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Dossier

Res publica. Étude et réception d’une constellation

Res publica: a study of “constellations” throughout history
Virginie Hollard et Romain Meltz

Résumés

Comment, en se basant sur l’ouvrage de Claudia Moatti Res publica. Histoire romaine de la chose publique, dessiner les contours de ce que serait une science historique de l’antiquité qui isole, pour s’en prémunir, les représentations politiques qui nous lient à Rome ? On cherche ici à étudier les concepts politiques antiques en plaçant au premier plan les questions de la langue et l’anthropologie des pratiques qu’on essaie de deviner en toile de fond. Ce dossier cherche donc à prolonger l’ouvrage de Claudia Moatti en reprenant l’étude de la Res publica afin de suivre aussi la réception qu’en a fait la postérité.

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Texte intégral

  • 1 C. Moatti, Res publica. Histoire romaine de la chose publique, Paris, Fayard, 2018.
  • 2 Il ne s’agit évidemment pas de faire ici l’historiographie de la réflexion moderne sur la notion d (...)
  • 3 M. Kaluszynski, « À qui appartient la république ? Objets disciplinaires, objets disciplinés. De l (...)

1Il n’y a pas lieu de s’étonner que dans un XXIe siècle déjà bien entamé, on mobilise des spécialistes aussi exigeants que ceux que réunit ce dossier pour reprendre une question en apparence aussi travaillée que celle de la res publica romaine (avant et après l’arrivée au pouvoir du princeps Auguste en 27 avant J.-C.). C’est que l’approche que nous avons eue, tout en se voulant naïve, devait être solidement arrimée : traduire en questions concrètes, pour l’interroger, la filiation en forme de recouvrement qui existe entre res publica et République ; et poser ces questions en ayant toujours en tête que pour y voir plus clair elles devraient se poser en latin. C’est évidemment le livre de Claudia Moatti, paru en 20181, qui a donné l’impulsion initiale, puis l’heureuse occasion de rassembler les textes que l’on va lire2. C’est à l’occasion d’un colloque qui s’est tenu du 21 au 23 novembre 2021 à Lyon que les premiers échanges ont pu avoir lieu. Le programme est vaste, mais fort heureusement, de périodes sans avancées notables jusqu’à celles où vient le temps des moissons (au moins partielles), le travail n’a jamais vraiment cessé. Il continue encore aujourd’hui et l’on plaide ici aussi pour que l’étape qu’on va lire ne soit pas une fin mais plutôt un rebond. Si tel était le cas, peut-être cette étape permettrait-elle de sortir l’étude de la République de ces « objets intouchables » c’est-à-dire des « objets considérés comme appartenant à une discipline et à une seule »3.

  • 4 A. Allély, La déclaration d’hostis sous la République romaine, Bordeaux, Ausonius, 2012, p. 54.
  • 5 « Mais à maintes reprises, dans cette République, des particuliers même ont puni de mort des citoy (...)
  • 6 Tite-Live, Histoire romaine, XLIV, 22, 13 : « C’est pourquoi, s’il est quelqu’un qui s’assure d’êt (...)
  • 7 « […] la supplication qu’ils auraient dû voter en son absence, au reçu de la lettre les informant (...)

2De manière un peu espiègle, on pourrait dire qu’il s’est agi ici de tester la résistance des thèses de Claudia Moatti en allongeant l’empan historique par rapport à celui qui est principalement le sien dans son ouvrage et/ou en précisant les détails antiques de là où peut se nicher une res publica. En effet, si par exemple, on réfléchit avec Annie Allély sur ce que veut dire être « hostis » dans la République4, on est amené à rencontrer cette apostrophe de Cicéron dans les Catilinaires : « At persaepe etiam privati [des particuliers] in hac re publica dans cette République] perniciosos cives morte multarunt »5. Mais sait-on à quelle République pense l’auteur ? Quand Tite-Live rend compte du discours de Paul Émile à l’assemblée du peuple et qu’il lui fait dire « […] itaque si quis est, qui, quod e re publica sit, suadere se mihi in eo bello, quod gesturus sum, confidat, is ne deneget operam rei publicae [qu’il ne refuse pas ses services à l’État] »6, pourquoi la traduction par « État » s’impose-t-elle ? Et pourquoi ailleurs chez le même auteur (42, 9, 6) – « supplicationemque, quam absente se ex litteris de bene gesta re publica missis decernere debuerint »7 –, la République n’est-elle pas présente dans la traduction ?

  • 8 « Ce fut, en effet, le premier roi qui rompit avec la tradition de ses devanciers de tout soumettr (...)
  • 9 « Les ouvrages en langues anciennes ne parlent vraiment d’eux-mêmes que dans leur langue bien comp (...)

3Enfin, se pose une dernière question. Dans Tite-Live, au livre I, chapitre 49 (soit I, 49, 7), Tarquin le Superbe est décrit ainsi : « Hic enim regum primus traditum a prioribus morem de omnibus senatum consulendi soluit ; domesticis consiliis rem publicam [les affaires publiques] administrauit ; bellum, pacem, foedera, societates »8. Pourquoi, tout à coup, la res publica est-elle devenue une liste de tâches d’un État « souverain » (pourrait-on dire aujourd’hui) ? Les mots du latin pour dire la politique romaine ont été incroyablement négligés jusqu’à aujourd’hui, et pourtant, il y a tant à faire dans ce domaine9.

  • 10 Ce n’est pas le seul manque de définition d’un terme important : « La notion de liberté n’a toutef (...)

4Résumé brutalement, le livre de Claudia Moatti a comme apport évident la tentative de penser relationnellement les termes qui gravitent autour de la question de l’existence et des structures de l’espace public. Dès qu’il est possible de le faire, le texte identifie des usages de la res publica − et les constellations qui vont avec. Sans définition de res publica10, il faut trouver dans les phrases, formulaires, associations de mots, de quoi nous orienter. Que nous indiquera, par exemple, l’association de res publica avec libertas ? Que veut dire le civitas qui la remplace parfois ?

  • 11 Ibid., p. 308.
  • 12 Loccit.

5D’une façon générale, que voit-on de la res publica quand on observe qu’elle ne s’associe pas aux mêmes termes ? Claudia Moatti écrit : « De fait, avec le principat, res publica change de constellation : elle n’est plus liée à ius et à libertas, mais à felicitas, securitas, pax ; son administration n’est pas à la charge du peuple ou des magistrats, elle est le fait du prince entouré d’experts, d’amis et de subalternes »11. Dans le texte qu’on lira ici, l’auteur prolonge : « […] res publica ne signifie pas la même chose quand elle est reliée à ius et libertas, ou, comme c’est le cas à partir du IIe-IIIe siècles, quand elle est reliée à imperium, genus humanum, mundus, ou encore à fiscus »12.

6Le programme est vaste mais la direction est claire. Nous voudrions faire une sorte de retour en arrière pour réfléchir à ce qui justifie et incite à procéder à une telle enquête. Nous pouvons le faire en partant de ces micro-alertes que font sonner les questions de vocabulaire et de traduction vues plus haut. Mais ce qui importe est d’entreprendre de penser la question de la sphère publique suivant une autre démarche qui donne explicitement ses axes et ses questionnements.

Les catégories du passé

  • 13 Par exemple l’article d’A. Grandazzi, « Auguste et l’invention de l’urbanisme mémoriel », dans L’e (...)
  • 14 Dans un message sur le réseau de micro-blogging Twitter (aujourd’hui X), Jean-Luc Mélenchon poste (...)
  • 15 M. Gosman, « Alain Chartier, le mythe romain et le pouvoir royal français », dans Entre fiction et (...)
  • 16 Ibid., p. 175.

7Il y a une forme d’autoréférence injustifiée à considérer que notre époque peut servir à un étalonnage du rapport que toutes les sociétés ont eu avec leur passé. Après tout, le Principat aussi a eu un passé et une « politique mémorielle »13. Mais, outre que le nôtre en diffère – c’est une lapalissade – par la somme des passés où il peut tirer ses références, il s’en sépare aussi par le fait qu’existent chez nous des catégories socio-professionnelles entièrement dédiées à la recherche d’informations sur le passé (archéologues d’État ou des collectivités territoriales, universitaires, historiens amateurs ou journalistes, enseignants du secondaire, etc.) qui produisent des effets sur la masse de connaissances que la « population » possède et qu’elle est capable de recevoir et de traiter14. À l’inverse de notre façon contemporaine (qu’il faudrait définir plus précisément bien entendu) de traiter nos passés, Martin Gosman montre combien la place que prend l’Antiquité à la période médiévale n’est pas comparable à celle que nous forgeons depuis le XIXe siècle en Europe – et peut-être particulièrement en France. Au Moyen Âge en effet : « Le passé ne se concrétise pas facilement : il n’est que le produit de rencontres plus ou moins fortuites avec une documentation relativement pauvre. Jusqu’au XVe siècle, le passé […] n’est pas vraiment marqué par des jalons identifiables en tant que tels »15. L’auteur poursuit sa lecture des textes d’Alain Chartier, poète et secrétaire politique du XVe siècle, en montrant comment la mobilisation des catégories, acteurs, témoins du passé, ne peut être analysée qu’en référence avec ce qui est su, pensé, mobilisable à propos d’une période qui fournit les comparants : « Alain Chartier ne sait pas ce qu’était exactement cette res publica “romaine”. Ce ne sera que dans les siècles à venir qu’on s’en rendra compte. Ce que, par contre, il sait fort bien, c’est que les vertus de la “république” romaine peuvent faire le bonheur d’une royauté française »16.

  • 17 Ibid., p. 163.
  • 18 Voir, dans ce numéro, M. Coudry, « Le Sénat romain de la République : les mots du vote ».
  • 19 Voir plus bas, note 32.
  • 20 Voir, dans ce numéro, E. I. Mineo, « Peuple et république à l’aube de l’humanisme : sur l’inconsci (...)

8Si l’on peut discuter la thèse de Martin Gosman et le fait que « les siècles à venir aient su rendre compte de ce qu’était la res publica », le fait même de la parution de ce dossier montre que le sujet n’est pas clos. Il serait sans doute présomptueux de penser que l’on puisse apporter un élément réellement nouveau à la réflexion sur le passage de la République à l’Empire. Mais il est probable que cette coupure qui fait partie de notre passé n’ait pas fait partie d’autres passés. Martin Gosman rappelle que « l’auteur médiéval [toujours Alain Chartier] ne fournit […] jamais un descriptif adéquat (assuré par des adjectifs, adverbes, compléments circonstanciels, etc.) permettant de circonscrire de façon tant soit peu précise ces comparants ». Il ajoute : « L’information [fournie par les auteurs médiévaux] est d’ailleurs tellement fragmentée et incohérente qu’on a tendance à confondre la Rome républicaine et la Rome impériale et à attribuer à l’une les caractéristiques de l’autre »17. De façon parallèle, Marianne Coudry, dans l’article qu’on lira dans ce dossier, montre combien, du point de vue du déroulement d’une séance du Sénat, la coupure République/Empire apparaît comme totalement insignifiante pour certains des auteurs qu’elle mobilise : « […] certaines séances du règne de Tibère sont décrites par Tacite exactement comme celles de la République, et la même chose s’observe pour le règne de Trajan, comme on le voit dans la correspondance de Pline le Jeune »18. On voit bien combien les bornes du passé, ce que l’on pourrait appeler, en déplaçant légèrement le sens des termes de Claude Lévi-Strauss, les « écarts significatifs »19, ne font pas systématiquement foi. N’est-ce pas d’ailleurs ce qu’E. Igor Mineo, qu’on lira également dans ce dossier, repère dans l’œuvre de Leonardo Bruni ? Notamment lorsqu’il écrit : « “République” et “Empire” ne sont pas les termes adéquats pour la dichotomie temporelle de Bruni, qui, dans les deux ouvrages fondamentaux sur ces sujets, la Laudatio florentinae urbis et les Historiae florentini populi, ne montre aucune intention de modifier la signification conventionnelle de “res publica” (comme nom générique de n’importe quel type de communauté politique) »20.

  • 21 Montesquieu, De l’esprit des lois. I [1748], Paris, Gallimard, 1995, p. 97.
  • 22 Flora Champy – dans ce numéro – revient plus précisément que nous ne le faisons ici sur les différ (...)
  • 23 Pour la totalité du texte de Rousseau, voir la contribution de Flora Champy.
  • 24 J.-J. Rousseau, Du contrat social, Paris, Union générale d’éditions, 1973, chap. VI (« De la loi » (...)

9Puisque les bornes significatives des passés semblent se déplacer en fonction des regards portés par les présents, on est en droit de se demander si les questionnements ne sont pas aussi – dans une perspective synchronique – différents d’un espace géographico-culturel à l’autre. Pour ce qui nous intéresse plus précisément ici, la question est de savoir dans quelle mesure un questionnement comme celui de la place de la res publica dans la République est un débat spécifiquement francophone. On pourrait donc se demander – en prolongeant une remarque de Yves Sintomer dans ce numéro – s’il y a, dans cet intérêt « français » pour ce qui est et ce qui n’est pas la République, un écho aux réflexions que portaient Montesquieu et Rousseau sur la République. Montesquieu lui a donné la première place dans les types de gouvernements qu’il a distingués : « […] le gouvernement républicain est celui où le peuple en corps ou seulement une partie du corps a la souveraine puissance »21. Rousseau utilise plus volontiers la notion de gouvernement ou d’État que celle de République, mais il place celle-ci au fondement de la légitimité22 : « J’appelle donc République tout État régi par des lois, sous quelque forme d’administration que ce puisse être : car alors seulement l’intérêt public gouverne, et la chose publique est quelque chose. Tout gouvernement légitime est républicain23 : j’expliquerai ci-après ce que c’est que ce gouvernement »24.

10L’intérêt scientifique qui nous anime dans ce dossier pour « la République » (cette si glorieuse catégorie politique de l’entendement politique) ne peut pas ne pas reconnaître qu’il s’exerce à un moment spécifique et dans un espace politique donné. Cette reconnaissance une fois faite, il faut utiliser tout ce qu’offre la multiplicité des discours sur la République et des acteurs de son temps pour saisir tous les écarts significatifs que nous découvrons dans nos sources. Mais tout comme nous devrions être attentifs à la spécificité du rapport que notre présent entretient avec ce passé (qui a aussi le nom de République sur les lèvres – ou en tout cas sur du papier), nous serons également en éveil face à la genèse des concepts que nous manipulons pour comprendre ce qu’il s’est passé, avant.

Tenter de « penser entre les langues »

11Il faut dire quelques mots des difficultés spécifiques qu’il y a à faire de l’histoire sur une période suffisamment éloignée pour que la langue qui y était utilisée ne soit plus celle de personne, alors que par ailleurs elle était socialement si présente il y a encore soixante-dix ans chez nous. Le lien le plus manifeste entre le français d’aujourd’hui et le latin d’hier est donc devenu celui de l’étymologie. Son utilisation est sans doute beaucoup moins évidente qu’on ne le croit souvent.

  • 25 Ainsi, un exemple parmi tant d’autres : « L’assemblée du peuple est identique à l’armée. Elle n’in (...)

12Il est probable que dans bien des cas l’historien (mais pas seulement lui) va un peu vite quand il assoit une démonstration qui lui importe sur une parenté entre le sens étymologique et le sens qu’il suppose du terme dont il faudrait reconnaître qu’il fait en partie mystère25.

  • 26 M. Marion, Ludwig Wittgenstein. Introduction au « Tractatus logico philosophicus », Paris, PUF, 20 (...)

13Dans le texte qui ouvre ces contributions, Claudia Moatti donne à lire sa réflexion sur la question. Nous nous reconnaissons dans cette remarque de Mathieu Marion en estimant que ce qui fonctionne pour aider à résoudre les « problèmes philosophiques » fonctionne aussi pour ceux en histoire : « C’est l’idée selon laquelle une bonne compréhension de la “logique de notre langage” nous permet d’aborder de façon tangible les problèmes philosophiques et de les résoudre »26.

  • 27 O. Kharkhordin, « Why res publica is not a state: The stoic grammar and disruptive practices in Ci (...)

14Pour donner un exemple des éléments essentiels de cette pratique réflexive de la langue qu’il faut mettre en œuvre pour tenter de clarifier le rapport au passé, nous pouvons évoquer la prise de conscience que doit faire le lecteur de la coexistence de moments de lecture obscurs avec des moments plus évidents. Ceci est facilité par le fait que les différentes langues contemporaines par lesquelles se pratique l’histoire antique n’ont pas uniformément repris dans leur propre vocabulaire les calques de l’Antiquité. « Il est fréquent de trouver des références au fait qu’un individu puisse tenere rem publica (tenir la République) ou qu’il puisse la conquérir (capere) ou qu’il se livre à des occupations qui ne demandent pas de traduction en anglais : occupare, recipere, recuperare »27, fait remarquer avec justesse Oleg Kharkhordin, rappelant ainsi que bien des mots en latin semblent n’avoir pas besoin de traduction en anglais. On pourrait tenter une sociologie des calques du latin et commencer par se demander comment un Allemand lira le suffragium livien par rapport à un Français qui possède dans sa langue un « suffrage » ?

Dire adieu aux catégories faussement comparatives

  • 28 P. Veyne, « Foucault révolutionne l’histoire », dans Id., Comment on écrit l’histoire. Essai d’épi (...)
  • 29 Selon la jolie formule de Roman Bertrand, Dipesh Chakrabarty, dans Provincialiser l’Europe, a été (...)
  • 30 « Une fois que l’on a renoncé aux catégories anachroniques et ethnocentriques faussement universel (...)
  • 31 Dans son article pour ce numéro (« De la république : la méthode, le mot et le concept vus du XXIe(...)

15Il faut poser une méfiance par défaut à propos de l’utilisation plus ou moins explicite des grandes généralités, alors même que l’on cherche à clarifier d’autres grandes généralités. Paul Veyne a insisté sur l’aporie de toute utilisation des catégories transhistoriques – et, à la suite de son texte, toute tentation d’y recourir aurait dû être expédiée ad patres. Il a écrit : « Juger les gens sur leurs actes, c’est ne pas les juger sur leurs idéologies ; c’est aussi ne pas les juger sur de grandes notions éternelles, les gouvernés, l’État, la liberté, l’essence de la politique, qui banalisent et rendent anachronique l’originalité des pratiques successives. Si j’ai le malheur de dire, en effet : “face à l’empereur, il y avait les gouvernés”, quand je constaterai qu’à ces gouvernés l’empereur donnait du pain et des gladiateurs et que je me demanderai pourquoi, j’en conclurai que c’était pour une raison non moins éternelle : se faire obéir, ou dépolitiser, ou se faire aimer »28. S’il nous faut malgré tout un peu d’anthropologie de la pratique politique humaine (après avoir renoncé à forger un concept nouveau pour chaque phrase rendant compte de la politique des temps anciens), ce ne sera en tout cas pas par le biais de ces catégories qui n’ont que l’apparence de la surplombance historique, comme l’a rappelé (dans un texte qui suit une des idées fortes de l’analyse de Dipesh Chakrabarty29) Florence Dupont30. Ces catégories faussement opératoires offrent des perspectives d’analyse qui ne sont généralement que trompeuses ; elles finissent par faire le malheur de l’historien-sociologue tant elles viennent sournoisement à propos à sa rescousse dans les périodes où il doit absolument rédiger et où elles se présentent à son esprit, belles et adéquates, au dernier moment, dans leur définition immédiate et en réalité jamais questionnée31.

  • 32 C. Lévi-Strauss, Anthropologie structurale, Paris, Plon, 1958, p. 325.
  • 33 P. Clastres, Chronique des Indiens Guayaki [1972], Paris, Pocket, 2001.
  • 34 H. Wismann, Penser entre les langues, Paris, Albin Michel, 2012. On lira aussi la remarquable crit (...)

16Reprenons ici la définition de la culture qu’a proposée Claude Lévi-Strauss, cet « ensemble ethnographique qui, du point de vue de l’enquête, présente, par rapport à d’autres, des écarts significatifs »32. Rome devrait compter comme un de ces ensembles ethnographiques presque inatteignables, un territoire sans doute autant à l’écart sinon plus que ne le sont les Indiens Nambikwara du Mato Grosso de Lévi-Strauss ou les Guayaki de Pierre Clastres. Plus peut-être : contrairement aux anthropologues, les historiens de l’Antiquité ne peuvent se mêler un an à la vie quotidienne d’une cité romaine pour tenter d’en pénétrer les us et coutumes comme Clastres l’a fait avant d’écrire ses chroniques33. La recension des écarts de la Rome politique avec notre civilisation est donc un work in progress qui doit se débattre avec la tentation si prégnante de penser que la filiation est la garante d’une proximité. Certes, mettre en question cette filiation ne suffit pas. Rappeler que notre pratique du « suffrage » n’a aucun rapport avec celle du suffragium de Cicéron, comme rappeler que notre « candidat » ne fait rien comme le candidatus romain, ne permettent pas de saisir ce qu’est la civitas sine suffragio (« citoyenneté sans vote »). La recension des écarts significatifs ne donne jamais d’elle-même le sens des termes du latin. Toutes les recensions (déjà très difficiles et incertaines) des « suffraiges » du Moyen Âge ne donneront jamais le sens du suffragium latin. Mais elles permettent en tout cas de rappeler que nous ne pouvons progresser qu’en faisant ce que Heinz Wismann a proposé que l’on fasse : « Penser entre les langues »34. Autrement dit, poser aussi que ce serait une regrettable erreur de croire que nous pouvons utiliser comme lieu sûr le sens contemporain des termes français qui sont nés de ceux du latin : liberté (et libertés), suffrage, république, majorité, peuple, parmi d’autres. Penser entre les langues, donc, c’est l’obligation inconfortable de se rappeler que l’on ne peut que se méfier de chacune des langues avec lesquelles le travail de recherche se fait, c’est-à-dire, quand il faut définir le mot de cette grande catégorie politique, se poser à une égale distance de la res publica romaine et de nos diverses Républiques depuis, pas seulement celle de 1958.

Comment survivent les catégories du classement des activités sociales ?

17Nous reposons la question à propos de la res publica, mais elle se pose sur d’autres thèmes.

  • 35 J. Scheid, La religion des Romains, Paris, Armand Colin, 2019, p. 30.
  • 36 Y. Berthelet, Gouverner avec les dieux. Autorité, auspices et pouvoir sous la République romaine e (...)
  • 37 Voir, dans ce numéro, C. Badel, « Les banquets publics sous la République romaine : des banquets p (...)

18John Scheid a mis en garde contre les erreurs de traduction : « Beaucoup de termes latins sont traîtres, car les notions qu’ils recouvrent ne sont pas les mêmes que celles auxquelles ils renvoient dans les langues modernes »35. À sa suite, Yann Berthelet, dans son ouvrage sur la place des augures dans la politique romaine, rappelle dans une brève note de bas de page la difficulté pour le moderne de saisir les sens divers que prennent les catégories de classement tant qu’elles agissent. Commençant par rappeler que la notion d’auctoritas « nous force en effet par son caractère transversal à nous affranchir de nos catégories habituelles », l’auteur ajoute immédiatement que l’opposition « “auctoritas/potestas” de la Rome antique diffère non seulement du binôme “politique/religieux”, mais aussi, malgré l’homonymie et d’indéniables continuités, du binôme “auctoritas/potestas” médiéval »36. Un des aspects les plus intéressants de l’article qu’on lira de Christophe Badel sur la pratique du banquet à Rome est qu’il rappelle la difficulté à penser le couple religion/politique en utilisant nos catégories et les associations d’idées qu’elles engendrent « naturellement ». Le fait romain de profanare en rendant au peuple une nourriture sacrée serait pour nous à la fois politique et religieux. Christophe Badel écrit : « Le domaine du sacré renvoyait à la propriété des dieux, mais les aliments consommés lors du banquet sacrificiel ne leur appartenaient plus, car le rituel de la profanatio les avait rendus à la propriété des hommes »37.

  • 38 C. Moatti, op. cit., p. 391, n. 1.
  • 39 Cicéron, De divinatione, II, 149 : « ut religio propaganda etiam est, quae est iuncta cum cognitio (...)
  • 40 Tite-Live, Histoire romaine, I, 45, 7.
  • 41 G. Baillet trad., Paris, Les Belles Lettres, 2003.
  • 42 L’ouvrage de Claudia Moatti rappelle plusieurs fois l’importance de la religio. Outre la note 31, (...)
  • 43 Voir, dans ce numéro, J.-L. Fournel, « Des crises sémantiques comme crises politiques : à propos d (...)
  • 44 Pour le passionnant résultat d’un colloque déjà un peu ancien, qui s’ouvre d’ailleurs sur un artic (...)
  • 45 Ibid.
  • 46 Y. Sassier, Royauté et idéologie au Moyen Âge. Bas-empire, monde franc, France (IVe-XIIe siècle), (...)
  • 47 M. Gosman, art. cité, p. 167.

19À travers la question des banquets, nous avons donc la possibilité d’interroger la validité heuristique du couple religion/politique, et de souligner qu’il n’existe pas à Rome sous la forme qu’on lui connaît, pour la raison simple que la religio n’est pas la religion et que ce que l’on entend par « vie politique » en français n’a pas d’équivalent latin. Il apparaît donc que le problème n’est pas que toute la politique soit religieuse ou que la religion soit politique à Rome (même si la remarque de Claudia Moatti sur le fait que « la définition par Cicéron du ius publicum comme ce qui est composé des rites, prêtres et magistrats confirme ce lien étroit entre res publica et religio »38, reste vraie), mais que les catégories de l’entendement ne sont pas les mêmes. Ainsi, quand Cicéron exige que « de même qu’il faut aller jusqu’à propager la religion, qui est liée à la connaissance de la nature, de même il faut arracher toutes les racines de la superstition »39 (dans un texte qui se place, certes, dans le cadre d’une discussion privée), il écrit bien « ut religio »… Mais Tite-Live écrivant « religione tactus hospes qui omnia, ut prodigio responderet euentus, cuperet rite facta »40, cela est pourtant traduit par : « Pris de scrupule et décidé à faire tout en règle pour mener le prodige à bonne fin […] »41. Comment penser que la religio antique est notre religion si on peut la traduire à la fois par « religion » et par « scrupule »42 ? La question de la religio à Rome n’est qu’un exemple de la permanence d’un mot qui semble perdurer suffisamment pour voir ses sens se modifier. « […] les sens et les référents varient même si les signifiants restent les mêmes », dit exactement Jean-Louis Fournel dans ce numéro43. Et, incidemment, l’article de Christophe Badel nous permet également une mise à distance de la bipartition public/privé, repensée par le biais, au départ, d’une lecture serrée du vocabulaire latin du « banquet » (epulum, cena, convivium, etc.) pour finalement éclairer la (non)pertinence de l’opposition dans le cas de la République puis du principat d’Auguste. Cela fait longtemps que l’historiographie a montré la difficulté d’utiliser cette partition, opératoire chez nous, pour l’appliquer à l’Antiquité44, mais Christophe Badel propose de repenser la division public/privé non pas en termes de relecture des frontières entre les deux (quelle place pour le privé par rapport au public ?) mais de manière contigüe à un troisième terme : celui du sacré. Si l’on estime que seuls les banquets accueillant l’ensemble des citoyens étaient considérés comme publics dès l’origine, dans quelle catégorie ranger les banquets rituels réservés aux prêtres ou aux magistrats ? Comme ils ne peuvent être considérés comme privés, il ne reste que la troisième catégorie théorisée par le droit romain, celle du sacré. Une tripartition qui semble plus pertinente que celle d’espace semi-public, catégorie à la fois floue pour nous et pour les anciens45. Il ne fait pas de doute que nous sommes actuellement assez loin de disposer de la capacité d’analyse nécessaire pour distinguer et démêler l’ensemble des termes qui survivent en enjambant les périodes historiques, et dont on tente de restaurer difficilement les sens que ceux-ci acquièrent chaque fois qu’ils franchissent des frontières de sens. Comme le rappelle Yves Sassier : « Les syntagmes res publica, utilitas publica, utilitas populi, les mots auctoritas, potestas, imperium, libertas, sont là − seront longtemps là car la réflexion chrétienne sur le pouvoir les assimilera pleinement »46. Martin Gosman abonde : « Aucune surprise donc si les notions de patria, res ou salus publica, utilitas publica, status regni et natio, notions clés de la pensée romaine, domineront − et cela dès les XIIe et XIIIe siècles − le discours politique »47. Mais, armés de cette alerte à la réflexivité destinée à ne pas prendre la valeur faciale des termes pour leur valeur totale, nous entamons une enquête aussi serrée que possible visant à développer l’analyse des concepts que les contributions à ce dossier vont éclairer.

Que faire avec les concepts ?

  • 48 O. Rudelle, « Claude Nicolet face au dilemme de la République française », Cahiers du Centre Gusta (...)
  • 49 O. Christin éd., Dictionnaire des concepts nomades en sciences humaines, Paris, Métailié, 2010.
  • 50 La bibliographie dépasse certainement ce qu’il est concevable de lire sur le sujet. Pour un premie (...)
  • 51 C. Moatti, op. cit., p. 402.
  • 52 Voir, dans ce numéro, Id., « Essai de logopolitique. Langue, politique, historicité ».
  • 53 I. Cogitore, Le doux nom de liberté. Histoire d’une idée politique dans la Rome antique, Bordeaux, (...)
  • 54 R. Koselleck, Le futur passé. Contribution à la sémantique des temps historiques, J. Hoock et M.-C (...)
  • 55 Voir l’article d’Y. Sintomer utilisant H. Hofmann, « Le concept de représentation : un problème al (...)

20À partir de combien d’accumulation sémantique les « mots voyageurs » (Claude Nicolet)48 deviendraient des « concepts nomades » (Olivier Christin)49 ? Il y aurait pourtant dans cette tentative de rationalisation une démarche bienvenue50, car il est presque certain que ces moments se produisent ; historiquement, par exemple, on peut au moins rappeler, avec Claudia Moatti, qu’« à partir du deuxième siècle, la chose publique entre dans le monde du discours (juridique, historique, politique) »51. À la place, nous voulons attirer l’attention sur la nécessité de faire rupture avec l’idée que les concepts de la politique et de son analyse sont des catégories intangibles. L’apparence de stabilité qui en émane parfois n’est sans doute que la projection sur un terme originel (qui possèdera plus tard l’épaisseur ambigüe du concept) du mouvement d’enrichissement que ses multiples sens accumulent. L’existence d’une croyance en la continuité est favorisée par ce nominalisme – mais les alertes au risque de croire l’inverse sont fort nombreuses. Dans son texte pour ce dossier, Claudia Moatti pose le plus froidement du monde la question : « Que faire quand les anciens n’ont pas conceptualisé telle ou telle notion si importante ? »52. Poser la question, c’est se donner la chance de saisir les moyens de fabrication d’un concept et, derrière, les conditions de sa puissance opératoire. Isabelle Cogitore a repéré l’importance de la démarche dans son travail sur la généalogie de la libertas. Elle écrit : « On notera l’intéressante démonstration de Raaflaub […], selon qui la libertas devient progressivement un “concept politique sérieux”, stade qu’elle n’atteindrait selon lui que sous le règne de Claude »53. La version naïve de ce questionnement théorique est celle de la malicieuse question : à partir de combien de cailloux accumulés au même endroit, il est légitime de parler d’un tas de cailloux ? Alors qu’elle le cite peu dans Res publica, Claudia Moatti revient plus longuement, dans le texte de ce volume, sur la filiation (et l’écart) qui la relie aux travaux de Reinhart Koselleck, qui s’illustrent notamment par l’attention portée dans ses recherches à l’axiome de l’historien allemand : « Un mot devient concept quand la totalité d’un ensemble de significations et d’expériences politiques et sociales dans lequel et pour lequel ce mot est utilisé entre dans ce seul mot [...]. Les concepts sont donc des concentrés d’une multitude de significations »54. D’ailleurs, citant Hasso Hoffmann, Yves Sintomer nous invite aussi, dans ce dossier, à réfléchir aux conditions impératives, et pourtant souvent invisibilisées, de la fabrication mentale et historique de ce que l’on accepte facilement comme un concept : « Ce qui est donc présupposé par une telle histoire conceptuelle, qui doit être distinguée de l’histoire des idées, des problèmes et des institutions, c’est qu’au commencement était le mot, et non le concept […]. Le concept que nous interrogeons ne peut en conséquence être saisi par la recherche en histoire conceptuelle qu’en passant par l’histoire de l’usage du mot de représentation dans les langues spécialisées comme le droit »55.

21Ne s’agit-il pas là d’une invitation à bien décompter les couches en forme de sens sédimentés qui offrent des étages de signification à des mots, solides dans leur apparence nominale mais élastiques dans les référents auxquels ils ont renvoyé, tout au long d’une histoire qui s’est – partiellement en tout cas – décousue ? À partir de combien de réutilisations, réappropriations, re-formations, un mot se transforme-t-il en concept, se détachant de son rôle premier (descriptif d’une réalité immédiate par des acteurs immédiats), pour devenir un référent protéiforme, riche, parfois saturé, à la fois attractif à nos yeux de modernes et profondément trompeur ?

  • 56 C. Moatti, opcit., p. 234.

22Si la question doit être posée, et la réponse patiemment exhumée de l’étude tranche par tranche de l’histoire des idées, il n’en est pas moins exact qu’il faut se garder d’avoir en tête l’image d’un passé conceptuellement rêvé en supposant que les termes qui formaient les armatures des oppositions entre les acteurs politiques de la République faisaient l’objet d’un consensus facilitateur. Dans une section au titre explicite de son ouvrage Res publica (« Trois définitions de la paix et de la liberté »56), Claudia Moatti montre combien, non seulement les définitions antiques de la libertas varient, mais encore qu’au sein même des catégories politiques du peuple, les formes de libertés que chacune des catégories peut revendiquer pour elle-même ou son groupe (populares contre optimates) varient elles aussi.

23Le premier des éléments, on l’a dit, consiste évidemment à faire émerger les conceptions de la République et leur plus ou moins grande centralité politique dans différentes configurations politiques historiques. C’est le titre – en latin – de l’ouvrage de Claudia Moatti.

Les enjeux de la constellation

24On le voit, les défis et les obstacles qui se lèvent devant la possibilité d’une approche des sociétés antiques par la seule exploitation des textes qu’elles ont produits d’elles-mêmes sont nombreux. Peut-on contourner les pièges que tendent les évidences trop visibles, dont on mesure trop difficilement la banale dangerosité lorsqu’on ne cherche plus à la faire passer pour un petit détail dans le lot des petits détails ?

25Louis Gernet a écrit, dans une des versions d’un texte qu’il destinait à encadrer son travail de thèse au début du XXe siècle, des phrases qui dessinent un programme dont nous sommes facilement proches, mutadis mutandis, cent ans plus tard :

  • 57 Cité par J.-P. Vernant dans Passé et présent. Contributions à une psychologie historique, Rome, Ed (...)

Je conçois ce travail comme une étude de philologie et de droit. Les textes sont assez abondants et assez limités. Ce droit attique est suffisamment original pour qu’on puisse aboutir à des résultats vraiment intéressants et généraux. Quel rapport y a-t-il entre le mot et le concept ? Comment s’explique l’indétermination, si souvent observée dans la terminologie juridique des Grecs, et si souvent opposée à la sûreté rigoureuse de la terminologie latine ? Comment une langue juridique s’est-elle constituée ? Comment les mots de la langue commune se sont-ils spécialisés dans cette fonction ? Comment se sont opérés les changements de sens, les changements du vocabulaire, et dans quelle mesure les uns et les autres correspondent-ils à la transformation, à l’abandon ou à la naissance de certaines idées juridiques et morales ? Enfin, s’il y a bien une histoire des concepts connotés par les mots, quel profit peut-on tirer de l’étude du vocabulaire ?57

  • 58 M. Coudry, art. cité.
  • 59 Y. Sintomer, art. cité.

26Du point de vue de cet enthousiasmant programme heureusement incomplété par Louis Gernet, les approches méthodologiques des textes que l’on va lire convergent assez fortement. Comment échapper aux « pièges de la traduction ? », se demande en conclusion Marianne Coudry. Elle répond en mobilisant la notion de paysage conceptuel qu’elle développe ainsi : « C’est plutôt par la notion de paysage conceptuel, c’est-à-dire d’un ensemble cohérent de notions, explicites ou implicites, qui sous-tendent les discours et confèrent aux mots des sens éventuellement divergents, qu’on peut les appréhender »58. Citant Ernesto Laclau et mobilisant la notion de chaîne conceptuelle, Yves Sintomer propose une approche similaire quand il écrit : « C’est d’ailleurs pour cette raison que si les mots fonctionnent dans une certaine mesure comme des signifiants auxquels peuvent correspondre des signifiés différents ou opposés, en fonction des associations qui les lient avec d’autres mots (les “chaînes d’équivalence” d’Ernesto Laclau), les batailles politiques sur les mots ne se livrent jamais autour de signifiants qui seraient complètement vides »59. Ce n’est que par une démarche relationnelle que l’on peut espérer ne pas tomber dans les pièges de la projection des conceptions héritées d’autres univers culturels, pièges auxquels il est impossible d’échapper mais dont on peut réduire l’impact sur les découvertes par cette démarche relationnelle. Il s’agit là de l’intuition méthodologique fondamentale de Claudia Moatti dans son ouvrage Res publica.

Les constellations de la res publica

  • 60 C. Moatti, op. cit., p. 404.

27Par ce biais, il convient alors de se poser la question : combien de conceptions possibles de la res publica ? Certaines paraissent périphériques et ont peu de place dans l’ouvrage de Claudia Moatti, pas du tout dans le texte qui le prolonge et qu’on lira ici. Ainsi, rappelons d’un mot que Claudia Moatti peut proposer en conclusion de son ouvrage la référence à une nouvelle constellation (traitée au chapitre 10) qui émerge au troisième siècle de notre ère : « À la constellation respublica/civitas/populus se substitue une nouvelle série res publica/imperium/orbis : res publica désigne en effet alors l’empire romain tout entier »60. Cette dimension culturelle de la res publica est tardive et peu arrimée aux discours politiques.

28Concentrons-nous sur celles qui sont centrales et tentons de voir comment elles s’articulent les unes aux autres.

29Une première lecture consiste à montrer combien la restitution de Claudia Moatti est ternaire. D’un point de vue méthodologique d’abord : elle suit une méthode dont l’articulation est bien en trois moments dans le texte qu’on lira ici : formalisme, consignifiance, praxéologie.

  • 61 Ibid., p. 258.

30Du point de vue du résultat de l’enquête ensuite. Trois conceptions de la res publica émergent : la res publica comme interaction entre les citoyens, la res publica comme pratique de la légalité, la res publica comme gouvernement61.

31Si, donc, l’analyse fait émerger trois sens reconstitués de la res publica, les textes que nous avons réunis ici – y compris celui de Claudia Moatti elle-même – semblent plutôt considérer deux pôles autour desquels les références à la res publica se font. Arrêtons-nous un instant sur cette différence.

  • 62 F. Champy, art. cité.
  • 63 Y. Sintomer, art. cité.

32C’est bien une opposition duale que repère Flora Champy quand elle entreprend de suivre les usages du mot et les référents conceptuels de la République à partir du XVIe siècle. Elle souligne deux conceptions de la République : « On trouve à l’œuvre chez lui [Rousseau] […] les deux conceptions de la res publica que Claudia Moatti désigne comme distinctes, voire incompatibles [l’idée d’une puissance publique surplombante, dans le sillage de Bodin, et celle d’un espace de conflits, dans l’esprit de Machiavel] »62. C’est à ces deux pôles, ces idéaux-types, que se réfère également Yves Sintomer quand il utilise le schéma de Claudia Moatti pour le prolonger jusqu’à aujourd’hui en se demandant si ce sont les activités des citoyens qui font la res publica ou si c’est cette dernière qui les gouverne et qui les conduit63.

  • 64 C. Moatti, op. cit., p. 258.
  • 65 Ibid., p. 75.
  • 66 Ibid., p. 62-63.

33Il ne fait pas de doute que les deux acceptions de la République structurent l’ouvrage de Claudia Moatti. Comme dit plus haut, elle met au jour ce qu’elle appelle un sens absolu de la res publica : « C’est donc bien, suivant le sens absolu de res publica que nous avons dégagé, au rétablissement de la puissance publique, c’est-à-dire du gouvernement, que procède Octavien en 27 »64. Et à côté de ce sens absolu, un sens, sinon relatif, du moins – pourrait-on dire – relationnel. À côté d’un sens kénotique, on trouve une res publica comme organe autonome et politiquement puissant dans ce passage du livre de Claudia Moatti : « Conception de la res publica, kénotique ou réifiée, selon que l’accent est mis sur les liens entre les citoyens ou sur la puissance publique »65. Deux conceptions de la res publica qui coexistent donc, mais non sans une histoire propre à chacune d’elles qui amène à penser qu’elles se succèdent, même si à partir du IIe siècle elles sont mobilisables toutes les deux. Claudia Moatti le dit bien : « Le modèle “polybien” et sa conception de la res publica trouvent de nombreux échos dans les développements politiques du dernier siècle. Les senatus-consultes dits ultimes […] la législation pénale de Sylla pour punir les crimes contre la res publica, […] la législation augustéenne de lèse-majesté. Retournement majeur : ce n’était ainsi plus l’expérience des affaires communes qui faisait la res publica, mais la res publica, stable et en quelque sorte autonome par rapport aux citoyens, qui guidait l’action »66. On voit bien l’opposition – en tout cas à un niveau idéal-typique – et on voit comment l’un peut dominer par rapport à l’autre.

34Résoudre le dilemme n’est pas simple : y a-t-il deux ou trois conceptions majeures de la res publica ? Il nous semble que c’est du côté de la construction du rôle du peuple qu’il faut aller chercher la solution. Un indice nous est offert par la place qui est donnée au peuple au moment de la res publica restituta d’Auguste en - 27. À ce propos, Claudia Moatti écarte l’idée de voir dans ce moment politique du princeps à Rome le fait de rendre au peuple romain les institutions de son ancien régime politique. Mais elle reconnaît que des éléments laissent penser que l’on pourrait voir ainsi les événements de - 27. En effet : le retour à l’élection des magistrats ou la dévolution des provinces par tirage au sort sont une part importante de la restitution. Certes, on l’a vu, Claudia Moatti tranche finalement en faveur du fait que la restitution d’Auguste ne correspond pas à la restauration de ces pratiques politiques qui pourraient faire de la République un régime ; mais l’élément de la participation du peuple par l’élection pose évidemment question.

35Ce n’est donc pas un hasard si la place que l’on accorde au populus est essentielle pour comprendre le type d’organisation des pouvoirs dans lequel on se trouve et donc pour saisir ce qu’il faut comprendre par res publica.

  • 67 C. Badel, art. cité.

36C’est ce que fait Christophe Badel en posant la question de la place du peuple dans la sphère du public : entre la res publica et la res populi, les deux « choses » étaient-elles distinctes, et, sinon, quand et comment se sont-elles rejointes, à supposer qu’elles l’aient fait ?67

  • 68 J.-L. Fournel, art. cité.

37C’est ce que dit presque mot pour mot Jean-Louis Fournel dans son texte : « La méthode adoptée conduit à mettre en évidence les moments de crise du pouvoir qui se caractérisent par des crises politiques que l’on pourrait appeler des crises sémantiques, car s’y constitue un espace de tension entre communauté et societas iuris, entre deux notions de populus, deux conceptions de la res publica, l’une incluant la conflictualité, l’autre la rejetant au nom d’une entreprise de rationalisation »68.

38C’est aussi ce que fait E. Igor Mineo en examinant les écrits de Leonardo Bruni entre la fin du XIVe et les toutes premières années du XVe siècle. Il montre combien la conception du peuple de Florence – présenté comme l’héritier du populus romain (ou du moins de celui qui n’a pas perdu ses caractéristiques premières, c’est-à-dire avant le funeste moment de la dictature de César) – est profondément dissociée de la conception juridique d’un peuple théorisé pour être source de légitimité politique.

  • 69 C. Moatti, opcit., p. 402.

39On le voit, la question du populus se pose avec autant d’acuité que celle de la res publica ou de la libertas, auxquels il est lié. Et ce d’autant plus que les deux pôles (res publica comme gouvernement vs. res publica comme affaire du peuple) ne sont pas repérables par le biais des associations de termes qui les entoureraient. Comme l’écrit Claudia Moatti : « […] [ce sont] [d]eux conceptions qui emploient le même langage (celui de “chose du peuple”, celui de la maiestas) et qui parfois se superposent »69.

  • 70 A. Rousselle, « Introduction », dans Frontières terrestres, frontières célestes dans l’Antiquité, (...)

40Ainsi, ni la res publica ni les Républiques que nous allons rencontrer dans ce dossier ne se laissent jamais complètement saisir par la recension des termes qu’elles charrient dans les discours qu’elles suscitent. Comme nous l’avons dit, nous n’avons jamais cru que nous allions pouvoir totalement objectiver deux mots latins, devenus plus tard un concept, plus tard encore un étendard politique. Il faut malgré tout rester ferme sur la triple importance des mots, de la langue et des catégories qu’elles fomentent pour empêcher de penser. Comme le rappela Aline Rousselle, « nous n’échappons pas aux mots »70. Elle développait ainsi :

  • 71 Loc. cit.

Aucun archéologue ne peut en effet transcrire ses observations dans le langage sans passer par les habitudes données par les textes, ou par les coutumes interprétatives déjà enracinées dans les publications antérieures […]. Nous sommes évidemment dépendants de nos sources, et plus encore de la façon dont elles ont été traduites dans le langage historique depuis trois cents ans.71

41Mais attendons que notre travail en commun − en espérant d’autres rebonds − réussisse à alerter sur le danger conceptuel et le risque de manquer l’essentiel si l’on traduit res publica par République, et qu’il incite en cascade à interroger sur les multiples fausses filiations qui nous relient à Rome. Si cela se produisait, il n’aura pas été vain.

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Notes

1 C. Moatti, Res publica. Histoire romaine de la chose publique, Paris, Fayard, 2018.

2 Il ne s’agit évidemment pas de faire ici l’historiographie de la réflexion moderne sur la notion de res publica – plus ancienne que l’on pourrait le penser. Voir notamment R. Stark, Res Publica, Göttingen, Dieterichs, 1937. Pour un état des lieux récent, voir G. Vassiliades, La res publica et sa décadence : de Salluste à Tite-Live, Bordeaux, Ausonius, 2020.

3 M. Kaluszynski, « À qui appartient la république ? Objets disciplinaires, objets disciplinés. De l’invitation à l’hybridation disciplinaire », dans L’atelier du politiste. Théories, actions, représentations, P. Favre éd., Paris, La Découverte, 2007, p. 80.

4 A. Allély, La déclaration d’hostis sous la République romaine, Bordeaux, Ausonius, 2012, p. 54.

5 « Mais à maintes reprises, dans cette République, des particuliers même ont puni de mort des citoyens dangereux » (E. Bailly trad., Paris, Les Belles Lettres, 1942). Les passages en gras dans cette citation et dans les trois suivantes sont de nous.

6 Tite-Live, Histoire romaine, XLIV, 22, 13 : « C’est pourquoi, s’il est quelqu’un qui s’assure d’être en mesure de me donner des conseils utiles à l’État dans la guerre que je vais faire, qu’il ne refuse pas ses services à l’État » (P. Jal trad., Paris, Les Belles Lettres, 2003).

7 « […] la supplication qu’ils auraient dû voter en son absence, au reçu de la lettre les informant de ses succès » (P. Jal trad., Paris, Les Belles Lettres, 1971).

8 « Ce fut, en effet, le premier roi qui rompit avec la tradition de ses devanciers de tout soumettre au sénat ; du fond de sa maison, il régla les affaires publiques : guerre, paix, traités, alliances […] » (G. Baillet trad., Paris, Les Belles Lettres, 1943). En politiste, Jean-Luc Chabot oppose res publica et res privata au sein d’une monarchie – même s’il est incertain qu’il ait en tête l’exemple livien de Tarquin : « […] dès lors que le roi assume ses tâches de gouvernement selon une conception ministérielle de soumission à une finalité, le bien commun, celui des gouvernés : le pouvoir politique n’est plus sa res privata, il est devenu la res publica, la chose publique, celle de tous » (Introduction à la politique, Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 2003, p. 124).

9 « Les ouvrages en langues anciennes ne parlent vraiment d’eux-mêmes que dans leur langue bien comprise et leur traduction […]. Personne ne traduit plus Plutarque comme Amyot même si le recours à cette édition reste enrichissant et si traduire reste un devoir des historiens » écrit Patrick Le Roux dans L’Empire romain, histoire et modèles. Scripta varia III, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2022, p. 117.

10 Ce n’est pas le seul manque de définition d’un terme important : « La notion de liberté n’a toutefois pas reçu de définition claire et précise dans l’Antiquité romaine » rappelle Claudia Moatti (Res publica, opcit., p. 48). Nous reviendrons sur la liberté.

11 Ibid., p. 308.

12 Loccit.

13 Par exemple l’article d’A. Grandazzi, « Auguste et l’invention de l’urbanisme mémoriel », dans L’empereur Auguste et la mémoire des siècles, A. Daguet-Gagey et S. Lefebvre éd., Arras, Artois Presses Université, 2018, p. 15-35.

14 Dans un message sur le réseau de micro-blogging Twitter (aujourd’hui X), Jean-Luc Mélenchon poste le 25 février 2017 le message suivant : « Je suis fier d’être un tribun du peuple. J’invite tous mes amis à faire de même : défendre le peuple en toute occasion. #EcologieFi ». Pour qu’un texte comme celui-ci ait un sens, il faut des lecteurs qui l’acceptent.
En ligne : [https://twitter.com/JLMelenchon/status/835554812934639619] (consulté le 13 septembre 2023).

15 M. Gosman, « Alain Chartier, le mythe romain et le pouvoir royal français », dans Entre fiction et histoire : Troie et Rome au Moyen Âge, E. Baumgartner et L. Harf-Lancner éd., Paris, Presses de la Sorbonne nouvelle, 1997, p. 161.

16 Ibid., p. 175.

17 Ibid., p. 163.

18 Voir, dans ce numéro, M. Coudry, « Le Sénat romain de la République : les mots du vote ».

19 Voir plus bas, note 32.

20 Voir, dans ce numéro, E. I. Mineo, « Peuple et république à l’aube de l’humanisme : sur l’inconscient politique de Leonardo Bruni ».

21 Montesquieu, De l’esprit des lois. I [1748], Paris, Gallimard, 1995, p. 97.

22 Flora Champy – dans ce numéro – revient plus précisément que nous ne le faisons ici sur les différences de conception de la République entre Montesquieu et Rousseau.

23 Pour la totalité du texte de Rousseau, voir la contribution de Flora Champy.

24 J.-J. Rousseau, Du contrat social, Paris, Union générale d’éditions, 1973, chap. VI (« De la loi »), p. 99. Sur cette question, on peut lire M. Viroli, « La théorie du contrat social et le concept de République chez Jean-Jacques Rousseau », Archiv für Rechts und Sozialphilosophie, vol. LXXIII, no 2, 1987, p. 209.

25 Ainsi, un exemple parmi tant d’autres : « L’assemblée du peuple est identique à l’armée. Elle n’intervient que par des acclamations. Le suffragium est, par étymologie, le fracas de l’approbation populaire […] » (A. Piganiol, Histoire de Rome, Paris, PUF, 1962, p. 31). Mais comment le peuple produisait-il un fracas d’approbation ? Et s’il n’approuvait pas ?

26 M. Marion, Ludwig Wittgenstein. Introduction au « Tractatus logico philosophicus », Paris, PUF, 2004, p. 9.

27 O. Kharkhordin, « Why res publica is not a state: The stoic grammar and disruptive practices in Cicero’s conception », History of Political Thought, vol. XXXI, no 2, 2010, p. 227. Nous traduisons.

28 P. Veyne, « Foucault révolutionne l’histoire », dans Id., Comment on écrit l’histoire. Essai d’épistémologie, Paris, Le Seuil, 1978, p. 257.

29 Selon la jolie formule de Roman Bertrand, Dipesh Chakrabarty, dans Provincialiser l’Europe, a été conduit à « réfuter l’universalisme d’opérette de la philosophie européenne ». Voir R. Bertrand, « Comptes rendus. Dipesh Chakrabarty. Provincialiser l’Europe. La pensée postcoloniale et la différence historique. O. Ruchet et N. Vieillescazes trad., Paris, Éd. Amsterdam, [2000] 2009, 381 p. », Annales. Histoire, Sciences Sociales, vol. LXXV, no 3-4, 2020, p. 823.

30 « Une fois que l’on a renoncé aux catégories anachroniques et ethnocentriques faussement universelles, comme l’amour, la guerre, la femme, la philosophie ou la démocratie, ou encore le pouvoir, et qu’on a décidé de s’en tenir aux catégories indigènes de la langue et de la culture, tous les dangers ne sont pas écartés » (F. Dupont, L’Antiquité, territoire des écarts, Paris, Albin Michel, 2013, p. 127).

31 Dans son article pour ce numéro (« De la république : la méthode, le mot et le concept vus du XXIe siècle. À propos de l’ouvrage Res publica de Claudia Moatti »), Yves Sintomer reprend explicitement la position qui signale le danger en critiquant « les visions positivistes qui tiennent pour acquis le sens transhistorique des notions ».

32 C. Lévi-Strauss, Anthropologie structurale, Paris, Plon, 1958, p. 325.

33 P. Clastres, Chronique des Indiens Guayaki [1972], Paris, Pocket, 2001.

34 H. Wismann, Penser entre les langues, Paris, Albin Michel, 2012. On lira aussi la remarquable critique que lui a consacrée le philosophe Christophe Laudou, « Note sur : Heinz Wismann. Penser entre les langues, Paris, Albin Michel, 2012 », Klesis, revue philosophique, 26, 2013. En ligne : [https://www.revue-klesis.org/pdf/Klesis-Varia-IV-6-Laudou-Heinz-Wismann-Penser-entre-les-langues.pdf] (consulté le 13 septembre 2023).

35 J. Scheid, La religion des Romains, Paris, Armand Colin, 2019, p. 30.

36 Y. Berthelet, Gouverner avec les dieux. Autorité, auspices et pouvoir sous la République romaine et sous Auguste, Paris, Les Belles Lettres, 2015, p. 19.

37 Voir, dans ce numéro, C. Badel, « Les banquets publics sous la République romaine : des banquets pour le populus ? ».

38 C. Moatti, op. cit., p. 391, n. 1.

39 Cicéron, De divinatione, II, 149 : « ut religio propaganda etiam est, quae est iuncta cum cognitione naturae, sic supersitionis stirpes omnes eiiciendae » (F. Guillaumont trad., Paris, Les Belles Lettres, 2023).

40 Tite-Live, Histoire romaine, I, 45, 7.

41 G. Baillet trad., Paris, Les Belles Lettres, 2003.

42 L’ouvrage de Claudia Moatti rappelle plusieurs fois l’importance de la religio. Outre la note 31, on peut relever l’insistance des pages du Res publica (opcit., p. 127, n. 4) sur le fait que le lien entre res publica et religio est essentiel. Claude Nicolet n’aurait sans doute jamais accepté de reconnaître l’importance de cette relation – son Métier de citoyen s’en trouve de ce point de vue affaibli. Il n’en découle pas que Gouverner avec les dieux de Yann Berthelet – aussi riche et précis soit cet ouvrage – ait permis de saisir la spécificité du sacré politique des Romains.

43 Voir, dans ce numéro, J.-L. Fournel, « Des crises sémantiques comme crises politiques : à propos de Res publica de Claudia Moatti ».

44 Pour le passionnant résultat d’un colloque déjà un peu ancien, qui s’ouvre d’ailleurs sur un article de Valérie Huet sur les représentations iconographiques des banquets, voir A. Dardenay et E. Rosso éd., Dialogues entre sphère publique et sphère privée dans l’espace de la cité romaine. Vecteurs, acteurs, significations, Bordeaux, Ausonius, 2013.

45 Ibid.

46 Y. Sassier, Royauté et idéologie au Moyen Âge. Bas-empire, monde franc, France (IVe-XIIe siècle), Paris, Armand Colin, 2012, p. 11.

47 M. Gosman, art. cité, p. 167.

48 O. Rudelle, « Claude Nicolet face au dilemme de la République française », Cahiers du Centre Gustave Glotz, no 22, 2011, p. 141-149.

49 O. Christin éd., Dictionnaire des concepts nomades en sciences humaines, Paris, Métailié, 2010.

50 La bibliographie dépasse certainement ce qu’il est concevable de lire sur le sujet. Pour un premier éclairage passionnant, voir B. Karsenti éd., D’une philosophie à l'autre. Les sciences sociales et la politique des modernes, Paris, Gallimard, 2013.

51 C. Moatti, op. cit., p. 402.

52 Voir, dans ce numéro, Id., « Essai de logopolitique. Langue, politique, historicité ».

53 I. Cogitore, Le doux nom de liberté. Histoire d’une idée politique dans la Rome antique, Bordeaux, Ausonius, 2011, p. 227.

54 R. Koselleck, Le futur passé. Contribution à la sémantique des temps historiques, J. Hoock et M.-C. Hook trad., Paris, Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales, 1990, nouvelle édition revue et complétée, 2016, p. 133.

55 Voir l’article d’Y. Sintomer utilisant H. Hofmann, « Le concept de représentation : un problème allemand ? », G. Pégny trad, Raisons politiques, no 50, 2013/2, p. 79-96.

56 C. Moatti, opcit., p. 234.

57 Cité par J.-P. Vernant dans Passé et présent. Contributions à une psychologie historique, Rome, Edizioni di Storia e letteratura, 1995, p. 138.

58 M. Coudry, art. cité.

59 Y. Sintomer, art. cité.

60 C. Moatti, op. cit., p. 404.

61 Ibid., p. 258.

62 F. Champy, art. cité.

63 Y. Sintomer, art. cité.

64 C. Moatti, op. cit., p. 258.

65 Ibid., p. 75.

66 Ibid., p. 62-63.

67 C. Badel, art. cité.

68 J.-L. Fournel, art. cité.

69 C. Moatti, opcit., p. 402.

70 A. Rousselle, « Introduction », dans Frontières terrestres, frontières célestes dans l’Antiquité, A. Rousselle éd., Perpignan, Presses universitaires de Perpignan, 1995, p. 8.

71 Loc. cit.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Virginie Hollard et Romain Meltz, « Res publica. Étude et réception d’une constellation »Astérion [En ligne], 29 | 2023, mis en ligne le 31 décembre 2023, consulté le 17 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/asterion/10363 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/asterion.10363

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Auteurs

Virginie Hollard

Université Lumière Lyon 2, laboratoire Hisoma (UMR 5189) • Virginie Hollard est maître de conférences en Histoire romaine à l’université Lumière Lyon 2. Ses travaux portent sur deux grands thèmes d’histoire politique romaine : la pratique du vote sous la République et le Haut-Empire (Le rituel du vote, CNRS Éditions, 2010 ; Histoire(s) d’élection(s), CNRS Éditions, 2018 ; Voter à Rome, en Grèce et en Gaule. Lieux, pratiques et finalités, MOM Éditions, 2019) et les pratiques d’exercice du pouvoir (« Villégiature et construction de la figure du gouvernant dans la Rome impériale du Ier s. ap. J.-C. Repérage à partir des œuvres historiques de Suétone et Tacite », dans Villégiature et société dans le monde romain de Tibère à Hadrien, O. Devillers éd., Ausonius, 2014, p. 229-240 ; « Monarchie et Démocratie dans l’analyse du Principat d’Auguste par Dion Cassius. Pistes de réflexion à partir des événements électoraux augustéens dans l’Histoire romaine », dans L’empereur Auguste et la mémoire des siècles, A. Daguet-Gagey et S. Lefebvre éd., Artois Presses Université, 2018, p. 37-50).

Romain Meltz

Université Lumière Lyon 2 • Romain Meltz est agrégé de sciences sociales et enseigne à l’université Lumière Lyon 2 depuis 2009. Il a co-dirigé le numéro 132 de la revue Mots. Les langages du politique sur la question des termes du vote depuis la République romaine et il a publié, dans ce même numéro, un article sur les difficultés à retracer l’histoire du terme élection.

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