De la république : la méthode, le mot et le concept vus du XXIe siècle
Résumés
L’article discute dans une perspective de science politique les leçons à tirer de l’ouvrage de Claudia Moatti Res publica. Une histoire romaine de la chose publique. La première partie est centrée sur la méthode conceptuelle. Contre les usages positivistes de la langue et les approches essentialistes des concepts, une histoire attentive aux contextes et aux variations sémantiques est cruciale. Cette multiplicité sémantique doit à son tour être comprise comme politique. Si les oscillations de l’expression res publica nécessitent des analyses sur la courte durée, la longue durée et l’optique comparative impliquent à l’inverse de dégager des idéaux-types. La seconde partie de l’article analyse les interprétations contemporaines de la république, et les utilisations du mot. Les termes hérités de la res publica ont perdu de leur centralité politique, avec deux exceptions importantes : d’une part, la théorie politique et l’histoire des idées qui se proclament républicaines ; d’autre part, l’espace politico-intellectuel français. Dans les deux cas, la république dont il s’agit se rapproche davantage du second idéal-type dégagé par Claudia Moatti, qui met l’accent sur l’unité et le consensus, et qui envisage la res publica comme puissance publique. Les partisans contemporains du premier idéal-type, qui valorise l’action collective, le « tumulte », la citoyenneté active et la diversité de la cité, se tournent vers des termes différents, et en particulier vers celui de démocratie.
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Mots-clés :
République, démocratie, histoire des idées politiques, histoire conceptuelle, sociologie historique, Moatti (Claudia)Keywords:
Republic, democracy, history of political ideas, conceptual history, historical sociology, Moatti (Claudia)Plan
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- 1 C. Moatti, Res publica. Une histoire romaine de la chose publique, Paris, Fayard, 2018.
1Loin de concerner seulement les historiens de la Rome classique ou même, de façon plus large, toutes celles et ceux qui s’intéressent à l’histoire des idées politiques, l’ouvrage magistral de Claudia Moatti sur la res publica1 ne peut qu’inspirer les chercheurs de toutes disciplines travaillant sur le politique. C’est ce que nous souhaiterions montrer dans la perspective qui est la nôtre, celle d’une sociologie historique et comparative. Pour ce faire, nous procéderons en deux temps. Le premier, théorico-méthodologique, abordera ce que nous comprenons de la démarche de l’autrice, en la comparant avec certaines des références plus largement répandues en science politique ou, plus modestement, avec celles qui nous sont familières. Le second se demandera dans quelle mesure les conclusions auxquelles arrive Claudia Moatti sur la res publica nous interrogent à nouveaux frais sur les notions de république ou de chose publique dans le monde contemporain. Si la méthodologie proposée par l’autrice semble susceptible d’une « indigénisation » en science politique, qu’en est-il des sens de la res publica qu’elle met au jour ?
Quelle histoire des idées ?
2À nos yeux de politiste n’ayant que des connaissances assez générales de l’histoire romaine, l’ouvrage discuté est extrêmement stimulant pour quatre raisons au moins. Premièrement, contre les usages positivistes de la langue et les approches essentialistes des concepts, il propose une histoire attentive aux contextes et aux variations sémantiques. Le sens des mots ne saurait être tenu pour acquis et doit faire l’objet d’une réflexion attentive à l’époque, aux lieux des énoncés et aux acteurs de ceux-ci. Deuxièmement, la multiplicité sémantique des mots du politique ainsi mise en évidence doit à son tour être comprise comme politique : les usages des mots et des notions sont à la fois des cadres et des instruments dans les luttes politiques, tout comme dans la discussion sur l’ordre qui régit, ou devrait régir, la cité. En outre, il est impossible pour les historiens de s’extirper complètement de cet agonisme. Troisièmement, les oscillations incessantes d’un mot comme res publica prennent davantage d’ampleur dans les moments de crise ou de bascule. L’analyse en gros plan sur la courte durée prend alors une importance particulière. Quatrièmement, se placer dans une perspective de longue durée ou dans une optique comparative implique à l’inverse de dégager, au-delà de l’infinie variation des usages, des idéaux-types qui permettent de comparer les controverses sur un mot tel que res publica ou « république » dans des contextes différents. Reprenons ces points l’un après l’autre.
Contre les usages positivistes de la langue et les approches essentialistes des concepts
- 2 A. Gramsci, Quaderni dal carcere, Turin, Einaudi, 1975.
- 3 A. de Tocqueville, De la démocratie en Amérique [1835-1840], 2 vol., Paris, Garnier-Flammarion, 19 (...)
- 4 Voir E. Ferrarese et S. Laugier éd., « Politique des formes de vie », dossier de la revue Raisons (...)
3Aujourd’hui encore, en particulier vu des sciences politiques, de nombreux travaux académiques, qui utilisent des notions telles que « république », « démocratie » ou « représentation », tombent dans l’un ou l’autre de deux travers. Le premier est celui du positivisme. Souvent, dans les sciences sociales mainstream, en particulier dans le monde anglo-saxon, la langue est alors considérée comme neutre et le sens des notions n’est pas interrogé de façon réflexive. Les raffinements méthodologiques de l’enquête, en particulier quantitative, n’ont d’égal que la superficialité de la réflexivité sur les mots des acteurs et les concepts des chercheurs. C’est ainsi que les influents classements établis chaque année par des think tanks comme Freedom House ou The Economist définissent la démocratie comme reposant sur l’État de droit et les élections libres. Cette conception sous-tend le discours de la majorité des acteurs politiques dans le Nord global, mais aussi les définitions de bien des dictionnaires et de beaucoup d’universitaires, en particulier celles et ceux qui travaillent sur le contemporain. Elle renvoie à un passé révolu la façon dont la démocratie fut pensée dans l’histoire ; elle laisse de côté d’autres définitions procédurales potentielles (reposant par exemple sur l’utilisation d’instruments de démocratie directe ou le tirage au sort des charges publiques) ; elle rejette sans discussion la dimension sociale de la démocratie, ce que Gramsci appelait la « constitution matérielle »2, ce que Tocqueville qualifiait de « société démocratique »3, ou ce que des philosophes et sociologues pragmatistes ou critiques appellent « la démocratie comme forme de vie »4 ; elle borne la démocratie à l’échelle nationale, alors même que la mondialisation bouleverse le cadre de prise de décision normative ; enfin, elle ne tient pas compte des nouveaux défis du XXIe siècle, et en particulier l’entrée dans l’ère de l’Anthropocène, qui bouscule des institutions largement fondées sur le court-termisme des cycles électoraux et interroge l’exclusion des non-humains de la communauté politique.
- 5 H. F. Pitkin, The Concept of Representation [1967], Berkeley-Los Angeles-Londres, University of Ca (...)
- 6 C. Schmitt, Théorie de la constitution, L. Deroche trad., Paris, PUF, 1993.
4La tentation essentialiste est, quant à elle, fort répandue dans les formes les plus traditionnelles de l’histoire philosophique des idées. La discussion sur les grands thèmes philosophiques est alors soit comprise comme relevant des diverses réponses données à des questions métaphysiques ou anthropologiques transhistoriques, soit comme la découverte progressive de la vérité conceptuelle à travers l’expérience et la réflexion historiques. La philosophie analytique et la théorie politique de type anglo-saxon en proposent une autre version : il s’agit pour elles d’établir, à l’issue d’une discussion sur les significations possibles, le sens « essentiel » du terme, celui qui fait correspondre le mot avec la chose. C’est par exemple ainsi qu’Hanna Pitkin, dans un livre séminal qui marque une césure dans les élaborations anglo-saxonnes contemporaines, avance que la représentation a un sens identifiable, qu’il ne s’agit pas d’une notion « vague et fluctuante », mais d’un « concept unique et très complexe qui n’a guère bougé dans sa signification de base depuis le XVIIe siècle », que la représentation signifie étymologiquement « re-présentation, rendre à nouveau présent », et qu’il est possible d’en donner une définition à la fois précise et suffisamment complexe pour qu’elle puisse rendre compte de façon englobante des multiples sens qui ont été donnés au mot par les théoriciens comme par les praticiens5. La définition donnée s’oppose alors à celle, proposée dans une perspective de philosophie « continentale » mais tout aussi essentialiste, de Carl Schmitt6.
- 7 C. Moatti, op. cit., p. 412.
5Contre ces approches positivistes ou essentialistes, la démonstration de Claudia Moatti est sans appel. La res publica des Romains ne saurait, sans distorsion, être assimilée à notre république. Manier de façon non réflexive les catégories modernes pour penser les débats des Romains utilisant apparemment les mêmes mots serait donc anachronique. D’ailleurs, dès l’époque antique, les sens du mot étaient pluriels ; ils évoluaient constamment. Ils subirent une série de mutations fortes, sans qu’une direction claire ne fasse évoluer progressivement la notion dans une direction univoque, et encore moins « progresser » une notion archaïque vers un usage plus rationnel ou plus « moderne ». L’attention portée à la langue et à la façon dont les acteurs l’utilisent révèle alors un panorama complexe, qui nous interroge en retour sur nos propres usages contemporains. « Ce que montre ce livre », écrit de façon convaincante l’autrice, « c’est qu’il serait vain de chercher l’essence de la chose »7 :
- 8 Ibid., p. 11 et 22.
L’historien méconnaît gravement son objet s’il présuppose la conception plate, internationale et transhistorique de la langue, s’il sépare la pensée du langage, s’il n’interroge, s’il n’écoute la langue, pour connaître les actes de langage […] : la langue façonne notre réalité, tout autant qu’elle est façonnée par elle […]. Sans nier l’existence de continuités, nous avons donc cherché à comprendre, à travers les enjeux contrastés qu’a portés la notion de res publica à différents moments et chez différents acteurs, les conceptions du politique, les modes d’appréhension du public, de la citoyenneté, de l’obligation sociale, les formalisations de la puissance publique, mais aussi la façon dont les Anciens ont eux-mêmes écrit cette histoire.8
- 9 Q. Skinner, The Foundations of Modern Political Thought, 2 vol., Cambridge, Cambridge University P (...)
- 10 Voir R. Koselleck, Le futur passé. Contribution à la sémantique des temps passés, J. Hoock et M. C (...)
- 11 Voir en particulier P. Rosanvallon, Le sacre du citoyen. Histoire du suffrage universel en France, (...)
- 12 En ligne : [https://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/mots/] (consulté le 11 août 2023).
6Cette approche rejoint à bien des égards les perspectives défendues par l’histoire des idées en contexte de l’École de Cambridge9 et par l’histoire conceptuelle10, respectivement dans les mondes anglo-saxon et germanique. Ces deux écoles ont révolutionné l’histoire des idées traditionnelle en mettant les idées en contexte politique et institutionnel, en travaillant – quoique dans une moindre mesure pour la première école – sur l’inscription des notions dans la langue ordinaire, et en incluant les « grands » auteurs philosophiques dans un cercle plus vaste d’acteurs politiques et intellectuels produisant du sens conceptuel dans leurs pratiques et leurs débats. Par bien des aspects, l’œuvre de Pierre Rosanvallon, en France, rejoint ces courants, en accentuant cependant encore le caractère assez superficiel de l’analyse sociale (plutôt que seulement institutionnelle) du contexte11. Elle n’est pas non plus sans rappeler en partie le travail engagé depuis plus de quatre décennies par la revue Mots. Les Langages du politique, qui fait davantage porter son attention sur le contemporain12.
- 13 W. B. Gallie, « Essentially contested concepts », Proceedings of the Aristotelian Society, vol. LV (...)
- 14 H. Hofmann, Repräsentation. Studien zur Wort- und Begriffsgeschichte von der Antike bis ins 19. Ja (...)
7Nous ne nous attarderons pas ici sur les différences épistémologiques qui traversent ces courants, les séparent les uns des autres et les distinguent de l’approche proposée par Claudia Moatti. La leçon de celle-ci rejoint d’ailleurs celle d’autres auteurs, en particulier Walter B. Gallie, qui récuse l’essentialisme de la philosophie politique anglo-saxonne contemporaine dans un article de 1956 très souvent cité, et qui avance que la plupart des notions utilisées en philosophie comme dans les sciences humaines et sociales sont des « concepts essentiellement controversés »13. Contentons-nous de donner un exemple plus proche de la démarche historienne de Claudia Moatti, celui de l’œuvre séminale d’Hasso Hofmann sur la notion de représentation14. Rejetant dos à dos les approches essentialistes d’Hanna Pitkin et des Anglo-Américains, inspirées de Leo Strauss d’un côté, de Carl Schmitt et de la théorie politique allemande traditionnelle de l’autre, H. Hofmann écrit :
- 15 En linguistique, une expression synsémantique est un mot-lien qui ne possède pas un sens en soi ma (...)
- 16 Le mot, d’origine scolastique, renvoie à un sens qui n’est donné que par les relations entretenues (...)
- 17 H. Hofmann, « Le concept de représentation », art. cité, p. 94.
Ce qui est donc présupposé par une telle histoire conceptuelle, qui doit être distinguée de l’histoire des idées, des problèmes et des institutions, c’est qu’au commencement était le mot, et non le concept […]. Le concept que nous interrogeons ne peut en conséquence être saisi par la recherche en histoire conceptuelle qu’en passant par l’histoire de l’usage du mot de représentation dans les langues spécialisées comme le droit. La « représentation » n’est pas un concept fixé de tout temps par l’identité de son objet, la « représentation » n’est pas le nom d’une chose, mais une expression « synsémantique »15 ou « syncatégorématique »16 avec laquelle on peut opérer de diverses manières, dans la mesure où elle acquiert un sens au sein d’un contexte à chaque fois déterminé. La question n’est ainsi pas celle de l’objet nommé et de son essence, elle ne peut être que celle de la signification dans un certain contexte.17
Les mots du politique comme agôn
- 18 Voir le panorama dressé par C. Gaboriaux et A. Skornicki éd., Vers une histoire sociale des idées (...)
- 19 Voir Y. Sintomer, « La critique intellectuelle entre corporatisme de l’universel et espace public (...)
8Par rapport à beaucoup des travaux relevant de l’histoire des idées en contexte ou de l’histoire conceptuelle, Claudia Moatti insiste particulièrement sur le caractère agonistique du langage. Elle saisit les mots comme faisant partie intrinsèque des luttes politiques, à la fois en tant que pourvoyeurs de sens pour les acteurs et comme armes susceptibles d’être mobilisées pour légitimer une position ou discréditer un adversaire. Cette perspective rejoint alors en partie l’histoire sociale des idées, inspirée des travaux de Pierre Bourdieu et fortement présente dans la science politique et la sociologie de langue française18. Cette école est en effet particulièrement attentive aux luttes sémantiques qui opposent les acteurs. Cependant, l’histoire sociale des idées tend à ramener strictement le sens des mots qui sont utilisés aux positions sociales des acteurs dans les différents champs sociaux, délaissant ainsi toute dimension internaliste dans l’explication et l’épaisseur propre du langage. De plus, si l’usage des mots par les acteurs fait l’objet de la recherche, les méta-concepts permettant à l’analyse d’opérer sont quant à eux considérés comme purement objectifs, détachés des luttes subjectives et normatives des acteurs analysés. Cette forme plus subtile de positivisme ne nie nullement la pluralité des définitions possibles des notions mais affirme en même temps que l’une des définitions bénéficie d’un privilège objectif par sa scientificité. Se détachant des autres, elle permet d’étudier en surplomb les acteurs plongés dans la caverne de la pratique et des prénotions. Les autres approches sont, quant à elles, considérées comme propagées par des « demi-savants » : elles relèvent de la fausse science, d’une science impure car contaminée par l’idéologie et le sens commun. Si, pour Pierre Bourdieu et certains de ses disciples, les sciences sociales et humaines ont bien une vocation politique, leur action s’exerce en se situant au-dessus des controverses de la cité, dévoilant la vérité en étant poussé par le corporatisme de l’universel propre aux savants et aux artistes19.
- 20 C. Moatti, op. cit., p. 21.
- 21 Q. Skinner, Liberty before Liberalism, Cambridge, Cambridge University Press, 1998 (trad. fr. La l (...)
- 22 P. Pettit, Republicanism: A Theory of Freedom and Government, Oxford, Oxford University Press, 199 (...)
9Ce n’est pas la voie choisie par Claudia Moatti. Sans qu’elle le thématise de façon explicite, celle-ci suit une voie étroite qui ne se borne pas à une pure déconstruction sans tomber pour autant dans une posture en surplomb. Elle frôle le nominalisme lorsqu’elle semble dénier toute pertinence à la question de savoir « si la République romaine était une oligarchie ou une démocratie, alors même que ces catégories grecques ne font pas partie du vocabulaire politique romain »20. Prise à la lettre, cette assertion pourrait laisser entendre qu’une historienne devrait par exemple s’abstenir de se poser la question des rapports de genre dans les sociétés qui n’avaient pas thématisé ceux-ci explicitement. Mais les lecteurs de l’ouvrage peuvent facilement comprendre que cette phrase polémique vise à critiquer les visions positivistes qui tiennent pour acquis le sens transhistorique des notions plutôt qu’à revendiquer haut et fort une position nominaliste. Plus subtilement, l’effet de distanciation historique n’apporte pas seulement une meilleure compréhension de l’histoire telle que les Romains la firent. Il interroge par contrecoup nos propres controverses politiques, et en particulier la façon dont le mot « république » est mobilisé au XXIe siècle. Aujourd’hui comme hier, ses acceptions ne sont pas neutres, et l’une des cibles de l’historienne est implicitement la vision unitaire et « par en haut » du républicanisme à la française ou de la version anglo-saxonne du républicanisme défendue par Quentin Skinner21 et Philip Pettit22. Implicitement, à travers les affects portés par le style, Claudia Moatti valorise une autre conception de la république, plus participative et conflictuelle – nous y reviendrons plus bas. En tout cas, elle ne prétend jamais que l’objectivation à laquelle elle se livre la placerait au-dessus de la mêlée.
Temps court et idéaux-types
- 23 H. Baron, The Crisis of the Early Italian Renaissance: Civic Humanism and Republican Liberty in an (...)
- 24 Voir, en particulier, les manifestes politiques de Leonardo Bruni rassemblés dans « Actualité de l (...)
- 25 Voir sur ce point J. Hankins éd., Renaissance Civic Humanism. Reappraisals and Reflections, Cambri (...)
10La possibilité d’une interrogation du temps présent à travers le détour historique ne relève donc pas seulement de la leçon épistémologique ou méthodologique. Elle s’ouvre par le jeu de deux ordres de temporalité bien éclairés par l’autrice. D’un côté, celle-ci retrace en plus de 400 pages plusieurs siècles d’histoire romaine du mot res publica, des premiers temps de la République jusque fort avant dans l’Empire – ou plus précisément de ce que nous nommons aujourd’hui la République et l’Empire, puisque les Romains pensaient celui-ci comme une res publica. Elle met en lumière des mutations sémantiques qui sont autant de mutations politiques, sensibles en particulier dans les périodes de crise. L’autrice réalise ainsi de nombreux gros plans passionnants sur le temps court – comme l’époque des Gracques ou les dernières décennies de la République, l’œuvre de Cicéron marquant notamment une inflexion très significative dans la sémantique conceptuelle de la res publica. De telles analyses rejoignent certains des travaux que l’on peut rattacher à l’École de Cambridge, et en particulier le grand ouvrage de Hans Baron sur la mutation du mot de république durant la crise de la première Renaissance florentine23. Les intellectuels organiques de la cité toscane, et en particulier Leonardo Bruni, opposèrent alors la République florentine et la liberté florentine au régime « tyrannique » de l’adversaire milanais, donnant du même coup à la notion un sens qui sera largement utilisé durant les siècles ultérieurs, et notamment durant la Révolution française24. Mais alors que Hans Baron et, à sa suite, l’École de Cambridge d’histoire intellectuelle ne questionnaient guère la façon dont l’humanisme civique exaltait la liberté florentine au moment même où une élite oligarchique resserrait son emprise sur le gouvernement de la cité et qu’ils adoptaient implicitement le républicanisme par en haut des auteurs qu’ils étudiaient25, Claudia Moatti met au jour les débats qui traversèrent de l’intérieur l’interprétation de la res publica romaine.
- 26 Voir Y. Sintomer et J. Gauthier, « Les types purs de la domination légitime : forces et limites d’ (...)
11Cependant, Claudia Moatti ne se borne pas à l’étude des temps courts et à la contextualisation, ne serait-ce que parce qu’elle embrasse plusieurs siècles d’histoire romaine. De plus, si certaines tendances lourdes d’évolution du sens du mot sont mises en évidence, l’autrice insiste sur le fait que des significations plus anciennes, autrefois prédominantes, peuvent continuer d’être mobilisées dans des perspectives minoritaires après que le sens hégémonique du mot a changé. La structure du livre n’est d’ailleurs pas strictement chronologique : l’étude approfondie de moments de crises politiques et sémantiques est couplée à une modélisation, que, dans la perspective d’une sociologie historique du politique, l’on pourrait appeler « idéal-typique », en reprenant la notion célèbre de Max Weber. L’idéal-type n’est pas une moyenne ; il s’obtient en sélectionnant certains aspects de la réalité, en insistant sur leur cohérence systémique et en les épurant des éléments hétérogènes, afin de bâtir une catégorie qui s’oppose (ou se combine) à d’autres. Une dichotomie ou une trilogie idéale-typique est construite pour donner un éclairage spécifique à une situation, et d’autres éclairages sont en principe possibles. Un cas concret ne correspond qu’exceptionnellement à un idéal-type pur, il est situé sur une carte conceptuelle dont les idéaux-types constituent les points cardinaux qui permettent de mieux s’orienter dans l’infinie diversité du réel (Weber parle de « tableaux de pensée »)26. Les idéaux-types ont en cela un intérêt prioritairement méthodologique et se différencient radicalement des essences. Grâce à eux, il est possible de comparer des situations temporelles sur le temps long, ou des sociétés différentes. Sans employer le terme, c’est bien dans une telle perspective que s’engage Claudia Moatti en avançant que, sur le temps long de l’histoire romaine antique,
- 27 C. Moatti, op. cit., p. 402-403.
se dégagent deux conceptions qui auront une longue prospérité, et qui sont toutes deux liées au modèle civique de l’époque dite républicaine : l’une, de « tumulte » et d’action, met l’accent sur les citoyens dans leur diversité et le droit de suffrage, l’autre, d’unité et de consensus, envisage la res publica ou le peuple comme puissance publique, ce qui fragilise le statut de citoyenneté […]. Deux conceptions qui emploient le même langage […] et qui parfois se superposent [mais] portent un idéal différent : participation et pluralité d’un côté, légitimité et unité de l’autre.27
12Là encore, l’autrice rejoint la perspective de nombreux auteurs de l’histoire conceptuelle et de l’histoire en contexte. À l’issue de son étude sur le concept de représentation dans l’histoire occidentale, Hofmann écrit ainsi :
- 28 H. Hofmann, « Le concept de représentation », art. cité, p. 94-95.
Parce qu’il semble que le concept de « représentation » doive être envisagé dans un contexte à chaque fois spécifique […], il paraît opportun d’étudier tous les emplois techniques, toutes les « acceptions en contexte » […]. Ce faisant, trois usages linguistiques clairement différents les uns des autres se profilent, à chaque fois centrés sur un axe bien particulier. Le premier usage tourne autour de la dialectique du modèle et de l’image ; il plonge ses origines dans la théologie et fut légué aux philosophes. Le second usage tourne autour de la mandature (Stellvertretung), dans le cadre d’une compréhension spécifiquement juridique héritée de la langue liturgique. Le dernier usage, pour lequel j’emploie le terme de « représentation-identité » en reprenant un terme de Jean de Ségovie, désigne un domaine dans lequel il en va du problème de l’action corporative et de l’auto-articulation d’un collectif.28
- 29 Voir par exemple M. Weber, La domination, I. Kalinowski trad., Y. Sintomer éd., Paris, La Découver (...)
- 30 B. Cassin, Le vocabulaire des philosophies européennes. Dictionnaire des intraduisibles, Paris, Le (...)
13Il faut cependant distinguer plusieurs manières de modéliser, qui peuvent se recouper en partie. La première, largement pratiquée par Max Weber, permet, dans la perspective d’une sociologie historique comparative, de mettre en regard des civilisations qui ne s’inscrivent pas dans un fil généalogique et entre lesquelles ne s’effectuent pas de transferts idéels systématiques29. Il serait par exemple intéressant de comparer de cette manière la façon dont l’Empire romain et l’Empire Han, en partie contemporains, ont thématisé l’unité de la puissance publique. La seconde constitue des idéaux-types pour mieux comprendre comment les transferts et les traductions de notions d’une région ou d’une civilisation à l’autre s’accompagnent toujours de métissages et de processus d’« indigénisation »30. Sont alors renvoyées dos à dos les conceptions qui négligent l’ancrage des concepts dans le langage ordinaire et pensent naïvement la langue comme un instrument neutre, et celles qui postulent à l’inverse l’absolue incommensurabilité des langues ou des épistémès, essentialisant ainsi les civilisations. La troisième manière de constituer des idéaux-types se place dans la perspective de la longue durée à l’intérieur d’un même espace civilisationnel. Comme l’écrit Hasso Hofmann, le temps des mots ne correspond pas à celui des institutions. Le langage a son épaisseur propre et est doté d’une relative inertie, ce qui implique potentiellement des continuités :
- 31 H. Hofmann, art. cité, p. 94.
Les structures sociales survivent aux structures constitutionnelles ; les structures linguistiques survivent cependant aux structures sociales. Les significations linguistiques ne sont certes pas absolument immuables, mais en tant que réalités héritées, elles ne sont pas non plus manipulables à souhait, et cela fait partie de l’autonomie relative de la langue.31
- 32 E. Laclau, La raison populiste [2005], J.-P. Ricard trad., Paris, Le Seuil, 2008.
- 33 Voir E. J. Hobsbawm et T. O. Ranger éd., L'invention de la tradition, C. Vivier trad., Paris, Amst (...)
14C’est d’ailleurs pour cette raison que si les mots fonctionnent dans une certaine mesure comme des signifiants auxquels peuvent correspondre des signifiés différents ou opposés, en fonction des associations qui les lient avec d’autres mots (les « chaînes d’équivalence » d’Ernesto Laclau32), les batailles politiques sur les mots ne se livrent jamais autour de signifiants qui seraient complètement vides. Les mots sont toujours chargés de sens préalables, à partir desquels se développent des continuités ou s’effectuent des ruptures. L’autonomie relative de la langue est sans doute la condition de possibilité de l’invention de traditions idéologiques ou théoriques33, qui s’effectuent cependant souvent au prix d’un travestissement conscient ou inconscient des sens antérieurs.
La république au XXIe siècle
15À l’issue de sa magistrale étude historique, Claudia Moatti nous invite implicitement à nous servir de celle-ci, et en particulier des deux modèles de res publica mis au jour, pour réinterroger les débats du XXIe siècle :
- 34 C. Moatti, op. cit., p. 411.
Ceux qui aujourd’hui définissent la res publica comme le gouvernement en vue du bien commun ne s’encombrent pas de ces distinctions, pas plus que les sénateurs de l’époque impériale ; or l’idéal est bien différent là encore selon que ce commun relève des citoyens ou de la cité ; selon qu’il est une notion surplombante ou en mouvement […]. La res publica, cela peut être l’un ou l’autre.34
- 35 C. Moatti et M. Riot-Sarcey éd., La République dans tous ses états : pour une histoire intellectue (...)
16L’autrice avait commencé à labourer ce champ en dirigeant, avec Michèle Riot-Sarcey, une historienne spécialiste du XIXe siècle, un ouvrage collectif analysant les sens controversés de la « république » depuis Rome jusqu’à nos jours35. Un travail qui reprendrait cette approche pour étudier systématiquement les sens de la chose publique et de la république au XXIe siècle excèderait de loin le cadre de cet article. Il est cependant possible de lancer quelques coups de sonde sur la façon dont ces mots sont aujourd’hui investis par les luttes politiques ou théoriques.
La perte de centralité du mot « république » au profit du mot « démocratie »
17La première chose qui saute aux yeux est que les mots hérités étymologiquement de la res publica ont largement perdu de leur centralité politique – mis à part quelques exceptions sur lesquelles nous reviendrons. Dans la plupart des pays européens ou américains, mais aussi africains et asiatiques, comme l’Afrique du Sud, l’Inde ou la Chine, les termes traduisant ceux de république, de chose publique, de domaine public ou de service public sont aujourd’hui principalement descriptifs et ne sont plus l’objet de controverses majeures. Le plus souvent, la république se différencie de la monarchie constitutionnelle : cela n’est pas totalement négligeable mais ne dit pas grand-chose sur les enjeux les plus brûlants. Pour ne prendre que quelques exemples, au siècle dernier, la fondation de l’URSS, des républiques turque et italienne, de la Seconde République espagnole, de la République fédérale allemande et de son alter ego « démocratique » à l’Est, ou encore des républiques chinoise et indienne furent chargées de sens. Ces républiques s’opposaient à des régimes monarchiques ou coloniaux, autoritaires ou totalitaires, qui s’étaient déconsidérés historiquement. Aujourd’hui, l’opposition de la république à la monarchie n’est saillante que dans quelques régions où des mouvements indépendantistes contestent des États régis par des monarques constitutionnels, comme en Catalogne, en Euskadi ou, dans une moindre mesure, en Wallonie. De même, pour prendre un exemple venant du Sud global, l’effacement progressif de la charge politique associée au mot « république » est notable en Inde. En 1949, le pays nouvellement indépendant proclamait dans le préambule de sa constitution :
- 36 Constitution de l’Inde, Préambule, en ligne : [https://www.legalserviceindia.com/legal/article-750 (...)
Nous, le peuple de l’Inde, ayant solennellement résolu de constituer l’Inde en une république souveraine, socialiste, séculière et démocratique, et d’assurer à tous ses citoyens : JUSTICE, sociale, économique et politique ; LIBERTÉ de pensée, d’expression, de croyance, de foi et de culte ; ÉGALITÉ de statut et d’opportunités ; et de promouvoir parmi eux tous la FRATERNITÉ assurant la dignité de l’individu et l'unité et l'intégrité de la Nation.36
- 37 Cette expression omniprésente est l’appellation officielle que proclame le régime chinois pour déc (...)
18Les références implicites aux déclarations des droits et aux constitutions étatsuniennes et françaises se mêlaient avec l’évocation du socialisme et de thèmes spécifiquement indiens (sur le sécularisme) pour donner une signification très forte au mot « république ». Celui-ci n’est plus mobilisé aujourd’hui, et les controverses se déroulent autour de la question démocratique, avec des oppositions sécularisme/communalisme, libéralisme/nationalisme, tradition/modernisme. De même, en Chine, les références à la République populaire qui donnaient en 1949 un sens fort à l’expression se sont effacées au profit de l’affirmation d’un « socialisme aux caractéristiques chinoises »37. Un peu partout, les qualificatifs controversés (socialiste, populaire, démocratique, fédérale) qui suivaient le mot « république » sont largement discrédités ou sont devenus des mots vidés de leur charge idéologique. La res publica n’est plus guère objet de controverses.
- 38 Voir P. Sanders, 21st Century Commons: A Critical Analysis, thèse de doctorat de science politique (...)
- 39 Voir P. Cossart, « Se référer au passé pour faire du communalisme une alternative émancipatrice », (...)
19De manière générale, c’est le terme de démocratie qui constitue désormais le centre des controverses et des débats sémantico-politiques sur le bon régime. La bataille autour du mot se joue le plus souvent par le biais des qualificatifs : démocraties libérales vs. illibérales, démocratie représentative vs. démocratie directe ou participative, nationale vs. postnationale ou multiculturelle, etc. Dans beaucoup de pays, même les termes de « communs »38 ou de « communalisme »39 sont plus chargés politiquement que celui de république.
La république dans la théorie politique contemporaine
20Il est cependant deux exceptions importantes à cet affadissement progressif : d’une part, la théorie politique et l’histoire des idées qui se proclament républicaines, majoritairement développées dans le monde anglo-saxon ; d’autre part, l’espace politico-intellectuel français. Elles méritent d’être analysées un peu plus dans le détail.
- 40 Voir L. Baggioni, art. cité.
- 41 H. Arendt, The Human Condition, Chicago, The University of Chicago Press, 1958 (trad. fr. Conditio (...)
- 42 J.G.A. Pocock, The Machiavellian Moment: Florentine Political Thought and the Atlantic Republican (...)
- 43 Voir B. Bailyn, The Ideological Origins of the American Revolution, Cambridge (Mass.), The Belknap (...)
21Du côté de la théorie politique et de l’histoire des idées, la constitution d’un courant républicain ou néo-républicain est le produit d’une convergence partielle entre plusieurs filons de recherche. Prenant ses racines dans les débats de la République de Weimar, l’étude d’Hans Baron sur l’humanisme civique florentin s’inscrivait dans la défense d’une république située à mi-chemin entre les périls du fascisme, du nazisme et du communisme40. Elle promouvait une citoyenneté active, rappelant l’éloge de la vita activa par Hannah Arendt41, mais aussi l’unité de la cité menée par une élite républicaine éclairée. À sa suite, John G. A. Pocock avança la thèse d’un « moment machiavélien », qui déplaçait le moment de la fondation d’une tradition républicaine moderne de Bruni à Machiavel42. Pocock restait cependant assez proche de Baron sur le plan du contenu conceptuel, et insistait lui aussi sur les références aristotéliciennes des penseurs florentins. L’une de ses innovations majeures était l’idée d’un « républicanisme atlantique » qui retrouvait plusieurs variantes de pensée républicaine dans des courants politico-intellectuels britanniques et étatsuniens. Il rejoignait ainsi des historiens des idées qui avaient démontré que, contrairement à la vulgate largement répandue dans la seconde moitié du XXe siècle, un pan important de la Révolution américaine s’écartait du libéralisme conservateur des Pères fondateurs et reposait sur une philosophie sensible à l’égalité et à la participation civique43.
- 44 Q. Skinner, The Foundations of Modern Political Thought: Vol. I: The Renaissance ; Vol. II: The Ag (...)
22Skinner s’inscrivit dans le prolongement de ces travaux en tentant d’établir les fondements complexes de la pensée politique moderne, l’un des deux piliers de celle-ci résidant dans le républicanisme néo-florentin, l’autre dans la Réforme44. Il rassembla autour de lui une équipe qui en vint à être désignée comme l’École de Cambridge d’histoire intellectuelle et qui s’attacha tout particulièrement à étudier les différents républicanismes de l’époque moderne. Skinner marqua une triple inflexion par rapport à ce qu’avaient proposé ses prédécesseurs. Du point de vue généalogique, il proposa de remonter aux dictatores médiévaux et, au-delà d’eux, à Cicéron et à Rome, pour penser la constitution d’une tradition républicaine. Par ailleurs, sur le plan méthodologique, il prit plus de précautions que Pocock dans l’invention de la tradition républicaine, restant davantage sensible aux contextes historiques. Si l’on suit Laurent Baggioni, Skinner procède par « instantanés », Pocock par « succession logique », ce qui n’est pas sans incidence dans le cadre d’une comparaison avec le livre de Claudia Moatti :
- 45 L. Baggioni, art. cité, p. 39.
[…] en résumant, on pourrait dire que Skinner tente d’élucider l’intention d’un auteur dans une œuvre spécifique, ce qu’il a voulu faire en l’écrivant, à la lumière de ce qu’il était possible d’écrire ou de penser à une époque déterminée. […] Pocock, pour sa part, tente de montrer comment un langage politique se réalise chez un penseur à un moment donné.45
- 46 J. Rawls, A Theory of Justice, Cambridge, The Belknap Press of Harvard University Press, 1971.
23Enfin, Skinner se prêta à un rapprochement avec les courants qui, en philosophie politique cette fois, s’attachaient à promouvoir une alternative au libéralisme. Dans les années 1970, la publication de l’œuvre maîtresse de John Rawls46 avait marqué un tournant décisif dans la pensée politique anglo-saxonne, mettant fin à des décennies d’hégémonie des théories utilitaristes. Elle présentait une version extrêmement sophistiquée de la théorie du contrat social pour proposer une nouvelle théorie de la justice. Cette version idéalisée des sociétés ouest-européennes et nord-américaines dans les décennies qui suivirent la Seconde Guerre mondiale défendait un libéralisme politique sensible à l’apport social-démocrate et aux mouvements pour les droits civiques et contre la guerre du Vietnam. Il tentait d’articuler étroitement liberté et égalité. À la suite de cette contribution majeure, les années 1980 furent marquées dans la théorie politique anglo-saxonne par un fort débat entre libéraux et communautariens, ces derniers reprochant à Rawls de baser la justification de ses principes de justice sur le raisonnement d’individus détachés de leur ancrage social et culturel. C’est lorsque la controverse libéraux/communautariens commença à s’épuiser que se constitua un courant autoproclamé « républicain », qui se différenciait de l’individualisme du libéralisme politique tout comme de l’insistance sur les communautés culturelles de ses adversaires. La république était pensée comme l’affirmation d’une puissance publique garantissant une liberté caractérisée comme absence de domination, plutôt que comme libre arbitre ou autogouvernement. Philip Pettit se différenciait aussi, du même coup, du socialisme, du féminisme ou d’autres courants radicaux. Quoique d’une profondeur philosophique bien moindre que celle de Rawls ou de philosophes communautariens, cette approche séduisit un nombre important de chercheurs, principalement dans le monde anglo-saxon, par un effet de conjoncture politique et grâce à la confluence avec le républicanisme de l’École de Cambridge. La quasi-coïncidence entre la publication du livre de Pettit, Republicanism: A Theory of Freedom and Government (1997), et d’un nouvel ouvrage de Skinner, Liberty before Liberalism (1998), cristallisa cette convergence.
- 47 Pour une approche systématique assez critique de ce néo-républicanisme, voir S. Audier, Les théori (...)
- 48 C. Moatti et M. Riot-Sarcey éd., op. cit. Voir en particulier l’introduction.
24Contrairement au libéralisme politique comme à ses adversaires communautariens, socialistes, féministes, libertaires, libertariens ou néoconservateurs, ce républicanisme théorique est largement insularisé par rapport aux controverses politiques du monde non universitaire, et ce trait s’est plutôt accentué au cours des années. Il s’agit donc d’un phénomène principalement académique. Par ailleurs, si l’on se concentre sur le cœur principal du courant néo-républicain47, une série de problèmes majeurs se posent. D’une part, s’il n’est pas en soi illégitime « d’inventer » une tradition à partir d’un idéal-type, il est crucial d’affirmer clairement le caractère constructiviste de cette invention, et de ne masquer ni les ruptures ni les conflits qui traversent l’histoire. De ce point de vue, les fortes critiques formulées dans l’ouvrage La République dans tous ses états48 touchent juste. D’autre part, cette tradition républicaine et la proposition d’un républicanisme théorique se placent dans une perspective très ethnocentrique. Elles ne prennent guère en compte le fait que les républiques étaient en même temps guerrières, conquérantes, coloniales et impériales. Cela revient en fin de compte à faire l’éloge d’une puissance publique conçue comme un club très exclusif. Aujourd’hui, le républicanisme théorique, centré sur l’État-nation, peine à prendre la mesure des effets sur la politique de la mondialisation et de l’émergence de problèmes écologiques menaçant l’humanité tout entière. Enfin, dans l’ordre intérieur, le républicanisme esquissé par Skinner ou Pettit relève davantage de la seconde matrice de la pensée de la res publica identifiée par Claudia Moatti, celle qui la conçoit comme l’affirmation d’une puissance publique permettant l’unité de la cité, bien plus que de la première matrice, radicale et mettant l’accent sur les luttes des groupes subalternes. Elle tend même à occulter ces conflits et l’existence d’une seconde matrice. Là encore, la critique esquissée par Claudia Moatti contre cet éloge du bien commun « par en haut » fait mouche.
L’exception française
- 49 Voir A. Singer, O lulismo em Crise. Um quebra-cabeça do período Dilma (2011-2016), São Paulo, Comp (...)
- 50 E. Macron, discours prononcé le 14 juin 2020. En ligne : [https://www.radiofrance.fr/franceinter/e (...)
- 51 M. Le Pen, discours prononcé le 2 mars 2021. En ligne : [https://www.europe1.fr/politique/ennemie- (...)
- 52 J.-L. Mélenchon, propos tenus lors de la perquisition du siège de La France insoumise en octobre 20 (...)
25La seconde exception majeure à la perte de centralité du vocabulaire de la république est constituée par la scène politico-intellectuelle française (et, quoique dans une moindre mesure, par son équivalent brésilien, où la thématique républicaine conserve une certaine force49). Dans le pays de Maximilien de Robespierre, de Georges Clemenceau et de Charles de Gaulle, la république est sur toutes les lèvres ou presque. Son sens est âprement discuté. La notion est centrale, analogue dans une certaine mesure à celle de « démocratie libérale » dans les pays ayant un gouvernement électif ou à celle de « socialisme aux caractéristiques chinoises » dans le pays de Xi Jinping. Elle est revendiquée par presque tous les courants politiques, de l’extrême-droite à l’extrême-gauche. Le président Emmanuel Macron peut déclarer que « la République n'effacera aucune trace » et qu’elle « ne déboulonnera pas de statues »50. Sa principale opposante, Marine Le Pen, peut pour sa part déclarer : « nous ne sommes pas des ennemis de la République, nous sommes les seuls protecteurs, aujourd'hui, de la République »51. Le leader de l’alliance des gauches, Jean-Luc Mélenchon, déclarait, quant à lui, quelques années plus tôt : « La République, c’est moi »52. Les symboles de la République française sont omniprésents, de la Marianne à la Marseillaise en passant par la place de la République, centre de bien des manifestations défendant des idées opposées.
- 53 S. Hessel, Indignez-vous !, Montpellier, Indigène éditions, 2010.
26Le « républicanisme atlantique », florentin et anglo-saxon, qui est au cœur du néo-républicanisme de la théorie politique et de l’École de Skinner, est presque totalement méconnu dans la politique hexagonale. Trois références historiques nationales dominent dans l’appel au passé. La Révolution française tout d’abord. Fortement évoquée lors du mouvement des Gilets jaunes, elle porte potentiellement une charge de subversion de l’ordre existant et de demande d’égalité radicale, même si elle est souvent réduite à des sens plus consensuels – avec l’évocation de la France comme patrie des droits de l’homme. La Résistance ensuite. Progressivement, celle-ci avait placé en son cœur la revendication d’une république démocratique et sociale, et cette signification fut explicitée dans la constitution de 1946. La constitution de la Ve République en reprendra les termes, sinon l’esprit. Il est cependant frappant que la référence à la Résistance se soit largement estompée dans le débat public et que le sens politique qu’elle portait ne soit plus guère exprimé par le terme de république. Même l’appel à l’indignation de l’ancien résistant Stéphane Hessel, qui eut un écho considérable, ne le mentionnait qu’une fois en passant53.
- 54 E. J. Hobsbawm, L’âge des extrêmes, histoire du court XXe siècle (1914-1991), Bruxelles-Paris, Com (...)
27La IVe République étant largement déconsidérée, c’est surtout la IIIe République qui constitue le point de référence historique le plus partagé. La res publica dont il est alors question se situe majoritairement du côté du second idéal-type proposé par Claudia Moatti. La République est tournée vers le bien commun, mais c’est sous l’égide de l’État, qui assume une mission éducative à l’intérieur et civilisatrice à l’extérieur, qui garantit la Nation contre la division, le tumulte – et contre le « communautarisme » religieux censé opposé à la laïcité. Depuis la chute du mur de Berlin et la fin du « court XXe siècle »54, et plus encore depuis les attentats terroristes du 11 septembre 2001 aux USA et de 2015 en France, le vocabulaire républicain a servi une rhétorique de plus en plus autoritaire et xénophobe. La « République laïque », réinterprétée dans une optique contraire à celle qui prédomina en 1905, tend à légitimer des politiques de discrimination envers la principale minorité religieuse en France. « L’ordre républicain » est opposé au « communautarisme » mais aussi aux manifestations considérées comme subversives d’une partie de la gauche radicale et des écologistes. Au cours de la dernière décennie, Jean-Luc Mélenchon et la France insoumise ont bien avancé le mot d’ordre d’une VIe république, opposée à cette république conservatrice, mais la crédibilité de cette perspective est sans doute minée en partie par une posture charismatique et césarienne qui fait osciller le sens de cette res publica entre les deux idéaux-types dégagés par Claudia Moatti.
Conclusion
- 55 M. Riot-Sarcey, Le Procès de la liberté : une histoire souterraine du XIXe siècle en France, Paris (...)
- 56 S. Hayat, 1848 : quand la République était révolutionnaire. Citoyenneté et représentation, Paris, (...)
28Pourquoi les prises de positions d’intellectuels qui, comme le directeur de Mediapart Edwy Plenel, opposent eux aussi une autre république à la république conservatrice tout en récusant le « populisme de gauche » de LFI sont-elles également restées très minoritaires ? Pourquoi la référence à la république démocratique et sociale ou à la république révolutionnaire de la Seconde République, portée par une historienne comme Michèle Riot-Sarcey55, proche de Claudia Moatti, ou par l’historien des idées et théoricien du politique Samuel Hayat56, ont-elles rencontré un véritable écho sur le plan du contenu sémantique tandis que le vocabulaire lui-même était comparativement beaucoup moins accrocheur dans le débat public ? Pourquoi le programme qui consisterait à rendre toute sa pertinence à la notion de « chose publique », c’est-à-dire à l’idée d’un espace commun, où les choses sont en partage, dans la pluralité, n’est-il pas défendu politiquement par des courants significatifs ? Il faudrait une recherche systématique et de grande ampleur pour répondre à ces questions. Contentons-nous d’une hypothèse : les courants politiques qui se rapprocheraient le plus du contenu sémantique du premier idéal-type de Claudia Moatti, en particulier dans la jeunesse, tendent à percevoir le mot de république comme par trop associé à la tradition historique d’un ordre étatique réprimant les tumultes des subalternes, et au présent d’un ordre républicain de plus en plus conservateur et xénophobe. Ils délaissent du coup le vocabulaire traditionnel de la res publica au profit d’autres termes, comme celui de la démocratie radicale ou du communalisme. D’une certaine manière, ils se situent en dehors de l’exceptionnalisme français que j’ai brièvement retracé.
29Peut-être cela révèle-t-il une limite tout à la fois conceptuelle, historique et sémantique à laquelle se heurtent les tentatives de redonner vie au vocabulaire de la république dans la perspective du premier idéal-type proposé par Claudia Moatti, celui du tumulte et de l’action des subalternes. Entre les Romains et nous, un terme nouveau s’est glissé, celui de l’État, dont la présence massive renvoie à une institution centrale dans les sociétés contemporaines. Depuis la constitution des États sociaux au cours du XXe siècle, ce vocabulaire porte un double sens, se référant à une entité à double face, sociale et émancipatrice par rapport aux puissances privées d’un côté, paternaliste, voire disciplinaire ou répressive par rapport aux comportements déviants ou aux mobilisations de la multitude de l’autre. La « République » est aujourd’hui difficilement séparable de « l’État républicain », dont la sémantique semble peu propice aux mobilisations des subalternes. Et lorsque la participation s’institue, sous des formes parfois domestiquées et parfois plus disruptives, elle porte le nom de « démocratie participative », mais jamais de « République participative » : les tentatives conceptuelles de coupler le tumulte et l’unité dans un idéal-type qui ferait la synthèse des deux pôles conceptualisés par Claudia Moatti utilisent rarement le vocabulaire républicain. Parce que les contextes historiques et les réalités politiques de l’Antiquité romaine et de nos sociétés contemporaines sont profondément différents, au-delà de certaines analogies, la république du conflit thématisée par Claudia Moatti doit se traduire dans d’autres mots que ceux employés par les Romains.
Notes
1 C. Moatti, Res publica. Une histoire romaine de la chose publique, Paris, Fayard, 2018.
2 A. Gramsci, Quaderni dal carcere, Turin, Einaudi, 1975.
3 A. de Tocqueville, De la démocratie en Amérique [1835-1840], 2 vol., Paris, Garnier-Flammarion, 1981.
4 Voir E. Ferrarese et S. Laugier éd., « Politique des formes de vie », dossier de la revue Raisons politiques, no 57, 2015.
5 H. F. Pitkin, The Concept of Representation [1967], Berkeley-Los Angeles-Londres, University of California Press, 1972, p. 8-10. Traduction de l’auteur.
6 C. Schmitt, Théorie de la constitution, L. Deroche trad., Paris, PUF, 1993.
7 C. Moatti, op. cit., p. 412.
8 Ibid., p. 11 et 22.
9 Q. Skinner, The Foundations of Modern Political Thought, 2 vol., Cambridge, Cambridge University Press, 1978 (trad. fr. Les fondements de la pensée politique moderne, J. Grossman et J.-Y. Pouilloux trad., Paris, Albin Michel, 2001), et plus largement la collection « Ideas in context » chez Cambridge University Press.
10 Voir R. Koselleck, Le futur passé. Contribution à la sémantique des temps passés, J. Hoock et M. C. Hoock trad., Paris, Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales, 2000, et plus largement la monumentale Geschichtliche Grundbegriffe: Historisches Lexikon zur politisch-sozialer Sprache in Deutschland, 8 vol., Stuttgart, Klett-Cotta, 1972-1997.
11 Voir en particulier P. Rosanvallon, Le sacre du citoyen. Histoire du suffrage universel en France, Paris, Gallimard, 1992 ; Id., Le peuple introuvable. Histoire de la représentation démocratique en France, Paris, Gallimard, 1998 ; Id., La démocratie inachevée. Histoire de la souveraineté du peuple en France, Paris, Gallimard, 2000.
12 En ligne : [https://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/mots/] (consulté le 11 août 2023).
13 W. B. Gallie, « Essentially contested concepts », Proceedings of the Aristotelian Society, vol. LVI, 1956, p. 167-198.
14 H. Hofmann, Repräsentation. Studien zur Wort- und Begriffsgeschichte von der Antike bis ins 19. Jahrhundert [1974], Berlin, Duncker & Humblot, 2003. Voir l’introduction à cet ouvrage : Id., « Le concept de représentation : un problème allemand ? », G. Pégny trad., Raisons politiques, no 50, 2013/2, p. 79-96.
15 En linguistique, une expression synsémantique est un mot-lien qui ne possède pas un sens en soi mais qui a une fonction relative de lien entre des mots porteurs de sens.
16 Le mot, d’origine scolastique, renvoie à un sens qui n’est donné que par les relations entretenues avec d’autres termes (mots, symboles), les unités n’étant pas totalisables.
17 H. Hofmann, « Le concept de représentation », art. cité, p. 94.
18 Voir le panorama dressé par C. Gaboriaux et A. Skornicki éd., Vers une histoire sociale des idées politiques, Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2017.
19 Voir Y. Sintomer, « La critique intellectuelle entre corporatisme de l’universel et espace public », dans Pierre Bourdieu. Théories et sens pratique, H.-P. Müller et Y. Sintomer éd., Paris, La Découverte, 2006, p. 207-222.
20 C. Moatti, op. cit., p. 21.
21 Q. Skinner, Liberty before Liberalism, Cambridge, Cambridge University Press, 1998 (trad. fr. La liberté avant le libéralisme, M. Zagha trad., Paris, Le Seuil, 1998).
22 P. Pettit, Republicanism: A Theory of Freedom and Government, Oxford, Oxford University Press, 1997 (trad. fr. Républicanisme. Une théorie de la liberté et du gouvernement, P. Savidan et J.-F. Spitz trad., Paris, Gallimard, 2004).
23 H. Baron, The Crisis of the Early Italian Renaissance: Civic Humanism and Republican Liberty in an Age of Classicism and Tyranny [1955], Princeton, Princeton University Press, 1966.
24 Voir, en particulier, les manifestes politiques de Leonardo Bruni rassemblés dans « Actualité de l’humanisme civique », dossier de la revue Raisons politiques, no 36, 2009.
25 Voir sur ce point J. Hankins éd., Renaissance Civic Humanism. Reappraisals and Reflections, Cambridge, Cambridge University Press, 2000. Pour un panorama global, voir L. Baggioni, « Leonardo Bruni dans la tradition républicaine », Raisons politiques, no 36, 2009, p. 25-43.
26 Voir Y. Sintomer et J. Gauthier, « Les types purs de la domination légitime : forces et limites d’une trilogie », Sociologie, vol. V, 2014/3, p. 319-333.
27 C. Moatti, op. cit., p. 402-403.
28 H. Hofmann, « Le concept de représentation », art. cité, p. 94-95.
29 Voir par exemple M. Weber, La domination, I. Kalinowski trad., Y. Sintomer éd., Paris, La Découverte, 2013.
30 B. Cassin, Le vocabulaire des philosophies européennes. Dictionnaire des intraduisibles, Paris, Le Seuil, 2004 ; O. Christin éd., Dictionnaire des concepts nomades en sciences humaines, Paris, Métaillié, 2010.
31 H. Hofmann, art. cité, p. 94.
32 E. Laclau, La raison populiste [2005], J.-P. Ricard trad., Paris, Le Seuil, 2008.
33 Voir E. J. Hobsbawm et T. O. Ranger éd., L'invention de la tradition, C. Vivier trad., Paris, Amsterdam, 2006.
34 C. Moatti, op. cit., p. 411.
35 C. Moatti et M. Riot-Sarcey éd., La République dans tous ses états : pour une histoire intellectuelle de la république en Europe, Paris, Payot, 2009.
36 Constitution de l’Inde, Préambule, en ligne : [https://www.legalserviceindia.com/legal/article-750-preamble-to-the-indian-constitution.html#] (consulté le 11 août 2023 ; traduction de l’auteur).
37 Cette expression omniprésente est l’appellation officielle que proclame le régime chinois pour décrire la société qu’il dirige actuellement.
38 Voir P. Sanders, 21st Century Commons: A Critical Analysis, thèse de doctorat de science politique, Université de Paris 8 Vincennes – Saint-Denis, 2022 ; P. Dardot et C. Laval, Commun. Essai sur la révolution au XXe siècle, Paris, La Découverte, 2014.
39 Voir P. Cossart, « Se référer au passé pour faire du communalisme une alternative émancipatrice », Terrains/Théories, 13, 2021. En ligne : [https://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/teth/3300] (consulté le 11 août 2023).
40 Voir L. Baggioni, art. cité.
41 H. Arendt, The Human Condition, Chicago, The University of Chicago Press, 1958 (trad. fr. Condition de l’homme moderne, G. Fradier trad., Paris, Calmann-Lévy, 1961).
42 J.G.A. Pocock, The Machiavellian Moment: Florentine Political Thought and the Atlantic Republican Tradition, Princeton, Princeton University Press, 1975 (trad. fr. Le moment machiavélien : la pensée politique florentine et la tradition républicaine atlantique, L. Borot trad., J.-F. Spitz préf., Paris, PUF, 1997).
43 Voir B. Bailyn, The Ideological Origins of the American Revolution, Cambridge (Mass.), The Belknap Press of Harvard University Press, 1968 ; G. Wood, The Creation of the American Republic, 1776-1787, Chapel Hill, The University of North Carolina Press, 1969.
44 Q. Skinner, The Foundations of Modern Political Thought: Vol. I: The Renaissance ; Vol. II: The Age of Reformation, Cambridge, Cambridge University Press, 1978.
45 L. Baggioni, art. cité, p. 39.
46 J. Rawls, A Theory of Justice, Cambridge, The Belknap Press of Harvard University Press, 1971.
47 Pour une approche systématique assez critique de ce néo-républicanisme, voir S. Audier, Les théories de la république, Paris, La Découverte, 2015. En France, l’un des principaux auteurs républicains, Jean-Fabien Spitz, a pour sa part progressivement radicalisé son propos. Voir J.-F. Spitz, La République ? Quelles valeurs ? Essai sur un nouvel intégrisme politique, Paris, Gallimard, 2022.
48 C. Moatti et M. Riot-Sarcey éd., op. cit. Voir en particulier l’introduction.
49 Voir A. Singer, O lulismo em Crise. Um quebra-cabeça do período Dilma (2011-2016), São Paulo, Companhia das Letras, 2018.
50 E. Macron, discours prononcé le 14 juin 2020. En ligne : [https://www.radiofrance.fr/franceinter/emmanuel-macron-la-republique-n-effacera-aucune-trace-et-elle-ne-deboulonnera-pas-de-statues-6197582] (consulté le 11 août 2023).
51 M. Le Pen, discours prononcé le 2 mars 2021. En ligne : [https://www.europe1.fr/politique/ennemie-de-la-republique-le-pen-fustige-largument-de-feignasse-de-castaner-4028597] (consulté le 11 août 2023).
52 J.-L. Mélenchon, propos tenus lors de la perquisition du siège de La France insoumise en octobre 2018. En ligne : [https://www.francetvinfo.fr/politique/la-france-insoumise/recit-la-republique-c-est-moi-retour-sur-la-perquisition-du-siege-de-la-france-insoumise-qui-vaut-un-proces-a-jean-luc-melenchon_3619991.html] (consulté le 11 août 2023).
53 S. Hessel, Indignez-vous !, Montpellier, Indigène éditions, 2010.
54 E. J. Hobsbawm, L’âge des extrêmes, histoire du court XXe siècle (1914-1991), Bruxelles-Paris, Complexe-Le Monde diplomatique, 1999.
55 M. Riot-Sarcey, Le Procès de la liberté : une histoire souterraine du XIXe siècle en France, Paris, La Découverte, 2016.
56 S. Hayat, 1848 : quand la République était révolutionnaire. Citoyenneté et représentation, Paris, Le Seuil, 2014.
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Référence électronique
Yves Sintomer, « De la république : la méthode, le mot et le concept vus du XXIe siècle », Astérion [En ligne], 29 | 2023, mis en ligne le 31 décembre 2023, consulté le 19 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/asterion/10378 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/asterion.10378
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