Revisiter les violences passées pour expliquer celles d’un conflit vécu : imaginaire médiéval, souvenirs des guerres révolutionnaires et impériales dans les écritures de soi des civils en 1870-1871
Résumés
La défaite française de 1871 face à la Prusse et ses alliés est vécue et ressentie comme un profond traumatisme par les contemporains. Parmi eux, ceux qui s’identifient comme des témoins non-combattants prennent massivement la plume à partir de 1870. Ces civils (hommes et femmes) – appartenant majoritairement aux classes moyennes supérieures et à la bourgeoisie – couchent alors sur le papier les événements inédits auxquels ils assistent ; sous forme de journaux lorsqu’ils écrivent pour eux-mêmes, sous forme de lettres lorsqu’ils s’adressent à leurs proches et que leur écriture appelle une réponse. Tous habitent dans des territoires envahis ou occupés par les armées allemandes. D’autres font le choix d’écrire rétrospectivement, peu après le départ des troupes allemandes du territoire français ou même des décennies plus tard, jusqu’à la veille de la Première Guerre mondiale. Cette centaine de textes écrits entre 1870 et 1914 témoigne à la fois de la multiplicité des sentiments des civils face à une situation qu’ils ne comprennent pas, et des mécanismes qu’ils mettent en place afin de donner un sens à la défaite. Le premier d’entre eux est le recours au passé. En 1870-1871, les non-combattants font massivement appel aux mémoires impériale et révolutionnaire, avant de mobiliser l’imaginaire médiéval qui renvoie à la période qu’ils considèrent comme la plus sombre de l’Histoire. Ces représentations, revisitées et réinvesties, attestent de leur désarroi face à un présent qui n’est plus à la hauteur du passé glorieux de la France. La défaite entraîne l’effondrement du modèle de la nation victorieuse et fait naître un puissant sentiment d’infériorité. Ce dernier n’est dépassé qu’au prix de la construction d’une image très négative des Allemands (et tout particulièrement des Prussiens) ; une image qui devient un des fondements de la nouvelle identité nationale française qui se reconstruit en miroir inversé du nouvel Empire allemand à partir de 1871 (voir F. Roth, La guerre de 1870, Paris, Fayard, 1990, p. 607-638).
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Mots-clés :
écriture de soi, civil, guerre de 1870-1871, défaite de 1870, histoire des représentations, correspondance, journalKeywords:
personal account, civilian, Franco-Prussian War, defeat of 1870, history of depictions, letter, diaryPlan
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- 1 V. Hugo, L’Année terrible, Paris, Michel Lévy frères, 1872.
- 2 Concernant la perception de la guerre de 1870 par les contemporains, voir l’article de J.-F. Lecai (...)
- 3 J’ai étudié ce phénomène jusqu’à la veille de la Première Guerre mondiale. Voir S. Chapelle, Des c (...)
1Les six mois de guerre qui ont opposé la France à la Prusse et ses alliés entre 1870 et 1871 sont restés dans les mémoires sous le nom « d’Année terrible »1. Cette expression, née sous la plume de Victor Hugo, renvoie à la fois à la défaite française et à ses conséquences révolutionnaires de 1871, mais avant tout à la manière dont les contemporains ont perçu ce qu’ils ont vécu2. À l’exception de la bataille de Sarrebruck au début du mois d’août 1870, qui se déroule en territoire allemand, l’intégralité des autres combats de ce conflit a lieu – pour la première fois depuis 1815 – sur le sol français. L’enchaînement des défaites militaires des armées de Napoléon III, puis de celles de la République, conduit à l’invasion et à l’occupation progressives d’une trentaine de départements entre le Rhin et la Loire. Du jour au lendemain, des millions de Français et de Françaises se trouvent confrontés à la présence de troupes étrangères dans leur ville, leur village, voire leur maison. Une centaine d’entre eux – appartenant majoritairement aux classes moyennes supérieures et à la bourgeoisie, c’est-à-dire des individus qui ont une pratique régulière de la langue écrite avant le conflit3 – prennent alors la plume, s’astreignant à un travail quotidien d’écriture.
2Pour autant, il ne s’agit pas pour ces hommes et ces femmes « ordinaires » de retracer une histoire politique, militaire, économique ou encore diplomatique du conflit. Ils ne prétendent pas, à travers leurs textes écrits majoritairement entre 1870 et 1873, à une quelconque autorité scientifique ou intellectuelle. Ils écrivent d’abord pour eux-mêmes et pour leurs proches. Cependant, les trois quarts de ces textes ont été publiés avant la Première Guerre mondiale, ce qui pose question dans la mesure où ils n’étaient pas destinés à la publication au moment de l’écriture. Les publications qui s’étendent de 1871 à 1914 s’inscrivent dans des contextes politiques, sociaux, culturels et commémoratifs différents. La perception de la défaite française et le sens qui lui est donné évoluent au cours de la période. Les paysages mémoriel et commémoratif se transforment entre 1870 et 1914 et s’imposent de plus en plus sur la scène publique. Les frontières entre l’intime, le privé et le public se déplacent ; c’est pourquoi certains écrits qui étaient destinés à l’auteur lui-même ou au cercle familial au moment de l’écriture se trouvent exposés aux regards extérieurs par la publication. Si ces textes s’inscrivent dans plusieurs sphères sociales et affectives qui s’entremêlent au fil du temps, l’objectif premier de ceux qui écrivent « à chaud » (qui représentent plus de 70 % des auteurs et autrices recensés) est de donner du sens aux événements qu’ils sont en train de vivre. Ce besoin initial de compréhension du présent prend, au fil des semaines, la forme d’un voyage progressif dans le temps qui amène ces hommes et ces femmes non-combattants à mobiliser des représentations appartenant d’abord à un passé proche, puis de plus en plus lointain.
3Pourquoi, au moment de la guerre franco-allemande de 1870-1871, les civils ressentent-ils le besoin d’aller chercher dans le passé des clés de compréhension et d’interprétation du présent ? Quels souvenirs historiques mobilisent-ils ? Quel rôle ce passé joue-t-il dans la construction de leurs discours de la défaite à partir de 1871 ?
Le poids des souvenirs impériaux dans l’imaginaire guerrier des civils en 1870 : de l’illusion au traumatisme
Des civils convaincus d’une victoire rapide face à la Prusse à l’été 1870
- 4 Ibid., p. 55-99.
- 5 Voir notamment : B. Ménager, Les Napoléon du peuple, Paris, Aubier, 1988 ; J. Tulard, Le mythe de (...)
4La très grande majorité des hommes et des femmes qui prennent la plume en 1870-1871 est née entre les années 1810 et 1840 et appartient aux franges aisées et cultivées de la population française4. Ces individus ont grandi avec les récits des guerres victorieuses des armées révolutionnaires et ceux du mythe « napoléonien »5. Ce dernier a parcouru tout le XIXe siècle et a été placé par Napoléon III au cœur de son règne. Dès son accession au pouvoir, celui-ci a exprimé la volonté de s’inscrire dans la continuité de son oncle, et en particulier de son héritage militaire. Il a proclamé le Second Empire le 2 décembre 1852, une date qui fait écho à la fois au couronnement impérial de 1804 et à la victoire d’Austerlitz le 2 décembre 1805. À partir de 1854, il s’est lancé dans une active politique de campagnes militaires. Grâce aux victoires françaises en Crimée puis en Italie, Napoléon III a renoué avec la gloire des champs de bataille et a permis à la France de retrouver une partie de la prééminence qu’elle avait perdue en Europe après la défaite de Waterloo en 1815. Ces souvenirs de gloire impériale sont très présents dans les esprits en 1870 et ils alimentent un imaginaire guerrier où l’armée française est considérée comme invincible.
- 6 A. Boucher, Journal d’un bourgeois d’Orléans pendant l’occupation prussienne, Orléans, Herluison, (...)
- 7 Voir notamment J. Hantraye, Les Cosaques aux Champs-Élysées. L’occupation de la France après la ch (...)
- 8 P.-A. Patel, 1871. La retraite de l’armée de l’Est et l’occupation prussienne dans l’arrondissemen (...)
5Aussi, lorsque Napoléon III déclare la guerre à la Prusse le 19 juillet 1870, cet imaginaire est spontanément mobilisé, comme en témoigne dans son journal le professeur Auguste Boucher, âgé de 33 ans. Il évoque « toute cette épopée de victoires et de conquêtes dont les soldats de la République et de Napoléon Ier furent vingt et un ans les héros en Europe »6. À l’instar d’Auguste Boucher, les civils font appel à ces images rassurantes qui annoncent et assurent, selon eux, la victoire française sur les armées allemandes avant même les premiers combats. À l’inverse, ils mobilisent très peu les souvenirs des invasions et des occupations de 1814-18157 qui précèdent la défaite finale du premier empereur ; ceux-ci sont seulement présents dans l’esprit des plus âgés qui ont personnellement vécu cette période. Il en est ainsi du Franc-Comtois Pierre-Antoine Patel (qui était capitaine au sein de la Grande Armée de Napoléon Ier) et de l’Alsacien Frédéric-Théodore Piton, respectivement nés en 1792 et 18008. À Bar-le-Duc (Meuse), Jean-Jacques Laguerre dresse ce constat au moment de la déclaration de guerre. Il écrit :
- 9 J.-J. Laguerre, Les Allemands à Bar-le-Duc et dans la Meuse, Bar-le-Duc, Imprimerie et Lithographi (...)
Juillet 1870 – Partout, en effet, dans les villes et les communes rurales, les têtes s’exaltaient : des bandes de gens, escortant le drapeau tricolore, parcouraient les rues au chant de la Marseillaise, tolérée par l’administration. On parlait de culbuter les Prussiens à la première rencontre et de les pousser jusqu’à Berlin […]. Quelques vieillards, qui se rappelaient 1814-1815, cherchaient à calmer cette effervescence ; on les écoutait d’un air mécontent ; on les traitait de trembleurs.9
- 10 Sur ce point, voir notamment S. Audoin-Rouzeau, op. cit., p. 48-49.
6Malgré une ferveur populaire indéniable, la décision de Napoléon III d’entrer en guerre contre la Prusse ne fait pas l’unanimité au sein des classes moyennes supérieures et de la bourgeoisie, en particulier dans les départements de l’Est10. Au regard de leurs opinions politiques qui oscillent entre monarchisme et républicanisme, beaucoup ne l’approuvent pas mais s’y résignent dans la mesure où ce conflit aurait, selon eux, au moins le mérite de mettre un terme définitif aux prétentions de la Prusse en Europe et de renforcer la prééminence française sur le vieux continent. En juillet 1870, il est inconcevable pour les civils – même pour les plus farouches opposants à Napoléon III – que la France ne sorte pas victorieuse de ce conflit. Ce sera l’affaire de quelques semaines. Les plans de bataille français prévoient de faire correspondre la victoire finale à la saint Napoléon (le 15 août) qui doit être célébrée à Berlin. Début août, le professeur d’histoire nancéien Louis Lacroix écrit dans son journal :
- 11 L. Lacroix, Journal d’un habitant de Nancy pendant l’invasion de 1870-1871, Nancy, Vagner, 1873, p (...)
3 août 1870 – On lit ce matin dans les journaux la dépêche suivante : « Notre armée a pris l’offensive, franchi la frontière et envahi le territoire de Prusse. Malgré la force de la position ennemie, quelques bataillons ont suffi pour enlever les hauteurs de Sarrebruck, et notre artillerie n’a pas tardé à chasser l’ennemi de la ville… ».11
7La première bataille, effectivement remportée par les Français aux alentours de Sarrebruck, confirme les contemporains dans leurs convictions, et le choix de l’Empereur d’entrer en guerre apparaît finalement pleinement justifié. À lire les dépêches françaises, Sarrebruck est une victoire éclatante et rapide de l’armée impériale qui s’inscrit en parfaite conformité avec les représentations dont elle est alors l’objet, c’est-à-dire la « meilleure armée du monde ». Sarrebruck est lue et interprétée à travers le schéma de pensée napoléonien. Or, s’il s’agit bien d’un succès français, il a été obtenu de justesse. D’ailleurs, lorsque la baronne belge Ida de Crombrugghe arrive dans la ville avec son brassard de la Croix-Rouge pour soigner les blessés, elle s’étonne du décalage entre les récits qu’elle a lus dans la presse française et la réalité. Elle note :
- 12 I. de Crombrugghe, Journal d’une infirmière pendant la guerre de 1870-71 : Sarrebruck, Metz, Cambr (...)
Août 1870 – Les journaux français avaient donné au bombardement et à la prise de Sarrebruck des proportions telles, que nous nous étonnâmes fort en traversant cette ville de n’y trouver d’autres traces de la catastrophe, que quelques façades de maisons endommagées, des vitres brisées, des cheminées abattues, quelques murailles ébréchées. Les bâtiments de la gare seuls avaient été en partie incendiés.12
- 13 Ce chiffre est donné par J.-C. Yon dans son ouvrage Le Second Empire, op. cit., p. 226.
8Les batailles suivantes, celles du mois d’août à Wissembourg, Forbach-Spicheren et Wœrth, extrêmement meurtrières (plus de 75 000 morts français et allemands13), se soldent quant à elles par des défaites qui confrontent subitement les Français à une réalité qu’ils ne comprennent plus : comment l’armée française, héritière de la Grande Armée de Napoléon Ier, peut-elle être battue par quelques armées étrangères ? Immédiatement, les civils essaient de donner du sens à ces défaites sur les champs de bataille. Ils remontent le fil chronologique des événements qui ont mené l’Empereur à déclarer la guerre à la Prusse afin de trouver une explication logique. Ils pointent les incohérences diplomatiques et stratégiques qui ont conduit, selon eux, à l’isolement du pays sur la scène européenne. Cette incompréhension fait place à la frustration et à la colère au moment de la capitulation de Sedan, le 1er septembre 1870. En effet, après vingt ans de tentative de rétablissement de la gloire militaire impériale autour du souvenir de Napoléon Ier, Napoléon III commet l’ultime faute aux yeux des Français : il capitule.
Sedan : une capitulation qui écorche l’image victorieuse de la nation
- 14 P. Delaroche-Vernet, « Lettre de M. Delaroche Vernet à M. Talbot », dans Une famille pendant la gu (...)
[Probablement le 4 septembre 1870] – C’est le cœur navré, déchiré, anéanti, que je vous écris. Quelle affreuse chose que cette défaite atroce que nos troupes viennent de subir ! Et cet Empereur qui, dans une place forte, à Sedan, entouré encore de quarante mille hommes, rend son épée à l’ennemi ! Non, jamais de la vie je n’aurais pu croire à une pareille honte ! Il ne nous reste plus rien, nous sommes dans la boue, foulés aux pieds, humiliés, et cela sans espoir de nous relever.14
- 15 S. Tison, Comment sortir de la guerre ? Deuil, mémoire et traumatisme (1870-1940), Rennes, Presses (...)
- 16 A. Estignard, La République et la Guerre à Besançon par un patriote comtois, Besançon, impr. J. Ja (...)
9Ces lignes, écrites par le secrétaire d’ambassade Philippe Delaroche-Vernet à l’attention de son beau-père, traduisent la violence des émotions qui s’abattent sur lui lorsqu’il apprend la capitulation de Sedan. À l’image des autres textes écrits sur le moment par les civils, on retrouve dans cette lettre deux mots qui reviennent inlassablement : « honte » et « humiliation ». Ces deux termes sont les plus utilisés par les non-combattants pour traduire « à chaud » la violence du traumatisme occasionné par cette capitulation, ressentie alors comme le paroxysme de l’humiliation nationale. Selon Stéphane Tison, « il n’est pas impossible que l’on puisse parler de traumatisme aussi longtemps que le sentiment de rupture semble exprimé dans les représentations »15. Ce qui est reproché à Napoléon III à la suite de Sedan n’est pas tant la défaite militaire que sa capitulation, qui foule aux pieds l’honneur de la nation et de l’armée françaises. Au soir du 4 septembre 1870, l’avocat général Alexandre Estignard écrit à Besançon : « Il fallait le succès pour consolider Napoléon et sa dynastie, car le peuple pardonne tout à la gloire, mais il frappe de déchéance celui qui n’a pas su préserver la France de l’abaissement et de la honte »16.
- 17 La bataille de Reichshoffen l’est dans une moindre mesure dans les textes parisiens. Sur ce point, (...)
10Sedan écorche l’image victorieuse de la nation si présente dans l’esprit des contemporains, tant elle est au fondement de l’identité nationale française depuis la Révolution de 1789. La capitulation de Napoléon III réactive les souvenirs des invasions et des occupations de 1814-1815 qui étaient jusqu’alors l’apanage des plus âgés. Sedan et Waterloo sont désormais fréquemment mis en regard par les civils17 – cette fois toutes générations confondues – mais les comparaisons ne sont jamais à l’avantage du neveu, comme en témoigne le monarchiste Albert Lecoy de la Marche qui écrit dans Paris assiégé :
- 18 A. Lecoy de la Marche, Notes d’un assiégé (septembre 1870-février 1871), Paris, Bray et Rétaux, 18 (...)
23 septembre 1870 – Bonaparte, nom fatal à la France ! Le premier du nom nous a châtié par sa gloire, l’autre par ses hontes ; tous deux ont été les instruments inconscients de la colère de Dieu. Et quelle misérable parodie du règne de l’oncle nous est offerte par le règne du neveu ! Quel parallèle à détailler ! Le 18 brumaire c’est le 2 décembre ; Austerlitz c’est Sébastopol ; Savone et Fontainebleau, c’est la guerre d’Italie et la convention de septembre ; la guerre d’Espagne, c’est l’expédition du Mexique, avec Joseph dans l’une et Maximilien dans l’autre ; les désastres de Russie et de Waterloo se réunissent dans celui de Sedan précédé de Wœrth, Forbach et Wissembourg. Mais comme la reproduction est pâle, comme la copie est malheureuse ! Le premier de ces hommes est, malgré tout, Napoléon le Grand ; l’autre est, malgré tout, Napoléon le Petit, une réduction enlaidie, une singerie affectée et ratée.18
- 19 V. Hugo, Napoléon le Petit [1852], Paris, Hetzel et Cie éditeurs, 1870.
11Dans ce passage, Lecoy de la Marche énonce clairement son animosité pour Napoléon III qu’il appelle « Napoléon le Petit » – une expression qui renvoie au titre d’un pamphlet de Victor Hugo publié en 1852 et réédité en 187019 – par opposition à son oncle « Napoléon le Grand ».
- 20 Voir notamment J.-M. Largeaud, « Mémoire et identités : Waterloo et la genèse de la “défaite glori (...)
- 21 Sur ce point, voir l’article d’É. Bonhomme, « Bordeaux et la Défense nationale », Annales du midi, (...)
12Les comparaisons entre Sedan et Waterloo nourrissent une « légende noire » des Bonaparte et démontrent que si l’image victorieuse de la nation avait survécu à la défaite de 181520, elle se fissure profondément en septembre 1870. À Waterloo, Napoléon Ier s’était montré fidèle aux valeurs françaises. Il avait été défait par une coalition regroupant les plus importantes puissances européennes et s’était battu jusqu’à épuisement de ses dernières ressources. Cette volonté de combattre jusqu’au bout est restée dans les mémoires par une phrase que le commandant du dernier bataillon impérial, Pierre Cambronne, aurait prononcée alors qu’un général britannique le sommait de se rendre : « La Garde meurt mais ne se rend pas ! ». Que ces mots aient été réellement prononcés ou non, ils témoignent des représentations collectives du comportement des troupes françaises sur les champs de bataille : courage, honneur, entêtement et exemplarité. Ce jusqu’au-boutisme, qui est un des leitmotive des républicains en 1870-1871, prend le nom de « guerre à outrance », en particulier sous la plume de Léon Gambetta21. Aussi à Sedan, Napoléon III, à la tête de plusieurs dizaines de milliers d’hommes, capitule face à la Prusse et ses alliés ; là est le gouffre entre 1870 et 1815, comme en témoigne Louis Lacroix à Nancy :
- 22 L. Lacroix, op. cit., p. 168. Les mots en italique sont soulignés par l’auteur.
8 septembre 1870 – Ah ! On se souviendra en Lorraine de l’invasion de 1870, il y en aura pour les veillées de bien des générations. Mais le nom de Napoléon fera désormais triste figure dans les récits des villageois. Quoi qu’on en tienne encore, ce n’est plus de sa gloire qu’on pourra parler sous le chaume. Après Waterloo c’était possible, mais après Sedan tout est fini. C’en est fait maintenant de son prestige. La légende napoléonienne est forcée dans son dernier retranchement.22
- 23 P. Delaroche-Vernet, « Lettre de M. Delaroche Vernet à M. Talbot », op. cit., p. 37-38.
13Au sein de la population civile, la honte et l’humiliation ressenties à la suite de la capitulation de Sedan dépasseraient non seulement celles éprouvées après Waterloo, mais aussi toutes celles que la France a pu connaître dans son histoire, d’où la conviction que le pays ne pourra jamais se relever après Sedan, comme le note plus haut Philippe Delaroche-Vernet23. À Chelles (Seine-et-Marne), l’abbé Torchet témoigne de l’ancrage de cette certitude et cherche en vain des comparaisons dans le Moyen Âge et l’époque moderne. Il note :
- 24 C. Torchet, Mon journal de la guerre franco-allemande, 1870-1871, Provins, Porcheret, 1898, p. 16. (...)
4 septembre 1870 – La nouvelle est officielle ; oh l’affreuse matinée ! Nous avons subi vendredi dernier 2 septembre, à Sedan une défaite inouïe jusqu’alors dans les fastes de notre histoire, plus triste qu’Azincourt, plus affreuse que Poitiers […]. Et la rougeur avec la colère monte à tous les visages. Oui, tout est perdu, même l’honneur.24
14Les derniers mots de l’abbé Torchet sont très proches de ceux attribués à François Ier après la bataille de Pavie le 25 février 1525 : « Tout est perdu, fors l’honneur ». Cependant, la révision de la fin de la formule « même l’honneur » par l’ecclésiastique traduit l’irréversibilité de la situation en 1870, là où le Roi-Chevalier avait sauvé l’honneur de la France au XVIe siècle. À l’image des civils appartenant aux classes populaires, l’abbé Torchet se sent profondément trahi par Napoléon III, sans doute parce que comme eux, il a largement soutenu l’Empereur tout au long de son règne. Dans les milieux aisés, la capitulation est aussi ressentie comme une trahison, mais elle revêt une dimension différente. Les lettrés ne se sentent pas personnellement trahis, car très peu d’entre eux ont apporté leur soutien au régime impérial avant 1870. En revanche, ils s’accordent tous sur le fait que l’Empereur a trahi la France, ce qui est impardonnable pour un chef d’État, d’autant plus lorsque ce dernier porte le nom de Bonaparte.
15Sedan sonne le glas du Second Empire qui disparaît au profit de la République proclamée à Paris le 4 septembre 1870. La rapidité de cet effondrement démontre le poids de l’héritage napoléonien dans la légitimité du régime impérial et le consensus qui se fait autour de sa chute. Sous la plume des civils, la guerre qui s’est déroulée du 19 juillet au 1er septembre 1870 est, après Sedan, perçue comme un conflit dynastique voulu par l’Empereur seul. La capitulation qui la clôt est une décision personnelle qui déshonore la nation mais ne l’engage pas. Le changement de régime politique provoque un glissement des souvenirs mobilisés par les non-combattants. Ils se concentrent désormais sur la Ire République dont les armées avaient repoussé les envahisseurs étrangers au cours de la Révolution française. Ils espèrent la même issue victorieuse en 1870.
La mobilisation des souvenirs de la République victorieuse face aux défaites militaires en 1870-1871 : quand le présent n’est plus à la hauteur du passé
La proclamation de la République fait renaître les espoirs de victoire
- 25 O. Le Trocquer, « Mémoire et interprétation du 4 Septembre 1870 : le sens de l’oubli », Temporalit (...)
- 26 J. Lamber [Mme Adam], Le siège de Paris : journal d’une parisienne, Paris, Lévy, 1873, p. 60.
- 27 Voir A. Forrest, « L’armée de l’an II : la levée en masse et la création d’un mythe républicain », (...)
- 28 J. Lamber [Mme Adam], op. cit., p. 180.
- 29 L. Gallet, Guerre et Commune. Impressions d’un hospitalier, 1870-1871, Paris, Calmann Lévy, 1898, (...)
16La proclamation de la République à Paris donne une nouvelle vigueur aux souvenirs révolutionnaires, notamment à ceux liés à la première République, à la victoire de Valmy et à ceux de l’an II. Comme en 1792, la République est proclamée en 1870 pour sauver « la patrie en danger » comme le déclare Léon Gambetta à la tribune de l’Assemblée nationale lors de la révolution parisienne du 4 septembre : « Attendu que la patrie est en danger, que nous constituons le pouvoir régulier issu du suffrage universel, nous déclarons que Louis-Napoléon Bonaparte et sa dynastie ont à jamais cessé de régner sur la France ! »25. La détermination des Parisiens à gagner la guerre pour restaurer l’honneur de la France est alors décuplée. Le 7 septembre 1870, Juliette Adam, femme de lettres et farouche opposante à Napoléon III tout au long de son règne, écrit dans son journal : « Paris, au récit de la capitulation de Sedan, jure d’effacer de nos fronts, par la grandeur de son courage, la tâche des lâchetés impériales »26. Sa détermination se renforce encore au début siège de la ville le 19 septembre. Elle ravive le mythe du volontaire de 1792 qui avait défendu la jeune République contre les envahisseurs étrangers27. Elle poursuit : « Le peuple de Paris est grand comme autrefois ; la taille des patriotes n’a pas diminué depuis [17]92 »28. Pour les républicains, la République de 1870 chassera l’ennemi comme elle l’avait fait 80 ans auparavant après la victoire de Valmy. Enracinés dans une culture jacobine très vivante, les textes parisiens réactivent les souvenirs de l’époque révolutionnaire et assimilent le 4 septembre 1870 à une promesse de victoire. Louis Gallet, qui travaille à l’hôpital de la Salpêtrière croit, lui aussi, « encore aux prodiges patriotiques de 1792 »29, tant en 1870 les républicains de la capitale ont conscience d’appartenir à une longue tradition révolutionnaire.
17Cette tradition est aussi très présente dans l’esprit des jeunes garçons parisiens, comme en témoigne le lycéen Edmond Deschaumes, âgé de 14 ans en 1870. Il écrit dans son journal :
- 30 E. Deschaumes, La France moderne : journal d’un lycéen de 14 ans pendant le siège de Paris (1870-1 (...)
1870 – Le grand Digard […] s’est fait apporter par un externe un morceau d’étoffe tricolore et l’a cousu à une règle, la plus longue qu’il ait pu trouver. Il développe ce drapeau dans la cour et crie : « Aux armes, aux armes ! Citoyens, la patrie est en danger ». Nous nous laissons embrigader par ce bouillant conducteur d’hommes. Il nous forme en colonne et galope sur nos flancs et sur notre front en brandissant son étendard. Il est sublime… s’il ne brave pas la mort, il brave certainement le pensum et la consigne ! Une idée de génie lui vient à l’esprit… D’une main fébrile, il retire ses souliers et ses bas bleus : « Soldats du lycée Napoléon, hurle-t-il, tous pieds nus, comme vos aïeux de Sambre-et-Meuse ! » Le surveillant accourt : « Remettez vos bas et vos souliers, M. Digard. – Mais, Monsieur, réplique notre général, c’est pour imiter les volontaires de la République. – Vous commettez une erreur historique, Monsieur Digard, le bataillon de la Moselle était en sabots ». Notre brave général se rechausse. La colonne s’ébranle. S’ils font moins de besogne, nos gros souliers ferrés font sur le bitume autant de tapage que les sabots du bataillon.30
18Ce passage est à la fois révélateur du poids du souvenir de la figure des volontaires de 1792 dans l’imaginaire de la jeunesse masculine parisienne et de sa fascination pour le monde militaire. Cette dernière se lit dans les actes, mais aussi dans le vocabulaire utilisé. Edmond Deschaumes mentionne les « flancs », le « front », une formation « en colonne » et appelle à plusieurs reprises son camarade « notre général », ce qui assimile clairement le groupe à une troupe militaire. Au fil des semaines, le quotidien de ces adolescents parisiens se tourne tout entier vers la guerre. Ils adoptent des uniformes, des postures et un langage militaires afin de recréer une micro-communauté combattante, puisque leur jeune âge les exclut de celle des adultes.
19Les adolescents s’approprient également les discours révolutionnaires qui foisonnent au sein des clubs politiques de la capitale. Le 31 octobre 1870, les nouvelles successives de la capitulation de Metz et de l’échec de la reprise du Bourget portent l’exaspération des Parisiens à son comble. En réaction, ceux que les bourgeois appellent les « rouges » tentent d’instaurer une Commune. Quelques jours après l’échec de cette journée, Deschaumes note :
- 31 Ibid., p. 191-193. Le terme « orateurs populaires » renvoie ici plus particulièrement à Léon Gambe (...)
4 novembre 1870 – Beaucoup de gens croient que M. Thiers réussira dans sa mission auprès de M. de Bismarck, qu’il obtiendra l’armistice et que la paix en sera la conséquence inévitable. Ces dispositions pacifiques nous consternent. Au lycée, nous sommes tous pour la guerre à outrance, ainsi que l’appellent les orateurs populaires. Il nous semble que nous sommes invincibles avec tous ces soldats, ces moblots, ces gardes nationaux, ces marins intrépides, ces corps francs aux costumes terribles portés avec une allure si théâtrale, si glorieuse, que tous ceux qui en sont revêtus ont des airs de héros ! Pour nous, Paris est imprenable avec ses forts et ses canons. Son armée, torrent irrésistible, lave s’échappant furieuse du cratère, fera, – quand Trochu le voudra, – la grande trouée réclamée par les clubs […]. Et nous y croyons, à toutes ces espérances, nous y croyons avec notre confiance robuste, que partagent toutes les âmes simples, et qui se fondent sur le passé glorieux de la France si longtemps victorieuse sur tous les champs de bataille de l’Europe.31
20Pourtant, le gouvernement provisoire de la République, qui prend en charge la défense du pays, ne parvient pas à enrayer la machine de guerre allemande, ce qui ébranle de plus en plus les civils dans leurs convictions et dans leur conception de l’armée et de la nation françaises. Pourquoi les armées de la République ne parviennent-elles pas à repousser les envahisseurs allemands ? Le modèle de la nation victorieuse trouverait-il ici une de ses limites ?
Le passage d’un discours de vainqueurs à celui de vaincus
21La proclamation de la République avait exorcisé, pour beaucoup de civils, toute une part des défaites militaires du mois d’août 1870 et surtout la capitulation de Napoléon III. Les discours sur la responsabilité de l’Empereur convergeaient, quelles que soient les opinions politiques des auteurs et des autrices. Or, cette unanimité prend fin avec la République. Les monarchistes n’adhèrent pas au consensus qui délaisse la guerre impériale et exalte la guerre républicaine au nom du mythe de l’épopée révolutionnaire, qui rappelle le primat de la nation sur les autres clivages – politiques notamment –, lorsque la patrie est envahie par des armées étrangères. Les monarchistes ravivent, à l’inverse, la mémoire douloureuse des invasions et des occupations de 1814-1815 et l’insèrent dans un long processus d’abaissement de la France, dont 1870 serait l’aboutissement et la Révolution française le commencement.
- 32 Sur le mythe de Valmy, voir notamment : D. Moran et A. Waldron dir., The People in Arms: Military (...)
22En 1870-1871, cette grille de lecture pessimiste, qui condamne à l’échec une nation construite contre les institutions monarchiques et catholiques, ne fait pas l’unanimité parmi les non-combattants qui lui préfèrent encore les souvenirs victorieux de Valmy32. Ces derniers permettent de continuer à croire à une victoire finale et d’inscrire le présent dans la continuité du passé. Les civils ne veulent – et ne peuvent – considérer la défaite que comme une situation provisoire.
- 33 Voir M. Larrère, L’urne et le fusil. La garde nationale parisienne de 1830 à 1848, Paris, PUF, 201 (...)
- 34 A. Estignard, op. cit., p. 10.
23Aussi, dans l’espoir de susciter le même sursaut national qu’en 1792, les autorités républicaines renforcent massivement les rangs de la garde nationale, dont les membres incarnent l’image légendaire du citoyen-soldat victorieux33. À Besançon, le 18 septembre 1870, soit deux semaines après la proclamation de la République, Alexandre Estignard rapporte la puissance de cet imaginaire. Il écrit dans son journal : « La plupart des communes réclament des armes avec une instance très vive, et il se produit un mouvement patriotique, une sorte d’enthousiasme qui serait de nature à faire croire à une résistance sérieuse »34.
24Imaginaire et réalité convergent enfin lors de la victoire française de Coulmiers (près d’Orléans) au début du mois de novembre 1870. Hermione Quinet, femme de lettres, traductrice et épouse du philosophe et homme politique Edgar Quinet avec lequel elle partage l’amour de la République française, se fait l’écho du véritable embrasement des milieux républicains de la capitale pour qui cette victoire confirme l’efficacité des armées républicaines. Elle écrit :
- 35 H. Quinet, Paris, journal du siège, Paris, Dentu, 1873, p. 171.
19 novembre 1870 – Dieu merci, la victoire de Coulmiers, la reprise d’Orléans, les énergiques mesures de Gambetta feront marcher les plus tièdes ; ses deux proclamations électrisent le pays. Il montrera à l’univers ce qu’est un grand peuple qui ne veut pas périr et dont le courage s’élève au milieu des catastrophes.35
25Cette victoire donne aussi du sens aux souffrances endurées depuis plusieurs mois et confirme la pertinence de la comparaison entre 1870 et 1792 aux yeux des Parisiens assiégés. En province, ce sont davantage les souvenirs liés à Jeanne d’Arc que ceux de 1792 qui sont mobilisés pour expliquer et interpréter la victoire de Coulmiers. Beaucoup insistent dans leurs textes sur l’imaginaire qui entoure la ville d’Orléans, et certains y voient le signe d’un possible retournement de situation, comme le professeur Louis Lacroix à Nancy qui note :
- 36 L. Lacroix, op. cit., p. 345-346.
13 novembre 1870 – Orléans a un rôle prédestiné dans les grandes crises de notre histoire. C’est la ville de la délivrance. C’est sous ses murs que s’est arrêtée au Ve siècle l’invasion d’Attila, et la conquête des Anglais au XVe siècle. Qui sait si ce n’est pas là que les envahisseurs de nos jours vont trouver le terme de leurs exploits et le commencement de leurs revers ?36
26Qu’ils fassent appel à la mémoire révolutionnaire ou à celle de la monarchie de droit divin pour donner du sens à la victoire de Coulmiers, les civils y puisent l’espoir d’une victoire finale. Cependant, la reprise définitive de la ville d’Orléans par les armées allemandes au début du mois de décembre 1870 provoque une déception qui est à la mesure des espérances qu’elle avait suscitées. Elle plonge à nouveau les civils dans l’incompréhension la plus totale. À Paris, l’archiviste Albert Lecoy de la Marche écrit dans son journal :
- 37 A. Lecoy de la Marche, op. cit., p. 164-165.
6 décembre 1870 – C’est assez dire que nous avons encore subi un échec. Et quel échec ! Orléans repris par l’ennemi, Orléans où Cathelineau était entré le premier avec l’avant-garde d’Aurelle de Paladines ! La seule armée de secours sur laquelle nous comptions d’une manière un peu sérieuse, battue et refoulée ! Que nous reste-t-il à perdre ? Après l’armée de Mac-Mahon, l’armée de Bazaine ; après l’armée de Bazaine, l’armée de la Loire : tout s’évanouit, et nous restons livrés à nos propres forces, abattues par cette nouvelle déception.37
27La profondeur de ce nouveau choc se mue en traumatisme car il fait prendre conscience aux non-combattants que le présent n’est finalement pas – contrairement à ce qu’ils espéraient depuis le début de la guerre – à la hauteur du passé. Ils réalisent, avec douleur, que les valeurs qui faisaient l’essence de l’identité nationale française depuis 1789 sont définitivement détruites et qu’elles ne peuvent plus être ravivées. Par opposition aux idées des Lumières diffusées en Europe par une armée française victorieuse, les civils partent en quête de nouveaux cadres de compréhension et d’écriture de la guerre, ou plus exactement de la défaite. Pour écrire et donner du sens à cette réalité inédite, ils vont dès lors puiser leurs références dans la période qu’ils considèrent comme la plus sombre de l’Histoire : le Moyen Âge.
La reconstruction de l’identité nationale française au prisme de la défaite
Un sentiment de retour aux heures sombres du Moyen Âge
28En 1870, les civils assimilent la période qu’ils sont en train de vivre au Moyen Âge, d’abord en raison de l’assombrissement de leur quotidien – au sens propre du terme – lié à la diminution de l’éclairage public dans les rues. Dans la capitale assiégée, la pénurie de gaz et de charbon confère une profondeur supplémentaire à l’obscurité des nuits parisiennes, comme en témoigne le journaliste Jules Claretie qui a l’impression de vivre dans une temporalité disparue. Il note dans son journal :
- 38 J. Claretie, Paris assiégé. Tableaux et souvenirs, septembre 1870-janvier 1871, Paris, A. Lemerre, (...)
6 décembre 1870 – Paris est sombre le soir et pareil à une ville morte. Dans les rues noires, des becs de gaz, maintenant mal éclairés au pétrole, brûlent de loin en loin. Les passants, une petite lanterne à la main, vont et viennent comme en plein moyen âge. On se croirait au fond de quelque vieille ville, dans un temps évanoui.38
- 39 A. Du Mesnil, Paris et les Allemands. Journal d’un témoin, juillet 1870-février 1871, Paris, Garni (...)
- 40 M. Pastoureau, Noir. Histoire d’une couleur, Paris, Éditions du Seuil, 2008, p. 198.
- 41 Voir notamment S. Delattre, Les douze heures noires. La nuit à Paris au XIXe siècle, Paris, Albin (...)
- 42 J. Claretie, op. cit., p. 199.
- 43 A. Boucher, op. cit., p. 233.
29D’autres Parisiens transcrivent l’épaisseur de la noirceur de la nuit et laissent transparaître tout un pan des représentations et de la sensibilité des citadins à l’égard de l’obscur. Armand Du Mesnil, le directeur de l’enseignement supérieur, écrit : « Ce soir, il pleut ; la nuit est d’un noir de charbon […], je suis tombé très maladroitement. J’avais oublié d’emporter ma lanterne »39. Cette phrase est particulièrement intéressante car elle réunit deux éléments de paysage qui appartiennent à deux époques différentes : le charbon et la lanterne. Le Parisien utilise d’abord l’image du charbon qui est familière à tous les contemporains de 1870, tant il noircit, par ses fumées, les espaces urbains depuis le commencement de la révolution industrielle au milieu du XIXe siècle. L’historien Michel Pastoureau indique que les couches de suie qui volent dans l’air avant de se déposer sur les bâtiments et les vêtements des individus expliqueraient, pour une part, le fait que les bourgeois portent des costumes noirs40. Ces habits sombres et austères rendent les silhouettes encore moins repérables dans les rues car la nuit suspend l’habituel primat de la vue au profit d’autres sens comme l’ouïe ou l’odorat41. L’atmosphère citadine s’enrichit alors, pour les civils, de nouvelles émotions, significations et représentations. L’absence d’éclairage public les contraint à adopter des comportements qui avaient cours dans un « temps évanoui »42, notamment les déplacements à la lanterne. Ces derniers sont rendus obligatoires par les autorités allemandes dans les territoires occupés afin de limiter – à la faveur de la nuit – les attaques à l’encontre des occupants. À Orléans, à la fin du mois d’octobre 1870, Auguste Boucher rapporte : « Par ordre du commandant de la place, on nous fait savoir que “dès le crépuscule jusqu’à l’aube” nul n’aurait le droit de sortir sans porter une lanterne allumée »43. Dans les espaces envahis, la lanterne est spontanément utilisée par les civils. La multiplication de ces petites lumières mobiles dans la nuit anime, avec une étonnante vivacité, les images figées que les non-combattants ont des villes médiévales ; petites, étroites, obscures où la lumière ne pénètre que très faiblement même en plein jour.
La mobilisation de l’imaginaire médiéval au service de la reconstruction de la nation défaite
- 44 L. Theis, « Guizot et les institutions de mémoire », dans Les lieux de mémoire, t. I, op. cit., p. (...)
- 45 Sur ce sujet, voir F. Furet et M. Ozouf dir., Le siècle de l’avènement républicain, Paris, Gallima (...)
- 46 K. Pomian, « Francs et Gaulois », dans Les lieux de mémoire, t. II, op. cit., p. 2270-2272.
30La (re)construction de l’identité nationale apparaît comme une nécessité à la fois politique et culturelle à partir de 1871. Beaucoup de civils s’emparent de cette question, en particulier ceux qui exercent une profession en lien avec l’Histoire : professeurs, archivistes, bibliothécaires ou encore conservateurs. Ces hommes sont formés à la nouvelle école historique – impulsée par le ministre de l’Instruction publique François Guizot sous la monarchie de Juillet – qui a concentré ses travaux, dans la première moitié du XIXe siècle, sur la période médiévale considérée comme la matrice de la nation française. D’après l’historien Laurent Theis : « Là se sont forgés les systèmes et les instruments de gouvernement, là aussi, en ce temps long, se sont formés et ont émergé la classe moyenne, la bourgeoisie, le peuple, ces formes qui aujourd’hui sont la substance de la nation »44. Ces travaux, qui recherchaient déjà les origines de la nation française45, pointaient le rôle fondamental de la Révolution de 1789. À partir des années 1820, la lutte entre la noblesse et le tiers état a été relue à la lumière du conflit de classe qui opposait les Francs – considérés comme les ancêtres de la noblesse – aux Gaulois – identifiés à ceux du tiers état46. Cette relecture de la Révolution française a érigé les Gaulois en vainqueurs de la lutte.
- 47 Voir notamment S. Tison, op. cit., p. 258-265, et M. Jeismann, La patrie de l’ennemi. La notion d’ (...)
31Forts de cet héritage, de nombreux civils mobilisent le thème gaulois en 1870-1871 et l’appliquent au conflit face à la Prusse et ses alliés avec, cependant, une différence notable : dans le dernier tiers du XIXe siècle, la guerre n’est plus perçue comme un conflit de classe, mais comme une lutte nationale entre Gaulois et Germains47. Cette lecture du conflit est particulièrement nette dans le journal du substitut du procureur de Châteaudun, Paul Montarlot, qui écrit en février 1871 :
- 48 P. Montarlot, Journal de l’invasion : Châteaudun (4 septembre 1870-11 mars 1871), Châteaudun, Poui (...)
15 février 1871 – C’est la révélation d’une race disparue. En voyant ces hommes au nez camard, aux yeux enfoncés sous des sourcils velus, à la barbe inculte, squalide, hérissée, on songe involontairement aux Cimbres et aux Teutons, leurs aïeux. Le rapprochement est classique, banal, usé, tant qu’on voudra, il n’en est pas moins d’une frappante exactitude. Les Germains d’aujourd’hui sont les mêmes brutes qui se ruaient, il y a deux mille ans, sur la civilisation romaine. Des instincts identiques se lisent sur ces faces bestiales et empourprées.48
- 49 Voir notamment F. Roth, op. cit., p. 606-627, et M. Jeismann, op. cit.
32La défaite donne lieu à la construction d’une grille de lecture qui interprète le conflit franco-allemand, non plus comme une lutte entre des États européens, mais comme un affrontement entre la civilisation latine et la « barbarie » germanique49. Cet affrontement se double d’une dimension raciale. En 1870-1871, les civils français assimilent la civilisation latine à la « race française » et la « barbarie » germanique à la « race allemande ». En réactualisant et en redéfinissant la figure du « barbare », les non-combattants donnent un sens non seulement à la défaite, mais aussi aux violences qu’ils subissent. La présence germanique en France est perçue comme un anachronisme, une anomalie du temps, un retour du Moyen Âge en plein XIXe siècle. Peu de temps après l’armistice, Jean-Jules Clamageran, adjoint au maire de Paris pendant le siège, écrit :
- 50 J.-J. Clamageran, Correspondance (1849-1902), Paris, Félix Alcan, 1906, p. 339.
4 mars 1871 – En supposant même que la France retrouve un jour sa puissance, quel triste avenir pour l’Europe ! Cette paix, si dure, si écrasante, si outrageante, n’est qu’une trêve. Tout le monde le sent, à l’étranger comme chez nous. Nous voilà revenus aux grandes guerres, aux guerres éternelles du moyen âge : le Prussien sera pour nous ce qu’était l’Anglais au XVe siècle. Nos enfants apprendront à le maudire. Entre l’Allemagne et nous, il y aura une de ces horribles haines que rien ne peut assouvir, une sorte de vendetta internationale.50
- 51 Sur cette question, voir S. Tison, op. cit., p. 263.
- 52 Voir notamment : M. Jeismann, op. cit. ; S. Audoin-Rouzeau et J.-J. Becker, La France, la nation, (...)
33Cette haine, précisément, devient un pilier fondamental de la nouvelle identité nationale française qui se reconstruit en miroir inversé du nouvel Empire allemand. L’infériorité française, sanctionnée par la défaite, n’est acceptée qu’à travers la construction de figures très négatives des Allemands, et en particulier des Prussiens51. En les présentant comme des « barbares », les Français ont le sentiment de conserver la supériorité morale. Ces représentations très négatives des habitants d’outre-Rhin seront largement réinvesties et approfondies à partir de 191452 où la France et l’Allemagne s’affronteront dans une guerre à la fois totale et planétaire.
Notes
1 V. Hugo, L’Année terrible, Paris, Michel Lévy frères, 1872.
2 Concernant la perception de la guerre de 1870 par les contemporains, voir l’article de J.-F. Lecaillon, « La perception de la guerre et son impact », dans 1870, de la guerre à la paix. Strasbourg-Belfort, R. Belot dir., Paris, Hermann, 2013, p. 39-48.
3 J’ai étudié ce phénomène jusqu’à la veille de la Première Guerre mondiale. Voir S. Chapelle, Des civils au cœur de la guerre franco-allemande : écritures de soi et expériences sensibles (1870-1914), thèse de doctorat d’histoire contemporaine dirigée par O. Roynette et soutenue à Dijon en 2022.
4 Ibid., p. 55-99.
5 Voir notamment : B. Ménager, Les Napoléon du peuple, Paris, Aubier, 1988 ; J. Tulard, Le mythe de Napoléon, Paris, Armand Colin, 1971, ainsi que son article « Le retour des Cendres », dans Les lieux de mémoire, t. II, P. Nora dir., Paris, Gallimard, 1997, p. 1729-1752 ; N. Petiteau, Napoléon. De la mythologie à l’histoire, Paris, Éditions du Seuil, 2000 et S. Pagé, Le mythe napoléonien. De Las Cases à Victor Hugo, Paris, CNRS Éditions, 2013 ; J.-M. Largeaud, Napoléon et Waterloo : la défaite glorieuse de 1815 à nos jours, Paris, La Boutique de l’Histoire, 2005. Voir aussi les ouvrages plus généraux de : J.-C. Yon, Le Second Empire. Politique, société, culture, Paris, Armand Colin, 2004 ; F. Roth, La guerre de 1870, Paris, Fayard, 1990 ; S. Audoin-Rouzeau, 1870. La France dans la guerre, Paris, Armand Colin, 1989.
6 A. Boucher, Journal d’un bourgeois d’Orléans pendant l’occupation prussienne, Orléans, Herluison, 1871, p. 320.
7 Voir notamment J. Hantraye, Les Cosaques aux Champs-Élysées. L’occupation de la France après la chute de Napoléon, Paris, Belin, 2005, et, du même auteur, Le récit d’un civil dans la campagne de France en 1814. Les « lettres historiques » de Pierre Dardenne (1768-1857), Paris, CTHS, 2008.
8 P.-A. Patel, 1871. La retraite de l’armée de l’Est et l’occupation prussienne dans l’arrondissement de Pontarlier (Doubs), Grenoble, Imprimerie de Prudhomme, 1871, p. 28, et F.-T. Piton, Siège de Strasbourg. Journal d’un assiégé, Paris, C. Schlaber, 1900, p. 10.
9 J.-J. Laguerre, Les Allemands à Bar-le-Duc et dans la Meuse, Bar-le-Duc, Imprimerie et Lithographie Comte-Jacquet, 1874, p. 12.
10 Sur ce point, voir notamment S. Audoin-Rouzeau, op. cit., p. 48-49.
11 L. Lacroix, Journal d’un habitant de Nancy pendant l’invasion de 1870-1871, Nancy, Vagner, 1873, p. 26.
12 I. de Crombrugghe, Journal d’une infirmière pendant la guerre de 1870-71 : Sarrebruck, Metz, Cambrai, Bruxelles, F. Claessen, 1871, p. 20.
13 Ce chiffre est donné par J.-C. Yon dans son ouvrage Le Second Empire, op. cit., p. 226.
14 P. Delaroche-Vernet, « Lettre de M. Delaroche Vernet à M. Talbot », dans Une famille pendant la guerre et la Commune, A. Delaroche-Vernet dir., Paris, Plon-Nourrit et Cie, 1910, p. 37-38.
15 S. Tison, Comment sortir de la guerre ? Deuil, mémoire et traumatisme (1870-1940), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2011, p. 68. Voir aussi J.-M. Largeaud, « Mémoire et identités : Waterloo et la genèse de la “défaite glorieuse” », dans Territoires, pouvoirs et identités : voies de renouvellement de l’histoire de l’Empire, N. Petiteau dir., Paris, La Boutique de l’Histoire, 2003, p. 283-302.
16 A. Estignard, La République et la Guerre à Besançon par un patriote comtois, Besançon, impr. J. Jacquin, 1872, p. 6.
17 La bataille de Reichshoffen l’est dans une moindre mesure dans les textes parisiens. Sur ce point, voir C. Foss, The Culture of War. Literature of the Siege of Paris, Liverpool, Presses universitaires de Liverpool, 2020, p. 113.
18 A. Lecoy de la Marche, Notes d’un assiégé (septembre 1870-février 1871), Paris, Bray et Rétaux, 1872, p. 23.
19 V. Hugo, Napoléon le Petit [1852], Paris, Hetzel et Cie éditeurs, 1870.
20 Voir notamment J.-M. Largeaud, « Mémoire et identités : Waterloo et la genèse de la “défaite glorieuse” », art. cité, et, du même auteur, Napoléon et Waterloo : la défaite glorieuse de 1815 à nos jours, op. cit.
21 Sur ce point, voir l’article d’É. Bonhomme, « Bordeaux et la Défense nationale », Annales du midi, t. 110, 1998, p. 319-342.
22 L. Lacroix, op. cit., p. 168. Les mots en italique sont soulignés par l’auteur.
23 P. Delaroche-Vernet, « Lettre de M. Delaroche Vernet à M. Talbot », op. cit., p. 37-38.
24 C. Torchet, Mon journal de la guerre franco-allemande, 1870-1871, Provins, Porcheret, 1898, p. 16. Les mots en italique sont soulignés par l’auteur.
25 O. Le Trocquer, « Mémoire et interprétation du 4 Septembre 1870 : le sens de l’oubli », Temporalités. Revue de sciences sociales et humaines, no 5, 2006. En ligne : [http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/temporalites/283] (consulté le 10 mars 2024). Sur le thème de la patrie en danger en 1870, voir aussi : N. Bourguinat et G. Vogt, La Guerre franco-allemande de 1870, Paris, Flammarion, 2020, p. 63-119 ; S. Wahnich, « La patrie en danger, rumeur et loi », Hypothèses, 2001/1, p. 293-302.
26 J. Lamber [Mme Adam], Le siège de Paris : journal d’une parisienne, Paris, Lévy, 1873, p. 60.
27 Voir A. Forrest, « L’armée de l’an II : la levée en masse et la création d’un mythe républicain », Annales historiques de la Révolution française, no 335, 2004. En ligne : [http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ahrf/1385] (consulté le 10 mars 2024) ; G. Gusdorf, « Le cri de Valmy », Communications, no 45, 1987, p. 117-155.
28 J. Lamber [Mme Adam], op. cit., p. 180.
29 L. Gallet, Guerre et Commune. Impressions d’un hospitalier, 1870-1871, Paris, Calmann Lévy, 1898, p. 39.
30 E. Deschaumes, La France moderne : journal d’un lycéen de 14 ans pendant le siège de Paris (1870-1871), Paris, Firmin-Didot, 1890, p. 5-6.
31 Ibid., p. 191-193. Le terme « orateurs populaires » renvoie ici plus particulièrement à Léon Gambetta. Sur ce point, nous renvoyons à la note 22. Voir aussi B. Demeure, La Figure maternelle dans la vie politique française (1789-1914), Avignon, Éditions universitaires d’Avignon, 2023, p. 233-253.
32 Sur le mythe de Valmy, voir notamment : D. Moran et A. Waldron dir., The People in Arms: Military Myth and National Mobilization since the French Revolution, Cambridge, Cambridge University Press, 2003, p. 39-41 ; A. Crépin, Histoire de la conscription, Paris, Gallimard, 2009, p. 106-110. Voir aussi G. Gusdorf, art. cité.
33 Voir M. Larrère, L’urne et le fusil. La garde nationale parisienne de 1830 à 1848, Paris, PUF, 2016 ; R. Dupuy, La Garde nationale (1789-1872), Paris, Gallimard, 2010 ; A. Crépin, op. cit., p. 137-196 ; H. Drévillon, « Soldats et citoyens », dans Histoire militaire de la France, t. I, H. Drévillon et O. Wieviorka dir., Paris, Perrin, 2018, p. 481-506.
34 A. Estignard, op. cit., p. 10.
35 H. Quinet, Paris, journal du siège, Paris, Dentu, 1873, p. 171.
36 L. Lacroix, op. cit., p. 345-346.
37 A. Lecoy de la Marche, op. cit., p. 164-165.
38 J. Claretie, Paris assiégé. Tableaux et souvenirs, septembre 1870-janvier 1871, Paris, A. Lemerre, 1871, p. 198-199.
39 A. Du Mesnil, Paris et les Allemands. Journal d’un témoin, juillet 1870-février 1871, Paris, Garnier Frères, 1872, p. 274.
40 M. Pastoureau, Noir. Histoire d’une couleur, Paris, Éditions du Seuil, 2008, p. 198.
41 Voir notamment S. Delattre, Les douze heures noires. La nuit à Paris au XIXe siècle, Paris, Albin Michel, 2004, p. 21-25.
42 J. Claretie, op. cit., p. 199.
43 A. Boucher, op. cit., p. 233.
44 L. Theis, « Guizot et les institutions de mémoire », dans Les lieux de mémoire, t. I, op. cit., p. 1583.
45 Sur ce sujet, voir F. Furet et M. Ozouf dir., Le siècle de l’avènement républicain, Paris, Gallimard, 1993 ; A.-M. Thiesse, Ils apprenaient la France, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 1997 ; O. Berger, « Les Français face à l’armée prusso-allemande. La naissance d’une image de l’ennemi en “miroir inversé” dans l’Île-de-France occupée (1870-1871) », dans J. Ulbert dir., Ennemi juré, ennemi naturel, ennemi héréditaire. Construction et instrumentalisation de la figure de l’ennemi. La France et ses adversaires, XIVe-XXe siècles, Hambourg, Dobu Verlag, 2011, p. 190-200 ; S. Venayre, Les origines de la France. Quand les historiens racontaient la nation, Paris, Éditions du Seuil, 2013 ; M. Renard, Aux origines du roman national : la construction d’un mythe par les images, de Vercingétorix aux Sans-culottes (1814-1848), Paris, Mare et Martin, 2023.
46 K. Pomian, « Francs et Gaulois », dans Les lieux de mémoire, t. II, op. cit., p. 2270-2272.
47 Voir notamment S. Tison, op. cit., p. 258-265, et M. Jeismann, La patrie de l’ennemi. La notion d’ennemi national et la représentation de la nation en Allemagne et en France de 1792 à 1918, Paris, CNRS Éditions, 1997.
48 P. Montarlot, Journal de l’invasion : Châteaudun (4 septembre 1870-11 mars 1871), Châteaudun, Pouillier-Vaudecraine, 1871, p. 247.
49 Voir notamment F. Roth, op. cit., p. 606-627, et M. Jeismann, op. cit.
50 J.-J. Clamageran, Correspondance (1849-1902), Paris, Félix Alcan, 1906, p. 339.
51 Sur cette question, voir S. Tison, op. cit., p. 263.
52 Voir notamment : M. Jeismann, op. cit. ; S. Audoin-Rouzeau et J.-J. Becker, La France, la nation, la guerre : 1850-1920, Paris, Sédès, 2012, p. 285-337 ; S. Audoin-Rouzeau et A. Becker, 14-18, retrouver la guerre, Paris, Gallimard, 2000, p. 159-214.
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Référence électronique
Sandra Chapelle, « Revisiter les violences passées pour expliquer celles d’un conflit vécu : imaginaire médiéval, souvenirs des guerres révolutionnaires et impériales dans les écritures de soi des civils en 1870-1871 », Astérion [En ligne], 30 | 2024, mis en ligne le 12 septembre 2024, consulté le 08 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/asterion/10774 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/12b0t
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