Maine de Biran : métaphysique et psychologie
Résumés
Que pouvons-nous savoir en métaphysique ? Défendre la métaphysique contre ses ennemis et ses ennemis contre eux-mêmes (les Idéologues) aura supposé pour Maine de Biran une lutte sur un double front, capable d’éviter tout à la fois les écueils d’une métaphysique abstraite qui ne veut admettre que des principes a priori et refuse le titre de science des principes à celle qui se fonderait sur l’expérience, et d’une métaphysique d’inspiration condillacienne, Idéologie comprise, qui n’admet qu’une sorte d’expérience, l’expérience extérieure. Biran édifie une métaphysique de l’expérience intérieure qui repose sur la découverte d’un ordre de faits plus internes qui constituent le fond de l’être pensant et agissant. Le principe générateur de nos facultés, c’est-à-dire de nos opérations, est un fait duel, une relation primitive interne dont les termes sont distincts sans être séparés – la force dite hyper-organique et la résistance du corps propre –, qui s’identifie avec notre existence même. Biran met ainsi fin aux discours ontologiques sur les essences séparées de l’âme et du corps et promeut un nouvel empirisme. Ni logique ou grammaire générale, ni physiologie, la métaphysique positive est la science des faits primitifs du sens intime, une science expérimentale intérieure à peine née, à savoir la psychologie, à la fois analytique et synthétique, rationnelle et expérimentale.
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Mots-clés :
aperception, causalité, expérience intérieure, idéologie, métaphysique, psychologie, réflexionPlan
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Quelle(s) métaphysique(s) ? Le tableau
- 1 Maine de Biran, Œuvres, vol. III, Mémoire sur la décomposition de la pensée, Paris, Vrin, 1988, p. (...)
- 2 Id., Œuvres, vol. IV, De l’aperception immédiate, Paris, Vrin, 1995, p. 9-10. Sur le terme « Idéol (...)
- 3 Maine de Biran, Mémoire sur la décomposition, op. cit., p. 23.
- 4 Id., Œuvres, vol. VII-2, Essai sur les fondements de la psychologie, Paris, Vrin, 2001, p. 445.
- 5 Id., Mémoire sur la décomposition de la pensée, op. cit., p. 2.
- 6 Ibid., p. 21.
1Depuis le Mémoire sur l’influence de l’habitude sur la faculté de penser jusqu’au Mémoire sur la décomposition de la pensée et même au-delà, Maine de Biran ne fait pas de séparation nette entre métaphysique et idéologie. L’analyse ou décomposition (de la pensée) peut se dire indifféremment idéologique ou métaphysique1. En substituant au terme de « métaphysique » celui d’« Idéologie », Antoine Destutt de Tracy a remplacé – se félicite Maine de Biran en bon disciple – un titre « peut-être trop vague, trop audacieux, par un autre du moins plus modeste et mieux approprié à nos moyens de connaître »2. La métaphysique est en effet devenue, d’une part, science des idées et de leur expression (étude des signes), et, d’autre part, science des fonctions organiques de la vie et de la sensibilité3. Et Biran de louer les « résultats palpables »4 de la clarification idéologique des idées. En effet, les nuages ont été dissipés au profit des lois métaphysiques de la pensée et les « rêveries » de l’ancienne métaphysique concernant l’origine du monde et la nature de l’âme appartiennent au passé : honneur à Bacon, Locke et Condillac, et, bien sûr, à l’idéologie ! La « science ténébreuse qui erra si longtemps dans les espaces imaginaires »5 a fait place à la nouvelle métaphysique qui ne se conçoit pas sans l’observation et l’expérience puisqu’elle est désormais une « branche de la philosophie expérimentale, distinguée de la physique seulement en ce que le sujet d’observation extérieur dans celle-ci, était intérieur dans celle-là »6.
- 7 D’Alembert, Discours préliminaire de l’Encyclopédie, Paris, Vrin, 1984, p. 103-104.
- 8 Maine de Biran, Œuvres, vol. II, Influence de l’habitude sur la faculté de penser, Paris, Vrin, 19 (...)
- 9 À savoir 1o la science de la substance de l’âme, 2o la science de ses facultés, 3o la science de l (...)
- 10 Maine de Biran, Mémoire sur la décomposition de la pensée, op. cit., p. 21.
- 11 Ibid., p. 19.
- 12 Voir A. Destutt de Tracy, Œuvres complètes. III, Éléments d’Idéologie, Paris, Vrin, 2012, p. 84.
- 13 Maine de Biran, Mémoire sur la décomposition, op. cit., p. 23.
2Héritier des Lumières, Biran considère, à l’instar de l’auteur du discours préliminaire de l’Encyclopédie, d’Alembert7, que John Locke est le créateur de la vraie métaphysique, à savoir de la physique expérimentale de l’âme8. Adoptant la division baconienne9, Biran se félicite que, de « science de l’âme et de ses attributs », la métaphysique soit devenue science « de l’usage et de l’objet des facultés humaines »10. Mais les deuxième et troisième termes de la division de l’« immortel restaurateur de la vraie philosophie »11 se sont trouvés réduits, sous l’influence de Condillac, à la logique et à la grammaire générale12 et le second titre de la division baconienne, la science des facultés, semble notamment rempli par la science de la vie et de la sensibilité, « par la physiologie prise dans toute son étendue »13 : les sens, quelle que soit l’acception métaphysique du terme, ne sont-ils pas considérés comme la source de nos idées ?
- 14 Id., Influence de l’habitude, op. cit., p. 131.
- 15 A. Destutt de Tracy, Mémoire sur la faculté de penser, op. cit., p. 71.
- 16 Maine de Biran, De l’aperception, op. cit., p. 6.
3Que signifie, dans ces conditions, l’affirmation du premier Mémoire de Biran : « J’ai voulu essayer d’unir, par certains côtés du moins, l’idéologie à la psychologie »14 ? À rebours de Destutt de Tracy rechignant à l’emploi du terme de psychologie qui « veut dire science de l’âme [et] paraît supposer une connaissance de cet être que sûrement vous ne vous flattez pas de posséder »15, Biran revendique le terme. Car si l’ancienne métaphysique et ses procès semblent, d’une certaine façon, révolus, il entend circonscrire non seulement les bienfaits, mais aussi les limites et dangers de la méthode expérimentale baconienne quand elle finit « par embrasser […] la métaphysique des esprits comme la physique des corps, la science des abstraits comme celle des concrets »16.
4Ne peut-on en effet questionner le second titre de la division (qu’appelons-nous au juste une faculté ?) et le type d’expérience qu’elle définit ?
- 17 Ibid., p. 7-8.
Sans récuser encore les titres de la même méthode [la méthode expérimentale de Bacon], mais ayant égard surtout à une sorte d’expérience toute intérieure, différente de celle qui a constamment guidé les disciples de Bacon, on pourrait demander si la métaphysique, considérée comme science des facultés propres au sujet pensant, ne constitue pas une science distincte de celle de l’emploi pratique et surtout de l’objet de ces facultés, développées et appliquées aux objets externes, c’est-à-dire distincte de la logique et de la physique, comme de tout système de connaissances que des modernes français peuvent avoir compris, en dernier lieu, sous le titre trop général d’Idéologie, et, dans ce cas, si cette science propre des facultés ou opérations premières de l’intelligence peut ou doit être exclusivement soumise aux procédés des autres sciences expérimentales…17
- 18 Maine de Biran, Essai, op. cit., p. 446.
- 19 Ibid., p. 444. Voir Œuvres, vol. XI-2, Commentaires et Marginalia, XVIIIe siècle, Paris, Vrin, 199 (...)
- 20 Maine de Biran, Mémoire sur la décomposition, op. cit., p. 24.
- 21 Id., Essai, op. cit., p. 91.
- 22 Ibid., p. 93.
- 23 Maine de Biran, De l’aperception, op. cit., p. 8.
5Le verdict de Biran est clair : l’inventeur de la méthode expérimentale « versé dans les sciences naturelles », « pressé par le temps et préoccupé de résultats pratiques », ne pouvait s’attacher à étudier l’esprit humain lui-même, esprit auquel sont pourtant subordonnés l’emploi et l’usage des facultés. Ainsi, en divisant les facultés en trois principales (raison, mémoire et imagination), Bacon a en réalité, selon Biran, nommé sous des titres hypothétiques nominaux des « effets généralisés », au lieu de désigner la seule source réelle de nos idées, à savoir la conscience intime de nos actes18. Et si Locke est loué pour avoir réduit la métaphysique à la science des facultés (l’évidence métaphysique gît dans les faits mêmes de l’esprit humain) – par quoi il mérite le titre de « Sage » –, son tort est de ne pas avoir trouvé le point d’appui indispensable pris dans l’expérience intérieure que les philosophes, après lui, « réduisirent à la détermination de l’emploi et de l’objet de nos facultés et dirigèrent à tort vers la seule expérience extérieure »19. Après avoir résumé tout le bienfait apporté par la restauration baconienne, Biran avance donc sa propre question : « N’y a-t-il pas des idées propres et individuelles correspondantes à certaines facultés ou modes d’exercice d’une même puissance, considérés hors des résultats sensibles ou extérieurs »20 ? Poser une telle question, c’est déjà suggérer que Bacon a peut-être en effet davantage nui que servi aux progrès de la métaphysique21, en réduisant l’expérience à l’expérience extérieure, sans le démontrer22. Dans ces conditions, en effet, la méthode de Bacon « ne peut atteindre même jusqu’aux confins d’une philosophie vraiment première »23. Mais y-a-t-il seulement une science métaphysique, et que serait une décomposition proprement métaphysique ? Et si la métaphysique comme science de nos idées peut se nommer Idéologie, n’y-a-t-il pas quelque paradoxe à vouloir bannir le premier terme ?
- 24 Id., Œuvres, vol. XIII-2, Correspondance philosophique, 1766-1804, Paris, Vrin, 1996, p. 398.
Vous craignez, [écrit Biran à Tracy] en bon esprit instruit par l’histoire de tant d’illusions et d’erreurs, vous craignez encore le règne des abstractions personnifiées, et c’est cette crainte même qui vous fait faire un si grand usage du terme sentir. C’est encore ce qui vous fait rejeter sous le nom de conscience ce que vous adopteriez peut-être sous le nom de rapport senti ou de jugement […]. Rassurez-vous. Quoique nous employions le langage des métaphysiciens, nous ne serons point entraînés avec eux dans cette mer sans fond ni rives. Nous sommes retenus à l’ancre par le retour sur les conditions physiologiques nécessaires à l’exercice et à l’origine de toute faculté ; et c’est cette circonstance même qui me démontre la nécessité de nous réunir à cette science première.24
- 25 Id., Essai, op. cit., p. 448.
- 26 H. Gouhier, Les conversions de Maine de Biran, Paris, PUF, 1948, p. 169.
6La défense de la métaphysique supposera une lutte sur un double front, celui des métaphysiciens « purs » et celui des idéologistes ou condillaciens au sens large du terme ; les premiers refusant à l’expérience, fût-elle intérieure, le rôle de fondement (au profit de principes a priori) ; les seconds ne connaissant que l’expérience extérieure ou niant la « réalité de tout ce qui n’est pas physique »25. Biran devient lui-même26 avec cette première morsure ou entorse à l’Idéologie proprement dite :
- 27 Maine de Biran, Essai, op. cit., p. 459.
Nous tâcherons de montrer aux idéologistes que, outre les sensations représentatives, et l’ordre des idées ou des faits qui se rapportent à cette source, il y a encore une espèce de modes et un ordre de faits plus intimes qui constituent l’être pensant et agissant, en relation de connaissance immédiate avec lui-même et avec tout ce qui vient de son propre fond, et que ce système de connaissances ou d’idées simples de la réflexion est d’autant plus important à considérer que c’est lui qui fournit les véritables éléments de la science des principes, et l’origine propre de toutes nos notions premières […].27
- 28 Ibid., p. 441.
- 29 Ibid., p 445.
7Bien que l’on ne puisse en effet « se dissimuler » les « préjugés défavorables » contre la métaphysique dont les idéologistes sont les adversaires les plus décidés28, le procès fait « depuis longtemps » à la métaphysique autorise-t-il les décisions tranchantes qui l’excluent du nombre des sciences ? De fait, si les préventions envers la métaphysique ne peuvent entamer l’Idéologie en tant que « méthode générale d’application29 », elles s’étayent, selon Biran, sur deux types d’objections : le premier, a priori, attaque « la science elle-même dans son fondement » et conteste la réalité d’une science métaphysique ou la réalité de son objet. Le second, a posteriori, use de la comparaison entre les diverses doctrines pour mieux souligner les divergences de ses résultats et, en définitive, sa stérilité, son inanité.
- 30 Ibid., p. 442.
- 31 Loc. cit.
8Répondre à la première objection suppose que l’on résolve cette question : « Que pouvons-nous savoir en métaphysique et comment pouvons-nous le savoir ? »30. Et cette tâche ne peut s’accomplir qu’en réformant la réforme de l’illustre réformateur lui-même. Certes, la psychologie ne peut être la science de la substance de l’âme ou de l’essence du sujet pensant et de sa liaison avec une substance matérielle : de telles questions sont « insolubles » parce que mal posées, et ce sont celles sur lesquelles ont achoppé les « plus grands génies méditatifs »31. Mais pour justifier le refus de proscrire, à l’instar de l’idéologue Tracy, le terme lui-même, Biran avance un certain nombre de raisons :
- 32 Ibid., p. 453.
1/les questions métaphysiques continuent de se poser
2/les limites du savoir de l’homme intérieur ne sont pas encore fixées
3/En Allemagne le « virus métaphysique » continue son œuvre et l’on prétend dénouer ces questions de manière a priori, en dogmatisant sur « l’absolu, l’infini, le nécessaire.32
- 33 Ibid., p. 442.
9Si la « nation française » a repoussé ces « fantômes abstraits » en prônant son indifférence pour ce « genre d’études » et privilégié la connaissance des facultés de l’esprit humain, reste que « le seul moyen d’écarter à jamais une mauvaise métaphysique, c’est de tâcher d’en avoir une bonne »33.
La bonne métaphysique
- 34 Maine de Biran, Mémoire sur la décomposition, op. cit., p. 25.
10S’il y a une « science métaphysique », elle doit trouver son fondement dans la « conscience réfléchie de nos actes »34. Qu’est-ce en effet qu’une faculté ?
- 35 Id., Œuvres, vol. XIII-2, Correspondance philosophique (1766-1804), Paris, Vrin, 1996, p. 396. Nou (...)
Prenant le terme faculté ou puissance dans son sens réel c’est-à-dire pour les actes dont nous avons réellement en nous la force productrice, il s’agirait d’énumérer ces modes potentiels, de circonscrire leur domaine, et de voir comment ils s’engendrent tous d’un seul et premier acte de notre force. La méthode pour y parvenir ne peut être que réfléchie.35
- 36 Sur la critique biranienne de la métaphysique de la représentation, voir : Fr. Azouvi, Maine de Bi (...)
11Dans la langue biranienne, l’« aperception immédiate interne » désigne le sentiment de soi donné dans l’effort, tandis que la « réflexion » dite « concentrée », par opposition à la réflexion de type spéculaire, désigne l’aperception « redoublée », c’est-à-dire le repliement de l’individu sur ses actes comme sur leur principe : enveloppée dans l’aperception, elle engage l’institution des signes. En découvrant l’activité constitutive du moi, Biran découvre que tout n’est pas en représentation36 dans notre intelligence (pas plus que dans notre sensibilité) :
- 37 Maine de Biran, Mémoire sur la décomposition, op. cit., p. 326.
N’y a -t-il pas des pensées, des vouloirs intimes, qui ne peuvent en aucune manière se lire en dehors, ni se représenter par aucune sorte d’images ? Pour les concevoir, ne faudrait-il pas être identifiés avec la force active et sciemment productive de tels actes, avec le moi lui-même, qui se sent ou s’aperçoit dans ses opérations, mais ne se voit point comme objet, ne s’imagine point comme phénomène ?37
12Il s’agit par conséquent de déterminer le propre de nos facultés, de les approprier à leurs objets respectifs, pour mieux parer aux transports illusoires dont la métaphysique a été victime, dans la physiologie par Stahl, ou dans la théologie par Malebranche :
- 38 Maine de Biran, Essai, op. cit., p. 73-74.
Si, faute d’appliquer le sens approprié, on manque le premier point de vue, ou si l’on se fait illusion sur la nature du vrai principe, il n’y a, au lieu de science réelle, que des hypothèses et des systèmes artistement établis et liés par l’expression, sans l’être par les faits, semblables à ces édifices sans fondement, beaux et réguliers quand on les voit à distance, mais qu’on ne saurait habiter avec la moindre sécurité.38
- 39 Id., Mémoire sur la décomposition, op. cit., p. 296.
13La division biranienne aboutit à une tripartition entre les faits intérieurs (réflexion), les faits extérieurs ou objectifs (représentation) et ceux qui, relevant du « sentiment immédiat », sont l’objet d’un « tact intérieur » ou affectif, qui n’est ni réfléchi ni représentatif39.
Le fait primitif de conscience. Réflexion et représentation
- 40 Ibid., p. 25.
- 41 Maine de Biran, De l’aperception, op. cit., p. 10. Voir aussi le Mémoire sur la décomposition, op. (...)
- 42 Id., Mémoire sur la décomposition, op. cit., p. 25.
14C’est par conséquent à Bacon et aux partisans d’une idéologie objective que Biran oppose son point de vue. Il a alors en vue non un tableau historique, ni une simple classification idéologique, mais les fondements d’une division réelle des facultés humaines. S’il y a une science intérieure de nos actes, elle a pour fondement un premier fait, principiel : le sentiment de l’effort qui nous donne la « conscience réfléchie de nos actes distincte de la connaissance des modifications et des idées quelconques »40. Tel est le sens de ce que Biran nomme d’abord « idéologie subjective », qui « se concentre dans le sein même du sujet pensant et pénètre les rapports qu’il a avec lui-même dans ses modes les plus intimes et les actes qui naissent de son propre fond », par opposition à l’idéologie « objective » à laquelle se bornent les métaphysiciens modernes41 et qui fixe « les rapports de dépendance de l’être sensible avec les diverses impressions qu’il reçoit des choses extérieures, les représentations qu’il s’en fait, etc. »42.
- 43 Maine de Biran, Œuvres, vol. X-2. Dernière philosophie : existence et anthropologie, « Note sur l’ (...)
- 44 Id., Œuvres, vol. VIII, Rapports des sciences naturelles avec la psychologie, Paris, Vrin, 1986, p (...)
- 45 Id., Essai, op. cit., Appendice II, p. 452-460.
- 46 Id., Essai, op. cit., p. 141-142.
- 47 Voir Id., Rapports des sciences, op. cit., p. 241.
- 48 Id., Essai, op. cit., p. 141-142.
- 49 Ibid., p. 198.
- 50 Voir : Id., Rapports des sciences, op. cit., « Valeur du mot principe dans la langue psychologique (...)
- 51 Id., Essai, op. cit., p. 79.
15Nous ne savons effectivement rien de l’âme en elle-même, sa « substance » nous est inconnue, ni plus ni moins que celle du corps43. À ces deux absolus propres aux « discours ontologiques », Biran oppose la relation duelle interne d’un être actif qui « n’est pas la substance, le noumène, l’être de l’âme, mais le sujet actuel et réel, un, simple, identique dans le temps, la cause actuelle efficiente de tous les mouvements corporels et de tous les actes libres de la pensée »44. C’est parce que la conscience de soi a été définie en termes de représentation, faute d’y inclure la continuité de résistance du corps propre, que les philosophes ont échoué à définir l’aperception interne et par conséquent à circonscrire « le véritable objet de la métaphysique »45. Biran est ainsi le premier à faire entrer dans la délimitation du fait de conscience le corps résistant, la continuatio resistentis, second terme de la dualité primitive intérieure46, distinct mais non séparé de son premier terme, la force dite « hyper-organique ». En congédiant la question de la nature substantielle de l’âme47 et en formulant un « point de vue tout à fait nouveau » sur la connaissance première du corps propre48, Biran ouvre ainsi la voie à un nouvel empirisme, à une « métaphysique positive », expression que l’on trouve sous la plume de Biran, antérieurement à son usage bergsonien49. Si la métaphysique est science des principes50, l’effort est ce fait-principe qui n’a pas besoin de preuve51, indécomposable et indéductible a priori :
- 52 Id., Rapports des sciences, op. cit., p. 279.
Je dis que le fait de conscience est le commun principe des notions, comme l’activité est le principe de toutes les facultés parce que, en distinguant ou abstrayant par la réflexion les éléments qui entrent dans le fait de conscience, on trouve les notions, comme en distinguant par réflexion chacun des modes d’exercice de la même activité, on trouve tout ce que nous appelons les facultés de l’entendement. Or un principe n’est autre qu’un fait primitif…52
16Il y a donc un sens interne intime par lequel l’individu est en rapport avec lui-même :
- 53 Ibid., p. 161.
Ce fait, tel que nous le considérons (et sans aucun recours aux notions absolues de substances séparées) est un fait tout intérieur, et l’impossibilité qu’il y a à connaître objectivement ou à expliquer le mode ou le comment de cette union tient précisément à ce qu’on ne peut changer un fait primitif purement intérieur en fait extérieur, ou le transformer du sujet d’une aperception interne en objet de représentation extérieure, sans dénaturer entièrement le sujet dont il s’agit […].53
- 54 Maine de Biran, Commentaires et Marginalia, XVIIIe siècle, op. cit., p. 240. Voir aussi Œuvres, vo (...)
- 55 Id., Mémoire sur la décomposition, p. 127.
- 56 Id., Commentaires et Marginalia, XVIIIe siècle, op. cit., p. 87.
17Pas plus que l’œil ne voit le fluide lumineux et la manière dont il agit sur les fibres de la rétine, le sens intime ne connaît le jeu des muscles déployés dans l’effort. Biran expérimente et formule un aveuglement qui n’est tel qu’aux yeux de la représentation. Parce qu’il « n’a point d’objet »54, le sens intime ne se représente pas55. À l’encontre des analyses de Johann Jakob Engel ou de Joseph-Adrien Lelarge de Lignac – le premier se plaçant dans le point de vue abstrait des métaphysiciens pour déplorer qu’il manque à l’homme la représentation de la liaison entre le vouloir et la résistance ; le second y mêlant « des propositions absolues » et croyant déceler dans le sens intime la substance de notre âme –, il y a, dans le sens de l’individualité, coïncidence entre la ratio essendi et la ratio cognoscendi. Dans tous les cas, il s’agit de ne pas remonter « jusqu’à la cause absolue des existences »56.
18L’innovation biranienne tient par conséquent dans l’édification d’une métaphysique de l’expérience intérieure seule à même de prémunir des illusions propres à la métaphysique abstraite et sensualiste :
- 57 Id., Rapports des sciences, op. cit., p. 246.
Nous avons à prouver deux choses qui ne doivent pas être confondues : la première, que le moi est tout entier dans un effort voulu ; la seconde, que les notions universelles et nécessaires prennent leur origine dans ce mode constant, uniforme et invariable de l’activité de l’âme, exclusivement à tout ce qu’on appelle sensation…57
- 58 Ibid., p. 223.
- 59 Id., Essai, op. cit., p. 2.
- 60 Ibid., p. 9.
- 61 Id., Rapports des sciences, op. cit., p. 284.
- 62 Id., De l’aperception, op. cit., p. 25.
- 63 Ibid., p. 10.
19C’est dire que si vérités primitives il y a, elles sont autant d’expressions différentes d’un même fait de conscience58, obtenues par dérivation à partir d’un fait-principe, sans lequel aucun fait n’existerait jamais pour nous, aucune connaissance, tant intérieure qu’extérieure59. Ce fait est le sentiment immédiat d’une force qui « n’est autre que celui de notre existence même dont l’activité est inséparable »60, appliquée à mouvoir le corps et elle se nomme aussi volonté. La « catégorie » de la causalité est par conséquent principielle, elle est « le principe et la base de toute métaphysique ou science des réalités »61 tant nos actes ne peuvent être aperçus hors de leur cause productive – le moi –, « qui n’existe pour lui-même qu’en tant qu’il se connaît, et ne se connaît qu’en tant qu’il agit »62. Tel est le fondement d’une analyse réelle, intérieure et active par opposition aux rapports que soutient « un être passif ou purement sensible avec les objets extérieurs dont il dépend, quant aux impressions affectives qu’il en reçoit ou aux images qu’il s’en forme »63.
20On peut par conséquent être métaphysicien, d’une part sans spéculer sur la nature ou essence absolue du sujet pensant, d’autre part sans tout ramener à la « sensation représentative », mais en exhibant un « ordre de faits plus internes », à savoir les idées simples de la réflexion, « véritables éléments de la science des principes » et origine de nos idées de cause, d’unité, d’identité, etc.
La critique de l’a priori (et de l’inné)
- 64 Id., Essai, op. cit., p. 451-452.
21S’il y a une « bonne métaphysique », c’est qu’il y en a de mauvaises, apparemment opposées dans leurs principes mais qui se rejoignent paradoxalement in fine, à savoir la métaphysique « abstraite » et la métaphysique d’inspiration condillacienne. La première, « abstraite » ou « abstruse », cherche « à pénétrer jusque dans la région des essences, à connaître a priori la nature des êtres, à saisir l’absolu des existences, des causes »64. Elle est vaine parce qu’elle manque le fondement de nos idées à savoir le fait primitif de conscience :
- 65 Ibid., p. 14.
Mais pourquoi les métaphysiciens soutiennent-ils que les notions premières et directrices de cause, substance, unité, identité, etc. résident dans l’âme a priori ? C’est que méconnaissant le caractère et la nature des faits primitifs avec lesquels de telles notions s’identifient dans leur source réelle, et que les prenant dans ce degré de généralisation où les élève l’emploi répété des signes du langage, ils ne peuvent reconnaître leur premier caractère de faits.65
- 66 Loc. cit.
22Bien que Biran ne fasse pas un partage net entre l’a priori et l’inné, il s’élève vivement contre de tels « principes », dont le caractère principiel absolu est démenti selon lui par le fait de conscience lui-même, relatif, à savoir l’effort constitué par la dualité intérieure primitive : « S’il est vrai que la cause, l’un, le même se trouvent identifiés à la source avec le fait primitif du sens intime, il ne s’agit que de constater la nature de ces faits pour reconnaître l’origine des principes dont il s’agit et voir que ce ne sont pas des principes a priori »66.
23L’on peut dire en un sens que le sujet est inné à lui-même, puisqu’il n’est pas constitué en rapport de dépendance vis-à-vis du monde, mais en réalité seul le fait primitif de l’effort le constitue. La métaphysique n’est pas une science a priori, parce que de l’absolu nous n’avons pas l’intuition :
- 67 Ibid., p. 444.
Si, par exemple, l’analyse la plus approfondie de ces facultés vient à nous montrer avec évidence qu’aucune d’elles ne peut être appropriée avec l’absolu, ou que toutes les idées, formes ou principes, sous quelque nom qu’on les désigne, sont des déductions immédiates du fait de conscience ou du moi, qui n’ayant rien au-dessus de lui, doit être considéré comme primitif dans l’ordre de la connaissance, si l’on faisait voir que toute idée de substance, de cause, […] prend son origine dans ce fait ou n’en est qu’une forme ou une expression généralisée dans le langage, que deviendrait alors la métaphysique comme science a priori de l’absolu ?67
- 68 Maine de Biran, De l’aperception, op. cit., p. 130. Voir aussi Id., Rapports des sciences, op. cit (...)
24Biran, loin de faire ici une simple hypothèse, trace son programme de recherches, passé et à venir. La métaphysique ne peut trouver son assise dans un quelconque principe a priori, véritable « coup de désespoir de l’analyse »68.
Idées individuelles et idées générales
- 69 Id., Essai, op. cit., p. 438.
- 70 Id., De l’aperception, op. cit., p. 11.
- 71 Voir Id., Commentaires et Marginalia, XIXe siècle, op. cit., « Examen des leçons de philosophie de (...)
- 72 Voir la lecture du phénoménologue Michel Henry, Philosophie et phénoménologie du corps. Essai sur (...)
25Que seront, dans ces conditions, les termes de la métaphysique ? À rebours des explications physiques ou physiologiques de ceux qui prétendent décomposer la pensée comme on décompose une fonction organique, et entendent le terme de faculté selon une acception physique69, les termes métaphysiques dans l’analyse vraie, toute réflexive ou psychologique, doivent exprimer une idée « nécessairement individuelle par la nature même de l’acte ou du mode simple qui lui correspond dans l’esprit, lorsque celui-ci fait retour sur lui-même pour se rendre compte de ses opérations et apprendre à se connaître »70. Telle est la clarification nécessaire à laquelle est subordonnée la science des principes dont la base n’est pas externe et logique mais interne et réelle71. Qu’elle s’attache à la causalité ou à la sensibilité, l’analyse ou décomposition ne peut par conséquent faire abstraction de la valeur réelle des termes. Tel est le sens de la distinction biranienne entre deux sortes d’idées, les idées précises, simples ou individuelles, et les idées générales, abstraites. Les premières seules nous découvrent la réalité véritable et sont les aspects irréductibles du fait primitif, identique au sentiment de l’effort volontaire. Ainsi, l’idée de cause n’est pas une idée générale ou une « catégorie », mais une idée simple et réfléchie, de même que celle d’identité, de force, d’être, etc.72. Et c’est à Kant et à sa dissertation latine que Biran toujours renvoie :
- 73 Maine de Biran, Commentaires et Marginialia, XIXe siècle, op. cit., p. 242. Voir aussi De l’aperce (...)
Par l’aperception interne ou le premier acte de réflexion, le sujet se distingue de la sensation, ou de l’élément affectif ou intuitif localisé dans l’espace, et c’est cette distinction même qui constitue le fait de conscience, l’existence personnelle. On pourrait dire que le moi s’abstrait lui-même par son activité, de tout ce qui est objet ou mode sensible, mais non point qu’il est abstrait de quelque collection comme en faisant partie intégrante ou comme existant dans le concret des sensations, avant de se distinguer ou s’apercevoir dans l’abstrait de réflexion. Ici se trouve le fondement vrai de la distinction énoncée, en commençant, entre l’abstrait (abstrahens) actif, et l’abstrait (abstractus) passif ; et nous dirons du moi ce que Kant dit de toute notion individuelle, abstrahit ab omni sensitivo, non abstrahitur a sensivitis.73
- 74 Sur la manière dont les différents systèmes de philosophie ont procédé à l’analyse des facultés in (...)
- 75 Biran commente ici les Considérations sur la différence de nos idées de Louis Frédéric Ancillon (1 (...)
- 76 Maine de Biran, Rapports des sciences, op. cit., p. 228-229.
26L’abstraction est d’un moi qui s’abstrait lui-même : individuelle, elle désigne le repliement sur le principe de nos actes à savoir la réflexion74. On ne peut par conséquent confondre, à l’instar de Louis Frédéric Ancillon75, « sous le titre de notions les idées simples et individuelles, abstraites de la réflexion, s’exerçant soit sur le sujet un, soit sur l’objet aussi un de l’aperception immédiate, et les idées générales composées par l’attention ou le jugement de l’esprit s’appliquant tantôt à séparer, tantôt à réunir sous différentes collections les qualités semblables des objets de l’expérience »76.
27À rebours de l’idée générale désignant une classe ou un genre (homme, cheval, arbre, etc.), formée par généralisation en abstrayant des objets des qualités ressemblantes, et dont le titre de la classe est à cet égard indéterminé, l’idée individuelle du moi s’abstrayant lui-même, quand elle est étendue à d’autres êtres, n’est pas davantage généralisée mais garde son caractère individuel. Quid de sa nécessité et de son universalité ?
- 77 Ibid., p. 230.
L’impossibilité qu’elles soient autres qu’elles ne sont tient précisément à ce qu’étant nous-même, et apercevant notre existence ou pensant d’une certaine manière, il est impossible que nous soyons autres, ou que nous nous apercevions et pensions autrement.77
- 78 Ibid., p. 226.
- 79 Ibid., p. 224.
- 80 Loc. cit.
28La nécessité des idées individuelles réfléchies est puisée dans la conscience de notre pouvoir d’agir : ainsi de l’idée de cause – le sentiment de la force est le type exemplaire comme l’origine propre de la notion universelle de causalité ou de toute liaison des phénomènes à une cause efficiente –, de l’idée d’existence, qui n’a pas de contraire possible78, etc. Les vérités primitives sont ainsi en même temps vérités de fait et d’identité puisqu’elles sont dans le fait de conscience, et que la proposition qui les énonce est « identique à l’expression du fait de conscience « ou n’est que le fait même énoncé avec des termes généraux »79. Ainsi, dire que « j’existe pour moi-même comme cause du mouvement ou de l’effort, revient à dire : je ne puis concevoir de mouvement qui commence sans une cause »80.
- 81 Loc. cit.
29Mais Biran demande de ne pas confondre l’aperception du fait et son expression ou sa proposition énonciative « qui en représente les éléments distincts pour les réunir par la copule est, sous la forme de sujet, et de prédicat ou d’attribut »81. Ainsi, affirmer « tout ce qui commence a une cause », c’est déjà revêtir de termes distincts et séparés des vérités déjà présentes à l’esprit avant qu’elles ne soient revêtues de signes :
- 82 Ibid., p. 223.
Une vérité primitive n’a pas besoin d’être antérieure à notre existence, mais elle doit être renfermée dans le sentiment de cette existence ou identique avec lui. Son criterium est que nous n’ayons pas besoin de l’énoncer pour la savoir ou pour l’avoir, mais qu’il nous suffise seulement d’exister […].82
- 83 Ibid.
- 84 Voir par exemple Id., Mémoire sur la décomposition, op. cit., p. 341.
- 85 Id., Rapports des sciences, op. cit., p. 238.
30Autrement dit, l’aperception de soi n’est pas l’énoncé de cette aperception, mais le précède83. Croire le contraire, c’est s’exposer aux amphibologies de langage84 et parler du sujet pensant comme d’une substance conçue dans le point de vue objectif, alors que le sujet est « justement opposé à tout ce qui est conçu soit par représentation comme objet déterminé, soit par abstraction comme chose ou substance en général »85.
- 86 Ibid., p. 38.
- 87 Ibid., p. 39.
31L’évidence métaphysique est de sentiment, irréductible à l’évidence logique ou rationnelle. Ainsi l’axiome logique selon lequel tout effet a une cause signifie que « tout ce qui a une cause a une cause, proposition frivole qui n’apprend rien du tout puisqu’elle se borne à la concordance de deux signes conventionnels »86. L’identité d’un terme répété jouant dans la même proposition le rôle du sujet et de l’attribut, l’évidence logique se fonde sur « l’identité reconnue entre des notions que l’entendement a lui-même composées, et abstraites, et liées à des signes destinés à lui retracer les œuvres de sa création »87. Le sens absolu ou universel de ces propositions repose sur des conventions antérieures que l’esprit a prises avec lui-même et l’impossibilité de douter tient à la stabilité des conventions qui ont présidé à la formation de notre langage. En abstrayant ces vérités conditionnelles ou de définition, Biran oppose les vérités de fait dérivées du fait primitif. Ainsi, si j’affirme que tout ce qui commence a une cause, le principe de causalité, quand bien même il ne serait pas exprimé par des signes, reste toujours intimement présent à la pensée :
- 88 Ibid., p. 42.
Je dirai donc, au risque peut-être de choquer des opinions assez généralement répandues de nos jours parmi nos philosophes nationaux, que le principe de causalité ou la proposition qui l’énonce, est [? éminemment] synthétique, c’est-à-dire qu’elle n’est point bornée à affirmer l’identité du sujet et de l’attribut, mais qu’en énonçant celle-ci, elle ajoute à l’autre un élément qui n’y était pas compris et qui vient d’une autre source […]. Séparée ou abstraite de cette image et de tout phénomène sensible, la notion d’une cause et toutes celles qui en dérivent […] s’individualisent dans le sentiment de notre moi et participent toujours à sa réalité, bien différente de tout ce que nous appelons abstractions, idées générales […].88
- 89 Id., Mémoire sur la décomposition, op. cit., p. 292.
- 90 Ibid., p. 313.
- 91 Ibid., p. 293.
32L’évidence métaphysique est sui generis89, irréductible à l’évidence mathématique90. À l’inverse, en effet, de l’évidence mathématique, qui n’existe qu’en se communiquant par des signes clairs et durables, « les conceptions du métaphysicien échappant aux signes extérieurs, l’évidence ne peut y être qu’immédiate pour le sujet même et incommunicable par des moyens artificiels »91.
La langue métaphysique
- 92 À rebours de l’idéalisme théorique qui substitue au monde réel un monde imaginaire peuplé de fantô (...)
- 93 Maine de Biran, Œuvres, vol. VI, Rapports du physique et du moral de l’homme, Paris, Vrin, 1984, p (...)
- 94 Id., Rapports des sciences, op. cit., p. 47.
- 95 Id., Influence de l’habitude, p. 87-88. Sur le couple voix-ouïe, voir A. Devarieux, Maine de Biran (...)
- 96 Id., Mémoire sur la décomposition, op. cit., p. 183-184.
- 97 Id., Essai, op. cit., p. 370.
33Parce que notre langage est un langage de la représentation92, il alimente notre tendance naturelle à mettre en relief la pensée, dans le dehors des signes, et nourrit ainsi les spéculations illusoires de ceux qui veulent mettre l’entendement en images. Biran souligne la difficulté de bâtir une langue métaphysique commune, déplore l’absence d’une langue appropriée à la réflexion, voire désespère qu’elle puisse voir le jour. Comment dire en effet ce dont il n’y a pas d’image, mais seulement idée réflexive et sentiment ? Le signe, en effet, peut évoquer l’idée sans en détruire la nature ; mais il peut aussi l’en distraire, soit qu’on ne s’attache qu’à lui au détriment de l’idée, soit qu’il me porte vers une espèce d’idée toute différente ; dans ce dernier cas, le signe devient responsable de la transformation d’un système d’idées en un autre. Il ne s’agit pourtant pas pour Biran de nier que des signes sensibles puissent représenter symboliquement des idées, c’est-à-dire des opérations réflexives, mais il s’agit de ne pas raisonner sur les signes comme s’il s’agissait des idées elles-mêmes ; de ne pas croire que si les signes manquent pour représenter telle idée, l’idée elle-même manque ; de ne pas confondre idée et image, le symbole avec la réalité de la pensée signifiée. Toute explication étant de nature représentative, elle n’use jamais de signes que faute de signifié. Or, « quand nous avons le signifié à quoi bon le signe ? »93. À la langue morte de la représentation qui manie des signes symboliques muets, Biran oppose la langue vivante94 de l’effort, de l’effort vocal95, encore plus intime que l’effort, tant l’action exercée sur l’organe vocal est, dans l’exercice de la pensée, tout intérieure96. Sans l’aperception interne de nos actes, il n’y a pas de signes institués ni de réflexion. Or, cette dernière trouve son fondement dans le sens de l’ouïe unie à la voix : parce qu’il y a à la fois séparation entre les deux organes et correspondance intime dans cet exercice, le mouvement qui trouve sa source dans l’individu ne s’aliène en aucun terme extérieur. Telle est la puissance réflexive de l’écho, de l’ego-écho97.
- 98 Id., De l’aperception, op. cit., p. 17.
34Pour ne pas « faire de la métaphysique encore avec de la métaphysique »98, à l’instar des métaphysiciens multipliant divisions et subdivisions, et qui ne considèrent jamais les termes de leur analyse qu’in abstracto, il s’agit de recourir au modèle individuel réel, le fait de conscience et aux signes qui retracent à l’esprit le souvenir de ses opérations antérieures.
- 99 Voir Id., Rapports des sciences, op. cit., p. 284.
35Enfin, à rebours de la métaphysique abstruse, partir de la sensation abstraite et la prendre pour toute la réalité, n’est-ce pas paradoxalement, pour la métaphysique sensualiste, remettre à l’honneur « ces pures abstractions » qu’ils entendaient proscrire ? La faculté condillacienne de sentir est une pure catégorie et la décomposition condillacienne toute logique99. Destutt de Tracy en a modifié le système de classification sans en modifier le principe même.
La psychologie
- 100 A. Destutt de Tracy, Éléments d’Idéologie, op. cit., p. 75.
36Si Biran doit au maître de l’Idéologie rationnelle, dont il poursuit en un sens l’œuvre, le « canevas » de ses méditations, et persiste à parler de « notre » Idéologie voire de « notre chère » Idéologie, c’est que la métaphysique est bel et bien la science de nos idées. Mais en transformant le principe de motilité tracyen en sentiment de l’effort, et en faisant du fait principiel une dualité intérieure dont le premier terme est une force « hyper-organique », il rompt définitivement avec Destutt de Tracy pour qui la psychologie est une partie de la zoologie100. Beaucoup plus que le simple vestibule de la métaphysique, la (bonne) psychologie est la (bonne) métaphysique, i. e. la science des principes :
- 101 Maine de Biran, Essai, op. cit., p. 24-25.
Ainsi l’objet propre de la psychologie, que nous avions réduit selon les vues précédentes à la science des principes, peut être appelé encore science des facultés humaines, de leur origine et de leur génération, et c’est à l’une ou à l’autre de ces sciences identiques dans leur source que peuvent être ramenés tous ces titres réels de la métaphysique.101
- 102 Id., Rapports des sciences, op. cit., p. 213.
- 103 Ibid., p. 14.
- 104 Loc. cit.
- 105 Ibid., p. 443.
37« Philosophie vraiment première »102, « science première »103, la psychologie seule fixe la valeur réelle de toute notion de cause efficiente et « se propose de justifier les titres auxquels nous possédons une connaissance quelconque, de déterminer ce que nous pouvons connaître de réel »104. À ce titre, elle seule nous sauvera des « charlatans de la métaphysique »105.
- 106 Ibid., p. 15.
- 107 Ibid., p. 15-16.
38Ayant pour objet la pluralité des faits de sens intime, elle est, comme celle de Locke, « analytique et expérimentale » quand elle « part des faits composés comme de principes élémentaires », et « synthétique et rationnelle » quand elle considère « le fait primitif de sens intime hors de son association avec les phénomènes externes ou internes pour les y voir ensuite »106. Une telle psychologie n’est pas la métaphysique pure d’un Descartes ou d’un Leibniz ou d’un Kant, « science des formes » qui s’attache aux concepts universels et nécessaires quels que soient les noms donnés, et sacrifie l’évidence de fait au profit de l’évidence de raison107.
L’héritage cartésien
- 108 Maine de Biran, Essai, op. cit., p. 446-447.
- 109 Ibid., p. 81.
- 110 Ibid., p. 77.
- 111 Ibid., p. 79.
- 112 Maine de Biran, Œuvres, vol. XI-1, Commentaires et Marginalia, XVIIe siècle, Paris, Vrin, 1990, p. (...)
- 113 Ibid., p. 90.
39Or, « l’école française » sous l’influence de Condillac a réduit la métaphysique à la science de nos idées et de leurs signes en négligeant les deux premiers titres de la division de Bacon108. Autrement dit, la métaphysique en France est grosso modo lockéenne et trop peu cartésienne, trop peu redevable à « la véritable doctrine-mère »109 du père de la métaphysique. À la question de savoir quand le sujet commence à exister pour lui-même, la réponse biranienne est en effet toute cartésienne : il n’existe pour lui-même qu’en tant qu’il est capable de s’apercevoir lui-même – cette aperception de soi n’est autre que ce que Descartes a nommé cogito. Car il ne peut y avoir de fait que sur fond d’un premier fait – le rapport à soi – ; de faits externes (physiques), par opposition aux faits internes (physiologie), que par le premier fait tout intime de l’effort. Dans le volo biranien, il y a immédiation entre l’acte par lequel le moi se pose et celui par lequel il se connaît : la conscience ne nous installe pas dans la réalité absolue, puisqu’elle ne saisit le moi que dans sa relation avec la résistance du corps. Le lien entre « je pense » (cogito) et « j’existe » (sum) n’est en aucun cas un lien logique, raisonnement ou déduction, mais une liaison immédiate dont l’immédiateté fait toute la primitivité. Premier fait antérieur à tout « dont tout se déduit et qui ne se conclut de rien »110, le cogito biranien, pas plus que le cogito cartésien (la « certissima et evidentissima experientia » dont Descartes fait état dans sa lettre à Arnauld du 29 juillet 1648), relève non pas d’une évidence logique mais d’une évidence de sentiment. Descartes a épousé le bon point de vue, c’est-à-dire le point de vue réfléchi, et Biran, à sa suite, veut atteindre l’être même de la pensée, la source réelle et primitive de nos idées. Le père de la métaphysique est pourtant retombé ensuite dans un système abstrait111, et, considérant le sentiment fondamental du moi comme absolu, c’est-à-dire l’identifiant avec la chose pensante112, il a fourni ainsi des armes à l’idéalisme et au matérialisme : « Il est donc d’une importance première en philosophie de bien distinguer dans l’esprit humain les deux espèces de facultés par lesquelles il se forme les idées des choses qu’il pense ou de ses représentations, et du moi qui pense pour ainsi dire en s’apercevant lui-même »113.
- 114 Maine de Biran, Essai, op. cit., p. 485.
40Le moi, s’il exclut toute idée ou représentation objective d’étendue, est inséparable de la coexistence du corps propre : « Sans cette action exercée sur le corps, l’esprit est comme le géant de la fable, expirant quand il est séparé de la terre »114.
Questions interminées et interminables ?
- 115 Ibid., p. 18.
En général on ne dispute que sur ce qu’on ne sait pas. Lorsqu’on dispute toujours sans jamais s’entendre, c’est peut-être une preuve infaillible qu’on ne peut pas savoir et qu’il est inutile de chercher. Si plusieurs questions métaphysiques agitées dans les derniers siècles, n’ont pas été encore terminées de nos jours, c’est parce qu’elles étaient interminables par leur nature, c’est-à-dire entièrement disproportionnées avec la capacité de notre esprit et toutes nos facultés ou nos moyens de connaître, ou bien parce que leur objet n’ayant jamais été bien circonscrit, on ne savait pas ce qu’on demandait, ce qu’on cherchait. C’est alors un moyen bien sûr de ne rien trouver.115
- 116 Maine de Biran, Journal, t. III, Neuchâtel, La Baconnière, 1957, p. 211.
41Mais c’est que les « enfants en philosophie sont ceux-là même qui inventent des mystères, là où il n’y en a pas et comptent sur des déductions raisonnables pour résoudre des problèmes insolubles quand on les pose et résolus par les faits »116.
- 117 Id., Essai, op. cit., p. 458.
- 118 Id., Commentaires et marginalia, XIXe siècle, p. 184. L’expression est de Degérando et renvoie à l (...)
42Est-il dès lors « possible d’en finir avec ces questions, qui pour n’avoir jamais été terminées, ne sont peut-être pas interminables »117 ou doit-on, comme « le moderne Aenesidemus »118, à savoir Gottlob Ernst Schulze, désespérer du cercle dans lequel la métaphysique tourne toujours ?
- 119 Id., Essai, op. cit., p. 447.
Nettoyer le champ de la philosophie en extrayant le germe des erreurs serait sans doute faire quelque chose pour la vérité. De deux choses l’une : ou ces questions d’une métaphysique abstruse qu’on taxe peut-être avec fondement de vide ou de nullité, peuvent être résolues, ou elles sont insolubles. Prouver le dernier cas d’après une connaissance plus exacte des facultés de l’esprit humain serait satisfaire au problème. Sous ce rapport, donc, l’étude de la métaphysique ne serait pas sans intérêt.119
- 120 H. Gouhier, Les conversions, op. cit., p. 182.
- 121 Maine de Biran, Essai, op. cit., p. 459.
- 122 Ibid., p. 450.
43Si la naissance du biranisme « coïncide avec celle de la psychologie »120, que répondre, pour finir, aux attaques contre la psychologie ou toute espèce d’études psychologiques ? Elles sont faites en général au nom de la stérilité et du vague des résultats. Mais, on l’a vu, la psychologie ne peut être la science de l’absolu de l’âme. Science expérimentale intérieure des facultés de l’esprit humain, science positive et d’une évidence « plus immédiate encore que celle qui repose sur l’identité des idées »121, elle est, selon Biran, « à peine née » – ayant été, dans sa vérité, indiquée par Locke mais seulement indiquée – et pose la question de sa possible vérification. En effet, contrairement à l’ancienne métaphysique, elle ne s’appuie pas sur un long passé (stérile, diront certains) ni ne pose des résultats méthodiques vérifiables (Idéologie). Pour autant, elle est capable de « découvertes négatives »122 la mettant à l’abri de certaines illusions. Trois grands systèmes métaphysiques, inséparables, selon Biran, de trois dangers, fondent toute la science des facultés humaines soit sur les lois physiologiques de la sensibilité, soit sur des hypothèses mixtes (empruntées partie à l’analogie sensible des choses extérieures, et partie à une autre sorte d’analogie logique et conventionnelle des formes du langage), soit sur des lois métaphysiques ou subjectives, abstraction faite des conditions ou circonstances sur lesquelles reposent ces lois. Si on rejette l’explication physiologique de la pensée, on se trouve en présence de deux explications possibles : 1) le système de la sensation transformée qui prend l’abstrait pour le simple et une classification conventionnelle pour une explication véritable ; 2) les systèmes innéistes ou aprioristes qui s’installent dans la pensée pure après avoir coupé toute communication avec la nature matérielle.
- 123 Maine de Biran, Rapports des sciences, op. cit., p. 284.
- 124 Ibid., p. 285.
- 125 Maine de Biran, Mémoire sur la décomposition, op. cit., p. 26.
- 126 Voir B. Baertschi, L’ontologie de Maine de Biran, Paris, Vrin, 1982.
- 127 Maine de Biran, Rapports des sciences, op. cit., p. 258.
44Fondée sur l’expérience intime ou la réflexion, la métaphysique biranienne trouve dans la relation de cause à effet « le principe et la base de toute métaphysique ou science des réalités »123, et prétend faire la part, dans nos opérations intellectuelles, de deux éléments distincts qui se combinent en proportions variables et peuvent même exister séparément : l’affectivité et la motilité. Métaphysique des existences – « la première relation ou, si l’on veut, la première forme sous laquelle l’individu aperçoit sa propre existence devra être considérée comme le principe unique de la connaissance en général »124 –, elle ne se renferme pas dans les bornes de la logique (le vrai) ou de la morale (le bon), mais elle a incontestablement un versant pratique, et relève d’un besoin de l’être moral125. Il est remarquable qu’après le tournant126 des Rapports, Biran ne modifie pas son principe premier : les relations entre substances ou noumènes ne sont point primitives127.
- 128 L. Brunschvicg, « Le progrès de l’analyse réflexive », Revue d’histoire et de philosophie religieu (...)
45Si la nouveauté et la richesse de ce point de vue sont incontestables, comment juger de sa fécondité ? Léon Brunschvicg en soulignait la difficulté : « Il n’était guère utile, pour les philosophes kantiens du XIXe siècle, d’avoir compris que Kant avait répondu à Hume, du moment qu’ils n’avaient pas compris également comment Biran répondait à Condillac ». Et d’ajouter : « Mais la réciproque est également vraie »128.
Notes
1 Maine de Biran, Œuvres, vol. III, Mémoire sur la décomposition de la pensée, Paris, Vrin, 1988, p. 24.
2 Id., Œuvres, vol. IV, De l’aperception immédiate, Paris, Vrin, 1995, p. 9-10. Sur le terme « Idéologie », voir A. Destutt de Tracy, Mémoire sur la faculté de penser. De la métaphysique de Kant et autres textes, Paris, Fayard, 1992, p. 70-71.
3 Maine de Biran, Mémoire sur la décomposition, op. cit., p. 23.
4 Id., Œuvres, vol. VII-2, Essai sur les fondements de la psychologie, Paris, Vrin, 2001, p. 445.
5 Id., Mémoire sur la décomposition de la pensée, op. cit., p. 2.
6 Ibid., p. 21.
7 D’Alembert, Discours préliminaire de l’Encyclopédie, Paris, Vrin, 1984, p. 103-104.
8 Maine de Biran, Œuvres, vol. II, Influence de l’habitude sur la faculté de penser, Paris, Vrin, 1987, p. 6. Locke est en concurrence avec Charles Bonnet dans ce premier Mémoire.
9 À savoir 1o la science de la substance de l’âme, 2o la science de ses facultés, 3o la science de l’emploi et de l’objet de ses facultés (Maine de Biran, Essai, op. cit., p. 442). Voir F. Bacon, Du progrès et de la promotion des savoirs, Paris, Gallimard, 1991, p. 154.
10 Maine de Biran, Mémoire sur la décomposition de la pensée, op. cit., p. 21.
11 Ibid., p. 19.
12 Voir A. Destutt de Tracy, Œuvres complètes. III, Éléments d’Idéologie, Paris, Vrin, 2012, p. 84.
13 Maine de Biran, Mémoire sur la décomposition, op. cit., p. 23.
14 Id., Influence de l’habitude, op. cit., p. 131.
15 A. Destutt de Tracy, Mémoire sur la faculté de penser, op. cit., p. 71.
16 Maine de Biran, De l’aperception, op. cit., p. 6.
17 Ibid., p. 7-8.
18 Maine de Biran, Essai, op. cit., p. 446.
19 Ibid., p. 444. Voir Œuvres, vol. XI-2, Commentaires et Marginalia, XVIIIe siècle, Paris, Vrin, 1993, p. 39.
20 Maine de Biran, Mémoire sur la décomposition, op. cit., p. 24.
21 Id., Essai, op. cit., p. 91.
22 Ibid., p. 93.
23 Maine de Biran, De l’aperception, op. cit., p. 8.
24 Id., Œuvres, vol. XIII-2, Correspondance philosophique, 1766-1804, Paris, Vrin, 1996, p. 398.
25 Id., Essai, op. cit., p. 448.
26 H. Gouhier, Les conversions de Maine de Biran, Paris, PUF, 1948, p. 169.
27 Maine de Biran, Essai, op. cit., p. 459.
28 Ibid., p. 441.
29 Ibid., p 445.
30 Ibid., p. 442.
31 Loc. cit.
32 Ibid., p. 453.
33 Ibid., p. 442.
34 Maine de Biran, Mémoire sur la décomposition, op. cit., p. 25.
35 Id., Œuvres, vol. XIII-2, Correspondance philosophique (1766-1804), Paris, Vrin, 1996, p. 396. Nous soulignons.
36 Sur la critique biranienne de la métaphysique de la représentation, voir : Fr. Azouvi, Maine de Biran, la science de l’homme, Paris, Vrin, 1995 ; A. Devarieux, Maine de Biran l’individualité persévérante, Grenoble, Millon, 2004, rééd. 2017 ; P. Montebello, La décomposition de la pensée, Grenoble, Millon, 1994.
37 Maine de Biran, Mémoire sur la décomposition, op. cit., p. 326.
38 Maine de Biran, Essai, op. cit., p. 73-74.
39 Id., Mémoire sur la décomposition, op. cit., p. 296.
40 Ibid., p. 25.
41 Maine de Biran, De l’aperception, op. cit., p. 10. Voir aussi le Mémoire sur la décomposition, op. cit., p. 25.
42 Id., Mémoire sur la décomposition, op. cit., p. 25.
43 Maine de Biran, Œuvres, vol. X-2. Dernière philosophie : existence et anthropologie, « Note sur l’idée d’existence », Paris, Vrin, 1989, p. 244.
44 Id., Œuvres, vol. VIII, Rapports des sciences naturelles avec la psychologie, Paris, Vrin, 1986, p. 245.
45 Id., Essai, op. cit., Appendice II, p. 452-460.
46 Id., Essai, op. cit., p. 141-142.
47 Voir Id., Rapports des sciences, op. cit., p. 241.
48 Id., Essai, op. cit., p. 141-142.
49 Ibid., p. 198.
50 Voir : Id., Rapports des sciences, op. cit., « Valeur du mot principe dans la langue psychologique », p. 277 ; Id., Essai, op. cit., p. 445.
51 Id., Essai, op. cit., p. 79.
52 Id., Rapports des sciences, op. cit., p. 279.
53 Ibid., p. 161.
54 Maine de Biran, Commentaires et Marginalia, XVIIIe siècle, op. cit., p. 240. Voir aussi Œuvres, vol. XI-3, Commentaires et Marginalia, XIXe siècle, Paris, Vrin, 1990, p. 311.
55 Id., Mémoire sur la décomposition, p. 127.
56 Id., Commentaires et Marginalia, XVIIIe siècle, op. cit., p. 87.
57 Id., Rapports des sciences, op. cit., p. 246.
58 Ibid., p. 223.
59 Id., Essai, op. cit., p. 2.
60 Ibid., p. 9.
61 Id., Rapports des sciences, op. cit., p. 284.
62 Id., De l’aperception, op. cit., p. 25.
63 Ibid., p. 10.
64 Id., Essai, op. cit., p. 451-452.
65 Ibid., p. 14.
66 Loc. cit.
67 Ibid., p. 444.
68 Maine de Biran, De l’aperception, op. cit., p. 130. Voir aussi Id., Rapports des sciences, op. cit., p. 349.
69 Id., Essai, op. cit., p. 438.
70 Id., De l’aperception, op. cit., p. 11.
71 Voir Id., Commentaires et Marginalia, XIXe siècle, op. cit., « Examen des leçons de philosophie de M. Laromiguière », p. 230.
72 Voir la lecture du phénoménologue Michel Henry, Philosophie et phénoménologie du corps. Essai sur l’ontologie biranienne, Paris, PUF, 1965, p. 52.
73 Maine de Biran, Commentaires et Marginialia, XIXe siècle, op. cit., p. 242. Voir aussi De l’aperception, op. cit., p. 22.
74 Sur la manière dont les différents systèmes de philosophie ont procédé à l’analyse des facultés intellectuelles, voir le deuxième paragraphe de la première partie du Mémoire sur la décomposition de la pensée, op. cit., p. 51-81.
75 Biran commente ici les Considérations sur la différence de nos idées de Louis Frédéric Ancillon (1740-1814), dans Mémoires de l’Académie royale des sciences et des belles-lettres depuis l’avènement de Frédéric Guillaume III au trône, 1799-1800, Berlin, Decker, 1803.
76 Maine de Biran, Rapports des sciences, op. cit., p. 228-229.
77 Ibid., p. 230.
78 Ibid., p. 226.
79 Ibid., p. 224.
80 Loc. cit.
81 Loc. cit.
82 Ibid., p. 223.
83 Ibid.
84 Voir par exemple Id., Mémoire sur la décomposition, op. cit., p. 341.
85 Id., Rapports des sciences, op. cit., p. 238.
86 Ibid., p. 38.
87 Ibid., p. 39.
88 Ibid., p. 42.
89 Id., Mémoire sur la décomposition, op. cit., p. 292.
90 Ibid., p. 313.
91 Ibid., p. 293.
92 À rebours de l’idéalisme théorique qui substitue au monde réel un monde imaginaire peuplé de fantômes sans consistance, Biran défend le privilège du toucher actif mobile, seul capable de fixer ces « nuages voltigeants » en sortant la vue de sa torpeur représentative. Dans la métaphysique biranienne de la réflexion, la voix (active) joue un rôle semblable à l’égard de l’ouïe (passive).
93 Maine de Biran, Œuvres, vol. VI, Rapports du physique et du moral de l’homme, Paris, Vrin, 1984, p. 49.
94 Id., Rapports des sciences, op. cit., p. 47.
95 Id., Influence de l’habitude, p. 87-88. Sur le couple voix-ouïe, voir A. Devarieux, Maine de Biran l’individualité persévérante, op. cit., p. 58-66.
96 Id., Mémoire sur la décomposition, op. cit., p. 183-184.
97 Id., Essai, op. cit., p. 370.
98 Id., De l’aperception, op. cit., p. 17.
99 Voir Id., Rapports des sciences, op. cit., p. 284.
100 A. Destutt de Tracy, Éléments d’Idéologie, op. cit., p. 75.
101 Maine de Biran, Essai, op. cit., p. 24-25.
102 Id., Rapports des sciences, op. cit., p. 213.
103 Ibid., p. 14.
104 Loc. cit.
105 Ibid., p. 443.
106 Ibid., p. 15.
107 Ibid., p. 15-16.
108 Maine de Biran, Essai, op. cit., p. 446-447.
109 Ibid., p. 81.
110 Ibid., p. 77.
111 Ibid., p. 79.
112 Maine de Biran, Œuvres, vol. XI-1, Commentaires et Marginalia, XVIIe siècle, Paris, Vrin, 1990, p. 89.
113 Ibid., p. 90.
114 Maine de Biran, Essai, op. cit., p. 485.
115 Ibid., p. 18.
116 Maine de Biran, Journal, t. III, Neuchâtel, La Baconnière, 1957, p. 211.
117 Id., Essai, op. cit., p. 458.
118 Id., Commentaires et marginalia, XIXe siècle, p. 184. L’expression est de Degérando et renvoie à l’ouvrage de G. E. Schulze, Aenesidemus, oder über die Fundamente der von dem Herrn Prof. Reinhold in Jena gelieferten Elementar-Philosophie, nebst einer Vertheidigung des Skepticismus gegen die Anmaassungen der Vernunftkritik (1792).
119 Id., Essai, op. cit., p. 447.
120 H. Gouhier, Les conversions, op. cit., p. 182.
121 Maine de Biran, Essai, op. cit., p. 459.
122 Ibid., p. 450.
123 Maine de Biran, Rapports des sciences, op. cit., p. 284.
124 Ibid., p. 285.
125 Maine de Biran, Mémoire sur la décomposition, op. cit., p. 26.
126 Voir B. Baertschi, L’ontologie de Maine de Biran, Paris, Vrin, 1982.
127 Maine de Biran, Rapports des sciences, op. cit., p. 258.
128 L. Brunschvicg, « Le progrès de l’analyse réflexive », Revue d’histoire et de philosophie religieuses, no 3, mai-juin 1926, p. 247.
Haut de pagePour citer cet article
Référence électronique
Anne Devarieux, « Maine de Biran : métaphysique et psychologie », Astérion [En ligne], 30 | 2024, mis en ligne le 09 septembre 2024, consulté le 01 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/asterion/11034 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/12b0z
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