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L’éthique de l’historien spinoziste. Histoire et raison chez Spinoza

The Spinozistic historian’s ethics: history and reason in Spinoza
Thomas Hippler

Résumés

L’article part du constat paradoxal que Spinoza est présenté parfois comme le philosophe anhistorique par excellence, alors que son Traité théologico-politique est un authentique travail d’historien. Est alors développée l’hypothèse selon laquelle l’historiographie, telle que Spinoza la pratique, est une tâche d’éthique politique, analogue à celle que l’on trouve dans la première section de la cinquième partie de l’Éthique. Contrairement à ce que des commentateurs comme Vittorio Morfino ont soutenu à la suite d’Althusser, la connaissance historique ne relève pas du troisième genre de connaissance, mais du deuxième.

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Texte intégral

Première partie

  • 1  G. Boss, « L’histoire chez Spinoza et Leibniz », Studia Spinozana, 6, 1990, p. 179-200 ; (...)
  • 2  G. W. F. Hegel, Werke in zwanzig Bänden (Theorie-Werkausgabe), vol. XX : Vorlesungen übe (...)
  • 3  L. Strauss, Die Religionskritik Spinozas als Grundlage seiner Bibelwissenschaft. Untersu (...)

1Spinoza et l’histoire : bien que l’on trouve des contributions à ce thème dans bon nombre de travaux sur Spinoza, les études portant directement sur la question du rapport de Spinoza à l’histoire sont encore assez peu nombreuses1. Selon une interprétation classique, il serait de toute façon dépourvu de sens de vouloir s’interroger sur le rôle de l’histoire dans la pensée de Spinoza. Depuis Hegel2, mais aussi dans le sillage de Leo Strauss3, nombre de commentateurs ont considéré que le système philosophique de Spinoza excluait purement et simplement toute problématique historique. Ernst Cassirer a peut-être le plus clairement exprimé ce point de vue :

  • 4  E. Cassirer, L’idée de l’histoire. Les inédits de Yale et autres écrits d’exil, Paris, (...)

Dans la pensée philosophique de Spinoza lui-même et dans son système, nous ne trouvons aucune trace d’un intérêt historique. Si nous suivons les principes de son système, le simple concept d’une philosophie de l’histoire devient une contradiction dans les termes. L’Histoire suppose de regarder le monde du point de vue du temps et de l’évolution temporelle ; la philosophie suppose de considérer l’univers du point de vue de l’éternité, sub quadam æternitatis specie.4

  • 5  Par exemple Sartre, selon lequel la pensée de Foucault dans Les mots et les choses se (...)
  • 6  E. P. Thompson, « The poverty of theory, or an orrery of errors », The Poverty of Theory (...)
  • 7  Parlant de Hobbes, le soi-disant anti-historiciste Althusser regrette que « pour notre m (...)

2Cette interprétation oublie à l’évidence que Spinoza n’est pas uniquement l’auteur de l’Éthique, mais aussi du Traité théologico-politique, et que cet ouvrage emploie précisément la méthode historique. Nous voilà renvoyés au paradoxe d’un philosophe prétendument anti-historiciste qui travaille lui-même comme historien. Il y a d’autres exemples, plus récents dans l’histoire de la philosophie, du même paradoxe. Ainsi, le philosophe français de la seconde moitié du XXe siècle dont la manière de travailler s’approche le plus de la discipline historique, Michel Foucault, fut précisément accusé d’anhistoricisme, notamment en ce qui concerne les travaux de sa période « archéologique »5. Le même constat vaut pour Louis Althusser, à qui l’on reprocha également un mépris de l’histoire6, alors que tout l’effort de Lire le Capital fut de dégager les principes d’une « science de l’histoire » marxiste7.

  • 8  A. Matheron, Individu et communauté chez Spinoza, Paris, Minuit, 1969 et id., Le (...)

3Cette dernière référence n’est pas sans lien direct avec l’interprétation de la thématique historique chez Spinoza. La « découverte » de l’histoire chez Spinoza est avant tout due à l’influence de deux auteurs français des années 1960. D’un côté, Alexandre Matheron, dans deux grands ouvrages publiés en 1969 et en 1971, a dégagé des pistes de réflexion encore fécondes aujourd’hui8. Dans un autre registre, l’héritage d’Althusser fut tout aussi important. Contrairement à Matheron, Althusser n’a jamais publié d’ouvrage sur Spinoza et ses interprétations sont parfois contestables, mais il n’est pas exagéré de dire que son enseignement et la manière dont il a fait mobiliser Spinoza pour un renouveau de la théorie marxiste ont exercé une influence profonde sur les études spinozistes. Dans Lire le Capital de 1965, Althusser affirmait ainsi :

  • 9  L. Althusser, « Du “Capital” à la philosophie de Marx », Lire le Capital, Paris, PUF, 19 (...)

Que le premier qui ait jamais posé le problème du lire, et par voie de conséquence de l’écrire, Spinoza, ait été aussi le premier au monde à proposer à la fois une théorie de l’histoire et une philosophie de l’opacité de l’immédiat ; qu’en lui pour la première fois au monde un homme ait ainsi relié l’essence du lire et l’essence de l’histoire dans une théorie de la différence de l’imaginaire et du vrai, – nous fait entendre pourquoi c’est par une raison nécessaire que Marx n’ait pu devenir Marx qu’en fondant une théorie de l’histoire et une philosophie de la distinction historique entre l’idéologie et la science.9

  • 10  L. Althusser, L’avenir dure longtemps, suivi de Les Faits, nouvelle édition augmentée, O (...)

4Dans des papiers sur Spinoza, publiés après sa mort en appendice à son autobiographie L’avenir dure longtemps, Althusser affirme que l’histoire du peuple hébreu que nous donne le Traité théologico-politique est un exemple de connaissance de troisième genre, « c’est-à-dire de la connaissance d’un objet qui est un singulier (un individu historique : un peuple déterminé, sans précédent ni suite) et en même temps un universel. »10

  • 11  M. Halbwachs, Les cadres sociaux de la mémoire, Paris, Alcan, 1925 et La mémoi (...)
  • 12  « If there is such a thing as social memory […] we are likely to find it in co (...)

5Ce paradoxe apparent de philosophes « anti-historiques » qui ne cessent de parler de l’histoire (comme Althusser) ou qui travaillent eux-mêmes comme des historiens (comme Foucault ou Spinoza) renvoie évidemment à la question fondamentale de ce que l’on entend justement par « histoire ». Il semble au premier abord que l’on doive distinguer entre l’histoire comme objet (le passé et le devenir des formations sociales) et l’histoire comme connaissance. Or il apparaît immédiatement que l’histoire comme objet ne peut exister indépendamment de l’histoire comme connaissance : un passé dont ne resterait aucune trace, même inconsciente, n’existerait tout simplement pas pour nous et l’histoire ne commence qu’avec les traces du passé. Schématiquement, on peut donc distinguer trois acceptions du mot. Parlant d’histoire, on peut entendre une conscience du passé, donc quelque chose que l’on peut décrire comme une « mémoire collective ». Cette dernière est un champ de recherche très prisé de nos jours puisqu’il est devenu une vérité de sens commun que l’expérience du présent dans une société dépend étroitement des idées que l’on a du passé. Bien que le concept de « mémoire collective » n’ait été forgé par Maurice Halbwachs que dans les années 192011, on peut soutenir que Spinoza fut déjà capable de prendre en compte les phénomènes sociaux qui sont aujourd’hui décrits par ce concept. Depuis une vingtaine d’années, les recherches dans ce domaine tournent autour des concepts de performativité, d’habitude et d’automatismes corporels12. À l’exception du concept de performativité qui ne se trouve pas tel quel chez Spinoza, on voit bien que l’analyse du fonctionnement de la société hébraïque est basée précisément sur de tels mécanismes. L’histoire, en tant que mémoire collective, joue un rôle certain dans les analyses de Spinoza.

  • 13  Voir G. Noiriel, Sur la « crise » de l’histoire, Paris, Belin, 1996, p. 52.
  • 14  Sur l’institutionalisation de la discipline historique, voir U. Muhlack, Geschichtswisse (...)
  • 15  B. Kriegel est un des rares auteurs à nier l’apport décisif de Spinoza. Voir B. Barret-K (...)
  • 16  É. Balibar, Spinoza et la politique, Paris, PUF, 1985, p. 49.

6« Histoire » signifie encore une discipline académique avec ses règles épistémologiques propres et une prétention à la scientificité qui se définit essentiellement en termes anti-philosophiques. Ainsi s’explique le célèbre mot que Ranke a placé dans la préface à son Histoire des peuples latins et germaniques : plutôt que de se livrer à une haute spéculation philosophique sur le développement historique, la tâche de l’historien serait uniquement de relater wie es eigentlich gewesen, ce qui s’est vraiment passé. La pointe dirigée en 1824 contre l’un de ses célèbres collègues de la faculté de philosophie à l’université de Berlin n’est pas restée inaperçue13. Spinoza ne conçoit évidemment pas l’histoire en tant que discipline autonome, puisque la « discipline » en ce sens est une invention bien plus tardive14. Encore moins connaît-il une rivalité institutionnelle qui opposerait historiens et philosophes. Mais l’importance de Spinoza historien a été considérable : le Traité théologico-politique a été fondamental pour le développement et la diffusion de la méthode critique en histoire15. La deuxième acception du concept est ainsi tout aussi présente que la première : Spinoza est non seulement capable de prendre en compte l’impact de la mémoire collective sur le présent et le devenir d’une société, mais il distingue nettement deux sens de l’histoire : la mémoire collective qui relève entièrement de l’imaginaire social et l’histoire critique, telle qu’il la pratique lui-même dans le Traité théologico-politique. On a ainsi pu parler d’une « science historique » chez Spinoza ou de l’histoire au second degré16.

  • 17  Voir Voltaire, La philosophie de l’histoire, Paris-Genève, Slatkine, 1996 (tex (...)
  • 18  J. Taubes, Eschatologie occidentale, trad. R. Lellouche et M. Pennetier, Paris (...)
  • 19  A. Tosel, « Y a-t-il une philosophie du progrès historique chez Spinoza ? », a (...)
  • 20  A. Matheron, Individu et communauté…, ouvr. cité, p. 355-357, citation p. 357.

7Aux antipodes de cette histoire savante des historiens se trouve une troisième acception du mot « histoire », à savoir une certaine utilisation qu’en font les philosophes depuis que Voltaire inventa, en 1765, le concept de « philosophie de l’histoire »17. Clairement influencée par une théologie de l’histoire eschatologique, cette troisième conception de l’histoire met en avant le déploiement de l’esprit à travers le perfectionnement de l’esprit individuel par l’éducation ou à travers le développement historique de l’esprit collectif18. Comme André Tosel l’a démontré de manière convaincante, il n’y a pas de philosophie du progrès historique dans ce sens chez Spinoza19. Pour parvenir à cette conclusion, Tosel s’appuie sur les travaux d’Alexandre Matheron qui avait déjà dégagé deux « lois sociologiques » du développement historique chez Spinoza : celle de la régression des régimes politiques (de la démocratie vers l’aristocratie et finalement vers la monarchie), d’une part, et celle de la civilisation des mœurs, de l’autre. De la juxtaposition de ces deux lois « nous obtenons […], sinon une philosophie de l’Histoire au sens complet du terme, du moins une théorie cohérente de l’origine, de la croissance, du dépérissement et de la mort des principaux types de société politique que l’Histoire a pu connaître »20. Dans ce schéma, il est essentiel que Matheron détecte deux lois qui vont en sens opposé. La théorie spinozienne de l’histoire ne donne donc aucune garantie spéculative pour l’avenir d’une formation sociale.

8Résumons : il n’y a pas de « philosophie de l’histoire » chez Spinoza au sens d’une philosophie du progrès historique, puisqu’il n’y a pas de téléologie ni d’apocalyptique. En revanche, Spinoza ne nie absolument pas que l’imaginaire historique puisse jouer précisément le rôle de donner une garantie téléologique, entièrement imaginaire, pour l’avenir d’une formation sociale. L’histoire imaginée – ce que l’on désigne aujourd’hui par mémoire collective – est au contraire un facteur politique de première importance. Mais tout en reconnaissant cette importance, Spinoza ne produit pas uniquement une critique de cet imaginaire, il donne aussi l’exemple d’une histoire rationnelle, telle qu’il l’écrit lui-même dans le Traité théologico-politique. Dans les pages qui suivent, nous nous interrogerons sur le rapport entre les deux premières acceptions du mot « histoire », à savoir entre l’histoire imaginée, d’une part, et l’histoire rationnelle de l’autre. Dit autrement, notre problématique ne concerne que les modalités de la connaissance historique, et non pas les lois du devenir des formations sociales en tant que telles.

Deuxième partie

  • 21  Pour une analyse plus détaillé du fonctionnement de l’imaginaire historique chez Spinoza (...)

9Spinoza analyse la fonction de l’histoire imaginée essentiellement à travers l’exemple du peuple hébreu, mais rien n’interdit de penser que ces analyses puissent aussi être appliquées à d’autres cas. En effet, l’histoire imaginée se détermine essentiellement par deux couples de concepts qu’elle met en œuvre : l’origine et la fin, d’une part, l’élection et le peuple de l’autre21. Le concept de « peuple élu » peut évidemment prendre d’autres formes dans différents discours historiographiques : il ne semble pas abusif de penser que la place que l’État-nation occupe dans l’historiographie du XIXe siècle (peut-être celle de la démocratie libérale depuis la deuxième moitié du XXe) est analogue à celle du peuple élu dans la prophétie hébraïque. Le point de convergence entre ces différents dénominateurs est que l’histoire imaginée s’ordonne dans tous les cas comme une suite d’événements dans le temps qui mènent vers l’accomplissement d’une unité quasi naturelle. Et cette unité vers laquelle l’histoire progresse de manière téléologique n’est évidemment rien d’autre que ce qu’elle porte d’emblée en elle. Créé par Dieu, l’homme retournera à Dieu ou – façon sécularisée – l’histoire mène vers une société pleinement « humaine », c’est-à-dire pacifique, libérale, démocratique – ou tout autre attribut dont on aura bien voulu investir « l’homme ».

10Ce schème général n’exclut évidemment pas que l’histoire puisse aussi progresser dialectiquement par « extériorisations » dans le négatif et que l’esprit du monde puisse s’incarner dans des peuples ou des groupes différents. Ainsi, pour les auteurs catholiques, les Juifs, incapables de reconnaître le Christ, sont déchus du statut de peuple élu que leur accordait l’Ancien Testament ; pour les Protestants, en revanche, l’Église catholique est déchue de sa position d’incarnation du peuple chrétien au point de devenir l’antéchrist même. On pourrait multiplier les exemples. Mettant en scène une grande opposition qui serait le moteur du mouvement de la totalité, ces conceptions de l’histoire ne parviennent pas, en dernière analyse, à s’affranchir d’une vision « unitaire » du mouvement historique qui, au bout du compte, revient à faire fondre l’historicité dans un éternel instant où tout est déjà joué d’avance. Que le mouvement historique soit conceptualisé comme linéaire ou comme dialectique, la conception « centrique » et donc unitaire de la société va spontanément de pair avec une représentation téléologique de son avenir.

  • 22  Il y a, parallèlement au finalisme « dans l’espace » dont parle l’appendice, aussi un «  (...)
  • 23  Voir V. Morfino, La rencontre Spinoza-Machiavel, thèse de doctorat sous la direction de (...)

11La position de Spinoza à l’égard de cet imaginaire historique est double : d’une part, ces conceptions imaginaires sont rejetées comme contraires à la saine raison ; d’autre part, il n’y a rien d’étonnant pour Spinoza au fait que les hommes soient naturellement enclins à interpréter l’histoire en termes téléologiques. Percevant et raisonnant ex communi naturæ ordine (« selon l’ordre commun de la nature », Éthique, II, 28 corr.), nous avons tous une tendance spontanée à appliquer des schèmes finalistes à la réalité ainsi perçue. Spinoza développe ce point dans l’appendice à la première partie de l’Éthique et dans la Préface au Traité théologico-politique22. La mémoire collective enchaîne les idées (inadéquates) selon l’ordre propre de la mémoire que Spinoza explique dans le scolie à la proposition 18 de la seconde partie de l’Éthique. La mémoire est définie comme « rien d’autre qu’un certain enchaînement d’idées qui enveloppent la nature des choses qui sont à l’extérieur du Corps humain, enchaînement qui se fait dans l’Esprit suivant l’ordre et l’enchaînement des affections du Corps humain ». Le terme « enchaînement » (concatenatio) apparaît à six reprises dans ce scolie. Comme l’a montré Vittorio Morfino, Spinoza distingue entre deux termes : enchaînement et connexion, concatenatio et connexio23.

  • 24  Voir N. Israël, Spinoza. Le temps de la vigilance, Paris, Payot, 2001, p. 41-50.
  • 25  V. Morfino, « Temporalità e contingenza. Machiavelli e Spinoza o dell’infrazione dell’an (...)
  • 26  É. Balibar, Spinoza et la politique…, ouvr. cité, p. 49.

12Il y a d’un côté un enchaînement linéaire d’idées. La mémoire fonctionne selon cet ordre linéaire et elle constitue ainsi le temps en tant qu’« auxiliaire de l’imagination »24. Contrairement au temps, et donc à la mémoire et à l’imagination, la durée des choses ne s’inscrit pas dans une suite linéaire, mais elle découle de la connexion complexe, et donc multidirectionnelle, entre les choses. Le temps, constitué par l’imaginaire sur le modèle d’un enchaînement linéaire, se distingue de la durée qui, elle, ne relève pas de l’imagination mais d’une connexion complexe et non linéaire. L’enchaînement linéaire répond au modèle de la causalité transitive, tandis que la connexion correspond à ce que Morfino nomme, à la suite d’Althusser, causalité immanente, allant même jusqu’à parler de « causalité structurale »25. La connexion qui est l’ordre pour l’intellect se distingue de l’enchaînement qui est l’ordre de la mémoire. À partir de là, Morfino établit une corrélation entre ces deux ordres et deux manières différentes de concevoir l’histoire : mémoire collective (l’histoire imaginée) et connaissance adéquate d’un objet historique. Dans la mesure où Spinoza écrit lui-même l’histoire en s’appuyant sur les récits bibliques, qu’il qualifie lui-même d’imaginaires, on a pu dire que « la science historique doit être un récit au second degré »26. Le chapitre VII du Traité théologico-politique en énonce les règles, notamment en matière de critique philologique. Mais la contribution de Spinoza en matière d’histoire va au-delà du niveau de la critique philologique. Il développe, dans le Traité théologico-politique, une théorie de l’efficace politique de l’imagination qui se révélera cruciale pour comprendre le fonctionnement de l’imagination historique.

  • 27  Voir É. Balibar, « Spinoza, l’anti-Orwell. La crainte des masses », La crainte des masse (...)
  • 28  Seront indiqués, pour les citations du Traité théologico-politique (TTP), le c (...)
  • 29  A. Tosel, Spinoza ou le crépuscule de la servitude. Essai sur le Traité théologico-polit (...)
  • 30  P.-F. Moreau, Spinoza. L’expérience et l’éternité, Paris, PUF, 1994, en particulier (...)

13Comme l’explique le XXe chapitre de ce Traité, il y a une limite intrinsèque aux possibilités de répression, à la crainte et aux mesures coercitives puisque les hommes ne souffrent pas une répression absolue27. Il s’ensuit qu’une société basée de manière prédominante sur la crainte est intrinsèquement instable, tandis que les sociétés les mieux organisées fonctionnent aussi par une organisation sociale de l’espoir. Cela implique des mécanismes sociaux qui font en sorte que chaque citoyen associe, dans son imaginaire, son bonheur individuel au salut de l’État. Dit autrement, il faut que les citoyens aient un sentiment d’appartenance à l’État. Dans la République des Hébreux – l’étude de cas de Spinoza –, la religion assure précisément cette fonction : « Tel fut le but des cérémonies : que les hommes ne fassent rien par leur propre volonté, mais tout par le commandement d’autrui » (TTP, V, 12, 225)28. La sacralisation de la vie quotidienne par des cérémonies religieuses donne un supplément de sens à toutes les actions des citoyens29 : par tout ce qu’ils faisaient – manger, travailler, etc. – les Hébreux produisaient et reproduisaient un sens de leur appartenance à l’État30. Les parties les plus intéressantes de l’analyse spinozienne de la République des Hébreux analysent le fonctionnement de l’État en tant que structure imaginaire, capable de « modérer » (XVII, 16, 563), voire de « fléchir » (25, 572) les âmes des citoyens. Tenus par « la discipline la plus haute, celle de l’obéissance » à la loi en toutes circonstances (573), les Hébreux étaient attachés par un amour aveugle à leur État tandis qu’ils vouaient une haine implacable aux autres nations : « et ces deux sentiments, piété et haine envers les autres nations, étaient nourris et entretenus par un culte quotidien, si bien qu’ils durent se transformer en une seconde nature » (23, 569). Les signes corporels comme la natte des chinois et la circoncision des Hébreux (III, 12, 177-178) constituent d’autres exemples bien connus de mécanismes sociaux qui inscrivent l’appartenance à une communauté dans le corps et ainsi dans l’imaginaire.

  • 31  Il n’est donc pas exagéré d’affirmer que, malgré l’absence du concept de « performativit (...)
  • 32  De manière qui peut paraître contre-intuitive, Althusser compte le religieux, (...)

14Spinoza se démarque ainsi nettement de ceux qui conçoivent l’État uniquement comme un « appareil répressif » ; bien qu’il ne nie pas que l’État doive nécessairement être capable, si nécessaire, d’employer des mesures répressives, l’État est surtout conçu comme un « appareil idéologique ». Cette terminologie althussérienne est certainement anachronique, mais néanmoins tout à fait pertinente pour rendre compte du fonctionnement de l’État tel que Spinoza le décrit, notamment dans les chapitres V, XVII et XVIII du Traité théologico-politique31. La raison de cette convergence se trouve tout simplement dans le fait que la théorie des appareils idéologiques d’État d’Althusser est elle-même inspirée du Traité théologico-politique32. Le mot apparatus figure en effet en toutes lettres dans la préface au Traité théologico-politique (Prae, § 6, p. 60). En homogénéisant l’imaginaire de ses membres, l’État fonctionne comme un « appareil de consensus », capable d’assurer que les passions antisociales que chaque individu porte en soi ne mènent pas vers une destruction totale des institutions. Les appareils de consensus stabilisent une structure existante pour autant qu’ils assurent que les individus répètent fidèlement les mêmes actes en y attachant le même « sens ».

15Arrivé là, on se demandera en quoi cette analyse de l’organisation sociale de l’imaginaire nous aide à comprendre le rôle de l’histoire chez Spinoza. N’est-on pas en présence d’une anthropologie politique qui, bien que l’exemple choisi soit « historique », décrirait une structure transhistorique ? Un premier élément de réponse à cette objection se trouve dans le plan du Ve chapitre du Traité théologico-politique, consacré précisément aux cérémonies religieuses. Une première section traite « de la raison pour laquelle des cérémonies furent instituées » tandis qu’une seconde section examine la nécessité « de la foi aux récits historiques ». Traduit dans un langage structuraliste : la première section a pour objet la répétition synchronique tandis que la seconde section est consacrée au niveau diachronique. La constitution d’appareils sociaux qui façonnent et homogénéisent l’imaginaire des citoyens est elle-même inséparablement liée à la constitution d’une mémoire collective imaginée. La mémoire collective est présente dans la structure sociale même : autrement dit, le fonctionnement du synchronique dépend de l’efficace de l’imaginaire diachronique.

  • 33  L. Bove, La stratégie du conatus. Affirmation et résistance chez Spinoza, Pari (...)

16Comme Laurent Bove l’a montré de manière convaincante, la mémoire (diachronique) et l’habitude (synchronique) sont intimement liées et produisent spontanément un enchaînement d’affections qui donne lui-même lieu à la constitution d’un « monde » investi d’affectivité : « La Mémoire va permettre à la fois de désigner un objet au désir, ainsi qu’un but. L’association causale de l’affect vécu de joie et d’un objet extérieur (comme cause) nous fait entrer dans la problématique de l’Amour, c’est-à-dire dans une interprétation du Monde. »33 Et c’est précisément en ces termes que Spinoza décrit, dans le chapitre XVII du Traité théologico-politique, l’attachement des Hébreux à leur État. Les citoyens éprouvent à l’égard de l’État un amour (amor erga patriam, XVII, 23, 569) qui implique que leur sentiment d’appartenance civique structure effectivement toute leur vision du monde. Et cette vision du monde inclut nécessairement une imagination du passé qui insère le présent dans une trame historique imaginaire dans laquelle la structure sociale est investie d’un sens qui la dépasse.

17L’imaginaire synchronique et l’imaginaire diachronique sont donc doublement liés. D’une part, l’imaginaire synchronique (c’est-à-dire les appareils sociaux d’imagination qui reproduisent l’obéissance dans une société) ne peut fonctionner que sur la base des mécanismes de l’habitude et de la mémoire. L’imaginaire synchronique présuppose donc un enchaînement diachronique des affections. D’autre part, l’imaginaire diachronique (c’est-à-dire l’histoire imaginée ou la mémoire collective) confère un supplément de « sens » aux appareils imaginaires d’une société. L’histoire imaginée et les appareils imaginaires se renforcent mutuellement dans leur rôle de stabilisation d’une formation sociale. La raison en est que les deux mécanismes servent à réduire la probabilité d’écarts importants dans le comportement des individus. Dit autrement, les deux mécanismes servent à faire en sorte que les individus répètent le plus fidèlement possible certains schèmes de comportement social.

Troisième partie

18La conclusion semble s’imposer : l’histoire imaginée a pour fonction essentielle de stabiliser une formation sociale, pour autant qu’elle contribue à homogénéiser l’imaginaire de ses membres. Or si tel est le cas, comment expliquer l’étrange similitude entre la fonction de l’histoire imaginée et l’affirmation de Spinoza, à la fin du XVIIIe chapitre du Traité théologico-politique, selon laquelle « il faut nécessairement conserver la forme d’un État, quel qu’il soit » (TTP, XVIII, 10, 603) ? Doit-on conclure du parallèle entre ces deux énoncés que la fonction sociale de l’histoire imaginée est identique au but recherché par Spinoza en rédigeant le Traité théologico-politique, à savoir une stabilisation de l’État ? Or si la fonction de l’histoire imaginée était identique à celle de l’historiographie que Spinoza pratique lui-même, on comprendrait mal quelle serait la différence entre le statut des récits bibliques et le discours critique que Spinoza développe à l’égard de ces textes. On comprendrait mal que Spinoza ait employé son énergie à déconstruire l’imaginaire historique tel qu’il est véhiculé dans les récits bibliques, si c’était pour poursuivre le même objectif que ces récits. L’objectif politique assigné par Spinoza à sa méthode historique est-il bien la stabilisation de l’État ?

19Il semble convaincant de soutenir qu’en 1670, date de la publication du Traité théologico-politique, Spinoza intervient en politique précisément pour stabiliser la République des Provinces-Unies contre les tentations monarchiques et que c’est dans ce dessein qu’il déclare nécessaire de conserver la forme d’un État. Or quel serait alors le statut du discours historiographique de Spinoza lui-même ? Si Spinoza estime nécessaire de déconstruire la foi accordée aux récits historiques pour lui opposer sa propre méthode critique en histoire, ce serait parce que la République – à la différence d’un régime monarchique et théocratique – manque un ancrage idéologique dans une histoire imaginée. En poussant cet argument jusqu’au bout, on pourrait être tenté d’affirmer que le but de Spinoza, dans le Traité théologico-politique, serait de fournir une idéologie, sous la forme d’une histoire imaginée, à la République des Provinces-Unies.

20Cette interprétation manque à l’évidence un élément essentiel, à savoir le statut du discours historiographique de Spinoza. Il semble incontestable que Spinoza ne place pas les récits bibliques et son propre discours au même niveau épistémologique et l’on peut en conclure que l’histoire républicaine de Spinoza est caractérisée par un degré de rationalité plus élevé que l’histoire monarchique ou l’histoire théocratique. Dans la mesure où tout discours historique est toujours et nécessairement basé sur la documentation fragmentaire que l’on peut trouver dans les sources, il s’ensuit que l’histoire court toujours le risque de tomber dans la connaissance inadéquate qui consiste à extrapoler une vérité totale à partir de la vérité d’un fragment. Par conséquent, l’histoire rationnelle, telle que Spinoza la pratique, doit impérativement rester ouverte, voire lacunaire. Tandis que l’histoire imaginée tient un discours complet et clos à l’intérieur duquel, en théorie au moins, tous les événements dans la vie d’un peuple font partie d’un récit intelligible, l’histoire rationnelle tient un discours essentiellement critique. Or il est évident qu’un tel discours à finalité critique ne peut jouer le rôle de support idéologique à une formation sociale au même titre que les récits bibliques contribuaient à sacraliser la vie quotidienne dans la théocratie hébraïque. Il semble donc que l’hypothèse de départ doive être modifiée : la finalité du discours historiographique spinozien ne réside pas uniquement dans la stabilisation sociale et politique. Tout au contraire, on peut avancer l’hypothèse que l’historiographie spinozienne est aussi, et peut-être avant tout, un vecteur de changement historique. Tout comme l’histoire imaginée, l’histoire critique pratiquée par Spinoza imbrique le synchronique et le diachronique de façon complexe et dans les deux cas, il s’agit de s’interroger sur le rapport entre l’histoire (que ce soit sous la forme d’une histoire imaginée ou d’une histoire critique), d’une part, et la stabilité ou le changement de l’autre.

  • 34  F. Zourabichvili, Le conservatisme paradoxal de Spinoza. Enfance et royauté, Paris, (...)
  • 35  Ibid., p. 16.
  • 36  Ibid., p. 260-261.

21« L’étrangeté et la tension si caractéristiques du spinozisme apparaissent sous un jour particulièrement vif lorsqu’on soulève à son propos la question du changement » : avec ces mots, François Zourabichvili pose, dès la première phrase de son livre admirable, la problématique du Conservatisme paradoxal de Spinoza34. Il convient donc de confronter la problématique de l’histoire chez Spinoza telle que l’on vient de l’esquisser aux thèses fortes avancées par Zourabichvili. « Conservatisme » signifie que Spinoza préconise la stabilisation de la vie passionnelle contre les « fluctuations de l’âme » ; or ce conservatisme est « paradoxal » dans la mesure où la stabilisation est précisément censée préparer le terrain à une transformation éthique vers une plus grande activité, puissance et vertu. Transposant cette problématique éthique au niveau politique, Zourabichvili explique le célèbre passage du Traité théologico-politique selon lequel les révolutions échouent nécessairement (TTP, XVIII, 7, 599-601) par la persistance de l’« habitude-mémoire », donc par cette structure imaginaire collective qui, nous l’avons vu, implique nécessairement un aspect synchronique et un aspect diachronique. Pour un peuple habitué à la tyrannie, un tyran renversé sera ainsi aussitôt remplacé par un autre. Zourabichvili en conclut qu’une transformation sociale réussie suppose l’oubli, exactement comme, au niveau individuel, l’adulte a oublié avoir été bébé : d’où la question de savoir si l’on peut concevoir un équivalent à cet oubli, une sorte d’« amnésie collective formatrice », au niveau politique35. Et voici la réponse stupéfiante qu’il donne à la fin de son livre : « Nous tenons peut-être la formule théorique de cette amnésie collective positive […] : la guerre […] d’indépendance et de défense de cette indépendance […]. La liberté acquise au combat est à la fois indépendance nationale et expérience de la citoyenneté. »36 Le service militaire et la guerre pour la liberté réunissent donc pour Zourabichvili les conditions nécessaires d’une transformation réussie, c’est-à-dire d’une amnésie collective fondatrice.

  • 37  A. Negri, L’anomalie sauvage. Puissance et pouvoir chez Spinoza, trad. F. Math (...)
  • 38  « Une multitude révolutionnaire a beau aspirer à la liberté, elle y aspire comme l’ignor (...)

22Il est permis d’exprimer certaines réserves à l’égard de cette conclusion. Tout d’abord, l’interprétation de Zourabichvili n’est au fond concevable que sur fond de la lecture de la « seconde fondation », développée par Negri, selon laquelle il y aurait une rupture théorique entre le Traité théologico-politique et le Traité politique37. Or on trouve précisément dans le Traité théologico-politique des éléments qui vont à l’encontre de la thèse d’une libération amnésique par la guerre et le service militaire. Comme Zourabichvili le remarque lui-même, cette idée ne peut s’appliquer qu’au cas d’un « peuple-nouveau-né »38 et il n’est pas sûr que quelque chose de ce genre soit envisageable à l’intérieur de la pensée spinoziste : après tout, les effets de la servitude pesaient lourdement sur l’ingenium des Hébreux même après leur sortie d’Égypte (TTP, V, 10, 223). Dit autrement, l’expérience historique, par la fonction de l’« habitude-mémoire », continue à fonctionner, même dans le cas le plus proche possible de ce que la philosophie politique désigne comme « état de nature ». Ensuite, Zourabichvili base son interprétation sur le 20e paragraphe du chapitre VII du Traité politique, et donc sur un passage qui fait partie de la discussion de la monarchie. Or il n’est pas sûr que l’on puisse en tirer des conclusions qui vaillent pour tous les systèmes politiques indistinctement, surtout parce que tous les avantages sociaux que Spinoza détecte effectivement dans le service militaire (TTP, XVII, 18, 565) sont contrebalancés par un inconvénient majeur, à savoir le fait que la valeur intégrative du service militaire implique nécessairement la haine de l’étranger (TTP, XVII, 23, 569).

  • 39  Ibid., p. 140.

23Plus fondamentalement encore, il n’est pas sûr que la transformation, qu’elle soit éthique ou politique, doive nécessairement s’appuyer sur une amnésie. Les exemples de la sortie de l’état d’enfance ou celui du poète espagnol (Éthique, IV, 39 scolie) sur lesquels Zourabichvili fonde son interprétation, peuvent-ils être considérés comme la matrice même du devenir actif chez Spinoza ? Comme Zourabichvili le remarque lui-même, il y a deux passages différents dans le cheminement éthique humain : la sortie de l’état de bébé d’abord, le « devenir adulte, c’est-à-dire libre, sage, amoureux de Dieu au sens de la 5e partie de l’Éthique »39 ensuite. Seul le premier passage semble nécessiter l’oubli, tandis que le second procède par une sortie progressive de l’état de dépendance passionnelle par une réorganisation rationnelle des passions. Et c’est par analogie avec ce deuxième passage éthique que l’historiographie rationnelle de Spinoza peut opérer une réorganisation des passions du corps social. Il s’agira donc, pour conclure, d’avancer l’hypothèse que l’historiographie, telle que Spinoza la pratique dans le Traité théologico-politique, tient paradoxalement le rôle que Zourabichvili assigne à l’« amnésie » produite dans une guerre de libération.

Quatrième partie

  • 40  Voir P. Macherey, Introduction à l’Éthique de Spinoza. La cinquème partie : Les voies de (...)

24Qu’est-ce l’histoire rationnelle, sinon la déconstruction d’un ordre d’enchaînements imaginaires d’affections collectives du passé au profit d’une réorganisation de ces affections selon un ordre « allant dans le sens de l’intellect » (ad intellectum, Éthique, V, 10)40 ? C’est ainsi que les trois acceptions du mot « histoire » esquissées plus haut se trouvent assemblées sur un même plan continu : la possibilité du changement historique vers un plus grand degré de rationalité dépend moins d’une révolution réussie par une guerre de libération, que de la transformation sociale opérée, entre autres, par l’histoire rationnelle, transformation qui réorganise plus rationnellement notre mémoire collective, et donc notre être historique imaginaire. Plus précisément, l’histoire rationnelle déconstruit les enchaînements mémoriels selon la suite linéaire du temps en faveur d’une connexion plus complexe.

  • 41  « La connaissance du troisième genre est celle de l’histoire singulière d’un p (...)
  • 42  V. Morfino, « Temporalità e contingenza… », art. cité, p. 99. En réalité, la distinction (...)
  • 43  P. Macherey, Introduction à l’Éthique de Spinoza. La cinquème partie…, ouvr. c (...)

25Suivant Althusser, Vittorio Morfino définit l’histoire rationnelle – qu’il appelle histoire du second degré – comme une connaissance du troisième genre41. Pour résumer brièvement son interprétation, les affections peuvent s’agencer selon deux ordres différents : selon l’« enchaînement » (concatenatio) qui est l’ordre de la mémoire et donc de l’imagination et selon la « connexion » (connexio), qui, contrairement à l’enchaînement, est l’ordre de l’intellect. Selon Morfino, « chez Spinoza, l’ordre de l’intellect n’est jamais défini comme ordre par enchaînement, mais en tant que connaissance de la réalité à partir de Dieu, c’est-à-dire à partir du concept de causalité immanente, il lui réserve la définition d’un ordre par connexion. »42 L’idée d’agencer les affections selon un ordre ad intellectum s’inscrit très clairement dans la perspective générale propre à cette première moitié de la cinquième partie de l’Éthique. La dernière partie de l’Éthique est en effet clairement divisée en deux sections : une première qui va jusqu’à la proposition 20 et une seconde, de la proposition 21 jusqu’à la fin43. La première section envisage le projet éthique de libération « si l’on tient compte du temps » (selon l’expression de Éthique, V, 7), tandis que la seconde section envisage le problème sub specie aeternitatis et donc en dehors de toute référence au temps. Corrélativement, la première section de la cinquième partie explore la libération éthique par la voie d’une réorganisation rationnelle des passions et des imaginations. L’analogie entre la fonction d’une histoire rationnelle avec ce premier mode de libération éthique devient alors limpide.

26Plutôt que d’opposer de manière binaire l’imagination et la raison, Spinoza, dans cette première section de la cinquième partie de l’Éthique, introduit le concept d’une graduation interne à l’imagination. Dit autrement, la distinction entre imagination et raison comme différents genres de connaissance n’est certes pas abandonnée, mais les deux sont réinterprétées comme pôles à l’intérieur d’un continuum. La distinction principale n’est pas celle entre raison et imagination, ni même celle entre vérité et erreur, mais celle entre activité et passivité, dans le sens de degrés optimaux ou pessimaux de la puissance d’agir. L’éthique de l’imagination recommande ainsi d’imaginer plus activement afin d’augmenter la puissance d’agir (voir aussi Éthique, II, 17 scolie). Quelles conclusions faut-il en tirer concernant la question de l’histoire ? À la suite de conceptions développées par l’épistémologie historique, telles que la « coupure épistémologique » de Bachelard, Althusser et Morfino insistent sur la discontinuité entre les différents genres de connaissance et donc sur la différence radicale qui sépare l’histoire imaginée de la connaissance véritable de l’histoire. Or il semble plus prometteur d’explorer la voie d’une continuité entre les genres de connaissance et de mettre l’accent sur la transition éthique vers une rationalité plus grande. En tout cas, cette perspective est plus fidèle au geste philosophique de Spinoza. Plutôt que d’opposer de manière binaire la mémoire collective à la science historique, l’on doit insister sur les possibilités de réorganisation rationnelle de l’imaginaire historique. Se dessinent alors les contours plus modestes d’une histoire qui ne relèverait pas du troisième genre de connaissance, comme le voudraient Althusser et Morfino, mais qui consiste à mesurer des degrés de rationalité à l’intérieur de l’imaginaire historique.

  • 44  Voir Th. Hippler, « Another enlightenment. Spinoza’s politics of imagination and the ori (...)

27On peut ainsi soutenir que l’histoire rationnelle joue au niveau collectif un rôle comparable à celui de la libération si ratio temporis habeatur, telle que Spinoza la développe dans les vingt premières propositions de la 5e partie. L’histoire rationnelle, telle que Spinoza la pratique dans le Traité théologico-politique, aurait donc une fonction sociale précise : elle sert à réorganiser rationnellement les objets des passions du corps social. L’histoire rationnelle modère les affects collectifs en découplant les causes extérieures de leur investissement passionnel. À travers une connaissance claire et distincte de l’affect, celui-ci cesse d’être vécu comme une passion. L’histoire rationnelle sert donc à connaître et à « désobjectiver » les passions du corps social. Ceci implique que nous nous situons ici entre un degré minimal de puissance appelé « imagination » et un degré supérieur appelé « raison » ; autrement dit, il y a une distinction à l’intérieur de l’imaginaire social qui peut être plus ou moins puissant, c’est-à-dire plus ou moins actif ou, ce qui revient au même, plus ou moins raisonnable44. L’imagination historique peut donc passer d’une imagination « simple » à une imagination « plus distincte et plus vive » (distinctiùs & magis vividé, Éthique, V, 5 et 6 scolie). Et, par analogie à ce que les propositions 11 à 13 de la 5e partie expliquent s’agissant de la libération individuelle, ce degré plus élevé de distinction et de vivacité de l’imaginaire historique est clairement obtenu par complexification, puisque les affects qui se rapportent à une multiplicité de choses sont plus clairs, plus distincts et plus vifs, c’est-à-dire plus raisonnables. Nous tenons peut-être là une réponse à la question de savoir pourquoi Spinoza, en écrivant le Traité théologico-politique, est intervenu en politique en tant qu’historien. Il a cru nécessaire d’introduire un degré de rationalité plus élevé dans l’historiographie parce qu’écrire de l’histoire est une tâche éthique au sens spinoziste du terme. Et l’éthique de l’historiographie consiste précisément à rendre l’imagination historique plus distincte et plus vive, c’est-à-dire plus raisonnable et plus puissante. Une telle historiographie est capable de produire une causalité plus adéquate par laquelle une société peut s’auto-affecter avec plus de joie, de rationalité et de puissance.

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Notes

1  G. Boss, « L’histoire chez Spinoza et Leibniz », Studia Spinozana, 6, 1990, p. 179-200 ; id., « L’histoire de Hobbes à Spinoza », Hobbes eSpinoza. Scienza e politica, D. Bostrenghi éd., Naples, Bibliopolis, 1992, p. 457-495 ; Th. Hippler, « Spinoza et l’histoire », Studia Spinozana, 16, 2008, p. 155-176 ; id., « Spinoza on historical myths », Myth and Memory in the Construction of Community. Historical Patterns in Europe and Beyond, B. Stråth éd., Bruxelles, Presses interuniversitaires européennes - Peter Lang, 2000, p. 95-112 ; H. Laux, Imagination et religion chez Spinoza. La potentia dans l’histoire, Paris, Vrin, 1993 ; P. Macherey, « Spinoza, la fin de l’histoire et la ruse de la raison », Spinoza. Issues and Directions, E. Curley et P.-F. Moreau éd., Brill’s Studies in Intellectual History, 14, Leyde, New Yok, Copenhague, Cologne, 1990, p. 327-367, repris dans P. Macherey, Avec Spinoza. Études sur la doctrine et l’histoire du spinozisme, Paris, PUF, 1992, p. 111-140 ; A. Matheron, Le Christ et le salut des ignorants chez Spinoza, Paris, Aubier-Montaigne, 1971 ; P.-F. Moreau, « Fortune et théorie de l’histoire », Spinoza. Issues and Directions, ouvr. cité, p. 298-305 ; A. Tosel, « Y a-t-il une philosophie du progrès historique chez Spinoza ? », ibid., p. 306-326, repris sous le titre « Théorie de l’histoire ou philosophie du progrès historique chez Spinoza ? », id., Du matérialisme de Spinoza, Paris, Kimé, 1994, p. 79-103 ; id., « Histoire et éternité », ibid., p. 37-77 ; A. Stilianou, « Histoire et politique chez Spinoza », thèse de doctorat sous la direction de A. Matheron, Université Paris 1, janvier 1994 ; id., « Spinoza et l’histoire ancienne », Studia spinozana, 12, 1996, p. 121-137 ; S. Zac, « Durée et histoire », Philosophie, théologie, politique dans l’œuvre de Spinoza, Paris, Vrin, 1979, p. 177-189.

2  G. W. F. Hegel, Werke in zwanzig Bänden (Theorie-Werkausgabe), vol. XX : Vorlesungen über die Geschichte der Philosophie, III, Franfort-sur-le-Main, Suhrkamp, 1971, p. 166 ; trad. Leçons sur l’histoire de la philosophie, t. VI « La philosophie moderne », traduction, annotation, reconstitution du cours de 1825-1826 par P. Garniron, Paris, Vrin, 1985, p. 1456.

3  L. Strauss, Die Religionskritik Spinozas als Grundlage seiner Bibelwissenschaft. Untersuchungen zu Spinozas Theologisch-politischem Traktat, Gesammelte Schriften, I, H. Meier éd., Stuttgart-Weimar, Metzler, 1996, p. 316-317 ; trad. La critique de la religion chez Spinoza ou les fondements de la science spinoziste de la Bible. Recherches pour une étude du « Traité théologico-politique », Paris, Cerf, 1996, p. 311.

4  E. Cassirer, L’idée de l’histoire. Les inédits de Yale et autres écrits d’exil, Paris, Cerf, 1988, p. 118.

5  Par exemple Sartre, selon lequel la pensée de Foucault dans Les mots et les choses se caractériserait par un « refus de l’histoire ». « Jean-Paul Sartre répond », L’Arc, no 30, 1966, repris dans Les mots et les choses de Michel Foucault. Regards critiques 1966-1968, Caen, Presses universitaires de Caen, 2009, p. 75-76. Voir aussi, dans le même sens, H. L. Dreyfus et P. Rabinow, Michel Foucault. Un parcours philosophique au-delà de l’objectivité et de la subjectivité, trad. F. Durand-Gogaert, Paris, Gallimard, 1984, p. 143-144.

6  E. P. Thompson, « The poverty of theory, or an orrery of errors », The Poverty of Theory & Other Essays, Londres, Merlin Press, 1978 et H. Spiegel, Gramsci und Althusser. Eine Kritik der Althusserschen Rezeption von Gramscis Philosophie, Hambourg, Argument, 1997.

7  Parlant de Hobbes, le soi-disant anti-historiciste Althusser regrette que « pour notre malheur, lui, qui vécut dans d’histoire, [n’eût pas été] un historien (ce sont vocations qui ne se commandent pas) ». L. Althusser, « Le courant souterrain du matérialisme de la rencontre (1982) », Écrits philosophiques et politiques, I, Paris, Stock/IMEC, 1994, p. 570.

8  A. Matheron, Individu et communauté chez Spinoza, Paris, Minuit, 1969 et id., Le Christ…, ouvr. cité. Voir à ce sujet Y. Citton et F. Lordon, « Un devenir spinoziste des sciences sociales ? », Spinoza et les sciences sociales. De la puissance de la multitude à l’économie des affects, Y. Citton et F. Lordon éd., Paris, Amsterdam, 2008, p. 15-44, en particulier p. 26-27.

9  L. Althusser, « Du “Capital” à la philosophie de Marx », Lire le Capital, Paris, PUF, 1996, p. 8. Il est frappant que, parlant de Spinoza, Althusser revient très souvent sur l’apport de celui-ci pour une théorie de l’histoire. Ainsi il considère Machiavel comme « le plus grand philosophe matérialiste de l’histoire, à l’égal de Spinoza ». L. Althusser, « Machiavel et nous », Écrits philosophiques et politiques, t. II, Paris, Stock/IMEC, 1995, p. 161.

10  L. Althusser, L’avenir dure longtemps, suivi de Les Faits, nouvelle édition augmentée, O. Corpet et Y. Moulier Boutang éd., Paris, Stock/IMEC, 1994, p. 473.

11  M. Halbwachs, Les cadres sociaux de la mémoire, Paris, Alcan, 1925 et La mémoire collective, Paris, PUF, 1939.

12  « If there is such a thing as social memory […] we are likely to find it in commemorative ceremonies; but commemorative ceremonies prove to be commemorative only in so far as they are performative; performativity cannot be thought without a concept of habit; and habit cannot be thought without a notion of bodily automatism. » P. Connerton, How Societies Remember, Cambridge, Cambridge University Press, 1989, p. 4-5.

13  Voir G. Noiriel, Sur la « crise » de l’histoire, Paris, Belin, 1996, p. 52.

14  Sur l’institutionalisation de la discipline historique, voir U. Muhlack, Geschichtswissenschaft im Humanismus und in der Aufklärung. Die Vorgeschichte des Historismus, Munich, Beck, 1991. Sur le concept de discipline, voir le travail de R. Stichweh, Zur Entstehung des modernen Systems wissenschaftlicher Disziplinen. Physik in Deutschland, 1740-1890, Francfort-sur-le-Main, Suhrkamp, 1984, inspiré par la sociologie de N. Luhmann.

15  B. Kriegel est un des rares auteurs à nier l’apport décisif de Spinoza. Voir B. Barret-Kriegel, La défaite de l’érudition, t. II : Les historiens et la monarchie, Paris, PUF, 1988, p. 223.

16  É. Balibar, Spinoza et la politique, Paris, PUF, 1985, p. 49.

17  Voir Voltaire, La philosophie de l’histoire, Paris-Genève, Slatkine, 1996 (texte intégral d’après l’édition de 1765) ainsi que l’Avant-propos de 1771 de l’Essai sur l’histoire générale et sur les mœurs et l’esprit des nations. Voir aussi « Geschichtsphilosophie », Historisches Wörterbuch der Philosophie, J. Ritter éd., Bâle, 1974, vol. III, col. 417.

18  J. Taubes, Eschatologie occidentale, trad. R. Lellouche et M. Pennetier, Paris, Éclat, 2009.

19  A. Tosel, « Y a-t-il une philosophie du progrès historique chez Spinoza ? », art. cité.

20  A. Matheron, Individu et communauté…, ouvr. cité, p. 355-357, citation p. 357.

21  Pour une analyse plus détaillé du fonctionnement de l’imaginaire historique chez Spinoza, voir Th. Hippler, « Spinoza et l’histoire… », art. cité.

22  Il y a, parallèlement au finalisme « dans l’espace » dont parle l’appendice, aussi un « finalisme dans le temps » qui, lui, est thématisé en des termes de superstition et de fortune. Voir P.-F. Moreau, « Fortune et théorie de l’histoire… », art. cité.

23  Voir V. Morfino, La rencontre Spinoza-Machiavel, thèse de doctorat sous la direction de J.-M. Vincent, Université Paris 8, 1998 ; Il tempo e l’occasione. L’incontro Spinoza-Machiavelli, Milan, LED, 2002 (Le temps de la multitude, trad. N. Gailius, Paris, Amsterdam, 2010).

24  Voir N. Israël, Spinoza. Le temps de la vigilance, Paris, Payot, 2001, p. 41-50.

25  V. Morfino, « Temporalità e contingenza. Machiavelli e Spinoza o dell’infrazione dell’antinomia kantiana », Incursioni spinoziste, Milan, Mimesis, 2002, p. 85-100, citation p. 100.

26  É. Balibar, Spinoza et la politique…, ouvr. cité, p. 49.

27  Voir É. Balibar, « Spinoza, l’anti-Orwell. La crainte des masses », La crainte des masses. Philosophie et politique avant et après Marx, Paris, Galilée, 1997, p. 57-99.

28  Seront indiqués, pour les citations du Traité théologico-politique (TTP), le chapitre en chiffres romains, suivi du paragraphe et du numéro de page dans l’édition de P.-F. Moreau paru aux PUF en 1999. Pour les citations de l’Éthique : le titre, suivi du numéro de la partie en chiffres romains et de la proposition en chiffres arabes.

29  A. Tosel, Spinoza ou le crépuscule de la servitude. Essai sur le Traité théologico-politique, Paris, Aubier, 1984, p. 210.

30  P.-F. Moreau, Spinoza. L’expérience et l’éternité, Paris, PUF, 1994, en particulier p. 447-459.

31  Il n’est donc pas exagéré d’affirmer que, malgré l’absence du concept de « performativité », Spinoza décrit les mêmes mécanismes et les mêmes objets que les cultural studies contemporaines issues du « tournant interprétatif » de l’anthropologie.

32  De manière qui peut paraître contre-intuitive, Althusser compte le religieux, le scolaire, le familial, le culturel, etc., parmi les appareils idéologiques d’État, en expliquant que « peu importe si les institutions qui […] réalisent les appareils idéologiques d’État sont “publiques” ou “privées”. Ce qui importe c’est leur fonctionnement. Des institutions privées peuvent parfaitement “fonctionner” comme des appareils idéologiques d’État ». Louis Althusser, « Idéologie et appareils idéologiques d’État (Notes pour une recherche) », Positions (1964-1975), Paris, Éditions sociales, 1976, p. 67-125, citation p. 84. Il s’ensuit que les pratiques vestimentaires ou corporelles constituent des AIE au sens althussérien.

33  L. Bove, La stratégie du conatus. Affirmation et résistance chez Spinoza, Paris, Vrin, 1996, p. 41.

34  F. Zourabichvili, Le conservatisme paradoxal de Spinoza. Enfance et royauté, Paris, PUF, 2002, p. 3.

35  Ibid., p. 16.

36  Ibid., p. 260-261.

37  A. Negri, L’anomalie sauvage. Puissance et pouvoir chez Spinoza, trad. F. Matheron, (1982), Paris, Amsterdam, 2006.

38  « Une multitude révolutionnaire a beau aspirer à la liberté, elle y aspire comme l’ignorant qui se croit libre tout en ignorant les causes qui le déterminent : la multitude révolutionnaire ignore les causes de la tyrannie qui l’opprime, et sa vie reste soumise aux usages corrompus qui affermissent la tyrannie. Au contraire, une “multitude libre” est sans mémoire, comme un nouveau-né. » F. Zourabichvili, Le conservatisme paradoxal de Spinoza…, ouvr. cité, p. 18.

39  Ibid., p. 140.

40  Voir P. Macherey, Introduction à l’Éthique de Spinoza. La cinquème partie : Les voies de la libération, Paris, PUF, 1994, p. 79. Voir aussi les formulations de F. Zourabichvili, ouvr. cité, p. 158-159, qui vont dans le même sens.

41  « La connaissance du troisième genre est celle de l’histoire singulière d’un peuple dont Machiavel a fourni un exemple dans les Discorsi, exemple repris par Spinoza dans les chapitres XVII et XVIII du Traité théologico-politique. Dans les deux cas, c’est à partir d’une réélaboration d’un récit imaginaire (celui de Tite-Live et la Bible) effectuée à partir des notions communes qui régissent le corps social qu’est produite la connaissance adéquate de l’essence singulière d’un peuple. » V. Morfino, La rencontre Spinoza-Machiavel…, ouvr. cité, p. 417. Bien qu’il ne le formule pas dans ces termes, L. Bove semble aussi adhérer à cette vision des choses : « Dans le TTP, l’étude de l’État hébreu apparaît alors comme la connaissance d’une essence singulière. » L. Bove, ouvr. cité, p. 238.

42  V. Morfino, « Temporalità e contingenza… », art. cité, p. 99. En réalité, la distinction entre les termes de concatenatio et de connexio est moins rigoureuse que Morfino ne le laisse entendre dans ce passage. En particulier, la proposition 10 de la cinquième partie de l’Éthique assimile très clairement ce qui devrait être nettement séparé selon le modèle de Morfino : « Aussi longtemps que nous ne sommes pas en proie à des affects qui sont contraires à notre propre nature, aussi longtemps nous avons le pouvoir d’ordonner et d’enchaîner les affections du Corps suivant un ordre pour l’intellect » (concatenandi Corporis affectiones secundùm ordinem ad intellectum). Cette proposition semble donc clairement contredire l’interprétation de Morfino selon laquelle il y aurait incompatibilité entre un ordre par enchaînement et l’ordre pour l’intellect.

43  P. Macherey, Introduction à l’Éthique de Spinoza. La cinquème partie…, ouvr. cité, p. 40-42.

44  Voir Th. Hippler, « Another enlightenment. Spinoza’s politics of imagination and the origins of critical theory », The Politics of Imagination, Ch. Bottici et B. Challand éd., Londres, Routledge - Birkbeck Law Press, 2011.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Thomas Hippler, « L’éthique de l’historien spinoziste. Histoire et raison chez Spinoza »Astérion [En ligne], 10 | 2012, mis en ligne le 18 décembre 2012, consulté le 17 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/asterion/2307 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/asterion.2307

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Auteur

Thomas Hippler

Thomas Hippler a fait des études de philosophie, d’histoire et de musique à Berlin, Paris, Florence et Berkeley. Docteur en histoire et civilisation, il a enseigné à l’université d’Oxford. Il est actuellement maître de conférences à l’Institut d’études politiques de Lyon et membre du laboratoire Triangle (UMR 5206). Il est notamment l’auteur de Soldats et citoyens. Naissance du service militaire en France et en Prusse (Paris, PUF, 2006 ; Citizens, Soldiers, and National Armies. Military Service in France and Germany, 1789-1830, Londres, Routledge, 2008), d’un livre à paraître sur l’histoire des bombardements aériens et d’une série d’articles sur le rapport de Spinoza à l’histoire.

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