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Varia

Sécularisation et bio-politique chez Spinoza

Secularization and biopolitics in Spinoza
Xenophon Tenezakis

Résumés

La modernité s’est accompagnée d’une reprise en main par l’État des noyaux de pouvoir religieux qui lui étaient auparavant extérieurs. Toutefois, on peut montrer qu’à cette rupture se superpose une autre discontinuité notable : l’apparition d’un concept de pouvoir nouveau, s’occupant de la vie elle-même et non plus de ses marges, qui serait la biopolitique. Il est possible de déceler les leviers conceptuels qui nouent ensemble ces deux transformations chez l’un des penseurs essentiels de cette modernité politique, Spinoza, dans la mesure où, tout en démontrant la nécessité pour le pouvoir politique de s’émanciper du religieux et de le reprendre en main, il participe d’une nouvelle manière de penser l’exercice du pouvoir.

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Texte intégral

Je remercie vivement M. Pierre-François Moreau pour sa relecture et ses remarques fort utiles.

  • 1 A. Koyré, Du monde clos à l’univers infini (1962), Paris, Gallimard, 2009, p. 9-15.
  • 2 Id.
  • 3 J.-C. Monod, Hans Blumenberg, Paris, Belin, 2007, p. 96-102.
  • 4 E, I, Appendice. Nous utiliserons pour les œuvres de Spinoza les acronymes suivants : E pour Éthiqu (...)
  • 5 TTP, Chap. 12, § 5-6.
  • 6 Ibid., Chap. 5, § 14-16.
  • 7 Ibid., Chap. 5, § 18.
  • 8 Ibid., Chap.  19, § 1.
  • 9 M. Weber, Wissenschaft als Beruf, Politik als Beruf, Tübingen, J. C. B. Mohr, 1992, p. 160.

1La philosophie de Spinoza participe de l’affaiblissement de la vision chrétienne du monde qui a eu lieu avec la révolution copernicienne. Celle-ci a détruit « le monde conçu comme un tout fini et bien ordonné, dans lequel la structure spatiale incarnait une hiérarchie de valeur et de perfection »1, et lui a substitué un « univers indéfini et même infini, ne comportant plus aucune hiérarchie naturelle et uni seulement par l’identité des lois qui le régissent en toutes ses parties »2. L’homme n’y tient plus une place centrale, au moins du point de vue spatial. L’univers n’est plus centré autour de la terre. L’ordre politique ne peut plus incarner l’ordre naturel, car ce dernier n’existe plus. Le geste copernicien peut donc être compris comme un geste de « dé-symbolisation du cosmos »3. Or Spinoza nous explique qu’il faut aussi cesser de penser le monde comme organisé selon des fins. Ce n’est là qu’une vision anthropomorphique des choses qu’on projette de façon inadéquate sur le monde4. Cette sécularisation (au sens de la recherche de références non religieuses pour penser le monde) a également lieu, chez Spinoza, au niveau politique. Et cela transforme le sens même de la politique : c’est ce que nous essaierons de montrer. La religion devient chez Spinoza un instrument, un moyen de production de l’obéissance. Une chose n’est pour Spinoza sacrée que dans la mesure où elle produit un comportement moral chez le citoyen ; n’est impure ou pure que par la pensée qu’elle induit.5 Ce n’est pas son contenu qui la caractérise, mais ses effets. Elle n’est plus le discours qui révélerait les fins transcendantes de ce monde, fins à partir desquelles il s’agirait de définir les normes de la vie. C’est plutôt une institution qui permet d’inculquer l’obéissance par des moyens autres que répressifs (l’exercice d’une violence physique, potentiellement mortelle), institutionnels : différents rites et institutions inscrits au centre de l’organisation sociale. Ainsi, les récits de la Bible servent à conduire à l’obéissance ceux qui sont incapables de parvenir à la moralité en se servant de leur raison. Dans cette catégorie est incluse la majorité des hommes, le vulgus6. L’Ecriture et la foi en la vérité des histoires qu’elle comporte ne sont donc nécessaires qu’à ces hommes, qui n’ont pas les qualités nécessaires pour se laisser convaincre par des démonstrations. L’appareil social de la religion trouve là sa véritable utilité. Il sert à accompagner la foule dans la mise en œuvre de ses croyances, car laissée à elle-même « elle se complaît davantage dans l’intrigue et les événements singuliers et inattendus que dans l’enseignement contenu dans les récits »7. La religion est donc redéfinie ici comme institution idéologique, moyen d’assujettissement, d’intériorisation de valeurs et de pratiques. Ses institutions permettent l’interpellation d’individus en sujets : êtres irremplaçables, ayant une identité propre, dont on attend qu’ils se conforment à une certaine orientation d’existence. Spinoza montre de plus que, en tant qu’instrument de pouvoir, la religion doit être au service de l’État, afin que celui-ci ne soit pas divisé. Ce ne sont plus les normes et valeurs de la religion qui doivent dominer. Le contenu de la religion doit être purifié au moyen d’un examen rationnel, et ses normes soumises à l’idée d’un « salut public ». Cette attribution se résume en une affirmation lapidaire : « le droit de régler les choses sacrées appartient entièrement au souverain »8. On peut rapprocher donc l’argumentation de Spinoza de celle d’un Weber, lorsqu’il définit l’idée d’une légitimité politique rationnelle : l’État n’a plus à se soumettre à des normes religieuses incarnées par un ordre naturel du monde qu’il faudrait préserver, mais doit définir ses propres normes de manière rationnelle, en rapport à des concepts supposés universels9

  • 10 TTP, Chap. 19, § 6.
  • 11 Ibid., Chap. 19, § 8.

2L’argumentation de Spinoza a deux aspects. D’abord, elle se fonde sur l’expérience : selon Spinoza, si la religion révélée prophétiquement a eu force de droit chez les Hébreux, c’est parce qu’ils ont abandonné leur droit naturel10.Cette thèse résume pour partie ce que nous apprend l’histoire hébraïque. Le Décalogue, qui contenait les commandements divins transmis à Moïse, n’a eu force de droit que par la constitution d’un État, donc à partir du moment où les Hébreux ont accepté chacun individuellement d’obéir, plutôt qu’à leur propre complexion, aux commandements du Décalogue, la Parole de Dieu. C’est en cela que l’État des Hébreux était une théocratie. Dans cet État, droit civil et religion étaient la même chose11. De cet exemple on peut induire que les commandements effectifs de la religion ne peuvent pleinement prendre forme que dans un État. Quels sont les autres enseignements de l’histoire sainte ? Tout d’abord, que le culte religieux quotidien, en tant qu’il est censé permettre au croyant de servir Dieu, renforce l’attachement à l’autorité à laquelle ce culte est rattaché :

  • 12 Ibid., Chap. 17, § 23.

les fondements de l’État [la confusion entre culte religieux et État souverain] ont dû faire naître dans l’âme des citoyens [hébreux] un amour si rare que rien n’était plus difficile que de leur mettre dans l’esprit de trahir la patrie ou de lui faire défection [...] L’amour des Hébreux envers la patrie était donc, non pas simplement de l’amour, mais de la piété. Et ces deux sentiments, piété et haine envers les autres nations, étaient nourris et entretenus par le culte quotidien, si bien qu’ils durent se transformer en une seconde nature12.

  • 13 Ibid., Chap. 17, § 26.
  • 14 Ibid., Chap. 17, § 29.

3L’exemple de l’État hébreu tend ainsi à nous enseigner que la religion doit appartenir au souverain pour le bien de celui-ci, pour contribuer à sa solidité. La pratique, au nom du souverain, des rites et cérémonies qui caractérisent le culte religieux externe renforce le sentiment d’attachement à la communauté qui organise ce culte. Ce dernier contribue à la création d’une complexion propre à ceux qui le pratiquent, renforçant chez eux le sentiment d’appartenance à un collectif qui se distingue des autres précisément par ce culte même. Cela revient à la création d’un ingenium propre à une communauté d’individus, d’une individualité propre à l’État. La communauté étatique ne se fonde donc pas seulement sur l’obéissance. Elle repose sur la création d’une nation, et donc d’une identité commune. Cette identité n’est pas quelque chose d’inné13. Pour le dire autrement, une identité constitue donc chez Spinoza l’ensemble des représentations que, en vertu du hasard, des circonstances ou de l’éducation, on associe à soi-même et auxquelles on accorde une certaine valeur (ainsi en est-il de la seconde nature dont parle Spinoza). Il s’ensuit qu’un phénomène social susceptible d’engendrer chez les individus de telles dispositions doit être l’apanage du souverain et ne pas être laissé à une autre entité sociale telle que l’Église. Car sinon cette entité est susceptible de se muer en un pouvoir capable de menacer l’État lui-même. Inversement, la prise en main par l’État des formes externes de la religion lui donne un outil capable de créer chez ses citoyens des affects renforçant leur attachement à l’État. L’histoire sainte nous enseigne également qu’il n’est pas bon de faire cohabiter plusieurs autorités dans un État14. Le fait d’attribuer dans l’État, à une autre puissance que le souverain, le pouvoir d’interpréter les commandements divins crée un État dans l’État, et donc les germes d’une opposition potentielle. Surtout, le souverain n’est pleinement légitime que s’il a l’intégralité du pouvoir.

4La seconde ligne d’argumentation de Spinoza est démonstrative. Elle consiste à partir des concepts mêmes de souverain et de religion pour montrer en quoi le concept de souveraineté suppose une emprise de l’État sur l’institution religieuse. Elle est démonstrative en ce sens qu’elle se sert de principes et de définitions, plutôt que d’exemples. Toutefois, elle n’est pas entièrement séparable de l’expérience, car elle ne fait que montrer comment les faits dont témoigne l’expérience historique s’enchaînent d’un point de vue théorique. L’expérience ouvre ici la voie à un procédé démonstratif : dans le TTP, le récit de l’histoire des Hébreux (chap. 17) et l’exposition des leçons politiques qui peuvent en être tirées (chap. 18) précèdent le raisonnement théorique (chap. 19). Ce raisonnement démonstratif s’établit de plusieurs manières : d’abord par l’identification de la religion à la morale et au droit du point de vue de leur essence, et ensuite par l’identité de leurs finalités respectives.

  • 15 Ibid., Chap. 19, § 3.

Celui-là accomplit la loi de Dieu qui cultive la justice et la charité suivant le commandement de Dieu, d’où il suit que le royaume de Dieu est établi là où justice et charité ont force de droit et de commandement […] la justice et la charité ne peuvent acquérir force de droit et de commandement qu’en vertu du droit de l’État […] la religion n’acquiert force de droit que par le seul décret de ceux qui ont le droit de commander souverainement, et […] Dieu n’a aucun royaume particulier parmi les hommes, sinon par l’intermédiaire de ceux qui détiennent la souveraineté. 15

  • 16 Ibid., Chap. 19, § 4.
  • 17 Ibid., Chapitre 16.

5Ce raisonnement repose sur plusieurs prémisses. D’abord que la religion est identifiable à l’obéissance à une norme, celle de la justice et de la charité. Ensuite, que l’effectivité d’une norme implique un État : seul un groupement politique, auquel les individus cèdent une part de leur libre-arbitre, peut faire en sorte que les citoyens obéissent à une norme donnée16. Une norme qui ne serait pas incarnée dans des dispositifs qui en assurent l’existence demeure idéale et sans réalité. Ceci découle des fondements de la théorie politique de Spinoza : seul l’État est susceptible de faire en sorte que, par la crainte ou par l’espoir, les citoyens abandonnent leur droit naturel et obéissent à une norme extrinsèque17. La justice et la charité sont des normes : seul le souverain, l’État, peut faire en sorte que les citoyens y obéissent. L’exemple qui illustre ce syllogisme, c’est celui de Moïse et du Décalogue : ce dernier n’a trouvé son effectivité que lorsque Moïse, le proclamant aux Hébreux, en a fait en même temps la norme centrale de leur État.

6Quelques lignes plus loin, Spinoza énonce un raisonnement bien distinct du premier :

  • 18 Ibid., Chap. 19, § 10.

Il est certain que la piété envers la patrie est le plus haut degré de piété dont on puisse témoigner. Car si l’on supprime l’État, plus aucun bien ne peut subsister, tout est compromis, fureur et impiété règnent seules au milieu de la peur universelle. Il en ressort qu’on ne peut accomplir aucun acte pieux envers le prochain qui ne soit impie s’il entraîne un dommage pour la République tout entière ; et qu’en revanche, on doit compter pour pieux un acte impie envers le prochain s’il a lieu pour la conservation de la République. […] C’est pourquoi on célèbre Manlius Torquatus parce qu’il a préféré le salut du peuple à la piété envers son propre fils. Puisqu’il en est ainsi, il en résulte que le salut du peuple est la loi suprême à laquelle toutes les autres, humaines et divines, doivent s’accorder. Comme c’est l’office du seul souverain de déterminer ce qui est nécessaire au salut de tout le peuple et à la sécurité de l’État, et de commander ce qu’il a jugé nécessaire, il en résulte que c’est l’office du seul souverain de déterminer comment chacun doit pratiquer la piété envers le prochain, c’est-à-dire comment chacun est tenu d’obéir à Dieu.18

  • 19 N. Machiavel, Discorsi sopra la prima deca di Tito-Livio, liv. III, ch. 41, Opere politiche, Roma, (...)

7Le raisonnement de Spinoza consiste ici à délimiter d’abord l’horizon en vue duquel sont établies les lois. On identifie ici la fin des lois politiques et des normes religieuses comme étant la même : le salut de l’État, qui doit conduire à une réinterprétation des notions mêmes de piété et d’impiété en fonction de cette fin. Le sens que prend le terme de « salut » ici est large : dans ce passage, Spinoza met l’accent sur le salut comme simple sécurité, protection vis-à-vis des menaces, mais on peut élargir, semble-t-il, sa signification au bien commun dont l’État assure le maintien, à l’utilité publique. Spinoza prend donc ici des intonations républicanistes : la référence à Manlius Torquatus est manifestement tirée des Discours sur la première décade de Tite-Live de Machiavel19. La souveraineté de l’État sur la religion s’impose du point de vue de l’identité de la fin qu’ils recherchent.

8Enfin, il y a un troisième fondement démonstratif à ce droit : le fondement passionnel, que Spinoza ne perd jamais de vue. Ce fondement s’appuie sur l’adhésion à l’État que peuvent créer les passions :

  • 20 Ibid., Chap. 19, § 16.

On démontre encore d’ailleurs que non seulement tout cela est vrai (nous venons de le prouver), mais encore que c’est nécessaire tant à la religion elle-même qu’à la conservation de la république. Tout le monde sait en effet quelle importance ont aux yeux du peuple le droit et l’autorité sur les affaires sacrées, et comme il est suspendu aux lèvres de qui les détient. On peut donc affirmer qu’avoir cette autorité, c’est régner entièrement sur les âmes. Qui veut la ravir au Souverain cherche donc à diviser l’État, et cette division ne peut manquer de faire naître querelles et disputes insurmontables, comme autrefois entre les rois et les pontifes des Hébreux. Bien plus : qui veut ravir cette autorité au Souverain cherche, nous l’avons dit, un moyen de s’emparer de l’État. Car que laisse-t-on à la décision du Souverain dès lors qu’on lui dénie ce droit ? Il ne pourra ni décider de la guerre, ni de la paix, ni d’une affaire quelconque, s’il est tenu de prendre l’avis de quelqu’un d’autre qui lui enseigne si ce qu’il juge utile est pieux ou impie, sacrilège ou non. Tout, au contraire, dépendra du décret de celui qui détient le droit de juger et de décréter ce qui est pieux ou impie, sacrilège ou non. 20

  • 21 A. Matheron, « Politique et religion chez Hobbes et Spinoza », Études sur Spinoza et les philosophi (...)
  • 22 Id.
  • 23 Cf. plus généralement le chapitre XVI du TTP.
  • 24 E, III, définition no 3. « J’entends par Affections les affections du Corps par lesquelles la puiss (...)

9Le vocabulaire dont se sert ici Spinoza diffère de celui utilisé précédemment. Il faut relever les expressions suivantes : « autorité », « être suspendu aux lèvres de », « âmes ». Elles sont liées aux divers moyens que l’État doit mettre en œuvre pour s’assurer l’obéissance de ses citoyens. Il doit être capable de contraindre les corps, de régner par l’obéissance ; en d’autres termes, de s’appuyer sur la crainte que les citoyens auront de la violence qu’il est capable d’exercer. Toutefois il ne s’agit pas que de contrainte. L’État doit aussi être capable de s’appuyer sur les passions positives des citoyens : l’espoir, l’amour, qui seules sont susceptibles d’assurer leur adhésion véritable. L’insistance sur la parole témoigne du rôle de la rhétorique dans l’assujettissement des citoyens. Il faut en effet que les citoyens aient l’impression d’adhérer de leur propre gré à l’État. C’est en ce sens qu’Alexandre Matheron affirme que « l’autorité souveraine, c’est là pour elle une nécessité vitale, doit obligatoirement s’efforcer d’utiliser à son profit ce matériel idéologique qui s’est constitué indépendamment d’elle »21. Pour Spinoza, l’État doit prendre en main la religion pour être souverain, sinon il ne peut pas l’être22. L’Église dispose de divers moyens capables de susciter l’adhésion : elle joue à la fois sur la crainte et sur l’amour. La crainte, en ce qu’elle fédère autour d’elle les citoyens par le pouvoir qu’elle semble avoir sur leur destinée post-mortem, objet de leurs espoirs. L’amour, en ce que par ses rites et cérémonies, elle crée chez eux le sentiment d’une identité collective à laquelle ils sont profondément attachés. Grâce à ces outils l’Église modèle les complexes passionnels individuels en vue de leur adhésion au fait religieux : c’est en cela qu’elle a une autorité sur les âmes. Or la présence de deux formes d’autorité sur un même territoire crée le risque d’une guerre civile, dès lors que les enseignements religieux, de nature juridique, sont susceptibles d’empiéter sur le pouvoir d’État. Cette insistance de Spinoza sur la nécessaire maîtrise par l’État des affects du peuple qu’il dirige23 suppose elle aussi une liaison du pouvoir avec la vie, puisque les affects chez Spinoza y sont liés. Ils expriment en effet le sentiment de notre puissance d’agir, ou bien le reflet plus ou moins inadéquat dans l’âme de la puissance d’agir du corps24. Or en ayant ces affects en main, c’est sur cette puissance d’agir elle-même des individus que l’État a prise.

10Il s’ensuit la chose suivante : l’argumentation de Spinoza oscille entre plusieurs pôles. Un pôle est lié à la tradition de J. Bodin, qu’Hobbes perpétue d’une certaine manière. Il consiste à affirmer que le principe qui doit régir l’État, c’est l’unité d’une souveraineté absolue sur tout son territoire. En vertu de cela les normes religieuses, en tant que normes politiques par leurs effets (l’obéissance), doivent être soumises à la volonté de l’État. Seul l’État est légitime quant à la mise en place de normes. La seconde ligne d’argumentation que met ici en œuvre Spinoza consiste à affirmer que le souverain a le droit d’interpréter le contenu des enseignements religieux car ils concordent avec le bien, la conservation de la République, le salut du peuple. On aboutit alors à « politiser » intégralement la religion, c’est-à-dire qu’elle devient un outil aux mains du souverain pour le bien de l’État, et non seulement une force concurrente qu’il faut évincer : il faut la contrôler en raison de sa capacité à créer l’adhésion chez les individus. Enfin, il s’agit de dire que l’Église détient l’un des moyens par excellence pour se faire obéir. Elle est donc une autorité politique. Deux autorités politiques indépendantes ne peuvent cohabiter sur un territoire : l’Église doit donc être sous contrôle politique. On voit en quoi ces raisonnements se complètent : il s’agir de dire que tant du point de vue de la nature des enseignements religieux, que de leur fin et de leurs effets, leur prise en main par l’État s’impose. Cette prise en main du pouvoir religieux par le pouvoir politique ainsi que les termes dans lesquels Spinoza la justifie sont cruciaux dans la mesure où ils induisent une conception nouvelle du pouvoir, notamment si on les met en rapport avec les références culturelles utilisées et l’évolution historique plus générale de celles-ci.

  • 25 Grotius, De republica emendanda, Petrus Cunaeus, De Republica Hebraeorum entre autres. Cf. T. L. Fr (...)
  • 26 T. L. Frampton, Spinoza and the rise of historical criticism of the bible, p. 53-54.
  • 27 P.-F. Moreau, Spinoza et le spinozisme, Paris, PUF, 2003, p. 39-46.

11Parallèlement au changement de rôle de la religion, qui, de source de valeur, devient instrument du pouvoir, un autre changement a lieu. Il concerne les références et métaphores bibliques utilisées par Spinoza dans son argumentation. Pris ensemble, ces deux changements impliquent une conception nouvelle du fondement de l’ordre politique et de son objet, qui nous fait passer du politique comme pouvoir s’exerçant sur les marges de la vie au politique comme pouvoir s’exerçant à même la vie. Concentrons nous d’abord sur la transformation de l’usage des références bibliques qui a lieu entre le Moyen-Âge et la modernité politique dans les discussions sur les rapports entre pouvoir religieux et pouvoir politique. Lorsqu’il argumente en faveur de la prise en main de la religion par le pouvoir politique, Spinoza n’utilise pas que des arguments purement théoriques, mais fait également appel à l’histoire du peuple hébreu. Cet usage politique par Spinoza de la référence aux histoires de l’Ancien Testament (et à l’histoire de l’État hébraïque de Flavius Josèphe) n’est pas spécifique à Spinoza : elle devient fréquente au XVIIe siècle pour caractériser la destinée politique des Pays-Bas25. La référence biblique est donc ici un matériau à partir duquel les théoriciens pensent la communauté politique. C’est pourquoi la manière dont chaque auteur va lire cette histoire sera cruciale par rapport au type de politique qu’il défend. Petrus Cunaeus dans De Republica Hebraeorum va interpréter cette histoire de manière à pouvoir revendiquer l’élection divine pour l’État hollandais lui-même, en soulignant toutefois que cette élection peut lui être retirée. Il affirme également que ce sont les Hébreux qui avaient la meilleure constitution politique26. On utilise aussi Israël comme contre-exemple : la division des Provinces-Unies pourrait avoir pour elles les mêmes conséquences désastreuses que celle des Juifs pour l’État fondé par Moïse. C’est donc l’Ancien Testament plus que le Nouveau qui fait référence dans le cadre d’une culture calviniste. Ceci est visible chez Spinoza même, pour qui la référence biblique principale est la traduction protestante de l’Ancien Testament par Junius et Tremellius : il ne se réfère ni à la Vulgate de Saint Jérôme ni à la Septante, et les épisodes principaux qu’ils mentionne sont vétérotestamentaires (la fondation de l’État hébreu par Moïse, la destruction de Jérusalem)27. Or ces discussions néerlandaises de l’époque sur le théologico-politique se distinguent fortement de celles qui ont eu lieu à l’époque médiévale sur le pouvoir du Pape.

  • 28 H.-X. Arquillière, L’augustinisme politique : essai sur la formation des idées politiques au Moyen- (...)
  • 29 J. A. Watt, « Pouvoir spirituel et pouvoir temporel », in J. H. Burns (dir.), Histoire des idées po (...)
  • 30 R. A. Markus, Saeculum. History and society in the theology of Saint Augustine, Cambridge, Cambridg (...)
  • 31 Luc 22 : 34-38.
  • 32 J. A. Watt, « Pouvoir spirituel et pouvoir temporel », op. cit., p. 351. « L’image des glaives expr (...)
  • 33 Jean, 18 : 36
  • 34 H. de Saint Victor, De Sacramentis Christiana Fidei, cité par J. A. Watt, « Pouvoir spirituel et po (...)
  • 35 J. A. Watt, « Pouvoir spirituel et pouvoir temporel », op. cit, p. 348-349.
  • 36 Bernard de Clairvaux, De consideratione, cité par J. A. Watt, « Pouvoir spirituel et pouvoir tempor (...)
  • 37 Conflit entre 1075 et 1085 entre l’empereur Henri IV et le pape Grégoire VII sur le pouvoir d’inves (...)

12On a pu qualifier les théories prônant la soumission du pouvoir politique au pouvoir religieux au cours du Moyen-Âge d’« augustinisme politique »28 ou de « théorie hiérocratique »29. Certes, Saint Augustin, dans La Cité de Dieu, n’a pas considéré la Cité romaine comme effectivement vouée à réaliser la Cité de Dieu ; il ne l’a pas considérée comme une institution à soumettre aux pouvoirs religieux. Mais il y a dans son œuvre une ambiguïté sur ce point due au fait qu’il ne voyait pas la tension qu’il pouvait y avoir entre le fait de prôner l’obéissance des dirigeants aux intérêts du pouvoir religieux (comme quand il s’agissait de conduire par la coercition les donatistes à retourner à l’orthodoxie) et le fait de considérer l’État comme neutre du point de vue eschatologique (ce n’est pas dans l’État que se réalisera le christianisme). On peut donc considérer que les tenants de la soumission des pouvoirs séculiers aux pouvoirs spirituels s’inspirent d’un aspect ambigu de la pensée d’Augustin et par là ne le contredisent point30. La référence biblique principale utilisée dans les débats politiques, lorsqu’il s’agit de prôner la soumission du pouvoir politique au pouvoir religieux, est la métaphore des deux glaives. Luc raconte la Cène : Jésus prédit le reniement de Pierre, et prédit sa propre fin. Ses disciples lui tendent deux glaives ; et il dit que cela suffit31. La mention des deux glaives était interprétée en principe comme la reconnaissance de l’existence de deux pouvoirs dans l’État et de leur nécessaire coopération (tout en assumant la supériorité du glaive spirituel)32, dans la droite ligne des paroles de Jesus lui-même : « Mon royaume n’est pas de ce monde »33. Toutefois les théoriciens de la supériorité du pouvoir spirituel sur le pouvoir temporel en ont déduit que s’il y a deux glaives, seul le premier est véritablement autonome : le second glaive, celui de l’État, doit servir le premier, qui appartient à l’Église. Une telle image se fonde sur l’unicité du corps formé par les chrétiens : selon Hugues de Saint Victor34, l’ordre laïc et l’ordre clérical formeraient comme les deux flancs d’un seul corps. La conclusion à en tirer est que le pouvoir spirituel « doit instituer le pouvoir politique et le juger, s’il fait défaut d’accomplir le bien. Le pouvoir spirituel est jugé par Dieu seul »35. De même, dans les lettres didactiques de Saint Bernard au Pape Eugène III, il est affirmé que les deux glaives appartiennent à Pierre. Les deux glaives appartiennent à l’Église : « l’un est utilisé pour l’Église, l’autre par l’Église ; celui-ci par la main du prêtre, celui-là par la main du chevalier, mais manifestement à l’intimation du prêtre, et sur ordre de l’empereur »36. De même, pour Innocent III, il n’y a qu’un seul corps de l’Église, qui ne doit donc avoir qu’une seule tête. Ainsi, le Seigneur lui-même recourut aux deux glaives, mais c’est de Pierre seul qu’il fit son vicaire sur terre : il lui a donc laissé les deux glaives. Dans la logique hiérocratique, une société à deux têtes serait une difformité. Cette même argumentation est utilisée dans la lettre qui justifie la déposition de Frédéric II par le pape Innocent IV, dans le cadre de la Querelle des Investitures37 (symbolique au sens où un pape s’est attaqué au pouvoir temporel d’un empereur) :

  • 38 Innocent IV, Aeger cui levia dans Winckelmann, Acta imperii inedita, cité par H.-X. Arquillière, op (...)

En succédant à Jésus-Christ qui est tout ensemble le vrai roi et le vrai prêtre selon l’ordre de Melchisédech, les papes ont créé la monarchie non seulement pontificale mais royale – et l’Empire non seulement céleste mais terrestre. C’est dans l’Église que sont déposés les deux glaives, emblème des deux pouvoirs. Celui donc qui ne fait pas partie de l’Église ne peut posséder ni l’un ni l’autre, et les pouvoirs séculiers, en exerçant leur autorité, ne font qu’user d’une force qui leur a été transmise par l’Église38.

13Revenons à la « modernité néerlandaise ». Elle n’utilise plus les mêmes métaphores ou références textuelles. Du double glaive comme métaphore ou allégorie du politique, on passe à l’État utilisé comme exemple ou référence vis-à-vis de la politique. Comment expliquer une telle modification ? Le contexte historique calviniste y joue probablement un rôle. Mais on peut également y voir celui des transformations profondes de l’arrière-plan intellectuel qui ont lieu entre le XIVe et le XVIIe siècles. On pourrait en effet expliquer la transformation des références bibliques utilisées dans le langage politique par le type d’interprétation que chaque passage permet. En d’autres mots, on utiliserait d’autres « histoires » du fait que leur matière permet à la pensée de travailler dans des directions différentes, qu’elles sont plus adéquates à telle ou telle problématique qui est devenue actuelle. En partant de la transformation des préoccupations propres aux penseurs politiques d’une époque à une autre, on pourrait peut être expliquer le changement des « mythes » ou des métaphores utilisés par les conclusions différentes que ces métaphores permettent. Les deux passages peuvent être compris comme portant sur l’origine du pouvoir. Celui des deux glaives semble affirmer que le pouvoir provient de Jésus (et donc directement de Dieu). Le second, que le pouvoir se constitue par un pacte des Hébreux avec Dieu. L’un permet donc une interprétation « transcendante » de l’origine de l’ordre politique terrestre, comme résultant de l’action de Dieu ou de son représentant sur terre. L’autre laisse une marge supérieure d’interprétation. Il n’est pas incompatible avec une vision naturaliste de l’origine de l’ordre politique, comme provenant des hommes eux-mêmes. Les deux passages peuvent donc faire l’objet d’usages argumentatifs différents. Le premier est plutôt compatible avec la vison du monde qui a précédé la révolution scientifique de Copernic et de Galilée. Il suppose que le monde est essentiellement ordonné par Dieu du point de vue spatial. L’ordre du monde trouverait alors son origine dans le créateur du monde, dans un pouvoir transcendant. C’est le représentant de Dieu sur terre qui détermine par son action l’ordre politique terrestre : c’est comme cela qu’a été lu le passage sur les deux glaives. Inversement, le second passage (la création de l’État des Hébreux) est davantage compatible avec « l’univers infini » qui a résulté de la révolution copernicienne.

  • 39 P.-F. Moreau, « Spinoza et l’autorité d’un modèle : l’État des Hébreux », Spinoza. État et religion (...)

14En effet, comment comprendre l’origine de l’ordre politique, s’il n’est plus possible qu’elle soit divine ? Comment est-ce qu’un ordre politique a pu naître du désordre si ce n’est par une intervention externe ? L’ordre politique trouve sa source dans une volonté, mais celle-ci n’est plus divine, mais humaine : c’est le sens des théories du contrat. Il n’est donc pas accidentel qu’elles apparaissent à ce moment là, au crépuscule de l’idée d’une organisation divine du monde. Or c’est cette origine de l’ordre politique que permet de penser le moment de la fondation de l’État hébreu par Moïse. On peut y lire l’apparition d’un ordre à partir du désordre, d’une communauté à partir d’un agrégat d’individus, d’un État à partir de l’absence d’État. L’histoire des Hébreux pourrait être dès lors être vue comme le mythe à partir duquel les penseurs, notamment les penseurs hollandais du XVIIe siècle, ont pu réfléchir sur l’apparition de l’ordre politique en général. En d’autres mots, « la constitution des Hébreux fournit un exemple de réponse possible aux nécessités générales de la nature humaine qui font que les hommes ont besoin de vivre en société »39. À travers cette interprétation perce une certaine idée de l’ordre politique, comme n’étant plus consubstantiel à une Nature immuable mais traduisant plutôt la mutabilité de toutes choses. Le changement de référence biblique traduit ici une transformation dans la manière même de penser, incommensurable d’une époque à l’autre, transformation qui interdit de penser les débats théologico-politiques du Moyen-Âge et de l’époque classique dans un rapport de continuité. L’ordre politique, à travers l’exemple des Hébreux, est certes pensé en rapport au pastorat de Moïse, mais dans la vision moderne du monde, un tel pastorat n’a plus à conserver un ordre naturel préexistant, et c’est cela qui implique une transformation de la pensée que l’on a du pouvoir.

15En effet, la question qu’on peut désormais se poser est la suivante : ce pouvoir qui passe de l’église à l’État, n’est-il pas transformé par ce passage ? C’est le réinvestissement par Spinoza de la notion de « salut » et la manière dont il pense les institutions politiques qui nous montrent la nature de cette transformation, et par là même le rapport qu’il y a entre sécularisation et bio-politique.

  • 40 M. Foucault, « Omnes et Singulatim : pour une critique de la raison politique », Dits et Écrits, Pa (...)
  • 41 Id.
  • 42 Id.
  • 43 M. Foucault, La volonté de savoir, Paris, Gallimard, 1976, p. 177-179.
  • 44 P.-F. Moreau, « Note sur l’augustinisme politique », in J. Saada (dir.), Hobbes, Spinoza ou les pol (...)

16Auparavant, c’était l’église qui avait investi l’ordre crucial qui est celui de l’organisation de la vie humaine : naissance, éducation, mariage, mort, sexualité. En dictant l’ordre des mœurs, elle organisait la vie conformément aux missions qui lui revenaient en tant que représentante du Christ sur terre, conformément à l’ordre divin. En prêtant attention à l’individu et plus précisément à la nécessité pour lui d’atteindre le salut, à la moralité dans la vie de chaque individu comme composante essentielle de l’ordre qu’il lui revenait de maintenir, l’Église cherchait à se conformer à l’idéal de ce que Michel Foucault a appelé dans sa conférence Omnes et Singulatim40 pouvoir pastoral, qui s’exerce sur des individus vivants. Ce pouvoir pastoral utilise selon Foucault la confession comme moyen de s’assurer de la moralité de chacun, et viserait à assurer la mortification de chacun, le renoncement à ce monde et à soi-même. Ce serait là « une mort censée donner la vie dans l’autre monde »41. Même si ce pouvoir pastoral est resté un idéal non effectif au cours de la période en cause, il est était un enjeu des réformes accomplies dans les ordres monastiques de l’Église pour y rétablir la rigueur de l’ordre pastoral. Cet enjeu s’est également manifesté dans les désirs de réforme et dans les luttes des adversaires de l’Église pour trouver des « formes spontanées de communauté, dans laquelle le troupeau pourrait trouver le pasteur dont il a besoin »42. Le pouvoir d’État n’est alors pensé, dans la doctrine dite de l’augustinisme politique par exemple, que de manière limitée : il n’est qu’un pouvoir répressif, celui de « faire mourir et laisser vivre »43, il s’exerce dans les marges de la vie, là où une contestation remet en cause l’ordre « normal », pastoral, de cette vie44. Ainsi Isidore de Séville nous explique que :

  • 45 Isidori. III, 51, dans Patr. lat., t. LXXXIII, col. 723-724, cité par H.-X. Arquillière, op. cit., (...)

Les princes du siècle, occupent parfois les sommets du pouvoir dans l’Église, afin de protéger par leur puissance la discipline ecclésiastique. Au reste, dans l’Église, ces pouvoirs ne seraient pas nécessaires, s’ils ne devaient imposer par la terreur de la discipline ce que les prêtres sont impuissants à faire prévaloir par la prédication.45

17La métaphore même des « deux glaives » suggère l’existence de deux pouvoirs essentiellement différents, qui n’auraient par conséquent pas le même objet. Le pouvoir pastoral de l’Église maintient l’ordre moral de la vie ; le pouvoir répressif de l’État, lui, s’exerce aux marges de la vie, là où le bon ordre de celle-ci est menacé.

  • 46 M. Foucault, « Omnes et singulatim : pour une critique de la raison politique », op. cit., p. 953-9 (...)
  • 47 Id.
  • 48 Id.
  • 49 TTP, chap. 19.
  • 50 E, IV, proposition 39.
  • 51 TP, chapitre 2, § 5.
  • 52 E, II, Proposition 18, Scolie.
  • 53 C’est l’objet de l’argumentation de la quatrième partie de l’Éthique.
  • 54 M. Foucault, La volonté de savoir, op. cit., p. 177-179.

18Mais qu’advient-il une fois que cet ordre divin n’est plus ? Foucault expose l’émergence de la problématique de la raison d’État à l’âge classique comme apparition d’un mode de gouvernement dont le but est « d’accroître la puissance de l’État en accord avec lui même, ce qui passe par la constitution préalable d’un certain type de savoir »46. Cette raison d’État s’incarne dans un pouvoir de police, dont l’objet est « la vie », l’indispensable, l’utile et le superflu »47, théorisation qui apparaît dans divers manuels d’administrateurs étatiques des XVIe-XVIIe siècles. Voilà la bio-politique : le pouvoir d’État n’a dès lors plus pour objet de laisser vivre et de faire mourir, mais de faire vivre et de laisser mourir. Plutôt que de s’exercer aux marges de la vie (le crime, la guerre), il s’exerce en son centre. Apparaît alors la proximité entre ce pouvoir de police et le pouvoir pastoral de l’Église : les deux s’attachent à l’individu : ils veillent au bon ordre de son existence. Qu’il y ait rapport entre les deux, cela nous est indiqué par l’usage même de la référence hébraïque par les penseurs dont on vient de parler. En effet, le modèle de l’État des Hébreux correspond à l’idéal d’une communauté qui choisit elle-même son pasteur, Moïse48 : l’État moderne est alors pensé à partir d’une référence culturelle qui porte en elle-même le modèle pastoral. Mais ce n’est pas une pure reprise. À partir du moment où la légitimité de l’existence d’un ordre divin reflété par l’ordre terrestre s’affaiblit, l’État a toute latitude d’ordonner la vie conformément à ses propres objectifs de puissance. L’Église n’a plus un fond autonome de valeurs qu’elle aurait à faire respecter. C’est à l’État au contraire de prendre en main le pouvoir idéologique que représente l’Église et de l’utiliser au mieux en vue du « salut », comme le soutient Spinoza lui-même. Quand on parle de pouvoir « idéologique », on ne parle pas seulement du contenu des doctrines ecclésiastiques. Si l’idéologie n’existe que par les pratiques qui la perpétuent, comme le montre Spinoza en mettant l’accent sur les rituels qui permettent l’inscription dans l’activité des croyances, ce sont ces pratiques mêmes que l’État doit prendre en compte. Spinoza nous dit que l’État doit œuvrer en faveur du « salut », but des lois tant divines qu’humaines49. Mais bien évidemment, ce « salut » n’est plus d’essence transcendante : il n’est plus à réaliser dans l’au-delà. Au contraire, il devient l’objet immanent de l’activité étatique. Le mot utilisé par Spinoza pour désigner l’idée de salut comme conservation de l’État est salus, qui désigne aussi le salut spirituel. Parallèlement, il utilise sanitas pour désigner la santé biologique. On ne peut donc confondre les deux. Mais si Spinoza n’use pas du même vocable pour désigner ces deux notions, on peut tout à fait concevoir un parallélisme entre le salut d’un État, et la santé des individus qui forment sa population. Spinoza parle en effet de santé (sanitas) pour parler de bien-être biologique, ce qui désigne chez lui la conservation d’un certain rapport entre les parties d’un corps du point de vue du repos et du mouvement (il faut que la manière dont chaque partie du corps se comporte vis-à-vis d’une autre ne se transforme pas outre mesure, ne s’altère pas fondamentalement)50. Mais la santé peut aussi désigner une vie de l’esprit non pathologique51, qui enchaîne plus les affections selon leur nécessité que selon l’ordre contingent que lui impose une perception confuse et insuffisante. Or, si l’on repart du fondement du système spinoziste, il y a corrélation entre la santé mentale et physique, dans la mesure où toutes nos affections mentales ne sont que le corrélat dans l’esprit de faits corporels52. Il y a également rapport entre la santé d’un État et la santé individuelle. En effet, si un corps est d’autant plus en bonne santé qu’il parvient à maintenir davantage le rapport mutuel des parties de son corps face aux influences extérieures, alors un esprit est d’autant plus en bonne santé que ses idées s’enchaînent selon l’ordre de l’entendement et non celui, contingent, que lui imposent les choses externes. Mais il y a parallélisme entre les deux, puisque notre structuration mentale dépend de celle de nos affects physiques. Or la santé de l’État dépend elle aussi de la capacité à maintenir dans un état le plus stable possible la structuration de l’esprit de ses citoyens face aux dangers extérieurs. Elle dépend donc de la santé des individus compris comme complexes bio-affectifs, de leur capacité à maintenir des rapports adéquats entre les différentes parties de leur corps, puisque plus les citoyens sont rationnels, plus les citoyens se comportent de manière coordonnée et unifiée, et plus alors l’État est puissant53. S’il appartient à l’État d’agir et de modeler rationnellement les dispositions d’une multitude ou population régie par des lois spécifiques (notamment celle de l’imitation des affects), le pouvoir répressif, celui qui laisse vivre et qui fait mourir, ne suffit donc pas. Il faut exercer un pouvoir normatif, de stimulation et de renforcement : un pouvoir qui ne sanctionne pas la violation des lois mais qui induit la conformité à des normes prédéfinies54. En tombant dans le giron de l’État, la vie est soumise aux objectifs qui sont les siens : l’augmentation de sa puissance. On pourrait rétorquer que lorsque Spinoza parle de salut, il vise, non pas le salut au sens large, mais le salut au sens précis « d’échapper à ses ennemis », comme quand on parle de « salut de la patrie ». Il nous expliquerait que l’État doit prendre en main l’Église pour survivre. Mais on peut tout autant penser qu’il prend le terme dans un sens très large à partir du moment où le salut est censé être le but de toutes les lois, tant divines qu’humaines. Bien plus, Spinoza, rappelons-le, assigne à l’État un but large, qui n’est pas seulement la survie biologique, mais le développement d’une activité raisonnable chez les hommes, et c’est à l’État qu’on doit attribuer un tel bénéfice lorsqu’il se développe effectivement.

  • 55 TP, Chapitre V, § 5.

« Mais de même que les vices des sujets, leur licence excessive et leur insoumission doivent être imputées à la Cité, de même en revanche leur vertu et leur constante observation des lois doivent être attribuées avant tout au droit absolu de la Cité […] La paix n’est pas en effet l’absence de guerre, c’est une vertu qui naît de la force d’âme ; car l’obéissance est la volonté constante d’accomplir ce qui doit être fait selon le décret commun de la Cité. […] lorsque nous disons que l’État le meilleur est celui où les hommes passent leur vie dans la concorde, j’entends par là une vie humaine, qui se définit non par la seule circulation du sang et les autres fonctions communes à tous les animaux, mais avant toute chose par la raison, véritable vertu de l’âme et sa vraie vie. »55

19Pour Spinoza, l’État le meilleur est celui dont le dispositif contribue au bien être moral des citoyens : ce qui signifie éventuellement qu’il puisse y intervenir en cas de besoin.

20Ce développement passe par une double rationalisation du dispositif étatique : les administrations étatiques doivent devenir un instrument adéquat à leur fin (rationalisation instrumentale). Mais cette fin est le développement de la raison chez chaque individu (rationalisation finale). En vue de cette rationalisation, Spinoza indique que l’État ne doit pas s’imposer par le simple exercice de la force pure, mais doit conduire par force ou par tout autre moyen les individus à faire ce qui est dans leur intérêt bien compris qui est celui de l’État.

  • 56 TP, Chapitre VI, § 3.

« Il est nécessaire qu’un État soit institué de telle sorte que tous, gouvernants et gouvernés, fassent, qu’ils le veuillent ou non, ce qui importe au salut commun ; c’est-à-dire que tous, de gré ou de force ou sous la contrainte de la nécessité, puissent vivre selon le précepte de la raison : ce qui arrive lorsque les affaires de l’État sont ordonnées de telle sorte que rien de ce qui concerne le salut commun ne soit commis absolument à la loyauté de quiconque ».56

  • 57 Spinoza en parle au demeurant assez peu : il se focalise sur le domaine qui aujourd’hui relèverait (...)

21Le moyen que Spinoza prône pour s’assurer de cette obéissance chez les gouvernants est l’institution de multiples centres de pouvoir dans chaque régime (que ce soit le syndicat, le conseil de roi etc.) dont les volontés respectives de pouvoir se tiennent mutuellement en respect. Il reste que si c’est littéralement « tous [omnes] les hommes » qui doivent obéir, la mise en œuvre d’un tel pouvoir passe nécessairement par la mise en œuvre d’une police au sens où Foucault l’a définie. C’est-à-dire que pour pouvoir exécuter ce précepte57, les pouvoirs qui se chargent d’exécuter les lois devraient développer des moyens de surveillance, de contrôle, de sanction, d’incitation afin de vérifier cette obéissance et de la corriger lorsqu’elle n’a pas lieu. On peut penser que le dispositif ecclésiastique pris en charge par l’État pourrait être d’assurer ce rôle dans ses composantes d’incitation et de subjectivation. Il serait même possible de déduire, à partir de l’argumentation de Spinoza, la nécessité des dispositifs de connaissance sur lesquels repose l’action étatique moderne (par exemple, les dispositifs statistiques dont un État doit disposer pour bien gouverner). Dans un monde dont la nécessité n’est soumise à aucune finalité, l’enchaînement des choses obéit à des lois, et, de ces lois, on pourrait tirer une régularité des phénomènes humains eux-mêmes, que l’État pourrait utiliser.

  • 58 J. Lagrée, La Raison ardente. Religion naturelle et Raison au XVIIe siècle, Paris, Vrin, 1991, p. 2 (...)
  • 59 H. Grotius, De imperium summarum potestatum circa sacra, cité dans J. Lagrée, op. cit., p. 231.
  • 60 J. Lagrée, op. cit., p. 241
  • 61 Ibid., p. 242.
  • 62 TP, chap. 8.
  • 63 Ce problème est bien mis en exergue par C. Ramond dans son introduction au TP, p. 21-34.
  • 64 Ibid., p. 42.

22En résumé, chez Spinoza apparaît une corrélation entre la prise en main du dispositif ecclésiastique par l’État comme sécularisation du pouvoir, et une orientation du dispositif politique vers un intérêt pour la stimulation de la vie de chaque individu comme nécessaire au développement du tout. Une telle corrélation apparaît également chez Grotius : chez lui, l’autorité politique doit également prendre en main l’autorité religieuse : elle n’a personne au-dessus d’elle58. Bien plus, l’État intervient tout autant dans le salut des citoyens : « il est en quelque sorte naturel que le souverain obtienne le sacerdoce »59. Chez H. Grotius comme chez Spinoza, bien que nous nous soyons focalisés sur ce dernier, apparaît une conceptualisation du salut comme salut spirituel immanent et santé de l’âme60, qui n’est pas séparable d’une intervention de l’État dans les affaires religieuses. Sur ce point, nous devons manifester un certain désaccord avec J. Lagrée. Elle affirme en effet dans La Raison ardente que chez Spinoza l’accent qui est mis sur la liberté d’expression consubstantielle à l’âme et la « constitution des conditions socio-politiques d’un enseignement mutuel, autonome et critique » comme force productrice de l’État conduisent à « dissoudre » le magistère spirituel »61. Il nous semble au contraire qu’il reste nécessairement présent à partir du moment où la condition de cette dissolution est la rationalisation des comportements des citoyens. Dans le TP, la force n’est pas exclue directement pour conduire le citoyen à l’obéissance matérielle, pas plus que ne l’est l’outil idéologique, dont on peut penser qu’il doit être mis aux mains de l’État pour qu’il puisse mieux amener ses citoyens vers la raison. Même si le chapitre XX du TTP exclut toute limitation de la liberté d’opinion par la loi, la reconnaissance du fait qu’il est difficile que les citoyens soient jamais libérés des affects laisse une certaine place à l’exercice de ce qu’on peut appeler des pouvoirs normalisateurs, éducateurs, qui modèlent par exemple l’opinion sans la réprimer. D’autre part Spinoza considère la mise en place dans un État aristocratique d’universités d’État comme un moyen de corseter l’esprit, ce qu’il exclut dans une libre République mais pas dans un régime aristocratique62. La mesure dans laquelle un pouvoir normalisateur doit être exercé du point de vue des idées mêmes des citoyens dépend donc de l’opportunité de telles mesures, en fonction du contexte politique ou l’on se trouve. D’autre part, J. Lagrée ne semble pas considérer que le magistère spirituel de l’État aille au-delà des opinions professées : si les normes religieuses concernent tout l’espace de la vie (les naissances, le mariage, la place des femmes par rapport au travail), la prise en charge de ce magistère par l’État ne se limite certainement pas aux opinions qui peuvent être professées par chacun mais s’étend aux pratiques qui en découlent et qui sont de la plus haute importance pour l’ordre social et qui ne peuvent donc lui échapper bien longtemps. Bien que cet aspect-là de la religion et des idées religieuses soit moins théorisé par Spinoza, il y a chez lui certains indices permettant de l’interpréter en ce sens. Enfin, il y a là sans doute une tension propre à la théorie de Spinoza : chez lui, l’extériorité d’une vertu et d’une rationalité promues, produites et induites par l’État est censée être comme une propédeutique ou la condition suffisante pour l’intériorisation de cette rationalité. L’obéissance hétéronome à un pouvoir rationnel pourrait rendre rationnel63. Selon Charles Ramond, « voulu ou subi [...] conscient ou inconscient, le comportement correct du bon citoyen dans un État en paix ne prépare pas, ne mime pas, mais exprime pleinement, quoique localement et momentanément, l’ordre rationnel des choses »64. C’est de cela dont on peut douter. L’aspect problématique d’un tel idéal apparaît à partir du moment où l’on envisage le degré et la qualité du pouvoir étatique nécessaire à une rationalisation extérieure des comportements humains — rationalisation que la théorie critique de l’école de Francfort et des penseurs allant de Weber à Foucault ont mis au centre de leur problématique et dont ils n’ont pas cessé de pointer les dangers.

23Il y a donc émergence parmi ces théoriciens politiques d’un ordre commun de préoccupations que nous pouvons résumer de la manière suivante. Le processus par lequel les théoriciens de l’époque moderne réclamaient la soumission des pouvoirs ecclésiastiques au pouvoir politique n’est pas séparable de celui par lequel se produisit une mutation profonde du pouvoir politique, et par laquelle celui-ci est devenu un pouvoir bio-politique, s’intéressant à la vie plus qu’à la mort. Ce qui n’est pas dire que l’État a simplement repris l’idéal d’un pouvoir pastoral à l’Église. Il ne l’a récupéré que pour en transformer profondément le sens et la nature, en le réorientant vers la stimulation biologique et morale de la population nécessaire à l’augmentation de la puissance de l’État moderne et à sa survie optimale.

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Notes

1 A. Koyré, Du monde clos à l’univers infini (1962), Paris, Gallimard, 2009, p. 9-15.

2 Id.

3 J.-C. Monod, Hans Blumenberg, Paris, Belin, 2007, p. 96-102.

4 E, I, Appendice. Nous utiliserons pour les œuvres de Spinoza les acronymes suivants : E pour Éthique, C. Appuhn (trad.), Paris, Garnier-Flammarion, 1993. TTP pour Traité théologico-politique, P.-F. Moreau et J. Lagrée (trad.), Paris, PUF, 1997. TP pour Traité politique, C. Ramond (trad.), Paris, PUF, 2003.

5 TTP, Chap. 12, § 5-6.

6 Ibid., Chap. 5, § 14-16.

7 Ibid., Chap. 5, § 18.

8 Ibid., Chap.  19, § 1.

9 M. Weber, Wissenschaft als Beruf, Politik als Beruf, Tübingen, J. C. B. Mohr, 1992, p. 160.

10 TTP, Chap. 19, § 6.

11 Ibid., Chap. 19, § 8.

12 Ibid., Chap. 17, § 23.

13 Ibid., Chap. 17, § 26.

14 Ibid., Chap. 17, § 29.

15 Ibid., Chap. 19, § 3.

16 Ibid., Chap. 19, § 4.

17 Ibid., Chapitre 16.

18 Ibid., Chap. 19, § 10.

19 N. Machiavel, Discorsi sopra la prima deca di Tito-Livio, liv. III, ch. 41, Opere politiche, Roma, Salerno, t. II, p. 780.

20 Ibid., Chap. 19, § 16.

21 A. Matheron, « Politique et religion chez Hobbes et Spinoza », Études sur Spinoza et les philosophies de l’âge classique, Lyon, ENS Éditions, 2011, p. 345.

22 Id.

23 Cf. plus généralement le chapitre XVI du TTP.

24 E, III, définition no 3. « J’entends par Affections les affections du Corps par lesquelles la puissance d’agir de ce Corps est accrue ou diminuée, secondée ou réduite, et en même temps les idées de ces affections. » Proposition XI : « Si quelque chose augmente ou diminue, seconde ou réduit la puissance d’agir de notre Corps, l’idée de cette chose augmente ou diminue, seconde ou réduit la puissance de notre Âme. » Scolie : « Nous avons donc vu que l’Âme est sujette quand elle est passive, à de grands changements et passe tantôt à une perfection plus grande, tantôt à une moindre ; et ces passions nous expliquent les affections de la Joie et de la Tristesse. Par Joie j’entendrai donc, par la suite, une passion par laquelle l’Âme passe à une perfection plus grande. Par Tristesse, une passion par laquelle elle passe à une perfection moindre. »

25 Grotius, De republica emendanda, Petrus Cunaeus, De Republica Hebraeorum entre autres. Cf. T. L. Frampton, Spinoza and the rise of historical criticism of the bible, New York, T&T Clark International, 2006.

26 T. L. Frampton, Spinoza and the rise of historical criticism of the bible, p. 53-54.

27 P.-F. Moreau, Spinoza et le spinozisme, Paris, PUF, 2003, p. 39-46.

28 H.-X. Arquillière, L’augustinisme politique : essai sur la formation des idées politiques au Moyen-Âge, Paris, Vrin, 1955.

29 J. A. Watt, « Pouvoir spirituel et pouvoir temporel », in J. H. Burns (dir.), Histoire des idées politiques médiévales, Paris, PUF, 1993.

30 R. A. Markus, Saeculum. History and society in the theology of Saint Augustine, Cambridge, Cambridge University Press, p. 146.

31 Luc 22 : 34-38.

32 J. A. Watt, « Pouvoir spirituel et pouvoir temporel », op. cit., p. 351. « L’image des glaives exprimait en résumé deux principes fondamentaux : Dieu avait institué deux pouvoirs et Il voulait qu’ils coopèrent. Ensemble, “soumis à Lui et agissant pour Lui”, ils pourvoyaient au bien-être collectif du peuple chrétien. »

33 Jean, 18 : 36

34 H. de Saint Victor, De Sacramentis Christiana Fidei, cité par J. A. Watt, « Pouvoir spirituel et pouvoir temporel », op. cit., p. 348-349.

35 J. A. Watt, « Pouvoir spirituel et pouvoir temporel », op. cit, p. 348-349.

36 Bernard de Clairvaux, De consideratione, cité par J. A. Watt, « Pouvoir spirituel et pouvoir temporel », op. cit., p. 352-353.

37 Conflit entre 1075 et 1085 entre l’empereur Henri IV et le pape Grégoire VII sur le pouvoir d’investiture des évêques.

38 Innocent IV, Aeger cui levia dans Winckelmann, Acta imperii inedita, cité par H.-X. Arquillière, op. cit., p. 34-35.

39 P.-F. Moreau, « Spinoza et l’autorité d’un modèle : l’État des Hébreux », Spinoza. État et religion, Lyon, ENS Éditions, 2006, p. 21-34.

40 M. Foucault, « Omnes et Singulatim : pour une critique de la raison politique », Dits et Écrits, Paris, Gallimard, 2001 (« Quarto »), vol. II, p. 953-980.

41 Id.

42 Id.

43 M. Foucault, La volonté de savoir, Paris, Gallimard, 1976, p. 177-179.

44 P.-F. Moreau, « Note sur l’augustinisme politique », in J. Saada (dir.), Hobbes, Spinoza ou les politiques de la parole, Lyon, ENS Editions, 2009, p. 49-61.

45 Isidori. III, 51, dans Patr. lat., t. LXXXIII, col. 723-724, cité par H.-X. Arquillière, op. cit., p. 41-42.

46 M. Foucault, « Omnes et singulatim : pour une critique de la raison politique », op. cit., p. 953-980.

47 Id.

48 Id.

49 TTP, chap. 19.

50 E, IV, proposition 39.

51 TP, chapitre 2, § 5.

52 E, II, Proposition 18, Scolie.

53 C’est l’objet de l’argumentation de la quatrième partie de l’Éthique.

54 M. Foucault, La volonté de savoir, op. cit., p. 177-179.

55 TP, Chapitre V, § 5.

56 TP, Chapitre VI, § 3.

57 Spinoza en parle au demeurant assez peu : il se focalise sur le domaine qui aujourd’hui relèverait du droit constitutionnel ou à la limite de lois organiques organisant la mise en œuvre de la constitution.

58 J. Lagrée, La Raison ardente. Religion naturelle et Raison au XVIIe siècle, Paris, Vrin, 1991, p. 229.

59 H. Grotius, De imperium summarum potestatum circa sacra, cité dans J. Lagrée, op. cit., p. 231.

60 J. Lagrée, op. cit., p. 241

61 Ibid., p. 242.

62 TP, chap. 8.

63 Ce problème est bien mis en exergue par C. Ramond dans son introduction au TP, p. 21-34.

64 Ibid., p. 42.

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Xenophon Tenezakis, « Sécularisation et bio-politique chez Spinoza »Astérion [En ligne], 15 | 2016, mis en ligne le 15 novembre 2016, consulté le 14 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/asterion/2859 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/asterion.2859

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Auteur

Xenophon Tenezakis

Xenophon Tenezakis est agrégé de philosophie et titulaire d’un Master d’Histoire de la pensée politique avec un travail sur Spinoza et le théologico-politique (sous la direction de Pierre-François Moreau)

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Droits d’auteur

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