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Dossier

La question de psychanalyse chez Michel Foucault

Psychoanalytical disorders in the Foucault’s thought
Laurent Dartigues

Résumés

L’article s’intéresse à la manière dont Michel Foucault fait usage de la psychanalyse, dont il est un grand lecteur dans les années 1950, essentiellement de Freud. Si elle est parfois enrôlée au sein d’une « fonction-Psy » et ne fait pas l’objet d’un cours spécifique au Collège de France comme la psychiatrie, elle apparaît toutefois comme un problème de longue date, une référence qui persiste tout au long de l’œuvre de Foucault, même si elle est abordée de façon tout à fait pointilliste. En ce sens, elle a un statut à part au sein de cette fonction, parfois contradictoire, assez souvent obscur, tantôt matrice de toutes les institutions disciplinaires, tantôt forme de dépsychiatrisation hors de l’asile. À côté d’un usage « instrumental » asservi à la problématique du savoir-pouvoir pointent des usages tout à fait singuliers. Foucault triture ainsi le concept d’inconscient au point de le rendre tout à fait hétérogène au savoir élaboré par Freud et révisé par Lacan.

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Texte intégral

Introduction

  • 1 E. W. Said, La question de Palestine, J.-C. Pons trad., Arles, Sindbad (La bibliothèque arabe. L’A (...)
  • 2 E. Basso, « Foucault entre psychanalyse et psychiatrie. “Reprendre la folie au niveau de son langa (...)

1À la manière dont Edward Said a traité le problème de la Palestine1, « la question de » me permet de souligner, d’une part, que la psychanalyse, même si elle est abordée de manière fort pointilliste, apparaît comme un problème obstiné dans le sens où il « revient » tout au long de l’œuvre de Foucault, et, d’autre part, que la psychanalyse y affleure avec un statut incertain, fluctuant et assez souvent obscur. Certes, il semble demeurer un problème avec un aspect de la « question de » : la psychanalyse est-elle un thème particulier pour Foucault et peut-elle donc être traitée isolément ? Du point de vue de Foucault, en effet, la psychanalyse est rarement envisagée à part. Elle est, par exemple dans les cours au Collège de France, toujours insérée dans des séries multiples – Freud est associé à Nietzsche ou Hegel, aux stratégies asilaires ou aux formes de dépsychiatrisation, etc. Ce point coexiste, je crois, avec un statut malgré tout distinctif de la psychanalyse au sens où il indique qu’il se trouve non pas une, mais des lectures foucaldiennes de la psychanalyse relevant en réalité d’usages tactiques qui ne se réduisent pas à l’unifiante « fonction-Psy ». En somme, je rejoins la thèse d’Elisabetta Basso qui stipule que la psychanalyse est à comprendre en fonction de contextes précis : Foucault n’a pas de position générale, il lui fait jouer des rôles en fonction de ses problématiques propres de recherche2.

  • 3 F. Gros, « Foucault penseur de la psychanalyse, dans l’Histoire de la folie et La volonté de savoi (...)
  • 4 M. Foucault, Surveiller et punir : naissance de la prison, Paris, Gallimard (Bibliothèque des hist (...)

2L’immensité à la fois de sa production et des textes et discours académiques, littéraires ou artistiques qui enserrent l’homme et l’œuvre est fascinante et intimidante. Néanmoins, quand il parle de psychanalyse, Foucault, le plus souvent, m’agace prodigieusement. Et pas uniquement parce qu’il est d’une « extraordinaire ambivalence » à son égard3. Disons : au point de m’imaginer qu’il n’avait pu lire les textes « fondamentaux » de la psychanalyse. Un seul exemple : Surveiller et punir propose une analyse qui ne va guère au-delà des années 1870 et, logiquement, il n’est jamais fait mention de la psychanalyse dans les énumérations où apparaissent la psychologie et la psychiatrie aux côtés de la criminologie et de la pédagogie. Pourtant, à propos des mécanismes, à la fois scientifiques et disciplinaires, de formation d’un récit sur l’individualité, il écrit que « ce sont les malheurs du petit Hans et non plus “le bon petit Henri” qui racontent l’aventure de notre enfance. Le Roman de la Rose est écrit aujourd’hui par Mary Barnes ; à la place de Lancelot, le président Schreber »4. Voici en passant la psychanalyse incluse dans les technologies de pouvoir disciplinaires du XIXe siècle, mais sans être nommément citée, par pur rapport de complicité immédiate avec ces cas bien connus analysés par Freud, le « Petit Hans » et le « président Schreber ».

  • 5 M. Basaure, « Être “juste” avec Foucault : la sociologie implicite de Foucault et sa critique de l (...)
  • 6 E. Carrère, Le Royaume, Paris, Gallimard (Folio), 2016, p. 342.
  • 7 S. Subrahmanyam, L’éléphant, le canon et le pinceau : histoires connectées des cours d’Europe et d (...)
  • 8 Ce faisant, je ne prétends pas rendre compte ainsi de toute la gamme du rapport de Foucault à la p (...)

3Pris dans ces sentiments, comment dès lors traiter la documentation, non avec objectivité mais tout du moins avec loyauté, et tenter ainsi d’« être plus juste avec Foucault »5, d’écrire « pour ne pas abonder dans mon sens »6 ? La notion d’incommensurabilité culturelle qui m’est inspirée par la lecture d’un ouvrage de Sanjay Subrahmanyam7, me paraît pouvoir mettre à distance mes petits dégoûts personnels pour analyser la thématique du rapport de Foucault à la psychanalyse. Concept nomade venu des mathématiques, il rend compte, en épistémologie, de l’impossibilité de comparer deux paradigmes (successifs) en raison des différences fondamentales de leurs « schèmes de pensée » respectifs. Au niveau des cultures (dans un sens large), et prenant acte avec Subrahmanyam de leur évolution historique, des possibilités d’interactions, d’hybridations et de traductions qui laissent toujours persister de l’indéterminé ou de l’imprécis dans le passage d’une culture à l’autre, j’envisage de distinguer chez Foucault, d’un côté, l’usage politique de la psychanalyse, de l’autre, la traduction, dans l’ordre du savoir, de celle-ci8. Seule la question de la traduction retiendra mon attention dans cet article.

  • 9 Voir S. Prokhoris, La psychanalyse excentrée, Paris, PUF (Pratiques théoriques), 2008, p. 64 ; J.  (...)

4À cette prise de distance par la théorie, j’ajoute un autre écart, de méthode. La recherche en cours dont cet article se présente comme une étape intermédiaire s’inspire de l’espèce d’enquête que pratique Carlo Ginzburg. J’en retiens le principe d’exhaustivité dans la mesure où cela est possible – le corpus est assez aisément délimitable (les ouvrages, les cours au Collège de France, les volumes de la Pléiade, les Dits et écrits) –, et le principe de cohérence dans le sens où il s’agit de ne rien laisser choir de ce que l’on a – je le traduis ainsi : prêter attention aux cohérences entre les textes ne doit pas conduire à éluder ce qui colle moins bien, les petites anomalies et obscurités dans la manière dont Foucault traite de la psychanalyse. Quant au principe de parcimonie qui tend à privilégier l’interprétation faisant appel au minimum d’hypothèses, je le modifie sous la forme d’un principe de précaution, à savoir une vigilance tendue vers le but de ne pas psychologiser les rapports de Foucault à la psychanalyse, de rabattre ainsi son discours sur une raison psychologique. Des auteurs, notamment des psychanalystes, avancent de la sorte que la place parcimonieuse ou ambivalente que Foucault accorde à la psychanalyse révélerait son obsession ou son affinité particulière pour celle-ci9. Des énoncés même-pas-faux ironiserait Éric Weil pour indiquer leur faible valeur de vérité. Ce principe n’a bien sûr pas grand-chose à voir avec le fait que, dès qu’on fréquente un auteur avec un peu d’assiduité, il est inévitable, je crois, de s’en forger quelques traits de psychologie. Il ne s’agit pas d’esquiver cette difficulté, mais de manier cela avec prudence – ni explication ni réduction –, et avec la claire conscience, autant que faire se peut, des enjeux d’identification que cela implique. Autrement dit, ne jamais oublier ce que Romain Gary écrivait dans Les Racines du ciel : on pense être chez les autres et on n’est que chez soi !

  • 10 Si la question de la psychanalyse dans l’œuvre de Foucault est certes de plus en plus arpentée, el (...)
  • 11 J. Lagrange, « Versions de la psychanalyse dans le texte de Foucault », Incidence, no 4-5, 2008-20 (...)
  • 12 J. Forrester, « Foucault et l’histoire de la psychanalyse », Incidence, no 4-5, 2008-2009, p. 74.

5Dans un premier temps, je me propose d’examiner les petits récits qui courent à propos de Foucault et la psychanalyse à travers des faits biographiques ou de menues anecdotes, plus ou moins allusives, qu’elles proviennent de Foucault lui-même ou bien de tiers. Ces récits suggèrent un rapport particulier d’intérêt de Foucault pour la psychanalyse, mais disent aussi un mode particulier de présence de ce rapport10. Il est donné ainsi consistance à la thèse d’une coupure introduite en 1976 par La volonté de savoir. Si jusque-là ce rapport était de nature plutôt bienveillante, le ménage tournerait à l’aigre au moment où s’opère « une redistribution de la problématique autour de la question du pouvoir »11. La psychanalyse deviendrait dès lors « la version la plus pure et la plus économique »12 du dispositif de sexualité qui se déploie à partir de deux injonctions sociales, la vérité du sujet se cache dans la sexualité et il convient d’en parler.

6Dans un deuxième temps, je confronterai brièvement à ces récits ce qu’apportent les fiches de lecture conservées dans le fonds Michel Foucault déposé à la Bibliothèque nationale de France.

7Dans un troisième temps, j’identifierai les évocations du mot « inconscient », d’abord dans les premiers textes des années 1950, puis dans les cours au Collège de France des années 1970. Je scruterai enfin plus longuement Les mots et les choses afin d’illustrer le concept descriptif d’incommensurabilité.

Que faire du « roman » biographique ?

  • 13 R. de Ceccaty, « Michel Foucault et les vies parallèles : fables, figures, aveux et témoignages », (...)
  • 14 Ibid., p. 15.
  • 15 Ibid., p. 8.

8Foucault est peu disert au sujet de sa biographie. Il élude en effet la question du récit de sa vie sur le mode : « je suis dans mon œuvre qui ne dit pas ma vie mais la comprend », récusant non l’idée d’un lien entre sa vie, ses textes et sa sexualité, mais l’évidence de celui-ci, selon René de Ceccaty13. Ce dernier invite d’ailleurs à ne pas surdéterminer les éléments très disparates de vie privée que distille Foucault tout au long de ses multiples « dits »14. Distillés surtout par les cercles plus ou moins proches de Foucault, assez souvent sous la forme d’une confidence enfin dévoilée aux « profanes » : « Tout le monde, dans mon milieu, savait que le coauteur était Foucault », écrit Ceccaty à propos du livre de Thierry Voeltzel15.

  • 16 D. Defert, « Chronologie (1926-1967) » et « Chronologie (1968-1984) », respectivement dans M. Fouc (...)
  • 17 Les guillemets signent mon scepticisme quant au fait qu’il ait pu y avoir une rencontre pour Fouca (...)

9Je vais banalement m’appuyer sur la chronologie établie par Daniel Defert lors de l’édition de Foucault dans la Pléiade16 afin de repérer les quelques éléments qui nous renseignent quant aux conditions de la « rencontre »17 entre Foucault et la littérature psychanalytique. Puis j’examinerai comment on peut au mieux objectiver ces données.

  • 18 France Culture, À voix nue, « Entretien avec Katharina von Bülow de mars 1991 », rediffusée dans l (...)
  • 19 Rappelons que la psychologie est en France institutionnellement rattachée à la philosophie, la dis (...)
  • 20 Le « milieu ENS » dans lequel baigne Foucault témoigne toutefois d’un intérêt certain, de Georges (...)
  • 21 Jean-Claude Passeron, communication personnelle, 22 octobre 2014. Et c’est encore le cas aujourd’h (...)

10Le docteur René Morichau-Beauchant, ami de la famille Foucault, remet à Michel sa collection des premières revues de psychanalyse en 1951. Marthe Robert indique que ces documents, introuvables à l’époque, lui furent prêtés par Foucault afin de lui permettre de faire une série d’émissions hebdomadaires sur la vie et l’œuvre de Freud radiodiffusées sur France Culture18 (de décembre 1962 à octobre 1963). On ne sait rien de plus. Peut-être est-il loisible de conjecturer que ce don fait par un vieux monsieur peu avant sa mort (en 1952) témoigne de l’intérêt que Foucault porte à la psychanalyse, ou plus largement à la « chose » psychologique dans ces années-là. Car Foucault reçoit une formation à la psychologie dans le cadre de ses études philosophiques à l’École normale supérieure de la rue d’Ulm19. Ainsi, en 1946-1947, Foucault suit l’initiation à la psychopathologie que Georges Gusdorf organise avec Georges Daumézon, en particulier les présentations de malades à l’hôpital Sainte-Anne et les conférences à l’ENS que donnent Daumézon, Jacques Lacan, Julian de Ajuriaguerra (psychiatre et psychanalyste). Foucault assiste aussi aux cours de Daniel Lagache pour sa licence de psychologie obtenue en Sorbonne en 1949 et il est diplômé de psychopathologie en 1952 à l’Institut de psychologie de Paris, où le cursus le conduit à suivre des cours de psychanalyse théorique donnés par Maurice Benassy. Répétiteur à l’ENS (de psychologie de 1951 à 1954, de philosophie de 1953 à 1955) et assistant de psychologie à la faculté de lettres de Lille à partir de 1952 – il enseigne également la psychologie à l’université de Clermont-Ferrand à partir de 1960 alors qu’il est titulaire de la chaire de philosophie –, Foucault réserve une place à la psychanalyse dans son enseignement. Il faut ici rappeler que le fait de s’intéresser à la psychanalyse, en tant que philosophe en France dans les années 1950, n’est pas courant20 et demeure délicat à assumer ouvertement face à la philosophie du « cogito »21, même si la psychologie et la psychanalyse font partie de la formation des philosophes de l’époque à l’ENS.

  • 22 M. Pinguet, « Les années d’apprentissage », Le Débat, no 41, 1986, p. 122-131. M. Pinguet indique (...)
  • 23 M. Foucault, « Entretien avec Michel Foucault » (1980), dans Id., Dits et écrits, 1954-1988, Paris (...)
  • 24 D. Eribon, Michel Foucault (1926-1984), Paris, Flammarion (Champs), 1991, p. 93.
  • 25 Son rapport éthiquement fluide à la référence est connu. Il est en effet assez rare, en tout cas a (...)
  • 26 Voir T. Béroud, « Foucault et la psychologie », dans J.-F. Bert et J. Lamy éd., Michel Foucault : (...)

11Le séminaire de Lacan qui débute en 1951 et se déroule à partir de 1953 à l’hôpital Sainte-Anne aurait été suivi par Foucault, selon Maurice Pinguet22. Sauf que Foucault le dément : « Je n’ai rien fait de tout cela », atteste-t-il au sujet des enseignements de Lacan23. Affaire pliée ? Peut-être pas, car l’enregistrement original de cet entretien de 1978 avec Duccio Trombadori fait entendre, selon Didier Eribon, que Foucault dit en fait qu’il ne les aurait pas suffisamment bien suivis pour bien comprendre24. Je crois qu’on touche ici du doigt ce à quoi il faut s’affronter, l’espèce de brouillage des faits que font naître des témoignages ou ouï-dire égrenés par des tiers ou Foucault lui-même, sans parler de sa pratique singulière de la référence et de la citation25. L’ensemble suggère que la psychanalyse, chez Foucault, a une présence insistante et en même temps assez insaisissable, ou bien mineure. De même, en ce qui concerne la portée de la psychologie, trouve-t-on ce type d’opposition : Thomas Béroud propose une « version restreinte », un moment limité à la formation des années normaliennes et non une ressource permanente de sa pensée, alors que Jean-François Bert y voit au contraire un moment déterminant qui irrigue les recherches ultérieures, et du reste « trop souvent négligé » par les spécialistes26. Illustrons désormais ces équivoques en commençant par celles servies par Foucault.

  • 27 Mais comment lire cela ? Où placer les pauses, le ton ? Qu’en est-il aussi de la gestuelle, des mi (...)
  • 28 M. Foucault, « La folie n’existe que dans une société » (1961), dans Id., Dits et écrits, op. cit.(...)

12En 1961, à la question des influences à propos de son Histoire de la folie, Foucault cite spontanément Maurice Blanchot et Raymond Roussel. C’est uniquement parce qu’il est interrogé à propos de l’empreinte de la psychanalyse qu’il fournit cette réponse un peu alambiquée : « Vous êtes d’accord que Freud, c’est la psychanalyse même. Mais, en France, la psychanalyse, d’abord strictement orthodoxe, a eu plus récemment une existence seconde et prestigieuse, due, comme vous savez, à Lacan… » L’interviewer du Monde relance en lui demandant si c’est ce « second style » qui l’a surtout marqué. Foucault déclare27 : « Oui. Mais aussi, principalement, Dumézil »28. Dans l’entretien de 1978 avec D. Trombadori cité plus haut, Foucault avoue :

  • 29 Id., Dits et écrits, op. cit., vol. II, no 281, p. 877.

Il est certain que ce que j’ai pu saisir de ses œuvres a certainement joué pour moi. Mais je ne l’ai pas suivi d’assez près pour être réellement imprégné de son enseignement. J’ai lu certains de ses livres ; mais on sait que, pour bien comprendre Lacan, il faut non seulement le lire mais aussi écouter son enseignement public, participer à ses séminaires et même, éventuellement, suivre une analyse. Je n’ai rien fait de tout cela. À partir de 1955, quand Lacan livrait la partie essentielle de son enseignement, moi j’étais déjà à l’étranger.29

  • 30 Id., « The gay science », Critical Inquiry, vol. XXXVII, no 3, 2011, p. 389. Il s’agit d’une tradu (...)
  • 31 M. Foucault, « Christianisme et aveu », dans Id., L’origine de l’herméneutique de soi : conférence (...)
  • 32 Id., Mal faire, dire vrai : fonction de l’aveu en justice, Louvain, Chicago, Presses universitaire (...)

13Faudrait-il donc en déduire que Foucault n’a qu’une compréhension amoindrie ou incomplète de la théorie lacanienne ? L’impression est renforcée par le fait que Foucault emploie fréquemment ce que j’appelle des opérateurs du mi-dire, tels que « en tout cas », « si on faisait », « on verrait », etc. Ainsi, dans un entretien de 1978, annonce-t-il : « Et en tout cas, si on fait l’histoire même de la notion de désir depuis la concupiscence chrétienne en passant par l’instinct sexuel des années 1840 jusqu’à la notion freudienne et postfreudienne de désir, je crois que l’on verrait assez bien comment fonctionne cette notion »30, à savoir comme outil d’étalonnage du plaisir sexuel par rapport à une norme. Dans une conférence prononcée en 1980 à Dartmouth College, Foucault fait état d’une ressemblance entre la censure freudienne et l’image du changeur d’argent développée par Jean Cassien. Ce rapprochement a pour but de poser le problème de l’aveu en termes de contrôle de l’accès à la conscience. Il proclame toutefois qu’il ne veut pas « pousser plus loin ce parallèle », ajoutant : « c’est seulement une indication, mais je crois que les relations entre le dispositif freudien et les techniques de spiritualité chrétiennes pourraient être, si c’est fait sérieusement, un champ de recherche très intéressant »31. Dans Mal faire, dire vrai, Foucault use également de ces opérateurs, comme « très schématiquement » à propos de la concordance entre l’interprétation analytique et les méthodes d’interprétation des textes de la tradition chrétienne ou juive (mais où commence la caricature ?), ou « bien entendu » au sujet du fait que Freud occupe une place centrale au sein de l’herméneutique du sujet, bien qu’il souligne la différence de méthode avec la tradition chrétienne (pour qui est-il si évident que la psychanalyse est une herméneutique de soi ?)32.

  • 33 D. Eribon, Michel Foucault (1926-1984), op. cit., p. 61.
  • 34 Ibid., p. 164.
  • 35 Ibid., p. 181. Ce que Daniel Defert m’a confirmé : deux à trois fois par an, jusque vers 1974 (com (...)
  • 36 J. Allouch, La psychanalyse est-elle un exercice spirituel ? Réponse à Michel Foucault, Paris, Epe (...)
  • 37 S. Prokhoris, « L’indiscipline », dans D. Eribon éd., L’infréquentable Michel Foucault : renouveau (...)

14Du côté des brouillages par des tiers, D. Eribon écrit que, dans les années 1940-1950, « la psychologie, c’est la voie qu’il a choisie »33, Foucault envisageant de faire médecine pour s’y spécialiser, que l’obsession de Foucault, dans ces années-là, tournera autour de se faire ou pas psychanalyser34, ou encore que, « sans que des liens étroits s’établissent », Foucault dîne plusieurs fois chez Lacan35. Le psychanalyste Jean Allouch affirme que « la psychanalyse aussi importait à Foucault. Lacan particulièrement, qu’il croise en plusieurs occasions »36, et la psychanalyste Sabine Prokhoris énonce que « Foucault d’une certaine façon [est] hanté par le freudisme »37. L’idée courante que la psychanalyse est importante et émaille l’œuvre de Foucault repose assez souvent sur une lecture savante à la recherche de liens subtils, de résonances entre les textes. François Ewald, évoquant l’idée que le présent chez Foucault est marqué par la répétition d’un événement antérieur logé dans l’être, stipule alors :

  • 38 F. Ewald, « Foucault et l’actualité », dans D. Franche, S. Prokhoris, Y. Roussel et al. éd., Au ri (...)

On ne peut s’empêcher de penser – j’ouvre ici une parenthèse – à un rapport entre Foucault et la psychanalyse, puisque cette identification du présent comme récurrence d’un événement qui se répète dans l’actualité, c’est quand même très près de ce que Freud décrivait comme l’inconscient.38

  • 39 M. Blanchot, Michel Foucault tel que je l’imagine, Fontfroide-le-Haut, Fata Morgana, 1986, p. 24-2 (...)
  • 40 P. Veyne, Foucault : sa pensée, sa personne, Paris, Albin Michel (Bibliothèque Idées), 2008, p. 18 (...)
  • 41 P. Lacoste, « L’impossibilité d’un point de vue », Incidence, no 4-5, 2008-2009, p. 122.

15À ces commentateurs, Maurice Blanchot répondrait : « Foucault, que la psychanalyse n’a jamais passionné, est encore moins prêt à tenir compte d’un grand inconscient collectif »39 ; et Paul Veyne noterait que le rapport de Foucault à la psychanalyse passe moins par le compagnonnage avec les textes théoriques que par l’image qu’il se fait de la personne du psychanalyste40. De façon similaire, le psychanalyste Patrick Lacoste ajouterait qu’à ses yeux Foucault avait en tête, dès sa thèse sur la folie, un « fourre-tout psy » qui est en fait le « discours psychanalytique dans le monde et l’époque »41.

  • 42 Devant le micro de Sylvain Bourmeau, J.-C. Passeron narre que, pour « suivre la pente de Foucault (...)

16Face à tous ces « dits ou écrits » qui se complètent ou se contredisent, je pourrais rappeler quelques évidences. Foucault n’a par exemple pas fait carrière en tant que psychologue ou psychiatre, ou même comme professeur de psychologie42. Objectiver le rapport de Foucault à la psychanalyse implique d’abord à mes yeux de réduire la distance entre l’œil et les textes, c’est-à-dire tous les textes, mineurs ou majeurs, des premiers temps ou derniers. Avant de suivre ce chemin qui passe par des relevés systématiques d’occurrences, je vais passer par le fonds Foucault.

Que nous apporte le fonds Foucault ?

17Déposées en 2013 au département des manuscrits de la Bibliothèque nationale, les archives personnelles de Foucault ne sont pas encore classées avec rigueur. Les cent dix-sept boîtes du fonds ne bénéficient à ce jour que d’un inventaire sommaire dressé par Daniel Defert. Il comprend des brouillons de ses cours du Collège de France, des fiches de lecture, des manuscrits de livres et de cours ainsi que d’articles et de conférences. Je n’ai pu dépouiller l’ensemble du fonds, d’une part en raison de sa taille, d’autre part parce que certaines boîtes ne sont pas encore accessibles en raison de divers projets éditoriaux concernant des inédits.

  • 43 L’inventaire informe que, dans ses années 1946-1955, l’intérêt de Foucault pour les matières « psy (...)
  • 44 La boîte 46 contient ainsi « L’angoisse chez Freud » (2 f.), « Maladie et personnalité chez Freud  (...)
  • 45 74 f. sur Freud dans la boîte 39 que l’inventaire note ainsi : Freud. Sexualité. Folie.

18Plusieurs boîtes sont repérables à partir de l’inventaire qui indique explicitement des dossiers relatifs au travail de Foucault sur les textes de la psychanalyse43, des écrits de Freud pour l’essentiel. Ces dossiers sont liés notamment au manuscrit sur la phénoménologie de Ludwig Binswanger rédigé à Lille au début des années 1950, dont l’introduction fait une large place à Freud, ou encore aux cours dispensés à l’ENS44 ou au Centre universitaire expérimental de Vincennes en 196945.

19À ce premier bloc aisément identifiable viennent s’ajouter des éléments issus d’autres boîtes, comme les cahiers autographes de réflexions de la boîte 91-92 (en particulier le deuxième, nommé « le non du père », qui évoque le « nom-du-Père » lacanien, ou le quinzième intitulé « Mannoni »), un cours sur la sexualité dispensé à Clermont-Ferrand (dans la boîte 78) et à São Paulo (dans la boîte 56).

  • 46 Que Foucault cite, dans l’Introduction à Binswanger, dans sa version originale : Die Traumdeutung. (...)

20L’ouverture des archives Foucault dessine, me semble-t-il, un « avant » et un « après ». Non que ces archives recèlent des découvertes fantastiques, des inédits bouleversants, le manuscrit manquant. Simplement, elles permettent d’indexer à des énoncés jusque-là hypothétiques des degrés de certitude qui font faire des sauts épistémologiques aux conjectures sur la connaissance que Foucault a du corpus psychanalytique, inférées au mieux des indications souvent imprécises fournies par Foucault lui-même dans ses propres textes (voir infra), sinon de différents témoignages (voir supra). Le fonds autorise en effet, dans certains cas, de passer du niveau d’une hypothèse vraisemblable à celui d’une argumentation disposant de preuves relativement consistantes. Ainsi, quand D. Eribon écrit que Foucault est un lecteur de Lacan ou qu’il déclare à D. Trombadori qu’il a lu certains livres de Lacan, les archives (disponibles) montrent que l’assertion est bien exagérée. Tout d’abord, l’inventaire ne mentionne que cinq feuillets sur Lacan préparatoires à des cours effectués à l’ENS (dans la boîte 38). Ensuite, la reconstitution des lectures foucaldiennes à partir de ses propres fiches de lectures montre que si Freud est lu de manière assez exhaustive – on peut néanmoins s’étonner de l’absence (à moins que la note de lecture soit « égarée » dans le fonds) de L’interprétation du rêve46 –, tel n’est pas le cas de Lacan, comme le montre le tableau ci-dessous.

Les textes de Freud et Lacan mis en fiches par Foucault

Les lectures de Freud Les lectures de Lacan
La dynamique du transfert L’agressivité en psychanalyse
Introduction à la psychanalyse Le stade du miroir comme formateur de la fonction du Je
Nouvelles conférences sur la psychanalyse Propos sur la causalité psychique
Abrégé de psychanalyse
Contribution à l’histoire du mouvement psychanalytique
Psychanalyse et médecine
Le moi et le ça
Trois essais sur la théorie sexuelle
Études sur l’hystérie (avec Josef Breuer)
L’homme aux rats
L’homme aux loups
Dora
Le petit Hans
Au-delà du principe de plaisir
Malaise dans la civilisation
Totem et tabou
L’homme Moïse et la religion monothéiste
L’avenir d’une illusion
Un événement de la vie religieuse
Actes obsédants et exercices religieux
Considérations actuelles sur la guerre et sur la mort
Psychologie collective et analyse du moi
Psychopathologie de la vie quotidienne
Inhibition, symptôme, angoisse

21Mais si cela permet de préciser quel type de lecteur il est, la question de savoir comment Foucault transforme son intense activité de lecture pour écrire son œuvre n’est pourtant pas réglée. Retour donc aux textes !

Présence de la psychanalyse dans les textes : le cas de l’inconscient

Une enquête indiciaire

22C’est à double titre qu’il convient de traquer les indices pour tenter de rendre intelligible les usages de la psychanalyse par Foucault.

  • 47 M. Foucault, Les mots et les choses : une archéologie des sciences humaines, Paris, Gallimard (Tel (...)
  • 48 G. Salmon, « Traductions interdiscursives et transformations stratégiques dans l’archéologie de la (...)
  • 49 F. Gros, art. cité, p. 47.

23D’abord, parce que la psychanalyse n’est pas un objet d’étude pour Foucault. Il ne travaille donc pas à proprement parler la « matière ». Le seul ouvrage où elle fait l’objet d’un titre – partagé du reste –, c’est dans Les mots et les choses. Le paragraphe 5 (d’une douzaine de pages) du chapitre X est intitulé « Psychanalyse, ethnologie ». Grosso modo, trois pages sont dédiées à la psychanalyse qui occupe pourtant une « place privilégiée »47, avec l’ethnologie, au sein du savoir occidental. En dehors de cela, Foucault ne fait que consacrer de brefs passages à la psychanalyse. Il me semble qu’on peut généraliser à l’ensemble de l’œuvre de Foucault le constat que Gildas Salmon pose à propos de l’Histoire de la folie : Foucault penseur de la psychanalyse est le plus souvent fort allusif48. F. Gros observe également qu’avec la psychanalyse Foucault « préfère se prêter au jeu de l’évocation lointaine »49.

  • 50 Voir en ligne : [http://lbf-ehess.ens-lyon.fr/] (consulté le 21/10/2019).
  • 51 Dans Les mots et les choses, Foucault caractérise ainsi le geste de Freud : « le premier à avoir e (...)
  • 52 M. Foucault, « La fonction politique de l’intellectuel », dans Id., Dits et écrits, op. cit., vol. (...)
  • 53 J. Lacan, Le séminaire. Livre XI : Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, J.-A. Mill (...)
  • 54 M. Foucault, Les anormaux : cours au Collège de France, 1974-1975, F. Ewald, A. Fontana, V. Marche (...)
  • 55 Et pour une illustration du côté de Freud, je crois deviner que Foucault intègre de manière subtil (...)

24Ensuite, parce que Foucault pratique une économie assez particulière de la référence. Ce qui confère un aspect policier à toute recherche du type « À qui Foucault emprunte-t-il ? ». Reconstituer les lectures de Foucault à partir de ses textes constitue ainsi un travail lourd d’érudition, comme en témoigne l’édition des cours au Collège de France ou le projet de « Bibliothèque foucaldienne » au sujet de Les mots et les choses50. Une enquête policière qui présente aussi un côté un peu vain, d’une part, parce qu’on ne peut écarter l’hypothèse que Foucault aime brouiller les pistes51, d’autre part, parce que la police, ça peut vite tourner au soupçon et au procès. C’est donc un travail en permanence sur le fil de l’arête, car il serait assez aisé de multiplier les descriptions des traces plus ou moins objectivables des lectures psychanalytiques de Foucault (comme le montre supra la citation de F. Ewald). Mais que faire de cela ? Par exemple de la présence somme toute assez surprenante d’Oppenheimer en tant qu’intellectuel spécifique dans un entretien de 197652 ? Ce nom est avancé dans le séminaire de Lacan donné en 1964, et édité en 1973, à propos du désir du scientifique53. Par exemple de ce que Foucault nous livre en 1975 : « Laissons alors à d’autres le soin de poser la question des effets de vérité qui peuvent être produits, dans le discours, par le sujet supposé savoir »54 ? Foucault confirmerait ici qu’il a lu le Séminaire XI où Lacan introduit cette notion de « sujet supposé savoir »55. À moins qu’il n’ait assisté à la séance idoine de ce séminaire de 1964, ou bien qu’il n’épingle ironiquement un concept à la mode. Constatons que le fonds Foucault ne permet pas d’objectiver ces traces-là et ajoutons que l’exemple précédent donne à voir une traduction du concept lacanien par Foucault, car l’effet du « sujet supposé savoir », chez Lacan, n’est pas de vérité, mais de méprise dans la mesure où l’analysant prête faussement à l’analyste la détention d’un savoir susceptible de lui révéler les arcanes de sa vie intérieure.

25Je préfère donc faire cheminer la description des usages foucaldiens de la psychanalyse à partir de la reconnaissance que la pensée est au fond un long travail de traduction, et donc de création d’une langue : c’est elle qu’il s’agit de décrire. À côté des usages politiques de la psychanalyse, je considère les occurrences de la psychanalyse dans les textes de Foucault comme des manifestations de la manière très spécifique dont Foucault digère ses lectures, de sa façon très libre de lire et d’interpréter en fonction de ses interrogations propres. Il n’y a du reste certainement pas qu’une façon de lire chez Foucault, mais un large éventail, de la lecture approfondie à la lecture cursive jusqu’à la lecture qu’on n’a pas faite mais dont on parle. La « Bibliothèque foucaldienne », qui donne à voir Foucault au travail lors de l’élaboration de son ouvrage Les mots et les choses, montre qu’il pioche une seule phrase dans le premier volume des Leçons sur la science du langage de Max Müller, à la page 146 : « la généalogie, quand elle est possible, est la forme la + haute de la classification »56. Cette fiche de lecture, parmi d’autres illustrations, matérialise une de ses méthodes de travail, adossées à une formidable capacité de synthèse : aller à l’essentiel au profit de la construction de sa démonstration.

Présence de l’inconscient dans quelques ouvrages

  • 57 M. Foucault, Les mots et les choses, op. cit., p. 385.
  • 58 Id., « Foucault répond à Sartre » (1968), dans Id., Dits et écrits, op. cit., vol. I, no 55, p. 69 (...)
  • 59 M. de Certeau, « Le noir soleil du langage : Michel Foucault », dans Id., Histoire et psychanalyse (...)
  • 60 P. Veyne, Foucault : sa pensée, sa personne, op. cit., p. 29.
  • 61 M. Foucault, L’archéologie du savoir, op. cit., p. 25.
  • 62 Id., « Sur l’archéologie des sciences. Réponse au Cercle d’épistémologie » (1968), dans Id., Dits (...)

26Si Foucault reconnaît, dans Les mots et les choses, que la psychanalyse pointe directement vers l’inconscient57, dans l’ensemble de son œuvre, il ne dit en général presque rien à son sujet, alors même qu’il relève que l’invention freudienne objecte à la souveraineté du sujet. Le petit démon de Maxwell qui a laissé passer le concept d’inconscient du monde psychanalytique dans l’œuvre foucaldienne est assurément un traducteur. Dans un entretien à La Quinzaine littéraire, Foucault parle ainsi de l’« inconscient de la science », désignant cet « au-dessous » de ce que la science connaît d’elle-même, d’une manière similaire à « l’inconscient de l’individu humain [qui] a [lui aussi] ses règles et déterminations »58. Dans cette traduction, le terme « inconscient » désigne juste un implicite, comme le stipule Michel de Certeau59. Et c’est d’ailleurs dans ce sens que P. Veyne invite à entendre l’usage foucaldien du concept freudien. Il reproche même expressément à Foucault d’user et abuser de l’analogie freudienne60, qu’on retrouve, pour citer encore un exemple, dans L’archéologie du savoir où il est question d’un « inconscient du système » qui agit en deçà des pratiques et les structure sur la longue durée61. Foucault ne prend donc pas acte d’un « sujet de l’inconscient », comme dit Lacan, mais parle librement de l’inconscient « non du sujet parlant, mais de la chose dite »62. Ce n’est pas « très près », pour reprendre les mots de F. Ewald, ça n’a juste rien à voir : Foucault déplace l’inconscient du côté de ce qui divise et détermine le sujet vers les conditions de possibilité tacites des discours. Mais la question est un petit peu plus complexe, Foucault ne limite pas la traduction de l’inconscient à sa seule valeur d’implicite.

  • 63 G. Politzer, Critique des fondements de la psychologie : la psychologie et la psychanalyse, Paris, (...)

27À la traduction française (1954) de Traum und Existenz de Binswanger, Foucault adjoint une longue introduction, de lecture ardue, dans laquelle il discute de la théorie du sujet en psychanalyse et de l’interprétation freudienne du rêve sous la forme d’une critique dans laquelle on peut, notamment, reconnaître des accents politzeriens63.

  • 64 Il cite dans le détail non cet ouvrage, mais les Cinq psychanalyses (Paris, Denoël et Steele, 1935 (...)
  • 65 M. Foucault, « Introduction » (1954), dans Id., Dits et écrits, op. cit., vol. I, no 1, p. 97.
  • 66 Ibid., p. 108.
  • 67 Ibid., p. 125-126.
  • 68 Ibid., p. 126.
  • 69 On est loin de ce qu’il dira à la mort de Lacan, à savoir que Lacan et Lévi-Strauss lui ont fait s (...)
  • 70 Ibid., p. 127.
  • 71 Ibid., p. 126.

28Foucault prend d’abord acte que L’interprétation du rêve64 de Freud renverse la proposition qui faisait du rêve le « non-sens » de la conscience, en l’envisageant comme le sens de l’inconscient65. Un renversement pour Foucault, mais non un dépassement du « postulat solidement établi par la psychologie du XIXe siècle, à savoir que le rêve est une rhapsodie d’images »66. Ni les écoles kleiniennes ni les écoles lacaniennes, poursuit-il, ne réussissent à faire parler les images. Mais le plus décisif à ses yeux est que le sujet du rêve chez Freud est un sujet « de moindre subjectivité », un sujet dont la subjectivité est « suspendue quelque part entre le rêveur et ce dont il rêve »67. Il me semble que dans ce premier texte connu de Foucault figure un point crucial : une manière en somme de congédier l’hypothèse de l’inconscient et ce qu’elle implique en termes de destitution du sujet. Car le sujet du rêve chez Freud est un sujet de l’inconscient – le rêve est la scène de l’inconscient, celle de l’accomplissement du désir inconscient du sujet –, un sujet divisé et non un sujet de « moindre subjectivité », que Foucault appelle aussi un « quasi-sujet », ce qui sous-entend qu’il est susceptible de conquérir pleinement sa subjectivité. Foucault lui préfère le sujet du rêve décrit par Binswanger qui, loin d’être « une des significations possibles de l’un des personnages [du rêve] », est en réalité le « fondement de toutes les significations éventuelles du rêve »68. Autrement dit, Foucault nous enjoint de considérer un sujet fait d’une pièce69, un sujet dans sa solitude capable d’emprunter le chemin de son désir auquel le psychanalyste fait obstacle : c’est ainsi que Foucault interprète la guérison de Dora, dont le rêve ne représente pas le désir de l’autre, mais « anticipe sur le moment de libération ». Ce rêve lui apparaît être un « présage de l’histoire »70. Formulation assez étrange qui semble restituer la pleine souveraineté du sujet sur son destin. Foucault utilise donc les rêves dans une perspective théorique où ils sont la manifestation d’un devenir et de « la totalité de l’existence elle-même »71, au détriment de la question de la répétition du passé traumatique d’un sujet blessé par la langue qui l’a constitué.

  • 72 Il s’agit de la réédition de Maladie mentale et personnalité parue en 1954, toutefois amputée du c (...)
  • 73 Maladie mentale et psychologie est un des seuls ouvrages dans lequel Foucault se fait assez précis (...)
  • 74 L. Paltrinieri, art. cité, p. 211.
  • 75 M. Foucault, Maladie mentale et psychologie, Paris, PUF (Initiation philosophique), 1962, p. 97.
  • 76 Ibid., p. 97-98.
  • 77 Ibid., p. 99. Foucault ne nomme pas dans cette phrase l’inconscient, mais le conflit d’instincts q (...)

29La supputation se renforce à la lecture de Maladie mentale et psychologie72. Foucault porte notamment son attention sur « le petit Hans », célèbre cas de phobie des chevaux analysé par Freud73. Il met l’accent sur le présent de l’individu au détriment du poids psychopathologique du passé. Il ramène donc les conflits psychiques à des contradictions sociales actuelles. À ce titre, il s’agit d’une critique d’obédience « marxiste » qui considère la psychanalyse comme une forme de « mystification de l’ordre bourgeois »74, se fourvoyant en plaçant à l’origine de ces conflits « un débat “métapsychologique”, aux frontières de la mythologie (“les instincts sont nos mythes” disait Freud lui-même), entre l’instinct de vie et l’instinct de mort, entre le plaisir et la répétition, entre Éros et Thanatos »75. De même, en affirmant que la maladie mentale ne relève pas de « l’entrelacement de conduites contradictoires [se juxtaposant] comme segments de conflit, dans l’inconscient humain »76. Ce point de vue impose le recours à des « explications mythiques » comme la théorie freudienne des instincts, Foucault considérant ce faisant l’inconscient comme « une mythologie sur tant de mythes morts »77.

  • 78 J. Allouch, La psychanalyse est-elle un exercice spirituel ?, op. cit., p. 12. Notons l’absence de (...)
  • 79 Ibid., p. 36.
  • 80 S. Prokhoris, « L’indiscipline », art. cité, p. 153. Cette emprise fait exploser l’articulation ra (...)

30Dans ses cours au Collège de France, où l’on aurait pu s’attendre à ce que la psychanalyse soit convoquée – Le pouvoir psychiatrique, Les anormaux et L’herméneutique du sujet, dans lesquels le psychanalyste Jean Allouch voit une généalogie de la psychanalyse78 –, Foucault ne consacre que peu de mots à la psychanalyse. Quant au mot « inconscient », il est absent. De façon indirecte, il fait une apparition dans L’herméneutique du sujet à partir du « plus saisissant des rapprochements observables » selon Allouch, à savoir le flux associatif que Foucault présume commun aux écoles de spiritualité antiques et à la cure psychanalytique79. Sauf que spiritualité antique et psychanalyse diffèrent quant à leur rapport à l’association libre. Pour cette seconde, il ne s’agit pas de laisser venir ce flux pour s’en rendre maître par l’examen du contenu objectif comme cela se fait dans l’expérience antique. La cure analytique tente de le faire jouer comme un opérateur de destitution du sujet, en ce lieu même où ce sujet apparaît pour la psychanalyse comme un effet topologique de l’emprise (insue) des discours de l’« Autre » sur le corps80. De toute façon, le titre de ce cours de 1981-1982 creuse le fossé entre ce dont parle Foucault et ce qu’est le travail de l’analysant dans une cure. La psychanalyse ne promeut pas une herméneutique du sujet qui aurait pour finalité la compréhension et la construction de soi-même, pour but la vérité du sujet. Ceci est au mieux un sous-produit de l’analyse au cours de laquelle il s’agit de dire, de prendre le temps de dire et d’essayer de s’entendre dire afin de transformer une parole en un discours qui va soutenir l’existence. Il faut passer pour cela par la construction d’un paysage où répétitions, assonances, lapsus vont permettre de repérer les mots qui prennent – dans le sens de la prise – le sujet en traçant dans son corps des sillons de jouissance qui le mortifient. Les mots restent et les écrits s’envolent : le travail de la cure cherche à épuiser le destin que ces mots semblent dessiner pour l’être, à retrouver le sens figé de la désignation prise au pied de la lettre, et transformer ainsi le destin en une destination un peu plus ouverte.

  • 81 M. Foucault, « Philosophie et psychologie » (1965), dans Id., Dits et écrits, op. cit., vol. I, no(...)
  • 82 Id., « Préface à l’édition anglaise » (1970), dans Id., Dits et écrits, op. cit., vol. I, no 72, p (...)

31Avant de rentrer dans ce grand livre qu’est Les mots et les choses, j’aimerais évoquer deux textes qui l’encadrent. Le premier est un entretien de Foucault avec Alain Badiou en février 1965. La première mouture de Les mots et les choses est achevée depuis Noël 1964 et on en reconnaît les pages dans certains propos. Rappelant l’hypothèse que l’inconscient a structure de langage – il l’attribue à Freud, mais c’est en fait une formule exprimée par Lacan dans son séminaire de 1955-1956 sur les psychoses –, Foucault présente Freud en tant qu’herméneute ; puis, admettant la nuance introduite par Badiou, en tant que décrypteur, dans le sens où, si Freud reconnaît l’existence d’un message, il admet en effet ne pas savoir ce qu’il veut dire. Il n’y a donc pas pour Freud de code général au sein duquel le message livre son sens, poursuit Foucault. Il en tire la conséquence que « l’inconscient [est] porteur non seulement de ce qu’il dit, mais de la clef de ce qu’il dit »81. Le second est sa préface de 1970 à l’édition anglaise de Les mots et les choses. Dans la ligne de sa traduction de l’inconscient comme implicite, Foucault parle désormais de l’« inconscient positif du savoir », qu’il appelle aussi le « niveau archéologique » des règles de formation des savoirs82.

  • 83 Dans les années 1950, en lecteur de Politzer, il présente la psychanalyse comme n’étant qu’un dépa (...)
  • 84 Id., Les mots et les choses, op. cit., p. 389.
  • 85 Ibid., p. 373. « Je pense d’ailleurs que c’est autour, précisément, de l’élucidation de ce qu’est (...)

32Les mots et les choses, entre ces deux « dits et écrits », complexifie la donne. Soulignons d’emblée que la psychanalyse est constituée par Foucault comme une force de rupture83, dans la mesure où elle se présente en tant que savoir qui ne saurait offrir une théorie générale de l’homme, en tant que principe d’inquiétude des sciences de l’homme qui maintient ouverte la question de la négativité et des « figures concrètes de la finitude »84, et en tant que lieu d’abolition de la distinction entre le normal et le pathologique, entre le signifiant et l’insignifiant ; dans la mesure surtout où on assiste avec la psychanalyse à un basculement des sciences humaines vers le langage et le système qui rend possible la signification, et donc « précisément » ce qui n’est « pas donné à la conscience »85.

  • 86 Id., Les mots et les choses, op. cit., p. 385.
  • 87 Ibid., p. 374. Voir aussi p. 390 où Foucault écrit qu’à partir de l’inconscient, il s’agit « qu’on (...)
  • 88 Ibid., p. 336.
  • 89 Ibid., p. 335.
  • 90 Ibid., p. 337.
  • 91 Ibid., p. 338.
  • 92 Loc. cit.

33Foucault met ici à distance sa traduction de l’inconscient dans la catégorie de l’implicite, notant que la psychanalyse pointe « non point vers ce qui doit s’expliciter peu à peu dans l’éclairage progressif de l’implicite, mais vers ce qui est là mais se dérobe, qui existe avec la solidité muette d’une chose »86. Il me semble qu’il propose ainsi une autre traduction de l’inconscient, dans la catégorie de l’impensé, étant donné que les « ensembles signifiants » qui traversent l’expérience quotidienne « donnent lieu à des consciences partielles, mais ne peuvent être éclairés entièrement que par un savoir réflexif »87. Dans un paragraphe justement intitulé « Le cogito et l’impensé », Foucault fait cas de cette pensée, « fort éloignée du cartésianisme et de l’analyse kantienne », où la question de l’être de l’homme se projette dans la dimension « selon laquelle la pensée s’adresse à l’impensé et s’articule sur lui »88, dans la dimension où le « je pense » ne conduit pas « à l’évidence du “Je suis” »89. Sa traduction – en l’occurrence de la formule de Lacan « là où je pense, je ne suis pas » – place l’inconscient aux côtés des « formes de l’impensé » qui ne sont pas logés en l’homme, mais dans « l’Autre »90. Ce faisant, Foucault rapporte l’inconscient à un horizon en fait éloigné de la psychanalyse, celui traversé « par la loi de penser l’impensé »91, qui semble remettre sur son trône le sujet réflexif, souverain, susceptible de « lever le voile de l’Inconscient »92.

  • 93 Ibid., p. 469.
  • 94 La seule indication peu ou prou en ce sens se trouve dans un texte sur Bataille dans lequel Foucau (...)
  • 95 Voir Id., Histoire de la sexualité I : La volonté de savoir, Paris, Gallimard (Bibliothèque des hi (...)

34De ces oscillations, et au fond de cette distance, que Foucault semble n’avoir de cesse de construire à l’endroit du discours psychanalytique, la « rupture psychanalytique », que par ailleurs Foucault met en avant, par exemple au sujet de « la vieille distinction de l’âme et du corps, qui valait même encore pour la psychophysiologie du XIXe siècle »93, ressort chancelante. Sans parler de la dimension sexuelle de l’inconscient qui passe à la trappe94, sa traduction de l’inconscient rend le concept incommensurable à son usage psychanalytique. Est-ce toutefois un problème ? Foucault est tout à fait habilité à traduire dans son idiome propre – il n’y a en science aucun texte sacré – n’importe quel savoir afin de nourrir sa réflexion et offrir des liens inédits entre les choses. La psychanalyse n’a pas pour lui de fonction opératoire, elle est soit une simple ressource de métaphores, par ailleurs compatible avec l’objection à l’invention freudienne de l’inconscient95, soit un objet tactique de dévoilement d’un savoir-pouvoir masqué. Mais ceci est un autre sujet.

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Notes

1 E. W. Said, La question de Palestine, J.-C. Pons trad., Arles, Sindbad (La bibliothèque arabe. L’Actuel), 2010.

2 E. Basso, « Foucault entre psychanalyse et psychiatrie. “Reprendre la folie au niveau de son langage” », Archives de philosophie, vol. LXXIX, no 1, 2016, p. 27.

3 F. Gros, « Foucault penseur de la psychanalyse, dans l’Histoire de la folie et La volonté de savoir », La célibataire, no 9, 2004, p. 33.

4 M. Foucault, Surveiller et punir : naissance de la prison, Paris, Gallimard (Bibliothèque des histoires), 1975, p. 227.

5 M. Basaure, « Être “juste” avec Foucault : la sociologie implicite de Foucault et sa critique de la psychanalyse », Incidence, no 4-5, 2008-2009, p. 195-217.

6 E. Carrère, Le Royaume, Paris, Gallimard (Folio), 2016, p. 342.

7 S. Subrahmanyam, L’éléphant, le canon et le pinceau : histoires connectées des cours d’Europe et d’Asie, 1500-1750, B. Commengé trad., Paris, Alma, 2016, p. 22-23.

8 Ce faisant, je ne prétends pas rendre compte ainsi de toute la gamme du rapport de Foucault à la psychanalyse.

9 Voir S. Prokhoris, La psychanalyse excentrée, Paris, PUF (Pratiques théoriques), 2008, p. 64 ; J. Rajchman, Érotique de la vérité : Foucault, Lacan et la question de l’éthique, O. Bonis trad., Paris, PUF (Pratiques théoriques), 1994, p. 8 ; J. Lagrange, « “La volonté de savoir” de Michel Foucault ou une généalogie du sexe », Psychanalyse à l’université, vol. II, no 7, 1977, p. 551 ; A. Bourgain, « Depuis Foucault, les loges de la folie », Chimères : revue des schizoanalyses, no 72, 2010, p. 57-72 ; J.-P. Catonné, « Peurs, psychothérapies et philosophies, ou Foucault et l’aveu », La célibataire, no 9, 2004, p. 69 ; J. Forrester, « Foucault et l’histoire de la psychanalyse », Incidence, no 4-5, 2008-2009, p. 58 ; M. Viltard, « Foucault-Lacan : la leçon des Ménines », L’unebévue, no 12, 1999, p. 57.

10 Si la question de la psychanalyse dans l’œuvre de Foucault est certes de plus en plus arpentée, elle est en France plutôt inscrite dans le champ de la psychanalyse. En témoignent, à ce jour, les deux seules revues confidentielles qui lui ont dédié un numéro spécial, La célibataire (2004) et Incidence (2008-2009), une revue singulière dans le champ académique, fondée et financée par une richissime belge qui porte un intérêt certain à la psychanalyse et qui a contacté personnellement toutes les plumes pour constituer ce numéro (Ferhat Taylan, communication personnelle, 24/11/2014). Dans la littérature non francophone, voir par exemple E. Dorfman, « Foucault versus Freud: On sexuality and the unconscious », dans E. Dorfman et J. De Vleminck éd., Sexuality and Psychoanalysis: Philosophical Criticisms, Louvain, Leuven University Press, 2010, p. 157-169 ; P. Van Haute, « Michel Foucault : la psychanalyse de la loi », dans S. G. Lofts et P. Moyaert éd., La pensée de Jacques Lacan : questions historiques, problèmes théoriques, Louvain, Peeters, 1994, p. 45-64 ; J. Whitebook, « Against interiority: Foucault’s struggle with psychoanalysis », dans G. Gutting éd., The Cambridge Companion to Foucault, Cambridge, Cambridge University Press, 2005, p. 312-347 ; J. E. Toews, « Foucault and the Freudian subject: Archaeology, genealogy, and the historicization of psychoanalysis », dans J. Goldstein éd., Foucault and the Writing of History, Oxford, Cambridge, Blackwell, 1994, p. 116-134 ; M. Marques éd., Foucault und die Psychoanalyse: zur Geschichte einer Auseinandersetzung, M. Noll trad., Tübingen, Diskord, 1990. Je remercie E. Basso qui m’a signalé cette référence, que je ne puis lire : M. Vallejo, Incidencias en el psicoánalisis de la obra de Michel Foucault: prolegómenos a une arqueología posible del saber psicoanalítico, Buenos Aires, Letra Viva, 2006.

11 J. Lagrange, « Versions de la psychanalyse dans le texte de Foucault », Incidence, no 4-5, 2008-2009, p. 18. Des auteurs expriment, avec des arguments substantiels, des nuances à ce sujet, sans toutefois que soit remise en question l’idée de rupture. Frédéric Gros estime que Foucault est passé dans les années 1980 d’une confrontation directe à des « coups de patte » bien plus allusifs. Voir F. Gros, art. cité, p. 53, ou S. Mendelsohn, « Foucault avec Lacan : le sujet en acte », Filozofski vestnik, vol. XXXI, no 2, 2010, p. 139, qui souligne que le compagnonnage fut toujours tumultueux. Philippe Sabot indique que si une défiance marquée se fait jour à partir de l’Histoire de la folie, dès les années 1950 en fait, Foucault proposait une critique historique et épistémologique de la psychologie scientifique aussi bien que de la psychologie « des profondeurs ». P. Sabot, « Entre psychologie et philosophie : Foucault à Lille, 1952-1955 », dans J.-F. Bert et E. Basso éd., Foucault à Münsterlingen : à l’origine de l’Histoire de la folie, avec des photographies de J. Verdeaux, Paris, Éditions de l’EHESS, 2015, p. 103.

12 J. Forrester, « Foucault et l’histoire de la psychanalyse », Incidence, no 4-5, 2008-2009, p. 74.

13 R. de Ceccaty, « Michel Foucault et les vies parallèles : fables, figures, aveux et témoignages », dans M. Viltard éd., Saint Foucault, un miracle ou deux ?, Paris, L’unebévue éditeur, 2013, p. 16.

14 Ibid., p. 15.

15 Ibid., p. 8.

16 D. Defert, « Chronologie (1926-1967) » et « Chronologie (1968-1984) », respectivement dans M. Foucault, Œuvres, F. Gros éd., Paris, Gallimard (Bibliothèque de la Pléiade), 2015, vol. I, p. XXXV-LIV et vol. II, p. IX-XXXIV.

17 Les guillemets signent mon scepticisme quant au fait qu’il ait pu y avoir une rencontre pour Foucault au sens d’une subjectivation.

18 France Culture, À voix nue, « Entretien avec Katharina von Bülow de mars 1991 », rediffusée dans l’émission Mémorables sous le titre « Marthe Robert : 3e émission » le 28 mars 2004.

19 Rappelons que la psychologie est en France institutionnellement rattachée à la philosophie, la discipline de « couronnement » par rapport à laquelle elle souffre d’un évident déficit de légitimité.

20 Le « milieu ENS » dans lequel baigne Foucault témoigne toutefois d’un intérêt certain, de Georges Gusdorf à Louis Althusser en passant par Jean Hyppolite qui suivait aussi le séminaire de Lacan à Sainte-Anne et qui avait organisé une équipe de réflexion à l’interface de la philosophie et de la psychologie dans le but d’interroger l’homme normal à partir de l’aliénation (E. Basso, art. cité, p. 29).

21 Jean-Claude Passeron, communication personnelle, 22 octobre 2014. Et c’est encore le cas aujourd’hui pour cette génération de philosophes : lors de la rencontre autour de la sociologie de l’art entre Jean Molino et J.-C. Passeron organisée à Marseille le 22 octobre 2014, je m’étonnais – mezza voce – auprès de J.-C. Passeron qu’il n’évoquât que son étude sociométrique réalisée avec Emmanuel Pedler et pas du tout son analyse sur l’œil du sociologue, parue dans le catalogue d’une exposition sur la représentation du monde paysan dans la peinture provençale du XIXe siècle, où la référence à Lacan m’était apparue majeure. Il me répondit à peu près en ces termes : « ça n’est pas possible avec Molino, on ne pourrait plus débattre ».

22 M. Pinguet, « Les années d’apprentissage », Le Débat, no 41, 1986, p. 122-131. M. Pinguet indique que Foucault admirait infiniment Lacan.

23 M. Foucault, « Entretien avec Michel Foucault » (1980), dans Id., Dits et écrits, 1954-1988, Paris, Gallimard (Quarto), 2001, vol. II : 1976-1988, no 281, p. 877.

24 D. Eribon, Michel Foucault (1926-1984), Paris, Flammarion (Champs), 1991, p. 93.

25 Son rapport éthiquement fluide à la référence est connu. Il est en effet assez rare, en tout cas après l’Histoire de la folie, que Foucault indique comme dans Surveiller et punir : « je dois cette référence à M. G. Canguilhem » (p. 221, en note de bas de page).

26 Voir T. Béroud, « Foucault et la psychologie », dans J.-F. Bert et J. Lamy éd., Michel Foucault : un héritage critique, Paris, CNRS, 2014, p. 61 et J.-F. Bert, « Retour à Münsterlingen », dans J.-F. Bert et E. Basso éd., Foucault à Münsterlingen, op. cit., p. 14.

27 Mais comment lire cela ? Où placer les pauses, le ton ? Qu’en est-il aussi de la gestuelle, des mimiques pour la pleine compréhension de la réponse ?

28 M. Foucault, « La folie n’existe que dans une société » (1961), dans Id., Dits et écrits, op. cit., vol. I, no 5, p. 196.

29 Id., Dits et écrits, op. cit., vol. II, no 281, p. 877.

30 Id., « The gay science », Critical Inquiry, vol. XXXVII, no 3, 2011, p. 389. Il s’agit d’une traduction de « Le gai savoir : entretien avec Michel Foucault », interview donnée à Jean Le Bitoux en 1978 qui devait paraître dans la revue Gai Pied. Pour l’histoire complexe de l’édition de ce texte dont Foucault ne voulait pas, voir D. M. Halperin, « Michel Foucault, Jean Le Bitoux, and the gay science lost and found: An introduction », Critical Inquiry, vol. XXXVII, no 3, 2011, p 371-380.

31 M. Foucault, « Christianisme et aveu », dans Id., L’origine de l’herméneutique de soi : conférences prononcées à Dartmouth College, 1980, H.-P. Fruchaud et D. Lorenzini éd., Paris, Vrin (Philosophie du présent. Foucault inédit), 2013, p. 82 (les italiques sont de mon fait).

32 Id., Mal faire, dire vrai : fonction de l’aveu en justice, Louvain, Chicago, Presses universitaires de Louvain, University of Chicago Press, 2012, respectivement p. 168, p. 224 et p. 262.

33 D. Eribon, Michel Foucault (1926-1984), op. cit., p. 61.

34 Ibid., p. 164.

35 Ibid., p. 181. Ce que Daniel Defert m’a confirmé : deux à trois fois par an, jusque vers 1974 (communication personnelle, mars 2016).

36 J. Allouch, La psychanalyse est-elle un exercice spirituel ? Réponse à Michel Foucault, Paris, Epel, 2007, p. 6.

37 S. Prokhoris, « L’indiscipline », dans D. Eribon éd., L’infréquentable Michel Foucault : renouveaux de la pensée critique, Paris, Epel, 2001, p. 150.

38 F. Ewald, « Foucault et l’actualité », dans D. Franche, S. Prokhoris, Y. Roussel et al. éd., Au risque de Foucault, Paris, Éditions du Centre Pompidou (Supplémentaires), 1997, p. 204. Je souligne le quantificateur flou « très près », mais aussi le « j’ouvre une parenthèse », parce que c’est bien sûr pour aussitôt refermer ladite parenthèse. Apparaît ici ce qui est parfois un mode de traitement de la question de la psychanalyse chez Foucault par divers auteurs : en passant, une parenthèse, comme si ça ne méritait pas plus. Ewald organisa l’édition des Écrits de Lacan publiés en 1966.

39 M. Blanchot, Michel Foucault tel que je l’imagine, Fontfroide-le-Haut, Fata Morgana, 1986, p. 24-25. Blanchot fait constater dans cette phrase que l’archéologie foucaldienne ne suppose pas l’existence d’un impensé travaillant souterrainement les discours.

40 P. Veyne, Foucault : sa pensée, sa personne, Paris, Albin Michel (Bibliothèque Idées), 2008, p. 181.

41 P. Lacoste, « L’impossibilité d’un point de vue », Incidence, no 4-5, 2008-2009, p. 122.

42 Devant le micro de Sylvain Bourmeau, J.-C. Passeron narre que, pour « suivre la pente de Foucault vers la psychologie d’autant que je ferai une psychanalyse plus tard », il aurait bien voulu trouver un poste de professeur en psychopathologie après ses trois ans d’enseignement de la philosophie. Simplement, il n’y en avait pas et c’est vers la sociologie que ses pas le mèneront (France Culture, À voix nue, « Vers la sociologie (via Foucault) », émission du 2 novembre 2016). Si, selon José Luis Moreno Pestaña, le passage de Foucault de la psychologie à la philosophie relève d’un souci d’avenir professionnel et de position de prestige, le témoignage de Passeron indiquerait que c’est peut-être moins la question de l’arrivisme que celle des conditions objectives de carrière qui aurait présidé au choix de Foucault. Voir J. L. Moreno Pestaña, En devenant Foucault : sociogenèse d’un grand philosophe, P. Hunt trad., Bellecombe-en-Bauges, Éditions du Croquant (Collection Champ social), 2006, p. 134 ou p. 222-223.

43 L’inventaire informe que, dans ses années 1946-1955, l’intérêt de Foucault pour les matières « psychologiques » est vaste, de la neuropathologie aux tests psychométriques, en passant par la neurophysiologie, l’EEG, la psychanalyse, mais aussi la doctrine pavlovienne, la Gestaltpsychologie ou la cybernétique.

44 La boîte 46 contient ainsi « L’angoisse chez Freud » (2 f.), « Maladie et personnalité chez Freud » (15 f.), « L’homme aux loups » (20 f.).

45 74 f. sur Freud dans la boîte 39 que l’inventaire note ainsi : Freud. Sexualité. Folie.

46 Que Foucault cite, dans l’Introduction à Binswanger, dans sa version originale : Die Traumdeutung. La première traduction française de l’ouvrage (1926) porte le titre La science des rêves.

47 M. Foucault, Les mots et les choses : une archéologie des sciences humaines, Paris, Gallimard (Tel), p. 385.

48 G. Salmon, « Traductions interdiscursives et transformations stratégiques dans l’archéologie de la psychanalyse », Incidence, no 4-5, 2008-2009, p. 323-324.

49 F. Gros, art. cité, p. 47.

50 Voir en ligne : [http://lbf-ehess.ens-lyon.fr/] (consulté le 21/10/2019).

51 Dans Les mots et les choses, Foucault caractérise ainsi le geste de Freud : « le premier à avoir entrepris d’effacer radicalement le partage du positif et du négatif (du normal et du pathologique, du compréhensible et de l’incommunicable, du signifiant et de l’insignifiant) », op. cit., p. 372 (je souligne). Peut-être est-ce en pensant à cette citation que F. Gros, à propos de l’Histoire de la folie, interprète acrobatiquement que Foucault ne fait pas de la psychanalyse une inauguration mais un résultat (plus radical ?), qu’elle constitue une rupture mais sous la forme d’un retour. Voir F. Gros, art. cité, p. 33-34. Pourtant, Foucault présente Freud, à l’instar de Marx, comme un des rares (et premiers !) instaurateurs de discursivité. M. Foucault, « Qu’est-ce qu’un auteur ? », dans Id., Dits et écrits, op. cit., vol. I, no 69 (1969), p. 833. P. Veyne témoigne que Foucault aimait les mots de René Char qui faisaient de tout éternel retour, un éternel départ. Est-ce ainsi que Foucault envisage la rupture psychanalytique ? P. Veyne, Foucault : sa pensée, sa personne, op. cit., p. 158. L’ambivalence est en tout cas de mise et notons à ce sujet que le manuscrit autographe présenté dans ce numéro d’Astérion voit Foucault récuser l’idée d’une révolution psychanalytique. Il concède que, si elle est certes un dépassement de l’approche traditionnelle d’essence biologique de la maladie mentale, elle ne s’extrait toutefois pas de l’horizon évolutionniste que Freud ne quitte jamais.

52 M. Foucault, « La fonction politique de l’intellectuel », dans Id., Dits et écrits, op. cit., vol. II, no 184 (1976), p. 110.

53 J. Lacan, Le séminaire. Livre XI : Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, J.-A. Miller éd., Paris, Seuil (Le Champ freudien), 1973, p. 14.

54 M. Foucault, Les anormaux : cours au Collège de France, 1974-1975, F. Ewald, A. Fontana, V. Marchetti et A. Salomoni éd., Paris, EHESS, Gallimard, Seuil (Hautes Études), 1999, p. 14.

55 Et pour une illustration du côté de Freud, je crois deviner que Foucault intègre de manière subtile la formule métaphorique du maître et de sa demeure – Freud désigne usuellement l’inconscient comme des processus pulsionnels agissants dont la conscience ne peut avoir qu’une connaissance fragmentaire et qui fait que le « moi » n’est plus maître en sa propre demeure – dans cette phrase où il est question de contraster l’analyse historique continuiste et la démarche archéologique : « L’histoire continue, c’est la corrélation indispensable à la fonction fondatrice du sujet : la garantie que tout ce qui lui a échappé pourra lui être rendu ; la certitude que le temps ne dispersera rien sans le restituer dans une unité recomposé ; la promesse que toutes ces choses maintenues au loin par la différence, le sujet pourra un jour – sous la forme de la conscience historique – se les approprier derechef, y restaurer sa maîtrise et y trouver ce qu’on peut bien appeler sa demeure ». M. Foucault, L’archéologie du savoir, Paris, Gallimard (Bibliothèque des sciences humaines), 1969, p. 22-23.

56 Voir en ligne : [http://lbf-ehess.ens-lyon.fr/ead.html?c=FRENS_00002_ref1475] (consulté le 21/10/2019).

57 M. Foucault, Les mots et les choses, op. cit., p. 385.

58 Id., « Foucault répond à Sartre » (1968), dans Id., Dits et écrits, op. cit., vol. I, no 55, p. 693-694.

59 M. de Certeau, « Le noir soleil du langage : Michel Foucault », dans Id., Histoire et psychanalyse entre science et fiction, Paris, Gallimard (Folio. Histoire), 2002, p. 154.

60 P. Veyne, Foucault : sa pensée, sa personne, op. cit., p. 29.

61 M. Foucault, L’archéologie du savoir, op. cit., p. 25.

62 Id., « Sur l’archéologie des sciences. Réponse au Cercle d’épistémologie » (1968), dans Id., Dits et écrits, op. cit., vol. I, no 59, p. 736.

63 G. Politzer, Critique des fondements de la psychologie : la psychologie et la psychanalyse, Paris, Rieder, 1928. Foucault le cite dans son texte « La psychologie de 1850 à 1950 », et c’est assurément une référence importante, même si Foucault estime sa critique trop brutale (voir NAF 28730, fonds Michel Foucault, boîte 46, « Cours pour agrégatifs »). La lecture de la fiche que lui consacre Foucault permettra peut-être de savoir s’il adhère à la critique parfois contradictoire que Georges Politzer adresse à l’hypothèse de l’inconscient. Politzer ne la réfute pas, mais il demande de s’en détourner (p. 202) au motif que cette « absurdité fondamentale » (p. 200) nie l’orientation foncière de Freud vers le concret et le rapproche des démarches purement théoriques de la « psychologie abstraite » (p. 191).

64 Il cite dans le détail non cet ouvrage, mais les Cinq psychanalyses (Paris, Denoël et Steele, 1935).

65 M. Foucault, « Introduction » (1954), dans Id., Dits et écrits, op. cit., vol. I, no 1, p. 97.

66 Ibid., p. 108.

67 Ibid., p. 125-126.

68 Ibid., p. 126.

69 On est loin de ce qu’il dira à la mort de Lacan, à savoir que Lacan et Lévi-Strauss lui ont fait saisir dans ses années étudiantes que « je » est d’un emploi bien délicat, renvoie en fait à un sujet comme « une chose complexe, fragile, dont il est si difficile de parler, et sans laquelle nous ne pouvons pas parler ». M. Foucault, « Lacan, le “libérateur” de la psychanalyse » (1981), dans Id., Dits et écrits, op. cit., vol. II, no 299, p. 1024.

70 Ibid., p. 127.

71 Ibid., p. 126.

72 Il s’agit de la réédition de Maladie mentale et personnalité parue en 1954, toutefois amputée du chapitre sur Pavlov que Foucault n’assume plus. Ce « vilain petit canard », comme l’appelle Luca Paltrinieri, est délaissé alors que, à le suivre, il porterait en germes l’Histoire de la folie. Voir L. Paltrinieri, « De quelques sources de Maladie mentale et personnalité : réflexologie pavlovienne et critique sociale », dans J.-F. Bert et E. Basso éd., Foucault à Münsterlingen, op. cit., p. 199.

73 Maladie mentale et psychologie est un des seuls ouvrages dans lequel Foucault se fait assez précis sur les sources utilisées, à savoir Introduction à la psychanalyse et Cinq psychanalyses, et de manière plus elliptique, Ma vie et la psychanalyse et Trois essais sur la sexualité en ce qui concerne Freud, ainsi que Le moi et les mécanismes de défense et Le traitement psychanalytique des enfants en ce qui concerne Anna Freud.

74 L. Paltrinieri, art. cité, p. 211.

75 M. Foucault, Maladie mentale et psychologie, Paris, PUF (Initiation philosophique), 1962, p. 97.

76 Ibid., p. 97-98.

77 Ibid., p. 99. Foucault ne nomme pas dans cette phrase l’inconscient, mais le conflit d’instincts qui est indissociable de la construction freudienne.

78 J. Allouch, La psychanalyse est-elle un exercice spirituel ?, op. cit., p. 12. Notons l’absence de références explicites à la psychanalyse à partir des années 1980, plus précisément à partir du cours de 1982-1983 Le gouvernement de soi et des autres.

79 Ibid., p. 36.

80 S. Prokhoris, « L’indiscipline », art. cité, p. 153. Cette emprise fait exploser l’articulation rassurante entre lieux du plaisir et fonction des organes.

81 M. Foucault, « Philosophie et psychologie » (1965), dans Id., Dits et écrits, op. cit., vol. I, no 30, p. 470.

82 Id., « Préface à l’édition anglaise » (1970), dans Id., Dits et écrits, op. cit., vol. I, no 72, p. 877-878.

83 Dans les années 1950, en lecteur de Politzer, il présente la psychanalyse comme n’étant qu’un dépassement inachevé du cadre naturaliste de la psychologie dont elle est une branche, tout en affirmant qu’elle en constitue quand même un renversement dans la mesure où, en particulier, elle substitue à l’analyse causale la genèse de la signification. Id., « La psychologie de 1850 à 1950 » (1957), dans Id., Dits et écrits, op. cit., vol. I, no 2, p. 156.

84 Id., Les mots et les choses, op. cit., p. 389.

85 Ibid., p. 373. « Je pense d’ailleurs que c’est autour, précisément, de l’élucidation de ce qu’est l’inconscient que la réorganisation et le redécoupage des sciences humaines se sont faits, c’est-à-dire essentiellement autour de Freud, et cette définition positive, héritée du XVIIIe siècle, de la psychologie comme science de la conscience et de l’individu ne peut plus valoir, maintenant que Freud a existé » (Id., « Philosophie et psychologie », art. cité, p. 468).

86 Id., Les mots et les choses, op. cit., p. 385.

87 Ibid., p. 374. Voir aussi p. 390 où Foucault écrit qu’à partir de l’inconscient, il s’agit « qu’on sache, d’un savoir positif » ce qui « se donne ou échappe à sa conscience ».

88 Ibid., p. 336.

89 Ibid., p. 335.

90 Ibid., p. 337.

91 Ibid., p. 338.

92 Loc. cit.

93 Ibid., p. 469.

94 La seule indication peu ou prou en ce sens se trouve dans un texte sur Bataille dans lequel Foucault fait de la sexualité, chez Sade et Freud, le seul moyen de déchiffrer l’inconscience (sic !). Id., « Préface à la transgression » (1963), dans Id., Dits et écrits, op. cit., vol. I, no 13, p. 261.

95 Voir Id., Histoire de la sexualité I : La volonté de savoir, Paris, Gallimard (Bibliothèque des histoires), 1976, p. 208 et suiv., où il oppose au sujet de désir l’usage des plaisirs.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Laurent Dartigues, « La question de psychanalyse chez Michel Foucault »Astérion [En ligne], 21 | 2019, mis en ligne le 12 décembre 2019, consulté le 13 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/asterion/4278 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/asterion.4278

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Auteur

Laurent Dartigues

ENS de Lyon, Triangle (UMR 5206) • Ingénieur agronome (INA Paris-Grignon) et docteur en anthropologie historique (EHESS), Laurent Dartigues travaille sur Michel Foucault et la psychanalyse, Edward Said et le postcolonialisme, le neurodroit. Il codirige la collection « Gouvernement en question(s) » chez ENS Éditions. Parmi ses récentes publications, signalons : Orientalismes/Occidentalismes : à propos de l’œuvre d’Edward Said, M. Abbès et L. Dartigues éd., Paris, Hermann, 2018 ; « Une irrésistible ascension ? Le neurodroit face à ses critiques », Zilsel, no 3, 2018, p. 65-105 ; « Le retour d’une “demi-erreur” ? De la physiognomonie selon Dagognet à la nouvelle psychiatrie », Astérion, no 18, 2018 ; « Paul Mus et l’expérience de la guerre : la pensée d’un orientaliste sur la violence de la situation coloniale », dans Ethnologues en situations coloniales, C. Laurière et A. Mary éd., 2019, Paris, Lahic, DPRPS-Direction générale, p. 182-205.

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