Gattinara et la « monarchie impériale » de Charles Quint. Entre millénarisme, translatio imperii et droits du Saint-Empire
Résumés
La diffusion du mythe de la monarchie universelle au début du XVIe siècle est strictement liée à l’ampleur des territoires possédés par Charles Quint. Pour le chancelier impérial Mercurino Gattinara, les idées universalistes et messianiques, qui accompagnaient la symbolique de l’Empire, devaient servir à légitimer une politique visant à donner une structure plus rationnelle aux territoires de Charles Quint et à garantir aux Habsbourg une influence prépondérante dans l’ensemble de l’Europe. Gattinara imaginait une sorte de monarchie supranationale organisée selon le modèle mythique de l’Empire romain, capable de garantir la paix sous l’égide du christianisme.
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Monarchie universelle, Charles Quint, Gattinara, Translatio imperii, prophétie, millénarismePlan
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- 1 L’Arioste, Orlando furioso / Roland furieux, édition bilingue, trad. A. Rochon, Paris, (...)
La suprême Bonté devant de tels mérites
a décidé qu’il doit avoir le diadème
non seulement de cet immense empire qu’eurent Auguste, Trajan, Marc et Septime Sévère ; mais de chaque contrée, extrême ici et là,
qui n’ouvre pas la route au soleil, aux saisons ; et elle veut aussi que sous cet empereur
il n’y ait qu’un pasteur et qu’une bergerie.1
1La transposition du présent dans le passé a souvent conduit les historiens à rechercher la genèse des idéologies contemporaines dans une époque révolue bien précise. Cette attitude a parfois eu comme conséquence une vision partielle de l’époque étudiée et la mise à l’écart des thèmes, des concepts ou des mythes qui ont joué un rôle important dans le processus dialectique de l’époque en question. Ainsi, longtemps, l’historiographie du siècle dernier a vu dans le début du XVIe siècle un moment crucial du processus de formation de l’État-nation, reléguant l’universalisme de l’empire à un rôle de survivance médiévale condamnée à une rapide disparition.
2En réalité, au début du XVIe siècle, la politique nationale des États est encore loin d’être institutionnalisée ; si de profondes transformations éthiques, politiques et religieuses s’amorcent, les aspirations de l’époque précédente tardent pourtant à s’effacer : le républicanisme savonarolien cohabite avec la conception machiavélienne du prince ; l’idée d’une monarchie universelle s’oppose aux ambitions territoriales et aux tentatives d’indépendance politique des princes, des ducs et des républiques ; l’idéal de croisade ou les croyances prophétiques, encore très ancrés dans l’imaginaire collectif, jouent toujours un rôle diplomatique important dans les relations entre les États.
- 2 Pour une bibliographie essentielle sur Gattinara, voir J. M. Headley, The Emperor and his Ch (...)
3Même si, ces dernières années, nombreux sont les travaux qui ont remis en question le schéma d’une modernité qui, tout entière, tiendrait dans l’étude de l’évolution linéaire et inexorable vers la forme de l’État-nation, cette nouvelle tendance est loin de faire l’unanimité parmi les historiens. Mercurino Gattinara et son idée impériale ont été ainsi, très souvent, les victimes de cette tendance à parcourir l’histoire en restant bien ancré dans une interprétation historiographique influencée par l’expérience contemporaine2.
- 3 Franz Bosbach a insisté sur l’origine chrétienne et médiévale de l’idée d’empire et sur (...)
4Le chancelier, à qui le jeune empereur avait confié les sceaux de son Empire en 1518, a souvent été considéré comme un homme appartenant à un passé médiéval, accidentellement fourvoyé dans l’époque de la naissante Europe des États nationaux et insensible à ce laboratoire de nouvelles idées politiques, sans préjugés et sans scrupule, qu’était l’Italie du XVIe siècle. En réalité, son projet politique s’inscrivait pleinement dans les mœurs de cette époque puisqu’il avait comme objectifs déclarés la paix entre princes chrétiens en Europe, la diffusion de la foi chrétienne dans le monde et le triomphe de l’ordre et de la paix3. Afin d’atteindre cette situation idéale pour les chrétiens, souvent imaginée comme la fin de l’histoire, un souverain prédestiné devait vaincre les infidèles et conquérir la Terre sainte. Ces objectifs militaires étaient souvent accompagnés d’autres attentes eschatologiques, comme l’arrivée du pape angélique pour accomplir la réforme de l’Église dans la perspective d’un millénium de paix ou du jugement dernier.
5Naturellement, il s’agissait d’un projet à long terme. Dans l’immédiat, les vrais objectifs visaient à donner une structure plus rationnelle aux territoires de Charles Quint et à garantir aux Habsbourg une influence prépondérante dans l’ensemble de l’Europe. Toutefois, la vraie portée de ce projet, le rôle réel de Gattinara dans la cour et son influence sur les choix politiques de Charles Quint sont loin d’avoir réuni un consensus parmi les spécialistes de l’idéologie impériale sous la Renaissance. Nous voudrions pour notre part insister dans un premier temps sur quelques éléments de la formation de Gattinara. Nous mettrons ensuite en évidence les éléments constitutifs de l’universalisme défendu par le chancelier. Enfin, nous donnerons quelques exemples de réalisme politique suggérés par Gattinara pour mener les négociations diplomatiques dans le cadre des guerres d’Italie.
Formation juridique de Gattinara
- 4 Voir F. Ferretti, Un maestro di politica. L’umana vicenda di Mercurino dei nobili (...)
6À la mort de son père, Gattinara, alors très jeune, a dû abandonner ses études pour commencer à travailler avec ses oncles dans la branche de la jurisprudence4. Ce n’est que plus tard qu’il s’inscrit au Studio de Turin pour suivre sa formation en droit et se consacrer presque exclusivement à l’étude des Pandectes (Institutes), l’une des quatre parties du Corpus iuris civilis voulu par l’empereur Justinien. Les Pandectes étaient, à l’époque de Gattinara, le texte de base pour l’enseignement du droit et représentaient une mine inépuisable de références et de principes juridiques utilisés aussi bien dans la science juridique que dans la pratique d’avocat.
7Il est certain que la fréquentation de la pensée juridique classique, qui attribuait à l’empereur romain des pouvoirs universels, était à la base de la genèse idéologique et politique de Gattinara. Les juristes italiens et allemands des XIIIe, XIVe et XVe siècles continuaient à utiliser des concepts typiquement universalistes directement liés à la tradition juridique romaine. Empire universel et droit universel finirent par former un concept unique et inséparable dans la pensée des juristes. Dans les Pandectes, dans les ouvrages de Bartolo ou de Baldo degli Ubaldi ou dans les traités sur la translatio imperii, il y avait matière suffisante pour inspirer à Gattinara l’image d’un empereur en mesure de garantir la paix dans le monde. L’importance de « l’humanisme juridique » dans sa formation et sa rencontre déterminante avec l’idéologie et la politique de Maximilien Ier, qui œuvrait pour le rétablissement de l’autorité impériale en Italie, sont à la base de sa conception politique. Sa détermination à défendre les intérêts des Habsbourg était fermement ancrée dès le début de sa carrière d’avocat et elle se poursuivit dans ses fonctions de président du Parlement de la Bourgogne et dans l’accomplissement de nombreuses ambassades en Europe pour le compte de Maximilien Ier.
- 5 Sur les différentes acceptions du concept d’empire à cette époque, voir, entre autres, A. (...)
- 6 J.-M. Sallmann, Charles Quint, l’empire éphémère, Paris, Payot, 2000, p. 211. Voir Cartas- (...)
- 7 Voir M. Mestre Zaragoza, « L’Empire de Charles Quint : le laboratoire politique de l’Europ (...)
8Cependant, la formation juridique est loin de constituer l’élément unique permettant à lui seul de reconstituer la conception que Gattinara nourrit au sujet de l’empire. Ces dernières années, les travaux d’éminents spécialistes ont montré de manière évidente comment l’idée d’empire, à la Renaissance, est polysémique et très complexe dans le croisement et les interrelations des différentes logiques qui la composent, à tel point qu’il est impossible de définir avec rigueur un concept d’empire5. L’empire de Charles Quint et le concept de monarchie qui l’accompagne en sont un exemple puisque l’élaboration de cette idée, liée à une logique religieuse, juridique et historique dans un ensemble de territoires qui se pense potentiellement sans frontière, est différente sous la plume d’un Gattinara, d’un Cortés, d’un Rodolfo Pio da Carpi ou d’un Ginés de Sepúlveda : comme l’écrit Jean-Michel Sallmann, « l’idée impériale se construisit au fur et à mesure que l’Empire lui-même se façonnait »6. Par là, cette construction politique, originale et unique dans son temps, fut un véritable laboratoire politique de l’Europe moderne7.
Monarchie impériale
- 8 A. Pagden, Lords of all the World…, ouvr. cité, p. 27-30.
- 9 Dante, Œuvres complètes, Paris, Gallimard, 1965, p. 440-441.
9Anthony Pagden, dans son ouvrage sur l’évolution des idéologies liées au concept d’empire, rappelle que le mot grec « monarchie », moins polysémique que celui latin d’« empire », avait été adopté par Isidore de Séville pour identifier une institution politique dans laquelle la principauté appartenait à une seule personne8. Au début du XIVe siècle, Dante avait établi une distinction encore plus précise dans le livre IV du Banquet : en évoquant les discordes entre les royaumes, il souligne la nécessité que la terre entière « soit monarchie, c’est-à-dire soit une seule principauté, et qu’elle ait un prince, lequel, possédant tout et ne pouvant désirer davantage, tienne contents les rois dans les limites des royaumes »9.
- 10 « […] Cesare presente, quale veggiamo che per le pedate degli altri grandi tende al (...)
10Deux siècles plus tard, dans un conseil adressé à Clément VII, Guichardin semble utiliser ce terme avec cette même signification quand il le met en garde contre les intentions de Charles Quint puisque « […] l’actuel César, sur les traces des autres grands [empereurs du passé], vise le chemin de la monarchie »10.
- 11 Voir L. Carvaialo, Apologia monasticae religionis diluens nugas Erasmi, s.l., 1529, p. 5-3 (...)
- 12 Voir Érasme, Colloques, Paris, Imprimerie nationale, 1992, vol. II, p. 9.
- 13 Voir M. Bataillon, Érasme et l’Espagne, Genève, Droz, 1937, vol. I, p. 345-356.
11Toutefois, au XVIe siècle, le champ sémantique du terme « monarchie » est en pleine transformation. En 1528, une polémique à propos de la signification du mot est déclenchée contre Érasme par les franciscains en Espagne. À l’origine de cette polémique, un pamphlet écrit par Luis de Carvajal intitulé Apologia diluens nugas Erasmi11. Dans un passage de ce libelle, Carvajal attaque Érasme parce que dans l’un de ses colloques intitulé l’Accouchée, un personnage nommé Eutrapèle défend sur le ton de la plaisanterie le projet de Charles Quint qui « s’efforce d’établir une nouvelle monarchie sur le monde entier »12. Carvajal voyait dans ce qualificatif de nouvelle un outrage à la majesté de l’empereur puisque, selon lui, la monarchie de Charles Quint n’était pas nouvelle mais fondée sur le droit naturel et sur le droit divin, et il prétendait qu’il était normal, comme il y avait un seul soleil, qu’il y eût un seul monarque pour toute la terre, auquel devaient se soumettre tous les rois de la terre, y compris le roi de France. En invoquant la préférence d’Aristote pour la monarchie ainsi que les mots du Christ reconnaissant le pouvoir de César, Carvajal pense que Charles Quint doit être considéré comme le chef temporel d’une république, universelle et chrétienne, instituée directement par Dieu13.
12En faisant une distinction nette entre « monarchie impériale » et « monarchie universelle », Érasme écrit à la cour pour répondre à cette accusation :
- 14 Érasme, La correspondance, Bruxelles, Université libre de Bruxelles, Institut pour l’étude (...)
Toute leur chicane porte sur les mots « sans précédent » ; comme s’il y avait jamais eu un monarque universel en dehors de Dieu, alors que de nos jours l’univers n’est pas encore considéré comme complètement exploré et que sa partie explorée n’a jamais obéi à un seul maître. Je ne dispute pas ici de la monarchie impériale.14
- 15 « Si le Christ avait enseigné en Savoie et si dans une pareille occasion on lui avait mont (...)
- 16 Ibid., 1974, vol. II, p. 726-727.
13Selon l’humaniste, le mot monarchie pouvait très bien s’appliquer au pouvoir de chaque prince puisque l’approbation du règne d’Auguste par le Christ n’est autre chose que le respect d’un sujet pour son prince15. Pour Érasme, le seul monarque du monde était le Christ, la monarchie universelle n’avait jamais existé et le royaume d’Auguste ne pouvait pas être conforme aux desseins de la Providence puisque la méthode avec laquelle il s’était emparé du pouvoir était digne d’un tyran16.
- 17 A. Kohler, « Representación y propaganda de Carlos V », dans Carlos V y la quiebra (...)
- 18 Voir A. de Valdés, Diálogo de Mercurio y Caròn, Madrid, Espasa Calpe, 1971.
- 19 Voir notre « Mercurino Gattinara et le mythe d’un empire universel », dans Idées d’empire (...)
14De son côté, Gattinara assimilait le terme « monarchie » à la monarchie impériale, et dans la logique gibeline, ce pouvoir devait un jour réaliser son objectif final qui était la monarchie universelle17. Gattinara et Érasme avaient des points de vue différents sur la manière de pacifier le monde chrétien et Alfonso de Valdés avait tenté de proposer un compromis entre ces deux tendances en traçant le portrait idéal du roi Polydore18. Le chancelier s’inscrit ainsi dans un courant politique néogibelin car, selon cette tradition, l’empire providentiel légitimait l’idée d’un pouvoir totalitaire élargi à l’ensemble de la terre pour favoriser la diffusion de la foi chrétienne et pour faire régner la paix19. Cette idée d’empire universel, qui avait comme fondement une logique religieuse, s’appuyait historiquement et juridiquement sur la translatio imperii et territorialement sur le principe du bellum justum et sur les droits médiévaux du Saint-Empire romain germanique.
Monarchie universelle et millénarisme
- 20 La bibliographie sur ce phénomène est immense : pour plus d’informations, voir M. (...)
15L’habitude de prophétiser ou de pronostiquer de grands changements politiques ou religieux était encore bien ancrée dans la péninsule italienne au début du XVIe siècle. Les attentes eschatologiques ne concernaient pas que les âmes simples, elles attiraient aussi nombre d’hommes politiques et d’autorités religieuses. Le climat d’incertitude, d’angoisse et d’espoir favorisait une nouvelle diffusion de la littérature prophétique traditionnelle, et de nombreux pronostics étaient imprimés par les astrologues20.
- 21 Sur la mission eschatologique du roi de France et sa vocation à la monarchie unive (...)
- 22 Voir M. Reeves, Joachimist Influences on the Idea of a Last World Emperor, Traditio, no 17 (...)
16Ces attentes étaient un terrain fertile pour la propagande politique, et elles seront largement exploitées par l’ensemble des forces impliquées dans le conflit pour l’hégémonie européenne. Les témoignages documentaires que l’on trouve à ce sujet montrent bien que cette attente était largement répandue dans toutes les couches sociales et qu’elle faisait partie d’un système de croyances qui n’était pas réservé au réseau impérial21. Ces textes, habilement remaniés, se présentaient comme de véritables pamphlets politiques, et une utilisation ciblée pouvait orienter l’interprétation de la réalité et persuader les lecteurs qu’ils étaient en présence de l’effective réalisation des desseins de la Providence. Parmi ces présumées prophéties, celle du second Charlemagne était un exemple d’attente millénariste, car la nouvelle incarnation de l’empereur à la barbe fleurie serait le Dernier empereur qui allait reconquérir l’Empire de Constantinople, réunir les Églises orientale et occidentale, réformer la société et rétablir une époque de splendeur sur la terre22. À ces prophéties, fruit de l’imagination et de la fantaisie des hommes, on prêtait une valeur d’exégèse historique là où l’histoire était vue comme une évolution linéaire déterminée par les vouloirs de la Providence.
- 23 À cette occasion, Gattinara avait écrit un petit traité, jamais retrouvé, adressé (...)
17Gattinara était un fervent croyant et la lecture de quelques textes eschatologiques, notamment de Joachim de Flore et de Grégoire le Grand, lors de son passage par la chartreuse de Bruxelles en 1516, l’avait convaincu que le monde se trouvait à un tournant de son histoire. Pour le futur chancelier, Charles de Gand pouvait être ce prince prédestiné par la Providence pour réaliser la prophétie évangélique annoncée par Jean : l’unification du monde sous un seul pasteur23. Toutefois, insister sur la nature providentielle de Charles Quint ne signifie pas que Gattinara ait eu une conception déterministe et fataliste de l’histoire. Au contraire, pour le chancelier, l’homme est l’artisan de son destin à l’intérieur d’un monde où s’opposent le bien et le mal.
- 24 Ibid., p. 272 et p. 323.
- 25 Sur la candidature de François Ier à l’Empire, voir R. Folz, Le souvenir et la légende de Charlema (...)
18L’un des premiers objectifs de Gattinara en arrivant à la cour espagnole était de poursuivre le programme fixé par Maximilien Ier : l’élection de Charles de Gand, devenu Charles Ier roi d’Espagne avec le titre de roi des Romains. Ce titre était, pour Gattinara, un « iustissimum ad universum orbem titulum » indispensable pour réaliser la monarchie universelle voulue par la Providence et prédite par les prophètes24. Mais il était aussi nécessaire aux intérêts dynastiques de Charles puisqu’une éventuelle élection de François Ier au Saint-Empire romain germanique aurait eu des conséquences néfastes sur ses domaines autrichiens, sur son héritage bourguignon et même sur le royaume d’Espagne25.
- 26 Voir M. Capellino, « Mercurino Arborio di Gattinara tra gioachimismo ed erasmismo », dans (...)
19Le chancelier connaissait les textes de la tradition prophétique et était convaincu qu’ils pouvaient accompagner la propagande affichée par la cour et justifier la stratégie politique en Europe26. La diplomatie impériale utilisa les arguments millénaristes pour répondre aux attentes de ceux qui jugeaient une issue eschatologique toujours possible et attendaient qu’un empereur s’empare du Saint-Sépulcre. Dans cette même logique s’inscrivaient le pamphlet Pro divo carolo apologia écrit par Alfonso de Valdés peu avant le sac de Rome et le discours adressé au peuple romain en 1529, à la veille du voyage de Charles Quint en Italie.
- 27 Sur le séjour et le couronnement de Charles Quint à Bologne, voir, entre autres, P. Prodi, (...)
- 28 Voir O. Niccoli, « Astrologi e profeti a Bologna per Carlo V », dans Bologna nell’ (...)
- 29 Voir F. A. Yates, Astrée, le symbolisme impérial au XVIe siècle, Paris, Belin, 1989.
20Les strophes mises en exergue de ce travail sont la traduction poétique du triomphe de la politique prônée par Gattinara. Après la paix entre Clément VII et Charles Quint, et son couronnement en 153027, l’enthousiasme présent dans les vers de l’Arioste s’était diffusé dans toutes les couches de la population puisque la guerre était finie et de nombreux pronostics avaient salué l’avènement du nouvel empereur comme un événement salutaire pour toute la chrétienté28. Savonarole s’était trompé : les fléaux envoyés par Dieu n’annonçaient pas le jugement dernier, mais la possibilité d’un renouveau moral de l’humanité et l’instauration d’une époque de paix. Les tribulations s’étaient conclues avec la guerre et à l’âge de fer allait succéder un nouvel âge d’or29. De la même façon que Dieu avait favorisé l’empire d’Auguste pour ramener la paix universelle et faire naître son fils, il favoriserait le triomphe de Charles Quint pour permettre l’arrivée d’une nouvelle époque de paix.
Translatio imperii
- 30 Voir W. Goez, Translatio imperii. Ein beitrag zur Geschichte des Geschichtsdenkens und der (...)
21La question impériale s’inscrivait dans l’héritage de la romanité. La théorie du transfert des pouvoirs des empereurs romains aux empereurs allemands était constituée par un ensemble de concepts juridiques, théologiques, historiques et philosophiques et elle était le fondement de la légitimité du Saint-Empire romain germanique30. Les juristes et théologiens favorables à l’empereur défendaient la thèse de la séparation et de l’équivalence des deux pouvoirs en rappelant que l’Empire avait précédé historiquement la naissance de l’Église.
- 31 Voir Dante, La Monarchie, Paris, Belin, 1993, p. 195 (l. III, iv, 12), p. (...)
- 32 Voir Marsile de Padoue, Defensor minor. De translatione imperii, Paris, CNRS, 1979, p. 369 (...)
- 33 Voir Th. Lucensis, Determinatio compendiosa de Iurisdictione Imperii, Leipzig, Hah (...)
22Dans son traité De Monarchia, Dante avait affirmé que le peuple de Rome s’était approprié le droit à la monarchie et que l’empereur recevait son autorité directement de Dieu et non pas du pape, mettant ainsi les deux pouvoirs sur le même niveau31. Marsile de Padoue avait poussé encore plus loin son raisonnement : il avait revendiqué la suprématie de l’empereur en niant l’origine divine de l’Église et en estimant que le pouvoir de « l’évêque de Rome » dépendait de l’autorité d’un concile32. Selon lui, le véritable auteur du transfert était le peuple romain qui était le propriétaire inaliénable de l’Empire et le vrai dépositaire de ce droit (ius imperii romani). Marsile assimilait la Diète allemande au Sénat romain en créant ainsi un parallèle pour légitimer le pouvoir d’élection du collège des sept électeurs. De la même manière que le pouvoir impérial avait été transféré à Auguste par le biais de la lex regia, la Diète allemande l’avait transféré à l’empereur du Saint-Empire à travers le collège des sept électeurs. Pour cette raison, il considérait comme parfaite l’élection du nouvel empereur par les princes électeurs sans l’intervention du pontife. Marsile répondait ainsi à l’histoire légendaire, apparue à la fin du XIIIe siècle, qui attribuait à Grégoire V la fondation du collège des sept électeurs et qui servait à montrer qu’au moment de la naissance du Saint-Empire, l’Église avait prescrit les lois aux futurs empereurs et que les princes électeurs détenaient uniquement du pape leur droit d’élection33.
- 34 Sur la réelle naissance de ce collège, voir J. Schillinger, Le Saint-Empire, Paris, Ellips (...)
- 35 Voir M. Cavina, Imperator Romanorum triplice corona coronatur. Studi sull’incoronazione im (...)
- 36 Voir D. Quaglioni, « Empire et monarchie : aspects du débat juridique », dans Idées d’empi (...)
23Lupoldus von Bebenburg s’était lui aussi opposé aux prétentions papales d’intervenir directement dans le gouvernement du Saint-Empire. Dans le De iurisdictione, auctoritate et praeminentia imperiali, écrit vers 1340, il avait affirmé que l’empereur obtenait la « plenitudo potestatis » dans les territoires de l’Empire par la seule élection des sept électeurs, sans besoin de l’approbation du pape34. Selon von Bebenburg, l’élection allemande donnait à l’empereur la pleine autorité sur l’Allemagne, alors que le couronnement romain lui donnait la pleine autorité sur l’ensemble du monde chrétien35. Au XVe siècle, plusieurs ouvrages allemands de droit civil suivaient le système théorisé par Lupoldus von Bebenburg et l’autorité de l’empereur était considérée comme la seule en mesure de garantir la paix dans le monde. Les commentateurs habitués à Justinien préféraient évoquer un rêve du passé plutôt que se pencher sur une situation réelle dans laquelle la crise des pouvoirs universels était évidente36.
- 37 Voir L. Gerbier, « Les raisons de l’empire et la diversité des temps », Erytheis, no 3, se (...)
- 38 C. Bornate, Historia vite et gestorum…, ouvr. cité, p. 408.
- 39 K. Brandi, Charles Quint…, ouvr. cité, p. 95.
24Grâce à l’étendue des territoires possédés par Charles Quint, Gattinara pensait à une « restauration de l’Empire diminué et presque disparu ». Dans son discours prononcé devant la légation des princes électeurs, le 30 novembre 1519, il rappelle l’origine divine de l’institution et fait référence à Charles Quint comme successeur d’Auguste. Dans ce discours, Gattinara ne parle ni du rôle du pape dans l’élection ni de la nécessité d’obtenir la couronne impériale pour obtenir de jure son pouvoir impérial37. En se référant à Justinien, la même année, Gattinara invitait l’empereur à réformer les lois impériales pour améliorer l’administration de la justice et les rendre claires afin que le monde entier puisse les respecter et les utiliser « et que lon puisse dire par effect quil y ait ung empereur et une loy universelle »38. C’est encore à Justinien que Gattinara en appelle pour justifier l’utilisation de la force quand la loi impériale n’est pas respectée. Le projet proposé par Gattinara devait parler aux « cœurs des hommes » pour les convaincre de la nécessité de faire triompher le bien. Toutefois, au centre de ce système se trouvait l’armée, indispensable pour mettre en place le principe du bellum justum à l’extérieur des frontières de l’Empire, mais aussi pour « pacifier » les révoltes internes à la respublica chrétienne. La défense des valeurs éthiques universelles, confondues avec la morale chrétienne, légitimait l’utilisation de la force, mais il fallait convaincre les plus réticents que cette force n’était mise qu’au service du droit et de la justice. Voilà pourquoi l’action effective de Charles Quint fut toujours accompagnée de la guerre, même si son concept théorique s’appuyait dogmatiquement sur la paix39. Selon Gattinara, la paix de la chrétienté était possible à condition que les souverains d’Europe, les princes et les potentats d’Italie s’accordent à considérer Charles Quint comme primus inter pares. La force militaire n’était qu’un prolongement de la diplomatie.
- 40 Pour sa part, Gabriele Morelli considère Gattinara comme l’homme le plus lucide de son tem (...)
- 41 Voir F. Edelmayer, « Carlos V y Fernando I. La quiebra de la monarquía universal » (...)
- 42 En 1520, dans son discours à la noblesse chrétienne allemande, Luther contestait avec véhé (...)
25L’espoir de réaliser l’unité du monde sous le pouvoir d’un prince chrétien était un rêve ancien, mais il est évident que Gattinara ne pensait pas à la réalisation immédiate d’un tel programme. Pour lui, l’utopie prophétique, le principe de la translatio imperii et les droits du Saint-Empire étaient la toile de fond sur laquelle il fallait tisser quotidiennement la stratégie politique impériale en Europe, sans pour autant manquer de conseiller à Charles Quint une attitude réaliste au moment des négociations avec ses alliés ou ses adversaires. Le concept de monarchie universelle assimilé à celui de monarchie impériale donnait un appui considérable au projet de Gattinara, qui voulait une partie de l’Europe politiquement et socialement stable sous l’influence des Habsbourg40. Un projet que Charles Quint, à partir de 1530, poursuivra de toutes ses forces41, mais il est évident que cette perspective était totalement inconciliable avec la poussée anti-impériale des princes allemands proches de la Réforme et avec une conception moderne de l’État-nation42.
L’Italie et les droits du Saint-Empire
- 43 J. H. Elliot, « Monarquía compuesta y monarquía universal en la época de Carlos V », dans (...)
26L’empire dont Charles Quint avait hérité était un agrégat de territoires sans cohésion et dans lesquels, très souvent, les langues, les lois et les formes de gouvernement différaient d’une possession à l’autre : une « monarchie composée », selon un terme forgé par l’historiographie anglaise pour identifier plusieurs structures institutionnelles sous le pouvoir d’un seul monarque43. C’est sur cet ensemble hétéroclite que Gattinara doit imaginer et proposer une stratégie de politique impériale devant se mesurer quotidiennement à tous les obstacles dressés par les ennemis de l’empereur. Le Piémontais était un homme politique et non un doctrinaire : en accord avec son rôle, il indiqua à son maître les solutions et les moyens selon lui nécessaires pour organiser et maîtriser la diversité dans un empire immense comme le monde occidental n’en avait jamais connu jusqu’alors, et pour pouvoir ainsi s’approcher de la monarchie universelle.
- 44 Voir J. H. Elliot, Imperial Spain, Londres, E. Arnold, 1963, p. 183-200 ; H. G. Koenigsber (...)
- 45 C. Bornate, Historia vite et gestorum…, ouvr. cité, p. 469.
- 46 « […] havendo ruminado y pensado todo lo que he podido, no hallo ningun mejor ny mas cuymp (...)
27Dès son arrivée à la cour, il accomplit un travail de réflexion pour donner à cette monarchie composée une organisation administrative moderne et fonctionnelle avec une bureaucratie politique de haut niveau. Avec une extrême attention à la rationalisation et à la pragmatique, il s’occupe de montrer à l’empereur comment planifier les finances, organiser les conseils, créer de nouvelles structures, réduire l’appareil militaire et conduire la diplomatie internationale. Entre 1522 et 1524, Gattinara procède à la réforme du Conseil de Castille, à la réorganisation du gouvernement de Navarre et à la création du Conseil de Finances et du Conseil pour les Indes44. Il porte une attention particulière aux aspects financiers et à la manière de procurer des ressources à l’empereur puisque « l’argent est le nerf de la guerre et la base de toutes les négociations terrestres »45. Tous les moyens sont bons : convoquer les Cortes, organiser une croisade, taxer les ecclésiastiques ou conclure des mariages avantageux. En 1525, en vue d’un possible passage en Italie, il écrivait à l’empereur que la manière la plus simple d’obtenir les moyens nécessaires était de conclure rapidement son mariage46.
28En ce qui concerne la diplomatie internationale, les négociations avec l’Italie, la France, l’Angleterre et les princes allemands sont au centre des conseils que le chancelier envoie par écrit à son seigneur. Ses conseils ne sont ni péremptoires ni univoques : il analyse les problèmes, propose différentes manières de les résoudre, en envisage les possibles conséquences. Il prend aussi en compte les manœuvres des adversaires et les possibles contre-manœuvres avec toujours le même objectif : sauvegarder les intérêts de Charles Quint. Il était conscient de l’impossibilité d’anéantir les monarchies européennes ou d’étendre le pouvoir impérial sur leurs territoires. Gattinara explore l’ensemble des stratégies possibles pour conduire des négociations, analyse les conséquences positives ou négatives de chaque posture, mais il sait toujours garder sa place de conseiller sans chercher à forcer la main de l’empereur.
29Gattinara possède une solide conscience religieuse accompagnée d’une prudence et d’une sagesse politique en rien inférieure à celles des grands hommes politiques de son époque. Il n’est pas aveuglé par la foi dans son idéal ; bien au contraire, son attitude est très attentive à la vérité « effettuale » chère à Machiavel. Loin d’être un théoricien idéaliste, il était un homme de terrain, réaliste et pragmatique, vrai diplomate du XVIe siècle, qui unissait à la fidélité à son seigneur la connaissance juridique et l’utilisation de la simulatio et de la dissimulatio lors des négociations. Un parfait courtisan-conseiller, selon le modèle proposé par Castiglione dans le dernier des livres du Courtisan.
- 47 M. Rivero Rodríguez, Gattinara y el sueño del Imperio…, ouvr. cité, p. 12 et idem, « Memor (...)
30Selon Rivero Rodríguez, Gattinara est un « ministre sage, loyal, prudent » mais qui reste « invisible » dans les moments des choix politiques décisifs, en particulier de 1522 à 1527, quand les ministres castillans et flamands exercent une influence beaucoup plus importante sur l’empereur, qui reste sourd aux solutions politiques et diplomatiques proposées par son chancelier47. En effet, Gattinara n’a jamais eu l’entière direction des affaires impériales pendant ces années-là : il était souvent absent aux réunions des Conseils à cause de sa santé précaire et n’a pas toujours réussi à imposer son opinion au moment de prendre certaines décisions importantes. L’épisode concernant la libération de François Ier est, à ce propos, emblématique.
- 48 En réalité, plus que la destruction de la monarchie française, Gattinara cherchait à créer (...)
- 49 L’ambassadeur vénitien Andrea Navagero écrit à la Sérénissime : « dice S. Sria [Gattinara](...)
31Selon Gattinara, avant de libérer François Ier, il fallait conclure une paix en Italie et obtenir le duché de Bourgogne. Toutefois, il ne pense à aucun moment attaquer militairement le royaume de France, mais plutôt contraindre le roi à accomplir ses promesses avant sa libération48. Pour lui, François Ier était prêt à signer n’importe quel traité à condition de sortir de prison, mais, une fois libéré, il n’aurait observé aucune promesse et songerait uniquement à se venger et à récupérer les territoires qu’il avait cédés : il suivrait la stratégie utilisée par Louis XI avec Charles le Téméraire, quand celui-ci s’apprêtait à assiéger Paris49.
- 50 Ibid.
- 51 Voir L. Gerbier, « Les raisons de l’empire… », art. cité, p. 109-110.
32Aux membres du Conseil qui lui reprochaient de prêter trop d’attention aux astrologues et aux prophéties, Gattinara avait répondu que sa façon de voir la prophétie était la suivante : « se rappeler les choses passées, considérer les choses présentes et juger les futures »50. Le chancelier faisait allusion à la faculté de connaître et de juger les actions humaines selon la raison pratique et éclairée. La prophétie était ainsi comparée au « très prudent conseil » et au « jugement », deux actes préliminaires indispensables pour agir correctement dans la réalité concrète. Mis à part la présumée source divine qui inspirait le prudentissimum consilium, cette démarche était tout à fait assimilable à la leçon de l’histoire comme magistrae vitae51.
- 52 « El vicere avanti partesse di Granata per ordine del Consiglio depose sue simultati con e (...)
33Charles Quint suivit moins les conseils de son chancelier que la politique défendue par le secrétaire Lallemand et par Charles de Lannoy : François Ier fut libéré et Gattinara avait rendu les sceaux de l’Empire. Après la faillite de la politique d’alliance avec la France et la naissance de la Ligue de Cognac, ce sera le vice-roi lui-même qui reconnaîtra au chancelier « ses vertus de la prudence » comme le « fruit d’un don divin »52.
- 53 Ibid., p. 277-278.
- 54 « […] del concilio no se deve hablar al papa no haviendo cosa che mas tema, dudando que no (...)
34Gattinara affirme dans son autobiographie sa conviction de la nécessité de réformer l’Église et de condamner les coutumes corrompues. Cependant, il considère qu’il faut le faire sans fractures violentes et que le siège du christianisme doit rester Rome. Pour lui, l’idée de monarchie impériale est indissociable de celle de l’unité religieuse et il faut rétablir l’unité chrétienne à travers un accord entre le pape et Luther. Réforme de l’Église et reconstitution de l’Empire étaient deux éléments indispensables pour la réalisation du message évangélique d’unité chrétienne du monde53. Toutefois, en septembre 1525, Gattinara conseille à Charles Quint de traiter avec le pape uniquement de « la paix universelle et des expédients contre les Turcs et les Luthériens » en attendant son voyage en Italie pour parler de la convocation d’un concile, auquel Clément VII est très hostile : il craint en effet que ne « vienne à la lumière le fait qu’il est bâtard et qu’il n’a jamais été élu de manière canonique »54.
- 55 Voir J. M. Headley, « L’imperatore e il suo cancelliere : discussioni sull’impero, l’ammin (...)
35Une lettre de Navagero, écrite le 20 septembre 1526 depuis Grenade, donne une idée un peu différente de la place occupée par Gattinara à la cour. Après la naissance de la Ligue de Cognac, Gattinara considérait que Clément VII n’était pas digne de continuer à occuper cette charge et avait rédigé une violente réponse à la lettre du pape signée par Jacques Sadolet55. Selon l’ambassadeur, Gattinara avait rédigé cette lettre non seulement à cause de la volte-face de Clément VII mais aussi parce qu’il s’attendait à être élu cardinal. Et il ajoute :
- 56 C. Bornate, Historia vite et gestorum…, ouvr. cité, p. 517. Voir aussi la lettre d (...)
En réalité parmi ces messieurs conseillers il n’y a que lui qui connaît les littere, et quand il veut faire une chose, il dit qu’ainsi ordonnent les lois, qu’on ne peut pas faire autrement et tous se taisent.56
- 57 « […] in vero questa corte senza lui patisse assai ». Ibid., p. 527. Selon M. Rivero Rodrí (...)
36Cela ne signifie pas que Gattinara était le seul conseiller écouté. Toutefois, après la faillite de la stratégie proposée par le vice-roi Lannoy, à la fin de l’année 1526, Gattinara décide de quitter la cour. En mai 1527, six jours après le sac de Rome, Navagero écrit de Valladolid que le chancelier va sûrement être rappelé par l’empereur puisque « à dire vrai, cette cour sans lui souffre beaucoup »57. Une fois rappelé par Charles Quint, son influence sera déterminante pour la suite des événements qui conduisit l’empereur en Italie.
- 58 Voir E. Bussi, « Tra Sacro Romano Impero e Stato assoluto », dans Nuove questioni di (...)
37En effet, derrière l’idée de la monarchie universelle se cachait aussi la clé pour comprendre la stratégie politique que Charles Quint devait mettre en place en Italie, noyau central des préoccupations de Gattinara. Le chancelier ne s’inspirait certainement pas de la tradition des Rois catholiques, mais de la tradition des Habsbourg dont la Reich-Idée n’était pas seulement idéologique mais aussi politique, et, au début du XVIe siècle, elle consistait à reconquérir le duché de Milan tombé entre les mains de la monarchie française58. La Weltanschauung de Gattinara était en parfaite adéquation avec l’idéologie de son temps et elle répondait à des attentes précises de groupes sociaux bien définis, en particulier celles des familles aristocratiques de foi gibeline présentes dans différentes villes de la péninsule et qui avaient misé sur la victoire de Charles Quint et la défaite de son éternel rival. Ces familles constituaient le réseau de clientèles du parti néogibelin en Italie.
- 59 Voir K. O. von Arétin, « L’ordinamento feudale in Italia nel XVI e XVIII secolo e le sue r (...)
38Mais quelles étaient les structures institutionnelles de cette époque en Italie et ses rapports traditionnels avec le Saint-Empire ? L’Italie du début du XVIe siècle était un ensemble d’États très différents sur le plan institutionnel, mais dont les liens juridiques avec le Saint-Empire étaient encore solides. Mises à part les Républiques d’origine communale qui vivaient leurs derniers moments de gloire, dans le Royaume de Naples et dans les États de l’Église persistait une organisation institutionnelle de structure féodale qui était loin de jouir de l’autonomie et de la centralisation du pouvoir propres aux monarchies européennes, tandis que les principautés du Nord survivaient dans un régime de semi-indépendance territoriale et institutionnelle tout aussi éloigné des modèles d’États nationaux modernes59.
- 60 « […] y hallandose poderoso en jtalia con titulo de emperador, mandaria a todos y (...)
39Gattinara considérait une bonne partie de l’Italie du Nord comme un ensemble de fiefs et de dépendances de l’Empire, et les différents ducs, marquis ou gouverneurs des villes gardaient, volens nolens, des liens d’allégeance avec l’empereur60. Ces liens s’étaient relâchés à la suite des problèmes qu’avaient connus les différents empereurs du XVe siècle, mais ils étaient encore bien présents, et Charles Quint, conseillé par Gattinara, était bel et bien décidé à faire valoir ses droits et à s’imposer comme arbitre unique face aux nombreux différends.
- 61 Voir J. Schellinger, Le Saint-Empire, Paris, Ellipses, 2002, p. 14.
40Compte tenu des liens féodaux qu’une grande partie de la péninsule conservait par tradition avec l’Empire, le renouveau de la grandeur impériale était tout à fait réaliste et se présentait comme une possible solution pour mieux contrôler un nombre indéterminé de réalités politiques italiennes61. Gattinara savait pertinemment que l’aboutissement de ce projet politique devait passer par un accord avec le pape. L’empereur devait faire valoir ses droits sur les territoires italiens de l’Empire, mais il fallait se garder de s’opposer aux revendications des Médicis ou de compromettre les droits pontificaux sur les autres territoires. C’est aussi pour cette raison que l’empereur réclamait le droit de se considérer comme primus inter pares, et par conséquent de pouvoir appliquer un principe d’ingérence dans la péninsule à travers l’arbitrage des différends entre les princes ou les puissances de la « province ». D’ailleurs, la légitimation des pouvoirs en place passait aussi par la reconnaissance impériale et, malgré certaines réticences, les princes durent accepter cette situation. Il est évident que le but de Charles Quint était de pacifier l’Italie afin de favoriser sa stratégie européenne, même si cela devait se faire au détriment des clientèles du parti guelfe et pro-français de la péninsule, à ce moment en retraite stratégique, mais bien loin d’être vaincues. Nous pouvons aussi remarquer que les conseils donnés par Gattinara en 1525 seront en grande partie utilisés lors des négociations qui aboutiront au traité de Bologne en 1530. Pour Nicolas de Granvelle, ce traité était le chef-d’œuvre diplomatique de Gattinara.
Conclusion
- 62 Dans un mémoire, Gattinara écrit à l’empereur de ne jamais révéler à personne ses vraies i (...)
- 63 Voir Investitura di Carlo Quinto fatta al duca Alessandro de Medici dello Stato di (...)
- 64 Voir A. Pacini, La Genova di Andrea Doria nell’Impero di Carlo V, Florence, Olschki, 1999, (...)
- 65 Voir Concessione fatta dall’imperatore Carlo V to a Cosmo de’Medici del primato et capo (...)
41La politique impériale évoluait en Italie de façon ambiguë et, quant aux arbitrages, elle tendait à favoriser soit les familles traditionnellement proches de l’Empire (arbitrage à propos du Montferrat), soit l’aspect juridique le plus avantageux (arbitrage sur Modène et Reggio d’Émilie), sans négliger la possibilité de s’emparer d’un fief resté sans succession, comme ce fut le cas en 1535 avec le duché de Milan, que Gattinara considérait comme un fief de l’Empire62. En 1530, Charles Quint accepta de transformer le marquisat de Mantoue en duché, lui aussi fief de l’Empire, et finit par confier le marquisat du Montferrat à Frédéric Gonzague, duc de Mantoue, en récompense de sa fidélité à la cause impériale. Il rendit aussi son verdict sur le différend opposant le duc de Ferrare au pape Clément VII, lequel dut accepter la perte des deux villes. Par ailleurs, l’empereur signa le document qui transforma la République de Florence en duché, légitimant ainsi son gendre Alexandre de Médicis dans ses fonctions de chef d’un pouvoir absolu63. Ce fut encore lui qui négocia au nom des Génois pour que la République reste une simple « chambre de l’Empire »64. À Naples, en 1536, c’est à Charles Quint que s’adressèrent les fuoriusciti florentins pour rétablir la libertas dans leur ville ; et l’année suivante, c’est encore vers la cour impériale que s’achemineront les diplomates envoyés par Côme de Médicis pour obtenir la légitimation de son élection. En 1538, Côme obtiendra le titre de duc de Florence65.
- 66 Voir G. Petralia, « “Stato” e “moderno” nell’Italia del Rinascimento », Storica, no 8, 199 (...)
42Toutes ces décisions politiques montrent que l’Italie du XVIe siècle était beaucoup plus proche de l’époque précédente, et des études plus récentes mettent en lumière comment la péninsule était encore loin d’avoir accompli ce parcours institutionnel qui allait la transformer en lieu de l’élaboration de la modernité ou de la proto-modernité européenne66. D’autre part, la tentative de François Ier de devenir empereur du Saint-Empire romain germanique, souvent minimisée parce qu’elle s’adaptait mal à l’image idéale de monarque d’un État moderne, « empereur dans son royaume », était sûrement une façon de s’opposer à l’énorme pouvoir dont allait s’emparer son rival. Si le roi de France avait réussi à se faire élire, quelle évolution institutionnelle la France aurait-elle connue et quels rapports le roi aurait-il instaurés avec l’Allemagne ? Il est vrai que l’Histoire ne se fait pas avec des hypothèses, mais de toute évidence, à cette époque, personne ne pouvait être sûr de connaître l’évolution de l’Europe et encore moins de savoir quel destin était réservé à l’Italie.
- 67 Voir A. Prosperi, Dalla peste nera alla guerra dei trent’anni, Turin, Einaudi, 2000, p. 28 (...)
43D’autres hypothèses étaient aussi envisageables, comme la naissance d’un système de pouvoirs autonomes – tel était le cas en Pologne où s’était imposée une fédération de grands propriétaires terriens ; ou la réalisation d’une fédération d’États reconnaissant comme seule autorité suprême un gouvernement théocratique, comme le souhaitaient Paul III (1534-1549) ou Paul IV (1555-1559), lesquels prônaient le droit des papes à exercer la souveraineté sur les États ; ou encore un ensemble de cités-États libres comme en rêvaient les Républiques de Gênes et de Lucques qui espéraient pouvoir vivre de leurs échanges commerciaux sans perdre leur liberté et leur autonomie. Ce sera finalement le conflit religieux qui, par son ampleur européenne, accélérera la stabilisation des frontières et entamera un long processus institutionnel de sélection et de concentration qui conduira à la naissance de plusieurs États-nations en Europe67. D’autre part, la péninsule italienne ne deviendra pas le noyau de la « monarchie universelle » comme l’espérait Gattinara, mais un ensemble d’États satellites de la monarchie espagnole.
44La construction de l’État-nation imposait, d’une part, l’exaltation du sentiment national et, d’autre part, la création de frontières pour protéger la nature, le caractère, les valeurs et les vertus d’un peuple – souvent au détriment d’autres populations étrangères considérées comme porteuses potentielles de tous les maux et de tous les vices. La monarchie nationale devint ainsi la base sur laquelle les puissances européennes allaient construire un impérialisme structuré comme une projection de la souveraineté des monarchies au-delà de leurs frontières. Mais, auparavant, Gattinara avait pensé à un autre type de solution : la suprématie d’une monarchie supranationale organisée selon le modèle mythique de l’Empire romain, capable de garantir la paix sous l’égide du christianisme.
Notes
1 L’Arioste, Orlando furioso / Roland furieux, édition bilingue, trad. A. Rochon, Paris, Les Belles Lettres, 2008, t. II, p. 107.
2 Pour une bibliographie essentielle sur Gattinara, voir J. M. Headley, The Emperor and his Chancellor. A Study of the Imperial Chancellery under Gattinara, New York, Cambridge University Press, 1983, p. 166-181, et M. Rivero Rodríguez, Gattinara y el sueño del Imperio, Madrid, Silex, 2005, p. 161-247.
3 Franz Bosbach a insisté sur l’origine chrétienne et médiévale de l’idée d’empire et sur la présence de différentes conceptions liées à la monarchie universelle. L’historien allemand d’extraction catholique a mis en évidence l’importance de la Papauté et du Saint-Empire romain germanique dans l’organisation internationale de l’Europe du début du xvie siècle et l’absence d’un ordre international alternatif. Voir F. Bosbach, Monarchia universalis. Ein politischer Leitbegriff der frühen Neuzeit, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1988.
4 Voir F. Ferretti, Un maestro di politica. L’umana vicenda di Mercurino dei nobili Arborio di Gattinara, gran cancelliere di Carlo V re di Spagna e imperatore, Gattinara, Bollettino dell’Associazione culturale di Gattinara, no 20, décembre 1999.
5 Sur les différentes acceptions du concept d’empire à cette époque, voir, entre autres, A. Pagden, Lords of all the World. Ideologies of Empire in Spain, Britain and France, 1500-1800, New Haven / Londres, Yale University Press, 1995 ; Theories of Empire, 1450-1800, D. Armitage éd., Aldershot, Ashgate, 1998 et Idées d’empire en Italie et en Espagne (xive au xviie siècles), F. Crémoux et J.-L. Fournel éd., Rouen, Publications des universités de Rouen et du Havre, 2010.
6 J.-M. Sallmann, Charles Quint, l’empire éphémère, Paris, Payot, 2000, p. 211. Voir Cartas-Relaciones de Hernán Cortés al Emperador Carlos Quinto, Madrid, Cambio 16, 1992 ; J. Ginés de Sepúlveda, Democrates segundo o de las justas causas de la guerra contra los indios, Madrid, Instituto Francisco de Vitoria, 1951 et R. Pio da Carpi, Discorso del Reverendo Cardinale de Carpi del 1543 a Carlo Quinto Cesare del modo del dominare, Paris, Bibliothèque nationale de France, ms italien 426, fol. 37-48. Voir aussi J. Antonio Maravall, « El concepto de monarquía en la edad media española », dans Estudios de historia del pensamiento español, 4 vol., Madrid, Centro de estudios constitucionales, 1999 [1954], p. 69-87 et V. Frankl, « Imperio particular e imperio universal en las Cartas de Relación de Hernán Cortés », Cuadernos Hispanoaméricanos, no 165, 1963, p. 443-482.
7 Voir M. Mestre Zaragoza, « L’Empire de Charles Quint : le laboratoire politique de l’Europe moderne », Erytheis, no 3, septembre 2008, p. 47-68.
8 A. Pagden, Lords of all the World…, ouvr. cité, p. 27-30.
9 Dante, Œuvres complètes, Paris, Gallimard, 1965, p. 440-441.
10 « […] Cesare presente, quale veggiamo che per le pedate degli altri grandi tende al cammino della monarchia ». F. Guicciardini, Discorsi politici, dans Opere inedite, Florence, Barbera-Bianchi, 1857, vol. I, p. 359.
11 Voir L. Carvaialo, Apologia monasticae religionis diluens nugas Erasmi, s.l., 1529, p. 5-30.
12 Voir Érasme, Colloques, Paris, Imprimerie nationale, 1992, vol. II, p. 9.
13 Voir M. Bataillon, Érasme et l’Espagne, Genève, Droz, 1937, vol. I, p. 345-356.
14 Érasme, La correspondance, Bruxelles, Université libre de Bruxelles, Institut pour l’étude de la Renaissance et de l’humanisme, 1979, vol. VIII, p. 121-122.
15 « Si le Christ avait enseigné en Savoie et si dans une pareille occasion on lui avait montré une monnaie ducale, il aurait dit : “Rendez au duc ce qui est au duc, etc.” » Ibid.
16 Ibid., 1974, vol. II, p. 726-727.
17 A. Kohler, « Representación y propaganda de Carlos V », dans Carlos V y la quiebra del humanismo político en Europa (1530-1558), Madrid, Sociedad Estatal para la Conmemoración de los Centenarios de Felipe II y Carlos V, 2001, vol. III, p. 13-21.
18 Voir A. de Valdés, Diálogo de Mercurio y Caròn, Madrid, Espasa Calpe, 1971.
19 Voir notre « Mercurino Gattinara et le mythe d’un empire universel », dans Idées d’empire en Italie et en Espagne…, ouvr. cité, p. 71-102.
20 La bibliographie sur ce phénomène est immense : pour plus d’informations, voir M. Reeves, The Influence of Prophecy in the Later Middle Ages, Oxford, Clarendon Press, 1969 ; O. Niccoli, Profeti e popolo nell’Italia del Rinascimento, Bari, Laterza, 1987 et notre « De Pavie à Bologne : la prophétie comme arme de la politique impériale pendant les Guerres d’Italie (1525-1530) », dans La prophétie comme arme de guerre des pouvoirs (XVe-XVIIe siècles), Paris, La Sorbonne nouvelle, 2000, p. 97-107.
21 Sur la mission eschatologique du roi de France et sa vocation à la monarchie universelle, voir J.-F. Maillard, « Empire universel et monarchie gallique… », dans Idées d’empire en Italie et en Espagne…, ouvr. cité, p. 193-216.
22 Voir M. Reeves, Joachimist Influences on the Idea of a Last World Emperor, Traditio, no 17, 1961 et J.-M. Sallmann, Charles Quint, l’empire éphémère…, ouvr. cité, p. 212-226.
23 À cette occasion, Gattinara avait écrit un petit traité, jamais retrouvé, adressé au futur empereur, dans lequel il prédisait la prochaine réalisation de la monarchie universelle. Voir C. Bornate, Historia vite et gestorum per dominum magnum cancellarium, dans Miscellanea di Storia Italiana, Turin, Bocca, 1915, série III, année XVII, vol. XLVIII, p. 266.
24 Ibid., p. 272 et p. 323.
25 Sur la candidature de François Ier à l’Empire, voir R. Folz, Le souvenir et la légende de Charlemagne dans l’Empire germanique médiéval, Paris, Les Belles Lettres, 1950, p. 304-307 ; A.-M. Lecoq, François Ier imaginaire. Symbolique et politique à l’aube de la Renaissance française, Paris, Macula, 1987, p. 301-305.
26 Voir M. Capellino, « Mercurino Arborio di Gattinara tra gioachimismo ed erasmismo », dans Mercurino Arborio di Gattinara gran cancelliere di Carlo V, Verceil, Società storica vercellese, 1982, p. 25-43 et J. M. Headley, « Rhetoric and reality : messianic, humanist, and civilian themes in the imperial ethos of Gattinara », dans Prophetic Rome in the High Renaissance Period, Oxford, Clarendon Press, 1992, p. 241-269.
27 Sur le séjour et le couronnement de Charles Quint à Bologne, voir, entre autres, P. Prodi, « Carlo V e Clemente VII : l’incontro di Bologna nella storia italiana ed europea », dans Bologna nell’età di Carlo V e Guicciardini, E. Pasquini et P. Prodi éd., Bologne, Il Mulino, p. 329-345 ; J. Martínez Millán et M. Rivero Rodríguez, « La coronación impérial de Bolonia y el final de la vía flamenca (1526-1530) », dans Carlos V y la quiebra del humanismo político…, ouvr. cité, vol. I, p. 131-150 et notre Charles Quint maître du monde : entre mythe et réalité, Caen, Presses universitaires de Caen, 2004, avec une ample bibliographie (p. 259-282).
28 Voir O. Niccoli, « Astrologi e profeti a Bologna per Carlo V », dans Bologna nell’età di Carlo V…, ouvr. cité, p. 457-476.
29 Voir F. A. Yates, Astrée, le symbolisme impérial au XVIe siècle, Paris, Belin, 1989.
30 Voir W. Goez, Translatio imperii. Ein beitrag zur Geschichte des Geschichtsdenkens und der politischen Theorien in Mittelalter und in der frühen Neuzeit, Tübingen, J. C. B. Mohr, 1958, p. 109-156.
31 Voir Dante, La Monarchie, Paris, Belin, 1993, p. 195 (l. III, iv, 12), p. 209 (l. III, ix, 1) et p. 241 (l. III, xv, 16).
32 Voir Marsile de Padoue, Defensor minor. De translatione imperii, Paris, CNRS, 1979, p. 369-433. Voir aussi R. Folz, L’idée d’empire en Occident du Ve au XIVe siècle, Paris, Aubier, 1956, p. 160.
33 Voir Th. Lucensis, Determinatio compendiosa de Iurisdictione Imperii, Leipzig, Hahniani, 1909, p. 29.
34 Sur la réelle naissance de ce collège, voir J. Schillinger, Le Saint-Empire, Paris, Ellipses, 2002, p. 66-74 et F. Rapp, Le Saint-Empire romain germanique d’Otton le Grand à Charles Quint, Paris, Seuil, 2003, p. 221-259.
35 Voir M. Cavina, Imperator Romanorum triplice corona coronatur. Studi sull’incoronazione imperiale nella scienza giuridica fra Tre e Cinquecento, Milano, Giuffrè, 1991, p. 140-142.
36 Voir D. Quaglioni, « Empire et monarchie : aspects du débat juridique », dans Idées d’empire en Italie et en Espagne, ouvr. cité, p. 37-46.
37 Voir L. Gerbier, « Les raisons de l’empire et la diversité des temps », Erytheis, no 3, septembre 2008, p. 94-115.
38 C. Bornate, Historia vite et gestorum…, ouvr. cité, p. 408.
39 K. Brandi, Charles Quint…, ouvr. cité, p. 95.
40 Pour sa part, Gabriele Morelli considère Gattinara comme l’homme le plus lucide de son temps et son projet politique comme une anticipation du dessein unitaire de l’Europe du XXe siècle. Voir G. Morelli, « La visione europea di Mercurino Arborio di Gattinara, gran cancelliere di Carlo V », dans Peregrinationes, acta et documenta, Malte, Academia Internazionale Melitense, 2001, t. II, année II.
41 Voir F. Edelmayer, « Carlos V y Fernando I. La quiebra de la monarquía universal », dans Carlos V y la quiebra del humanismo político…, ouvr. cité, vol. I, p. 151-161.
42 En 1520, dans son discours à la noblesse chrétienne allemande, Luther contestait avec véhémence le principe de la translatio imperii. Voir M. Luther, Œuvres, Paris, Gallimard, 1999, p. 589-673.
43 J. H. Elliot, « Monarquía compuesta y monarquía universal en la época de Carlos V », dans Carlos V. Europeísmo y universalidad, Madrid, Sociedad Estatal para la Conmemoración de los Centenarios de Felipe II y Carlos V, 2000, vol. V, p. 699-710.
44 Voir J. H. Elliot, Imperial Spain, Londres, E. Arnold, 1963, p. 183-200 ; H. G. Koenigsberger, La Práctica del Imperio, Madrid, Alianza Editorial, 1969, p. 15-41 ; L. Avonto, « Documenti sulle Indie nuove nell’Archivio di Mercurino Arborio di Gattinara gran cancelliere di Carlo V », dans Mercurino Arborio di Gattinara gran cancelliere di Carlo V…, ouvr. cité, p. 219-248 et F. Cantù, « Mercurio Arborio di Gattinara tra vecchio e nuovo mondo », Critica storica, vol. XXI, 1984, p. 373-380.
45 C. Bornate, Historia vite et gestorum…, ouvr. cité, p. 469.
46 « […] havendo ruminado y pensado todo lo que he podido, no hallo ningun mejor ny mas cuymplido ny mas prompto medio que de accabar, de concluyr, el mas presto que ser pudiere el casamiento de su m[ajesta]d con la infanta doña jsabel de Portugal ». Ibid.
47 M. Rivero Rodríguez, Gattinara y el sueño del Imperio…, ouvr. cité, p. 12 et idem, « Memoria, escritura y estado : la autobiografía de Mercurino Arborio di Gattinara, Gran Canciller de Carlos V », dans Carlos V y la quiebra del humanismo político…, ouvr. cité, vol. I, p. 216.
48 En réalité, plus que la destruction de la monarchie française, Gattinara cherchait à créer les conditions pour qu’elle fût gouvernée par un allié de Charles Quint, comme par exemple le connétable Charles de Bourbon. Voir C. Bornate, Historia vite et gestorum…, ouvr. cité, p. 470-472 et aussi les considérations de G. Boccotti éd. dans M. Arborio di Gattinara, Autobiografia, Rome, Bulzoni, 1991, p. 69.
49 L’ambassadeur vénitien Andrea Navagero écrit à la Sérénissime : « dice S. Sria [Gattinara] che alcuni dicono che la oppinion che ha, l’ha per prophetie et che é vero ma che le profetie sue son di questa sorte che si aricorda le cose passate et considera le presente et da queste giudica le future et che queste son le profetie sue aricordandosi le cose passate non trova che mai francesi servasseno promessa fatta alla casa di Borgogna che tra molti altri il Re Aloys padre di re Carlo fece pace con il Duca di Borgogna et promisse molte cose et subito di poi non ne servo alcuna si scusava dicendo che la pace che haveva fatta aveva fatto sforzato per che si vedeva un essercito inimico in Franza vicino a Paris », C. Bornate, Historia, vite et gestorum…, ouvr. cité, p. 318.
50 Ibid.
51 Voir L. Gerbier, « Les raisons de l’empire… », art. cité, p. 109-110.
52 « El vicere avanti partesse di Granata per ordine del Consiglio depose sue simultati con el Gran Cancelliero doppo esso di Cartagena gli ha scripto di sua mano che da poy che Dio li ha data tanta prudentia de avere averatosi tutto quello prediceva ne le cose passate che sia certo che lo troverà in ogni sua occorrentia obediente come figliolo et che mai discostera da sua oppenione. » Lettre du « cavalier Biglia » au duc de Milan de novembre 1526, C. Bornate, Historia, vite et gestorum…, ouvr. cité, p. 318.
53 Ibid., p. 277-278.
54 « […] del concilio no se deve hablar al papa no haviendo cosa che mas tema, dudando que no se ponga en luz : que sea bastardo y no haya sido canonicamente elegido ». Ibid., p. 463.
55 Voir J. M. Headley, « L’imperatore e il suo cancelliere : discussioni sull’impero, l’amministrazione e il papa », Rassegna degli archivi di Stato, no 46, septembre-décembre 1986, p. 547-549.
56 C. Bornate, Historia vite et gestorum…, ouvr. cité, p. 517. Voir aussi la lettre de Navagero du 8 mars 1527, ibid., p. 525-526.
57 « […] in vero questa corte senza lui patisse assai ». Ibid., p. 527. Selon M. Rivero Rodríguez, « sólo en ese momento Gattinara pudo gozar de un instante de absoluta confianza » de la part de l’empereur. M. Rivero Rodríguez, « Memoria, escritura y estado… », art. cité, p. 216.
58 Voir E. Bussi, « Tra Sacro Romano Impero e Stato assoluto », dans Nuove questioni di storia moderna, Milan, Marzorati, 1964, p. 420.
59 Voir K. O. von Arétin, « L’ordinamento feudale in Italia nel XVI e XVIII secolo e le sue ripercussioni sulla politica europea. Un contributo alla storia del tardo feudalesimo in Europa », Annali dell’istituto storico italo-germanico in Trento, vol. IV, 1978, p. 51-94 et C. Cremonini, « Considerazioni sulla feudalità imperiale italiana nell’età di Carlo V », dans L’Italia di Carlo V, F. Cantù et M. A. Visceglia éd., Rome, Viella, 2003, p. 259-276.
60 « […] y hallandose poderoso en jtalia con titulo de emperador, mandaria a todos y quedaria señor de todos sin qualquiere resistencia, que es la cosa que papa y potentados mas temen por lo que usurpan del jmperio », C. Bornate, Historia vite et gestorum…, ouvr. cité, p. 498.
61 Voir J. Schellinger, Le Saint-Empire, Paris, Ellipses, 2002, p. 14.
62 Dans un mémoire, Gattinara écrit à l’empereur de ne jamais révéler à personne ses vraies intentions sur Milan. Voir G. Claretta, « Notice pour servir à la vie de Mercurino de Gattinara d’après des documents originaux », Memorie della Reale Accademia delle Scienze di Torino, no 47, 1897, p. 89.
63 Voir Investitura di Carlo Quinto fatta al duca Alessandro de Medici dello Stato di Fiorenza l’anno 1530, Paris, Bibliothèque nationale de France, ms italien 409, fol. 149.
64 Voir A. Pacini, La Genova di Andrea Doria nell’Impero di Carlo V, Florence, Olschki, 1999, p. 293-294.
65 Voir Concessione fatta dall’imperatore Carlo V to a Cosmo de’Medici del primato et capo del Governo, Stato et Dominio della Republica fiorentina. L’anno M. D. XXXVIII, Paris, Bibliothèque nationale de France, ms italien 409, fol. 207.
66 Voir G. Petralia, « “Stato” e “moderno” nell’Italia del Rinascimento », Storica, no 8, 1997, p. 7-48.
67 Voir A. Prosperi, Dalla peste nera alla guerra dei trent’anni, Turin, Einaudi, 2000, p. 283-322 et p. 489-492.
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Référence électronique
Juan Carlos d’Amico, « Gattinara et la « monarchie impériale » de Charles Quint. Entre millénarisme, translatio imperii et droits du Saint-Empire », Astérion [En ligne], 10 | 2012, mis en ligne le 28 septembre 2012, consulté le 18 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/asterion/2250 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/asterion.2250
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