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Recensions

Céline Borello, La république en chaire protestante. xviiie-xixe siècles

Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Histoire », 2017, 328 p.
Vincent Petit
p. 149-150
Référence(s) :

Céline Borello, La république en chaire protestante. xviiie-xixe siècles, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Histoire », 2017, 328 p.

Texte intégral

1L’ouvrage de Céline Borello, professeure d’histoire moderne à l’université du Mans, s’intéresse à un sujet classique, les relations entre État et Église, en l’occurrence les Églises réformées et luthérienne francophones, mais sous l’angle original de la prédication, et plus précisément encore du contenu sociopolitique ou métapolitique du prêche. Car par république l’autrice entend moins la forme spécifique d’un régime bien identifié que l’intérêt porté par les pasteurs à la chose publique (res publica), du milieu du xviiie au milieu du xixe siècle. Il s’agit évidemment de prier successivement, et avec la même ferveur, pour le roi, la république, l’empereur, mais plus encore d’instruire et d’encourager les fidèles à louer et à pratiquer en tant que chrétiens l’amour de la patrie, la concorde nationale, la recherche du bien commun, la paix, la charité et la justice… Le choix d’une temporalité longue, surplombant les scansions politiques, est justifié par l’argument théologique : l’autrice en conclut assez logiquement au loyalisme (au « régimisme », écrit-elle) des pasteurs, fût-ce au temps de la clandestinité sous la monarchie d’Ancien Régime, fût-ce au temps de la Restauration qui refit du catholicisme la religion de l’État. Car contrairement à l’idée reçue – l’autrice parle même de mythe (p. 294) – qui consisterait à penser le discours des pasteurs comme intrinsèquement républicain (au sens contemporain du terme, cette fois), en réalité l’homilétique protestante ne se distingue guère de la catholique. D’ailleurs, l’autrice note que sur l’ensemble de la période des catholiques ont assisté aux prédications protestantes (p. 76).

2Cet ouvrage, d’une grande érudition (deux coquilles dans les dates, p. 30), est issu d’un mémoire d’habilitation dont il a conservé une rédaction très académique. La première partie est consacrée à la présentation de l’enquête, qui renvoie à des annexes conséquentes avec la liste des sermons étudiés (l’autrice a publié depuis Dieu, César et les protestants, Anthologie de discours pastoraux sur la res publica, 1744-1848, Honoré Champion, 2019), et aux conditions matérielles de l’exercice. On sait l’importance de la Parole dans le culte protestant : comment rédiger un sermon ? Comment le lire ? Comment les pasteurs y sont-ils formés ? Petit regret. On notera dans le corpus des sermons étudiés une sous-représentation certaine des luthériens alsaciens et montbéliardais, et l’absence non expliquée d’autres dénominations protestantes, comme les anabaptistes-mennonites. La deuxième partie s’attache à décrire les « fondements » théologiques de la prédication protestante, parole de soumission aux autorités constituées, mais aussi de revendications sociopolitiques, à travers l’emploi de ressorts rhétoriques où se mêlent figures bibliques et références historiques (l’importance de l’histoire dans le discours des pasteurs étant aussi analysée dans le chapitre IX). La troisième partie qui s’intéresse davantage à la réception de ces discours est plus hétérogène, avec en particulier un dernier chapitre (« Hors de la chaire ») qui peut paraître hors-sujet mais s’inscrit très utilement, comme l’ensemble du livre résumé dans une conclusion excellente, dans le débat sur la contribution des Églises chrétiennes à la formation des citoyens français. Obéir à la loi, payer ses impôts, défendre la patrie, agir pour le bien commun : l’homilétique protestante du service dominical vaut bien un cours d’éducation civique.

3Car enfin ce qui compte vraisemblablement dans les sermons des pasteurs, tel que pouvaient le comprendre ceux qui les écoutaient, ce n’est pas le rappel à l’obéissance au souverain, quel qu’il soit, car cela n’a guère d’importance face aux prescriptions administratives, militaires, fiscales et religieuses… Le concept moqueur de « girouettisme » (p. 157) apparaît trop facile. Pour les fidèles protestants, comme pour leurs semblables catholiques ou israélites, et pour parler comme eux, le nom de celui qui exerce nominalement l’autorité importe moins que la permanence de l’ordre politique (autre nom de l’État profond ?) issu de la volonté du peuple peut-être, un peu, parfois, en apparence, mais surtout de celle de Dieu, toujours.

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Pour citer cet article

Référence papier

Vincent Petit, « Céline Borello, La république en chaire protestante. xviiie-xixe siècles », Archives de sciences sociales des religions, 192 | 2020, 149-150.

Référence électronique

Vincent Petit, « Céline Borello, La république en chaire protestante. xviiie-xixe siècles », Archives de sciences sociales des religions [En ligne], 192 | octobre-décembre 2020, mis en ligne le 31 décembre 2020, consulté le 18 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/assr/57222 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/assr.57222

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Auteur

Vincent Petit

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