ce courant qui vont régulièrement souligner le parallélisme entre radicalisme et Révolution française, et même fréquemment entre radicalisme et jacobinisme. L’outrance est le plus souvent la règle : terreur, brutalité, ivrognerie, dissimulation sont les caractéristiques principales qui seraient communes aux jacobins et aux radicaux. À partir de ces libelles va se construire la figure fusionnelle du radical-jacobin.

  • 55 [H. J. Crelier], Le radicalisme suisse dévoilé, ou Un cas de conscience à l’occasion des élections (...)

47Dans l’ouvrage Le radicalisme suisse dévoilé, ou Un cas de conscience à l’occasion des élections, et spécialement des prochaines élections au Conseil national55, qui paraît postérieurement aux événements de 1848, l’auteur anonyme voit large et présente d’abord plutôt le radicalisme comme une émanation du communisme et du socialisme, évoque ce que seraient ses références à Fourier et à Proudhon. Mais très vite, ce sont les références à la Révolution française dans ce qu’elle peut avoir de plus effrayant qui l’emportent :

  • 56 Il s’agit probablement de Karl Heinzein, journaliste allemand de tendance radicale, favorable à l’ (...)
  • 57 Ibid., p. 20-21.

[...] enfin, l’enthousiasme des révolutionnaires [c’est-à-dire les radicaux suisses] pour Robespierre, Marat et tous les monstres de 93, quand même ils n’auraient pas déjà tant de fois manifesté leur impatience de voir arriver le règne de la guillotine, suffirait déjà pour faire connaître leur pensée : on n’est pas loin de prendre pour modèles ceux pour qui on professe une si vive admiration. Que dis-je ! Les prendre pour modèles ! La Révolution a fait des progrès depuis, et nous avons aujourd’hui des héros qui les laisseraient bien loin derrière eux. Marat, dans son bon temps de 1793, ne demandait que trois cent mille têtes pour faire le bonheur du genre humain ; Heinzein56, comme nous avons vu, en demande une couple de millions ; à d’autres il faut un lac ou une mer de sang !57

  • 58 Ibid., p. 50-51.

48De même, commentant un arrêté pris par le canton de Fribourg, l’auteur écrit qu’« [i]l est défendu aux notaires, non seulement les titres féodaux, mais encore les simples qualifications de Monsieur, de Madame, de Mademoiselle, et même de citoyen ! Noms et prénoms, rien de plus ; Louis Capet, tout court, comme à la Convention ou comme à la cour d’assises »58.

  • 59 Le Dictionnaire historique de la Suisse écrit ceci à son propos : « Membre dès 1834 de la Société (...)
  • 60 A. Baumgartner, Réfutation du radicalisme, Genève, impr. de Ch. Gruaz, 1847.

49Antoine Baumgartner (1808-1895)59, qui prit part au mouvement de la Régénération et appartint à la mouvance radicale jusqu’en 1847, rompt avec elle et publie plusieurs opuscules très critiques, dont l’un est intitulé Réfutation du radicalisme60. À plusieurs reprises, il établit lui aussi une comparaison entre les événements de 1847-1848 et la Révolution française. À propos du projet de Constitution fédérale défendu par les radicaux et qui sera adopté en septembre 1848, il écrit ainsi :

  • 61 Ibid., p. 39.

[...] si, par le plus grand hasard, leur Constitution était rejetée, se soumettraient-ils paisiblement au vœu de la majorité ? Ou bien saisiraient-ils de nouveau leurs carabines pour triompher du nombre par un coup révolutionnaire ? Ce dernier parti ne serait-il pas un effroyable despotisme ? Cela peut réussir un moment mais ces scènes de 94 ne sont plus de saison [...] qu’on ne dise pas que c’est un anachronisme de rappeler les souvenirs de 94 ! Le canton de Vaud est à nos portes, les scènes de brutalité les plus déplorables s’y renouvellent à chaque instant [...].61

  • 62 Ibid., p. 40.

Est-ce à nous d’envier ces magisters-Dantons [sic], d’imiter ces ignobles exploits à coup de gourdin [...].62

  • 63 Loc. cit.

Ah ! N’allons pas être jaloux des bacchanales, des scènes d’ivrognes de nos voisins ! [...] Et n’y a-t-il pas un juste milieu entre le bonnet de coton et le bonnet rouge ?63

  • 64 [s. n.], Les radicaux et le Sonderbund : lettres écrites de la Suisse, Paris, Amyot, 1847.
  • 65 Ibid., p. 6-7.
  • 66 On se souvient que pour Albert Hirschman, la rhétorique réactionnaire est organisée autour de troi (...)

50En 1847 également paraît un autre opuscule intitulé Les radicaux et le Sonderbund : lettres écrites de la Suisse64, ouvrage anonyme se présentant sous la forme de six lettres datées du 1er septembre au 29 octobre 1847. Toutes font le lien entre les événements suisses et la Révolution de 1789 pour montrer l’inanité du radicalisme et les risques qu’il fait encourir, car « [l]e radicalisme trouble et agite ces vieilles républiques, comme la liberté agitait et troublait la tourbe révolutionnaire de la France de 1789 : les affranchis de la veille et les émancipés de cinq siècles ont le même langage, les mêmes passions [...] »65. Il s’agit par cette analogie de minimiser la liberté apportée par la Révolution française par rapport à celle, plus ancienne, qui serait inscrite dans l’histoire helvétique. Cette position est un classique de la pensée anti-radicale et plus globalement de la rhétorique réactionnaire66, qui postule que, pour l’essentiel, les idéaux de liberté et de souveraineté des peuples que revendiquent les radicaux sont accomplis depuis longtemps et que les invoquer constitue un prétexte pour les restreindre dans les faits :

  • 67 [s. n.], Les radicaux et le Sonderbund, op. cit., p. 7.

De même que, sous la Convention, jamais la France ne fut moins libre, de même, dans ces dernières années, les libertés les plus précieuses ont expiré en Suisse au milieu des révolutions radicales : la liberté politique, la liberté individuelle, la liberté religieuse, la souveraineté nationale ; car, vous le verrez par une foule de faits que j’aurai à vous citer, la chose du monde dont nos prétendus libéraux se soucient le moins, ce sont précisément les libertés du pays ; ce qu’ils veulent, c’est l’égalité sociale. Un tel but ne s’avoue pas, on le cache sous des mots vides de sens. De là cette phraséologie empruntée par les radicaux suisses à la France révolutionnaire.67

  • 68 Ibid., p. 1-2.

51Mais la référence à la Révolution française permet aussi d’alerter sur un « risque » que ferait courir le rôle des clubs dans les événements de 1847-1848. Ils ne peuvent manquer de faire écho au rôle qu’ils jouèrent pendant la Révolution française : « La Suisse est un exemple frappant de la marche fatale de la démocratie ; elle montre par la pratique à quoi aboutissent les théories que rêvent d’honnêtes idéologues et que préconisent des clubistes qui ne sont ni idéologues ni honnêtes »68.

52Cette pratique était effectivement nouvelle en Suisse, comme l’indique Gérard Arlettaz :

  • 69 G. Arlettaz, Libéralisme et société dans le canton de Vaud, 1814-1845, Lausanne, Bibliothèque hist (...)

Créées à l’origine pour défendre une idée, telle que la nécessité de convoquer une constituante fédérale pour réviser le Pacte de 1815, les associations se transforment rapidement en cellules politiques très homogènes, choisissant des hommes en vue d’un programme de plus en plus global. Ce besoin nouveau d’encadrement idéologique convient très mal à tout un courant de la pensée libérale, individualiste et rationaliste, qui refuse de s’engager sur un programme partisan. Déjà perceptible lors de la révolution de 1830, cette division idéologique et culturelle entre individualistes et clubistes s’accentue lors de chaque conflit politique.69

53Avec la critique du rôle des clubs, l’analogie entre radicalisme et révolution prend un aspect plus incarné et facilite encore le rapprochement avec la figure du jacobin. Ainsi l’auteur anonyme se lance-t-il dans une critique d’Ulrich Ochsenbein, radical bernois qui devient en 1847 président de la Diète lors de la dissolution du Sonderbund et de la mise en place de l’État fédéral :

  • 70 [s. n.], Les radicaux et le Sonderbund, op. cit., p. 59. Lui fait écho François Guizot qui rend co (...)

Vous connaissez le discours d’ouverture de M. Ochsenbein en sa qualité de président de la Diète actuelle. [...] ce genre d’éloquence est celui des banquets patriotiques et populaires. C’est dans ces réunions, où se discute une politique avinée, que la plupart de nos hommes d’État actuels ont médité sur les besoins et l’avenir de la patrie ; comme autrefois les patriotes français faisaient leur cours de droit public et international au club des Jacobins. Les uns et les autres ont puisé à la même source ; c’est le même esprit, la même éducation, comment ne serait-ce pas aussi le même langage ?70

  • 71 James Fazy (1794-1878) est présenté par le Dictionnaire historique de la Suisse dans la notice qu’ (...)

54À propos d’un autre leader du mouvement radical, James Fazy71, chef du gouvernement de Genève à l’époque où écrit l’auteur :

  • 72 [s. n.], Les radicaux et le Sonderbund, op. cit., p. 100.

Le rédacteur de l’Europe centrale M. James Fazy, aujourd’hui chef du gouvernement de Genève, avait été autrefois employé dans l’un de ces journaux jacobins de Paris, la Tribune ou la Révolution, que le mépris public, bien plus que les condamnations a tués, c’est un radical rompu à toutes les roueries du métier.72

  • 73 Il s’agit en fait de la même association que le Club de l’Ours qui prit ce nom parce qu’elle se ré (...)

55Enfin, l’auteur des Lettres écrites de la Suisse considère ainsi le rôle tenu par l’Association populaire de Berne73 :

  • 74 Ibid., p. 121-122.

L’Association populaire de Berne a, dans les affaires de la Suisse, le rôle du club des Jacobins ; elle a étendu des ramifications dans tous les Cantons radicaux ; elle tient le gouvernement sous sa dépendance ; elle confisque à son profit la souveraineté du peuple ; et chez elle, comme aux Jacobins, c’est l’ignorance et la brutalité qui dominent.74

  • 75 H. Charles, Le jacobinisme en Suisse pour l’instruction des peuples ou Les élections de Bulle en 1 (...)

56Un dernier exemple, légèrement postérieur, mérite de compléter ce panorama non exhaustif, l’ouvrage intitulé Le jacobinisme en Suisse pour l’instruction des peuples ou Les élections de Bulle en 185375.

  • 76 F. Schneuwly, « Hubert Charles », dans Dictionnaire historique de la Suisse (DHS). En ligne : [htt (...)

57Son auteur, Hubert Charles, est à l’origine un libéral qui refuse de se rallier au radicalisme. Il démissionne d’abord du Conseil d’État, c’est-à-dire du gouvernement, du canton de Fribourg lorsque celui-ci décide de rejoindre le Sonderbund, mais s’oppose ensuite aux radicaux au pouvoir dans le canton en 1848. Il est élu au Conseil national (1852-1863), où il fut le premier Fribourgeois non radical, puis devient président du gouvernement cantonal de 1856 jusqu’en 187176.

  • 77 H. Charles, Le jacobinisme en Suisse…, op. cit., p. 1.
  • 78 Ibid., p. 120.

58Dès la première ligne de la première page, l’auteur relie radicalisme et jacobinisme : « Le canton de Fribourg est un très petit coin de terre où le jacobinisme commet aujourd’hui de grands crimes. On connaît les moyens par lesquels il est arrivé au pouvoir ; mais il n’est pas indifférent de savoir comment il s’y maintient »77. Et l’auteur de développer longuement des incidents qui ne firent aucun mort : « Il nous reste à retracer le moment le plus affreux de cette triste journée ; ce fut celui où l’on menaçait d’envahir la pharmacie Ruffieux où s’était réfugié le scrutateur blessé avec quelques-uns de ses amis. [...] C’était quelque chose d’épouvantable, une véritable scène de 1793. Il n’y manquait qu’une tête au bout d’une pique, et c’est ce qu’on voulait »78.

59On le voit, ces écrits ont un caractère répétitif, souvent caricatural. Ils forgent une certaine vision du radicalisme des années 1840-1850 en référence à la Révolution française de 1789 qui s’incarne dans la figure du radical-jacobin dont on a vu que loin de disparaître pendant les décennies suivantes, il perdure, de manière certes atténuée, jusqu’à aujourd’hui.

60Cet écho de la Révolution française dans les événements suisses de 1847-1848, qui passe notamment par l’usage des désignants jacobin et jacobinisme, se retrouve à plusieurs reprises dans des écrits de nature diverse : supports de vulgarisation, dictionnaires spécialisés, travaux d’historien, essais, pamphlets. Il témoigne, même si elle peut être d’ampleur variable selon les auteurs et sans qu’elle fasse l’unanimité, d’une véritable doxa reliant les événements de 1847-1848 à la Révolution française, en faisant le pont ou non avec la République helvétique. Et lorsque cet écho convoque la figure du jacobin de manière négative, il véhicule souvent tous les stéréotypes possibles largement hérités d’une partie de la littérature contre-révolutionnaire française. Le jacobin constitue une figure multiforme dont l’usage soit permet un discours tranché, manichéen, anxiogène, soit autorise une certaine ambiguïté, une manière de laisser entendre, sans nécessairement l’affirmer, les « risques » que font courir les événements de 1847-1848 et les traces qu’ils laissent dans la vie politique immédiatement postérieure. Son usage recouvre au moins trois significations.

61D’abord, le jacobin est en quelque sorte un concentré de la Révolution française, il est la Révolution. Utiliser ce terme en dehors de la Révolution française consiste donc à relier le contexte dans lequel on l’utilise à celle-ci. C’est supposer, au moins implicitement, que les événements du passé ne manqueront pas de se reproduire. C’est donc souvent adopter une vision mécaniste et répétitive de l’histoire.

62Ensuite, le jacobin incarne l’aile la plus militante, c’est-à-dire organisée et violente, de cette même révolution. Il n’est donc plus toute la Révolution, mais la part souvent considérée comme condamnable par ceux qui emploient ce terme. L’utiliser sert donc à inquiéter. On passe de l’analytique au normatif.

63Enfin, l’usage du terme jacobin permet de relier les événements suisses de 1847-1848 à d’autres contextes : il puise dans une histoire antérieure et dans une géographie plus large. Le Jacobin de la Révolution française et ici le radical-jacobin accèdent à une sorte d’universel, temporel et spatial, qui fait accéder à ce même universel les événements auxquels on les associe.

64Ce sont ces multiples échos, qui sont aussi de multiples images, représentations et significations, qui se trouvent en quelque sorte concentrés dans l’usage du terme jacobin.

65Nous retrouvons là un ensemble d’usages, évidemment hétérogènes, mais assez proches de ceux que nous avons déjà identifiés comme étant à l’œuvre lors de la Révolution française : un usage péjoratif, disqualifiant, procédant par amalgame. Ces usages n’ont pas seulement pour effet de rapprocher les radicaux suisses et les Jacobins de la Révolution française, mais d’ériger les jacobins en tendance, en type psychologique universel dont le radical suisse est une incarnation locale. De ce fait se trouve importée en Suisse une catégorie politique construite lors de la Révolution française et qui fait l’objet d’une acclimatation et d’une réappropriation par les opposants au radicalisme suisse. Cette catégorie politique constitue encore aujourd’hui, en même temps qu’un lointain écho de 1789 et de 1847-1848, une grille de lecture de la vie politique suisse contemporaine.

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Notes

1 Voir notamment Y. Palau, « Du Club des Jacobins au “jacobinisme”, naissance d’une tradition politique à la fin du XVIIIe siècle », communication au congrès de l’Association française de science politique « Que faire des traditions politiques en histoire sociale des idées ? », juillet 2017. En ligne : [https://www.afsp.info/congres/editions-precedentes/congres-2017/sessions/sections-thematiques/st3/] (consulté le 28/08/2019).

2 Sur ce que seraient les Jacobins de la Révolution à aujourd’hui, voir M. Vovelle, Les Jacobins : de Robespierre à Chevènement, Paris, La Découverte, 2001.

3 Nous utiliserons la minuscule pour désigner la catégorie politique des jacobins et la majuscule lorsque le mot désigne les membres du Club des Jacobins.

4 Dans La Société des Jacobins, François-Alphonse Aulard en recense 19 en 1790 dont 10 pour le seul mois de décembre et 29 pour les 7 premiers mois de 1791. Le recueil des pamphlets par F.-A. Aulard n’avait rien de systématique : « Nous avons éliminé d’abord les pamphlets ou opuscules divers dont le titre nomme les Jacobins, mais dont le texte ne se rapporte qu’indirectement à la célèbre société, et où le mot de Jacobin est d’ordinaire synonyme de patriote, de révolutionnaire. Nous n’avons reproduit parmi ces écrits que ceux qui renseignent sur le Club ou sur l’idée que l’on se faisait du Club. » F.-A. Aulard, La Société des Jacobins : recueil de documents pour l’histoire du Club des Jacobins de Paris, t. I : 1789-1790, Paris, Jouaust, Noblet, Quantin, 1889, p. CXXV. F.-A. Aulard cessera par ailleurs ce travail à partir du tome III qui couvre la seconde moitié de l’année 1791. Jacques Guilhaumou qualifie l’année 1791 de « difficile pour les Jacobins [...] l’opinion publique est assaillie de journaux éphémères et de pamphlets usant des styles les plus divers dans le but de ridiculiser les Jacobins et leurs initiatives politiques ». J. Guilhaumou, La langue politique et la Révolution française : de l’événement à la raison linguistique, Paris, Méridiens-Klincksieck, 1989, p. 15.

5 On emploie ici « désignant » au sens que lui donne l’analyse du discours, en l’occurrence un terme sociopolitique utilisé dans des stratégies discursives qui révèlent souvent le positionnement de son énonciateur. Le terme jacobin fait ici l’objet de reformulations dans la mesure où il ne sert pas à nommer les membres du Club mais d’autres personnes ou idées dans d’autres contextes. Voir les notices « Paradigme définitionnel/désignationnel » et « Reformulation » dans P. Charaudeau et D. Maingueneau éd., Dictionnaire d’analyse du discours, Paris, Seuil, 2002.

6 Voir pour la période contemporaine de la vie du Club : A. Geffroy, « Aux origines, quel patron pour les Jacobins ? », dans Mélanges Michel Vovelle : sur la Révolution, approches plurielles, Paris, Société des études robespierristes, 1997, p. 181-189.

7 Pour la dernière édition de cet ouvrage : A. Barruel, Mémoires pour servir à l’histoire du jacobinisme, C. Lagrave éd., Chiré-en-Montreuil, Éditions de Chiré, 2005 [1798], 2 vol.

8 C.-L. Cadet de Gassicourt, Le tombeau de Jacques Molai ou Histoire secrète et abrégée des initiés, anciens et modernes, des Templiers, francs-maçons, illuminés, etc., Paris, Desenne, 1797. Pour cet auteur, les Jacobins sont en fait les descendants des Templiers et de Jacques de Molay.

9 J. de Puisaye, Mémoires qui pourront servir à l’histoire du parti royaliste français durant la dernière révolution, Londres, Harding et Dulau, 1803, vol. I, p 284-285.

10 G. de Staël, Considérations sur les principaux événements de la Révolution française, Paris, Delaunay, 1818, 3 vol.

11 Ce n’est, de fait, que le 21 septembre 1792, lors de la proclamation de la République, que la Société des amis de la Constitution, souhaitant changer de nom le temps qu’une nouvelle constitution soit adoptée et qu’elle puisse le cas échéant s’en prévaloir, finit par accepter d’endosser officiellement le nom de Jacobins en se dénommant Société des Jacobins, amis de la liberté et de l’égalité. Elle le fit avec l’argument suivant énoncé par un de ses membres : « Le mot de Jacobins est celui sous lequel nous avons mérité la haine des tyrans et les persécutions des ennemis de l’égalité : je demande donc que, quelque dénomination que nous choisissions, nous ne quittions jamais celui de Jacobins », propos cités par F.-A. Aulard, La Société des Jacobins, op. cit., t. IV, p 314-315. F.-A. Aulard insiste aussi sur ce point : « Après avoir protesté contre ce surnom, les membres du Club finirent par l’adopter officiellement, au moment où l’établissement de la République les contraignit à renoncer à leur titre d’Amis de la Constitution », ibid., t. I, p. XXII. À la même période, les Annales monarchiques veulent se faire l’écho de ce que seraient les réticences de Robespierre : « Comme il connoit tout l’odieux que porte aujourd’hui le mot jacobin, il en demande la suppression dans toutes les lettres adressées aux sociétés affiliées », Annales monarchiques, philosophiques, politiques et littéraires, no 363, compte rendu de la séance des Jacobins du 16 février 1792. Extrait cité par A. Geffroy, « Sans-culotte(s) (novembre 1790-juin 1792) », dans Dictionnaire des usages socio-politiques (1770-1815), fasc. 1, Paris, Klincksieck, 1985, p. 173.

12 Pour cette dimension, voir notamment A. Rufer, La Suisse et la Révolution française, J.-R. Suratteau éd., Paris, Société des études robespierristes, 1973 et A. Méautis, Le Club helvétique de Paris (1790-1791) et la diffusion des idées révolutionnaires en Suisse, Neuchâtel, La Baconnière, 1969.

13 Il existe des exceptions : le radical Ignaz Paul Vital Troxler (1780-1866) « entra quelque temps au service de la République helvétique, en dernier lieu comme secrétaire privé du préfet Vinzenz Rüttimann » nous apprend la notice qui lui est consacrée dans le Dictionnaire historique de la Suisse (DHS). En ligne : [https://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/009053/2015-11-18/ (mise en ligne le 18/11/2015, consultée le 28/08/2019). À l’autre bout du spectre politique, Charles-Louis de Haller fut un contemporain de la Révolution française et un adversaire résolu des radicaux. Voir infra.

14 Première Constitution helvétique, 12 avril 1798. En ligne : [http://mjp.univ-perp.fr/constit/ch1798.htm] (consulté le 28/08/2019).

15 « Parti radical », dans Wikipédia. En ligne : [https://fr.wikipedia.org/wiki/Parti_radical] (notice mise en ligne le 10/12/2017, consultée le 15/05/2018).

16 « Parti radical-démocratique », dans Wikipédia. En ligne : [https://fr.wikipedia.org/wiki/Parti_radical-d%C3%A9mocratique] (notice mise en ligne le 13/09/2017, consultée le 15/05/2018).

17 S. Montabert, « Quel est le parti suisse le plus libéral ? », Contrepoints, 14 février 2012. En ligne : [https://www.contrepoints.org/2012/02/14/69049-quel-est-le-parti-suisse-le-plus-liberal] (consulté le 15/05/2018).

18 Le Dictionnaire historique de la Suisse est dirigé par l’Académie suisse des sciences humaines et sociales et financé par la Confédération.

19 A. Tanner, « Radicalisme », dans Dictionnaire historique de la Suisse (DHS). En ligne : [http://www.hls-dhs-dss.ch/textes/f/F27156.php] (notice mise en ligne le 26/04/2012, consultée le 15/05/2018).

20 A. Rufer, La Suisse et la Révolution française, op. cit., p. 174.

21 A. Czouz-Tornare et E. Maradan, « À la recherche d’un jacobinisme helvétique », Annales historiques de la Révolution française, no 282, 1990, p. 445.

22 A. Czouz-Tornare, « L’idée républicaine en Suisse », Annales historiques de la Révolution française, no 296, 1994, p. 221.

23 R. Ruffieux, Les idées politiques du régime radical fribourgeois et leur application politique (1847-1856), Fribourg, imprimerie Saint-Paul, 1957. Thèse présentée pour le titre de docteur ès lettres.

24 Fondation de droit public entièrement financée par la Confédération, en charge du soutien et de la diffusion de l’art et de la culture suisses dans le monde. Voir le site : [https://prohelvetia.ch/fr/] (consulté le 28/08/2019).

25 F. Walter, « Roland Ruffieux », dans Dictionnaire historique de la Suisse (DHS). En ligne : [http://www.hls-dhs-dss.ch/textes/f/F35520.php] (notice mise en ligne le 13/01/2010, consultée le 15/04/2018).

26 R. Ruffieux, Les idées politiques du régime radical fribourgeois, op. cit., p. 9. Le canton de Fribourg est rattaché à la Confédération suisse depuis 1481. Au XIXe siècle, il fera plus particulièrement « écho » à la Révolution française et à ses conséquences et deviendra le théâtre d’affrontements entre ses partisans et les antirévolutionnaires. La vie politique et institutionnelle de ce canton se révélera, durant toute cette période, plus radicalisée que celle de la Suisse et particulièrement sensible aux événements politiques français. Elle connaîtra une succession de gouvernements aux orientations politiques contradictoires, conséquence des antagonismes idéologiques qui traversent ce canton.

27 Ibid., p. 13.

28 Ibid., p. 7.

29 Ibid., p. 15.

30 Date à laquelle les radicaux perdent la direction du gouvernement cantonal.

31 Ibid., p. 25.

32 Ibid., p. 26.

33 Ibid., p. 121.

34 R. Ruffieux cite W. E. Rappard, La constitution fédérale de la Suisse, 1848-1948 : ses origines, son élaboration, son évolution, Neuchâtel, La Baconnière, 1948, p. 89. R. Ruffieux, Les idées politiques du régime radical fribourgeois, op. cit. p. 40.

35 S. Milbach, « Les catholiques libéraux en révolution avant l’heure. Fin 1847 : Suisse – Italie – France », Revue d’histoire du XIXe siècle, no 28, 2004, § 7. En ligne : [http ://rh19.revues.org/617] (consulté le 30/09/2017).

36 J.-L. Portmann, Histoire de la composition du gouvernement fédéral de la Confédération suisse, thèse de droit, université de Neuchâtel, 2008, p. 72.

37 A. Kölz, Histoire constitutionnelle de la Suisse moderne, Berne, Bruxelles, Stämpfli, Bruylant, 2006, p. 287.

38 Loc. cit.

39 Historiquement, la Landsgemeinde désignait une pratique courante dans les cantons ruraux au cours de laquelle les citoyens assemblés pouvaient élire des autorités et débattre des affaires publiques. D’origine médiévale, elle fait l’objet d’une appropriation par les libéraux et les radicaux qui voyaient en elle une manière de donner une profondeur historique et « nationale » à leurs revendications démocratiques.

40 O. Meuwly, Les penseurs politiques du 19e siècle : les combats d’idées à l’origine de la Suisse moderne, Lausanne, Presses polytechniques et universitaires romandes, 2007, p. 67.

41 Ibid., p. 72.

42 Créée en 1835, dissoute en 1839, elle « se fixait pour but de renforcer l’identité nationale de la Suisse, de préserver l’indépendance du pays, d’élaborer une constitution fédérale, d’obtenir l’égalité des droits et les libertés de presse et d’association. Ses affinités avec les cercles radicaux de Giuseppe Mazzini et la “Jeune Suisse” d’Ernst Schüler eurent pour effet de cabrer les libéraux […] ». C. Zürcher, « Association nationale suisse », dans Dictionnaire historique de la Suisse (DHS). En ligne : [https ://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/041100/2011-11-30/] (notice mise en ligne le 30/11/2011, consultée le 28/08/2019).

43 Association nationale suisse, Statuts de l’Association nationale suisse, Schinznach, 5 mai 1835, p. 1-2.

44 Henri Druey (1799-1855), un des principaux acteurs de la révolution vaudoise de février 1845.

45 Ignaz Paul Vital Troxler (1780-1866), un des rares hommes politiques de cette époque reconnaissant explicitement sa filiation idéologique avec la République helvétique, même s’il puise aussi ses références dans les institutions nord-américaines.

46 Sur ces différents aspects, voir O. Meuwly, Les penseurs politiques du 19e siècle, op. cit., p. 67-91.

47 C. F. de Montalembert, Discours, t. II : 1845-1848, Paris, Jacques Lecoffre et cie, 1860, p. 687.

48 Ibid., p. 692.

49 S. Milbach, « Les catholiques libéraux en révolution avant l’heure. Fin 1847 : Suisse – Italie – France », art. cité, § 31.

50 Ibid., § 40.

51 C.-L. de Haller, De quelques dénominations de partis, pour servir à l’intelligence des journaux et de plusieurs autres écrits modernes, Genève, Guers père, 1822, p. 17.

52 Id., Lettre de M. Charles-Louis de Haller, membre du Conseil souverain de Berne à sa famille pour lui déclarer son retour à l’Église catholique, apostolique et romaine, Genève, Guers père, 1821, p. 106.

53 Id., Mélanges de droit public et de haute politique, Paris, A. Vaton, 1839, t. I, p. 354.

54 Id., Histoire de la réforme religieuse, ou de la réforme protestante dans la Suisse occidentale, Paris, A. Vaton, 1839, p. 425.

55 [H. J. Crelier], Le radicalisme suisse dévoilé, ou Un cas de conscience à l’occasion des élections, et spécialement des prochaines élections au Conseil national, Paris, Jacques Lecoffre, 1851.

56 Il s’agit probablement de Karl Heinzein, journaliste allemand de tendance radicale, favorable à l’instauration d’une république en Allemagne. Il s’était réfugié en Suisse en 1848 avant de s’exiler aux États-Unis.

57 Ibid., p. 20-21.

58 Ibid., p. 50-51.

59 Le Dictionnaire historique de la Suisse écrit ceci à son propos : « Membre dès 1834 de la Société médicale de Genève. B. entra en politique en 1839 avec La bande noire et ses œuvres et adhéra en 1841 à l’Association du trois mars, qui réclamait une nouvelle constitution. Membre de la Constituante en 1841. Élu député de Saint-Gervais en 1842, il refusa de siéger. B. publia de nombreux opuscules et, en 1846, prit part au combat de Saint-Gervais. En 1847, il quitta les radicaux et critiqua la politique de James Fazy, ce qui lui valut d’être agressé par les partisans de celui-ci en 1849 ». G. Le Comte, « Antoine Baumgartner », dans Dictionnaire historique de la Suisse (DHS). En ligne : [http://www.hls-dhs-dss.ch/textes/f/F21577.php] (notice mise en ligne le 28/06/2002, consultée le 15/05/2018).

60 A. Baumgartner, Réfutation du radicalisme, Genève, impr. de Ch. Gruaz, 1847.

61 Ibid., p. 39.

62 Ibid., p. 40.

63 Loc. cit.

64 [s. n.], Les radicaux et le Sonderbund : lettres écrites de la Suisse, Paris, Amyot, 1847.

65 Ibid., p. 6-7.

66 On se souvient que pour Albert Hirschman, la rhétorique réactionnaire est organisée autour de trois thèses principales, celle de l’effet pervers, celle de l’inanité et celle de la mise en péril. On retrouve ici une illustration de ces trois thèses. A. O. Hirschman, Deux siècles de rhétorique réactionnaire, P. Andler trad., Paris, Fayard, 1991.

67 [s. n.], Les radicaux et le Sonderbund, op. cit., p. 7.

68 Ibid., p. 1-2.

69 G. Arlettaz, Libéralisme et société dans le canton de Vaud, 1814-1845, Lausanne, Bibliothèque historique vaudoise, 1980, p. 530-531.

70 [s. n.], Les radicaux et le Sonderbund, op. cit., p. 59. Lui fait écho François Guizot qui rend compte d’un échange qu’il aurait eu avec le président de la Diète : « Tenez, monsieur Ochsenbein, voulez-vous que je vous dise ce qui m’effraie quand vous parlez ? C’est que ce n’est pas vous qui parlez [...] vous êtes poussé par d’autres, vous servez d’instrument à des projets et d’interprète à des sentiments qui ne sont pas les vôtres [...] avec l’ascendant que vous laissez prendre au club de l’Ours, on ne peut plus compter sur rien », F. Guizot, Mémoires pour servir à l’histoire de mon temps, t. XVI : La révolution de 1848, A. Rémy éd., Clermont-Ferrand, Paleo, 2013 [1858-1867], p. 87.

71 James Fazy (1794-1878) est présenté par le Dictionnaire historique de la Suisse dans la notice qu’il lui consacre comme un radical, lié à La Fayette lorsqu’il résida partiellement à Paris de 1814 à 1833, plutôt influencé par le constitutionnalisme nord-américain et auteur de la Constitution genevoise de 1847. J. de Senarclens, « James Fazy », dans Dictionnaire historique de la Suisse (DHS). En ligne : [https://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/003866/2018-02-07/] (notice mise en ligne le 07/02/2018, consultée le 29/08/2019).

72 [s. n.], Les radicaux et le Sonderbund, op. cit., p. 100.

73 Il s’agit en fait de la même association que le Club de l’Ours qui prit ce nom parce qu’elle se réunissait à l’auberge de l’Ours.

74 Ibid., p. 121-122.

75 H. Charles, Le jacobinisme en Suisse pour l’instruction des peuples ou Les élections de Bulle en 1853, Paris, Jacques Lecoffre et cie, 1853. Bulle est une commune du canton de Fribourg qui fut en pointe tout à la fois dans le mouvement de Régénération, dans le mouvement radical et dans l’opposition au gouvernement cantonal conservateur. Voir D. Buchs, « Bulle », dans Dictionnaire historique de la Suisse (DHS). En ligne : [https://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/000895/2016-09-26/] (notice mise en ligne le 26/09/2016, consultée le 22/05/2018).

76 F. Schneuwly, « Hubert Charles », dans Dictionnaire historique de la Suisse (DHS). En ligne : [http://www.hls-dhs-dss.ch/textes/f/F3916.php] (notice mise en ligne le 04/11/2003, consultée le 22/05/2018).

77 H. Charles, Le jacobinisme en Suisse…, op. cit., p. 1.

78 Ibid., p. 120.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Yves Palau, « Un écho de la Révolution française : la mobilisation de la référence aux jacobins et au jacobinisme en Suisse lors des événements de 1847-1848 »Astérion [En ligne], 24 | 2021, mis en ligne le 12 octobre 2021, consulté le 19 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/asterion/5824 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/asterion.5824

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Auteur

Yves Palau

Université Paris-Est Créteil, LIPHA (EA 7373) • Yves Palau est professeur de science politique à l’École internationale d’études politiques de l’université Paris-Est Créteil et directeur de cette école. Ses recherches s’inscrivent dans le courant de l’histoire sociale des idées politiques et portent sur l’usage des termes de jacobin et de jacobinisme dans la vie politique depuis la Révolution française et sur l’historicité des concepts politiques. Parmi ses dernières publications : « La gouvernance multiniveaux au risque de la mise en perspective historique », Synergies Roumanie, no 14, 2019, p. 21-33 ; « Les concepts comme objet pour une histoire sociale des idées politiques. Une lecture du second tome du Dictionnaire des concepts nomades en sciences sociales », dans O. Christin et M. Deschamp éd., Critique de la langue politique : les concepts nomades et l’histoire des idées (Le Bord de l’eau, 2019, p. 87-105).

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