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Dossier

Spinoza : entre anthropologie et psychologie

Spinoza: between anthropology and psychology
Pascal Sévérac

Texte intégral

1L’une des questions directrices de ce dossier est de savoir quelle est la nature humaine dont Spinoza parle partout et qu’il ne définit nulle part. De quel homme, ou de quelle humanité, cette philosophie nous parle-t-elle ? Permet-elle d’établir une définition claire et nette de l’homme, une définition bien arrêtée, ou ne nous pousse-t-elle pas plutôt à l’approcher par la multiplicité de ses manières d’être, de ses devenirs, de ses puissances – notamment psychiques ? S’il est permis de dessiner les contours d’une anthropologie spinoziste – anthropologie qui se connaît peut-être mieux par ses effets que par ses principes –, quelle psychologie peut-on alors en tirer ? Quelle analyse peut-elle fournir des logiques de l’esprit, de la vie affective, des activités psychiques en tant qu’elles sont investies dans des pratiques déterminées ? Pour en mesurer pleinement la portée, nous avons dû traiter ces questions à la fois à l’intérieur de la philosophie spinoziste, comme des questions d’interprétation du système (ce qui implique déjà d’en sortir, pour convoquer les grandes lectures qui en ont été faites), mais aussi à l’extérieur de cette philosophie, comme des questions sur l’usage que l’on peut faire aujourd’hui de Spinoza.

2Ce dossier est constitué de six articles. Celui d’Ursula Renz interroge la pertinence, dans la philosophie de Spinoza, d’un concept qui connaît actuellement un regain d’intérêt, celui de « forme de vie » ou « life-form », dans sa double dimension biologique et morale : peut-on parler, dans une philosophie qui n’accorde aucune place particulière à l’homme dans la nature, d’une « forme de vie humaine » ? La définition de l’esprit comme idée du corps permet-elle de lui conférer quelque spécificité particulière ?

3Si l’on peut parler d’anthropologie chez Spinoza, il ne peut s’agir, comme le souligne Sophie Laveran dans sa contribution, que d’une anthropologie à la fois « critique », considérant l’idée de « nature humaine » comme une notion instrumentale, et « pratique », considérant la nature humaine comme principe de convenance entre les êtres dits humains. Une telle anthropologie, tout en refusant l’idée d'une exception humaine, enveloppe une dimension prescriptive ou projective, en ce qu’elle élabore une conception de la nature humaine entendue comme modèle rationnel de composition sociopolitique.

4L’article de Pascal Sévérac appréhende quant à lui la question de l’anthropologie et de la psychologie chez Spinoza à travers le prisme de l’enfance : dans quelle mesure peut-on dire de l’enfant qu’il est un être humain, et quelle est la spécificité de sa nature, à la fois sur le plan corporel et sur le plan psychique ? Cet article ouvre de nouveau un dossier qui avait été non pas clos, mais constitué par la magistrale étude de François Zourabichvili, Le conservatisme paradoxal : enfance et royauté chez Spinoza.

5L’interprétation de Spinoza par F. Zourabichvili sert également de point de départ à l’étude de Raphaël Chappé, qui la confronte avec celle d’Althusser : Zourabichvili et Althusser ont en commun, bien que leurs interprétations du spinozisme se rapportent à des horizons différents (à la pensée deleuzienne pour l’un, à la pensée marxiste pour l’autre), de prendre au sérieux l’idée d’une psychologie spinoziste. L’enjeu est alors de comprendre comment tous deux, dans leur approche de Spinoza, posent le problème de la vie psychique, l’un à travers l’idée de forme, l’autre à travers celle de structure.

6On trouvera enfin dans les articles que proposent Julie Henry et Yves Clot des exemples vivants de ce que peut être un usage actuel de Spinoza, dans le champ de l’anthropologie et dans celui de la psychologie : Julie Henry analyse en effet, à travers les outils spinozistes, la recommandation de « bonne pratique » qui est actuellement faite aux médecins, à savoir prendre en compte non pas seulement la maladie ou l’organe malade, mais la personne derrière la pathologie. Qu’implique pour le soignant ce changement de perspective ? Quels en sont les présupposés anthropologiques, et quelle démarche psychologique implique-t-elle pour lui ? De son côté, Yves Clot, à partir de deux exemples de « travail empêché » (l’affaire de la fraude aux émissions de dioxyde de carbone et de gaz polluants chez Volkswagen, et les nouvelles contraintes imposées au personnel de La Poste pour s’adapter à la marchandisation du service), montre comment, à partir de la psychologie de Lev Vygotski et de l’analyse spinoziste de la vie affective, il est possible de penser les forces du collectif comme ressources de contournement et de compensation des empêchements socio-affectifs, et partant comme facteurs de régénération de l’activité.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Pascal Sévérac, « Spinoza : entre anthropologie et psychologie »Astérion [En ligne], 19 | 2018, mis en ligne le 16 novembre 2018, consulté le 23 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/asterion/3355 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/asterion.3355

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Auteur

Pascal Sévérac

Université Paris-Est Créteil, LIS (EA 4395), UPEC, F-94010, Créteil, France • Pascal Sévérac est maître de conférences à l’UPEC (Université Paris-Est Créteil) ; il enseigne à l’ESPE (École supérieure du professorat et de l’éducation) et est membre du laboratoire LIS (« Lettres, Idées, Savoirs », EA 4395). Spécialiste de la philosophie spinoziste, il a publié notamment Le devenir actif chez Spinoza (Honoré Champion, 2005) et Spinoza : union et désunion (Vrin, 2011). Il s’intéresse également à la philosophie de l’éducation et à la philosophie de l’enfance, et travaille à une confrontation de la psychologie vygotskienne avec la philosophie spinoziste, autour de la question du développement, cognitif et affectif, de l’enfant.

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