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Dossier

Thil Ulenspiegel et Philippe II d’Espagne en Grande Guerre

Till Eulenspiegel and Philip II of Spain in the Great War
Marine Branland

Résumés

Du XVIe au XIXe puis au XXe siècle, Thil Ulenspiegel a traversé le temps et l’histoire. Il est devenu une figure légendaire de la révolte des Pays-Bas incarnant la liberté contre l’oppresseur Philippe II d’Espagne dans la version de Charles De Coster publiée en 1867 et la légende trouve une actualité inédite lors de la Première Guerre mondiale. Deux graveurs belges (Paul-Auguste Masui et Walter Vaes) se saisissent de cette histoire pour délivrer un message sur le conflit en cours. Réfléchissant à ces télescopages temporels et culturels, cet article cherche à comprendre les enjeux d’un tel recours entre 1914 et 1918, et même au-delà : Romain Rolland consacre une préface à cette légende en 1926 ; Maurice Langaskens et Frans Masereel illustrent eux aussi la légende durant l’entre-deux-guerres.

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Texte intégral

  • 1 Parmi les adaptations : Till Eulenspiegels lustige Streiche, poème symphonique de Richard Strauss, (...)

1La légende d’Ulenspiegel a fait l’objet de nombreuses adaptations dans le temps et l’espace depuis la naissance de ce personnage en Allemagne au début du XVIe siècle. Le héros populaire de cette légende apparaît en effet dans bien des récits et des images, ainsi qu’à l’opéra, au théâtre et au cinéma1. Dans une édition illustrée parue en France en 1866, l’avertissement du traducteur ayant travaillé à partir de la version allemande de l’histoire révélait déjà sa popularité internationale :

  • 2 P. Jannet, « Avertissement du traducteur », dans Les Aventures de Til Ulespiègle, P. Jannet éd. et (...)

Peu de héros, réels ou imaginaires, sont aussi populaires que Til Ulespiègle. Composée en allemand, son histoire a été traduite en flamand, en français, en latin, en anglais, en danois, en polonais, et depuis plus de trois siècles on n’a cessé de la réimprimer. Les éditions qui en ont été faites en différentes langues sont innombrables. Ulespiègle a occupé le ciseau et le burin des artistes. Ses faits et gestes ont été transportés plusieurs fois sur la scène. Son nom a enrichi notre langue des mots espiègle, espièglerie. Il a servi d’enseigne à maintes publications en divers genres, périodiques et autres. Enfin, l’Allemagne, la Flandre et la Pologne se disputent l’honneur de lui avoir donné le jour.2

  • 3 M. Beyen, « Le piège de l’essentialisme. Thyl Ulenspiegel entre littérature et propagande », Témoi (...)
  • 4 J.-M. Klinkenberg, « Postface », dans C. De Coster, La Légende et les aventures héroïques, joyeuse (...)

2Cette légende est tout juste postérieure à la naissance de l’imprimerie, ce qui a permis son importante diffusion. L’historien Marnix Beyen souligne qu’Anvers était alors un centre d’imprimerie important et que les Pays-Bas ont largement contribué à cette diffusion3. Le récit garde une dimension populaire et anonyme jusqu’à son adaptation littéraire en Belgique en 1867 par Charles De Coster, un écrivain aux idées progressistes. Jean-Marie Klinkenberg remarque que l’originalité de De Coster est d’avoir « marié la légende à l’histoire » en donnant « au vagabond un état civil précis et une patrie »4.

3Dans sa Légende, De Coster fait de Thil Ulenspiegel un héros belge, né à Damme en Flandre, le même jour que Philippe II d’Espagne. Dans ce récit souvent qualifié d’épique, Thil est aussi joyeux que Philippe II est morne. L’histoire suit la vie de ce personnage farceur et irrévérencieux, mu par une immense soif de liberté, qui, après le décès de ses parents torturés durant l’Inquisition, prend part, avec un esprit de revanche, à la révolte des Gueux menée par Guillaume d’Orange contre la couronne d’Espagne. Cette lutte aboutit à l’indépendance des Provinces-Unies au terme d’une guerre de quatre-vingts ans. Thil est donc une figure légendaire issue du folklore européen, entrée dans l’Histoire sous la plume de De Coster.

4Cette version littéraire belge connaît une première réception dans la dernière décennie du XIXe siècle et retrouve une actualité pendant et après la Première Guerre mondiale. Dans l’image, ce thème rejoint d’autres représentations empruntées au passé, choisies pour délivrer un message sur le présent. Pendant la guerre, ces emprunts sont variés et visent différents objectifs. Par exemple, la danse macabre est un motif récurrent dans l’iconographie ayant servi à la propagande et à la contre-propagande de guerre. La danse macabre a aussi permis à des artistes d’exprimer une part de la violence et des souffrances provoquées par le conflit dans une optique universaliste. On retrouve ce thème médiéval ainsi que des sujets empruntés à la Bible dans les productions d’artistes de différentes nationalités.

  • 5 La légende d’Ulenspiegel ne fait pas exception en matière d’instrumentalisation politique d’un hér (...)

5La guerre des Gueux contre Philippe II d’Espagne est mobilisée dans l’iconographie du conflit en proportion moindre comparée à d’autres thèmes anciens, et uniquement dans des œuvres d’artistes belges. Cette observation invite à interroger le rôle du texte de Charles De Coster dans cette reprise et à réfléchir aux raisons qui ont conduit quelques artistes à revisiter par l’image cette Légende pendant et après le conflit. L’étude de deux ensembles gravés pendant la guerre révèle deux objectifs complémentaires : la promotion de l’identité belge d’une part, et la résistance à l’occupant d’autre part ; d’autres adaptations postérieures au conflit confirment cette double optique mais ouvrent aussi de nouvelles perspectives de compréhension des usages politiques de la légende5.

Promouvoir l’identité belge

  • 6 Les artistes « Artan, Claeys, Degroux, Dillens, Duwée, Rops, Schaefels, Schampheleer, Smits et Van (...)
  • 7 E. Rouir, Félicien Rops, catalogue raisonné de l’œuvre gravé et lithographié, t. 1, Bruxelles, C.  (...)
  • 8 Voir R. Grutman, « “Sors de mes yeux” : le flandricisme comme (effet de) traduction dans La Légend (...)
  • 9 Voir H. Juin, « Introduction », dans C. De Coster, La Légende d’Ulenspiegel, H. Juin éd., F. Maser (...)

6L’ouvrage de De Coster est publié pour la première fois en 1867, illustré de quatorze eaux-fortes d’artistes belges6, parmi lesquelles trois sont de Félicien Rops qui devait initialement réaliser seul l’illustration du livre. Les deux hommes étaient amis et avaient fondé, quelques années plus tôt, une revue satirique nommée Uylenspiegel : journal des ébats artistiques et littéraires, éditée de 1856 à 18647. À cette période, Thil Ulenspiegel était une figure populaire en Belgique, particulièrement en Flandre, grâce à la diffusion de brochures relatant ses farces. Pour composer son épopée, De Coster s’est d’ailleurs inspiré d’un recueil flamand à succès, réédité à plusieurs reprises au XIXe siècle par un éditeur gantois (Van Paemel)8, ainsi que d’une chronique de 1618 intitulée L’Histoire des Pays-Bas ou recueil des guerres et choses mémorables advenues tant ès dits Pays, qu’ès Pays voisins, depuis l’an 1315 jusqu’à l’an 16129.

  • 10 J.-M. Klinkenberg, « Postface », dans C. De Coster, op. cit., version ePub, n. p. C’est le texte d (...)

7D’après les spécialistes de la Légende et de De Coster, la force de l’auteur est d’avoir conçu une œuvre en langue française, mais distincte de la littérature française alors dominante en Belgique. L’enjeu était de taille : les arts et les lettres participaient à l’affirmation des identités nationales. Pour ce faire, De Coster mêla donc le populaire et l’historique et usa surtout d’un style archaïsant rythmé de flandricismes. Jean-Marie Klinkenberg écrit : « À la complexité narrative correspond une évidente complexité stylistique. En un mélange subtil, archaïsme, modernisme, langage familier, langage relevé, poésie, prosaïsme sont présents dans ce texte polyphonique »10.

  • 11 C. De Coster, La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de La (...)

8Le succès n’est cependant pas au rendez-vous lors de la sortie du livre. La reconnaissance ne vient qu’après le décès de De Coster (en 1879), dans la dernière décennie du XIXe siècle, grâce notamment aux intellectuels de La Jeune Belgique qui le considèrent comme un texte fondateur de la littérature belge. Parmi eux, Camille Lemonnier préface une réédition de la Légende de De Coster parue en 1912 à Bruxelles11.

9C’est dans cette perspective d’une œuvre fondatrice de la littérature belge qu’il faut envisager l’édition à Londres, fin 1917, d’un recueil de cinquante-cinq gravures sur bois de Paul-Auguste Masui-Castricque, intitulé La Légende de Thyl Ulenspiegel, tiré à 253 exemplaires.

10Militaire de formation et artiste amateur, Masui est sous-lieutenant dans un régiment de grenadiers au début de la guerre. Il est blessé à la jambe en septembre 1914. Après plusieurs mois de convalescence en Angleterre, il est affecté à l’ambassade de Belgique à Londres où il est en charge de la censure de la correspondance et des publications. Il profite de cette douloureuse occasion pour abandonner sa carrière militaire et embrasser celle d’artiste. Durant ce séjour de près de cinq années, l’ancien combattant développe sa pratique de la gravure (bois et lithographie). En plus de sujets londoniens, on connaît de lui quelques rares estampes inspirées de son expérience combattante ainsi que cette illustration de la Légende d’Ulenspiegel.

11Le recueil de gravures est précédé d’un avant-propos dans lequel Masui établit clairement un parallèle entre le XVIe et le XXe siècle :

  • 12 P.-A. Masui-Castricque, « Avant-propos », dans La Légende de Thyl Ulenspiegel, 55 bois gravés orig (...)

Le XVIe siècle vit se lever devant la monarchie germano-espagnole, les Gueux. La tyrannie morale et physique imposée aux Provinces Belgiques [sic] fut le premier acte d’un drame rouge qui eut bien des heures sanglantes et glorieuses. […] À l’heure présente le même conflit renaît, du petit, honnête, vaillant, apôtre ardent d’une liberté totale, contre le grand, tyran, oppresseur des consciences et des corps. Charles-Quint trouva pour les Wallons et les Flamands, le bûcher, le gibet, et la fosse pour les femmes. Sa cause était mauvaise, mauvaises devaient être ses armes. Guillaume II, imbu du même esprit germanique trouve la fusillade en masse, l’incendie, les gaz asphyxiants, les jets de feu liquide. Il succombera.
[…]
Aussi ai-je pensé que l’œuvre de Charles De Coster représentée par le bois, apporterait un témoignage non pas nouveau, mais seulement additionnel, de l’esprit qui souleva nos provinces et au XVIe et au XXe siècle contre un même ennemi.
Esprit de gaieté, d’héroisme [sic] calme et parfois naïf, de volonté ardente vers un idéal radieux, Thyl Ulenspiegel dans ses nombreuses légendes est non pas fils du charbonnier Claes, mais le Belge, dans toutes les expressions de la vie journalière, tragique et obstiné dans la lutte, gai comme jour de soleil entre deux combats.12

12Thil incarne ainsi à lui seul l’esprit belge, celui des Flamands et des Wallons, agressé par l’Allemagne. Guillaume II est le descendant des inquisiteurs. Lorsque, de manière paradoxale, cette légende devient un moyen de résistance symbolique contre l’Allemagne, son origine allemande semble oubliée ou ignorée.

13Dans cette œuvre d’exil, Masui s’appuie sur le texte de De Coster sans le reproduire. Ce choix s’explique probablement par une absence de moyens pratiques et financiers : le recueil est édité par l’artiste et vendu par souscription. De plus, l’œuvre de De Coster est suffisamment connue – des Belges au moins – pour qu’une évocation graphique suffise à comprendre son ancrage national. Enfin, en se passant du texte, Masui offre au regardeur la possibilité de construire visuellement le parallèle évoqué dans son avant-propos, de nouer les époques, à l’aide des images nombreuses diffusées sur le conflit entre 1914 et 1918.

14Masui suit cependant la progression du récit de De Coster comme le suggèrent les titres et les légendes des planches. Dans ses bois sombres, inspirés par l’esthétique de l’artiste britannique Frank Brangwyn, il campe des figures qui se détachent de manière imprécise sur un fond noir. Aidé des titres et des légendes, on y reconnaît Thil et Lamme Goedzak, son compagnon de route, ainsi que Philippe II d’Espagne. Mais l’artiste puise ailleurs que dans la Légende pour favoriser le rapprochement entre le passé et le présent. Il recourt notamment à l’iconographie de la danse macabre médiévale, plus universaliste que l’histoire d’Ulenspiegel, pour traduire l’horreur des tortures. La Mort en squelette décharné soumet Thil au supplice du feu. Dans l’une des estampes, les casques militaires, s’ils ne sont pas contemporains, peuvent toutefois renvoyer à la guerre en cours. Ulenspiegel, « l’esprit de Flandre » dans le récit de De Coster, accompagne ainsi les combattants de la Grande Guerre dans leur lutte pour la liberté.

Fig. 1. Paul-Auguste Masui-Castricque, planche 13 de La Légende de Thyl Ulenspiegel, 55 bois gravés originaux par Paul-Auguste Masui-Castricque, Londres, édité par l’artiste, 1917 (Bruxelles, Fondation Isabelle Masui).

Fig. 1. Paul-Auguste Masui-Castricque, planche 13 de La Légende de Thyl Ulenspiegel, 55 bois gravés originaux par Paul-Auguste Masui-Castricque, Londres, édité par l’artiste, 1917 (Bruxelles, Fondation Isabelle Masui).

© Fondation Isabelle Masui

  • 13 Ibid.

15En illustrant la Légende, Masui manifeste son soutien à son pays et s’inscrit dans une tradition artistique nationale. Ce choix lui permet de défendre l’idée d’une union des Belges au-delà de la diaspora provoquée par la guerre et de tous les inscrire, combattants, exilés et populations occupées, dans une histoire nationale glorieuse. Dans les dernières lignes de son avant-propos, Masui évoque un peuple irréductible incluant ceux qui se battent en Belgique « contre la brutale occupation du territoire souillé »13. Grâce à la mise en images de cette légende, le lien à son pays d’origine se manifeste et devient une affirmation identitaire, à un moment où il est réfugié hors de ses frontières.

Résister à l’occupation

  • 14 L’œuvre de Walter Vaes était peu connue jusqu’à récemment. Le musée de Louvain-la-Neuve a reçu une (...)

16L’exil auquel sont contraints de nombreux Belges au début de la guerre n’a pas été vécu identiquement par tous. Les expériences diffèrent selon les pays d’accueil et en fonction des trajectoires individuelles. De fait, le parcours de Masui, ancien combattant réfugié dans un pays belligérant, est bien différent de celui de Walter Vaes14, artiste flamand réfugié aux Pays-Bas restés neutres pendant le conflit. Au mois d’octobre 1914, Vaes se trouve à Veere en Zélande, il y poursuit son art, privilégiant alors la gravure et se consacrant d’abord à la représentation de son environnement quotidien.

  • 15 L. Schoonbaert et D. Cardyn-Oomen, Tekeningen en schilderijen van Walter Vaes, Anvers, Koninklijk (...)
  • 16 La Flamenpolitik menée par les Allemands, et à laquelle adhèrent certains activistes flamingants ( (...)

17Fait étonnant : en 1916, il retourne pendant six mois en Belgique occupée, de mars à novembre15. On ignore les raisons et les conditions de ce retour à Anvers en pleine guerre (peut-être rentre-t-il à la faveur de la Flamenpolitik allemande16). Ce qui est certain, c’est que ce séjour en territoire occupé a profondément marqué l’artiste. À partir de cette période, Vaes délaisse le quotidien pour le fantastique.

18Néfaste vermine est le titre d’une gravure à l’eau-forte réalisée vers 1916, alors que Vaes était en Belgique, ou bien à son retour en Zélande, début 1917. L’artiste y figure un monde inquiétant peuplé de monstres marins. Ces drôles de bêtes se situent dans un paysage plat où l’on distingue, au loin, la silhouette d’un moulin. Plusieurs éléments permettent de tisser un lien entre cette image et le contexte de la guerre et de l’occupation. Le paysage en arrière-plan pourrait être la Hollande, les silhouettes d’hommes au sol évoquent des réfugiés qui attendent de pouvoir rentrer au pays. Les monstres forment un barrage : en même temps qu’ils rappellent le dispositif de barbelés électrifiés qui sépare le territoire belge du territoire hollandais, ils incarnent l’ennemi violent dont les Belges sont prisonniers. L’artiste parvient ainsi à livrer une métaphore de la situation concrète qu’il vit. La « néfaste vermine » est ici, sans ambiguïté, l’occupant.

19Cette œuvre rappelle aussi un passage de la Légende de De Coster. À la fin du livre premier, Thil et son amie Nele font un voyage onirique au cours duquel ils observent les forces de la nature. D’abord plaisant et merveilleux, ce voyage devient de plus en plus inquiétant. La Légende dit :

  • 17 C. De Coster, La Légende, J.-M. Klinkenberg éd., op. cit., livre I, chant LXXXV, version ePub, n.  (...)

Mais ils eurent plus peur encore quand les eſprits, par milliers, prirent place sur des sièges qui étaient d’énormes araignées, des crapauds à trompe d’éléphant, des serpents entrelacés, des crocodiles debout sur la queue et tenant un groupe d’eſprits dans la gueule, des serpents qui portaient plus de trente nains et naines aſſis à califourchon sur leur corps ondoyant, et bien cent mille inſectes plus grand que des Goliaths, armés d’épées, de lances, de faux dentelées, de fourches à sept fourchons, de toutes autres sortes d’horribles engins meurtriers. Ils s’entre-battaient avec grand vacarme, le fort mangeant le faible, s’en engraiſſant et montrant ainſi que Mort eſt faite de Vie et que Vie eſt faite de Mort.17

  • 18 Voir T. L. Meganck, Pieter Bruegel l’Ancien, La Chute des anges rebelles. Art, savoir et politique (...)
  • 19 La référence à la légende d’Ulenspiegel dans les gravures de Walter Vaes est attestée dès 1904. Vo (...)

20L’écho entre les gravures de Vaes et le texte de De Coster se double de références aux œuvres de Jérôme Bosch et de Pieter Bruegel l’Ancien. On retrouve ailleurs dans son texte le récit d’événements qui s’apparentent à des descriptions de peintures, comme lorsqu’il évoque l’abdication de Charles Quint. On sait que Bruegel, contemporain de la guerre de Quatre-Vingts Ans, voulait surpasser l’œuvre de Bosch18. Son tableau La Chute des anges rebelles (1562) a longtemps été attribué à son fils (Pieter Bruegel le Jeune) puis à Bosch jusqu’en 1898 ! Les résonances entre les peintures du XVIe siècle, le texte de De Coster et les gravures de Vaes ne disent pas seulement l’admiration des uns pour les autres mais renvoient aussi au contexte de cette guerre ancienne. Vaes se réfère à la Légende de De Coster19, aux œuvres de Bosch et Bruegel et à la guerre d’indépendance des Pays-Bas, mêlant ces références à des éléments iconographiques du temps présent.

  • 20 Cette estampe est reproduite dans l’article cité de Bénédicte Duvernay. En ligne : [https://doi.or (...)

21Dans Diablerie : le dévidoir, par exemple, un officier allemand active une machine de torture sur laquelle s’enroule un fil fait des entrailles d’une figure étrange, renversée. En arrière-plan, à gauche, des hommes chargés de lourds fardeaux s’éloignent. Les tortures de la période de l’Inquisition en Flandre sont une des causes de la révolte populaire au XVIe siècle. De Coster en fait état dans le livre premier notamment. Katheline, la mère de Nele, est dénoncée pour sorcellerie et subit la torture, Claes, le père de Thil, meurt brûlé vif sur la place publique, et Thil et sa mère Soetkin sont torturés car ils n’ont pas livré l’argent dont ils ont hérité grâce au frère hérétique de Claes. Les scènes de torture renvoient plus certainement à cette histoire et à sa présence dans la Légende qu’à la violence exercée par l’occupant pendant la Première Guerre mondiale. L’existence d’une estampe représentant Le Supplice de Philippe II le confirme20.

22Dans cette estampe, le visage du monarque est reconnaissable. Pris en étau, il est assailli par de petites créatures qui lui infligent différents châtiments. Un crochet, relié à une chaîne, suspendue à une potence, sur laquelle de petits êtres tirent, est fixé à sa paupière droite et découvre le vide de sa cavité oculaire ; son nez est tronçonné par deux autres créatures munies d’une scie à larges dents. Une autre créature déplace une roue de torture en direction du visage supplicié. Cette représentation de Philippe II pendant la Première Guerre mondiale renvoie à la violence de la guerre passée pour dire la violence du temps présent.

23Walter Vaes convoque des oiseaux, des créatures abyssales, il convoque Philippe II et le simple mortel dans cette étrange diablerie pour donner corps à sa pensée complexe sur la guerre, pour traduire sa colère et sa haine de l’envahisseur. En choisissant de très petits formats (ses estampes excèdent rarement dix centimètres de côté) et un vocabulaire fantastique inspiré de Bosch et Bruegel, Vaes dissimule son ressentiment à l’égard des Allemands sans se priver de l’exprimer. On est loin des clichés de la propagande anti-allemande tels qu’ils circulaient en France et en Angleterre à la même période. Et ce qui s’impose dans ces estampes, ce n’est pas seulement une dénonciation de l’occupant et de sa violence, c’est aussi la résistance du peuple belge à cette occupation et la volonté d’une victoire aussi glorieuse que celle du XVIe siècle.

De la guerre à la paix

24En 1918, l’écrivain Maurice des Ombiaux publie un texte sur la littérature belge et son rôle dans la résistance pendant la guerre. Il commence précisément son récit avec La Légende d’Ulenspiegel de De Coster :

  • 21 M. Des Ombiaux, La Littérature belge. Son rôle dans la résistance de la Belgique, Bruxelles-Paris, (...)

C’est Charles de Coster qui, le premier, donne en littérature aux Belges le goût, la saveur, le parfum puissant de leur terre et de leur lignée : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goadzak au pays de Flandre et ailleurs écrite en français, est le plus grand événement littéraire qui se soit produit en Belgique depuis son indépendance ; l’importance en dépasse même singulièrement la portée d’un événement littéraire si on le considère à la lumière des événements d’aujourd’hui. […]
Dans la nuit du 2 août 1914, le Roi Albert et ses ministres rassemblés en toute hâte, prenaient connaissance de l’ultimatum allemand […] qui ne laissait à la Belgique d’autre alternative que la ruine ou le déshonneur. La consternation, mais non la peur, se marquait sur tous les visages, l’ange noir des catastrophes planait autour du papier où s’était inscrite la menace des Barbares, lorsque tout à coup une voix s’éleva dans la salle du Conseil ; c’était une voix d’outre-tombe, mais de si loin qu’elle arrivât, elle avait encore l’accent frais et joyeux de la jeunesse.
En l’écoutant les cœurs s’animèrent comme toujours : du fond des âges, Ulenspiegel chanta la septième chanson et nous savons désormais que ce ne sera pas la dernière. Cette chanson retentit le 4 août, dans les Chambres réunies pour recevoir le Roi et la Famille Royale : elle fit frémir l’assistance qui à ce moment-là représentait bien le pays tout entier. Elle vibra aux lèvres du Roi, le ministre de la guerre en releva la dernière strophe : Nous pouvons être vaincus mais soumis jamais ! phrase qui contient toute l’histoire de la Belgique.21

  • 22 C. De Coster, La Légende, J.-M. Klinkenberg éd., op. cit., livre V, chant X, version ePub, n. p.

25Cette phrase est un écho aux dernières lignes de la Légende : « Eſt-ce qu’on enterre, dit-il, Ulenſpeigel, l’eſprit, Nele, le cœur de la mère de Flandre ? Elle auſſi peut dormir, mais mourir, non ! Viens, Nele. / Et il partit avec elle en chantant sa sixième chanſon, mais nul ne sait où il chanta la dernière »22. Cette fin ouvre sur de possibles filiations à travers le temps.

  • 23 Id., La Légende d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak, édition à l’usage de la jeunesse, P. Lacomblez (...)
  • 24 Camp d’endoctrinement dans lequel était promue la culture flamande et où les prisonniers flamands (...)
  • 25 C. De Coster, La Légende d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak, éd. à l’usage de la jeunesse, op. cit.

26On retrouve l’idée d’union des Wallons et des Flamands dans la préface d’une édition pour la jeunesse de La Légende, parue en 1924, accompagnée d’une série de gravures sur bois de Maurice Langaskens. L’éditeur, Paul Lacomblez, y écrit : « Jeunes Flamands et Wallons, vous tous qui aimez, comme De Coster, votre belle et douce liberté, lisez ce savoureux, gai et dramatique chef-d’œuvre de notre littérature : vous y puiserez une commune fierté de votre titre de Belges ! »23 Les estampes de Langaskens sont marquées par un style rustique. Ancien combattant de la guerre, l’artiste a passé une grande partie de celle-ci en captivité dans un camp allemand de propagande flamingant24. Il n’y a jamais cédé et a livré pendant le conflit des gravures qui évoquent sa nostalgie de la patrie. L’association de ces images de Langaskens au texte renforce ainsi la considération d’une épopée nationale porteuse de valeurs patriotiques. Paul Lacomblez revendique cette approche lorsqu’il écrit : « Mettre La Légende d’Ulenspiegel à la portée de tous, constitue sans nul doute la meilleure propagande patriotique et littéraire »25.

Fig. 2. Maurice Langaskens, illustration hors-texte de La Légende d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak de Charles De Coster (Bruxelles, Office de publicité, 1924).

Fig. 2. Maurice Langaskens, illustration hors-texte de La Légende d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak de Charles De Coster (Bruxelles, Office de publicité, 1924).

Photographie Marine Branland

  • 26 M. Beyen, Held voor alle werk. De vele gedaanten van Tijl Uilenspiegel, Anvers-Baarn, Houtekiet, 1 (...)

27Dans les années qui ont suivi la guerre, La Légende a fait l’objet de récupérations diverses, y compris par des nationalistes flamands comme Anton Van de Velde, écrivain et metteur en scène catholique flamand, auteur d’une première pièce intitulée Tijl (1925) suivie d’une seconde, Tijl II (1930). Thil incarne alors l’esprit flamand abandonnant l’idée d’une communauté belge unie. Marnix Beyen a consacré un ouvrage aux relectures et adaptations politiques du texte de De Coster tout au long du XXe siècle. Il note : « Au cours des trois premières années de l’après-guerre […] nous voyons émerger en Flandre deux nouveaux types d’Ulenspiegel : un nationaliste flamand féroce, plus ou moins anti-belge, et un patriote belge épris de la Flandre. Le troisième type d’Ulenspiegel, le prolétaire internationaliste, n’est pas encore apparu sur la scène belge »26.

  • 27 C. De Coster, Die Geschichte von Ulenspiegel und Lamme Goedzak und ihren heldenmäßigen, fröhlichen (...)
  • 28 Pour une version française de la préface, voir : C. De Coster, Till Ulenspiegel, R. Rolland préf., (...)

28Ce troisième Ulenspiegel, c’est celui dont il est question dans le texte de Romain Rolland qui constitue la préface d’une édition allemande de 1926, illustrée de gravures de Frans Masereel27. Rolland rappelle d’emblée que « La légende d’Ulenspiegel a créé une patrie nouvelle » et précise, lui aussi : « de l’Ulenspiegel de Charles De Coster est issue la littérature belge ». Mais là n’est pas l’enjeu de son texte. Ce que Romain Rolland défend, c’est « la valeur d’art universelle » de cette Légende. Il défend l’idée d’un livre intemporel malgré l’ancrage historique des personnages. Romain Rolland salue finalement le « vent de liberté » que porte ce récit28.

29La série d’illustrations de Masereel se compose de cent cinquante gravures marquées par une esthétique moderne. Pendant la guerre, Masereel est réfugié en Suisse où il collabore à plusieurs projets pacifistes avec des gravures sur bois et des linogravures dans lesquelles il développe son style marqué par de forts contrastes et une simplification des formes. Pour illustrer la Légende de De Coster, il conserve cette approche graphique. Ses illustrations suivent de près le texte, racontant l’enfance d’Ulenspiegel, les tortures, ses pérégrinations seul ou en compagnie de Lamme. On trouve aussi dans cet ensemble quelques scènes de combat.

  • 29 M. Beyen, op. cit., p. 60.

30Marnix Beyen note que « [d]ans son illustration de la Légende, Frans Masereel se concentre moins sur Ulenspiegel lui-même que sur les masses opprimées. Il a ainsi donné l’une des interprétations socialistes les plus franches du motif Ulenspiegel »29. S’il est vrai que Masereel, fidèle à ses intérêts, accorde au peuple et à la ville une place privilégiée dans ses représentations et qu’il ne se focalise pas sur la figure d’Ulenspiegel, il reste fidèle au texte dans les choix de ses sujets et cherche à rendre compte de la richesse du récit.

  • 30 L. Roth, « Préface », dans C. De Coster, La Légende d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak, L. Roth éd. (...)
  • 31 C. De Coster, La Légende d’Ulenspiegel, H. Juin éd., op. cit.
  • 32 Id., La Légende d’Ulenspiegel, nouvelle édition, bois de F. Masereel, Anvers, De Sikkel, 1942.
  • 33 M. Beyen, op. cit., p. 57. Marnix Beyen offre un développement approfondi de cette question dans l (...)

31La reprise des gravures de Masereel dans d’autres éditions de la Légende devient par la suite un marqueur politique. C’est alors sans aucun doute la réputation de cet artiste pacifiste qui donne une coloration politique aux éditions dans lesquelles ses estampes sont reproduites. Quelques-unes de ces images figurent dans une édition pour la jeunesse parue en 1930 sous forme de fascicules édités par L’École émancipée, à l’initiative de Lucien Roth, un militant pacifiste, avec une dédicace à Romain Rolland désigné comme « le grand apôtre de l’humanité, une et fraternelle »30. Une partie des gravures de Masereel illustre aussi la version publiée à Paris par le « Club des amis du livre progressiste », en 196231. Une autre version reprenant ses gravures est éditée en 1942 à Anvers32, soit à une période où la figure de Thil Ulenspiegel apparaît aussi dans des affiches destinées à renforcer la relation spirituelle entre la Flandre et le IIIe Reich. Convoquer Masereel permet alors d’affirmer un message de résistance. Comme l’écrit très justement Marnix Beyen à propos de cette période : « Thil Ulenspiegel est devenu fasciste et a été combattu par lui-même, le combattant libéral et communiste de la liberté »33.

32Le texte de De Coster a sans aucun doute contribué à la connaissance et à la reconnaissance de cette légende populaire dans les milieux intellectuels belges au tournant du XXe siècle. Son affirmation comme texte fondateur de la littérature en Belgique indépendante, porteur de valeurs nationales, explique les usages contradictoires dont il a fait l’objet au fil du temps.

33Vaes et Masui s’en sont emparé pour renforcer leur lien à la patrie et dénoncer la violence ennemie pendant la Première Guerre mondiale. Ils n’ont pas fait, à notre connaissance, l’objet de reprises postérieures à des fins politiques.

34Avec les gravures de Langaskens et de Masereel, en revanche, on s’aventure au-delà de la Grande Guerre, dans des contextes bien différents de celui du conflit mais néanmoins façonnés par lui. Il est alors important de souligner que ces deux artistes belges ont vécu cette guerre et ont développé dans ce contexte une pensée politique qui n’a pas échappé aux éditeurs qui les ont sollicités ou repris pour illustrer La Légende de De Coster. Au-delà du texte, ce sont leurs interprétations graphiques qui se sont chargées de valeurs politiques nouvelles et c’est à ce titre qu’elles ont été mobilisées pour parler du temps présent.

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Notes

1 Parmi les adaptations : Till Eulenspiegels lustige Streiche, poème symphonique de Richard Strauss, 1894-1895 ; Les Aventures de Till l’Espiègle, film franco-est-allemand de Gérard Philippe et Joris Ivens, 1956 ; Les Aventures d’Ulenspiegel, adaptation pour le théâtre par J.-C. Marrey, Centre dramatique de l’Est, 1959 ; La Légende de Til, film soviétique en deux parties d’Alexandre Alov et Vladimir Naoumov, 1977.

2 P. Jannet, « Avertissement du traducteur », dans Les Aventures de Til Ulespiègle, P. Jannet éd. et trad., Paris, E. Picard, 1866, p. V-VI. En ligne : [https://0-gallica-bnf-fr.catalogue.libraries.london.ac.uk/ark:/12148/bpt6k5628509x.texteImage] (consulté le 20 février 2023). Cette version du texte est rééditée avec la même préface et des gravures originales de A. F. Cosyns : Paris, À l’enseigne du Pot cassé, 1929.

3 M. Beyen, « Le piège de l’essentialisme. Thyl Ulenspiegel entre littérature et propagande », Témoigner. Entre Histoire et Mémoire, no 111, 2011, p. 88. En ligne : [https://auschwitz.be/images/_bulletin_trimestriel/111_beyen.pdf] (consulté le 20 février 2023).

4 J.-M. Klinkenberg, « Postface », dans C. De Coster, La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au pays de Flandre et ailleurs, J.-M. Klinkenberg éd., Bruxelles, Les Impressions nouvelles, 2017, version ePub, n. p.

5 La légende d’Ulenspiegel ne fait pas exception en matière d’instrumentalisation politique d’un héros populaire comme en témoignent les contributions réunies dans un ouvrage collectif en 2012 : F. Boulerie dir., Le héros populaire, un héros politique ?, Pessac, Presses universitaires de Bordeaux, 2012.

6 Les artistes « Artan, Claeys, Degroux, Dillens, Duwée, Rops, Schaefels, Schampheleer, Smits et Van Camp » sont cités en page de titre de la première édition. Voir C. De Coster, La Légende d’Ulenspiegel, Paris, Librairie internationale-A. Lacroix Verboeckhoven, 1868. En ligne : [https://0-gallica-bnf-fr.catalogue.libraries.london.ac.uk/ark:/12148/bpt6k6577307f] (consulté le 20 février 2023).

7 E. Rouir, Félicien Rops, catalogue raisonné de l’œuvre gravé et lithographié, t. 1, Bruxelles, C. Van Loock, 1987, p. 127 sq.

8 Voir R. Grutman, « “Sors de mes yeux” : le flandricisme comme (effet de) traduction dans La Légende d’Ulenspiegel », Textyles. Revue des lettres belges de langue française, no 54, 2019, p. 25-49. Ce numéro de la revue consacre un dossier complet à La Légende, « Relire La Légende d’Ulenspiegel », sous la direction de J.-M. Klinkenberg. En ligne : [https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/textyles.3087] (consulté le 20 février 2023).

9 Voir H. Juin, « Introduction », dans C. De Coster, La Légende d’Ulenspiegel, H. Juin éd., F. Masereel ill., Paris, Club des amis du livre progressiste, 1962, p. XVIII.

10 J.-M. Klinkenberg, « Postface », dans C. De Coster, op. cit., version ePub, n. p. C’est le texte de cette édition – « respectant le parti pris archaïsant adopté par De Coster » (J.-M. Klinkenberg, « Note sur la présente édition définitive », ibid.) – qui est cité dans cet article.

11 C. De Coster, La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au pays de Flandre et ailleurs, C. Lemonnier préf., Bruxelles, P. Lacomblez, 1912.

12 P.-A. Masui-Castricque, « Avant-propos », dans La Légende de Thyl Ulenspiegel, 55 bois gravés originaux par Paul-Auguste Masui-Castricque, Londres, édité par l’artiste, 1917, n. p.

13 Ibid.

14 L’œuvre de Walter Vaes était peu connue jusqu’à récemment. Le musée de Louvain-la-Neuve a reçu une donation d’œuvres en 2021 et lui a consacré une exposition en 2023 : « Walter Vaes (1882-1958). Eaux-fortes et peintures », Louvain-la-Neuve, Musée L, juin-octobre 2023. Voir B. Duvernay, « Walter Vaes (1882-1959) : peinture et gravure à Anvers », Nouvelles de l’estampe, no 270, 2023. En ligne : [https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/estampe.4628] (consulté le 13 février 2024).

15 L. Schoonbaert et D. Cardyn-Oomen, Tekeningen en schilderijen van Walter Vaes, Anvers, Koninklijk Museum voor Schone Kunsten, 1983, p. 23-28.

16 La Flamenpolitik menée par les Allemands, et à laquelle adhèrent certains activistes flamingants (indépendantistes flamands) pendant la Grande Guerre, consiste à donner satisfaction aux Flamands dans un premier temps, en actant notamment la séparation administrative de la Wallonie et de la Flandre, dans la perspective d’éveiller un « sentiment germanique » chez eux et de procéder ensuite au rattachement de la Flandre à l’Allemagne. Sur ce sujet, voir S. De Schaepdrijver, La Belgique et la Première Guerre mondiale [1997], Bruxelles, Peter Lang, 2004, chap. V.

17 C. De Coster, La Légende, J.-M. Klinkenberg éd., op. cit., livre I, chant LXXXV, version ePub, n. p.

18 Voir T. L. Meganck, Pieter Bruegel l’Ancien, La Chute des anges rebelles. Art, savoir et politique à l’aube de la révolte des Gueux [2014], S. Guzzi trad., Milan-Bruxelles, Silvana editoriale-Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, 2019.

19 La référence à la légende d’Ulenspiegel dans les gravures de Walter Vaes est attestée dès 1904. Voir B. Duvernay, art. cité, § 9.

20 Cette estampe est reproduite dans l’article cité de Bénédicte Duvernay. En ligne : [https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/estampe.4628] (consulté le 13 février 2024).

21 M. Des Ombiaux, La Littérature belge. Son rôle dans la résistance de la Belgique, Bruxelles-Paris, G. Van Oest, 1918, p. 9-12.

22 C. De Coster, La Légende, J.-M. Klinkenberg éd., op. cit., livre V, chant X, version ePub, n. p.

23 Id., La Légende d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak, édition à l’usage de la jeunesse, P. Lacomblez préf., M. Langaskens ill., Bruxelles, Office de publicité, 1924, p. VII.

24 Camp d’endoctrinement dans lequel était promue la culture flamande et où les prisonniers flamands étaient traités avec égard afin de renforcer les attaches supposées entre l’Allemagne et la Flandre. Voir S. De Schaepdrijver, op. cit., chap. V.

25 C. De Coster, La Légende d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak, éd. à l’usage de la jeunesse, op. cit.

26 M. Beyen, Held voor alle werk. De vele gedaanten van Tijl Uilenspiegel, Anvers-Baarn, Houtekiet, 1998, p. 56. En ligne : [https://www.dbnl.org/tekst/beye012held01_01/colofon.php] (consulté le 20 février 2023).

27 C. De Coster, Die Geschichte von Ulenspiegel und Lamme Goedzak und ihren heldenmäßigen, fröhlichen und glorreichen Abenteuern im Lande Flandern und anderwärts, R. Rolland préf., F. Masereel ill., Munich, K. Wolff, 1926. Quelques illustrations de Masereel sont disponibles sur le site de la fondation Masereel. En ligne : [http://masereel.org/illustbcher/1926-de-coster-ulenspiegel/] (consulté le 20 février 2023).

28 Pour une version française de la préface, voir : C. De Coster, Till Ulenspiegel, R. Rolland préf., Paris, Messidor, 1990, p. 13-26. En ligne : [https://0-gallica-bnf-fr.catalogue.libraries.london.ac.uk/ark:/12148/bpt6k74020] (consulté le 8 mars 2024).

29 M. Beyen, op. cit., p. 60.

30 L. Roth, « Préface », dans C. De Coster, La Légende d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak, L. Roth éd., F. Masereel ill., Saumur, L’école émancipée, 1930, p. 5.

31 C. De Coster, La Légende d’Ulenspiegel, H. Juin éd., op. cit.

32 Id., La Légende d’Ulenspiegel, nouvelle édition, bois de F. Masereel, Anvers, De Sikkel, 1942.

33 M. Beyen, op. cit., p. 57. Marnix Beyen offre un développement approfondi de cette question dans le chapitre III de ce livre.

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Table des illustrations

Titre Fig. 1. Paul-Auguste Masui-Castricque, planche 13 de La Légende de Thyl Ulenspiegel, 55 bois gravés originaux par Paul-Auguste Masui-Castricque, Londres, édité par l’artiste, 1917 (Bruxelles, Fondation Isabelle Masui).
Crédits © Fondation Isabelle Masui
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/asterion/docannexe/image/10854/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 948k
Titre Fig. 2. Maurice Langaskens, illustration hors-texte de La Légende d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak de Charles De Coster (Bruxelles, Office de publicité, 1924).
Crédits Photographie Marine Branland
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/asterion/docannexe/image/10854/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 2,2M
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Pour citer cet article

Référence électronique

Marine Branland, « Thil Ulenspiegel et Philippe II d’Espagne en Grande Guerre »Astérion [En ligne], 30 | 2024, mis en ligne le 12 septembre 2024, consulté le 02 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/asterion/10854 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/12b0u

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Auteur

Marine Branland

Université Paris Nanterre, HAR • Marine Branland est docteure en histoire de l’art (2013), associée au HAR (Histoire des arts et des représentations) de l’université Paris Nanterre. Spécialiste des images et des pratiques artistiques contemporaines de la Première Guerre mondiale, elle a publié sur ce sujet de nombreux articles (récemment : « Du gaz à l’acide : la première guerre mondiale d’Ossip Zadkine », dans Faire l’histoire des violences en guerre. Annette Becker, un engagement, A. Brazzoduro, K. Daimaru et F. Théofilakis dir., Créaphis 2021). Une version remaniée et actualisée de sa thèse est à paraître aux Presses universitaires de Rennes. Depuis 2020, elle enseigne à l’École européenne supérieure d’art de Bretagne (site de Lorient) et travaille en parallèle à l’ouverture de ses problématiques de recherche au-delà du premier conflit mondial (dans cette perspective, voir : « Kollwitz, Hasse, Grundig : trois artistes graveuses engagées », dans Käthe Kollwitz : Regard(s) croisé(s), M. Gispert et B. Tillier dir., L’Atelier contemporain, 2022).

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