Navigation – Plan du site

AccueilNuméros15VariaLes tumultes chez Machiavel et la...

Varia

Les tumultes chez Machiavel et la langue de la jurisprudence

Machiavelli on tumults and the language of jurisprudence
Angela De Benedictis
Traduction de Jean-Claude Zancarini

Résumés

Depuis quelque temps, les spécialistes de Machiavel ont dédié leur attention, d’une part, au rôle des tumultes et de l’autre, à la présence de la langue de la jurisprudence dans son œuvre. Jusqu’à présent, ces deux lectures de Machiavel ne sont pas rencontrées. Cette contribution entend montrer jusqu’à quel point la langue de la jurisprudence est présente dans l’écriture de Machiavel sur les tumultes, dans ses premiers textes comme, surtout, dans ses Histoires florentines. En partant de l’analyse machiavélienne de la rébellion de la Valdichiana (1503), la première partie de l’article traite de la rébellion comme problème juridique et politique, comme cas spécifique du crime de lèse-majesté, traité par les juristes de droit civil et de droit canon, depuis les commentaires des lois impériales d’Henri VII (1313) jusqu’aux consilia rédigés en défense de Laurent de Médicis et de la cité de Florence à l’occasion de la conjuration des Pazzi (1478), ainsi qu’au premier traité dédié aux séditions écrit par le juriste français Nicolas Bohier. Dans un second temps, on prend en considération le discours du Ciompo anonyme des Histoires florentines (livre III) et on analyse un passage rarement pris en compte par les commentateurs : « Là où beaucoup se trompent, peu sont châtiés ». Dans ce passage, Machiavel utilise un principe juridique, une regula iuris, certes controversée et souvent non acceptée, mais théoriquement admise comme telle. Les considérations finales proposent de possibles parcours pour de futures recherches.

Haut de page

Texte intégral

  • 1  Le point de départ en est l’article de D. Quaglioni, « Machiavelli e la lingua della giurisprudenz (...)
  • 2  On trouve un tableau des recherches portant sur les conflits chez Machiavel dans F. Raimondi, « Ma (...)

1Si la présence de la langue de la jurisprudence dans l’œuvre de Machiavel est, depuis quelque temps, l’objet de recherches fructueuses1, ce problème n’a pour le moment pas été traité en ce qui concerne un thème de recherche pourtant fréquemment abordé : celui de l’importance des conflits dans l’écriture et la pensée du Secrétaire florentin2. Pourtant, un des passages machiavéliens du Prologue du livre I des Discours – qui, voilà une quinzaine d’années, a servi de preuve significative pour l’usage de la langue de la jurisprudence – peut indiquer avec une certaine clarté le chemin à parcourir :

  • 3  Voir D. Quaglioni, Machiavelli e la lingua della giurisprudenza, ouvr. cité, p. 65-66 ; je soulign (...)

dans les différends civils qui naissent entre les citoyens […] on a toujours eu recours aux jugements […] qui ont été rendus ou ordonnés par les Anciens : parce que les lois civiles ne sont rien d’autres que des sentences rendues par les anciens jurisconsultes, lesquelles, mises en ordre, enseignent à nos jurisconsultes d’aujourd’hui à juger… Néanmoins, pour ordonner les républiques, pour maintenir les états, pour gouverner les royaumes, pour ordonner la milice et administrer la guerre, pour juger les sujets, pour accroître l’empire, on ne trouve ni prince ni république qui ait recours aux exemples des Anciens.3

  • 4  A. De Benedictis, « Una “città che pecca”. Del modo di trattare i popoli della Valdichiana ribella (...)
  • 5  A. De Benedictis, Tumulti. Moltitudini ribelli in età moderna, Bologne, Il Mulino, 2013.
  • 6  Dans le sens proposé par J.-C. Zancarini, « Une philologie politique. Les temps et les enjeux des (...)
  • 7  J’ai pu discuter les thèses que je présente ici en trois occasions : le colloque international Mac (...)

2Dans les pages qui suivent, j’entends continuer à suivre le chemin que j’ai commencé à parcourir avec deux contributions à paraître4, sur la base des résultats d’une précédente recherche sur les tumultes comme problème de la jurisprudence du xive au xviie siècle5. Je dédierai une première partie à la vérification du discours sur les rébellions et les tumultes chez Machiavel, et une seconde partie à la lecture du discours du ciompo anonyme des Histoires florentines, en cherchant à mener une analyse de philologie politique6. Dans une brève et ultime troisième partie, je formulerai quelques hypothèses pour poursuivre cette recherche7.

Rébellions, tumultes et langue de la jurisprudence chez Machiavel, de la conjuration des Pazzi à la France de Louis XII

  • 8  N. Machiavelli, « Del modo di trattare i popoli della Valdichiana ribellati », dans J.‑J. Marchand (...)

J’ai entendu dire que les histoires sont la maîtresse de nos actions et surtout de celles des princes, et le monde fut toujours habité par des hommes qui ont eu toujours les mêmes passions ; et toujours il y eut qui sert et qui commande, et qui sert à contrecœur et qui sert volontiers, et qui se rebelle et qui est réprimandé. Si quelqu’un ne croyait pas cela, qu’il regarde Arezzo, l’an dernier, et toutes les villes de la Valdichiana, qui font une chose très semblable à celle des peuples latins : là, on voit la rébellion et puis la réprimande, comme ici ; même si, dans la façon de se rebeller et de réprimander, il y a de fortes différences, la rébellion et la réprimande n’en sont pas moins semblables.8

  • 9  Voir le livre, qui demeure fondamental, de M. Sbriccoli, Crimen laesae maiestatis. Il problema del (...)
  • 10  Consulte e pratiche della Repubblica fiorentina 1498-1505, D. Fachard éd., Genève, Droz, 1993, p.  (...)
  • 11  N. Machiavelli, Discorsi sopra la prima Deca di Tito Livio, liv. II, ch. 23 dans Opere, C. Vivanti (...)

3Quand Machiavel composait son écrit sur les peuples de la Valdichiana rebelles, les rébellions des peuples et, comme dira plus tard Machiavel, les cités qui pèchent, constituaient depuis longtemps des problèmes politiques et juridiques que, depuis la moitié du xive siècle, le droit commun avait abordés et continuait à aborder comme un cas spécifique du crimen laesae maiestatis. De ce crimen dont le système était central pour la compréhension du rapport seigneur-sujets9, même quand le seigneur était la république dont Machiavel analysait les comportements. La lecture des Consulte e pratiche entre septembre et octobre 1502 le montre bien10. Machiavel (dans ce texte de 1503 qu’il allait reprendre, comme on sait, dans les Discours)11, comme d’ailleurs les membres de la République florentine en septembre-octobre 1502, posait le problème de savoir qui était rebelle et si une universitas delinquens pouvait être punie et de quelle manière.

  • 12  Sur les deux constitutions pisanes, voir D. Quaglioni, « Rebellare idem est quam resistere. Obéiss (...)
  • 13  D. Quaglioni, « Universi consentire non possunt. La punibilità dei corpi nella dottrina del diritt (...)
  • 14  A. De Benedictis, Tumulti, ouvr. cité, p. 138-140.

4À la première question, la langue de la jurisprudence avait alors, et depuis quelques siècles, fourni des réponses qui avaient construit le système du crimen laesae maiestatis sur le commentaire des Constitutiones Pisanae d’Henri VII en 1313 : l’Edictum de crimine laesae maiestatis et la Declaratio quis sit rebellis, l’un et l’autre promulgués pour punir les cités italiennes coupables d’avoir conspiré contre l’empereur et l’empire et de s’être publiquement rebellés contre eux12. La seconde question, celle de l’universitas delinquens (la cité qui pèche, pour Machiavel) avait une histoire plus ancienne. La doctrine canoniste et civiliste en débattait au moins depuis le xiie siècle : une universitas peut-elle commettre un délit ? Et de quelle façon ? Si elle peut commettre un délit, quelles sont les peines à infliger ? Peut-on / doit-on identifier les responsables ? Comme ce fut déjà le cas avec le commentaire de la Declaratio d’Henri VII, en ce cas également la doctrine de Bartole avait fourni une référence indubitable pour la doctrine ultérieure. En synthèse : l’universitas commet un crime si elle a délibéré à propos de la sédition, après avoir formellement convoqué le conseil selon le rite habituel ; si, au contraire, le conseil n’a pas délibéré, il faut déterminer qui sont les responsables particuliers de la sédition. Comme la peine la plus sévère était réservée à une cité séditieuse et rebelle, elle pouvait être modifiée quand c’était une multitude qui avait agi séditieusement. Infliger la peine la plus sévère aurait impliqué le massacre de nombreuses personnes, y compris des innocents, des pupilles, des déments, soit des personnes qui ne pouvaient commettre de crimes car elles n’en avaient pas la capacité juridique. En ce cas, la peine capitale pouvait être commuée en peine pécuniaire. Le rigor iuris pouvait être adouci pour la multitude, pour éviter le scandale de tuer tout le peuple d’une cité, en dépeuplant ainsi la cité au détriment de la res publica13. La comunis opinio doctorum n’empêchait pas cependant qu’en certains cas spécifiques l’excuse atténuante de la multitude ne soit pas admise comme utilisable14. Cette dernière solution était celle vers laquelle, dans le cas d’Arezzo, Machiavel semblait s’orienter, bien qu’il ne l’ait pas mentionnée explicitement.

  • 15  A. De Benedictis, « Abbattere i tiranni, punire i ribelli. Diritto e violenza negli interdetti del (...)
  • 16  N. Machiavelli, Istorie fiorentine, liv. VIII, ch. 11, dans Opere, C. Vivanti éd., Turin, Einaudi  (...)
  • 17 Le consilium de Socini avait été publié comme Consilium XX dans le recueil d’un autre juriste : Fr (...)
  • 18 Ibid., fo 23r : « Nam ubi quies patriae infestari timetur omisso ordine iuris ad arma recurrendum (...)
  • 19 Ibid., fo 23v : « Val. Max. li. iii. de fortitudine dum loquitur de Tiberio Gracco qui rem publica (...)
  • 20 Ibid., fo 24r et v.
  • 21 Ibid., fo 24v. Sur le consilium de Socini (et des autres juristes qui défendaient Florence), voir (...)

5Il s’agissait toutefois d’une doctrine dont Florence s’était prévalue quand elle avait voulu se défendre contre l’interdit lancé contre elle par Sixte IV, après la conjuration des Pazzi15. Machiavel pouvait le savoir, précisément du fait de son rôle. Il savait, de toute façon, que Florence avait désobéi à l’interdit16. En présentant les arguments qui légitimaient la désobéissance, les juristes qui avaient défendu Florence s’étaient servis de la tradition jurisprudentielle sur la rébellion et l’universitas delinquens à laquelle on a fait allusion ci-dessus, et donc des commentaires aux lois qui traitaient cette question dans le Corpus iuris civilis. Dans leur activité d’interprètes, ils avaient fait, normalement, ce que Machiavel, quelques décennies plus tard, allait relever comme principe général : les lois civiles ne sont rien d’autre que des sentences rendues par les anciens jurisconsultes, lesquelles, mises en ordre, enseignent à nos jurisconsultes d’aujourd’hui à juger. Le consilium rédigé par Bartolomeo Socini17, en reprenant d’ailleurs pour bonne part des arguments également présents dans les avis des autres défenseurs, est significatif. L’action des conjurés avait été une seditio. L’archevêque avait été tué dans une action de défense. Laurent et les principaux citoyens florentins avaient fait ce que l’expérience, rerum magistra, conseillait. La crainte vis-à-vis des conjurés qui n’avaient pas encore été capturés avait donc rendu licite aux Florentins, pour leur propre salut et leur propre défense, de tuer ceux qui avaient été capturés. Socini avançait un exemplum historique pour illustrer le principe selon lequel la crainte devant des menaces envers la tranquillité de la patrie rendait nécessaire le recours immédiat aux armes, en laissant de côté l’ordre juridique, afin d’empêcher la ruine de l’imperium18. Dans Valère Maxime, le juriste trouvait à la fois l’exemple négatif de Tiberius Gracchus qui s’était emparé de la res publica19, comme avaient tenté de le faire les Pazzi et leurs partisans, et l’exemple positif de Scipion Nasica qui, pour défendre cette même res publica, avait suscité un tumulte et eut recours aux armes par nécessité20. C’est ce qu’avaient fait la cité de Florence et les Huit. Ils avaient agi par nécessité. Le tumulte n’avait pas été délibéré collégialement. Il n’y avait donc pas d’intention criminelle. La multitude s’était défendue et protégée. Les peines devaient être adoucies21.

  • 22 M. Luzzatti, Una guerra di popolo. Lettere private del tempo dell’assedio di Pisa (1494-1509), Pis (...)
  • 23 Voir à ce propos A. Guidi, Un segretario militante. Politica, diplomazia e armi nel cancelliere Ma (...)
  • 24 Cité par D. Quaglioni, « Giurisprudenza, scrittori di », ouvr. cité, p. 646.
  • 25 Ibid.

6Bartolomeo Socini et les autres avocats défenseurs de Florence avaient fourni au peuple florentin les argumentations juridiques pour ne pas obéir à l’interdit. Ils avaient retourné contre les auteurs et les fauteurs de la conjuration (parmi lesquels l’archevêque Salviati et Sixte IV lui-même) l’accusation de sédition. Pour la défense du bien commun, de la liberté de la patrie, les Florentins avaient fait un tumulte. Mais ils n’avaient pas été séditieux. Ils avaient agi comme Scipion Nasica vis-à-vis de Tiberius Gracchus. Avant même Machiavel (qui insère ce même exemple dans les Discours, I, 37), les juristes qui s’étaient formés à l’école de l’humanisme juridique estimaient que non seulement l’expérience du présent mais aussi l’histoire étaient magistrae rerum. Machiavel pouvait-il connaître ces consilia ? Et pouvait-il, lui qui avait fait l’expérience de la conclusion de la rébellion de Pise, ne pas connaître ce juriste et professeur du Studium de Pise qui avait certainement conseillé les Pisans dans leurs légitimes raisons contre Florence22 ? En faisant probablement usage en faveur de Pise des mêmes arguments, de la même jurisprudence, du même exemple historique qu’il avait utilisés, moins de deux décennies avant, en faveur de Florence ? Depuis le début de son expérience de chancelier et de secrétaire23, les rébellions de cités et de communautés dans lesquelles Machiavel avait été directement impliqué et celles qui avaient accompagné le présent des Guerres d’Italie n’avaient pas manqué. Peut-être avait-il pu faire son profit, s’il les avait consultés, « [du] code de Justinien et [du] nouveau Digeste, tous deux en parchemin de chevreau, écrits à la plume » qui étaient dans la bibliothèque de son père, Bernardo, et qui avaient été prêtés à qui « voulait les voir sur la question des rebelles »24 ? C’est-à-dire à propos de « crimen maiestatis »25 ?

  • 26 On en trouve un récit fondé sur la documentation archivistique dans la contribution déjà ancienne (...)

7La question des rebelles, incontestablement brûlante dans la Florence de Machiavel, l’était aussi dans la France de Louis XII, protagoniste des Guerres d’Italie. À l’été 1514, un violent tumulte avait éclaté à Agen26. Un des juges chargés par le roi d’instruire le procès contre les citoyens d’Agen considérés comme coupables de sédition, Nicolas Bohier – juge du parlement de Bordeaux et membre du Grand Conseil du Roi –, faisait imprimer en 1515 les motivations de la sentence de condamnation des séditieux, en la réélaborant en forme de traité. S’il s’agissait bien d’un cas particulier et spécifique (comme tous les cas, d’ailleurs), le problème avait également une portée générale et universelle. Et c’est sur cette dimension générale et universelle que s’ouvrait le traité De seditiosis, dans lequel le crimen atrox et enorme constitué par la seditio était l’objet d’une analyse autonome et spécifique par rapport à la littérature antérieure sur le crimen laesae maiestatis. Ce n’était pas la seule nouveauté du traité ; la place importante dédiée à la narration des faits et aux exemples historiques en était une autre. La composition et l’édition du traité en France se déroulaient durant les mêmes années – quand venait de se terminer le règne de Louis XII et commençait celui de François Ier – pendant lesquelles, selon toutes probabilités, Machiavel rédigeait à Florence ses Discours.

  • 27 Voir M. Gaille-Nikodimov, « Les tumultes dans la cité : ne pas rire, ne pas pleurer, mais comprend (...)

8Rien ne fait penser que Machiavel ait eu connaissance du traité de Bohier. Bien que Bohier soit rapidement devenu, dans la littérature jurisprudentielle sur ce thème, une auctoritas pour les siècles à venir, rien, dans l’état actuel de la recherche, ne permet de faire l’hypothèse que son succès date d’avant les années 1530-1540. Mais il n’en reste pas moins que dans cette œuvre de jurisprudence, le problème de fond traitait – comme l’avait déjà écrit Machiavel en 1503 – de « qui se rebelle et qui est réprimandé » et – point sur lequel Machiavel réfléchissait au même moment – des « différends civils qui naissent entre les citoyens », sans compter qu’il s’agissait de « juger les sujets » en faisant appel aux « jugements […] qui ont été rendus ou prescrits par les Anciens ». Bien entendu, les objectifs de Bohier et de Machiavel étaient différents : le juge Bohier jugeait et condamnait, l’ancien chancelier et secrétaire Machiavel désirait comprendre27

  • 28 N. Bohier, Preclarus, et elegans tractatus de seditiosis omnibus, civitatum, villarum, & castrorum (...)

Dans les temps passés et encore de nos jours, sont souvent nés et naissent dans les cités, villes et bourgs de ce très Chrétien royaume des Francs, séditions, tumultes et émotions populaires contre le très illustre et très chrétien prince, mon seigneur suprême, ou contre ses officiers, consuls et administrateurs des cités et de son royaume ; et aussi contre d’autres seigneurs de contrées ; et ce qui est pire et difficile à tolérer, contre les églises et les ministres de Dieu (car il est bien plus grave d’offenser la majesté éternelle que la majesté temporelle). On cherchera à savoir avec quelle peine de tels séditieux doivent être punis selon le droit.28

  • 29 Ibid., fo vir-ixr.
  • 30 Ibid., fo ixr-xvr.
  • 31 R. Gaguin, Compendium super Francorum gestis, ab ipso recognitum et auctum, Paris, D. Gerlier et J (...)
  • 32 N. Bohier, De seditiosis, fo xvr.

9Ainsi commençait le traité. Cette affaire d’un présent troublé avait incité le juriste et magistrat Bohier à considérer la sédition d’Agen comme la dernière et la plus récente, non seulement parmi celles, très nombreuses, qui s’étaient déroulées dans le Royaume de France au fil des siècles, mais aussi comme une des plus considérables et significatives d’une longue série. De façon complètement nouvelle, de même qu’était nouveau l’objet du traité (nouveauté de la façon et de l’objet imposée par la qualité des temps), Bohier reconstruisait une sorte d’histoire exemplaire des séditions qui commençait avec le conflit entre Sylla et Marius, continuait avec la conjuration de Catilina et traversait l’histoire romaine jusqu’à l’institution du tribunat de la plèbe et aux Gracques, cela en se fondant sur Salluste, Justin, Lucius Florus, Valère Maxime, Tite-Live, Cornelius Nepos (et naturellement Cicéron)29 ; il s’intéressait rapidement à la Rome de Martin IV, à l’aide du Platina ; il continuait avec les nombreuses séditions du royaume de France, de Chilpéric Ier à la « guerre du bien public » sous Louis XI30, en citant abondamment la narration de Robert Gaugin, Compendium super Francorum gestis, publié en 150031 ; il concluait enfin, avant de s’occuper d’Agen, par une allusion à la sédition de Gênes contre Louis XII en 150732.

  • 33 Voir, pour une analyse détaillée, A. De Benedictis, Tumulti, ouvr. cité, p. 131-134, où l’on trouv (...)

10Une bonne partie du traité contenait – on y a déjà fait allusion – une narration détaillée des faits, c’est-à-dire des espaces et des temps du tumulte. C’était bien entendu une narration tendancieuse, visant à démontrer qu’Agen était coupable et punissable, mais de grand intérêt, précisément pour cette raison. On ne peut ici la suivre en détail33, mais il faut rappeler que le roi Louis XII n’avait pas supporté la sédition d’Agen. Par des lettres patentes, il avait député la punition des Agenais à trois commissaires, parmi lesquels un professeur de droit et Nicolas Bohier, conseiller à la cour suprême de Bordeaux. La punition, menée par l’armée royale, avait été très dure contre les deux mille insurgés qui, durant le tumulte, s’étaient emparés de la ville, avaient réclamé l’abolition du consulat, la division des biens et une commune démocratique. Les juges nommés par le roi avaient donc, à sa requête, condamné le tumulte et infligé les peines les plus lourdes. Mais qu’une universitas comme Agen, criminelle au plus haut degré, coupable du crime de lèse-majesté, mérite toujours et dans tous les cas la punition la plus grave était une question que le juriste Bohier se posait quoi qu’il en soit. Parce que, comme juriste, il savait qu’en certains cas on pouvait pardonner à une multitude en tumulte. Même Agen aurait pu être pardonné ; initialement, en effet, les Agenais s’étaient opposés de façon adéquate aux impôts et à la nomination du consul. Leur agitation s’était cependant transformée ensuite en sédition ouverte. Bien qu’ils aient été admonestés par le juge, ils n’avaient pas obéi à ses ordres. Ils devaient donc être punis plus lourdement parce qu’ils avaient méprisé le juge. Ils avaient ensuite incarcéré les consuls et les jurés qui gouvernaient la ville et ceux qui ne suivaient pas leur parti ou qui les accusaient de fomenter une faction.

11La narration de Bohier décrivait un tumulte divisé en humeurs opposées : entre le Conseil et la communauté, entre les notables et la plèbe. Pour le juge et juriste, cela aurait pu rester un tumulte si les modalités d’action de la communauté et de la plèbe n’avaient fait d’Agen une universitas delinquens qui avait mis en œuvre une véritable sédition et s’était aussi rebellée contre le roi, représenté par ses officiers. C’était cela que le roi n’avait pu tolérer. Pour argumenter et donner un fondement à sa vérité, le juge Bohier avait eu recours aux savoirs dont la jurisprudence se nourrissait : en plus de l’histoire, dont on a déjà parlé, la pensée théologique.

  • 34 J’ai consulté l’édition suivante : Beatus Antoninus Florentinus, Summa Sacrae Theologiae, Secunda (...)
  • 35 Beatus Antoninus Florentinus, Summa Sacrae Theologiae, ouvr. cité, De sexta inanis gloriae alia vi (...)
  • 36 Je synthétise un texte qui est très riche en argumentations, avec des références à des passages de (...)

12Pour définir la sédition, Bohier se fondait avant tout sur Antonino Pierozzi, saint Antonin de Florence, et sur son commentaire de la Summa theologica de Thomas d’Aquin34. Dans le quatrième titre de sa Summa (qui traite De inani gloria), Antonin avait dédié le chapitre 8 à la forme d’inanis gloria qu’était la discorde entre partis dans une cité, qu’ils se nomment guelfes et gibelins ou de quelque autre façon, et dont étaient remplies les cités de l’Italie35. La sédition à proprement parler se déroulait entre les parties de la multitude d’une cité qui s’opposaient entre elles, par exemple – écrivait Antonin – quand une partie de la cité se levait en tumulte contre l’autre et que le tumulte prenait la forme d’une bataille intentionnellement préparée. Cette façon d’agir était un péché mortel, puisqu’il s’opposait à l’unité de la multitude qu’était le peuple d’une cité et au bien commun du peuple. À l’origine de la discorde et des séditions, il y avait la poursuite excessive de l’intérêt propre, la distribution disproportionnée des honneurs et des devoirs entre les citoyens, l’absence de punition des crimes. Et de même que dans le corps humain, la juste proportion entre les humeurs faisait un corps sain, la division et l’injustice dans la cité engendraient la discorde. Cependant, le tumulte armé et préparé n’entraînait pas toujours la sédition. Si l’une des deux parties ou sectes gouvernait la cité en recherchant son propre bien privé, alors la partie qui lui résistait en défendant le bien commun n’était pas séditieuse. L’enseignement de l’expérience montrait cependant que lorsque de telles contradictions se vérifiaient dans les cités et qu’une partie agissait contre l’autre, la combattait et l’expulsait, au fil du temps cette dernière réagissait et se comportait de la même façon. Avec de telles expulsions, continuelles et répétées, se vérifiait la parole du Christ : tout royaume divisé contre lui-même court à sa ruine. Sottise, cruauté et répétitivité de l’action étaient les trois maux qui caractérisaient les séditions et les contradictions entre parties36.

  • 37 Bartolo da Sassoferrato, De Guelphis et Gebellinis, D. Quaglioni éd., Politica e diritto nel Trece (...)
  • 38 « Quae autem iudicavi apta ad materias predicationum et audientiam ad confessionem et consolatione (...)
  • 39 N. Bohier, De seditiosis, fo xxvii v-xxxii v.
  • 40 Ibid., fo xxix v.
  • 41 Ibid., fo xxxi v.
  • 42 Ibid. Dans l’édition consultée : Decretales Gregorii 9. Pont. max. suis commentariis illustratae a (...)
  • 43 À laquelle appartenaient, entre autres, Cino da Pistoia, Oldrado da Ponte, Giovanni D’Andrea, Bart (...)

13Même sans référence explicite, la reprise par saint Antonin de la thématique de Bartole sur les guelfes et les gibelins est claire37 ; cela est dû au lien entre théologie et droit qui, selon le dominicain, appartenait aux matières appropriées à l’objectif de son traité : la prédication, la confession et la consolation dans le for intérieur de la conscience38. Le juriste Bohier avait recours au théologien comme première auctoritas de son traité destiné à l’usage quotidien de ceux qui administraient la res publica et la justice à tous les niveaux. Puis il s’appuyait sur Bartole à plusieurs reprises pour évaluer et juger le tumulte d’Agen, puisque Bartole était en première place dans la tradition juridictionnelle précédente sur laquelle il se fondait pour traiter le problème de l’universitas delinquens39, auquel il consacrait toute la dernière partie de son traité. Il s’agissait d’une question – soulignait-il – sur laquelle depuis longtemps on discutait dans le droit, non sans débats acharnés40. Le juriste français avait en tête toutes les limitations et circonstances atténuantes possibles. La nature même du traité l’imposait, surtout quand il s’agissait de poser le problème des peines à infliger. On savait bien que la peine pour une cité séditieuse et rebelle était la plus haute. Mais les juristes avaient discuté depuis bien longtemps sur ce point et avec des avis discordants. Une bonne partie de la communis opinio doctorum soutenait que le rigor iuris pouvait être atténué pour la multitude, pour éviter le scandale que tout le peuple d’une cité soit tué et que de la sorte la cité soit dépeuplée, au détriment majeur de la res publica. Le crime pouvait rester impuni : « Ob populum multum crimen pertranseat inultum »41, répétait Bohier d’après la glose multitudo du titre XI du livre I des Décrétales de Grégoire IX42, dans le droit fil, en ce cas, d’une longue tradition textuelle43.

  • 44 N. Bohier, De seditiosis, fo xvii v. La pluralité des dénominations soulignée par les spécialistes (...)
  • 45 Ibid., fo xviii r. Outre les juristes Bartolo da Sassoferrato, Baldo degli Ubaldi, Francesco Zabar (...)

14Mais Agen ne s’était pas trouvée dans les conditions requises pour être dispensée de la rigueur du droit. Ce que ses habitants avaient dit et fait requérait la plus grande rigueur et la plus dure punition. Bohier avait considéré les modalités par lesquelles les responsables du crimen avaient uni leurs intentions, leurs corps, leurs actions. Il avait donc analysé en général ce qu’était une congregatio et avait vérifié la pluralité de ses dénominations, qui dépendait de l’usage de ceux qui en faisaient partie. Certains l’appelaient unio, d’autres confederatio, d’autres encore secta, conventicula, coniuratio, conspiratio44. Bohier savait que, même si chacun de ces noms renvoyait essentiellement à des comportements illicites, il était cependant considéré comme licite qu’en certains cas, plusieurs personnes se réunissent pour faire face à une crainte et à un danger communs et pressants. Bohier reprenait ainsi la longue tradition sapientiale et juridique d’après laquelle celui qui, le premier, percevait la crainte et le danger appelait à son secours « amis » et « cognats » pour résister45. Mais aucune excuse n’était admissible pour Agen. Dans le langage du Machiavel des Discours, Agen était une cité qui avait péché.

Le discours du ciompo anonyme

15S’il faut fournir, en partant de la question de l’universitas delinquens, d’ultérieurs éléments décisifs qui prouvent la connaissance de la langue de la jurisprudence par Machiavel (le problème à approfondir est en fait celui des modalités de son utilisation), une évidence indubitable est, me semble-t-il, offerte par le fameux discours du plébéien anonyme du livre III des Histoires florentines. Un indice sans équivoque est en particulier offert par un passage dont les concordances avec des passages analogues des Discours ont été souvent soulignées mais qui, jusqu’à présent (sauf erreur de ma part), n’a jamais été mis en relation avec la question de la multitude qu’on ne peut punir. « Dove molti errano niuno si castiga » (« là où beaucoup se trompent personne n’est châtié ») n’a jamais été considéré comme une transposition en langue vulgaire de la regula iuris (par ailleurs fort controversée) « ob populum multum crimen permansit inultum ». Relisons la partie du discours que l’un des Ciompi, parmi « les plus hardis et de plus d’expérience », prononça pour « donner du courage aux autres » :

  • 46 N. Machiavelli, Istorie fiorentine, ouvr. cité, p. 443-444.

Si nous devions décider maintenant s’il fallait prendre les armes, brûler et piller les maisons des citoyens, dépouiller les églises, je serais l’un de ceux qui estimeraient que c’est là un parti qui mérite réflexion, et j’approuverais peut-être que l’on préfère une tranquille pauvreté à un gain périlleux ; mais puisque les armes sont prises et que bien des maux sont faits, il me semble qu’il faut penser à comment ne pas les déposer et à comment nous pouvons nous assurer contre les maux commis. Je crois certainement que, si personne ne nous l’enseignait, la nécessité nous l’enseigne. Vous voyez cette cité pleine d’animosité et de haine contre nous ; les citoyens se rapprochent, la Seigneurie est toujours avec les magistrats ; croyez bien que l’on ourdit des pièges contre nous et que de nouvelles forces se préparent au-dessus de nos têtes. Nous devons donc rechercher deux choses et avoir, dans nos délibérations, deux fins : l’une, de ne pas pouvoir être châtiés pour les choses faites par nous ces jours derniers ; l’autre, de pouvoir vivre avec plus de satisfaction que par le passé. Il faut donc, à ce qu’il me semble, si nous voulons que nous soient pardonnées les vieilles erreurs, en faire de nouvelles, en redoublant les maux et en multipliant les incendies et les vols, et faire en sorte, pour cela, d’avoir de nombreux compagnons, parce que là où beaucoup se trompent personne n’est châtié, et les petites fautes sont punies, les grandes et graves sont récompensées ; et quand beaucoup souffrent peu cherchent à se venger car les injures universelles sont supportées avec une plus grande patience que les particulières.46

  • 47 Parmi les derniers, F. Raimondi, L’ordinamento della libertà. Machiavelli e Firenze, Vérone, Ombre (...)
  • 48 G. Pedullà, « Il divieto di Platone », ouvr. cité ; Y. Winter, « Plebeian politics. Machiavelli an (...)
  • 49 I. Marsili, Grassea […] commentaria super titulis ff. ad l. Cor. de sicar. […] in Bononiensi gymna (...)
  • 50 Id., Averolda. Practica causarum criminalium una cum theorica et Repertorio, Bononiæ, per Francisc (...)
  • 51 Id., Tractatus bannitorum, Bononiæ, apud Societatem Typographiæ Bononiensis, 1574, In verbo Civita (...)

16Malgré toute l’attention qu’a attirée le discours du plébéien anonyme47, seuls, me semble-t-il, Gabriele Pedullà (2003) et Yves Winter (2012) se sont penchés sur le passage « là où beaucoup se trompent personne n’est châtié »48. Aucun des deux, cependant, n’a reconnu la vulgarisation de la maxime « ob populum multum… » qui, après le traité de Bohier, avait continué à être considérée comme un commune dogma par le grand pénaliste Ippolito Marsili. Précisément au même moment où Machiavel écrivait, cette maxime était définie comme un carmen par Marsili dans deux passages de son œuvre Grassea (1517), explicitement écrite pour les nombreux étudiants qui désiraient écouter ses leçons49 : un carmen, un vers poétique et donc apte, en tant que tel, à être utilisé dans la répétitivité diffuse, dans la transmission orale entre personnes et entre générations. Il l’utilisait à nouveau dans des œuvres successives, quand le problème discuté était celui de l’universitas delinquens : dans l’Averolda de 152450 et aussi dans le Tractatus bannitorum, publié à titre posthume, qui eut une énorme diffusion dans toute l’Europe, où de nouveau le principe de l’impossibilité de punir la multitude était formulé tant dans le langage spécifiquement juridique qu’au moyen du carmen51. Et puisque dire langue de la jurisprudence signifie parler d’une langue formée par les matériaux des cultures philosophique, théologique, historique et poétique, il n’est pas superflu de préciser qu’une autre version du carmen « ob populum multum crimen pertransit inultum » était « quidquid multis peccatur, inultum est », c’est-à-dire un vers de la Pharsale de Lucain (V, 260).

  • 52 Je reprends l’expression de G. Pedullà, « Il divieto di Platone », ouvr. cité, p. 254.
  • 53 Y. Winter, « Plebeian politics », art. cité, p. 754.
  • 54 Ibid., p. 743.
  • 55 E. Benner, Machiavelli’s Ethics, Princeton, Princeton University Press, 2009. La référence aux Dis (...)

17Les juristes qui en discutaient, qu’ils l’acceptent ou pas, savaient bien qu’il s’agissait d’un principe qui constituait une circonstance atténuante pour la peine concernant un peuple et/ou une multitude qui « au beau milieu de la lutte »52 se comportaient, agissaient, se mouvaient et s’émouvaient ensemble, sur la base d’émotions et de passions, collectivement, comme un tout, pour éviter le plus possible que soient reconnus entre eux des individus particuliers, susceptibles d’être inculpés comme acteurs de comportements « criminels ». La multitude devait nécessairement être anonyme si elle voulait éviter la punition. C’est pour cette raison que chez Machiavel, celui qui parle pour « encourager les autres » reste anonyme. En ce sens l’anonymat est central, comme le souligne Winter53. Il vaut la peine de rappeler que l’interprétation de Winter s’appuie sur les observations d’Erica Benner dans son Machiavelli’s Ethics54. Dans le chapitre dédié à Justice and Injustice, en parlant des partisan accounts of justice, Benner attribue au discours de l’anonyme une capacité sophistiquée d’argumentation dans le raisonnement politique, au point qu’une telle capacité lui garantirait de hautes charges publiques « in a better ordered polity » ; et elle ajoute : « he might, as Machiavelli puts it in the Discourses, have become an elective “prince” by his own virtue instead of urging his colleagues to become principi through violence »55.

  • 56 J.-C. Zancarini, « La révolte des Ciompi », art. cité.
  • 57 Ibid., p. 13.
  • 58 Cronaca di Alamanno Acciaioli, dans Il tumulto dei Ciompi. Cronache e Memorie, G. Scaramella éd., (...)

18Le point de vue que je propose peut également se révéler utile eu égard au problème soulevé par certains chercheurs sur un possible vrai discours comme source pour le discours fictif de Machiavel. Je fais allusion à l’interrogatoire de Simoncino dit Bugigatto, que rapporte la chronique Gino Capponi / Alamanno Acciaiuoli, et auquel, voilà une dizaine d’années, Jean-Claude Zancarini a dédié une lecture attentive56. Si on lit ce que la chronique rapporte de ce que Simoncino aurait dit lors de l’interrogatoire mené par le « prévôt » des prieurs dans la chapelle du palais, devant l’autel, on se rend compte que son discours correspond en substance à ce qu’Acciaiuoli avait reconstruit un peu avant. Ceux qui avaient « fait incendies et pillages » étaient pour Acciaiuoli, un des Seigneurs57, « des ribauds, du menu peuple de vile condition »58, qui craignaient d’être « sous peu punis et châtiés » (ibid., l. 3). Pour cette raison, ils s’étaient réunis en grand nombre au Ronco et là, ils avaient rituellement juré – « avec grands serments et ligues, ils s’unirent l’un à l’autre et se baisèrent sur la bouche » (l. 5-6) de se défendre réciproquement jusqu’à la mort contre quiconque aurait voulu s’en prendre à eux. Puis ils avaient ordonné de faire connaître ce serment à tous leurs autres pairs là où ils habitaient afin qu’eux aussi promettent de se défendre réciproquement (l. 7-8). Ils avaient ensuite créé quelques syndics avec pour tâche de vérifier que, si quelqu’un était injurié, tous viendraient bien à son secours. Et les syndics « avaient grand soin » (l. 10) que le serment soit observé et la défense réciproque appliquée. Les admonestés ne cessaient d’émouvoir « ces gens du menu peuple », en leur disant « mauvaises gens, vous serez tous pendus par la gorge pour les voleries que vous avez faites aux citoyens et aux églises ; car les prieurs ont ordonné de faire venir défenseurs et barigels, pour cette raison-là » (l. 15-17). Le but des admonestés était, selon Acciaiuoli, « qu’il y eût à nouveau des rumeurs afin d’obtenir entièrement leur intention ; et ils leur mettaient cette peur au corps » (l. 17-18). Quand les prieurs apprirent que, le jour suivant, les admonestés allaient « faire s’élever la rumeur en ville » (p. 20, l. 22-23), alors la même personne qui les avait informés donna le nom de Simoncino et de deux autres ; ainsi les prieurs allaient pouvoir « savoir la vérité de ces faits » (l. 23). D’où la convocation de Simoncino au palais et l’interrogatoire qui s’ensuivit.

  • 59 J.-C. Zancarini, « La révolte des Ciompi », art. cité, p. 14.
  • 60 A. De Benedictis, Tumulti, ouvr. cité.
  • 61 Ibid. Il me semble que cela est compatible avec les observations de T. Berns, Violence de la loi à (...)
  • 62 Je pense en particulier à C. Falletti-Fossati, Il Tumulto dei Ciompi. Studio Storico-Sociale, Rome (...)
  • 63 P. Lantschner, The Logic of Political Conflict in Medieval Cities. Italy and the Southern Low Coun (...)
  • 64 J.-C. Zancarini, « La révolte des Ciompi », art. cité, p. 17.
  • 65 Ce qui est très clair dès lors qu’on enquête sur les tumultes dans l’espace et dans le temps.
  • 66 I. Marsili, Grassea, ouvr. cité, c. 4 v, d.
  • 67 Ibid., c. 7 v, « Vilissime personae cognoscentes se non puniendos ex hoc reddunt audaciores ».

19Considérer l’interrogatoire de Simoncino à la lumière de la précédente narration d’Acciaiuoli sur les faits du Ronco (le serment de défense réciproque) et sur le rôle d’instigateurs des admonestés, permet me semble-t-il de reconsidérer le problème posé par Zancarini sur l’absence d’attention de Machiavel vis-à-vis des revendications exprimées par Simoncino59 sur la base de nouveaux éléments : la connaissance de la langue de la jurisprudence à propos des tumultes et des séditions et de la dynamique des interrogatoires de responsables (ou tenus pour tels) de tumultes60. L’anonyme de Machiavel dit : « Nous devons donc rechercher deux choses et avoir, dans nos délibérations, deux fins : l’une, de ne pas pouvoir être châtiés pour les choses faites par nous ces jours derniers ; l’autre, de pouvoir vivre avec plus de satisfaction que par le passé. » Dans l’interrogatoire rapporté par Acciaiuoli, Simoncino dit que les subordonnés de l’art de la laine ne veulent plus être subordonnés, parce que l’officier de l’art les traite mal et les maîtres les paient peu. Être maltraités et mal payés pouvait être exprimé, dans la langue de la jurisprudence, comme une oppression, dans sa propre vie et dans ses propres biens, contre laquelle il était licite de se défendre ; pour se libérer de cette oppression, on pouvait même avoir recours aux armes en cas d’extrême nécessité61. Les nombreuses reconstructions historiographiques du tumulte des Ciompi, des plus anciennes62 jusqu’aux plus récentes63, ont d’ailleurs souligné le contenu des pétitions présentées par les Ciompi, leurs « doléances ». Parmi elles, il y a aussi celle qui est rapportée par Acciaiuoli et qui est présente dans l’interrogatoire de Simoncino : « la revendication d’une sorte d’amnistie pour tous les vols et incendies faits lors des tumultes de juin »64. À mon avis, quand il fait dire à l’anonyme que l’une des deux fins est (en partie) celle de pouvoir vivre avec davantage de liberté que par le passé, Machiavel exprime de fait dans son langage ce que la langue de la jurisprudence discutait sur la licéité et la liberté de présenter des pétitions pour être libéré de l’oppression. Une liberté vis-à-vis de l’oppression subie par le passé qui comportait nécessairement le désir de vivre dans le futur avec plus de satisfaction, y compris celle qui provenait de l’honneur propre aux citoyens (et les Ciompi étaient quand même des citoyens, bien qu’ils n’aient pas accès aux fonctions de gouvernement des Arts ou de la cité) de pouvoir se gouverner eux-mêmes par rapport aux corps dont ils faisaient partie (avoir leurs propres consuls) et de pouvoir participer au gouvernement de la cité. Et quand l’anonyme de Machiavel dit que la première fin des Ciompi, dans leurs décisions, doit consister à « ne pas pouvoir être châtiés pour les choses faites par nous ces jours derniers », non seulement il fait référence à une « sorte d’amnistie », mais il traduit en une requête spécifique pour le temps présent le principe « là où beaucoup se trompent, personne n’est châtié ». Très probablement parce que, du fait de son expérience, il savait qu’il s’agissait d’un principe souvent évoqué et d’une requête souvent avancée65. Que la peur d’être punis soit une cause du tumulte est peut-être à considérer non seulement en rapport avec les vols et incendies effectués avant le serment du Ronco, mais plutôt en rapport avec ce qu’écrit Acciaiuoli sur la peur que les admonestés avaient mis « au corps » de ces « mauvaises gens » : cette peur d’être « pendu par la gorge », cette peur des barigels qui allaient faire leur ronde avec pour seul dessein de capturer les Ciompi et de les faire pendre. Ce n’était pas seulement la peur générique d’être punis. C’était la peur de voir capturés aussi les non-coupables – parce qu’ils seraient considérés comme de « mauvaises gens » – qui, pour le droit, légitimait la possibilité d’appeler amis et voisins pour une défense réciproque et donc pour des tumultes licites. Dans la pratica Grassea, Ippolito Marsili avait écrit, en reprenant une opinion déjà ancienne, que la crainte imprévue d’un péril proche pouvait justifier l’autodéfense (le moderamen inculpatae tutelae) et cela même en se fondant sur le proverbe « homme attaqué à moitié perdu »66. Mais, dans la même pratica, on trouvait aussi le principe selon lequel les personnes de basse condition étaient rendues plus audacieuses si elles savaient qu’elles ne seraient pas punies67. Dans l’expérience du juriste, le dernier principe ne contredisait pas nécessairement le premier.

  • 68 J.-C. Zancarini, « La révolte des Ciompi », ouvr. cité, p. 17.
  • 69 Ibid.
  • 70 Sur ce point, et dans le cadre d’un débat avec Étienne Balibar à propos de Spinoza, voir S. Visent (...)

20En ce sens également, le discours de l’anonyme nous ramène à la langue de la jurisprudence. Et il montre alors que, s’il a pu être compris pour une part « comme le résultat de la capacité de Machiavel, malgré ses propres convictions, de comprendre de l’intérieur les motivations de la plèbe révoltée »68, il peut également être présenté comme un exemple de mauvais tumulte sur la base des convictions de Machiavel69. La mise en scène d’une multitude en tumulte en représente tant les éléments positifs que les éléments négatifs, c’est-à-dire la double peur de la multitude : la peur d’être opprimé que ressent la multitude, mais aussi la peur qu’inspire la multitude par son action70.

  • 71 Ce rapport a été établi par de nombreux chercheurs, dont récemment G. Pedullà, « Il divieto di Pla (...)

21La confrontation entre le discours de l’anonyme et celui de Luigi Guicciardini71 peut servir à cet effet. Dans ses dernières phrases, Guicciardini donne des arguments justifiant son ordre de mettre fin au tumulte, tout en appelant avec émotion aux façons civiles de présenter des requêtes honnêtes :

  • 72 N. Machiavelli, Istorie fiorentine, ouvr. cité, p. 441.

Moi et ces Seigneurs, nous vous commandons et, si l’honnêteté y consent, nous vous prions de calmer, une bonne fois, votre esprit ; et d’accepter avec calme les choses que l’on a ordonnées pour vous ; et si même vous en vouliez quelqu’une de nouveau, veuillez civilement, et non par un tumulte et par les armes, les demander car, si elles sont honnêtes, vous les obtiendrez toujours et vous ne donnerez pas l’occasion à de mauvais hommes – se dissimulant derrière vos épaules, non sans charge et dommage pour vous – de ruiner votre patrie.72

  • 73 Dans le cas du tumulte des Ciompi, cela apparaît clairement dans les sources utilisées par C. Fall (...)

22Eh bien, demander civilement et non avec un type de tumulte qui amène à prendre les armes était reconnu comme un « bon tumulte » par la jurisprudence sur la rébellion et la sédition (et donc sur le crimen laesae maiestatis). Cela parce que chaque « prince » (y compris sous la forme d’un gouvernement de citoyens) devait écouter les requêtes des sujets s’il voulait être un prince juste et un bon gouvernant. Et présenter des pétitions était la façon normale (et réglée par des procédures précises) par laquelle les citoyens de chaque cité pouvaient s’adresser aux magistratures du gouvernement pour présenter ces requêtes qui, une fois examinées et discutées, pouvaient se traduire en provisions, c’est-à-dire en nouvelles lois de la cité73. Le juge Nicolas Bohier n’avait-il pas, dans son traité De seditiosis, reconnu que les Agenais s’étaient initialement opposés de façon adéquate à l’impôt sur la réparation du pont sur la Garonne ? Ce n’est que par la suite, et sur la base d’opinions erronées, qu’ils avaient montré leur volonté séditieuse par des faits et des paroles, de façon continue. C’est pour cela qu’ils devaient être condamnés. Les bons tumultes produisaient de bonnes lois, les mauvais provoquaient séditions et, par conséquent, division. Parmi les Ciompi, donc, l’anonyme, au sein des « plus hardis et de plus d’expérience », qui parle « pour donner du courage aux autres », semble se comporter comme ces « mauvais hommes » qui ruinent leur patrie et contre qui Luigi Guicciardini met en garde les magistrats et les syndics des Arts : serait-ce un admonesté, l’un de ceux qui voulaient soulever les Ciompi dans leur propre intérêt ?

Hypothèse pour continuer la recherche

  • 74 D. Quaglioni, Machiavelli e la lingua della giurisprudenza, ouvr. cité, p. 65-66, dont je reprends (...)

23Revenir une nouvelle fois au juriste-juge Bohier permet, en conclusion, de formuler une hypothèse de travail sur la base de l’exercice de lecture précédemment proposé sur deux textes infiniment différents de deux auteurs certainement très différents, mais liés par le fait qu’ils traitent l’un comme l’autre, Bohier comme Machiavel, des questions graves et urgentes que l’expérience du temps présent leur impose, du fait de leur rôle respectif, et qu’ils doivent les aborder avec le savoir qu’ils ont à leur disposition. Bohier, donc, avec un savoir technico-juridique qui n’en avait pas moins besoin de « l’histoire » ; Machiavel avec un savoir historique, philosophique et littéraire qui, pour rendre compte des « différends civils qui naissent entre les citoyens » (et donc aussi des tumultes et des séditions), avait recours « aux jugements et aux remèdes qui ont été rendus ou prescrits par les Anciens : parce que les lois civiles ne sont rien d’autre que des sentences rendues par les anciens jurisconsultes, lesquelles, mises en ordre, enseignent à nos jurisconsultes d’aujourd’hui à juger… »74.

  • 75 C. Ginzburg, « Machiavelli, l’eccezione e la regola. Linee di una ricerca in corso », Quaderni sto (...)
  • 76 B. Machiavelli, Libro di ricordi, ouvr. cité, p. 222.
  • 77 Nicolaus de Tudeschis, Lectura super quarto et quinto libro Decretalium, Venetiis, Impensis Iohann (...)
  • 78 Ibid., fo 138 r non numéroté, b : il est sans doute significatif que Machiavel soit explicitement (...)

24Si, comme je l’ai déjà dit, il est pratiquement impossible de penser que Machiavel avait pu avoir en mains le De seditiosis de Bohier pendant qu’il écrivait les Histoires florentines, les lectures qu’il pouvait avoir faites quand il était jeune, en utilisant la bibliothèque de son père Bernardo, pouvaient lui avoir fait connaître des textes juridiques dans lesquels l’adage « Là où beaucoup se trompent, personne n’est puni » était l’objet de commentaires en rapport avec la multitudo. Carlo Ginzburg a rappelé que, parmi les livres achetés par Bernardo le 3 janvier 1476, figure aussi la « Lectura super quinque libros decretalium de Nicolò de’ Tudeschi, dit le Panormitain »75. Dix ans plus tard, ce même volume figurait à nouveau dans le Libro di ricordi : « Je me souviens comment ce jour, 21 juin 1486, j’ai donné à relier à Francesco d’Andrea di Bartolomeo, papetier du peuple de San Giorgio de Florence, une Lecture de l’abbé de Sicile sur le 4 et 5 des Décrétales, imprimée, en papier royal », pour la même raison pour laquelle y figurent également, à la même date, les Décades de Tite-Live : « et de plus les Décades avec l’épitomé des 140 livres de Tite-Live, imprimé, également en papier royal »76. Ce volume pour lequel Bernardo avait soldé « le marché » en 1476 et qu’il avait fait relier en 1486 pourrait être la première édition imprimée attestée de la Lectura super quarto et quinto libro Decretalium, parue à Venise en 147777. Dans le commentaire à la rubrique du cinquième livre, De clerico excommunicato deposito vel interdicto ministrante, au chapitre 4, Latores, on pouvait lire des règles et des exceptions (les atténuantes, dans le langage de la jurisprudence) sur la façon dont les clercs devaient se comporter pour l’administration des services religieux normalement suspendus en cas d’interdit contre une cité. Pour éviter le scandalum (la division de la cité), on pouvait pardonner à la multitude, et seuls devaient être punis les auteurs principaux de la sédition qui avait provoqué l’interdit, en adoucissant les peines pour la multitude. Si le danger de scandalum n’existait pas, il ne fallait pas pardonner à la multitude. Mais en ce cas également, on pouvait lui pardonner pour une cause intrinsèque : lorsque, comme cela arrivait quotidiennement, le seigneur temporel d’une cité interdite contraignait les clercs à célébrer les services religieux78.

  • 79 Surtout si l’on considère l’historiographie récente (philosophie politique, histoire de la pensée (...)
  • 80 Comme l’a démontré M. Gaille-Nikodimov, « Conflit civil et liberté », ouvr. cité. Voir aussi G. M. (...)
  • 81 Voir supra, note 1.

25Cette multitude-là (qui était, au fil des commentaires, la même dont parlait le carmen « ob populum multum crimen permansit inultum ») a-t-elle pu suggérer à Machiavel les représentations de sa multitude, voilà ce qui demeure certainement un problème ouvert79. Comme d’ailleurs pour bien des mots et notions fondamentales pour Machiavel : par exemple « humeurs », « liberté », « corruption » qui étaient des mots-notions tout aussi présents dans le langage de la jurisprudence que dans celui de la médecine80. Il s’agit de continuer un travail déjà commencé81, et qui, pour les tumultes aussi, requiert un approfondissement. Une réflexion de plusieurs têtes et une discussion à plusieurs voix qui, à condition de prendre à bras-le-corps textes et contextes, pourrait peut-être permettre de poser à nouveau le complexe problème du républicanisme (et de quel républicanisme) de Machiavel.

Haut de page

Notes

1  Le point de départ en est l’article de D. Quaglioni, « Machiavelli e la lingua della giurisprudenza » (1999) repris dans Machiavelli e la lingua della giurisprudenza : una letteratura della crisi, Bologne, Il Mulino, 2011, p. 57-75. Le récent Dizionario biografico dei giuristi italiani, I. Birocchi, E. Cortese, A. Mattone et M. N. Miletti éd., Bologne, Il Mulino, 2013, p. 1221-1222, comprend une entrée de D. Quaglioni, « Machiavelli, Niccolò » et Machiavelli. Enciclopedia machiavelliana, Rome, Istituto della Enciclopedia Italiana, 2014, I, p. 646-648, comprend également une entrée du même auteur, « Giurisprudenza, scrittori di ». Dans cet article, j’utilise le terme « jurisprudence » dans le sens explicité par Diego Quaglioni, Machiavelli e la lingua della giurusprudenza, ouvr. cité, p. 58, c’est-à-dire « comme l’activité interprétative du juriste qui se déploie dans toutes les formes littéraires du droit, de la glose aux recueils de notabilia, de la somme à la quaestio, du traité au commentaire, mais surtout dans le consilium sapientis, l’avis donné à la demande de l’autorité compétente ou pro parte ». Ce parcours de recherche est désormais également emprunté par Romain Descendre, Jean-Louis Fournel, Jean-Claude Zancarini et certains de leurs élèves ; pour un bilan récent de cette ligne de recherche, voir D. Quaglioni, Ancora su Machiavelli e la lingua della giurisprudenza ; G. Bottini, I tramiti e lo sfondo. Breve rassegna degli studi dedicati alla questione del diritto in Machiavelli (à paraître dans les Actes du colloque Machiavelli e la tradizione giuridica europea, 29-30 septembre 2014, Università di Napoli Federico II, Dipartimento di Giurisprudenza, Dottorato di ricerca in « Filosofia del Diritto »).

2  On trouve un tableau des recherches portant sur les conflits chez Machiavel dans F. Raimondi, « Machiavelli nel quinto centenario del Principe », Storia del pensiero politico, 2014, vol. 47, no 3, p. 115-131. Voir aussi les références bibliographiques présentées dans A. De Benedictis, « “… dove molti errano niuno si gastiga…” (Istorie Fiorentine, III, 13). La lingua della giurisprudenza e i tumulti in Machiavelli », à paraître dans les Actes du colloque Machiavelli e la tradizione giuridica europea cité dans la note 1.

3  Voir D. Quaglioni, Machiavelli e la lingua della giurisprudenza, ouvr. cité, p. 65-66 ; je souligne.

4  A. De Benedictis, « Una “città che pecca”. Del modo di trattare i popoli della Valdichiana ribellati e la lingua della giurisprudenza » dans Langages, politique, histoire. Avec Jean-Claude Zancarini, R. Descendre et J.-L. Fournel éd., Lyon, ENS Éditions, 2015, p. 123-133 et «…dove molti errano niuno si gastiga… », ouvr. cité.

5  A. De Benedictis, Tumulti. Moltitudini ribelli in età moderna, Bologne, Il Mulino, 2013.

6  Dans le sens proposé par J.-C. Zancarini, « Une philologie politique. Les temps et les enjeux des mots : Florence, 1494-1530 », Laboratoire italien, 2007, no 7, p. 61-74.

7  J’ai pu discuter les thèses que je présente ici en trois occasions : le colloque international Machiavelli e la tradizione giuridica europea, cité plus haut ; le dialogue avec Jean-Claude Zancarini sur « Les tumultes chez Machiavel et la langue de la jurisprudence » (23 avril 2015, ENS Lyon, Labex COMOD, séminaire « Histoire des idées. Méthodes, enjeux, études de cas ») ; les séminaires « Università delinquenti e moltitudini impunite in Machiavelli : a proposito de I Popoli della Valdichiana ribellati e delle Istorie fiorentine » et « I tumulti in Machiavelli e nella criminalistica del primo Cinquecento » (20-21 mai 2015, Università degli Studi di Trento, Facoltà di Giurisprudenza, Dottorato in Studi Giuridici Comparati ed Europei – Curriculum in storia del diritto romano e del pensiero giuridico europeo). Je remercie en particulier Romain Descendre, Diego Quaglioni, Jean-Claude Zancarini et Christian Zendri pour les fructueux échanges qui ont marqué ces rencontres.

8  N. Machiavelli, « Del modo di trattare i popoli della Valdichiana ribellati », dans J.‑J. Marchand, Niccolò Machiavelli. I primi scritti politici (1499-1512). Nascita di un pensiero e di uno stile, Padoue, Antenore, 1975, p. 428, l. 35-38 et p. 429, l. 1-7 (tout le texte figure aux pages 427-431).

9  Voir le livre, qui demeure fondamental, de M. Sbriccoli, Crimen laesae maiestatis. Il problema del reato politico alle soglie della scienza penalistica moderna, Milan, Giuffrè, 1974.

10  Consulte e pratiche della Repubblica fiorentina 1498-1505, D. Fachard éd., Genève, Droz, 1993, p. 842-850.

11  N. Machiavelli, Discorsi sopra la prima Deca di Tito Livio, liv. II, ch. 23 dans Opere, C. Vivanti éd., Turin, Einaudi ; Paris, Gallimard, 1997, t. I, p. 389 : « E non veggono, questi tali che hanno simili opinioni, come gli uomini particularmente ed una città tutta insieme pecca tal volta contro a uno stato, che, per esemplo agli altri, per sicurtà di sé, non ha altro rimedio uno principe che spegnerla. »

12  Sur les deux constitutions pisanes, voir D. Quaglioni, « Rebellare idem est quam resistere. Obéissance et résistance dans les gloses de Bartolo à la constitution Quoniam nuper d’Henri VII (1355) », Le Droit de résistance, xiie-xxe siècle, J.-C. Zancarini éd., Fontenay-aux-Roses, ENS Éditions, 1999, p. 35-46 ; A. De Benedictis, Tumulti, ouvr. cité, p. 107-112 ; C. Zendri, « La legislazione pisana di Enrico VII. Problemi filologici e interpretativi, con una nuova edizione critica della legislazione pisana di Enrico VII », à paraître dans les Actes du colloque international « Enrico VII, Dante e Pisa. A 700 anni dalla morte dell’imperatore e dalla Monarchia (1313-2013) », Pisa-San Miniato al tedesco, 24-26 octobre 2013.

13  D. Quaglioni, « Universi consentire non possunt. La punibilità dei corpi nella dottrina del diritto comune », Suppliche e « gravamina ». Politica, amministrazione, giustizia in Europa (secoli xiv-xviii), C. Nubola et A. Würgler éd., Bologne, Il Mulino 2002, p. 409-425 ; A. De Benedictis, Tumulti, ouvr. cité, p. 143-161.

14  A. De Benedictis, Tumulti, ouvr. cité, p. 138-140.

15  A. De Benedictis, « Abbattere i tiranni, punire i ribelli. Diritto e violenza negli interdetti del Rinascimento », Rechtsgeschichte, 11, 2007, p. 76-93 (76-81) ; Ead., Tumulti, ouvr. cité, p. 124-129.

16  N. Machiavelli, Istorie fiorentine, liv. VIII, ch. 11, dans Opere, C. Vivanti éd., Turin, Einaudi ; Paris, Gallimard, 2005, t. III, p. 694-695 : « Pertanto, non che i fiorentini ricevessero l’interdetto e a quello ubbidissero, ma sforzarono i sacerdoti a celebrare il divino officio, feciono un concilio in Firenze di tutti i prelati toscani che allo imperio loro ubbidivano, nel quale appellorono delle ingiurie del pontefice al futuro concilio. »

17 Le consilium de Socini avait été publié comme Consilium XX dans le recueil d’un autre juriste : Francesco Curti seniore, Consilia, Lugduni, Jacobus Giunti, 1534, fo 20r-25r.

18 Ibid., fo 23r : « Nam ubi quies patriae infestari timetur omisso ordine iuris ad arma recurrendum est quibus dilatis ruit aliquando imperium ».

19 Ibid., fo 23v : « Val. Max. li. iii. de fortitudine dum loquitur de Tiberio Gracco qui rem publicam occupaverat ». Comme on le sait, les Gracques jouent un rôle important dans la narration machiavélienne sur les Ciompi ; voir G. Pedullà, « Il divieto di Platone. Niccolò Machiavelli e il discorso dell’anonimo plebeo (Ist. Fior. III, 13) », dans Storiografia repubblicana fiorentina (1494-1570), J.-J. Marchand et J.-C. Zancarini éd., Florence, Cesati, 2003, p. 209-266 (239-242).

20 Ibid., fo 24r et v.

21 Ibid., fo 24v. Sur le consilium de Socini (et des autres juristes qui défendaient Florence), voir la lecture attentive de K. Pennington, The Prince and the Law 1200-1600. Sovereignty and Rights in the Western Legal Tradition, Berkeley-Los Angeles, University of California Press, 1993, p. 253-263. Girolamo Torti estimait aussi que les Florentins avaient agi « in tumulto defensionis » : Consilium utriusque flaminis domini Hieronymi de Tortis in favorem potentissimi populi Florentini in Ticinensi Gymmasio editum, dans A. de Butrio, Consilia seu responsa, Venise, Zanettus, 1575, p. 275-320 (309).

22 M. Luzzatti, Una guerra di popolo. Lettere private del tempo dell’assedio di Pisa (1494-1509), Pise, Pacini, 1973, en particulier p. 189-194.

23 Voir à ce propos A. Guidi, Un segretario militante. Politica, diplomazia e armi nel cancelliere Machiavelli, Bologne, Il Mulino, 2009.

24 Cité par D. Quaglioni, « Giurisprudenza, scrittori di », ouvr. cité, p. 646.

25 Ibid.

26 On en trouve un récit fondé sur la documentation archivistique dans la contribution déjà ancienne de G. Tholin, « Proclamation de la commune à Agen en 1514 », dans Annales du Midi : revue archéologique, historique et philologique de la France méridionale, 1901, t. XIII, no 49, p. 5-40 ; disponible en ligne <http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/anami_0003-4398_1901_num_13_49_3467> (consulté le 17 février 2016).

27 Voir M. Gaille-Nikodimov, « Les tumultes dans la cité : ne pas rire, ne pas pleurer, mais comprendre », dans Id., Conflit civil et liberté. La politique machiavellienne entre histoire et médicine, Paris, H. Champion, 2004, p. 41-59.

28 N. Bohier, Preclarus, et elegans tractatus de seditiosis omnibus, civitatum, villarum, & castrorum, dominis Scabinis seu consulibus, ac cæteris reipublicæ administratoribus utilis, quotidianus ac necessarius, Paris, in vico Sancti Jacobi, sub intersignio Pellicani, 1515, fo iiir (désormais, N. Bohier, De seditiosis). Je traduis.

29 Ibid., fo vir-ixr.

30 Ibid., fo ixr-xvr.

31 R. Gaguin, Compendium super Francorum gestis, ab ipso recognitum et auctum, Paris, D. Gerlier et J. Petit, 1500.

32 N. Bohier, De seditiosis, fo xvr.

33 Voir, pour une analyse détaillée, A. De Benedictis, Tumulti, ouvr. cité, p. 131-134, où l’on trouvera également en note le texte latin.

34 J’ai consulté l’édition suivante : Beatus Antoninus Florentinus, Summa Sacrae Theologiae, Secunda Pars, Venise, apud Iuntas, 1582. Sur les liens entre saint Antonin et Machiavel, voir aussi J.-C. Zancarini, « La révolte des Ciompi : Machiavel, ses sources et ses lecteurs », Cahiers philosophiques, 2004, no 99, p. 9-22 ; p. 11.

35 Beatus Antoninus Florentinus, Summa Sacrae Theologiae, ouvr. cité, De sexta inanis gloriae alia videlicet discordia partialitatum Guelphi et Gebellini. Quia iniquitatem et contradictionem in civitate, & c. (De discordia per modum praedicationis, & ibi de partialitatibus civitatum), fo 197vb-200vb.

36 Je synthétise un texte qui est très riche en argumentations, avec des références à des passages de l’Ancien et du Nouveau Testament, à Aristote, Salluste, Augustin, Beda, Ciprien, Jérôme, Grégoire le Grand, Thomas d’Aquin, Isidore de Séville. Dans la Summa confessionalis d’Antonin, la sédition, pareillement décrite avec les mêmes exceptions (mais sans référence à des auctoritates), est une des filles du péché de la colère ; elle est placée après la rixe et avant la guerre (Lugduni, apud Benedictum Boyerium, 1564, p. 233-234).

37 Bartolo da Sassoferrato, De Guelphis et Gebellinis, D. Quaglioni éd., Politica e diritto nel Trecento italiano. Il « De tyranno » di Bartolo da Sassoferrato (1314-1357). Con l’edizione critica dei trattati « De Guelphis et Gebellinis », « De regimine civitatis » e « De tyranno », Florence, L. Olschki, 1983, p. 129-146. P. Costa, « Bonum commune e partialitates : il problema del conflitto nella cultura politico-giuridica medievale », dans Il bene comune : forme di governo e gerarchie sociali nel basso medioevo. Atti del XLVIII storico internazionale, Todi, 9-12 ottobre 2011, Spoleto, Fondazione Centro di Studi sull’Alto Medioevo, 2012, p. 193-215 ; Costa montre que l’évaluation des conflits chez Machiavel ne représente pas une rupture absolue, mais est déjà présente dans cette « nécessaire porte d’entrée » que constitue, pour cette question, le traité composé par Bartole en 1355.

38 « Quae autem iudicavi apta ad materias predicationum et audientiam ad confessionem et consolationem in foro animarum accepi a doctoribus pluribus in theologia vel jurisperitis » (Summa Theologiae, I pars, prologus in I partem), cité par A. D’Addario ad vocem dans Dizionario Biografico degli Italiani, Rome, Istituto della Enciclopedia Italiana, 1961, III, p. 524-532 ; p. 528.

39 N. Bohier, De seditiosis, fo xxvii v-xxxii v.

40 Ibid., fo xxix v.

41 Ibid., fo xxxi v.

42 Ibid. Dans l’édition consultée : Decretales Gregorii 9. Pont. max. suis commentariis illustratae ab innumeris pene mendis repurgatae & pristino suo nitori ex antiquorum exemplarium collatione tam in texto quam in glossis… opera ac diligentia Martini Gilbeti ordinarii iuris Pontificii professoris, Lutetiae Parisiorum, apud Gulielmum Merlin & Gulielmum Desboys ac Sebastianum Niuellium, Ex officina chalcographica Gulielmi Desboys, 1561, coll. 276-277.

43 À laquelle appartenaient, entre autres, Cino da Pistoia, Oldrado da Ponte, Giovanni D’Andrea, Bartolo da Sassoferrato (Bartole), Giovanni da Legnano, Baldo degli Ubaldi, Pietro d’Ancarano, Francesco Zabarella, Alessandro Tartagni, Francesco Accolti, Pietro della Cornia, Francesco Curti senior, Felino Sandei.

44 N. Bohier, De seditiosis, fo xvii v. La pluralité des dénominations soulignée par les spécialistes de Machiavel était donc également normale dans la littérature jurisprudentielle.

45 Ibid., fo xviii r. Outre les juristes Bartolo da Sassoferrato, Baldo degli Ubaldi, Francesco Zabarella, Alessandro Tartagni, Bohier citait aussi Aristote et des exempla de l’Ancien et du nouveau Testament.

46 N. Machiavelli, Istorie fiorentine, ouvr. cité, p. 443-444.

47 Parmi les derniers, F. Raimondi, L’ordinamento della libertà. Machiavelli e Firenze, Vérone, Ombre corte, 2013, p. 86-88.

48 G. Pedullà, « Il divieto di Platone », ouvr. cité ; Y. Winter, « Plebeian politics. Machiavelli and the Ciompi uprising », Political Theory, 2012, vol. 40, no 6, p. 736-766. J’analyse plus précisément ces contributions dans A. De Benedictis, « …dove molti errano niuno si gastiga… », ouvr. cité.

49 I. Marsili, Grassea […] commentaria super titulis ff. ad l. Cor. de sicar. […] in Bononiensi gymnasio lugubrata, Impressum Bononiæ in Aedibus Benedicti Hectoris Bibliopolæ Bononiensis, M.D.XVII. Vigesimosecundo mensis Maii, c. 6v e 22v [Commento ad legem Corneliam de sicariis et veneficis (D 48. 8)].

50 Id., Averolda. Practica causarum criminalium una cum theorica et Repertorio, Bononiæ, per Franciscum Garonum, 1524, Die 15. Novembris, c. 7v.

51 Id., Tractatus bannitorum, Bononiæ, apud Societatem Typographiæ Bononiensis, 1574, In verbo Civitate, p. 6-26 (10).

52 Je reprends l’expression de G. Pedullà, « Il divieto di Platone », ouvr. cité, p. 254.

53 Y. Winter, « Plebeian politics », art. cité, p. 754.

54 Ibid., p. 743.

55 E. Benner, Machiavelli’s Ethics, Princeton, Princeton University Press, 2009. La référence aux Discorsi porte sur I, 58, p. 132-135. L’importance du livre de Benner a été signalée par D. Quaglioni, « Machiavelli, the Prince and the idea of justice », Italian Culture, 2014, vol. XXXII, no 2, p. 110-121 (il s’agit d’un numéro spécial consacré à Machiavel).

56 J.-C. Zancarini, « La révolte des Ciompi », art. cité.

57 Ibid., p. 13.

58 Cronaca di Alamanno Acciaioli, dans Il tumulto dei Ciompi. Cronache e Memorie, G. Scaramella éd., Bologne, Zanichelli, 1917-1934, p. 19, l. 2.

59 J.-C. Zancarini, « La révolte des Ciompi », art. cité, p. 14.

60 A. De Benedictis, Tumulti, ouvr. cité.

61 Ibid. Il me semble que cela est compatible avec les observations de T. Berns, Violence de la loi à la Renaissance. L’originaire du politique chez Machiavel et Montaigne, Paris, Kimé, 2000, p. 109-110 : « Les motifs de soulèvement du peuple ne sont d’habitude pas “pernicieux” pour la liberté, parce qu’ils ne reposent que sur son désir de ne pas être opprimé. »

62 Je pense en particulier à C. Falletti-Fossati, Il Tumulto dei Ciompi. Studio Storico-Sociale, Rome-Turin-Florence, Ermanno Loescher, 1882.

63 P. Lantschner, The Logic of Political Conflict in Medieval Cities. Italy and the Southern Low Countries, 1370-1440, Oxford, Oxford University Press, 2015.

64 J.-C. Zancarini, « La révolte des Ciompi », art. cité, p. 17.

65 Ce qui est très clair dès lors qu’on enquête sur les tumultes dans l’espace et dans le temps.

66 I. Marsili, Grassea, ouvr. cité, c. 4 v, d.

67 Ibid., c. 7 v, « Vilissime personae cognoscentes se non puniendos ex hoc reddunt audaciores ».

68 J.-C. Zancarini, « La révolte des Ciompi », ouvr. cité, p. 17.

69 Ibid.

70 Sur ce point, et dans le cadre d’un débat avec Étienne Balibar à propos de Spinoza, voir S. Visentin, « Paura delle masse e desiderio dell’uno. Considerazioni sulla valenza della potentia multitudinis », dans Storia politica della moltitudine. Spinoza e la modernità, F. Del Lucchese éd., Rome, DeriveApprodi, 2009, p. 181-200.

71 Ce rapport a été établi par de nombreux chercheurs, dont récemment G. Pedullà, « Il divieto di Platone », art. cité, p. 237-240.

72 N. Machiavelli, Istorie fiorentine, ouvr. cité, p. 441.

73 Dans le cas du tumulte des Ciompi, cela apparaît clairement dans les sources utilisées par C. Falletti-Fossati, Il Tumulto dei Ciompi, ouvr. cité.

74 D. Quaglioni, Machiavelli e la lingua della giurisprudenza, ouvr. cité, p. 65-66, dont je reprends le soulignement de ce passage des Discorsi, I, Proemio.

75 C. Ginzburg, « Machiavelli, l’eccezione e la regola. Linee di una ricerca in corso », Quaderni storici, 2003, vol. XXXVIII, no 1 (no 112), p. 195-213 ; p. 198. B. Machiavelli, Libro di ricordi, a cura di C. Olschki, postfazione di L. Perini, Rome, Edizioni di Storia e Letteratura, p. 39, indiquait à cette date : « questo dì detto saldai… il mercato della Lettura dello Abbate sopra 1/4 e 1/5 Decretali ».

76 B. Machiavelli, Libro di ricordi, ouvr. cité, p. 222.

77 Nicolaus de Tudeschis, Lectura super quarto et quinto libro Decretalium, Venetiis, Impensis Iohannid de Colonia et Johannis Mauthen de Gherretzen, 1477.

78 Ibid., fo 138 r non numéroté, b : il est sans doute significatif que Machiavel soit explicitement conscient de ce problème lorsqu’il parle de la réaction des Florentins face à l’interdit de Sixte IV (voir supra, note 17).

79 Surtout si l’on considère l’historiographie récente (philosophie politique, histoire de la pensée politique) qui, en même temps qu’à la question des tumultes, s’intéresse aussi à celle de la multitude chez Machiavel.

80 Comme l’a démontré M. Gaille-Nikodimov, « Conflit civil et liberté », ouvr. cité. Voir aussi G. M. Barbuto, « Machiavelli e il bene comune. Una politica ossimorica », Filosofia politica, 2003, vol. XVII, no 2, p. 223-244.

81 Voir supra, note 1.

Haut de page

Pour citer cet article

Référence électronique

Angela De Benedictis, « Les tumultes chez Machiavel et la langue de la jurisprudence »Astérion [En ligne], 15 | 2016, mis en ligne le 08 novembre 2016, consulté le 09 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/asterion/2852 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/asterion.2852

Haut de page

Auteur

Angela De Benedictis

Angela De Benedictis est professeur à l’Alma Mater Studiorum – Université de Bologne, où elle donne les cours d’histoire politique et d’histoire et récit historique de l’âge moderne au niveau master. Parmi ses publications récentes : Tumulti. Moltitudini ribelli in età moderna, Bologne, Il Mulino, 2013 ; le volume collectif dirigé avec Karl Härter, Revolten und politische Verbrechen zwischen dem 12. und 19. Jahrhundert. Rechtliche Reaktionen und juristisch-politische Diskurse / Revolts and Political Crime from the 12th to the 19th Century. Legal Responses and Juridical-Political Discourses, Francfort-sur-le-Main, Klostermann, 2013 ; les articles « Principato civile e tirannide : il capitolo IX del Principe e il De Principatu di Mario Salamonio degli Alberteschi », dans Machiavelli Cinquecento. Mezzo millennio del Principe, G. M. Anselmi, R. Caporali, C. Galli éd., Milan, Mimesis, 2015, p. 57-72, et « Una “città che pecca”. Del modo di trattare i popoli della Valdichiana ribellati e la lingua della giurisprudenza », dans Langages, politique, histoire. Avec Jean-Claude Zancarini, R. Descendre, J.-L. Fournel éd., Lyon, ENS Éditions, 2015, p. 123-133.

Haut de page

Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Search OpenEdition Search

You will be redirected to OpenEdition Search