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Dossier

Le jeu des échelles. Le pouvoir et son inscription spatiale dans les cartographies et les descriptions du Saint-Empire et de ses territoires au XVIe siècle

Playing with geographical scales. The representation of the political power in the 16th century maps of the Holy Roman Empire and its territories
Axelle Chassagnette

Résumés

Au XVIe siècle, le Saint Empire romain de nation allemande constitue un ensemble politique complexe, caractérisé par un système à plusieurs niveaux de représentation politique et par l’existence de multiples États placés sous l’autorité impériale. L’étude des cartes et des descriptions géographiques de l’espace germanique produites à cette période met au jour la compréhension qu’avaient les contemporains des formes de souveraineté existant dans l’Empire et ses territoires. Elle montre notamment que le pouvoir impérial, à la différence des pouvoirs territoriaux, n’était pas conçu au premier chef comme une forme d’autorité s’exerçant sur un espace, mais comme une entité juridique et institutionnelle chargée d’assurer le fonctionnement politique et l’unité de l’Empire.

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Texte intégral

1Comment la souveraineté impériale s’inscrit-elle dans l’espace ? La question peut se poser avec d’autant plus d’acuité qu’un empire est traditionnellement défini comme l’exercice d’un pouvoir sur un ensemble d’États ou de territoires disparates. À l’époque moderne et jusqu’en 1806, le Saint-Empire romain de nation allemande (Heiliges Römisches Reich deutscher Nation) est le seul État européen qui porte ce titre d’empire. Héritier proclamé d’un empire romain christianisé, puis de l’empire carolingien adoubé par le pouvoir pontifical romain, le Saint-Empire affirme depuis le Moyen Âge, par la théorie de la translatio imperii, la continuité politique et juridique de la (re)création ottonienne avec l’imperium romanum antique. La sainteté est accolée au titre impérial au XIIe siècle, au temps des conflits avec le pouvoir pontifical. C’est à ce moment aussi qu’est développée la théorie des quatre empires, inspirée de la prophétie du livre biblique de Daniel (Daniel 7), selon laquelle la chute du dernier empire annoncerait la fin du monde. En s’identifiant à l’Empire romain, le Saint-Empire énonçait à la fois sa sacralité et sa nécessaire pérennité politique.

2On sait que le Saint-Empire occupe, dans le paysage politique et institutionnel de l’Europe de la Renaissance – et au-delà – une place tout à fait originale, que les juristes contemporains des États voisins ont d’ailleurs cherché à analyser jusqu’à l’époque des Lumières. Rappelons brièvement qu’il peut être décrit comme un composé, une coordination ainsi qu’une hiérarchisation des pouvoirs distincts que constituent le pouvoir impérial et les États impériaux, États princiers mais aussi villes libres d’Empire et parfois individus (les chevaliers d’Empire). L’ensemble est caractérisé par un système assez complexe de représentation et de souveraineté à degrés (diète impériale, Tribunal de la Chambre d’Empire, élection du « roi des Romains » mais sacrement de l’empereur, existence d’une « médiateté » et d’une immédiateté impériales, etc.) et par la variété des statuts de rattachement des territoires politiques à l’ensemble impérial, qui, au début de l’époque moderne, pose d’ailleurs encore le problème de la nature supranationale de cet assemblage.

  • 1  Pour une synthèse en français, voir J.-F. Noël, Le Saint-Empire, Paris, PUF, 2e éditio (...)
  • 2  Le concept de confessionnalisation (Konfessionalisierung) a été introduit puis dévelop (...)
  • 3  Sur ce sujet, l’historiographie française présente une vision plutôt catastrophiste de l’évo (...)

3Plusieurs évolutions modifient le fonctionnement de cet ensemble à la fin du Moyen Âge et au début de l’époque moderne. La première est la série des réformes administratives menées sous les règnes de Frédéric III, Maximilien Ier et Charles Quint. Il s’agit de la création des cercles d’Empire, du Tribunal de la Chambre impériale, de la paix perpétuelle, du denier commun ainsi que d’une modification de l’organisation de la Diète impériale1. Le but de ces réformes est de renforcer la fonctionnalité pacificatrice et juridique de l’Empire. La seconde évolution, de nature à la fois institutionnelle, politique, sociale et religieuse, est désignée dans son ensemble par les historiens par le terme de « confessionnalisation »2. Cette évolution, dont le terminus a quo est placé de manière conventionnelle à la date de 1555 (Paix d’Augsbourg), résulte de l’affirmation du principe cujus regio, ejus religio, suite au développement des idées de la Réforme dans l’espace germanique et à l’adoption de celles-ci par un certain nombre de princes et de villes de l’Empire : au sein d’un territoire, la confession d’un prince et de sujets est en principe la même, ce qui confère à ce dernier un pouvoir stratégique dans les domaines de la politique religieuse, de l’organisation ecclésiale et scolaire et de l’administration de l’État. Il s’agit donc d’un renforcement de la souveraineté des princes et des villes d’Empire détenant l’immédiateté impériale. Ces deux grandes tendances semblent donc se contredire en partie, l’une cherchant à renforcer l’intégration institutionnelle de l’Empire, l’autre étant susceptible de mettre en question son unité religieuse et politique3.

  • 4  Ce paradigme historiographique a notamment été reçu en France par l’intermédiaire des travau (...)
  • 5  Pour une mise au point sur ce sujet, voir l’introduction (p. 3-6) par É. François au numéro (...)
  • 6  K. Schlögel, Im Raume lesen wir die Zeit. Über Zivilisationsgeschichte und Geopolitik, Munic (...)
  • 7  Cette interprétation n’est pas réservée à l’histoire de l’espace germanique. Voir notamment (...)

4Dans cette perspective, les formes de représentation spatiale du pouvoir dans cet espace politique peuvent être considérées comme révélatrices de ses fonctionnements et dysfonctionnements. Soulignons d’autre part que cette interrogation est considérée comme relativement « naturelle » par les historiens français (mais également anglo-saxons), habitués à interroger la catégorie de l’espace dans l’étude du pouvoir. Un schéma historiographique fréquemment repris souligne, en ce sens, une territorialisation croissante de la conception juridique et de l’exercice du pouvoir en Europe entre le Moyen Âge et l’époque moderne : on passerait donc, pour résumer grossièrement ce paradigme historiographique, d’un mode de souveraineté exercé sur les personnes plutôt que sur l’espace à une incarnation et à une légitimation du pouvoir dans un espace clairement défini et approprié4. Cette approche est longtemps restée étrangère aux historiens allemands, méfiants à l’égard d’un concept souvent instrumentalisé par les courants politiques pangermanistes, irrédentistes et antirépublicains des débuts de la République de Weimar jusqu’au IIIe Reich5. Cependant, un spatial turn s’est fait jour dans les sciences humaines (et littéraires) allemandes depuis le début des années 20006. Ce courant encourage notamment le développement d’une étude de la pensée et des représentations spatiales des territoires et du pouvoir. Il s’incarne en particulier dans une histoire active de la cartographie allemande de l’époque moderne. Dans cette perspective, l’usage et la production croissants des cartes et des descriptions géographiques dans les milieux princiers sont fréquemment interprétés comme les signes de la construction d’un État moderne, dont le recours aux moyens d’inventaire statistique et de visualisation du territoire deviendrait une norme du fonctionnement administratif7.

  • 8  L. Gallois, Les géographes allemands de la Renaissance, Paris, E. Leroux, 1890 ; G. Strauss, (...)

5Si l’on peut mettre en doute le caractère systématique de cette interprétation pour l’époque de la première modernité, on admettra volontiers que la production croissante des cartes et des descriptions géographiques est manifeste en Europe à partir de la Renaissance, et que cette production trouve notamment ses usages dans les sphères administratives. Dans l’espace germanique, en particulier, les milieux lettrés montrent un intérêt précoce pour le savoir géographique. La nation allemande n’a guère pris part aux voyages de grandes découvertes. Ses savants, en revanche, ont activement contribué dès le XVe siècle à la réception et à la mise en forme des nouvelles connaissances géographiques, à la fois empiriques et théoriques. Cet intérêt, qui se poursuit pendant toute l’époque moderne, s’explique initialement par le renouveau des études mathématiques (notamment en astronomie) dès le xve siècle, ainsi que par la volonté des humanistes allemands, placés en concurrence avec leurs voisins italiens, d’établir de l’Allemagne un portrait moderne et plus flatteur que celui qu’en ont dressé les historiens de l’Antiquité8.

6L’étude des cartes et des descriptions géographiques de l’espace germanique produites au XVIe siècle révèle dans une certaine mesure la compréhension qu’avaient les contemporains des formes de souveraineté existant dans le Saint-Empire et dans ses territoires. Elle permet d’autre part de repérer les enjeux de la représentation spatiale et de la description géographique pour les pouvoirs et l’administration. Cette étude est menée en trois temps. Le premier s’interroge sur les fonctions et les usages de la cartographie repérables dans les sphères du pouvoir. Le deuxième et le troisième s’attachent plus directement à l’étude des documents, en considérant successivement deux échelles distinctes de représentation, les cartes et descriptions des territoires de l’Empire, puis celles de l’Empire dans son ensemble.

Les usages de la cartographie

  • 9  N. Broc, La géographie de la Renaissance, Paris, CTHS, 1986, p. 130.

7En ce domaine, les perspectives imposées par une vision souvent rétrospective des liens entre usages de la cartographie et modernisation du pouvoir pèsent assez lourd, comme je l’ai souligné précédemment. Il est certain que nombre de souverains européens de la Renaissance manifestent un goût prononcé pour les documents cartographiques, d’ailleurs souvent associés à des descriptions géographiques textuelles. Les exemples sont multiples. Citons la pratique de l’insertion de cartes dans les grands programmes iconographiques des palais princiers (Palazzo Vecchio des Médicis à Florence, galerie des cartes du Vatican, Palais de l’Escorial à Madrid), ou encore les demandes d’inventaires et descriptions géographiques des provinces commandées par les souverains. Dans le royaume de France, Catherine de Médicis charge ainsi le cosmographe royal, Nicolas de Nicolay, d’établir des descriptions de l’ensemble des provinces. Nicolay n’achève que trois descriptions, accompagnées de cartes : il s’agit de celle du Boulonnais (1558), du Berry (1566) et du Bourbonnais (1569)9. Des commandes de facture analogue se retrouvent dans d’autres États. La procédure est assez constante : un savant est chargé d’établir une description géographique complète du territoire, souvent muni de lettres officielles lui facilitant l’accès aux différents lieux ainsi qu’à l’information fournie par des enquêtes menées auprès des habitants. Ces commandes ne sont pas toujours honorées, en raison de l’ampleur et du coût de la tâche.

8Les souverains du XVIe siècle aiment les cartes ; les panégyriques et les miroirs des princes soulignent d’ailleurs fréquemment le goût du prince pour le savoir géographique. Il reste pourtant difficile, pour la période de la Renaissance, de connaître avec précision la fonction de ces documents, et surtout d’affirmer qu’ils ont été couramment utilisés dans la pratique administrative.

9Dans le Saint-Empire, c’est dans le cadre de la cartographie territoriale que se repèrent le mieux les usages et surtout les intentions des producteurs de cartes et de leurs usagers. Au XVIe siècle, cet usage semble demeurer assez ponctuel dans le cadre de l’exercice du pouvoir. La multiplication d’études de cas confirme en effet que les cartes et les descriptions géographiques ne sont pas, en général, des outils d’administration utilisés de manière systématique. Par ailleurs, usages et production varient considérablement selon l’intérêt que le prince (ou les autorités urbaines dans le cas des villes libres d’Empire) accorde à cet outil.

  • 10  B. T. Moran, « German prince-practitioners : aspects in the development of courtly science (...)

10Quelques princes allemands se distinguent comme des amateurs de géographie et de cartographie. Les premiers d’entre eux sont sans doute les princes électeurs de Saxe, à partir du règne d’Auguste Ier (règne de 1553 à 1586) puis de son successeur Christian Ier (règne de 1586 à 1591). Ces souverains ont à leur service, de manière continue, des arpenteurs et plus ponctuellement des cartographes « savants » enlevés à leurs travaux universitaires pour une entreprise cartographique précise. Les landgraves de Hesse (en particulier Wilhelm IV, qui règne de 1567 à 1592) ont également été d’actifs défenseurs des savoirs mathématiques, notamment de l’astronomie et de la géographie. Dans l’un et l’autre cas, la protection des sciences et de certains arts mécaniques fait partie de la politique de prestige princier10. La production cartographique et géographique portant sur les territoires de ces princes est régulière.

  • 11  P. Aufgebauer et al. éd., Johannes Mellinger Atlas des Fürstentums Lüneburg um 1600, Veröf (...)

11Dans la plupart des cas cependant, les travaux cartographiques et géographiques demeurent ponctuels, même s’ils peuvent s’étendre sur une période assez longue et constituer une campagne d’arpentage ou de description systématique d’un territoire ou d’une portion de celui-ci. À ces occasions sont souvent produits des recueils de cartes, fruits de nombreuses années de travail. Les difficultés matérielles, le temps et le coût de ces entreprises sont tels qu’elles ne sont pas répétées de manière régulière et demeurent souvent des documents de référence pendant plusieurs décennies. Johannes Mellinger (ca 1538-1603), médecin et lettré protestant au service du duc de Lunebourg-Celle, a ainsi produit vers 1600 un atlas des circonscriptions (Ämter) du duché, dont plusieurs copies (quatre au moins) ont été réalisées au XVIIe siècle11. Ce travail méticuleux, qui recense les principales richesses de chaque circonscription et en dessine les limites territoriales, pouvait donc rester longtemps valable et utile à l’administration.

12Il n’est pas toujours facile de déterminer précisément l’usage contextualisé de ces documents, faute de sources écrites témoignant directement de leur réception et de leur mise en œuvre. Les textes allemands ou européens qui évoquent l’utilité des cartes au XVIe siècle sont relativement nombreux (notamment dans les manuels scolaires et dans les éditions d’atlas), mais émanent d’auteurs savants, prompts à louer la « clarté » et la fonction explicative des cartes, en particulier dans le cas de la lecture et de l’interprétation des textes historiques. En revanche, les usagers des sphères princières et administratives sont en général peu diserts sur le sujet.

13L’étude des documents eux-mêmes fournit cependant certains indices. Il semble que les principales informations recherchées étaient la localisation des lieux et l’établissement des distances entre ces derniers (notamment dans le cadre de la préparation de voyages et d’itinéraires), ainsi que l’inventaire de certaines richesses (les forêts, auxquelles les princes accordent traditionnellement une attention particulière pour la chasse, ainsi que les ressources hydriques et minières). Les cartes, comme précédemment mentionné, sont aussi fréquemment des objets de prestige, décorés, enluminés, destinés à être affichés et à figurer un territoire princier ou urbain dans toute sa richesse et toute son étendue.

  • 12  Les cartes utilisées pour résoudre des litiges territoriaux apparaissent dans les archives (...)

14Il existe enfin des cas où l’on connaît très précisément l’usage qui est fait des cartes, lorsque ces dernières sont produites à l’occasion de litiges territoriaux et de procès, en particulier devant le Tribunal de la Chambre impériale, instance juridique suprême du Saint-Empire. Il s’agit alors le plus souvent d’un recours à la procédure dite de l’Augenschein (vision directe) et aux compétences d’un peintre assermenté, en principe étranger au territoire concerné. Le tribunal demande à ce dernier de représenter – dans une approche picturale qui associe fréquemment figuration en plan et figuration en perspective – une portion de territoire, en général très réduite. La reconnaissance visuelle de ce paysage permet aux parties en litige de s’accorder sur le parcours précis d’une limite, sur le partage des ressources, ou encore au magistrat de comprendre les enjeux précis du conflit. La carte peut également être établie à la demande d’une des parties, au moyen de l’observation directe et de l’interrogatoire des habitants du lieu12. Elle constitue en ce cas une des pièces importantes de l’argumentation.

Représentation et description des territoires de l’Empire

  • 13  En revanche, certains ouvrages comprenant des cartes, des vues de villes et des descriptio (...)

15Au XVIe siècle, les cartes et les descriptions textuelles des territoires du Saint-Empire sont fréquemment produites dans un contexte régional, à l’initiative de lettrés ou bien à la demande des princes et des conseils urbains. Ces productions sont relativement nombreuses, mais demeurent souvent isolées, dans la mesure où leur usage n’est pas systématisé. Il faut souligner par ailleurs que l’espace germanique ne dispose pas, avant la fin du XVIe siècle, de centre d’impression ou de diffusion spécialisé dans les documents géographiques, notamment dans la production de cartes gravées. Jusque vers les années 1570, période d’installation à Cologne des premiers ateliers de graveurs produisant de manière régulière des estampes à sujet géographique et favorisant le développement d’un goût et d’un public pour ces objets, la diffusion des cartes imprimées demeure donc assez étroite13.

  • 14  C’est notamment le cas dans les cartes produites au tournant du XVe siècle et dans la (...)

16Dans ces cartes régionales, la représentation graphique du pouvoir relève de différentes stratégies. Il faut dès l’abord préciser que ces documents ne figurent pas systématiquement un territoire politique spatialement délimité, mais plus souvent une région (désignée par le terme allemand Landschaft ou le terme latin regio) comprise comme un ensemble culturellement construit, dont la définition se fonde avant tout sur l’étude des migrations des peuples germaniques14.

17Quand le pouvoir est mentionné à la faveur de la représentation effective d’un territoire (donc bien d’une souveraineté associée à un espace défini), il est plutôt montré dans son incarnation historique, ou par l’évocation d’objets qui permettent de mettre en évidence sa continuité chronologique et son caractère héréditaire. Le plus souvent, on figure donc des blasons, qui sont les symboles des lignées politiques et des outils d’identification des individus au sein d’une famille, en même temps que des signes de la transmission continue du pouvoir (ce qui en fait d’ailleurs des instruments de légitimation de l’exercice de ce dernier).

  • 15  Pour une description bibliographique détaillée, voir R. W. Karrow, Mapmakers of the Sixtee (...)
  • 16  L’exemplaire des Bayerische Landtafeln conservé à la Bayerische Landesbibliothek d (...)

18La carte de Bavière conçue par Philipp Apian illustre cette forme de représentation du pouvoir. Philipp Apian (1531-1589) est le fils du mathématicien (impérial) et astronome Peter Apian. Il lui succède à la chaire de mathématique d’Ingolstadt avant d’être banni des territoires catholiques de l’Empire en raison de ses penchants pour la Réforme. Professeur à l’université luthérienne de Tübingen de 1569 à 1580, il est chargé par le duc Albert V de Bavière de réaliser une carte du duché. Après plusieurs années de travail, Apian achève en 1561 la version manuscrite de la carte. Celle-ci fait l’objet, en 1563, d’une première impression, puis en 1568 d’une version réduite également imprimée qui revêt le titre de Bayerische Landtafeln (tables régionales bavaroises)15. Sur cette série de cartes (qui peuvent être conservées en recueil ou assemblées pour constituer une carte murale) cohabitent les représentations symboliques du pouvoir des ducs (par la figuration du blason des ducs de Bavière) et de celui des seigneurs locaux16. Il s’agit bien, d’autre part, de localiser ces différents degrés de souveraineté en association avec une portion désignée de territoire, puisque les blasons sont placés sur la carte et pas seulement à ses marges, comme c’est le cas sur beaucoup de cartes régionales contemporaines. En revanche, l’extension exacte de ces souverainetés n’est pas donnée à voir, car les seigneuries ne sont pas distinguées les unes des autres par des limites linéaires précises.

  • 17  Voir par exemple l’étude consacrée à une carte du comté de Mansfeld : A. Chassagne (...)

19Il peut exister, dans des cartes contemporaines, d’autres modes de figuration de ce pouvoir dans sa dimension personnelle, familiale, héréditaire et mémorielle. Il peut s’agir de localisation de batailles, de monuments familiaux, d’attributs nobiliaires, etc. Des notations peuvent ainsi être portées directement sur la carte, au cœur de la figuration de l’espace et non pas aux marges décoratives du document cartographique. Il y a bien en ce cas (comme dans celui des tables bavaroises d’Apian) une association étroite entre l’historicité du pouvoir évoqué et son expression spatiale. Il s’agit donc d’une géographie du pouvoir figurée par la carte : la reconnaissance d’un territoire est possible, même si celui-ci n’est pas précisément délimité17.

  • 18  Sur ce point, voir l’argumentation très claire de B. Guenée, « Des limites féodale (...)

20La figuration des limites territoriales est un problème que l’histoire de la cartographie soulève bien volontiers. Il est quelquefois affirmé que la cartographie crée ces limites en les dessinant pour la première fois. C’est sans doute exact dans le cas des régions de frontière et de conquête récente (souvent désignées comme « marches »), peu ou pas habitées, où la délimitation des souverainetés n’était jusque-là pas apparue comme une urgence politique. Cela est peu probable dans les régions d’occupation dense ou ancienne, où la délimitation des compétences (en particulier juridiques) et des dépendances fiscales fait depuis longtemps l’objet d’une connaissance des habitants et d’une forme de cartographie mentale, quand bien même cette connaissance ne se traduit pas par un bornage au sol ou par une quelconque forme de représentation graphique. Dans ces cas, les limites peuvent être complexes, imbriquées, mais existent cependant18. En revanche, la mémoire précise d’une limite territoriale, le recensement graphique des frontières ne constituent pas nécessairement le souci majeur des princes avant les derniers siècles du Moyen Âge. La diffusion de l’outil cartographique à la Renaissance – et le fait même que les princes cherchent à l’acquérir ou à le faire produire – peut mettre en lumière un intérêt plus marqué pour la connaissance des territoires dans leur extension exacte.

21Dans la plupart des cartes régionales allemandes dessinées ou imprimées au xvie siècle (y compris dans les documents qui résultent d’un travail d’arpentage original et systématique), les frontières sont plus souvent présentées que les limites proprement dites, comprises comme une démarcation linéaire entre deux territoires. Les frontières peuvent être figurées au moyen de différentes stratégies graphiques. Il peut s’agir d’une densification des toponymes dans l’espace qui constitue l’objet central de la carte, de l’« arrêt » de l’espace représenté par les bordures mêmes de l’image matérielle, de la présence de noms de régions portés sur la carte, etc. Dans la plupart des cas, ces frontières correspondent à un espace caractérisé par son héritage culturel ou historique plutôt qu’à un territoire défini politiquement.

Illustration 1 — Carte de la région de Meissen, Hiob Magdeburg, 1561. Gravure sur bois

Illustration 1 — Carte de la région de Meissen,         Hiob Magdeburg, 1561. Gravure sur bois

(Sächssische Landesbibliothek - Staats und Universitätsbibliothek / Deutsche Fotothek, Dresde)

  • 19  Voir la biographie fournie par l’Allgemeine / Neue Deutsche Biographie, en ligne [http://w (...)

22Un exemple de ces stratégies graphiques est fourni par une carte de la région de Meissen (en Saxe), dont l’auteur est Hiob Magdeburg (1518-1595). Magdeburg est originaire de Saxe, où il exerce les fonctions de professeur ou de recteur d’école. Auteur d’œuvres poétiques, philologiques et théologiques, il est aussi dessinateur et fondeur. Il a réalisé plusieurs cartes19. La carte de Meissen, imprimée en 1561, fait apparaître un certain nombre de caractéristiques naturelles et humaines (zones boisées, réseau hydrographique, relief, villes et villages). Ce sont surtout les éléments naturels qui permettent au cartographe de distinguer la région de Meissen des régions voisines : il s’agit des monts métallifères qui la séparent de la Bohême, de la Saale (un affluent de l’Elbe) qui la sépare de la Saxe et de la Thuringe. Dans ce cas, l’espace décrit n’est pas désigné comme un territoire politique. Il existe par ailleurs de nombreuses cartes dont le titre présente une région comme territoire politique contemporain et clairement identifié, mais dont les limites ne sont pourtant pas clairement montrées.

  • 20  Voir la biographie fournie par l’Allgemeine / Neue Deutsche Biographie [http://www (...)
  • 21  Le manuscrit conservé à Stockholm a fait l’objet d’une édition qui comprend des reproducti (...)

23La figuration de délimitations linéaires sur les cartes de cette époque existe, mais elle est souvent ponctuelle et concerne les cartes manuscrites de grande ou très grande échelle. Ces cartes sont réalisées pour un besoin administratif précis et très souvent en raison d’un litige sur le partage de la souveraineté ou de la propriété. Ces conflits peuvent, comme on l’a vu précédemment, donner lieu à un procès, dans certains cas devant le Tribunal de la Chambre d’Empire. Un certain nombre de cartes manuscrites à grande échelle et figurant des limites précises ont par ailleurs été conservées dans les archives princières ou urbaines, hors des archives judiciaires proprement dites. C’est le cas d’un atlas manuscrit réalisé vers 1563-1564 par Tilemann Stella (1524/1525-1589). Stella est un des savants allemands du XVIe siècle les plus actifs dans le domaine de la cartographie. Luthérien, formé pour l’essentiel à l’université de Wittenberg, il a surtout travaillé comme ingénieur, cartographe (mais également bibliothécaire) pour le duc Johann Albrecht Ier de Mecklembourg20. L’atlas, conservé en plusieurs exemplaires manuscrits de formats variables, comprend plusieurs feuilles cartographiques figurant les deux circonscriptions de Zweibrücken et Kirckel21. Celles-ci dépendent du territoire du Palatinat-Zweibrücken mais sont en partie « exclavées », donc vraisemblablement soumises à de potentielles revendications ou contestations de limites. Ces dernières sont donc soigneusement portées sur la carte, résultat très probable d’un arpentage sur le terrain et d’une enquête auprès des habitants.

  • 22  Très peu d’études ont été consacrées à l’enluminure des cartes. Pour une approche (...)

24Le tracé linéaire de limites territoriales est donc possible, même s’il demeure assez rare sur les cartes du XVIe siècle. Ce travail revient quelquefois non au cartographe, mais à la profession des enlumineurs, dont le travail consistait à colorier la carte imprimée, le plus souvent à la demande de l’acquéreur ou du propriétaire de cette dernière. Dans ce cas, le tracé des frontières territoriales peut apparaître dans les versions colorées des cartes alors qu’il n’existe pas dans la simple version imprimée. Il peut par ailleurs varier d’un exemplaire enluminé à l’autre22.

La carte du Saint-Empire : un objet introuvable ?

25À quoi ressemblent les cartes qui représentent l’espace du Saint-Empire dans son ensemble ? Précisons qu’en matière de cartographie, les empereurs Habsbourg se conduisent au début de l’époque moderne comme les autres princes territoriaux de l’Empire et d’Europe : ils lisent, utilisent, font tracer et décrire « leurs » territoires. Il s’agit donc exclusivement des territoires héréditaires (l’Autriche, le Tyrol, la Carinthie, quelquefois la frontière austro-hongroise, soumise aux assauts des troupes ottomanes), ainsi que de l’Espagne et des Pays-Bas sous le règne de Charles Quint. À ma connaissance, il n’est à peu près jamais question de cartes ou de descriptions du Saint-Empire commanditées par un empereur.

  • 23  R. Karrow, Mapmakers…, ouvr. cité, p. 334-343.
  • 24  R. Karrow donne cependant une date plus tardive (1561). Voir R. Karrow, Mapmakers…, ouvr. (...)

26Wolfgang Lazius (1514-1565) est le cartographe le plus souvent sollicité par les souverains viennois dans la première moitié du XVIe siècle23. Médecin, il devient le gestionnaire des collections impériales et l’historien officiel de la dynastie. Il est l’auteur de plusieurs cartes qui ne comportent pas de délimitation territoriale linéaire mais figurent des blasons aux armes des Habsbourg. La carte du duché de Carinthie qui lui est attribuée a sans doute été imprimée pour la première fois à Vienne vers 155024.

27La représentation du blason de la famille Habsbourg est associée à celle des regalia impériaux, l’aigle bicéphale et la couronne. Dans une composition qui rappelle certaines mappemondes médiévales – et l’insertion de la figure du Christ dans la représentation du monde –, la double tête et les serres de l’aigle dépassent de part et d’autre du cartouche central, soulignant la prétention au pouvoir impérial et sa signification universelle, même s’il n’est montré ici qu’une partie des possessions personnelles de la dynastie régnante. Il existe une composition cartographique équivalente de Lazius, figurant la Basse-Autriche et imprimée en 1561.

28Serviteur direct des Habsbourg, Lazius est donc tout particulièrement attentif à mettre en lumière leur dignité impériale. La cartographie est ici un moyen visuel de faire figurer les attributs symboliques de la puissance impériale, mais celle-ci n’est pas associée à la représentation du territoire du Saint-Empire dans son ensemble. L’empereur ne s’autorise pas à faire recenser ou inventorier ses richesses, pas plus qu’à délimiter graphiquement ses limites. Cela demeure le privilège des souverainetés de premier degré, celle des princes territoriaux et des conseils des villes libres. Cela manifeste assez clairement que la souveraineté impériale, dans le cas du Saint-Empire, n’est pas comprise au premier chef comme l’exercice d’un pouvoir sur un espace : les empereurs sont avant tout les garants d’un ordre institutionnel, politique et religieux.

29Ni les empereurs ni les princes territoriaux ne sont donc a priori susceptibles, au XVIe siècle, de faire cartographier l’ensemble du territoire de l’Empire. Il existe pourtant des cartographies de ces espaces, dues pour l’essentiel aux milieux savants. À bien y regarder, au XVe siècle et encore largement dans la première moitié du XVIe siècle, les représentations cartographiques de l’Empire proprement dit sont quasi inexistantes. Les savants allemands cartographient ou font cartographier l’espace culturel et historique de l’Allemagne, également désignée comme Germania en latin. L’espace cartographié y est donc défini d’un point de vue parfois « naturel » (les limites sont identifiées à des cours d’eau ou à des reliefs), mais surtout dans une perspective historique, culturelle et linguistique caractéristique de l’humanisme allemand et que les historiens ont pu qualifier de « prénationale ». L’espace appréhendé n’est donc pas immédiatement identifiable à l’ensemble politique de l’Empire.

  • 25  Voir G. Strauss, Sixteenth Century’s Germany, ouvr. cité.
  • 26  J. Vadian, Epitome trium terrae partium, Zurich, 1534 ; Heinrich Bebel, Oratio ad (...)

30Les premières représentations et descriptions de l’Allemagne dans son ensemble sont surtout le fruit du travail des humanistes. Dans la lignée de Conrad Celtis, qui propose à la fin du XVe siècle un projet de Germania illustrata (une description textuelle et cartographique de l’Allemagne et de ses régions), de nombreux savants allemands se sont attelés à la description de cet espace et de ses parties25. Les titres de ces cartes et descriptions textuelles (elles sont le plus souvent associées) font allusion au Teutschland ou à la Germania, très rarement à l’Empire. Dans la première moitié du XVIe siècle, certains savants appellent cependant à l’unité chrétienne sous la bannière impériale dans des descriptions de l’Allemagne. C’est le cas de Joachim Vadian et de Heinrich Bebel, l’un et l’autre porteurs du titre de poeta laureatus décerné par Maximilien Ier, mais aussi de Jakob Wimpheling et de Johannes Stöffler26. L’argument le plus souvent mis en exergue par ces lettrés est la nécessité de maintenir une unité chrétienne face à la menace ottomane. Contre toute attente, cet argument apparaît encore dans la seconde moitié du XVIe siècle, alors que la division confessionnelle s’est installée dans le Saint-Empire et a dans une certaine mesure été admise d’un point de vue juridique et institutionnel avec la Paix d’Augsbourg (1555).

31Il existe un projet de description de l’Allemagne dans son ensemble, entrepris à l’initiative de Tilemann Stella (figure de la cartographie allemande précédemment évoquée) mais développé en accord avec l’empereur. Ce projet est singulier par son ampleur et son caractère systématique. À la fin de ses études à l’université de Wittenberg, Stella élabore avec Philipp Melanchthon (collaborateur de Luther et principal réformateur des universités et des écoles luthériennes) une sorte de programme cartographique, qui comprend notamment une carte de l’Allemagne. Stella réalise et fait imprimer cette dernière en 1560. Ce document paraît sans doute insuffisant au cartographe, puisque différentes sources témoignent du développement d’un projet plus vaste de description (à la fois textuelle et cartographique) de l’Allemagne.

  • 27  P. H. Meurer, Corpus der älteren Germania-Karten. Ein annotierter Katalog der gedruckten G (...)

32La première de ces sources est un privilège impérial daté du 25 août 1560 et accordé par Ferdinand Ier, qui fait état des différents projets en cours de Stella dans le domaine de la géographie, et déclare les protéger de la copie et de la contrefaçon pour une durée de 25 ans27. Un de ces projets est une description complète de l’Allemagne. La demande de privilège est réitérée en 1569 auprès de Maximilien II, à la demande du duc de Mecklembourg, protecteur de Stella.

  • 28  T. Stella, Methodus quae in chorographica et historica totius Germaniae Descriptio (...)

33Celui-ci n’a jamais achevé ce projet, bien qu’il ait rassemblé de nombreux matériaux à la faveur de voyages et de diverses entreprises cartographiques menées pour le duc de Mecklembourg ou pour d’autres princes protestants de l’Empire. En 1566, Stella a cependant publié un ouvrage, la Methodus, qui nous renseigne sur ce qu’aurait dû être le contenu de cette vaste description28. Celle-ci devait s’appuyer avant tout sur la représentation graphique : le cartographe souhaitait construire une carte générale de l’Allemagne, accompagnée de cartes dites particulières (régionales). Toutes, autant que possibles, doivent être fondées sur le calcul et la localisation des lieux au moyen de coordonnées géographiques et par la représentation ad vivum, c’est-à-dire d’après l’autopsie. Stella mentionne des critères de clarté et de lisibilité, la nécessité de fournir au lecteur un certain nombre d’indications techniques et scientifiques. Il énumère également les limites de la carte à venir, qui sont donc également celles qu’il attribue à l’espace de la Germania. De manière assez originale, Stella utilise des villes – et non des frontières naturelles – pour définir ces limites : Königsberg en Prusse, Vienne en Autriche, Venise et Trieste, etc. Ces villes touchent aux confins de l’Empire plus que de l’espace germanique proprement dit. Les ensembles et les ressources naturels (montagnes, forêts, fleuves, thermes et mines métallifères) doivent être dessinés. Villes, villes fortifiées, châteaux, monastères et villages doivent être portés sur la carte et clairement identifiables par les symboles utilisés. Plus intéressant, Stella précise que les villes d’Empire, les comtés et les évêchés doivent être distingués par un signe particulier. Il insiste enfin sur l’importance de la délimitation graphique des territoires et sur leur différenciation politique. Il faut donc souligner la rareté et l’originalité de l’effort qui consiste à vouloir cartographier aussi précisément que possible les limites territoriales de l’Empire et faire apparaître la structure politique de ce dernier.

34Stella précise par ailleurs que la description textuelle qui doit accompagner les cartes a pour fonction de faire connaître ce que ces dernières ne peuvent faire apparaître, notamment les principes juridiques régissant les territoires décrits, l’histoire des appropriations et des constitutions des territoires, l’inventaire des parties de ces territoires. L’ambition du savant ne se limite donc pas à décrire l’espace historique de la Germania, elle englobe également l’ensemble politique du Saint-Empire. L’ampleur du dessein explique sans doute en partie que le projet n’ait pu aboutir : il n’aurait que très difficilement pu être mené à bien par une seule personne, par ailleurs occupée à d’autres travaux.

  • 29  Dans l’espace germanique, cette spécialisation intervient dans le dernier tiers du XVIe si (...)

35L’analyse des cartes de l’espace germanique produites au XVIe siècle montre que la mention de l’ensemble institutionnel de l’Empire associée à la représentation ou à la description de la Germania devient plus fréquente au cours des années, signe que l’ère de la confessionnalisation ne se traduit pas par l’affaiblissement immédiat des structures et de la signification symbolique de l’Empire. Dans les dernières décennies du XVIe siècle, certaines cartes en viennent à ne plus représenter seulement la Germania, mais également certains aspects de l’organisation institutionnelle du Saint-Empire. Il s’agit le plus souvent de cartes imprimées, réalisées quelquefois à l’initiative de savants mais en majorité par des graveurs ou des imprimeurs spécialisés dans le commerce de l’estampe (notamment géographique)29. La question demeure cependant de savoir dans quelle mesure il est réellement possible de parler, à propos de ces documents, d’une « cartographie du Saint-Empire ». En effet, la plupart de ces cartes portent le titre de Germania ou de Teutschland. Néanmoins, différentes stratégies graphiques permettent de lui associer l’Empire.

Illustration 2 — Gloriae Germaniae typus exhibens, Peter Overadt et Matthias Quad, 1600. Gravure sur cuivre

Illustration 2 — Gloriae         Germaniae typus exhibens, Peter Overadt et Matthias Quad, 1600.         Gravure sur cuivre

(Bnf, département des Cartes et Plans, Ge D10898)

36Je n’évoquerai ici qu’un seul exemple, celui d’une carte magistrale de l’Allemagne, imprimée en 1600 à Cologne par le graveur protestant Matthias Quad et l’imprimeur-libraire catholique Peter Overadt. L’association de ces deux spécialistes de la cartographie imprimée relève d’une pratique alors courante dans les grands centres allemands (et néerlandais) d’impression, qui voient s’établir une collaboration fructueuse entre professionnels de différentes confessions. Dans la plupart des cas, ces imprimeurs et graveurs visent un public assez large, non confessionnalisé, et cherchent donc à produire des représentations « pacifiées » de l’espace germanique, dans lesquelles le pouvoir impérial apparaît comme le garant incontesté d’une unité religieuse et politique.

  • 30  Gloriae germaniae Typus exhibens. Duodecim avitorum Germaniae principum icones imp (...)

37La carte de 1600 est un grand format (64 x 112 cm), imprimé sur trois feuilles. Le titre la présente comme une représentation de l’Allemagne mais évoque parallèlement la structure politique de l’Empire30. L’iconographie y occupe au moins autant de place que la représentation cartographique proprement dite. Cette dernière a été gravée par Matthias Quad, alors que le cadre ornemental est l’œuvre d’Elias van de Bossche, un graveur flamand installé à Cologne. Peter Overadt tient ici le rôle de l’éditeur et de l’imprimeur de la carte (ce qui signifie qu’il met à disposition la presse rotative ainsi que la somme d’argent nécessaires à l’impression). Le document a été gravé et édité à l’occasion de l’accession au pouvoir de l’archevêque et électeur de Trêves, Lothar von Metternich (règne de 1599 à 1623), qui est aussi le dédicataire de l’œuvre.

38Le contenu cartographique de cette dernière n’est pas très original : il s’inspire directement d’une carte d’Allemagne d’Hendrik Floris van Langren, qui s’est lui-même servi du modèle de la carte de Germania (1585) de Gerard Mercator. Les efforts des auteurs ont donc surtout porté sur l’ensemble des éléments qui entourent la carte, véritable programme iconographique. Le cadre ornemental représente un grand nombre de princes de l’Empire selon une organisation spatiale assez complexe. Le portrait en médaillon de l’empereur Rodolphe II occupe le centre du cadre, en bas de la carte. Lui font pendant, en haut du cadre, les armes de l’empereur (notamment l’aigle bicéphale). De part et d’autre de ces armes sont représentées les victoires contre les Romains des tribus germaniques antiques menées par Arioviste et Arminius. Les armoiries impériales complètes (figurant couronne impériale, regalia et devise) se trouvent dans le coin inférieur gauche de la carte. Dans le cadre de gauche se trouvent le cartouche de dédicace, les portraits personnalisés des sept électeurs et ceux des anciens empereurs depuis Charlemagne. Le cadre de droite figure les armes des électeurs en écho à leur portrait et la suite de la série des portraits d’empereurs, jusqu’à Ferdinand II. Le bandeau supérieur représente les portraits des douze ancêtres glorieux de l’Allemagne (parmi lesquels Charlemagne). Le bandeau inférieur comprend 89 blasons des principaux territoires et autorités de l’Empire (les États impériaux), classés hiérarchiquement en duchés, landgraviats, villes libres, etc.

39L’ensemble, qui est une illustration claire de la structure hiérarchique de l’Empire, est neutre du point de vue confessionnel, mais souligne avec emphase l’importance de son organisation juridique : les séries des portraits des électeurs et de leurs armes, placées en colonnes de part et d’autre de la figuration cartographique de la Germania, en font architecturalement et métaphoriquement les piliers de l’Empire. Le choix de cette représentation s’explique d’autant mieux que la carte est dédiée à l’un d’entre eux, l’archevêque de Trêves. La carte manifeste par ailleurs le désir d’associer à la représentation de l’espace germanique l’explication de son organisation politique et institutionnelle, mais également la reconnaissance de l’importance des territoires politiques qui composent l’Empire. De ce point de vue, la carte de Quad et Overadt a une fonction pédagogique, normative mais aussi simplificatrice, et ce d’autant plus que les territoires sont évoqués symboliquement – au moyen des portraits et des armes – mais ne sont pas identifiés ni délimités sur la carte, ce qui ferait apparaître toute la complexité territoriale de l’Empire.

40La cartographie constitue donc un outil d’administration des territoires dans l’espace germanique de la première modernité – et ce constat peut sans doute être étendu à l’ensemble de l’Europe. Néanmoins, cet outil n’est pas d’usage systématique au XVIe siècle, et d’autre part ses fonctions peuvent s’avérer assez différentes de celles que les historiens pourraient être tentés de rechercher : il s’agit quelquefois d’objets de prestige, glorifications du territoire ou de la région représentés, souvent d’instruments de localisation des principaux lieux et d’inventaire des ressources. Dans certains cas, qui ne sont pas majoritaires, les cartes servent à la délimitation des frontières, souvent dans un contexte de contestation des limites territoriales : il s’agit alors de cartes à grande échelle qui représentent avec une très grande précision une portion de territoire et répondent à un besoin ponctuel, à la fois juridique, diplomatique et pédagogique. La délimitation linéaire des territoires de l’Empire, de ce fait, demeure fragmentaire. D’autre part, les cartes sont encore souvent concurrencées dans l’usage administratif par le recours aux inventaires textuels, qui permettent une plus grande exhaustivité descriptive.

41Les territoires princiers et urbains du Saint-Empire peuvent faire usage de ces instruments, qu’ils acquièrent dans le commerce d’estampes, commandent à leurs cartographes ou arpenteurs ou encore reçoivent en dédicace de la part de cartographes savants. Mais les empereurs n’y ont recours que pour la description de leurs territoires héréditaires : dans cette perspective, ils agissent comme d’autres princes territoriaux. La réalisation de cartes manifeste l’exercice d’une souveraineté directe et territoriale, dont les Habsbourg ne disposent pas pour la plupart des États qui composent la mosaïque géopolitique de l’Empire. La structure politique et institutionnelle de ce dernier peut cependant faire l’objet d’une évocation, tant sur les cartes que dans les descriptions textuelles. Mais elle échappe au tracé cartographique proprement dit. S’il y a bien représentation graphique, elle se fait par l’intermédiaire d’objets symboliques et l’évocation associée d’une histoire, qui restent d’importants vecteurs de légitimation de la puissance impériale. Dans l’espace germanique, l’idée impériale échappe en partie à la territorialisation, comprise comme un processus intellectuel et volontaire d’appréhension, de gestion, de visualisation et d’administration de l’espace. Elle n’en est pas pour autant moribonde. Au XVIe siècle et au XVIIe siècle encore, la rupture confessionnelle et l’autonomie accrue des territoires princiers ne contredisent pas l’importance religieuse, mais aussi juridique, politique et institutionnelle d’un pouvoir qui s’affirme encore comme universel.

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Notes

1  Pour une synthèse en français, voir J.-F. Noël, Le Saint-Empire, Paris, PUF, 2e édition, 1968.

2  Le concept de confessionnalisation (Konfessionalisierung) a été introduit puis développé parallèlement en Allemagne par deux historiens. Voir W. Reinhard, « Gegenreformation als Modernisierung ? Prolegomena einer Theorie des konfessionellen Zeitalters », Archiv für Reformationsgeschichte, no 68, 1977, p. 226-251 ; H. Schilling, « Die Konfessionalisierung im Reich. Religiöser und gesellschaftlicher Wandel in Deutschland zwischen 1555 und 1620 », Historische Zeitschrift, no 246, 1988, p. 1-45.

3  Sur ce sujet, l’historiographie française présente une vision plutôt catastrophiste de l’évolution du Saint-Empire pendant et à la suite de la confessionnalisation (après les traités de Westphalie de 1648). Elle a longtemps eu tendance à ne voir qu’un lent déclin des institutions impériales du XVIIe siècle à 1806. Cette vision doit être largement nuancée.

4  Ce paradigme historiographique a notamment été reçu en France par l’intermédiaire des travaux de D. Nordman : « Des limites d’État aux frontières nationales », dans P. Nora éd., Les lieux de mémoire, vol. I, Paris, Gallimard (Quarto), 1997, p. 1125-1146 ; Frontières de France. De l’espace au territoire, XVIe-XIXe siècle, Paris, Gallimard, 1998. Le renforcement de la prise en compte de la catégorie de l’espace dans les modes de gouvernement (notamment dans les pratiques juridiques et dans le développement d’outils spécifiques, comme les cartes ou les plans) ne signifie pas qu’il n’existait pas auparavant de territoire ni de conscience de l’exercice du pouvoir sur un espace défini. Pour une mise au point concernant l’espace français, voir B. Guenée, « Des limites féodales aux frontières politiques », dans P. Nora éd., Les lieux de mémoire, ouvr. cité, p. 1103-1124.

5  Pour une mise au point sur ce sujet, voir l’introduction (p. 3-6) par É. François au numéro spécial de la revue Histoire, économie et société, janvier-mars 2004, Les espaces du Saint-Empire à l’époque moderne, dirigé par Ch. Duhamelle.

6  K. Schlögel, Im Raume lesen wir die Zeit. Über Zivilisationsgeschichte und Geopolitik, Munich/Vienne, Carl Hanser Verlag, 2003.

7  Cette interprétation n’est pas réservée à l’histoire de l’espace germanique. Voir notamment R. L. Kagan et B. Schmidt, « Maps and the Early Modern State : official cartography », dans D. Woodward éd., Cartography in the European Renaissance, The History of Cartography, vol. III, no 1, p. 661-679. À la suite d’autres historiens, les auteurs insistent sur le fait que la cartographie ne fait pas toujours l’objet d’un usage administratif systématique ni bien défini à l’époque de la Renaissance. Pour une réflexion plus générale et plus théorique, voir également J. B. Harley, « Maps, knowledge, and power », dans D. Cosgrove et S. Daniels éd., The Iconography of Landscape. Essays on the Symbolic Representation Design and Use of Past Environments, Cambridge, Cambridge University Press, 1988, p. 277-309.

8  L. Gallois, Les géographes allemands de la Renaissance, Paris, E. Leroux, 1890 ; G. Strauss, Sixteenth-Century Germany. Its Topography and Topographers, Madison, The University of Wisconsin Press, 1959.

9  N. Broc, La géographie de la Renaissance, Paris, CTHS, 1986, p. 130.

10  B. T. Moran, « German prince-practitioners : aspects in the development of courtly science, technology, and procedures in the Renaissance », Technology and Culture, no 22 (2), 1981, p. 253-274 ; Id., « Wilhelm IV of Hesse-Kassel : informal communication and the aristocratic context of discovery », dans Th. Nickles éd., Scientific Discovery : Case Studies, Dordrecht, Reidel, 1980, p. 67-96 ; Id., « Princes, machines, and the valuation of precision in the XVIth century », Südhoffs Archiv, no 61, 1977, p. 209-228.

11  P. Aufgebauer et al. éd., Johannes Mellinger Atlas des Fürstentums Lüneburg um 1600, Veröffentlichungen des Instituts für historische Landesforschung der Universität Göttingen, no 41, Bielefeld, Verlag für Regionalgeschichte, 2001. Sur Mellinger, voir la biographie fournie par l’Allgemeine / Neue Deutsche Biographie, en ligne [http://www.deutsche-biographie.de/sfz61477.html], consulté le 27 septembre 2011 (même date pour tous les sites mentionnés dans cet article).

12  Les cartes utilisées pour résoudre des litiges territoriaux apparaissent dans les archives des derniers siècles du Moyen Âge. Elles sont peu étudiées en tant que telles. Pour la France, on peut citer l’étude de F. de Dainville, « Cartes et contestations au XVe siècle », Imago Mundi, no 24, 1970, p. 99-121. Pour l’espace germanique et la procédure spécifique de l’Augenschein, voir H. Vollet, « Landschaftsgemäldekarten aus Franken um 1600 in Prozessen vor dem Reichskammergericht », dans Kartographie und Staat. Interdisziplinäre Beiträge zur Kartographiegeschichte, U. Lindgren éd., Algorismus, Studien zur Geschichte der Mathematik und der Naturwissenschaften, 3, Munich, Institut für Geschichte der Naturwissenschaften, 1990, p. 25-33.

13  En revanche, certains ouvrages comprenant des cartes, des vues de villes et des descriptions géographiques, comme la célèbre Cosmographie de Sebastian Münster (première édition à Bâle en 1544), connaissent une très large diffusion, dans et hors de l’Empire.

14  C’est notamment le cas dans les cartes produites au tournant du XVe siècle et dans la première moitié du XVIe siècle par les milieux humanistes allemands. Sur la définition et les descriptions géographiques et historiques des régions par ces derniers, voir notamment G. Strauss, Sixteenth’s Century Germany, ouvr. cité ; J. Helmrath, U. Muhlack et G. Walther éd., Diffusion des Humanismus. Studien zur nationalen Geschichtsschreibun europäischer Humanisten, Göttingen, Wallstein, 2002.

15  Pour une description bibliographique détaillée, voir R. W. Karrow, Mapmakers of the Sixteenth Century and Their Maps. Bio-Bibliographers of the Cartographers of Abraham Ortelius, 1570, Chicago, Speculum Orbis Press, 1993, p. 64-70.

16  L’exemplaire des Bayerische Landtafeln conservé à la Bayerische Landesbibliothek de Munich a fait l’objet d’une numérisation de très grande qualité, en ligne [http://www.bayerische-landesbibliothek-online.de/histkarten/suche?kartenid=319].

17  Voir par exemple l’étude consacrée à une carte du comté de Mansfeld : A. Chassagnette, « Histoire et territoire. La confessionnalisation au miroir de la carte du comté de Mansfeld de Johannes Mellinger (1571) », Écrire l’histoire, no 4, automne 2009, p. 147-156.

18  Sur ce point, voir l’argumentation très claire de B. Guenée, « Des limites féodales aux frontières politiques », art. cité, en particulier p. 1103-1106. Un passage est particulièrement éclairant, p. 1104 : « Aux temps féodaux, au XIe ou au XIIe siècle, surgissent ainsi de la pénombre documentaire des limites qui n’ont plus ni la valeur ni le tracé des limites carolingiennes. Elles sont pourtant précises là où il y a des hommes. Car les villageois devaient savoir jusqu’où mener paître leurs troupeaux, les seigneurs quelles redevances exiger, les curés quelles dîmes lever. Il n’y a pas de vie possible sans limites précises. »

19  Voir la biographie fournie par l’Allgemeine / Neue Deutsche Biographie, en ligne [http://www.deutsche-biographie.de/sfz55592.html].

20  Voir la biographie fournie par l’Allgemeine / Neue Deutsche Biographie [http://www.deutsche-biographie.de/sfz10881.html] ainsi que la notice dans R. Karrow, Mapmakers…, ouvr. cité, p. 500-509.

21  Le manuscrit conservé à Stockholm a fait l’objet d’une édition qui comprend des reproductions en couleur. Voir R. Oehme et L. Zögner, Tilemann Stella. Landesaufnahme der Ämter Zweibrücken und Kirckel des Herzogstums Pfalz-Zweibrücken (1564) : Faksimile der Karten nach den Originalen in der Königlichen Bibliothek in Stockholm, Quellen zur Geschichte der deutschen Kartographie no 6, Lunebourg, Nordostdt Kulturwerk, 1989.

22  Très peu d’études ont été consacrées à l’enluminure des cartes. Pour une approche synthétique, voir D. Woodward, « Techniques of maps engraving, Printing and coloring in the European Renaissance », dans D. Woodward éd., Cartography in the European Renaissance, ouvr. cité, vol. I, p. 591-610, en particulier p. 602-606.

23  R. Karrow, Mapmakers…, ouvr. cité, p. 334-343.

24  R. Karrow donne cependant une date plus tardive (1561). Voir R. Karrow, Mapmakers…, ouvr. cité, p. 342. Pour une reproduction, voir E. Oberhummer et F. von Wieser, Karten der österreichischen Lande und des Königreichs Ungarn aus den Jahren 1545-1563, Innsbruck, Wagner, 1906, pl. 9.

25  Voir G. Strauss, Sixteenth Century’s Germany, ouvr. cité.

26  J. Vadian, Epitome trium terrae partium, Zurich, 1534 ; Heinrich Bebel, Oratio ad regem Maximilianum, Pforzheim, 1502 ; Jakob Wimpheling, Epitoma rerum Germanicorum, Strasbourg, 1505 ; J. Stöffler, Calendarium Romanum Magnum, Oppenheim, 1518.

27  P. H. Meurer, Corpus der älteren Germania-Karten. Ein annotierter Katalog der gedruckten Gesamtkarten des deutschen Raumes von den Anfängen bis um 1650, Alphen-aan-den-Rijn, 2001, p. 295 et suiv.

28  T. Stella, Methodus quae in chorographica et historica totius Germaniae Descriptiones observabitur, Rostock, 1546 [date réelle : 1566].

29  Dans l’espace germanique, cette spécialisation intervient dans le dernier tiers du XVIe siècle, essentiellement à Cologne. Voir P. Meurer, Atlantes Colonienses. Die Kölner Schule der Atlaskartographie, Bad-Neustadt-an-der-Saale, Pfaehler, 1988.

30  Gloriae germaniae Typus exhibens. Duodecim avitorum Germaniae principum icones imperatorem itidem Germanaei omnium principum electorum primariorum insuper imperii statuum insignia, Germaniae. Tabulam secundum situm hodernium, MDC.

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Table des illustrations

Titre Illustration 1 — Carte de la région de Meissen, Hiob Magdeburg, 1561. Gravure sur bois
Légende (Sächssische Landesbibliothek - Staats und Universitätsbibliothek / Deutsche Fotothek, Dresde)
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/asterion/docannexe/image/2274/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 743k
Titre Illustration 2 — Gloriae Germaniae typus exhibens, Peter Overadt et Matthias Quad, 1600. Gravure sur cuivre
Légende (Bnf, département des Cartes et Plans, Ge D10898)
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/asterion/docannexe/image/2274/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 2,2M
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Pour citer cet article

Référence électronique

Axelle Chassagnette, « Le jeu des échelles. Le pouvoir et son inscription spatiale dans les cartographies et les descriptions du Saint-Empire et de ses territoires au XVIe siècle »Astérion [En ligne], 10 | 2012, mis en ligne le 28 septembre 2012, consulté le 13 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/asterion/2274 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/asterion.2274

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Auteur

Axelle Chassagnette

Axelle Chassagnette (Institut d’histoire moderne et contemporaine, UMR 8066, ENS Ulm) est ancienne élève de l'École normale supérieure de la rue d'Ulm et agrégée d'histoire. Elle a soutenu en 2009, au Centre d’études supérieures de la Renaissance (Tours), une thèse intitulée « Décrire et mesurer. Savoir géographique et cartographie dans l’espace germanique protestant après Philipp Melanchthon (des années 1530 aux années 1620) ». Elle a publié différents travaux sur l'histoire de la géographie, des représentations cartographiques et des savoirs à la Renaissance.

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