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Dossier

Symptômes du ressentiment chez quelques mémorialistes (1563-1598)

The symptoms of resentment among some memorialists
Marie-Madeleine Fragonard

Résumés

Les mémorialistes témoignent du ressentiment persistant qui accompagne les édits de pacification des années 1563 à 1598. Non publiés à cette époque, ils reflètent le mécontentement de voir les édits favoriser leurs adversaires, croient-ils, et les divers moyens par lesquels une population peut traduire la permanence des agressivités détournées (insultes, émeutes, tracasseries juridiques, désignations diffamatoires), quelles que soient la date et les clauses d’oubli. Le peu de crédit apporté à la décision royale de coexistence pacifique ne construit, au delà des apparences disciplinées, que la perception d’une régression à ce qui était l’origine des conflits.

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Texte intégral

1« Ressentiment » : ce qu’on ressent à la suite d’un événement ; si le terme prend ensuite une grande parenté avec « rancune », c’est que le ressentiment est surtout la continuité des impressions traumatiques, alors qu’il pourrait relever d’une continuité positive. Il s’agit moins de proclamations revanchardes que d’attitudes et d’interprétations. Soit la persistance d’un système de signes et de faits qui montrent que perdure tout ce qui, loin d’être nul et non advenu, reste à gérer une fois que la paix est signée.

2On exagère l’impact spécifique de la clause de silence intégrée à l’Édit de Nantes comme aux autres édits antérieurs1 : elle est une clause usuelle de guerre civile, née de la nécessité de vivre ensemble selon un protocole, ce que confirme Pierre de Belloy2. Elle s’oppose aux traités de paix des guerres étrangères, qui doivent comporter des clauses d’évacuation, d’indemnisation, etc. Les édits de pacification se font entre deux partis identifiables, le roi et ses sujets. Une grosse nuance cependant sépare deux formules très dissemblables : soit le roi avoue que cela a été « fait pour le bien du royaume », comme c’est le cas de l’Édit d’Orléans de 1563, ou de la « paix de Monsieur » en 1576, et l’édit va jusqu’à indemniser les frais de rébellion, à payer les reîtres et à restituer les charges ; soit il s’agit d’une abolition, et alors le roi veut bien oublier : il fait acte d’autorité souveraine et ne dit pas que l’action était juste, et c’est le cas de la paix de Montpellier en 1622. En revanche, l’Édit de Nantes est un édit « unilatéral » octroyé par le roi à ses loyaux sujets protestants.

  • 3 Voir M.-M. Fragonard, « Une mémoire individualisée. Éditions et rééditions des acteurs et témoins (...)

3Dans la mesure où la mémoire des individus n’est pas inhibée par la clause d’oubli, mais seulement les actions publiques qui en découleraient, le psychisme de chacun est renvoyé à son for privé et à ses ruminations, ce qui est le fonds de commerce des mémorialistes, qui écrivent sans publier. Leur publication, une ou deux générations plus tard, doit d’ailleurs être justifiée et souligner qu’il n’y a plus d’acteurs vivants3, susceptibles de se sentir à bon droit offensés par telle formule, qui serait une action publique.

4Quelques témoignages tests montrent que, chez ces mémorialistes, on se souvient, on dit ce qu’on pense et l’on note, chez ses amis et ses ennemis, des façons d’être ou de parler qui vous sont une marque (hostile) de leurs opinions.

5Je prendrai comme témoins :

  • 4 C. Haton, Mémoires, X. Le Person éd., Genève, Droz, t. I, 2000.

– Claude Haton4 (qui deviendra ligueur), dont le journal couvre les années 1553-1582, curé de Provins (pays dans la mouvance de Paris, proche des terres de Condé, proche des terres de Lorraine-Guise) ;

  • 5 J. Louvet, Revue de l’Anjou et du Maine, 1884, livraisons I, 1 (1560-1571, p. 257-304), et II, 2 ( (...)

– Jean Louvet5, greffier d’Angers (qui deviendra lui aussi ligueur), dont le journal couvre les années 1562-1620 ; sa ville ne quitte pas l’ordre royaliste, ou du moins est immédiatement récupérée et il en maugrée de toutes les façons possibles ;

  • 6 J. Burel, Mémoires de Jean Burel. Journal d’un bourgeois du Puy à l’époque des Guerres de religion(...)

– Jean Burel6, greffier du Puy qui, lui aussi, deviendra ligueur, et dont le journal couvre les années 1550-1629. Burel habite en terre enclavée, sous l’autorité du parlement de Toulouse, avec Montmorency comme gouverneur ; là ne se perçoivent que lointainement les ordres (et aussi peu les désordres) parisiens ;

  • 7 P. de L’Estoile, Journal pour le règne de Henri IV, A. Martin éd., Paris, Gallimard, 1956, 3 vol.

– Pierre de L’Estoile7, parlementaire parisien, royaliste, dont le journal couvre les années 1574-1611, un « politique » qui, sans surprise, se retrouve minoritaire ;

  • 8 J. Merlin, « Diaire de Jacques Merlin ou Recueil des choses plus mémorables qui se sont passées en (...)

– Enfin, Jacques Merlin8, pasteur de La Rochelle, dont le journal couvre les années 1589-1620, et qui présentera les réactions inverses des protestants face à l’édit de 1598.

6Nous aurons donc affaire à plusieurs catholiques, à une majorité de juristes de divers rangs et à des représentants des milieux urbains. J’examinerai la manière dont ils développent l’idée de paix et ce qu’impliquerait pour eux le retour au statu quo ante, les difficultés pour reconstituer une société de coexistence, les attitudes résiduelles d’agression et l’utilisation des pratiques juridiques prévues par les édits, enfin les ultimes méthodes de notations rancunières de leurs écrits.

7Nous serions donc dans une « après-guerre », mais encore faudrait-il avoir une distinction claire de la paix et de la guerre. Notable dès l’abord, la disproportion entre ce qui est consacré à la paix de Vervins et ce qui est consacré aux guerres civiles.

8Admettons que nos mémorialistes – sauf les Parisiens – n’ont pas vu beaucoup d’Espagnols, mais la guerre étrangère n’est pas du tout leur préoccupation. La paix de Vervins est l’occasion de manifestations officielles : Louvet note un « Te deum pour la paix avec le roi d’Espagne » (1845, II, p. 313). Burel, au Puy, raconte des feux de joie, et une belle peinture allégorique Pietate / Justitia / Paix. Mais, indices curieux, la publication de la paix de Vervins est chez lui faite deux fois par M. de Ventadour (gouverneur nommé par le roi) le 1er juillet, et au nom de M. de Joyeuse (gouverneur de fait pour la Ligue) le même jour (II, 461). La paix est très fêtée, mais on rappelle que la guerre vient des huguenots (et non des Espagnols). Merlin ne note pas de manifestation pour la paix de 1598 : d’une certaine façon, à force d’être fortifiée et encerclée, La Rochelle était plus immobile que bien des autres ! C’est depuis longtemps une zone protestante et Navarraise, la succession royale ne leur pose aucun problème. Par contre ils ont été sensibles au mélange des types de guerres : les Espagnols, les pirates, des alarmes où « la Ligue faisoit encore des siennes » (97). L’Estoile seul fait l’éloge du roi (I, 520). S’il indique à propos d’Espagne, quelques vengeances symboliques, comme l’appellation durable de marranes (I, 523), la joie à la mort de Philippe II, en somme il ne parle plus des Espagnols qu’à propos des traîtres comme Biron et du commerce des blés. Menace intermittente, mais pas obsessionnelle, plus idéologique que militaire : le fantasme de l’Espagnol s’associe chez lui pleinement aux jésuites. Les soldats espagnols sont un mal qui passe.

  • 9 Voir mon article sur « La Paix, un argument des Politiques », De Michel de L’Hospital à l’Édit de (...)

9La paix civile est par contre confuse, partielle et conceptuellement mal définie : les premières paix se font dans la confusion, mais la dernière se fait par des victoires et des ralliements espacés dans l’espace et le temps selon ce que signent les Grands ralliés, comme Mayenne et Mercœur. Comment les sujets peuvent-ils l’appréhender à partir de situations très disparates selon la géographie, sans rapport avec l’idéal que contient ce terme ? Les sujets sont aliénés de la paix9 : Paix signifie beaucoup et en même temps sous-entend des choses si différentes que la paix est une source évidente de malentendus. Elle n’a pas été un objectif. Elle pourrait être une amélioration de la vie, mais, passée la minute des discours lyriques sur la paix et la prospérité, elle ne sera pas identifiable clairement : les impôts restent, la misère reste, Burel répète avec rancœur : « on ne sentoit pas les bienfaits de la paix ». Pire, on ne supporte pas que les ennemis d’hier se plaignent eux aussi, vous gâtent la tranquillité potentiellement reconquise.

10Tous les mémorialistes, sauf L’Estoile, sont dépossédés du fait et de la notion : ce concept positif ne se reconnaît pas dans la situation concrète. Mauvaise appréhension de la durée nécessaire ou (in)croyance magique dans les proclamations officielles, la « paix » écrite sur les papiers ou proclamée par les autorités tarde à avoir les critères de la « paix », situation bénie où chacun peut vaquer à ses occupations matérielles et intellectuelles sans répression ni risque et en recevoir les fruits. Elle vient du haut, signée hors d’eux, sans naître d’un désir de vivre ensemble. La paix, c’est la volonté du roi, or ses intentions sont suspectes : la paix a été faite spécifiquement pour avantager les adversaires, donc la paix est une brimade. C’est dire qu’elle porte aux contresens avant même d’être appliquée, et par conséquent, l’interprétation qui en est faite contient d’avance soit des déceptions, soit des protestations.

11La réaction est frappante dès le premier édit de pacification, chez Haton, Burel et Louvet. À Angers, l’année 1562 a été épouvantable. Iconoclasmes, prises et reprises, exécutions par le maréchal de Matignon, pendaisons massives, noyades, lynchages : Louvet a gardé les longues listes de noms des victimes huguenotes, qui ne lui arrachent pas un soupir de compassion. La paix de mars 1563 est présentée comme suit :

Le 1er dudit mois, la paix fut faite avec les luthériens huguenots en l’Ile aux bœufs, devant la ville d’Orléans, où l’exercice de leur faulce religion leur fust accordée en leurs maisons, qui est la perte du royaume de France, de souffrir dans ledict royaume ung si dangereux venin, qui sont ennemis des rois. (1854, I, 280)

12Néanmoins il parle bien « d’édit de paix » publié en avril, alors même que personne n’appelle guerre cette première guerre. Quant à la procession de mai (qui sera perpétuée en anniversaire jusqu’en 1593), elle fête, non la paix, mais la victoire qui « délivre les catholiques d’entre les mains et tyrannies des Huguenots ». Mêmes et pires réticences à la paix de 1568, après ce qu’il appelle dorénavant une « révolte » :

Audit mois de mars 1568, M. le Prince de Condé assiégea la ville de Chartres, davant laquelle il fut traité de la paix qu’on nomma la Paix Fourrée, parce qu’elle ne dura que 6 mois, après lesquels ils reprindrent les armes […] La cause de la révolte des Huguenotz est prinse soubz un faulx pretexte que le roi vouloit supporter la querelle du roi d’Espagne contre les rebelles de Flandres, et par ce moyen mettre l’inquisition en France.

13Le 2 avril, la paix est signée « et ne laissoient nonobstant icelle lesdits Huguenots de piller et voller, saccager, faire meurtre et bruler les églises ».

L’après disnee dudit jour, l’édit de la paix, appellée la paix fourrée, fait avec les Huguenots, fut publiée au siège présidial d’Angers […] où M. Grimaudet avocat du roy, requerra que le Te Deum fut chanté, dont il fust refusé d’aultant que ledit edict estoit à l’avantage du tout pour les Huguenotz. (1854, I)

  • 10 Corroboré par l’abbé Pierre Brulart dans son Journal : « 22 mars – Fut apporté un Edict à la cour (...)

14De la période 1562-1563, Haton voit juste que l’Édit de Janvier est une abomination, qu’il est une source de sédition, ce dont avertissent les prédicateurs (I, 20). L’Édit d’Orléans de 1563 est bien pour lui un édit de paix, mais à l’avantage exclusif des Huguenots10 :

La publication de cestuy édit de paix fut fort fascheux à escouter et practiquer aux catholiques des villes et villages paisibles, et où il y a bien peu de huguenotz. Mais il fut fort consolatif aux catholiques des villes qui vivoient oppressez des huguenots, comme aussi des villages des environs où la religion catholique estoit intermise [;] d’autant que ladite paix estoit du tout à l’avantage desditz huguenotz, ils travailloient fort à la faire garder et publier.

15Assertions qu’il réitère en 1567, « le roi fit réitérer les edictz, tant de la pacification faicte à Orleans au profit des huguenotz que ceux de ne porter les armes » (II, 99). Il décrit l’attitude des huguenots, qui ont profité de la guerre comme de la paix pour piller, faire du prosélytisme au sein de l’armée, conquérir la magistrature urbaine, séduire L’Hospital, la Reine, les Montmorency, le prince de Portian, thème qui va s’amplifiant contre ces hypocrites qui font semblant d’être royalistes (I, 444, 466) et qui font soupçonner les autorités constituées, dans une atmosphère typique des théories du complot. Toute chose visible en cache une autre, et toute proclamation peut être comprise comme la dissimulation d’une vérité inverse. Globalement, les paix instaurent un monde à l’envers : ils lisent l’approbation et la collusion du protestantisme et du roi dans la formule stéréotypée de l’édit qui, en déclarant que « tout s’est fait pour le service du roi », prend la valeur d’un accord de collusion politique (principe des guerres des « Malcontents »).

16L’Édit de Nantes – qui n’est pas un édit de paix et donc, a priori, sans motif –est vécu comme le retour au statu quo ante des mêmes griefs qu’en 1563, ceux qui ont donné lieu à la succession de guerres, au point même que le nouvel édit est appelé Édit de Janvier. Le sous-entendu revanchard est patent, sans compter que les impôts ne diminuent pas, et qu’on viole les convictions des gens du lieu. Louvet l’annonce ainsi :

Audit an 1599 […] l’édict de janvier, fait en faveur des huguenots, a este publié au siège presidial d’Angers, et en exécution d’iceluy, il est venu en cette ville des commissaires pour leur bailler un lieu proche de la ville d’Angers, pour faire leur presche, ce qui a esté empeché par les habitants, et nonobstant leur opposition, lesdicts commissaires leur ont baillé une maison au bourg de Sorges pour y faire leur presche qui fut en l’an 1600. (1854, II, 310)

17Même version chez Burel en 1599 : « Fust publié par le Roy l’edict de Janvier faict par le roy Charles en l’an 1566, et maintenant confirmé par Hanry de Bourbon, roy de France et de Navarre, de vivre en liberté de consiance » (475). On revient bien en arrière vers une période qui justement fâchait et contenait le germe de la guerre. L’Estoile est sans doute le seul qui ait milité pour la paix consciente et négociée. Il consacre quelques lignes à l’édit accordé aux religionnaires, défini par le libre exercice de leur religion, tel qu’il existe en 1596 et 1597 et sans retour en arrière plus lointain. Mais ses informations sont plus détaillées sur le transfert des problèmes sur un plan politique. Sur la paix religieuse interne, il montre une vive guerre déplacée, le rôle des prédicateurs, qui se calment un peu, mais pas toujours, des provocateurs, la persistance d’une émotivité chronique, des bruits : on va tuer de nouveau, les uns ou les autres. Merlin ne dit rien… il ne réagit qu’en 1599, quand il faut faire de la place aux catholiques.

18Les signes symboliques de l’effacement de la période de guerre sont rares, et pourtant importants, de la part des chefs ou commissaires et émissaires. L’Estoile raconte comment M. d’O, gouverneur de Paris, fait faire le feu de la Saint-Jean de 1594 (normal) où on brûle la Ligue, le légat et les Seize (I, 419). Voilà pour le symbole fort de la reprise en main de la ville qui semble ainsi lustrée de ses dévoiements antérieurs. Plus importante est la destruction des registres de municipalités ligueuses, faite au Puy en l’été 1598 : registres et mémoires de la ville, de l’Église et du prévôt.

19Ainsi, le fait de clore et d’effacer le temps des troubles ne résout rien, puisqu’on y retrouve les causes de son mécontentement, quelle que soit la date choisie comme référence, dès lors que l’adversaire est toujours là, et que les questions qui fâchent sont, elles aussi, toujours là. Pour ne pas formuler cet amer constat que le temps passé annulé est aussi un temps inutile, il faudrait que les catholiques aient repris un réel pouvoir au sein même de l’autorité royale.

20Or la période de guerre a aussi été celle d’un affaiblissement de la légitimité du pouvoir, même de celui qui reposait sur la force armée. Les gens ont eu une opportunité inouïe : décider et choisir à qui va leur obéissance durant la période ambiguë sous la Ligue, même quand le roi est redevenu catholique : et elle ne va pas à celui qui veut la paix. La continuité, la réinstallation d’un pouvoir légitime est partout vue comme une chose à valider, et non un état de droit et de fait. C’est à peine une réflexion sur le droit des peuples, mais une grogne automatique qui a eu loisir de s’exprimer et continue à se formuler, et pas seulement chez les ligueurs obstinés qui soumettent la loi civile à la loi religieuse.

21Là où les institutions ont maintenu un légalisme forcé, la grogne est patente, mais impuissante. Louvet n’a pas eu le choix pratique. Angers est une ville royaliste, et tenue de près par Henri III, puis Henri IV, qui y mettent des gens de confiance, mal venus ou mal acceptés dans la ville, qui la tiennent de gré ou de force : le maréchal d’Aumont pour la force armée, La Rochepot comme gouverneur de la ville ; puis, en 1589, Henri III nomme Charles Miron comme évêque « par la force des armes, contre le gré et volonté des bons catholiques de la ville » (Louvet, 1854, II, 137), et en effet il va leur mener la vie dure.

22Par contre, la situation singulière du Puy illustre particulièrement bien l’invalidation des fonctions officielles, témoignant de la superposition de trois temps : après avoir été quasi autonome, la ville aura deux gouverneurs de la ville, deux gouverneurs de la province (Ligue et Roi), deux doyens d’église (celui d’avant la Ligue et revenu avec l’Édit ; celui de la Ligue qui ne veut pas laisser la place), puis un nouvel évêque, un nouvel official, un nouveau sénéchal. Malgré les nouvelles arrivées en 1593, puis 1594, la ville décide que, jusqu’à ce que les ordres arrivent de haut lieu, et en particulier du Pape, on « ne parlera pas en bien du roi de Navarre » et on ne le reconnaîtra pas comme roi. Les Politiques qui veulent ouvrir la ville sont pourchassés (et pendus : un peu plus de 200 ; les autres seront sauvés de justesse et mis en prison). On maugrée quand le parlement de Toulouse, en octobre 1595, ordonne de relâcher les prisonniers « huguenots » (c’est-à-dire ces Politiques survivants, qui ont failli livrer la ville). Enfin, en avril 1596, « Grand réjouissance du povre peuple », puisque le roi, catholique, obéissant au pape, chassera l’hérésie, pense Burel : « (procession) pour rendre grâce à Dieu d’avoyr retiré nostre roy au giron de l’Église, promectant à Nostre Saincteté d’estre obéissant à ses commandements. Puysque Nostre Saincteté l’a receu, nous remercions à Dieu et à la Vierge Marie que ly donnent la grâce de chasser l’heresie » (443). Parfaite confusion des causes et des objectifs de la paix, pour Burel, pour qui la raison d’État a plié devant la raison d’Église : il ne peut qu’être inquiet et suspicieux quand les huguenots font leur retour.

23Le vacillement se fait visible par la désignation du roi. Louvet utilise « le roi de Navarre » jusqu’au Te Deum de 1593 « pour resjouissance et pour louer Dieu de ce que le Roy estoit allé à la messe » (1854, II, 299), alors que la ville d’Angers est depuis Henri III tenue solidement (et assez brutalement) comme royale. Les villes seront dorénavant réduites « en l’obeissance du roy » ; « Le roy entra dans la ville de Paris » ; Te Deum « parce que le roi a échappé à un attentat » ; mais seulement en mars 1598 : « Sa Majesté » fait son entrée officielle à Angers. Burel utilise le terme de « roy de Navarre » (avec tous les témoignages de détestation) jusqu’en 1596. Et bien sûr L’Estoile utilise « Roi » dès la passation des pouvoirs à la mort d’Henri III. Par conséquent, l’argument de « la volonté du roi » et son maniement par les commissaires ne donnent pas toujours les résultats attendus. De fait, le roi force l’acceptation de l’édit de 1590 au parlement : « c’estoit pourquoi il vouloit et désiroit que leur édit eut lieu. À quoi chacun baissa la teste », dit L’Estoile (I, 548). Il devra passer par-dessus bien d’autres refus en 1598.

24L’affirmation d’une volonté royale, qui finit par être opérationnelle (comme une méthode Coué chez Burel), est perçue comme l’acceptation de l’iniquité obligatoire, absolument pas comme une justice. Le roi est le roi, mais il favorise les autres. Il ne persuadera guère mieux les protestants, supposés bénéficiaires : à La Rochelle, l’argument des commissaires, en l’occurrence Parabère, gouverneur du Poitou, est la volonté du roi (pas le bon sens, ni la liberté de conscience, ni l’argument de paix). Or il faudra que Parabère, gouverneur de la province, engage son honneur personnel pour convaincre les Rochelais au moins de ne rien faire contre, donnant au contrat de paix de l’État le support d’un autre contrat, de personne à personnes.

25La paix obligatoire n’a donc rien de séduisant ni de convaincant. Persistent une émotivité et une crédulité chroniques, qui valident sans motif les bruits les plus bizarres. On peut, pour tenter de l’expliquer, faire valoir la crédulité d’une époque mal informée, il n’empêche que les « émotions » n’ont pas besoin d’une cause objective pour déclencher des peurs ou des indignations. Les pires rumeurs et les plus énormes contre-vérités circulent sur Henri IV et sur la guerre de Savoie, et l’on annonce tranquillement qu’Henri de Navarre est allé convertir Genève (Burel, 48I), que sa sœur s’est « catholicisée » (485), tout comme auparavant on racontait qu’il avait fait débarquer les Turcs.

26La réaction qui assimile 1598 à 1563 ne donne aucune dynamique fondatrice : au contraire, l’effacement des mauvais jours ou l’effacement des griefs ramène ainsi au temps des premiers griefs, et non à un avant qui, pour ces Ligueurs de conviction, serait un temps sans protestants. Or, maintenant, il faut bien les fréquenter…

27Les grands seigneurs, grâce à leur proximité avec le roi, sont « réintégrés » dans la communauté noble ; le roi fait ce qu’il faut pour cela, les Guise et les Châtillon sont récupérés simultanément. Cependant, les processus matrimoniaux ou les alliances interconfessionnelles restent limités. Quelques indépendants affichent des marques d’irrédentisme, mais en sachant se tenir : sans vengeance aucune, sans éclat public, juste dans l’isolement… De même que Diane de France ne se trouve pas dans les mêmes lieux que les Guise, en 1594, Louise de Coligny sort quand Mme de Montpensier entre chez Madame (L’Estoile, I, 428). Mais au fond, le ralliement des personnes a été assez franc : L’Estoile, en 1611, note que lorsque M. de Marcoussis voulut entraîner le peuple d’Orléans dans une émotion séditieuse, « M. de Mayenne fit, en même temps, une réponse généreuse à ceux qui voulaient le pousser à la guerre contre les Huguenots » (III, 225). L’Estoile remarque aussi que beaucoup d’entre ceux qui s’évitaient poliment se tombent dans les bras à la mort du roi Henri IV, et que ce jour-là, la ville ne bronche pas, tandis que les prédicateurs des deux religions prêchent la concorde civile : bref, il faut une catastrophe, pour qu’on voie ce qu’on n’avait jamais vu (et ne se reproduira pas…).

28Par contre, les milieux urbains s’accommodent mal du retour des expulsés et des exilés. À Provins comme à Angers en 1563, on les revoit sans plaisir. De même, en 1596, Burel glose le retour des Politiques au Puy : « ce n’estoit pas sans grands cris du peuple » (452). On n’accepte pas non plus qu’ils se plaignent d’avoir été expulsés, encore moins qu’ils veuillent faire interdire la procession du bout de l’an par laquelle les catholiques désirent commémorer le massacre de 1594. Aucune prise en compte des souffrances ou des spoliations qu’auraient subies ces exilés : leurs plaintes scandalisent. Reste à développer l’autosuggestion : « Il est aussy mémoratif et remarquable que ceulx que pour le passé on appelloit Poleticques, le roy ly a maintenant pourveu, et veult que vous vivons tous en paix, et que toutes choses passées soient aneanties et qu’il ne s’en parle plus à l’avenir » (Burel en 1599, 467).

29Dans les communautés urbaines restreintes, l’ennemi a des figures et des noms de voisins. Burel retrouve en visite au Puy des protestants qui ont plusieurs fois essayé de prendre la ville. Ainsi, en 1599, Gaspard Arnauld de Polignac et sa jeune femme entrent en ville : on leur fait une fête, « cognoissant qu’il est homme de bien et qu’il a la grâce de Dieu, désirant estre amy avec la ville, oblyant ce que ses prédécesseurs nous ont faict » (470). Il est vrai que c’est un jeune homme, qu’il n’a pas nécessairement à endosser les actions de son père et que le changement de génération lui permet de passer presque pour innocent. Néanmoins, on note l’ambiguïté syntaxique : c’est bien la ville qui, apparemment, connaît et oublie, à ceci près que la structure de la phrase donne l’impression que c’est le jeune Polignac qui oublie…

  • 11 J. Foa et P. A. Mellet, « Une “politique de l’oubliance” ? Mémoires et oubli pendant les guerres d (...)

30Le plus difficile concerne le tri interne et le fait de savoir si on répare ou non les changements nés des expulsions. Ce point concerne les gens pourvus de charges qui ont été destitués par la ville d’abord, puis la Ligue : « Et par les ordonnances du roy ung chascun fust remis en son estat comme auparavant la guerre, tous officiers, premier consul, Bailly, doyen, prevost et aultres qu’en avyont destitués à cause de la guerre » (Burel, 1599, 478). Mais l’harmonie est moins réelle que Burel ne le déclare puisqu’en 1598, toutes les institutions sont dédoublées. J. Foa et M. A. Mellet ont souligné11 que l’application de l’Édit était nuancée par les forces locales et que, d’une certaine façon, on pouvait dire que « favoriser la concorde, c’est laisser les choses aux puissants locaux » qui y consolident leurs clientèles et règlent les choses selon leurs moyens.

31Mais de manière remarquable, on peut constater que la vengeance directe est bien plus rare qu’on ne l’aurait cru, et plus présente au début qu’à la fin de la guerre. Suivons Burel, qui est loin des champs de bataille. Il note une grande violation des clauses d’oubli de 1567 lorsqu’on se venge de Jacques Guitard, un protestant local qui a essayé de prendre la ville en 1566 : malgré l’édit, l’émeute est générale et on le pend. Les protestants jouent à ce moment-là la carte de l’édit et se plaignent en justice. Mais leur plainte aboutit à ce qu’ils soient eux aussi pris à parti et pendus. Un an après, une autre sédition survient pour la même affaire. Et en 1568, on entend le nouvel édit comme un texte qui « remist et pardonna à tous les larrons et murtriers » (18, 19, 20). À partir de là, il n’y a pas de trace de vengeances après 1598. On peut néanmoins relever une exception en 1599, lors de la cérémonie où la ville célèbre l’arrivée d’un nouveau gouverneur provincial et de la noblesse réconciliée autour de lui : le duc de Ventadour fait son entrée au Puy avec à sa suite Chasteauneuf, cadet des Senajon :

Donc Mme de Sainct-Vidal sachant qu’il estoit en ceste ville, l’est venu adsortir à la rue des Farges en presence dudit sieur duc, l’appellant « Larron, murtrier ! qu’as thué M. de Sainct Vidal mon mary, poltronnement ! » Donc elle se volant jeter sur luy pour le faire mourir, mais lui s’en est allé et s’enfouyt. (473)

32S’ensuit une provocation en duel à trois contre trois ; Ventadour interdit le duel, fait partir Chateauneuf, que le peuple commençait à agresser. Cependant, le conflit des maisons Chaste et Polignac contre Saint-Vidal date de 1580, et que ce soit une dame qui crée l’incident renvoie aux faibles incontrôlables, mais aussi, dans l’esprit de Burel et des irrédentistes, à cette inversion qui rend les faibles si courageux quand l’ensemble d’une communauté semble s’incliner en oubliant les normes du bien et du mal.

33On s’en tient en général à des pratiques qui vont attiser les antagonismes et mener à une guerre d’usure, puis de procédure (application de l’édit et accumulation de griefs pour la suite), grâce aux insultes et gestuelles d’insultes suivies de procès. Depuis l’Édit de Janvier, il est expressément défendu de s’insulter, et même expressément interdit aux ministres des deux religions de se traiter de tous les noms. L’Estoile témoigne que les insultes directes en chaire ne cessent qu’après 1598, mais on en entend encore dans la rue. Les insultes et autres jets de boue au passage des huguenots qui reviennent d’Ablon ou Charenton font l’objet de poursuites du Lieutenant civil. Ce n’est pas le simple populaire qui en a l’usage, mais les institutions moyennes qui ne semblent pas concernées par les édits qu’elles devraient faire respecter. Ainsi, en 1598,

un nommé Cornillon, doyen des sergents de Paris fut mis en prison pour avoir appelé une pauvre revendeuse, qu’on nommait la grand Jacqueline « chienne de huguenote » et lui avoir dit en pleine rue, force injures, et la menaçant de la faire trainer à la rivière avec tous ceux et celles qui lui ressemblaient. Ce Cornillon était un des restes des massacreurs de la St Barthélemy, qui avait tué ce jour à Paris le bailli d’Orléans, et auquel, étant mort il avait donné tant de coups de pied par le ventre qu’il lui avait fait regorger le sang par le nez et par la bouche. Avait aussi assisté au massacre du président La Place, auquel on disait qu’il avait donné son coup, comme les autres. Ces vieux péchés ne lui furent point ramentus, parce que c’était péchés oubliés, mais si furent ceux de la Ligue, qui étaient encore tout frais, et symbolisaient fort avec les autres. (L’Estoile II, 539)

34Cornillon finit en prison. Plus « malicieu[ses] » que les insultes, les provocations indirectes s’attaquent symboliquement à la croyance d’autrui. Puisqu’on repère les huguenots à ce qu’ils chantent les psaumes, on les nargue en chantant La Vache à Colas, comme le raconte Merlin d’une histoire qui s’est produite sur la route d’Ablon, où « un bon vieillard » revenant du prêche remontre « avec douceur » à un archer « qu’il faisoit contre l’ordonnance du lieutenant civil de Paris, qui avoit défendu le chant de telles chansons de peur de sédition » (125).

35On peut alors identifier deux types de provocateurs. D’une part, partout et en général, les professionnels de la faiblesse passionnelle, apôtres de la surenchère. Les ruptures de contrôle s’effectuent pour beaucoup en contraste avec la judiciarisation possible des affaires. En 1563, « le peuple » réagit massivement contre les comportements légalistes, s’ameute devant le tribunal où les huguenots ont porté plainte (Haton, 1563, I, 439) et où, devant un président qui les hait, ils n’obtiendront pas justice : leur initiative, quoique légale, est perçue comme un scandale.

36Les enfants constituent un second élément de désordre particulièrement intéressant grâce à l’ambiguïté de leur jeune âge. Haton dépeint ainsi à Pâques 1566 le double passage des enfants aux adultes, de l’émeute à la procédure. Les huguenots perturbent une procession en chantant leurs psaumes :

Les enfans n’estans sages comme les hommes, ne purent porter en patience l’arrogance et injures d’iceux huguenots, contre lesquels se bandèrent à leur rendre injure pour injure, criant les uns après les autres […] Tous lesdits enfants, voyant ce, se ruèrent à coups de pierres et de boue après lesdits Huguenots auxquels ils donnèrent la chasse. (II, 16)

37Les huguenots portent plainte contre les pères des enfants ; un des pères porte le tout devant le parlement de Paris ; l’affaire s’enlise. Même escalade chez Burel quand, en 1601, les ministres huguenots se réinstallent : « Les enfans les cryoient comme loups ravissants ». Les commissaires de l’édit mettent alors quelques enfants en prison, rappelant que l’édit fait « inhibition et deffanses de ne les injurier ne crier, sus payne d’estre pandus et estranglés sans figure de procès, soict femmes ou enfans de huict ans en hault ». À l’action des commissaires succèdent alors les protestations familiales devant l’excès même de la menace, et tout finit à nouveau par s’enliser (480)… On trouve parfois une autorité qui ramène à l’ordre les petits désordonnés : quand les écoliers agressent des protestants qui reviennent d’Ablon, les collégiens sont semoncés et leur recteur encore plus ! Mais on a vu que, de manière générale, les pères n’essaient guère de contrôler leurs enfants. Si bien que les récits, selon le parti qui les rédige, hésitent entre un imaginaire de l’innocence justement indignée et un imaginaire de la culpabilité innée de cette mauvaise race. Toutefois, les anecdotes montrent que certains gestes et réflexes se perpétuent, ouvertement ou de manière déguisée. Enfin, comme révélateurs de l’agressivité résiduelle, les femmes ne valent pas mieux : à Angers, par exemple, elles se chargent de houspiller Chauveau, un prédicateur trop tiède pour une ville ligueuse de cœur (Louvet, 1854, II, 169).

38Les infractions à la « loi du silence » sont présentées comme des infractions à la maîtrise de soi, commises par des êtres fragiles. L’immédiateté des réactions épidermiques dénote une absence de sens critique ou de travail critique sur les situations et les informations. Contre ces réactions apparemment déraisonnées, le recours formel à la judiciarisation, que les édits ouvrent comme recours, est évidemment inapproprié et générateur de déplacements de conflits : les protestants qui utilisent les clauses des édits pour porter plainte au lieu de frapper manifestent leur légalisme, leur caractère rationnel et leur (relative) confiance dans la parole royale, et inversement leurs adversaires en concluent que les huguenots cherchent ce qui leur est avantageux, preuve que l’édit est bien fait pour les protestants. Cercle vicieux.

39Personne n’obéit totalement à la loi, ou on l’utilise pour ses capacités à nuire à l’adversaire. Haton, en 1564, décrit les pratiques défensives des uns et des autres, qui permettent d’user l’adversaire à coups de procédure, mais aussi d’attiser la guerre réelle. Les huguenots ont, grâce à l’édit, le droit d’avoir un lieu pour créer un prêche en ville ? La municipalité les expédie à la campagne. Le fermier, qui doit en principe loger le lieu de culte, ne veut pas. L’un des huguenots donne alors son terrain, mais le porcher voisin lâche ses porcs dans l’enclos, etc. (I, 490). Une autre méthode est celle de l’intimidation : puisqu’on doit, pour justifier la mise en place d’un lieu de culte, considérer qu’il y a suffisamment de fidèles, on met en place un recensement par lequel tout huguenot peut se déclarer, signer et attester la nécessité de la présence de ce lieu. Mais il se trouve que personne, par prudence, ne se déclare ; ergo, il n’y a pas de huguenots, donc pas de nécessité de créer un lieu de culte (I, 440, 493). Ainsi, les autorités de ville ont fait ce qu’elles devaient légalement faire tout en détournant les objectifs légaux. Burel montre que ce second cas se renouvelle chez lui en 1599, lorsque l’intimidation juridique passe par la pratique du recensement des pasteurs (480).

40Cet article a plutôt souligné que la judiciarisation est le fait des protestants (sans nul doute soulagés de passer des bûchers aux procès) pour les premières guerres. Mais la loi ne vaut que lorsqu’elle les arrange, eux aussi. La Rochelle, lieu d’exception, montre que ses sectaires ont bien le même comportement que leurs adversaires catholiques par rapport à la loi. Ils n’ont aucun désir de retour au statu quo ante proche ou lointain : ce sont les seuls à avoir l’impression que les quarante dernières années avaient permis un progrès, fût-ce au prix des guerres, et ils sont les seuls aussi à s’en sentir redevables envers le nouveau roi. Si le Journal de Merlin ne commente pas la conversion d’Henri IV, il développe en revanche la résistance religieuse, vécue en symétrie, lorsqu’en 1599 il est question de l’application de l’édit et donc du « rétablissement de la messe ». La municipalité pose des conditions sur l’exercice du culte d’autrui (processions, enterrements) :

Si tant est que de necessité il nous falloit recevoir le restablissement de la messe en ceste ville, nous y condescendissions, moyennant que ce fut en mesme forme qu’elle se chantoit dans Ste Marguerite en 1585 et que les processions fussent bornées à l’entour dudit lieu de Ste Marguerite, que l’hostie ne fut point promenée le jour du sacre, ni aussi portée en pontificat aux malades, que les papistes ne feroient point leurs agiots aux enterrements des morts, ni lorsqu’on défait les criminels par justice, que nous retiendrions nos cimetieres, et les paroisses, que s’ils vouloient enterrer leurs morts avec nous ils le pourroient, que nous ne fussions point obligés à garder les fêtes. (87)

41Puis elle se défausse de toute application, en toute obéissance formelle et résistance objective : elle fera ce que lui diront les commissaires, qui n’ont qu’à se débrouiller ; elle ne décide de rien, elle obéit. La plus grande force est la force d’inertie ! Cum commento : leur certitude est que les papistes vont obtenir ce qu’ils veulent. Les commissaires sont sentis comme favorables aux papistes, et en effet les commissaires soupçonnent que le conseil de ville empêchera les catholiques de recevoir ce qui a été prévu par les commissaires, d’où plainte, etc. Quand en 1606 apparaîtra un jésuite (Séguiran), le scandale sera à son comble, et son expulsion posera un problème qui remontera jusqu’au roi.

  • 12 O. Christin, La paix de religion. L’autonomisation de la raison politique, Paris, Éd. du Seuil, 19 (...)

42Le dévoiement que constate Olivier Christin a comme objectif de maintenir les protestants en état de moindre droit ou de fixer, avec l’exception rochelaise qu’on supprimera en 1628, une exception précisément à ce que les autres villes (où la proportion des religionnaires est plus faible) ont bien dû accepter12.

  • 13 Ibid., p. 150.

43Mais l’agitation vient encore des professionnels, des vrais provocateurs, des prêcheurs qui continuent à ne pas se taire et alimentent divers fantasmes de massacre, malgré une abondance de réactions du côté de l’ordre royal qui prend contre eux quelques initiatives. Louvet donne plusieurs exemples, et L’Estoile, en 1598, affirme que « tous les prédicateurs de ce temps n’étaient que contre les huguenots et leur édit » (I, 548). Le roi oblige la Sorbonne à reconnaître que c’est exactement l’édit de 1577, donc qu’il n’y a pas de privilège supplémentaire, « mais [ils] craignaient la réalité de l’exécution de celui-ci, au lieu que l’autre n’avait été qu’en papier ». On lit même que les plus excités remettent en vigueur une des pratiques du temps de la Ligue, les billets de confession qui authentifient les bons catholiques. Enfin, Belloy souligne que les prêcheurs séditieux sont punissables par les juges des lieux et qu’ils sont la cause originelle des guerres, ce qui fait refluer sur l’Église, en la justifiant ou en l’accusant, les risques d’explosion.13

44Enfin, quelques individus spécialement incontrôlables peuvent à eux seuls déclencher des combats de rue. D’une certaine façon, les cas surprennent même leur camp. Haton signale en 1563 un sacrilège qui se jette sur l’hostie et la piétine : c’est en fait un « athéiste », qu’on arrive à catéchiser in extremis (465). À Paris (L’Estoile, II, 27), en juin 1601, un homme ne se découvre pas devant le Saint-Sacrement, et les présidents Séguier et de Thou – qui étaient de la procession – freinent à temps le curé qui se précipitait violemment sur le provocateur. À La Rochelle, un bourgeois conseiller, M. Platet, absolument décidé à perturber la messe et la procession des Rameaux, est difficilement arrêté par les autorités. Le maire fait mettre un corps de garde devant chez lui pour le bloquer au passage mais il y a quand même du scandale… et les plaintes des catholiques en justice (Merlin, 107).

45Spécialement incontrôlables pour cause d’impunité, les trop grands comme Madame, sœur du Roi ou Monsieur de Bouillon, sont particulièrement observés, mais aussi objets de rumeurs. On dit que l’un et l’autre entreprennent de faire Cène et prédication en leur logis privé à l’intérieur de Paris et qu’ils ont rassemblé « 200 huguenots ». Certes, ils sont dans la loi (chez eux), dit-on, mais leur action est menaçante. Le problème est que Madame est au Louvre, que l’exagération s’empare du fait, et que faire tenir 200 personnes dans l’espace imparti semble bien difficile : si le cas ne déclenche pas de combat de rue, il alimente les rumeurs sur l’arrogance protestante, le double jeu du roi et les complots latents.

46Ces cas marginaux d’infraction sont nécessaires pour qu’on voie bien par contraste combien sont ambiguës (apaisantes et sournoises à terme) les obéissances qui se contentent de lutter par la force d’inertie, dont les arguties juridiques méticuleuses constituent l’un des ingrédients.

47Outre l’agression immotivée, certaines circonstances sont propices à l’émotion, et manifestent une absence de raisonnement sur ce qui constitue le cœur de la religion. Ici, seuls comptent les signes visibles, intolérables. Les signes extérieurs de croyance sont un facteur d’irritation ; c’est dire que se posent là toutes les nuances de la liberté de culte, voire simplement la liberté de non-culte-catholique. Si les protestants étaient invisibles ou tout semblables aux catholiques, à la rigueur… L’absence de conformité, à soi seule, est irritante. Il est significatif que Burel aille jusqu’à ne pas protester que l’édit permette « de vivre en liberté de conscience », mais il n’intègre pas à son raisonnement les clauses relatives à la liberté de culte. La querelle des signes est particulièrement forte dans les suites de la première guerre, qui fait apparaître le premier droit à une différence confessionnelle limitée. Haton les note soigneusement : les protestants chantent « les psaumes de Marot qu’ils disent estre les psaumes de David » (I, 439, II, 16). Ils mangent publiquement de la viande en carême « d’où proviennent par les villes de France grands scandales et séditions, jusques à s’entretuer les ungs les autres pour ce fait, de quoy se trouvoient bien empesché les gens de justice » ; il faudra donc un édit de plus pour réclamer de pratiquer « secrètement en leurs maisons » ; mais on voit très vite que les catholiques empiètent sur le domaine privé ou domestique : « ils furent trouvez et surpris par les catholiques rôtissant un agneau » ; d’où une plainte au bailli qui constate et ne fait rien, d’où une « grande rancune » dans la ville contre le bailli (II, 12), etc. Après 1570, ces indices se calment ; il faut croire, ou qu’on s’habitue, ou que les protestants se font discrets et se résignent à des lieux de culte limités ou mal commodes, et que l’iconoclasme n’est plus de saison. Le plus fortement blessant pour l’imaginaire collectif est constitué par les enterrements : parce qu’enfin on ne peut pas s’empêcher de mourir, et que l’obtention de cimetières séparés occupe les tractations judiciaires. En 1603, Burel raconte l’enterrement d’un enfant huguenot dans le lieu donné pour le cimetière protestant. Le prévôt et les consuls y assistent « pour empescher escandalle, ne pouvant empescher, si n’est avec grand payne, à cause du peuple, quy ne les offensast » (489).

  • 14 Voir l’article de J. Foa et P.-A. Mellet « Une “politique de l’oubliance” ? » dans ce volume, et J (...)
  • 15 Mise en évidence par Philippe Castagnetti dans « L’imaginaire religieux de la ville. L’évocation d (...)

48Si les signes extérieurs protestants ont tendance à s’amenuiser, le comportement des catholiques témoigne de l’inverse : se faire de plus en plus visible pour occuper l’œil, l’ouïe, l’espace urbain, et exercer la patience protestante : la paix est l’âge d’or des processions, partout, tout le temps. Burel en témoigne abondamment ; à Angers, le clergé local semble frénétique à ce propos, et l’évêque Miron a bien du mal à interposer son autorité. Empêcheur de processionner en rond, l’évêque supprime à tour de bras, réglemente les trajets et se fait détester de son clergé. L’implantation de croix14, les démonstrations des possédées, et jusqu’à la colonisation du calendrier liturgique15 peuvent prendre la relève.

49À supposer effacées les manifestations visibles, in petto, les occasions de garder la mémoire sont nombreuses et tenaces. De façon régulière, le lexique assure l’inscription dans le temps et dans la pratique courante de ce qui a blessé.

50On pourrait discerner des modes locales ou des lexiques temporaires. Ainsi l’exotisme de ce vocabulaire déjà désuet est noté chez Burel, « Ligueur que l’on disoit », « Politiques que l’on disoit » (474), en 1599. Outre l’utilisation diffamatoire des noms de parti que sont huguenot, ligueur, guisard et politique, des formules linguistiques et témoins de mémoire vaudraient la peine qu’on les date. Quelques exemples peuvent ici être relevés : l’apparition chez Haton d’un collectif « La Huguenotterie » en 1566 (II, 19) (on a huguenots dès 1560) ou « escolle de huguenotterie », alors que l’adjectif huguenotique apparaît dès 1562 (« Tragédie huguenotique », I, 314) ; la création chez Louvet d’un terme spécial et très passager pour les catholiques qui sont alliés aux protestants : les courbouzons (1554, II, 293) ou « faux catholiques » (281) qui « tyrannisent » les bons prédicateurs de 1594. Le vocabulaire de l’Estoile est aussi un bon exemple des lexicalisations polémiques. En 1603, un voleur blesse quelqu’un au ventre, « qu’on appelle aujourd’hui le coup du jacobin » (II, 101) ; d’autres disent « faire un coup de moine ». « Faire une Saint-Barthélemy » se dit très couramment. Traiter [une plaignante] « à la Ligue » veut dire « ne lui en [faire] peu ou point justice » (en 1594, I, 418). Et l’on n’évoquera pas ici les protestations et débats sur l’appellation de « religion prétendue réformée »…

51Au fil des nouvelles quotidiennes, la mémoire-bilan des oraisons funèbres qualifie les défunts en fonction de ce qu’ils ont fait, et ce, sans charité excessive, sauf s’ils ont bien voulu changer de parti : Burel commémore la « mort de Mme de Chastes « que longtemps nous avoict faict la guerre avec son mary et en l’annee 1599 et au mesme mois que le massacre fut faict, elle est morte avec grande repentance du mal que avoit faict contre cette ville » (1599, II, 178). L’Estoile, très attentif aux décès, est donc aussi le plus systématique : mort de Lemaistre, « des premiers de la Ligue », « serviteur [du roi], et bien récompensé de ses services derniers, car les premiers de la Ligue de laquelle il avait été des plus avant et des plus mauvais ne méritaient pas ceste récompense » (1601, II, 13) ; en 1602, Gondi, « dernier des conseillers d’État et auteurs de la journée de la St-Barthélemy » ; en 1604, un bourgeois d’Orléans, « qui a été des principaux massacreurs de la St-Barthélemy et s’était converti Protestant ». En 1610, la Sainte-Beuve, protectrice des « Ligueurs qu’elle avait souvent obligés et cachés entre sa chair et sa chemise », et pro-jésuite en plus (III, 134) ; le général Rollant, « homme d’esprit mais grand ligueur et factieux » (III, 165). Les commentaires sur la mort de Mme de Montpensier sont particulièrement acides.

52Pour L’Estoile, la Ligue reste le temps de l’anormalité, à quoi comparer tout malheur et toute anormalité. C’est du reste par un acte concerté qu’il conserve, range et complète sa collection de pièces du temps de la Ligue, organisée en mars 1610, qui contiennent une version complète des alliances et traîtrises ; il emprunte à Du Puy « un meschant livre ligueur », fait par le chanoine Morus, excité « tel qu’il est inscrit par son nom, mais ligueur zélé, hoc est violent et séditieux » (III, 62). L’Estoile, équanime en principe, a la mémoire ironique la plus longue, et un regard plutôt sévère sur les convertis. Les autres ont de la rancune (Louvet, détournée sur les intermédiaires comme l’évêque Miron) ou du contresens apaisant (Burel). À vrai dire, le fait même d’écrire participe de ce ressentiment qu’on n’extériorise pas, mais qui organise toute la vision du monde.

53Le creusement théorique des sources de ressentiment s’opère en dehors des mémorialistes, par la mise au point des histoires et des libelles renouvelés à chaque problème politique, comme par la controverse qui confessionnalise et creuse les écarts théologiques. Les mémorialistes, sur leurs notations parcellaires mais fort concertées (et réécrites après coup), témoignent de la pensée de groupe. La longue mémoire est bien culturelle, incrustée dans un for privé, associée à une conscience active de la politique. En ce sens, la mémoire la plus longue et la plus ciblée est celle de L’Estoile, dans un lieu proche du pouvoir : on sait les ralliements, et on n’a garde de les oublier. Il est toujours conscient d’une après-guerre longue qui permet d’évaluer ce que furent les gens. D’une certaine façon, il n’approuve ni la guerre ni la paix actuelle, sauf à dire qu’une mauvaise paix vaut mieux qu’une juste guerre (ce qui est alors un parti très hardi), mais les deux états lui apparaissent insoutenables aussi bien dans la morale que dans la pratique. Il me semble aussi que les traces de mémoire ont tendance à augmenter dans son texte, il est vrai en corrélat avec la mort du roi. Louvet, en revanche, témoigne le mieux du combat constant, d’une obstination de croyance qui tient bon, persiste et processionne, vingt ans durant, du combat permanent des gens du roi pour contraindre les récalcitrants, sans évaluation des durées !

54Tous sont dépossédés de l’idée de paix, et encore plus du projet de concorde civile – sauf L’Estoile – et aucun ne l’a souhaitée. Dans la mesure où les choses acquises seules prévalent, la défensive l’emporte, et tous retrouvent avec la paix les préjugés et opinions qui ont mené à la guerre, avec la frustration du temps perdu pour la cause perdue. Aucun ne souhaite un retour de la guerre, mais chacun porte le deuil de la victoire qu’il n’a pas eue, ou des résultats qui ne sont pas à la hauteur des victoires. L’idée d’une négociation, d’une concession, n’est jamais à l’ordre du jour. Pas plus qu’auparavant, l’ex-ennemi n’est supportable, encore moins agréable. En contradiction avec des faits évidents de coexistence, d’alliance, d’estime interconfessionnelle, la sensibilité globale ne s’est pas améliorée, comme si seules les acceptations individuelles et au cas par cas (« mais non je ne suis pas intolérant, j’ai même des amis protestants… ou des amis catholiques ») pouvaient servir de contrepartie au rejet collectif intact. Entre les agitations de la première paix et celles de la dernière paix de 1598, il y a pourtant quelques différences : les émotions populaires moins denses et la judiciarisation plus rare.

55L’affirmation de la volonté royale, qui finit par être opérationnelle, est sentie non pas comme une acceptation de la justice, mais comme celle d’une iniquité obligatoire. Chacun aimerait que le roi soit de son parti ; mais être du parti du roi, pire, être obéissant au roi, c’est remettre dans sa poche une opinion, tout juste libérée. Quant à l’idée qu’une loi s’applique à tous, pour le bien de la collectivité, elle n’est pas près d’arriver à leur conscience… Il n’y a même pas de processus judiciaire au sens de « jugement » sur les faits. Pas de réévaluation. Très peu de morale. Jamais de regret ou de remords d’avoir étripé ou pendu. « Meshuy, c’est fait », dirait Montaigne. De cette mémoire à sens unique, où il ne reste que le souvenir des intolérables différences des autres, où le rappel constant des iniquités commises est absent, une tolérance n’est pas même en état de poindre.

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Notes

1 Voir la série des textes sur le site <http://elec.enc.sorbonne.fr/editsdepacification> (consulté le 15 juin 2016).

2 Voir les réflexions de P. de Belloy, Conférence des Édits de pacification des troubles au royaume de France, Paris, Lhuillier et Mettayer, 1600, p. 63 : il considère que les deux remèdes sont, d’une part, la vengeance et punition (valable pour les tout débuts si on veut éteindre un conflit), d’autre part « l’oubliance et amnestie generale du passé » quand il n’y a plus d’autre remède, pour « divertir de toute occasion de troubles et de recherche trop exacte qui puisse apporter altération à l’estat public ». C’est un bienfait global, selon lui, de « ne pas vouloir savoir le mal […] Partant, François, nous devons embraser cette saincte et chrestienne loi d’oubliance, et bénir cet astre divin qui la nous ordonne : nous devons suivant le contenu en icelle, jetter dans un grand feu toutes et chacunes les mémoires, les lettres, tiltres et instructions qui pourroient nous représenter les injures et dommages que les uns ont fait aux autres durant les guerres civiles, qui ont esté parmi nous, d’autant qu’elles ne serviroient qu’à rallumer les injures, les haines, rancunes et différens, qui nous plongeroient en quelque nouvelle division ».

3 Voir M.-M. Fragonard, « Une mémoire individualisée. Éditions et rééditions des acteurs et témoins des guerres », La mémoire des guerres de religion : la concurrence des genres historiques, Genève, Droz, 2002, p. 29-66.

4 C. Haton, Mémoires, X. Le Person éd., Genève, Droz, t. I, 2000.

5 J. Louvet, Revue de l’Anjou et du Maine, 1884, livraisons I, 1 (1560-1571, p. 257-304), et II, 2 (1571-1587, p. 1-62), 3 (1587-1592, p. 126-192), 3 (mai 1592-juillet 1603, p. 257-320) ; Revue de l’Anjou, 1885, livraisons I, 4 (1605-mai 1614, p. 1-65), 5 (mai 1614-avril 1617, p. 129-192), 6 (avril 1617-janvier 1620, p. 257-320), et II, 7 (1620-août 1620, p. 1-64), 8 (août 1620-juillet 1621, p. 129-192), 9 (août 1621-septembre 1623, p. 257-320).

6 J. Burel, Mémoires de Jean Burel. Journal d’un bourgeois du Puy à l’époque des Guerres de religion, A. Chassaing éd., Le Puy, 1875 et édition revue par B. et P. Rivet, Saint-Vidal, Centre d’étude de la Vallée de la Borne, 1983. Nos pages renvoient au t. II, les années après 1590.

7 P. de L’Estoile, Journal pour le règne de Henri IV, A. Martin éd., Paris, Gallimard, 1956, 3 vol.

8 J. Merlin, « Diaire de Jacques Merlin ou Recueil des choses plus mémorables qui se sont passées en ceste ville », Ch. Dangibaud éd., Archives historiques de la Saintonge et de l’Aunis, 1878, n° 5.

9 Voir mon article sur « La Paix, un argument des Politiques », De Michel de L’Hospital à l’Édit de Nantes, Actes du Colloque de Clermont-Ferrand, juin 1998, Th. Wanegffelen éd., Clermont-Ferrand, Presses universitaires Blaise-Pascal, 2002, p. 419-438.

10 Corroboré par l’abbé Pierre Brulart dans son Journal : « 22 mars – Fut apporté un Edict à la cour de Parlement, par lequel le Roy approuvoit tout ce qui s’estoit fait par les huguenots et declaroit que c’estoit pour son service ; et par ce moyen toutes impietés, indignités et meschancetés sont approuvées ; et les bons et fideles serviteurs du Roy declarés infidèles ; et on força la Cour de passer ce bel Edict : ou autrement se rendoient au Roy les villes et lieux qu’ils détiennent. » Mémoires de Condé, Paris, Rollin, 1743, t. I, p. 125.

11 J. Foa et P. A. Mellet, « Une “politique de l’oubliance” ? Mémoires et oubli pendant les guerres de Religion », Conférence à la journée d’étude Historicité/Italie xve-xvie et Guerres de religion xvie-xviie, organisée à l’université Paris X-Nanterre par Ch. Biet et J.-L. Fournel, 11 janvier 2011, dans le cadre du programme ANR « Art et violence ».

12 O. Christin, La paix de religion. L’autonomisation de la raison politique, Paris, Éd. du Seuil, 1997, p. 63.

13 Ibid., p. 150.

14 Voir l’article de J. Foa et P.-A. Mellet « Une “politique de l’oubliance” ? » dans ce volume, et J. Foa, « Devenir huguenot pas à pas. La contribution de l’espace urbain à l’incorporation des identités confessionnelles au temps des guerres de religion », La religion vécue. Les laïcs dans l’Europe moderne, Laurence Croq et David Garrioch éd., Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2013, p. 45-66.

15 Mise en évidence par Philippe Castagnetti dans « L’imaginaire religieux de la ville. L’évocation des guerres de religion dans le bréviaire diocésain du Puy en Velay », Images et pratiques de la ville, xvie-xixe siècles, Saint-Étienne, Publications de l’université de Saint-Étienne, 2006, p. 65-102 ; le bréviaire garde trace de la commémoration des jours où Le Puy fut délivré des huguenots en 1561 et 1585, au titre des fêtes locales, jusqu’au xixe siècle (au moins).

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Pour citer cet article

Référence électronique

Marie-Madeleine Fragonard, « Symptômes du ressentiment chez quelques mémorialistes (1563-1598) »Astérion [En ligne], 15 | 2016, mis en ligne le 23 novembre 2016, consulté le 08 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/asterion/2817 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/asterion.2817

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Auteur

Marie-Madeleine Fragonard

Marie-Madeleine Fragonard, professeur émérite de la Sorbonne Nouvelle-Paris 3, est l’auteur de nombreux articles sur la littérature politique et religieuse des XVIe et XVIIe siècles et de travaux sur l’œuvre d’Agrippa d’Aubigné (La pensée religieuse d’Agrippa d’Aubigné et son expression, Paris, H. Champion, 2006 ; Correspondance à paraître aux éditions Garnier en 2016). D’où, avec J. Berchtold, les actes de deux colloques : La Mémoire des guerres de Religion : la concurrence des genres historiques (XVIe-XVIIIe), Genève, Droz, 2007, et La Mémoire des guerres de Religion II : enjeux religieux, enjeux politiques (1740-1830), Genève, Droz, 2009. Elle a participé avec Ch. Biet à l’édition du dossier « Théâtre, arts, violence » du no 73 (2010) de la revue Littératures classiques et à l’édition de Tragédies et récits de martyres, Paris, Classiques Garnier, 2012.

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